Le capbreu de Montferrer, étude du livre de reconnaissances d’une seigneurie laïque du Haut Vallespir réalisé en 1339.

Guillaume DALMAU

n 1339, la seigneurie vallespirienne de Montferrer est entre les mains de la branche cadette de la famille vicomtale de Castelnou depuis un peu moins d’un siècle. Son seigneur se prénomme alors Dalmau, troisième du nom. Cette année, Dalmau III commande au notaire public de Monferrer, Bernardus de Luperia E  –le recteur de l’église paroissiale–, la rédaction d’un capbreu ou livre de reconnaissances . Il s’agit d’une liste de déclarations de tous les dépendant du seigneur, où sont énumérés les biens terriens qu’ils tiennent pour le seigneur avec les redevances dues pour l’usage de la terre. L’intérêt du seigneur est clair : la connaissance des terres qu’il acense et par là des rentes qui lui sont dues. Cette étude s’inscrit dans la lignée de travaux déjà réalisés sur ce même type de sources, en particulier les très célèbres capbreus royaux de la cours perpignanaise de Majorque. Mais au-delà des simples relations matérielles liant le seigneur à son tenancier décrites dans le capbreu, ce document nous offre également de nombreux renseignements (économie, population…) notamment une image très précise de l’exploitation agraire. Ce livre de re- connaissances est donc l’occasion de s’intéresser aux exploitations agraires, qui structurent les campagnes de Montferrer et ce, une décennie avant la crise démographique de 1348.

 - Dalmau I –grand-père de Dalmau III– a très certainement reçu en guise de chasement ce territoire au lendemain de la mort du vicomte Jaspert IV –frère aîné de Dalmau I– en 1268, in POISSON (Gabriel), Les vicomtes de Castelnou (XIe - XIVe siècle), mémoire de maîtrise sous la direction de Laurent Macé, Toulouse-Le Mirail, septembre 2005, Tome I, pp. 96-97 et 112-113.  - Nous empruntons ce terme à Rodrigue Tréton pour qui la traduction française de capbreu en « terrier » Guillaume DALMAU, étudiant en ne convient pas, le terme de terrier « a été employé selon les régions pour désigner des formes assez variables Master, Le capbreu de Montferrer, reflet d’inventaires seigneuriaux » –TRETON (Rodrigue), « Un prototype ? Remarques à propos d’un capbreu d’une communauté rurale du Haut- des revenus et usages du comte d’Empúries dans le castrum de Laroque-des-Albères fait en 1264 », in Vallespir en 1339, mémoire de Master I sous la direction d’Aymat Catafau, CAMIADE (Martine) –dir.–, L’Albera, Terre de passage, de mémoires et d’identités, Actes du colloque de Université de , juillet 2006, Banyuls-sur-Mer (3-4 mai 2005), Presses Universitaires de Perpignan, Saint-Estève, 2006, p. 49-76. 342+90p. L’édition du capbreu de  - Pour mieux apprécier le contenu et la forme des déclarations du capbreu de Montferrer, nous avons Montferrer est en cours de préparation sélectionné une, la déclaration 4, qui est retranscrite et publiée en annexe du présent article. en collaboration avec Aymat Catafau.

Domitia, n°8, janvier 2007, p..-.. Illustration 1 : Localisation du village de Montferrer dans le département des Pyrénées-Orientales.(cl. O. Passarrius)

Illustration 2 : Photos du château de Montferrer (vue aérienne)

2 Le Capbreu de Montferrer... Illustration 3 : Photos du château de Montferrer (Porte d’accès au castrum)

Brève présentation du capbreu de Montferrer :

Le capbreu de Montferrer est conservé aux archives départementales des Pyrénées-Orien- tales parmi les fonds provisoires de la série 1Bp, sous la cote 1Bp839. Ce livre de reconnaissances fut rédigé sur un support papier au format 43 cm de long sur 29,5 cm de large, plié en deux et cousu en son centre par une ficelle renforcée par deux morceaux de parchemin. Son état de conservation est fort correct malgré quelques taches dans sa partie haute liées à un contact plus ou moins prolongé avec l’eau. Cet état est d’autant plus satisfaisant que des mentions en marge du corps du texte de reconnaissance confirment un emploi tardif du document durant la période moderne. Tel qu’il nous est parvenu le capbreu présente quarante quatre folii, renfermant vingt deux déclarations. À l’origine, il portait dix folii supplémentaires (cinq au début et leur pendant à la fin), ce qui explique pourquoi le capbreu débute au folio six. Enfin il semble intéressant de signaler que le capbreu qui nous est parvenu semble n’être qu’un volume d’une entreprise qui a pu compter d’autres volumes disparus. Centrons à présent ce propos sur les renseignements qu’offre le capbreu dans la connais- sance de la campagne médiévale au XIVe siècle, plus particulièrement sur l’exploitation agraire à Montferrer. La richesse du capbreu permet d’étudier trois réalités de l’exploitation agricole : sa forme, ses éléments constitutifs et les enseignements que nous apportent son nom.

 - Nous les citerons désormais sous la forme suivante : A.D.P.O.  - Dans les prochaines lignes nous ne ferons plus référence à la cote du dit capbreu. Ainsi les folii et déclarations cités dans le présent article sont tous extraits du capbreu de Montferrer (A.D.P.O., 1Bp839), sauf mentions contraire.  - Cinq folii étaient présent au début du capbreu, et autant à la fin.  - Cette remarque est basée sur le rapport établi entre le nombre d’exploitations agraires déclarées au fil des vingt deux reconnaissances contenues dans le capbreu, soit vingt-six mas et bordes, et le nombre d’exploitations foncières citées (nous entendons par là les exploitations rencontrées dans les confronts de terre), soit plus d’une cinquantaine de mas et bordes, sans que nous connaissions réellement le nom de leur propriétaire originel (le seigneur de Montferrer ?) ou encore leurs exploitants.

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau  Illustration 3 : Carte paroisse fi nage castal

L’expLoitation agraire, un ÉLÉMent aux MuLtipLes facettes :

Comme toute la haute vallée du , Montferrer se caractérise par la dispersion de l’ha- bitat en mas et bordes8. Cette dispersion de l’habitat est antérieure à l’érection du château seigneurial. Aussi l’attraction castrale ne modifi a pas l’aménagement de l’espace en unité d’exploitations dispersées. Organisant le territoire au niveau local, le mas ou la borde se rajoutent à la paroisse et au château comme élément structurant la vie quotidienne des hommes de ce territoire.

a. L’unité historique du mas ou de la borde :

L’étude de la confi guration générale d’un mas ou d’une borde avait pour préalable l’étude de la distinction entre un mas et une borde. Malgré une limite liée à l’absence d’informa- tion sur les surfaces des terres, la mise en parallèle du nombre moyen de terres attachées à un mas ou à une borde fait ressortir un écart de l’ordre de 5%, que l’on juge suffi sant pour conclure à ce qui semble être la disparition au XIVe siècle des diff érences « originelles » entre mas et borde. Si cette opposition semble avoir disparu dans la réalité, la terminologie s’est quant à elle conservée. Qu’en est-il alors de la forme de l’exploitation agraire ?

Le scribe en donne une défi nition dans le capbreu lorsqu’il évoque le cens dû. Qu’il s’agisse d’un mas ou d’une borde, le scribe précise les grandes composantes territoriales de l’exploi- tation sous la forme suivante : Pro qua tota supradicta mansata mea del Puyol et pro hospicio et quintano et aliis omnibus peciis terre et vinea […] (d. 4) ; Pro qua tota supradicta borda de Ruyra Superiori et aliis omnibus terris et possessionibus suis et hospicio dicte borde […] (d. 3). Cette segmentation des éléments constitutifs du mas, nous amène à l’idée suivante : qu’il s’agisse d’un mas, d’une borde, il existe une homogénéité dans ses diff érentes composantes.

8 - Il conviendra alors dans notre propos de diff érencier les deux termes mentionnés dans le capbreu, à savoir les termes mansus ou borda latins, en les transposant en mas (en catalan) et borde (en français).

4 Le Capbreu de Montferrer... chéma du mas unité d’exploitation unité mas du chéma S

Il est alors possible d’établir un modèle type du mas9, comme unité d’exploitation de la terre, dont les éléments sont relativement éclatés et dispersés. En eff et, l’exploitations n’est pas d’un seul tenant, les terres n’étant pas groupées autour du bâtiment central10. Cette dispersion relative des parcelles dans le fi nage s’exprime dans le capbreu de Montferrer à travers la toponymie. Rares sont les mas pourvus de plus de trois terres sur un même lieu. Mais cette dispersion est relative et se limite à une aire de proximité de l’habitation, assimilable à un vallon.

9 - Dans un soucis de clarté de notre propos, nous prenons le partie d’employer désormais le terme mas, pour désigner de manière uniforme l’exploitation agraire, que le scribe emploie le terme de mas ou de borde. 10 - TO i FIGUERAS (Lluís), « Le mas catalan du XIIe s. : genèse et évolution d’une structure d’encadre- ment et d’asservissement de la paysannerie », in Cahiers de Civilisation Médiévale, XXXVI, n°, Poitiers, 1993, p. 160.

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMAU 5 b. Le mas comme une unité d’exploitation :

Si le mas est considéré comme une unité d’exploitation agricole, ceci signifie-t-il pour autant que toutes les terres cultivées par le tenancier dépendent du mas qu’il tient ? La seule lecture de l’exemple suivant, choisi parmi tant d’autres, nous montre une réalité plus complexe : Item teneo etc ego et mei infra dictos terminos dicti castri pro dicto nobili et suis successoribus jure directi dominii, quandam peciam terre que fuit de possessionibus mansi de Quintano de ecclesia, que est loco vocato Al Puyol (d. 4, f. 11v°). Le tenancier déclare ici comme faisant partie de son exploitation réelle –le mas Podiolo– une pièce de terre –Al Puyol– qu’il tient pour le mas de Quintano de ecclesia. Dès lors une véritable distinction apparaît au sein même de l’exploitation d’un tenancier, entre les terres que nous pouvons qualifier « d’originelles », ou historiquement attachées au mas, et celles qui sont exploitées par le tenancier mais qui dépendent historiquement d’un autre mas. L’étude du capbreu de Montferrer a montré qu’unité d’exploitation réelle et mas originel ne coïncident quasiment jamais puisque le tenancier tient ou a donné en sous-acensement au moins une terre. Ainsi il n’existe qu’un seul cas où le tenancier cultive uniquement et en totalité les terres historiquement attachées à son mas11. Sur cette idée un nouveau schéma de principe du mas peut être élaboré. L’exploitation agricole n’est donc pas figée. Le tenancier ne se cantonne pas uniquement aux terres appartenant à son mas ou sa borde mais peut, par le biais du sous-acensement, en tenir pour d’autres exploitations ou encore en donner à des tenanciers d’autres mas. Se pose alors la question du cadre juridique dans lequel s’inscrivent ses terres venues d’un autre mas. Les terres sous-acencées s’inscrivent dans un bail à acapte et demeurent en contact direct avec leur mas d’origine, comme le rappelle le scribe en employant l’expres- sion : tenet de possessionibus. Donc, malgré un certain dynamisme de l’exploitation agricole, le mas demeure un pivot de référence immuable dans la description de l’origine de la terre. Mais comme le rappelle Lluís To, « plus encore qu’une unité d’exploitation agricole le mas est une unité de prélèvement seigneurial »12.

c. L’unité de prélèvement du mas :

L’intention n’est pas dans les lignes suivantes de dresser une liste exhaustive des divers type de cens s’abattant sur les tenanciers13, mais plutôt de s’interroger sur le mas, comme cette cellule de base du prélèvement seigneurial. Une question se pose : à quel niveau s’insèrent les prélèvements seigneuriaux. Se font-ils au niveau du mas historique, ou bien pour chaque unité d’exploitation ? Le capbreu nous confronte à trois types d’unité d’exploitation : - les mas ou bordes tenus directement du seigneur et qui se sont accrus de terre venant d’autres mas et en même temps défaits de terres de leur mas historique via les sous-acense- ments. - les mas ou bordes tenus indirectement pour le seigneur, car provenant d’un sous- acensement ou d’une vente faite par le tenancier qui la tenait directement du seigneur. - les mas ou bordes tenus pour un autre seigneur que celui de Montferrer, mais avec une obligation du tenancier d’assurer fidélité au seigneur de Montferrer.

L’analyse de chacun des cas précis permet d’attester à une coïncidence ou une divergence 11 - Il s’agit du déclarant 16 qui tient la borde de Queralbs et cultive les trois terres qui y sont attachées. 12 - TO i FIGUERAS (Lluís), « Le mas catalan du XIIe s. …, p. 160. 13 - Nous pouvons très rapidement évoquer les différents types de redevances : • Redevances à parts de fruits qui se résument en grande majorité à la tasque ou la dîme (celle-ci est divisée à 2/3 pour le seigneur de la terre ; le tiers restant étant dévolu au clergé). Parfois il est fait mention de septenam, cossuram et primiciam. • Cens fixe défini soit en nature (panier de choux, poignées de céréales, fagot de bois…), soit en numé- raire.

 Le Capbreu de Montferrer... entre l’unité réelle d’exploitation et l’unité de prélèvement et entre l’unité historique du mas et l’unité de perception, suivant les redevances dont il est question. En effet, nous pouvons dire que : - le cens fixe est payé au seigneur dans la cadre de l’unité historique du mas. C’est le tenancier d’un mas ou une borde qui paye un cens fixe pour l’ensemble des terres histori- quement attachées à son mas, qu’il les cultive ou non. Dans le cas d’un sous-acensement, le sous-tenancier est tenu de donner un cens au tenancier qui lui a sous-acensé la terre ou la borde. - les redevances à parts de fruits sont perçues quant à elles, dans le cadre de l’unité réelle d’exploitation, c’est-à-dire sur les terres exploitées par le tenancier qu’elles appartiennent ou non à leur mas historique. Sur ce principe, nous pouvons réaliser un schéma présentant toute la complexité des formes de prélèvement sur les exploitations du territoire de Montferrer au XIVe siècle. Le capbreu de Montferrer en raison de ces nombreuses précisions, a donc permis de dresser un portrait du mas comme unité historique, une unité d’exploitation réelle mais encore comme une unité de prélèvement. Une fois posées ces remarques abordons les deux élé- ments constitutifs de l’exploitation agraire : les biens bâtis et les biens fonciers.

Les composantes de l’exploitation agricole :

Lieu de vie des hommes de Montferrer, l’exploitation agraire est pour eux au centre de leurs préoccupations, leur survie en dépendant. Nous pouvons alors nous interroger sur leur lieu de vie, la forme de leur habitat, l’emploi des bâtiments agricoles, leur localisation. L’étude des divers éléments constitutifs de l’exploitation agraire est scindée en deux grou- pes : d’un côté les éléments bâtis et de l’autre les biens fonciers.

a. Le bâti à Montferrer :

Les bâtiments qui composent le mas sont divers, en raison de leur nom, et par conséquent pour leur finalité : bâtiments destinés au logement des hommes, des bestiaux…

élément central et lieu de vie de la famille paysanne au sein de leur mas, il s’agit de ce que le capbreu de Montferrer nomme : hospicium (sans distinction entre mas et borde). L’unanimité est totale, à vingt deux exploitations déclarées répondent vingt deux hospicii dans lequel le tenancier est tenu de résider14. Bien que chaque déclarant possède un hos- picium, ceci ne signifie pas pour autant qu’à chaque mas correspond un hospicium, comme en témoigne la déclaration 5 où Pere Antoni Oliver possède deux bordes mais un seul hospicium. Il est alors clair qu’il n’y a qu’un seul hospicium par exploitation. Concernant la configuration de ce mas-habitat le capbreu reste muet. Tout juste pouvons nous signaler la présence d’une pièce pourvue d’un feu. Toutefois le capbreu nous donne accès à des éléments de localisation du mas dans le paysage général15. Deux éléments ressortent : la connection de cette demeure avec un réseau de voies et communication16, mais aussi son accès à l’eau17. L’hospicium, élément central de vie des paysans, n’est pas le 14 - in quo hospicio meum facio domicilium et ignem et habitationem continuam et personalem (d. 3, f. 9r°). 15 Ces éléments ont été répertoriés in BOLOS ( Jordi de), Els origens medievals del paisatge català…, p. 260. 16 - La présence de via approchant l’hospicium représente douze cas sur vingt deux. Parmi celles-ci certaines touchent la demeure, d’autres confrontent le quintanum ou la femata (pièces de terre ceinturant l’hospi- cium). 17 - Les mentions directes de puits se limitent à un seul cas : Item quandam ortum meum vocatum ortus del Pou. In quo orto est quidam puteus aque (f. 30v°). En revanche, il n’est pas inhabituel de trouver dans les

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau  seul bien bâti établis sur l’ensemble du finage villageois. Des éléments ont été bâtis au sein de la cellera castrale, « ce quartier original »18 qui regroupe plusieurs biens bâtis dans ce territoire du Vallespir où la dispersion est de mise. Le terme généralement employé pour définir un bien bâti dans la cellera castrale de Mont- ferrer, est le terme latin de domus (avec des termes associés qualifiant le type d’élévation : rez-de-chaussée –sotulum– ; étage –solerium–), que non avons coutume de traduire par maison. C’est d’ailleurs, ce même terme qui est employé dans d’autres sources concernant d’autres espaces et villages roussillonnais19. Toutefois la lecture minutieuse du capbreu, nous ammène qui peut aussi bien renvoyer au bâtiment en élévation, qu’au nombre de foyers qu’elle peut accueillir. Mais les tenanciers, astreints à résider dans l’hospicium20, ne vivaient pas dans les domos de la cellera. Aussi quel rôle jouaient ces demeures présentes au pied du château seigneurial ? Un premier constat doit être posé : seul onze déclarants ont des biens dans la cellera sur vingt et une déclarations (la vingt deuxième déclaration est incomplète)21. En fait, la cellera castrale pourrait s’apparenter à un village, au pied du château. Nous sommes alors bien loin d’un lieu fortifié protégeant les celliers des tenanciers de mas. Il semble plutôt qu’à Montferrer, avec l’établissement de la branche cadette vicomtale et de leur château, se soit réalisé un incastellamento, regroupant ainsi derrière une fortification des hommes au sein d’un espace que l’on appelle cellera. Ce nom de cellera s’explique peut-être par coutume avec dans un temps les celliers des mas regroupés dans cet espace clos, ou par l’influence de la présence du cellier seigneurial. Ceci ne résout pas le problème de sa fonction. Peut- être s’agit-il d’un lieu de stockage d’outils saisonniers pour les tenanciers ? d’un bien loué ? La seule certitude était que certains hommes vivaient dans les domos voisines de celles des tenanciers ce qui leurs vallait le qualificatif « de Montefferrario ».

Si la domus domine la cellera, le capbreu mentionne également un casale : quoddam casale in cellaria castri de Montefferrario (d. 3). De quoi s’agit-il ? Peut-être une construction som- maire à la différence des domos ? Une maisonnette ?, ou encore un entrepôt ? ou un abri pour y recueillir le matériel d’exploitation non usuel mais au contraire saisonnier ? Enfin nous citerons dans ce groupe des biens bâtis dans la cellera un élément non construit : le patuum. Présent dans deux déclarations du capbreu, il s’agit d’un espace découvert que l’on peut traduire par « la cour ». De petite taille, elle peut être mitoyenne de la maison22 avec laquelle elle est déclarée –patuum dictis domibus contiguum (d. 5)–, mais nous pouvons la retrouver non adjacente à la maison, mais dans un autre espace de la cellera –d. 4–. Quel est sa fonction ? Il est soit rattacher à une courette permettant d’entreposer le bois pour la domus ou à une culture sommaire lorsque la domus y est accolée, soit à un futur terrain à bâtir lorsque le patuum n’est pas mitoyen avec la domus et peut être même avec une taille plus importante23. Après cet aperçu des biens bâtis du mas destinés directement à l’homme, étudions les bâtiments agricoles du mas. Pour ceux nous diviserons en deux groupes ces

confronts de l’hospicium ou de ses abords –quintanum, femata– une rivière ou un torrent (il y en a cinq mentions). 18 - CATAFAU (Aymat), « La cellera et le mas en Roussillon au Moyen âge : du refuge à l’encadrement seigneurial », in Journal des savants, Juillet-Décembre 1997, p. 347. 19 ( CATAFAU (Aymat), « La maison rurale en Roussillon…, p. 173. 20 - facientes residenciam seu inhabitacionem continuam et personalem in hospicio (d. 3, f. 9r°). 21 - Il est probable d’associer l’absence de biens dans la cellera de certains mas déclaré à des logiques suc- cessorales ; en particulier au lendemain du placement dans des domos des cadets de mas, afin de garder leur intégrité territoriale, in TO i FIGUERAS (Lluís), « Estrategias familiares y demografía : una aproximacíon a partir de las fuentes catalanas », p. 129-156, in Aragón en la edad media, Demografía y sociedad en la España bajomedieval, Sesiones de trabajo de un seminario de Historia Medieval, Universidad de Zaragoza, 2002, p144-145. C’est très certainement dans cette logique successorale que l’on peut comprendre que Pere Salvet de Montferrer, frère de Bartholomeu Salvet (déclarant 10), est pourvu d’une domos dans la cellera de Montferrer. 22 - CATAFAU (Aymat), Les celleres et la naissance du village…, p. 86. 23 - CATAFAU (Aymat), « La maison rurale en Roussillon…, p. 178-179.

 Le Capbreu de Montferrer... locaux d’exploitation agricole : d’un côté les bâtiments destinés à l’élevage des bestiaux et des volatiles, nous entendons par là les cortale, columbaria et porcha, présents dans notre source ; et d’un autre côté les bâtiments servant à la transformation de la matière première c’est-à-dire le molendinum.

Parmi les bâtiments destinés à l’élevage le capbreu mentionne une seule porcherie24 et trois pigeonniers ou colombiers, mentionnés sous deux formes : colomerium ou colomberium. Ces pigeonniers ont été élevés sur des quintanum ou femada, tous très proches de l’hospicium, sans aucun doute pour éviter la rapine. En fait, le bâtiment le plus évoqué est sans aucun doute le cortal, avec au total des cortals cités dans dix folii, se répartissant sur sept déclarations. Ce cortal est élevé sur une pièce de terre –peciam terre que est loco vocato Al Plan del Leger in qua est hedifficatum quoddam cortale in f. 31r°–, et ne peut être habité par l’homme comme le précise le folio 25v° : peciam terre cum suo cortali in quo cortali nulla est habitacio nec tamen parietes hinc inde. D’ailleurs le précédent extrait du capbreu tend à renforcer l’idée de courtil non couvert25 –nec tamen parietes hinc inde–. Quant à la vocation du courtil, il est destiné à l’accueil des troupeaux comme l’exprime ce document : quoddam cortale meum hedifficatum causa jacendi seu recolligendi bestiare meum (f. 45r°). Concernant l’espèce animale élevée à Montferrer, le capbreu développe une certaine discrétion avec l’emploi des termes : bestiare et animalia. Toutefois une mention de lanuto (f. 20v°), nous donne toutefois cette certitude de la présence de bêtes à laine. D’ailleurs des redevances seigneuriales payées en agneaux (magench), vient souligner la part de l’élevage ovin à Montferrer. Quant à la taille de ces troupeaux, il existe par chance une mention très intéressante : in quo cortali possum tenere centum animalia lanuto (d. 10, f. 20v°). L’idée de la centaine de bêtes à laine nous renforce dans notre idée que certains déclarants réalisaient un véritable élevage en raison du nombre de tête en question. De ce pastoralisme, le type de revenus que pouvait en retirer le tenancier, devenu éleveur, est divers : l’exploitation de la laine, l’emploi du lait pour réaliser des fromages comme le laisse entendre une redevance en fromage26 et enfin la vente de la viande des espèces élevées. Là encore la perception d’agneaux dans les redevances seigneuriales nous met sur cette voix. Quel poids peut-on donner au pastoralisme à Montferrer ? Sur vingt deux déclarants, seuls sept déclarent des cortale, et combinent ainsi travail de la terre et pastoralisme. Il ne s’agit pas d’élevage seul mais d’agro-pastoralisme. La pratique de l’élevage peut alors être considéré comme un marqueur de différenciation sociale.

L’ultime bien immeuble qu’il nous faut présenter est un élément important pour la com- munauté des hommes : le moulin. Cinq molendina sont déclarés. Comme les cortals, les moulins sont déclarés via les pièces de terre sur lesquelles ils sont bâtis. La richesse de ce capbreu vient de la description de certains moulins : quoddam molendinum […] cum suis molis et apparamentis seu asinis in dicto molendino necessariis (f. 19r°). La mention expressive de meules (trait distinctif du moulin à farine) nous renseigne sur sa destiné. Toutefois c’est bien là, la seule mention expressive d’un moulin à farine. Les autres moulins cités n’ont pas d’autres précisions voire un modeste : molendinum cum suis apparamentis (f. 33r°). Or d’autres types de moulins

24 - unam porcham modicam de possessionibus dicte medietatis mee dicti mansi del Falgar (d. 13, f. 31v°). Seul exemple d’un bâtiment destiné à cet élevage, nous pouvons en être étonné en raison du nombre de rede- vances payables en viande de porc salée –carnium salsarum porchinarum–. Peut-être s’agit-il dans le cadre de la déclaration 13 d’un véritable élevage de plusieurs dizaines de porcs, en opposition à la possession par presque toute les familles d’un porc, indispensable pour payer certaines redevances ? Toutefois le terme de modicam semble vouloir limiter ce qui pourrait être un élevage. 25 - CATAFAU (Aymat), « La maison rurale en Roussillon…, p. 170. 26 - pro quo dicto cortali facimus ego et mei de censu annuatim semper domino dicti castri de Cortsavino duos solidos barchinonenses in festo Sancti Michaelis septembris et duos caseos dum tamen facimus caseos in dicto cortali et non aliter (f. 20v°)

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau  existaient dans des zones proches comme le moulin drapiers attesté dans le capbreu royal de Prats-de-Mollo27. De la même manière il serait étonnant de ne pas trouver de mouline à fer ou forge dans ce territoire où l’extraction minière était présente28. Passer l’étude des éléments bâtis constitutifs du mas présentons les parcelles de terre. Elément central du paysage agro-pastoral de Montferrer, la terre est omniprésente dans le capbreu. Sans elle, le capbreu n’aurait de sens, de même que le mas qui l’exploite.

b. Les pièces de terre :

Cinq cent treize parcelles sont déclarées par les tenanciers de Montferrer à Bernat de Molleto, qui les consigne tout au long de nos vingt deux déclarations. À chacune d’entre elles, un terme précis lui est donné, de même qu’un toponyme. Parfois des renseignements sur la superficie, ou encore la culture réalisée, nous apparaissent. Cette typologie de la terre va tout d’abord s’attarder sur l’étude de deux cas particuliers, associés soit à la localisation de la terre –le quintanum–, soit à sa qualité de la terre –la femada–. Sur vingt deux déclarations, dix huit quintanum sont déclarés. Du catalan quintà, cette pièce de terre est localisée à côté de la demeure du tenancier, comme le précisent les confronts de l’hospicium ou encore ceux du quintanum lui-même29. Cette localisation du quintanum proche du mas est d’ailleurs attestée dans d’autres espaces roussillonnais30. Ainsi le quintanum est assimilable à un coin de verdure accolé à la maison, est-ce le pota- ger ? Mais, ne l’oublions pas, le terme de quintanum est bien spécifique et ne se rapporte qu’à une idée de localisation et non sur un type de culture, parfois rajouté par le scribe : in quo quintano meo includitur dictus ortus (d. 21) / in quo quintano est quidam ortus (d. 22). Ainsi, accolé à l’hospicium, il est une terre de culture intensive, fertilisée par la fumure. D’ailleurs à deux reprises le terme quintanum est associé à celui de femata –terre fumée– : quintano seu femata (d. 3 et 5). Cinq tenanciers sont dépourvus de quintanum. L’absence de ce quintanum est compensée soit par une femada toute proche ou par un hort, qui le remplace. Le scribe relève dix femata ; dans une grande majorité ces terres fumées sont très proches du quintanum31. Nous pouvons supposer que ces terres étaient fumées par l’homme apportant le fumier, ou bien par les bestiaux parqués sur la terre32. Pour les autres terres, qui forment la grande majorité, le scribe fait la distinction entre espace dédié à la culture et zones de pacages. Pour désigner les espaces cultivés, il parle de pecia terre ou encore campum.. D’un autre côté, le scribe emploie le terme de pratum pour renvoyer à la culture fourragère pour l’élevage. À présent que nous connaissons les cinq termes –quintanum, femata, pecia terre, campum et pratum– employés par le scribe pour désigner les terres où se développent zone cultivée et zone inculte, il semble intéressant d’analyser la part de chacun [graph 1], tout comme leur taille. Concernant la part de chacun de ces types de terres, une part écrasante des peciae terre vis-à-vis de tous les autres types de terre transparait clairementdans le capbreu. La grande majorité des parcelles est appelée pecia terre. Mais toutes les peciae terre se valent-elles et sont-elles équivalentes ? Le seul renseignement dont nous disposons pour différencier les parcelles, est l’indication de la superficie ou de leur longueur. La superficie est présente sous quatre types dans le capbreu. D’un côté, le scribe emploie 27 - molendini draperii (A.D.P.O., 1B82, f. 15r°). 28 - A.D.P.O., 1B375, f.284v° : Acte de vente de mas et bordes par le seigneur de Montferrer en 1309 où il est fait mention d’une taxe sur le fer s’élevant au quint. 29 - hospicium affrontat ex omnibus partibus in quintano mee (d. 2) et, quintanum meum quod circu- mdat dictum hospicium meum (d. 21) 30 - CATAFAU (Aymat), « La maison rurale en Roussillon…, p. 169. 31 - fematam meam que est juxta dictum hospicium meum (f. 30r°) et, fematam meam que est juxta dictum quintanum meum (f. 48r°) 32 - BRUTAILS ( Jean Auguste), Etude sur la condition des populations rurales du Roussillon au Moyen Âge, éd. Slatkine, Genève, 1891 (ré-édition 1975), p. 24.

10 Le Capbreu de Montferrer... Pecia terre 476 Quintanum 18 Fermata 8 Campum 9 Pratum 2

Typologie des terres et leur part dans capbreu de Montferrer

Pecia terre QuintanumPecia terre 476 Quintanum 18 FermataFemata 8 CampumCampum 9 2 PratumPatrum

Typologie des terres et leur part dans capbreu de Montferrer

des adjectifs pour caractériser la terre par sa petitesse ou son importance : parvam, modicam ou encore magnam. Parfois c’est le terme même de pecia qui est transformé en un diminutif, peciolam, que l’on retrouve à dix reprises. À coté de ces adjectifs, le scribe emploie un système de mesures lié à la pratique de la terre. Ce système prend deux for- mes dans le capbreu de Montferrer. La superficie de la pièce de terre est soit évaluée en volume de semences qu’elle peut contenir: in qua possunt cadere. Il s’agit d’une estimation moyenne, d’où l’expression vel circa –f. 14v°–. À Montferrer on préfére une autre forme d’estimation de la surface, liée au temps de travail en journées de bœuf : jornalia bouum. Le temps nécessaire au labour d’une terre sert alors de mesure. Sur quatre cent soixante seize peciae terre, cinquante six sont ainsi mesurées. Ces mesures vont de la demi journée –medium jornale bouum (f. 25r°)– à vingt cinq journées de labours –viginti quinque jornalia bouum (f. 24v°-25r°)–. Les parcelles d’une, deux ou trois journées de labours sont les plus courantes. Le quatrième type d’indication de superficie d’une parcelle est la portée du tir d’arbalète : ballistades, qui n’est mentionné qu’à deux reprises33. Pour localiser les parcelles on emploie la toponymie, seule outil à notre disposition. Le capbreu de Montferrer comporte deux cent soixante huit toponymes différents pour cinq cent treize parcelles déclarées. Ce chiffre nous conduit à les considérer comme des micro- toponymes, c’est-à-dire des toponymes limités à quelques pièces de terre sur une superficie restreinte. Cette multitude des toponymes témoigne de la dispersion des terres cultivées dans le finage, une dispersion relative pouvant s’expliquer par la diversité des sols, donc des natures culturales. Face à cette dispersion, y-a-t-il eu une volonté, ou une tentative de la part du tenancier de regroupement, de concentration des parcelles, via les échanges, les achats et les ventes de parcelles voisines à la sienne ? Ce phénomène de concentration peut avoir de multiples raisons, comme la volonté de rapprocher ses terres pour rationnaliser le travail. Cette tendance à la concentration a été étudiée par la présence ou non du mas du tenancier dans les confronts de la terre achetée ou vendue. À partir des quelques cas de transactions décrites dans le capbreu, il en résulte le tableau suivant :

Pourcentage et nombre Tendance au regroupement ou à la dispersion ? de parcelles étudiées : L’acheteur possède une terre dans les confronts : 66,1% (62 cas relevés) Le vendeur vend une terre voisine de celle qu’il cultive : 37,5% (64 cas relevés) La terre reçue d’un échange confronte une de ses terres : 73% (26 cas relevés)

Les renseignements fournis par les pourcentages du tableau nous permettent de conclure que les deux tiers des achats et quasiment trois-quart des échanges semblent être moti- vés par une logique de concentration des terres. Ce marché de la terre a donc volonté à

33 - Item aliam peciam terre magnam que tenet in altum quasi duas ballistades, (f. 17v°) et, omnibus partibus juxta dictum cortale circum circa per tractum unius ballistre (f. 20r°).

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 11 regrouper les terres, même si dans un tiers des cas cette logique n’est pas respectée, ce qui peut s’expliquer par exemple par la recherche d’un type de terres aux caractéristiques bien précises : pour son type de culture (comme une vigne), pour son insolation, sa fertilité… Il n’en demeure pas moins qu’à près de 63% les terres vendues ne confrontent pas une terre mise en culture par le vendeur. Cette tendance au regroupement pourrait alors assimiler un mouvement à un remembrement terrien, avec cette caractéristique que le lien existant entre la terre et son mas originel demeure ancré face à la tentative d’adjonction de terres voisines mais venant d’autres mas. Ceci dit, il semble à présent important de s’intéresser au fruit de la terre via l’étude des espèces cultivées.

La richesse du capbreu de Montferrer est également de nous donner accès à des rensei- gnements comme la flore mise en culture. Ainsi, de même qu’il existe une typologie des parcelles, il est possible d’établir une typologie des types de culture Quatre formes de mise en culture de la terre ont été dégagées: les jardins, les vignes, les terres fourragères et la céréaliculture Les jardins, ou horts, sont mentionnés avec soin par le scribe lorsqu’ils existent : peciolam terre in qua facio ortum (f. 14v°). Onze jardins sont déclarés dans le capbreu. Objets de toutes les attentions, il semble que nous pouvons les assimiler à un potager, c’est-à-dire à cette pièce de terre intensément exploitée. Ceci explique très certainement sa proximité avec l’hospicium. Notons enfin que le caractère franc de toutes redevances des hort ne nous permet pas de connaître le type de plantes qui y étaient cultivées. L’autre type de culture établi sur le territoire de Montferrer est la vigne. Là aussi, lorsque la vigne est présente sur une pièce de terre, le scribe le mentionne : est plantata ad vineam. Cette culture est répandue à Montferrer puisque seul quatre tenanciers n’en déclarent pas. Toutefois il ne s’agit pas ici d’une culture à grande échelle mais d’une petite production d’appoint pour le tenancier : certains tenanciers n’ont même pas une pièce de terre dédiée uniquement à la vigne, et la cultivent directement sur leur quintanum34. Il est alors aisé d’y imaginer quelques ceps voire une traille pour la consommation personnelle… Il existe un autre type de précision, qu’apporte le scribe concernant les parcelles. Celle-ci intervient lorsque les parcelles ne sont pas cultivées et laissées en friche. Le scribe parle alors à deux reprises de faxiam terre (f. 30v°), faxia modica (f. 32v°). Ceci ne signifie pas pour autant que la terre est délaissée, bien au contraire. Non seulement en se reposant la terre se régénère, mais en plus les herbes peuvent être employées comme fourrage pour les bêtes. C’est essentiellement pour l’emploi du fourrage que nous avons fait mention de plusieurs devèses dans le capbreu35. Pièces de terre où les herbes abondent36, la devèse, prisée dans le pastoralisme, est mentionnée à une dizaine de reprises dans le capbreu. Qu’en est-il alors de la place de la céréaliculture dans cette seigneurie du Haut-Vallespir ? De façon générale, le scribe ne précise jamais ce type de culture que le tenancier pratique sur les parcelles sauf à de rares exceptions de manière involontaire ou de façon indirecte : soit la céréale est évoquée lorsque le scribe mentionne la superficie de la parcelle suivant l’ensemencement possible, soit les céréales sont évoquées dans les redevances réelles pesant sur les terres du tenancier. Six céréales différentes sont exploitées à Montferrer. Très souvent le scribe regroupe celles-ci sous le terme générique de bladum –censum de bladi (f. 45v°)–, pour englober le cens pesant sur les diverses céréales cultivées. Ces céréales sont : l’orge –ordei–, le seigle –siliginis–, l’avoine –civate–, le millet –mileo–, l’épeautre –speuta et le mé- tail ou ariu (mélange de céréales : de seigle et de froment d’après Georges Comet37,d’orge et de froment d’après un document étudié par Carole Puig38). Une remarque doit encore

34 - in quo quintano sunt vinea et ortus (in d. 8, f. 17r°). 35 - peciam terre que est devesia (in d. 8, f. 17r°). 36 - SERRA i CLOTA (Assumpta), La comunitat rural…, p. 43-44. 37 - COMET (Georges), Le paysan et son outil, essai d’histoire technique des céréales ( VIIIe-XVe siècles), coll. de l’Ecole Française de Rome, n°165, Rome, 1992, p. 253. 38 - PUIG (Carole), Les campagnes roussillonnaises au Moyen-Age : dynamiques agricoles et paysagères entre le

12 Le Capbreu de Montferrer... être apportée. Lorsque le scribe mentionne les redevances en nature incombant aux céréa- les, il évoque toujours : ordeo, civata, speuta et mileo grosso. En revanche il n’inscrit jamais le méteil (ariu). Ceci nous amène à la réflexion suivante : le seigneur de Montferrer se cantonne-t-il à des prélèvements sur les céréales nobles et les céréales panifiables ; laissant alors les cultures de méteil, cette céréale mélangée, pour la consommation exclusive des tenanciers39. Enfin pour clore ce paragraphe dédié à la céréaliculture, nous pouvons évoquer les aires de battage des céréales mentionnée à deux reprises : a occidente in hera den Triyla (f. 17v°), ou encore ab occidente in era den Portal (f. 19r°). Ces espaces, dédiés au battage des céréales au lendemain de la moisson, peuvent être assimilés à des jardins ou à des champs. Ainsi le mas, de même que la borde, correspond à cette exploitation avec au centre la maison, dans les alentours immédiats le jardin (potager et fruitiers), les terres céréalières et les vignes réparties dans le terroir, puis au-delà les clairières destinées à l’élevage qui constitue une source d’approvisionnement second et non secondaire pour les tenanciers du mas ou de la borde. Ce rapide aperçu des éléments constitutifs du mas ne doit pas nous faire perdre de vue l’existence au sein du capbreu d’autres éléments susceptibles de nous renseigner sur le mas et en particulier son nom.

Les noms de mas et leurs enseignements :

Source importante d’indications, le nom du mas peut recueillir par exemple des toponymes et ainsi reflèter une perception du milieu naturel par l’homme40… L’étude suivante des noms de mas se concentrent sur trois niveaux : la localisation du mas, son histoire propre, ou encore le lien entretenu par le mas avec son tenancier.

a. Vers une relativisation de l’idée de dispersion des exploitations…

Dans la localisation des mas, le nom de l’exploitation n’est pas neutre. La présence de plusieurs mas dans un même espace proche est détectable dans le nom même du mas, comme en témoignent les deux exemples suivants : - le capbreu fait mention de la borde de Ssa Sala de Pegeroles –d. 6–, le mas de Mansione de Pegeroles –d. 8–, la borde Boix de Pegeroles –d. 8–, la borde Triyla de Pegeroles –d. 12– et le mas de Nogerio de Pegeroles –d. 17–. C’est ainsi que ces mas, comme exploitations agricoles, en raison de leur localisation spatiale, semblent s’inscrire dans ce que l’on peut nommer « un district », qui ici prend le nom de Pegeroles. Ceci est d’ailleurs renforcé par l’existence d’un chemin conduisant à ce « district » : viam qua itur ad Pegeroles (f. 20r°). - dans le même sens on peut citer le mas de Revel de Valle –d. 18– et les deux demi-mas de Buxo de Valle –d.s 20 et 21–, que l’on peut intégrer dans le « district » de Valle. De cette manière, l’appellation de « district » ferait intervenir l’idée d’une zone. Dès lors

XIIe et la première moitié du XIVe siècle, thèse d’histoire sous la direction de Benoît Cursente et la co-direction de Marie-Claude Marandet, Toulouse-Le Mirail, avril 2003, p. 168. 39 - Cette idée insufflait par Aymat Catafau, ne peut rester qu’à l’état d’hypothèse. 40 - MALLORQUI (Elvis), « Homes, viles i masos (Cruïlles, 1319) », in CONGOST (Rosa) et TO (Lluís), Homes, masos, història. La Catalunya del nord-est (segles XI-XX), Institut de la Llengua i Cultura Catalana de la universitat de Girona, Publicacions de l’abadia de Montserrat, 1999, p. 47. Certains nom dépeignent des caractéristiques ponctuelles du relief (Podiolo, Podio Dendrises, Roquifern, Toron de Madaloch, Queralbs, Rupe) ou du milieu naturel (Ruyra, Falgario, Buxo, Boxeda, Ginesa –pour ginesta ?, le genêt–), d’autres nous donnent des enseignements concernant l’exploitation (Conomina –pour la colomina, terres fertiles–) et les activités économiques (Forner de Madaloch) ou des détails caractéristiques du lieu (Ventos).

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 13 deux hypothèses peuvent être présentées. La première verrait le district s’apparenter à un vallon où plusieurs mas se seraient implantés et auraient pris le nom de ce vallon. La seconde hypothèse serait d’associer à ce terme de « district » celui de hameaux41. À propos du district de Pegueroles, un texte42 nous puisque l’acte précise : in mansis vestris et bordis quos et quas habetis in loco de Pegerolis. Le terme loco plaide pour un lieu-dit, un hameau nommé Pegeroles. Concernant à présent le « district » de Valle, si aucun texte n’en fait mention, le terme même de “Valle” nous fait pencher vers cette hypothèse d’un district associable à une vallée. Bien que les mas et les bordes étaient dispersés sur un territoire, l’idée de groupement existait. Si le groupement ne se matérialisait pas physiquement par des hameaux, comme semble l’avoir été Pegeroles, il n’en demeure pas moins que les hommes de Montferrer se localisaient par rapport à la vallée dans laquelle étaient implantés leur mas ou borde. Ces groupements permettent donc de nuancer l’idée de dispersion généralisée des mas et des bordes à Montferrer. Cette étude des noms de mas nous permet de nous pencher sur le lien existant entre le nom du tenancier et celui du mas.

b. Nom de mas et nom de tenancier, une vraie influence :

De nombreux déclarants de Montferrer se désignent avec un anthroponyme recueillant précisément le nom du mas où ils vivent43. Par exemple Pere des Toron de Madaloch déclare le mansus de Torono de Madaloch, de même que Guillem Sa Yla déclare le mansus de la Yla de Benato Superiori… Ce lien se transmet de générations en générations44. Cette unité entre le nom du mas et celui de l’exploitant se retrouve dans dix neuf décla- rations. Selon Elvis Mallorqui, il est fort probable que la dispersion des mas contribua à une forte identification entre la maison et la famille qui y vivait. Cet identification à l’exploitation est accrue par l’enracinement des familles qui en héritent45. Les études de Lluís To i Figueras l’ont conduit à considérer que c’est le nom du mas qui influence le nom de l’exploitant46. Toutefois des exceptions existent sur les vingt deux déclarations, de sorte que le nom du mas ne recoupe pas celui du tenancier47. Lorsque le rattachement du tenancier n’est pas directement lié au nom de l’exploitation, un lien est toutefois établi par le scribe qui mentionne dans le nom du tenancier son origine géographique –vallon ou hameau– : - Bartholomeu Salvet, tenancier du quarti mansi de Falgario, mentionné parfois par le scribe comme Bartholomeus Salveti de Falgario. - Guillem Ruyra de Falgar, tenancier du medii mansi de Falgario. - Guillem Cros de Valle, tenancier du medii mansi de Buxo de Valle.

41 - Il existe un terme régulièrement employé au Moyen âge pour désigner ces petits groupements d’ha- bitat, celui de villare, usité couramment dans la vallée voisine de Prats de Mollo. En effet, dans le capbreu royal de 1331 (A.D.P.O., 1B82) on retrouve de très nombreux villares que l’on identifie à des hameaux (in LEMARTINEL Fr., Etude d’un capbreu des tenanciers du roi de Majorque pour la vallée de Prats-de-Mollo, 1327-1331, mémoire de maîtrise sous la direction d’Aymat Catafau, Perpignan, 2004, p. 54.). 42 - A.D.P.O., 1B23, folii 78v°-79v° : Liber Feodorum B –fragmentaire–, inféodation de toute la juridiction avec mère et mixte empire de la paroisse de Sainte Marie de Mollet et du territoire du château de Montferrer, par le roi Sanç de Majorque, en faveur de Dalmau III de Castellnou en 1330. 43 - TO i FIGUERAS (Lluís), « El nom dels masos (el domini de Santa Maria de Vilabertran en els segles XI-XIII) », in CONGOST (Rosa) et TO (Lluís), Homes, masos, història. La Catalunya del nord-est (segles XI-XX), Institut de la Llengua i Cultura Catalana de la universitat de Girona, Publicacions de l’abadia de Montserrat, 1999, p. 24. 44 - Guillem Sala hérita la borde de Sala de Pegueroles de son père Perpinya Sala. 45 - MALLORQUI (Elvis), Les Gavarres a l’edat mitjana : Poblement i societat d’un massis del nord-est català, Biblioteca d’Historia Rural, coll. Estudis 2, éd. CCG, 2000, p. 124. 46 - TO i FIGUERAS (Lluís), « El nom dels masos…, p. 24. 47 - C’est par exemple le cas dans la cinquième déclaration où le tenancier des bordes Barragana et Conomina de Falgario se prénomme Pere Antoni Oliver

14 Le Capbreu de Montferrer... - Arnau Soler de Valle, tenancier du medii mansi de Buxo de Valle. Le constat que nous faisons pour Montferrer d’un lien direct, voire indirect, entre le nom du tenancier et celui du mas, diverge de celui trouvé en plaine roussillonnaise par Laure Verdon grâce aux capbreus royaux : à seul huit tenanciers sur quatre-vingt onze portent le nom de leur exploitation. En donnant pour raison « le jeu des partages successo- raux et des aliénations de toute sorte »48, Laure Verdon que le tenancier a conservé le nom d’une tenure « ancestrale » et n’a pas été influencé par celle qu’il cultive réellement. Malgré un capbreu temporellement figé pour l’année 1339, des éléments de généalogie mentionnés nous permettent de savoir si à Montferrer le nom du mas a toujours des répercussions sur l’anthroponymie des tenanciers. Prenons ainsi quelques exemples révélateurs : - Parmi ceux qui ont hérité de leur exploitation, on compte Pere Ferrer Fabre de Que- ralbs tient la borde de Queralbs par héritage de son grand-père Ferrer de Rosses, qui l’avait achetée. - Parmi ceux qui ont reçu leur exploitation en dot, on trouve l’exemple de Ramon de Rosses qui déclare le mas de Rosses ; mas qui lui fut apporté en dot par son épouse, fille de Arnau Rosses. - Pour ceux qui ont achetée, Arnau Triyla acheta la borde de Triyla de Pegeroles à Pere Triyla fils et héritier de Bernat Triyla. Ces trois cas prouvent que l’influence du nom du mas perdure encore dans le nom du tenancier. Ainsi Ramon Rosses qui cultive le mas de son beau-père, prend le nom de celui-ci. Pere Ferrer troqua son nom de Rosses, hérité de son grand-père, pour Queralbs, en accord avec le nom de l’exploitation qu’il tenait. Enfin nous avons l’exemple d’Arnau Triyla qui achète une borde et qui prend le nom de celle-ci. Un dernier cas doit être relevé, celui des déclarations 20 et 21 où respectivement : Guillem Cros de Valle tient de son père Pere des Cros le demi-mas de Buxo de Valle ; et Arnaldus Solerii de Valle tient de son père Pere Soler l’autre demi-mas de Buxo de Valle. L’intérêt réside ici dans l’existence de mentions dans le capbreu d’un mas nommé de Solerio de Ssa Val et d’un mas dit des Cros de Ssa Val. Assiste-t-on à une évolution du nom du mas sous influence du nom de son exploitant ? Malgré l’absence de témoignages sur la longue durée, on peut facilement envisager ce changement de nom de l’exploitation en cours en 1339. Si l’influence du mas semble être historiquement la plus ancienne49, elle n’est donc plus la règle unanime au début du XIVe siècle, même si elle perdure.

Enfin le nom du mas peut nous renseigner sur son origine ou du moins sur l’évolution de celui-ci et par là même de l’habitat en général à Montferrer.

c. Le nom du mas comme recueil de sa propre évolution :

Notre attention va se porter ici en particulier sur les mas et bordes présentant dans leur dénomination soit une dualité du type mas d’Amunt et mas d’Avall, mas de Dalt et mas de Baix, soit la mention d’un fractionnement explicitée clairement par le scribe sous la forme suivante : medii mansi de…, ou encore quartii mansii de…

Le capbreu nous permet d’accéder à la dualité Amont/Avall puisque nous y trouvons men- tion de la borde Rupe Inferiori –d. 1–, dont le corollaire est bien entendu Rupe Superiori, mais aussi la borde Ruyra Superiori –d. 3–, complétée par la Ruyra Inferiori. Ajoutons également les mas cités en confronts : mas de Cloto Superiori, borde de Solano Superiori, borde de Ssa Verneda Inferiori/Daval, borde de Verneda Superiori ou encore Benato Superiori et Inferiori.

48 - VERDON (Laure), La terre et les hommes en Roussillon aux XIIe et XIIIe siècles. Structures seigneuriales, rentes et société d’après les sources templières, Publications de l’Université de Provence, 2001, p. 186. 49 - Lluís To l’atteste dès le XIIe siècle dans son étude sur le domaine de Santa Maria de Vilabertran, in TO i FIGUERAS (Lluís), « El nom dels masos…, p. 24.

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 15 Deux interprétations peuvent être données : soit cette dualité est révélatrice d’une unité géographique, soit elle est caractéristique d’une unité antérieure. L’intérêt de l’étude de ces deux interprétations nous montre qu’elles ne s’opposent pas mais se complètent. Concernant l’hypothèse d’une dualité, reflet d’une unité géographique le cas de Benat est très intéressant. Le capbreu évoque une multitude de mas qui sont rattachés soit à Benato Superiori, soit à Benato Inferiori. Pour une période quasi-contemporaine le capbreu de Prats-de-Mollo de 1321-132750 le nomme : villare de Benato sans aucune distinction entre Superiori et Inferiori. Il est alors possible de considérer Benat comme une unité géographique –une vallée par laquelle on peut se rendre par un chemin : via publica qua itur versus Benatum (d. 15, f.37v°)– divisée entre Benato Superiori et Benato Inferiori51, et où se trouvent plusieurs exploitations. Si l’interprétation donnée aux dualités Amont/Avall est révélatrice d’une unité géographi- que, elle est également caractéristique d’une unité d’exploitation antérieure. Selon Jordi Bolos, le nom du mas est bien la preuve d’un fractionnement et d’un dédoublement à partir d’une exploitation originelle52. Si l’on suit ce raisonnement le mas Cloto Superiori et son pendant le mas Cloto Inferiori sont issus du mas Cloto ; de même les bordes Ruyra Superiori et Ruyra Inferiori ont pour origine la borde Ruyra… Se pose alors la question de la période à laquelle s’est enclenché ce processus. Les avis divergent entre auteurs. Pour Assumpta Serra ce phénomène de fractionnement des mas est assez tardif et consécutif à la forte croissance de la population au XIIIe siècle53. De son côté, Jordi Bolos met avant un fractionnement beaucoup plus ancien : d’une part lié à une croissance démographique au XIe siècle et d’autre part avant la généralisation du principe de l’héritier unique54. Ainsi pour lui ce phénomène aurait eu lieu entre les XIe et XIIe siècles, une période où les phénomènes d’indivision du mas et d’institution de l’héritier ne sont pas encore bien consolidés, permettant alors les subdivisions55. Le fractionnement du mas est d’autre part pour Jordi Bolos antérieur à l’apparition des premières bordes du XIIe siècle situées dans les zones marginales56. Si le capbreu de Montferrer ne nous permet pas de trancher sur ces prises de positions sur l’époque ayant provoquer ses divisions, il a le mérite de montrer in- directement leurs existences. Avec tous ces fractionnements le mas n’apparaît pas comme une unité figée mais comme en permanente évolution.

Ce dynamisme permanent du mas s’exprime également au travers de fractionnements ayant encore lieu en ce début de XIVe siècle. En effet, un mas originel peut être divisé en plusieurs parties. Cette division est équita- ble : le demi-mas de Buxo de Guillem Cros se voit attacher quatorze pièces de terre, tout comme le demi-mas de Buxo tenu par Arnau Soler (d. 20 et 21). Parfois des écarts existent, mais ils demeurent minimes et négligeables : le quart de mas de Falgar possède vingt neuf parcelles et le demi-mas de Falgar trente parcelles. Le mas nouvellement créé constitue une unité d’exploitation et une unité de perception à part entière d’où une déclaration dans le capbreu sui lui est propre. Ce type de fractionne- ment est fréquent dans notre source avec deux quarts de mas57, sept demi-mas ou encore 50 - A.D.P.O., 1B82 f. 76r°, Seg villare de Benato. 51 - Cette distinction a de nos jours disparu. De fait nous associons Benato Superiori à l’actuel hameau dit de Banat et ses mas alentours (commune du Tech) et Benato Inferiori aux demeures de la rive gauche du village du Tech et ses mas alentours comme Case d’Amont cité dans le capbreu de Prats-de-Mollo comme : Petrus Sa Caza Damont de Benato Inferiori (f. 77r°). 52 - BOLOS ( Jordi), El mas, el pagès i el senyor. Paisatge i societat en una parròquia de la Garrotxa a l’edat mitjana, coll. Biblioteca de cultura catalana, éd. Curial, Barcelona, 1995, p. 112. 53 - SERRA (Assumpta), La comunitat rural…, p. 33. 54 - BOLOS ( Jordi), El mas, el pagès…, p. 114, note de bas de page n°37. 55 - BOLOS ( Jordi), El mas, el pagès…, p. 114. 56 - BOLOS ( Jordi), El mas, el pagès…, p. 109. 57 - Un seul quart de mas est déclaré par Bartholomeu Salvet : quartii mansi de Falgario (d. 10) ; mais on suppose bien entendu l’existence d’un autre quart de mas (exploité très certainement par Simon Boxeda de Falgario), permettant d’obtenir le mas originel de Falgar, une fois rajouté le demi-mas tenu par Guillem

16 Le Capbreu de Montferrer... Quart de mas demi mas deux parts de mas 2 7 1

Quart de mas demi mas deux parts de mas Borde Mas entier Mas fractionné 10 7 9 quart de mas 2 demi mas 7 2/3 de mas 1

1

Fractionnement des mas à Montferrer

un deux tiers de mas. Les demi-mas sont les plus courants Montferrer [graph 3]. Cette répartition ne correspond pas aux calculs dégagés par Laure Verdon pour Estagel. Les fractionnements y sont plus nombreux qu’à Montferrer58 [graph 2] et la répartition des différents types de fractionnement est bien différente : les demi-mas représentent près de 80% des mas fractionnés à Montferrer alors qu’ils ne représentent que 40% à Estagel, soit autant que les quarts et les huitime de mas, forts rare à Montferrer (une seule mention). Peut-être s’agit-il là encore d’un témoin d’une pression démographique plus forte en plaine roussillonnaise qu’en moyenne montagne, motivant ainsi de tels partages face à la pression foncière ?

Borde Mas entier Borde 10 Mas entier 7 Masmas fractionné fractionné9

Type de tenures à Montferrer

Qu’en est il de la forme que prend se partage ? S’agit d’une répartition égalitaire des par- celles ou bien s’agit-il d’un partage de chacune des parcelles de terre ? Le capbreu permet d’observer que les parcelles sont soigneusement scindées entre les futurs propriétaires des parts de mas. Cette préférence au partage des parcelles plutôt qu’à une répartition égalitaire est peut-être la volonté de conserver une unité : la diversité des terroirs. La conséquence en est bien entendu une division des superficies cultivables. Aussi dans le cas de parcelles trop petits pour être divisées, celles-ci sont alors cultivées en indivision entre les tenanciers des différente partie de mas : peciam terre quam tenemus pro indivisio ego et dictus Guillemus Ruyra et dictus Simon del Falgar (f. 21v°). La réduction des superficies des terres, au len- demain de fractionnements, pose alors la question suivante : le fractionnement des mas, s’exerce-t-il uniquement sur des exploitations d’une grande envergure ? L’observation du nombre moyen de parcelles attachées au mas historique, nous fournis une réponse : Ruyra (d. 13) 58 - Un rapport d’un mas entier pour douze fractionnés fut dégagé pour Estagel ; alors que ce rapport est presque d’un pour un à Montferrer.

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 17 Type de tenure : Moyenne de parcelles : Borde : 12 Mas entier : 16 sans distinction 21 deux part de mas 10 Mas fractionné : demi manse 22 quart de manse 29 Il apparaît que ces mas fractionnés ont un patrimoine de terres largement supérieur à des mas entiers. Le fractionnement des mas ne semble alors possible que si l’exploitation agricole possède un capital de parcelles suffisamment important en nombre et en superficie et ce pour éviter que le fractionnement ne mette en danger la survie du tenancier sur son exploitation. Ultime conséquence du fractionnement du mas, c’est la division des cens. D’un côté les cens fixes en numéraire ou en nature perçus par le seigneur sont parfaitement divisés en toute égalité entre les tenanciers des parts de mas ; d’un autre côté on observe également dans le cadre de terres issues d’un mas fractionné et sous-acensé à un autre tenancier, que le cens dû par le sous-tenancier est lui aussi partagé entre les propriétaires des fractions de mas. La ou les raisons ayant conduit aux fractionnements de l’exploitation agraire sont inté- ressantes car leur recherche pose la question de la réalité de l’héritier unique. En fait, le fractionnement, est-il lié à des logiques successorales entre des fils d’une même famille ? Les déclarations des deux demi-mas de Buxo de Valle (d. 20 et 21) peuvent nous donner un premier élément de réponse. Aucune filiation ou parenté entre les deux tenanciers n’est décelable. En revanche les déclarations 10 et 13, portant respectivement sur le quart de mas de Falgario et le demi-mas de Falgario, ont révélé non un lien de parenté entre les deux tenanciers mais un rapport basé sur une transaction59 : Guillem Ruyra, tenancier de la moitié de demi-mas de Falgario, précise que la moitié de la colline dire Falgario lui appartient, l’autre moitié fut vendue par son père entre Bartholomeu Salvet (déclarant 10 du quart de mas de Falgario) et Simon Falgar (sûrement tenancier de l’autre quart de mas de Falgar). En fait, il semble que le fractionnement d’un mas soit la conséquence d’une vente, plutôt que d’un partage égalitaire entre fils. Ainsi la vente faite avec un instrumentum et en accord avec le seigneur, permet au tenancier du mas nouvellement fractionné d’obtenir du numéraire qui pouvait lui faire défaut. Le fractionnement serait-il alors un recours permettant au paysan d’éviter le crédit et l’endettement ? Si l’exemple précédent montre que ce fractionnement découle d’une transaction, ne remettant pas ainsi en cause l’idée de l’établissement de l’héritier unique, il serait toutefois mal approprié de généraliser ce principe.

Rappellons enfin que le dynamisme de la structure d’exploitation ne se cantonne pas à la possibilité de le fractionner en plusieurs parts, le mas peut s’accroître ou se défaire de pièces de terre par l’achat ou la vente.

59 - Item quoddam podium vocatum de Falgario de quo podio mediatas erat pro indiviso inter dictos Bartholomeum Salveti et Simonem de Falgario et residua altera medietas dicti podii erat et est nunc propria mei dicti Guillemi Ruyra quam mediatem dicti podii que erat dictorum Bartholomei et Simonis dictus pater meus condam emit a dictis Simone et Bartholomeo cum publico instrumento (in d. 13, f. 31r°).

18 Le Capbreu de Montferrer... Conclusion :

Dressant la liste des déclarations des tenanciers avec les biens fonciers qu’ils tiennent pour le seigneur de Montferrer et les redevances qu’ils lui doivent, ce capbreu est une source pri- vilégiée pour étudier le paysage et l’organisation sociale de ce territoire rural de moyenne montagne au bas Moyen âge. Chaque déclaration faite au scribe par le tenancier est alors la porte ouverte à des renseignements de première main sur la seigneurie. Montferrer présente un habitat disséminé sur son territoire sous la forme de mas et de bordes qui organisent et modèlent le paysage. Unité d’exploitation agricole assurant la subsistance des tenanciers, le mas et la borde sont centrés autour de la demeure paysanne, l’hospicium. Autour de cette maison rurale, nous retrouvons les parcelles de terre, que le tenancier met en valeur avec les siens. Dispersées dans une aire géographique proche de l’hospicium, cet éparpillement relatif répond à des nécessités agricoles comme la recherche de terres plus fertiles, plus ensoleillées ou plus facilement irrigables. Les terres que le tenancier exploite ne font pas toutes partie de l’unité originelle de son mas ou sa borde. En effet, unité historique et unité réelle d’exploitation doivent être distinguées, même si celles-ci peuvent se superposer. Ces exploitations ne sont pas figées. Au contraire des terres issues d’un autre mas peuvent être cultivées par un tenancier sous la forme d’un sous-acensement. Cette élasticité du mas s’exprime également au travers des fractionnements de mas et de bordes qui ne sont possibles qu’avec la volonté du seigneur. Ces fractionnements ne sont pas nouveaux et certains existaient depuis longtemps comme en témoignent les oppo- sitions du type « mas X d’amont » et « mas X d’avall ». Ces indices de partages anciens d’exploitations pourraient correspondre à l’âge du partage à part égale entre héritiers. Le capbreu fait pourtant état de partages quasiment contemporains où le fractionnement se fait par l’intermédiaire de la vente d’une partie de l’exploitation.

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 19 DOCUMENT ANNEXE

Codes employés lors de la retranscription de la déclaration 4 :

[…] : passage illisible (document détérioré) {xxx} : lettres illisibles restituées d’après le contexte [sic] : erreur manifeste du scribe, éventuellement suivie de notre proposition de lecture. xxx : lettres barrées par le scribe [au dessus : xxx] : texte ajouté entre les lignes, replacé à l’emplacement indiqué par le scribe La ponctuation et les majuscules, de même que la césure entre certains mots, a été restituée par nos soins lors de la retranscription du document. Quant aux notes de bas de page, elles sont là pour signaler la présence de texte écrit en marge de la déclaration, soit pour une période contemporaine à la rédaction, mais encore pour une période postérieure essentiellement d’époque moderne (dans ce dernier cas nous le préciserons).

Déclaration 4 :

Fol. 10r°

Quod60 ego Bernardus de Podiolo heres et cep mansi de Podiolo parrochie Sancte Marie de Molleto terminorum castri de Montefferario, juratus per Deum et eius sancta quatuor evangelia meos manibus corporaliter tacta, confiteor et recognosco nobilis Berengario de Castronovo pupillo filio et heredi uni- versali nobilis Dalmacii de Castronovo condam domini castri predicti de Montefferario licet absenti et tibi scriptori etc et suis me esse hominem proprium, solidum et quitium vestri et vestrorum simul cum omni prole mea presente pariter et futura a me nata seu generata et deinceps nascitura seu ge- neranda vel descendente racione seu pretextu cuiusdam mansi mei infrascripti vocati mas del Puyol de quo jam super habetur mensio. Pro quo manso dictus nobilis dominus Berengarius pupillus debet habere homines et feminas infra dictum locum facientes residenciam seu habitacionem continuam et personalem in hospicio dicti mansi in quo meum facio domicilium seu inhabitacionem continuam et personalem. Quod est infra terminos seu limites dicti castri, et eg etiam quod ego occasione seu pretextu dicte mansate sum et esse debeo et teneor seu promito virtute dicti juramenti per me superius prestiti homo proprius solidus et quitius ac rusticus amansatus vestri et vestrorum [au dessus : dicti nobilis domini Berengarii] successorum perpetuo et quicumque mei successores in dicta mansata vel ipsam quoquomodo tenentes seu possidentes erunt similiter homines proprii, solidi et quitii ac rustici amansati quod vestri dicti domini Berengarii de Castronovo et suorum successorum perpetuo sicut ego nunc ut dictum est sum et esse debeo et teneor occasione seu pretextu dicte mansate mee.

Preterea virtute dicti juramenti etc, confiteor et recognosco quod teneo et tenere debeo pro dicto nobili domino Berengario de Castronovo pupillo et eius successoribus in dicto castro perpetuo et sub ipsius et suorum successorum dominio directo et annuo censu infrascripto dictam mansatam meam de qua superius habetur mensio cum terris et possessionibus et cum hospicio superius nominato et ceteris pertinenciis ipsius mansate infrascriptis. Quod quidem hospicium affrontat ex omnibus partibus in quintano mansate mee predicte quod similiter teneo pro ipso nobili et suis jure directi dominii.

Item confiteor et recognosco virtute dicti juramenti per me superius prestiti quod teneo et tenere debeo et consuevi pro dicto nobili domino Berengario et suis quo ad directum dominium, dictum quintanum meum, quod est juxta dictum hospicium meum quod affrontat ab oriente in comba vocata de Crosels et a meridie in tenencia mansi de Edrerio de Ultraserram et ab occidente in tenencia mansi de Rosses et a circio in tenencia borde de Insula et in tenencia mansi de Quintano de ecclesia.

Fol. 10v°

{Item confiteor} et recognosco virtute dicte etc quod {eg}o teneo et tenere debeo et consuevimus ego et mei pro dicto nobili et suis successoribus [...] dictis quo ad directum dominium infra dictos terminos dicti castri decem pecias terre infrascriptas que {sunt de} possessionibus seu pertinenciis dicte mansate mei. Quarum una est loco vocato Crosels et affrontat ab oriente [au dessus : et meridie] in tenencia quam heres mansi de Crosels tenet pro herede mansi seu borde de Nogerio [au dessus : et de] Pegeroles

60 - En marge : index réalisé par le scribe, ou un contemporain, sous forme d’étoile.

20 Le Capbreu de Montferrer... et ab occidente in tenencia dicti mansi de Crosels et a circio in tenencia quam dictus heres mansi de Crosels emit ab Arnaldo Triyla et Guillemo Vila de Pegeroles.

Aliam est loco vocato Als Pedrons, et affrontat ab oriente et circio in tenencia dicti mansi de Crosels et a meridie in tenencia Petri Antonii Olii Oliver heredis borde vocate Barreguana et ab occidente in tenencia quam tenet Bartholomeus Salveti pro herede mansi de Rosses.

Alia pecia terre est in dicto loco vocato Als Pedrons, que affrontat ab oriente in tenencia heredis mansi de Rosses et a meridie in tenencia quam tenet dictus Petrus Antonii Oliveri pro herede dicti mansi de Rosses et ab occidente in tenencia qua Guillemus Ruyra de Falgario tenet pro herede mansi de Ssa Meson de Pegeroles et a circio in tenencia Simonis del Falgar.

Alia pecia terre est loco vocato A Ridaula et A Ssa Texonera et affrontat ab oriente in tenencia mansi del Val et a meridie similiter et ab occidente et circio in tenencia mansi de Quintano de ecclesia et in tenencia alodis Sancte Marie de Molleto, et affrontat alia pars dicte pecie terre que est A La Texonera ab oriente in tenencia mansi de Munels et a meridie in comba de la Texonera et ab occidente in tenencia dicti mansi del Val, comba in medio et a circio in tenencia borde de Verneda Inferiori.

Item alia pecia terre est loco vocato Bach de Mont Alen, et affrontat ab oriente in riparia seu aqua de Munels et a meridie in tenencia mansi de Vilauta et in tenencia borde de Ssespinas de Cos et ab occidente in Serra de Mont Alen et a circio in tenencia dicti mansi de Rosses et in tenencia Arnaldi Triyla de Pegeroles et in tenencia mansi den Pages de Queralbs et in tenencia Petri de Queralbs et in tenencia mansi predicti de Ssa Meson de Pegeroles.

Item alia pecia terre est loco vocato Col Auter et affrontat ab oriente in tenencia mansi de Solerio de Ssa Val et a meridie in tenencia quam tenet Guillemus de Benato ab herede mansi predicti de Rosses et ab occidente in tenencia quam dictus de Guillemus de Benato tenet pro herede mansi de Ruyra Inferiori et a circio in tenencia mansi de Podio Dendrises de Ultraserram.

Alia pecia terre est loco vocato As Cortal, et affrontat ab oriente in tenencia borde de Valespir de Valle et a meridie in tenencia heredis mansi den Revel de Valle et ab occidente in tenencia mansi quam tenent pro indiviso en Soler et en Cros et a circio in tenencia mansi del Soler des Arayon.

Alia pecia terre est loco vocato A Sses Cotz, in qua est quoddam cortale hedifficatum ad tenendum et recolligendum ibi bestiare meum aliquosciens, et affrontat ab oriente in tenencia borde de Ruyra Inferiori et in tenencia mansi del Criveler et a meridie in tenencia mansi del Falgar et ab occidente in tenencia que condam fuit mansi de Rosses quam tenet Arnaldus de Rippis et a circio in tenencia borde de Ruyrola et in tenencia de borde seu mansi del Quer.

Alia61 pecia terre est loco vocato Als Baucels quam tenet pignori obligatam heres borde de Ruyra Superiori, que affrontat ab oriente in tenencia borde de Ruyra Inferiori et a meridie in tenencia heredis mansi de Ssa Riera de Maures et in te alodio Sancte Marie Molleto et ab occidente in tenencia mansi de Crosels et a circio in tenencia borde predicte de Ruyra Inferiori. Alia pecia terre est loco vocato As Canadels supra vinetum de Rocha Melera. Que pecia terre est plantata ad vineam, et affrontat ab oriente in tenencia Petri de Podiolo filii mei quam emit ab heredis mansi etc del Belel et a meridie in tenencia mansi predicti seu borde del Belel et in tenencia mansi del Clot et ab occi

Fol. 11r°

dente et circio in tenencia dicti mansi de Cloto Superiori.

In62 quibus omnibus supradictis quintano dicti mei mansi et in omnibus aliis supra dictis peciis terre dicte mansate mee […] excepta dicta vinea dels Canadels, recipit dictus nobilis dominus Berengarius de Castronovo pupillo et sui […] recipere debet et consuevit semper ipse nobilis et sui, de omnibus expletis terre in dictis omnibus peciis terre quintano dicte mansate del Puyol excrescentibus tam panis quam

61 - En marge : symbole, o/, signifiant que les confronts non précisés et non mentionnés dans un premier temps (en témoigne : o), furent complétés par la suite (en témoigne : /). 62 - En marge : Sens

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 21 vini tascham et partem suam decime ut est consuetam et [au dessus : mediam] cossuram de civata speuta et mileo grosso tamen [au dessus : et septenam racemorum]. Quam tascham [au dessus : septenam] racemorum tenemur et debemus vobis [por]tare ego et mei tenentes seu etc dictum mansum meum cum suis dictis possessionibus ad castrum de Montefferrario scilicet in tina domini nostris sumptibus et expensis et foriscapium etc.

Et recipit etiam dictus nobilis et sui et recipere con debet et consueverunt predecessores ipsius tascham et partem suam decime de racemis excrescentibus in dicta vinea mea dels Canadels. Quam tascham ra- cemorum debeo portare ego et mei nostris sumptibus et expensis in granerio domini ubi congregantur jura dicti nobilis in vineto de Rochamelera et foriscapium.

63

Item confiteor et recognosco virtute dicte juramenti etc quod Deuslosalvus des Vilar parrochie de Molleto predicti tenet pro me et dicto manso meo del Puyol infra dictos terminos dicti castri, quandam peciam terre que fuit exivit de dicta mansata mea et tenetur pro dicto nobili et suis successoribus jure directi dominii. Que pecia terre est loco vocato Al Vilar et affrontat ab oriente et occidente [au dessus : et circio] in tenencia que est comunis ipsius Deuslosalvi et heredis mansi de Mauresio et heredis borde de Serrato de Mauresio, et a meridie in tenencia Raymundi del Vilar et ab a circio. In qua pecia terre recipit recipit [sic] dictus nobilis et sui et recipere etc agraria et jura exple{tis} prout sub illis modo et forma quibus dictum est superius de aliis possessionibus dicte mansate mee, et pro predicta pecia terre facere debet et consuevit dictus Deuslosalvus et sui mihi et meis heredibus in dicto manso meo del Puyol annuatim semper pro oblia in festo Natalis Domini duos denarios.

Item tenet pro me in et dicto manso meo infra dictos terminos dicti castri Petrus de Queralbs dicte parrochie de Molleto, quendam campum qui est loco vocato Font Vieres qui campus fuit similiter de pertinenciis dicti mansi mei del Puyol, et affrontat ab oriente in comba de Font Vieres et a meridie in tenencia mansi de Rosses et in tenencia mansi den Pages de Queralbs et ab occidente in tenencia dicti Petri Queralbs et a circio in tenencia quam tenent dicti Petrus Queralbs et heres mansi de Rosses pro predicti del Pages de Queralbs pro herede mansi de Rosses. In quo campo recipit dictus nobilis [au dessus : et sui] et recipere debet et consuevit de expletis in dicto q campo excrescentibus tascham et partem suam decime et mediam cossuram sub illis modo et forma quibus dictum est superius per me de aliis possessionibus dicti mansi mei et foriscapium etc. Et dictus Petrus Queralbs et sui facit et facere debet et consuevit mihi et heredi mansi de Podiolo predicti annuatim semper pro censu sive oblia dicte pecie terre sive campi in festo Natalis Domini unum denarium barchinonensem.

Item tenet pro me et dicto manso meo infra dictos terminos dicti castri Bartholomeus Salveti de Falguario quandam peciam terre que est loco vocato As Aygal de Sobrequers et affrontat et ab oriente [au dessus : et meridie] in tenencia quam emit Petrus Antonii Oliver de Falgario ab herede mansi de Rosses et ab occidente in aqua del Comal de Sobrequers et a circio in tenencia quam emit Guillemus Ruyra del Falgar ab herede mansi de Sobrequers. In qua quidem pecia terre recipit etc dictus nobilis dominus Berengarius omnia agraria et jura sub illis modo et forma predictis quibus dictum est supe- rius de aliis peciis terre dicte mansate mee del Puyol et foriscapium etc. In qua pecia terre predicta recipimus etc ego et mei annuatim semper de censu sive oblia in festo Natalis Domini unum denarium barchinonensem.

Pro qua tota supradicta mansata mea del Puyol et pro hospicio et quintano et aliis omnibus peciis terre et vinea pro

Item teneo

Fol. 11v°

nunc sunt […] ut predictum est dicti mansi del Puyol facimus et facere debemus et tenemur ac consue- vimus ego et mei tenentes seu possidentes dictum mansum meum de Podiolo nunc et in futurum dicto nobili domino Berengario de Castronovo pupillo et suis successoribus in dicto castro de Montefferrario annuatim semper de censum in festo Natalis Domini duodecim solidos [au dessus : barchinonenses] et

63 - En marge : symbole en forme d’ « altère » renvoyant à un oubli du scribe complété en fin de déclaration (cf. note de bas de page n°63).

22 Le Capbreu de Montferrer... sex denarios pro quodam molendino quod teneo in riparia de Munels pro dicto nobili quo ad directum dominium et sex [au dessus : quinque] denarios per foguasses. Et duos mesaylals vini puri et sex puyerias civate rases ad rectam mensuram censualem dicti castri quem censum vini et civate debemus ego et mei portare in dicto castro nostris expensis et unum par gallinarum et amplius unam gallinam pro devesia dicti mansi mei. Et unum faxium palearum siliginis et unum faxium lignarum et unum panistre de cols.

Item confiteor et recognosco virtute dicti juramenti per me superius prestiti, quod teneo etc infra dictos terminos dicti castri pro dicto nobili et suis successoribus predictis quo ad directum dominium quandam peciam terre quam emi ab herede borde de Ssa Triyla de Pegeroles, que est loco vocato A Crosels, et affrontat dicta pecia terre ex una parte in tenencia heredis mansi de Crosels et ex duabus partibus in tenencia den Sala de Pegeroles et ex alia in tenencia mansi de Vilauta. In qua pecia terre recipit dictus nobilis et sui etc tascham integram et partem suam decime ut est moris de omnibus expletis in dicta pecia terre excrescentibus et foriscapium quandocumque etc. Et pro predicta pecia terre facimus etc ego et mei annuatim semper pro censu sive oblia dicte pecie terre unum denarium in festo natalis domini dicto heredi borde de Triyla.

Item64 teneo etc ego et mei infra dictos terminos dicti castri pro dicto nobili et suis successoribus jure directi dominii, quandam peciam terre que fuit de possessionibus mansi de Quintano de ecclesia, que affrontat est loco vocato Al Puyol juxta dictum mansum meum. Et affrontat ab oriente et meridie in tenencia mansi predicti del Puyol et ab occidente in tenencia residua dicti mansi del p Quintan et a circio in comba vocata Coma de Sent Sadorniu. In qua pecia terre recipit dictus nobilis et sui et recipere etc tascham et solitam decimam de expletis etc et foriscapium etc. Et pro predicta pecia terre facimus ego et mei de censu annuatim semper in festo Natalis Domini unum denarium et dicto heredi dicti mansi de Quintano.

Item teneo et tenere etc infra dictos terminos dicti castri pro dicto nb nobili et suis successoribus etc jure directi dominii, quandam peciam terre que fuit de possessionibus mansi seu borde del Revel de Ssa Val, que est loco vocato As Cugul. Et affrontat ab oriente j in tenencia mansi seu borde de Edrerio et a meridie [au dessus : et occidente] in residua tenencia mea et a circio similiter in tenencia dicti mansi mei del Puyol. In qua pecia terre recipit dictus nobilis et sui etc tascham et solitam decimam, de expletis etc et foriscapium etc. Pro qua dicta pecia terre facimus etc ego et mei de et pro censu sive oblia dicte pecie terre annuatim semper in festo Natalis Domini dicto heredi mansi del Revel et suis unum denarium barchinonensem.

Et confiteor etc virtute dicti etc quod Petrus de Ruyra heres borde de Ruyra Superiori tenet etc et consuevit dictam bordam suam de Ruyra Superiori cum aliis terris suis quas ipse superius recognovit in alio instrumento pro me et dicto manso meo del Puyol. Et pro predicta borda facit mihi et meis de censu annuatim XII denarios in festo Natalis Domini.

Et insuper confiteor et recognosco virtute dicti juramenti per me superius prestiti, quod pretextu occasione et causa dicte mansate mee ego dictus nobilis dominus Berengarius de Castronovo pupillus et sui successores in dicto castro habent et habere debent in me et dictis meis descendentibus natis et nascituris et predecessores ipsius nobilis habere consueverunt in meis predecessoribus tenentibus dictum mansum meum de Podiolo semper hostem et cavalcatam et seguis meis et meorum sumptibus et expensis contra omnes illas personas et contra quas ipse nobilis dominus Berengarius et sui succes- sores voluerint me et meos ducere tociens quociens per ipsum nobilem vel suos mihi vel meis fuerit mandatum. Dantes malum et dampnum illis personis quibus ipse nobilis aut sui voluerint pro toto posse nostro.

Fol. 12r°

Item confiteor etc virtute dicti juramenti per me superius prestiti quod ego et mei successores tenentes seu possidentes de […] mansum de Podiolo facimus et facere debemus et consuevimus ego et mei predecessores dicto nobilo domino Berengario et suis successoribus et eius succ predecessoribus suis in dicto castro semper operas, geytes, bades, escotgueytes, tociens […] per ipsum nobilem vel suos, mihi vel meis dictis successoribus fuerit mandatum seu requisitum et hoc tempore guerre de regart et non aliter.

64 - En marge : symbole, o/, signifiant que les confronts non précisés et non mentionnés dans un premier temps (en témoigne : o), furent complétés par la suite (en témoigne : /).

Le Capbreu de Montferrer... Guillaume DALMau 23 Et etiam habet dictus nobilis dominus Berengarius de Castronovo et sui successores in dicto castro, in me et suis descendentibus natis et nascituris jurisdiccionem altam et bassam, civilem et criminalem, de omnia forma mortis de fraccione membrorum, et quod non consuevimus ego nec mei [au dessus : nec possumus] habere recursum ad maiorem. Que omnia et singula s[…] predecessores dicti nobilis domini Berengarii habere consueverunt in meis predecessoribus in dicto manso meo pro omnibus etc ab me et meos [au dessus : dicto nobili et tibi scriptori etc] et mea etc. Et ita etc et quod contra etc renuncio etc.

Actum est hoc VII° idus decembris. Testes Petrus Johannis De Leca parrochie predicte de Molleto et Raymundus Bort clericus de Montefferrario et Bernardus de Molleto presbiter de Arulis.

Item65 teneo et tenere debeo [au dessus : pro dicto nobili etc] etc intus cellariam dicti castri de Mon- tefferrario, quoddam solutum quod affrontat ex una parte in tenencia Petri Antonii Oliver et ex alia in tenencia Bernardi Beatricis et ex alia in tenencia heredis mansi seu borde de Insula et ex alia in via publica. Item teneo etc pro dicto nobili et suis etc quo ad directum dominium, quoddam patuum intus dictam cellariam dicti castri, quod affrontat ex una parte in tenencia Raymundi de Benato et ex alia in via publica et ex alia in tenencia den Ruyrale. In quibus predictis sotulo et patuo recipit dictus nobilis etc foriscapium etc.

65 - En marge : symbole en forme d’ « altère » renvoyant à l’oubli du scribe au cours de la déclaration, qu’il compléte ici (cf. note de bas de page n°61).

24 Le Capbreu de Montferrer...