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PAYS : DIFFUSION :(12000) PAGE(S) :28-31 JOURNALISTE : Alain Solari SURFACE : 384 % PERIODICITE :Hebdomadaire 20 avril 2018 - N°3583

ALFREDLATOUR Les gestes d'un h

Trois expositions rendent, en , poursuit à Eygalières dont la Maison des Consuls présente une série de photographies réalisées hommage au peintre, graveur, affichiste dans ce village de Provence R Alfred Latour et graphiste Alfred Latour, qui fut aussi avait élu domicile les trente dernières années de sa vie. un photographe de talent. Alfred Latour naît à le 27 DR 1888. Son père est compositeur typographe à l'Im- IBRE COMME L'AIR et les d eu x pr o v en - pr i m er i e na t io n al e, ce qui ne sera pas sans Autoportrait, Alfred Latour, çaux d'Eygalières, q u ' il préféra aux Atelier de l'artiste, conséquence sur le parcours d'Alfred. Après mondanités parisiennes, Alfred Latour Eygalières, 1950. un bref passage aux B ea ux - A r t s , Latour est ( 1 8 8 8 - 1 9 6 4 ) est un a dm is en 1908 à OeFROH des a r t i s t e d o n t l ' u v r e A r ts d é c o r a t if s . De 1 9 0 9 à foisonnante mérite d'être redé- 1911, il découvre les côtes no r - , Lcouverte. Le Centre Pompidou, m an de s et br e t on n e s d o nt il | le musée Cantini de fait un grand nombre de pein- j ou le B r it i s h M u s é u m p o s - tures et de dessins à l ' o c c a - j sèdent des de Latour sion de son service m i li t ai r e. | qui est pourtant oublié de nos En 1913, il installe son premier ! jours. Graveur, affichiste, typo- atelier sur l'île Saint-Louis e t ! graphe, dessinateur t e x t il e et expose au Salon d ' A ut o m n e, i photographe de talent, Latour e m il e B e r n a r d le r e m a r qu e : est aussi un peintre singulier. et lui confie le soin de graver! L'exposition qui lui est consa- ses propres dessins. Latour e s t ! crée en , à l'Espace V an - grièvement blessé en Picardie ' Gogh, présente son et son parcours. Son en s e pt e m b r e 1914. Il rapportera dessins et travail sur la photographie fait pour la première Revivre la croquis des paysages aux alentours des régi- fois l'objet d'une exposition au musée Réattu, couleur dans ments R il est affecté. Au sortir de la guerre, premier musée des beaux-arts français à avoir Latour se remet à la gravure sur bois et aux arts collectionné la photographie. La découverte se la gravure graphiques. Peintre, il va faire revivre la couleur

Paysage, petits nuages, 1961. Les Saintes-Maries-de-la-Mer, 1956.

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Mas au pied des Alpilles, 1936 .

omme libre par Alain SOLARI

dans la gravure. En 1925, il reçoit un grand prix (1936), plus tardives et très épurées LesSaintes- à l'Exposition internationale des Arts décoratifs Maries-de-la-Mer (1942), Rizières ou Paysages et industriels modernes de Paris. Quand Charles aux vignes (1956). Le dynamique patron des Peignot, qui dirige une fonderie de Vins Nicolas va s'adresser, pour son caractères typographiques, crée un catalogue et ses affiches, à Latour nouveau caractère - le \Sphinx\ qu'il sait à l'avant-garde graphique - il fait appel à Latour pour réa- de sa génération. Une c a r t o m a n- liser les vignettes graphiques qui cienne avait prédit à l'artiste l' a c c o m p ag n e nt . Elles sont pré- fortune par Latour s'est sentées à l'Espace V a n- G o g h . toujours tenu à l'écart des \écoles\ Tout comme les gravures sur bois artistiques, mais il adhère dans les destinées à orner Eurêka d'Edgar années 1 9 35 - 1 93 6 à l'Union des Poe, De Profundis d', artistes modernes, créée en 1929 ou Les Fleurs du Mal de Charles par M a l le t - S t e v e ns . Pendant la Baudelaire... En 1929, Charles Seconde Guerre mondiale, il rejoint ^ Bianchini, d'une prestigieuse mai- son fils Jacques* (qui sera dépor- | son de soieries lyonnaise, sollicite té à Dachau) dans la Résistance, s Latour, après , pour des C'est dans la foi chrétienne q u ' il s toiles de coton imprimées. trouve la force de tenir. la fin des | En 1932 Alfred Latour achète années 1940, Pierre Aynard, éditeurs- une ancienne bergerie à Eygalières. lyonnais de tissus imprimés p o u r | Il vivra retiré dans ce village des la haute couture et propriétaire d e s Alpilles jusqu'à sa mort en 1964. l'abbaye de Fontenay, demande à s Il repose dans le cimetière de la Latour d'apporter une note n o u - | petite cité. Eygalières, l'artiste velle à ses collections. Q u e lq u e s ! s'engage dans une voie nouvelle : exemplaires des Toiles de Fontenayt celle des aquarelles. Plusieurs d'entre elles, Trois roses, 1959 . sont présentées à à l'Espace V a n- G o gh . En inspirées par la Provence, sont présentées à 1946, Alfred Latour acquiert une maison dans l'Espace Van-Gogh : Mas au pied des Alpilles le vieil Eygalières. Dans ses deux ateliers, il se

Les Saintes-Maries-de-la-Mer, 1942 . Alpilles et nuages blancs, 1 9 5 4 .

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partage entre les réalisations graphiques et la Beaujolais, Le Port, trois bateaux, et une sélec- peinture. « Liberté des couleurs et rigueur du Son saisit tion de photographies d'Alfred Latour, prises trait, stylisation aux frontières de l'abstrait, géo- l'insolite entre la fin des années 1920 et le début des métrie des volumes, simplicité des formes tout années 1960. Son travail dans ce domaine fait concourt à la réalisation de pour la première fois l'objet cette recherche entrevue dès d'une exposition au musée l'enfance, cette vocation, R é at t u . Dans les années être peintre. **» Devant les 1920, l'artiste aborde cet toiles exposées à à l'Espace autre domaine. Il est cor- Van-Gogh, le visiteur reste r e s po n d an t d'une agence étonné de la modernité de internationale de reportage c e t t e a b s t r a c t i o n fi g u r a - photographique à Paris. En Calvaires à Eygalières, 1936, il mettra brièvement , Le Vallon des son regard au service de Auffes, Clocher provençal, l'agence Meurisse à Paris. Amandier et vieux puits, L o r s qu e L a t o u r s ' é v a d e Visage... frappent par leurs de l'atelier pour saisir sur couleurs f r a nc h es et leur le v i f la vie publique des composition ramenée à l'es- Parisiens, il nous livre des sentiel. scènes de rue, des pêcheurs Au musée R é at t u , le au bord de la , le mar- visiteur retrouve quelques ché aux oiseaux, les t e r - toiles, dont Rizières (1956) R quelques traits Le Château blanc, 1948 . rasses de cafés... Ici un fort des Halles, là un âne structurent les aplats bleus et verts, Paysage du et sa charrette. Son saisit l'insolite de cer-

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Le village d'Eygalières

Avant d'arriver à Eygalières, le vieux village se détache sur le paysage, accroché à un éperon rocheux, le \Roucas\. Le village, plein de charme, a su conserver son authenticité. Après Alfred Latour, il abrite encore aujourd'hui de nombreux artistes. Ses anciennes maisons de pierres, s'échelonnent au long des petites rues tortueuses. La place ombragée des \Pago-tard\ fait face au calvaire de la Safranière. Elle offre une belle vue sur les som- mets des \Calans\ et sur les Alpilles. Vers le XVI e siècle, III les modestes habitants du vieux village ne pouvaient payer leurs dettes qu'après la récolte, GR leur surnom de \pago-tard\ (paye tard). Aujourd'hui, des concerts animent la place en été. Sur le haut du village, non loin de la Maison des i Consuls (qui abrite l'exposition de photos d'Alfred Latour), se trouve la chapelle Saint-Laurent qui remonte Bord de mer. e au XII siècle. Connue déjà en 1155, elle dépendait du taines vitrines, photographie des personnages diocèse d'Avignon. Son architecture fut remaniée au e de dos sur un pont, utilise la contre-plongée XVII siècle. Saint Laurent, patron d'Eygalières, était pour placer des marches en premier plan. Le archidiacre au service du pape Sixte II. quelques pare-brise d'une auto sert de cadre aux alen- pas de là, La chapelle des Pénitents-Blancs, édifiée en tours du Bon Marché. 1581 lors de la Contre-Réforme, abrite A p r è s la S e c o n d e aujourd'hui le musée Maurice-Pezet. Il pré- Toiles de Fontenay, Guerre mondiale, Alfred sente quelques témoignages préhistoriques 1948. Latour ne réalise plus de ainsi qu'une collection d'outils anciens photos qu'à des fins pri- qui servaient jadis aux paysans. Des ruines vées. Au fil des années, du château, une vue s'offre à nouveau sur il crée une vision socio- Eygalières et les Alpilles. Une statue de l o g iq u e de la vie à | la Vierge, qui domine et protège la petite Eygalières. Les sujets sont | cité, a été placée en 1893 sur les ruines de g l'ancien donjon. choisis en écho aux des- sins ou aux peintures du s l'écart du village, sur un tertre moment. La Maison des g rocheux planté d'oliviers et d'amandiers, se Consuls présente cette | trouve la chapelle Saint-Sixte. Cet édifice e série d'images person- 5 roman du XII siècle est dédié à Sixte II, nelles : Jeunes femmes 0 , ' endimanchées devant le 1 | pape des premiers temps de l'Eglise (III ' des devan- | siècle). Son lazaret protégeait le village tures du du 1 lors des périodes de grande peste. Dans ou du de Le Livreur Nectar, pour Nicolas, 1961 Affiche, projet. 1 un écrin de verdure, le Mas de la Brune travers l'objectif de son e est un manoir Renaissance du XVI siècle. Leica, un arbre au milieu de nulle part devient Cette demeure historique a été construite un personnage, un puits et son seau, la roue en 1572 pour Pierre Isnard, intendant du duc de Guise. Le Festival d'une charrette, prennent un relief singulier. de musique d'Eygalières a le privilège d'être accueilli dans le parc privé du châ- Mais Alfred Latour est avant tout un peintre et teau durant le mois de juillet. Il faut enfin citer le maset de La Lèque à Eygalières, un graphiste. Ses clichés en sont la traduction. propriété de Jean Moulin, R il se réfugia dans la nuit du 2 au 3 janvier 1942, au Il utilise la photographie pour documenter ses lendemain de son parachutage sur les Alpilles, avant de rejoindre Saint-Andiol, puis recherches formelles. Là encore, son esthétique Montpellier. vise l'épure. la suite des expositions organi- * Jacques Latour deviendra après-guerre le premier conservateur du musée Réattu à Arles, sées à Arles et Eygalières, et des deux publi- ** Nicolas Raboud, Alfred Latour. Un rêve de peintre, dans le catalogue. cations consacrées à d'Alfred Latour « Alfred Latour, les gestes d'un homme libre », à l'Espace Van-Gogh, 18 place Félix-Rey, 13200 Arles, jusqu'au 2 mai, tous les jours parues aux éditions Actes Sud, la Fondation (11h-13h et 14h-18h). Tél. : 04.90.49.39.39. Alfred Latour et les éditions Actes Sud sont >au musée Réattu, 10 rue du Grand-Prieuré, 13200 Arles, jusqu'au 30 septembre, convenues de lancer un prix Alfred-Latour en du mardi au dimanche (10h-18h). Tél. : 04.90.49.37.58. partenariat avec les éditions Imprimerie natio- >à la Maison des Consuls, Rue de la 9LHLHeJLVH 13810 Eygalières, jusqu'au nale. Ce prix sera décerné tous les deux ans. Il 30 septembre, du mardi au dimanche (15h-18h30). Tél. : 04.90.95.91.01. Catalogues : célébrera le projet d'un jeune artiste reconnu * Alfred Latour. Les gestes d'un homme libre. eGLLRV Actes Sud, 249 pages, 39 dans son début de carrière. * Alfred Latour. Photographies, cadrer son temps. eGLLRV Actes Sud, 128 pages, 29

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