Les Apports Techniques De Mikinosuke Kawaishi Et D'ichirō Abe Dans Le
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Les apports techniques de Mikinosuke Kawaishi et d’Ichirō Abe dans le judo. Matthieu Chavatte & Loïc Finkelstein Table des matières Un peu d’histoire 3 Les apports techniques de Mikinosuke Kawaishi : l’arrivée du judo en France 6 La méthode Kawaishi, le terreau du judo français 7 Enseignement de Mikinosuke Kawaishi 7 Le judo Kawaishi 8 Possibles raisons de divergence 9 Les apports techniques de Ichirō Abe, le développement du judo traditionnel 10 L’arrivée de la méthode Kodokan 10 Les fondamentaux du Judo selon Ishiro Abe 11 Une différence fondamentale entre les deux méthodes : les entrées 12 Conclusion 13 1. Un peu d’histoire Le Ju-Jutsu est une technique de combat à mains nues utilisé par les samouraïs sur le champ de bataille, ayant pour vocation de mettre un attaquant hors d’état de nuire, avec rapidité et dans les règles de l’art. A la du 19ème siècle, Jigorō Kanō souhaite transformer cet art martial en une école de vie avec comme moyen l’éducation de l’esprit et du corps "adaptée à toute une nation", et désir l’adapter à la nouvelle ère. Kanō décida de renommer le Ju-Jutsu (Ju "souple ou céder" ; "Jutsu" est un art ou un procédé technique) en Judo (Ju "souple ou céder" ; do "voie, chemin"), c’est ainsi qu’il fonda le premier judo moderne. D'autres Maîtres suivront en effet son exemple, transformant leur art de "technique" en "voie". Jigorō Kanō Voici une chronologie des évènements marquants dans le parcours des trois hommes sur laquelle porte notre étude : Jigorō Kanō, fondateur du judo ; Mikinosuke Kawaishi, instigateur du judo français ou “Judo Mikinosuke Kawaishi” ; Ishiro Abe, Maître de judo à l’origine du “Judo Kodokan” comme furent les appellations données dans les années 1950. ● Juin 1882, Jigorō Kanō alors âgé de 22 ans crée le Judo Kodokan. A ses débuts il n’y avait que 9 élèves. Le jeune professeur était sans argent et le tatami mesurait à peine 20 m². ● En 1887 une école nationale de tous les arts martiaux est créée par le gouvernement japonais, c'est le Butokukai. Bien que placée sous l'égide de Jigorō Kanō cette école ne tardera pas à devenir rivale du Kōdōkan. ● A partir de 1889, Mikinosuke Kawaishi étudie le Ju-Jutsu au Butokukai jusqu’en 1920. ● En 1889 la première démonstration de judo est faite en France, à Marseille par Jigorō Kanō lui- même au cours d'un voyage en Europe mais elle passa inaperçue. ● En 1904 Ie célèbre lutteur Français Guy de Montgailhard, dit Ré-Nié, ouvrit à son tour une salle à Paris après avoir participé à de nombreux cours auprès de Maîtres japonais en Angleterre. On trouva intérêt à ses démonstrations de Jiu-jitsu jusqu'au jour où il succomba devant un imposant lutteur russe. ● En 1911 la seconde tentative d'implantation d'un Judo, cette fois plus orthodoxe puisque étudié à la source même du Kodokan, fut due à Le Prieur (première ceinture noire française), mais de retour en France, il ne persévère pas au-delà de quelques démonstrations publiques. ● A partir de 1920, Mikinosuke Kawaishi enseigne dans plusieurs pays. Tout d’abord aux USA, puis en Angleterre où il ouvre un club de Ju-Jutsu à Liverpool et à Oxford de 1920 à 1935. ● En 1924 nouveau départ manqué avec Keihichi Ishiguro, du Kodokan, qui enseigne dans plusieurs Dojo à Paris mais ne laisse rien derrière lui. ● En 1931, Mikinosuke Kawaishi retourne au Japon et reçoit de Jigorō Kanō le 3ème Dan Judo Kodokan. ● En octobre 1935, Mikinosuke Kawaishi arrive en France sur l’invitation de Moshe Feldenkrais animateur du Ju Jutsu Club de France. Ce dernier a rencontré Jigorō Kanō en 1933 et 1934 lors de plusieurs conférences et a étudié le judo avant l’arrivée de Mikinosuke Kawaishi en France. ● Juillet 1936, Mikinosuke Kawaishi créé le Club Franco-Japonais et recevra les premiers Judoka français. ● Fin 1937, le Club Franco-Japonais ferme ses portes et intègre le Jiu-Jitsu Club de France fondé un an plus tôt par Moshe Feldenkrais (Jigorō Kanō a accepté la présidence d'honneur). Ce club est l'émanation de la section judo-jiu-jitsu de l'École Spéciale des Travaux Publics de la Ville de Paris initiée par Feldenkrais vers 1929. Mikinosuke Kawaishi assure ainsi la direction technique du JJCF qui devient la première structure permanente du judo français. ● En 1938, Mikinosuke Kawaishi reçoit de Jigorō Kanō le 5ème Dan de Judo. ● Le 4 mai 1938, décès de Jigorō Kanō, sur un bateau qui le ramène au Japon. ● Le 20 avril 1939, Mikinosuke Kawaishi fait passer la première ceinture noire de judo en France à l’un de ses élèves français Maurice Cottreau qui ne pourra terminer sa formation à cause du conflit qui se profile en 1939. C'est à Jean de Herdt (élève français de Kawaishi) que sera remise la première ceinture noire le 12 juin 1940. ● En 1939 Mikinosuke Kawaishi quitte la France pour le Japon à la suite de l’entrée en guerre du Japon aux côtés des forces de l’Axe. ● Le 31 mai 1943 se déroulent les premiers championnats de France à Paris à la salle Wagram. Ces derniers ont lieu en l’absence de Mikinosuke Kawaishi et sont organisés sous la responsabilité de la Fédération française de lutte, sous la section de Ju-Jutsu nouvellement créée. Le premier champion de France " toutes catégories " sera Jean de Herdt. ● Le 9 novembre 1947, Mikinosuke Kawaishi met en place le futur Collège des Ceintures Noires avec Jean de Herdt et dont le premier président est Jean Andrivet (élève de Kawaishi en 1938). ● Le 30 novembre 1948, Mikinosuke Kawaishi revient en France. Il est accueilli à Marseille par les pionniers du judo et le président du CCN. Il reprend l'enseignement de sa méthode. ● Le 5 juillet 1950, Shozo Awazu est envoyé en France par le Kōdōkan pour devenir l'assistant de Mikinosuke Kawaishi. Il deviendra un grand fondateur du judo français. Il rencontrera et battra le 21 octobre 1950 les champions de l’équipe de France de l'époque (Levannier, Martel, Belaud, Verrier, Roussel, Cauquil, Pelletier, Laglaine, Zin), à l'exception de Jean de Herdt qui obtiendra le nul. Il devient leur entraîneur sous la responsabilité de Maître Mikinosuke Kawaishi. ● Le 28 novembre 1951, Ichirō Abe (6ème Dan) est accueilli au port de Marseille suite à la demande du club de judo de Toulouse, le Shudokan. Plusieurs fois finaliste du championnat du Japon, il a été spécialement choisi par les dirigeants du Kodokan pour enseigner. Une véritable révélation a lieu à Toulouse, avec la rencontre d’Ichirō Abe, de Luc Levannier et de Jacques Belaud (CN n°36 et n°42). Ils étudient et se lient d’amitié avec le maître qui leur fait redécouvrir un judo fait d'enchaînements, de déplacements, de confusions, et d’esquives. ● En octobre 1954 l’Union Fédérale Française d’Amateur de Judo Kodokan en France est créée par Ichirō Abe, Guy Pelletier (CN n°7) et Pierre Roussel (CN n°45) pour diffuser l’enseignement de Maître Abe. Mais ce mouvement ne s’imposera pas en France et Ichirō Abe décide d’enseigner en Belgique. ● Avril 1956, création de la Fédération Française de Judo et Disciplines Assimilées. Cette dernière permet une première réunification du judo français entre le Collège des Ceintures Noires et la Fédération Française de Judo. Cette union marque l’intégration de la méthode Kodokan dans le judo français et la perte d’influence de Mikinosuke Kawaishi. Parallèlement, des Français élaborent aussi de nouvelles démarches pédagogiques. Une autre scission aura lieu par la suite, menée par Awazu, sur des désaccords forts concernant l’utilisation du judo en compétition notamment via les catégories de poids et de couleurs. ● Le 30 janvier 1969 Mikinosuke Kawaishi meurt à l’âge de 69 ans, enterré dans un relatif anonymat au cimetière du Plessis-Robinson. ● En octobre 1985, Luc Levannier avec l’aide d’un groupe de passionnés et d’amis fonde l’Ecole Française de Judo/Ju-Jutsu Traditionnel (EFJJT). 2. Les apports techniques de Mikinosuke Kawaishi : l’arrivée du judo en France A son arrivée en France Mikinosuke Kawaishi sait, par son expérience acquise à l’étranger, que la culture européenne n’est pas prête à assimiler le judo des japonais. Il décide alors de créer une méthode différente de l’enseignement des japonais adaptée pour les français. Pour cela, il reprend le système des ceintures de couleur introduit par Gunji Koizumi en Angleterre et y associe un programme d’enseignement décliné dans une méthode. Au Japon, les ceintures intermédiaires n’existent pas entre les ceintures blanches et les ceintures noires. Mikinosuke Kawaishi (gauche) et Shozo Awazu (droite), vers 1950 Pour chaque technique de judo, il donne un nom en français et un numéro pour les rendre plus rationnelles tout en supprimant la barrière de la langue. Certains exercices de Jigorō Kanō seront modifiés pour créer par exemple les " Randori Kawaishi " ou " Randori Compétition ". Il laisse une place importante au Ju-Jutsu et à la compétition, choses recherchées par les français. Afin de mieux ancrer le judo dans les habitudes françaises, il vend le judo comme “l’art de vaincre le grand” ou comme self-défense, tendances alors populaires et exacerbées par l’attrait de l’exotisme du judo à l’époque. Le “Kiai” par exemple a longtemps été enseigné comme un cri presque magique, capable de vaincre sans toucher ou de réanimer une personne assommée. Mikinosuke Kawaishi promeut aussi la compétition autour du judo afin de répondre aux besoins des français de s’affronter et de marquer des victoires.