Programme Du Soir
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2016 20:00 16.09.Grand Auditorium Vendredi / Freitag / Friday Jazz & beyond Stefano Bollani Danish Trio with Special Guest Enrico Rava Stefano Bollani Danish Trio Stefano Bollani piano Jesper Bodilsen double bass Morten Lund drums Enrico Rava trumpet Backstage 22:00 Grand Foyer Meet the artist: Post-concert talk with Stefano Bollani (E) Le jardin bleu de Stefano Bollani Pierre Fargeton Italie, pays de jazz Voilà plus d’un demi-siècle que l’on sait qu’il faut compter avec le jazz italien. Depuis au moins 1959 en tout cas, et la fameuse tournée italienne de Chet Baker, épaulé notamment par le contrebassiste Giovanni Tommaso, aujourd’hui vétéran du jazz dans la péninsule. À vrai dire, l’Italie du jazz nous donne même depuis quelques décennies tant de musiciens de tout premier plan, que l’on finit par ne plus savoir par où commencer pour les nommer, ni où donner de la tête pour les entendre tous. Les pianistes Enrico Pieranunzi, Franco d’Andrea, Giovanni Mira- bassi, les trompettistes Enrico Rava et Paolo Fresu, les saxopho- nistes Stefano Di Battista, Francesco Bearzatti, Rosario Giuliani, ou encore les Français d’adoption comme le batteur Aldo Roma- no ou le contrebassiste Riccardo Del Fra. Cette précellence du jazz péninsulaire étant rappelée, disons-le: il n’y a pas plus de jazz italien qu’il n’y a de jazz français ou scandinave. Fût-ce avec un regard tourné vers le berceau états- unien, le jazz s’est toujours construit sur des ambitions transna- tionales, et celui qui nous vient d’Italie, comme les autres, ne ré- vèle pas de style ou de goût spécifique et homogène (à l’instar de ce qu’on appelait jadis les «écoles nationales»), mais au contraire une foisonnante diversité de conceptions. C’est ce que nous confirme avec éclat la musique éclectique de Stefano Bollani, l’un des plus captivants pianistes de jazz européens que la pépi- nière italienne nous ait offerts depuis le tournant du siècle. 2 Bollani, virtuose audiotactile Né à Milan en 1972, Stefano Bollani «tombe» dans le piano dès l’âge de six ans, signe d’une véritable vocation, qui se concrétise et s’affermit au cours de ses années d’étude au Conservatoire Luigi-Cherubini de Florence. Derrière la vitrine de sa technique de jeune surdoué, Bollani se passionne plus ou moins secrète- ment pour le jazz, avec pour porte d’entrée principale le piano d’Horace Silver, maître du hard bop, ou celui du Canadien Oscar Peterson. Dès l’adolescence, Bollani est donc partagé entre son cursus officiel au Conservatoire, qui lui apporte la maîtrise de l’instrument et la transmission du répertoire classique (qu’il continue à enregistrer de temps à autres – concertos de Poulenc et Ravel, notamment, ou encore Stravinsky et Gershwin, sous la baguette de Riccardo Chailly, en 2010 et 2012, chez Decca), et un apprentissage buissonnier, audiotactile, comme dirait son compatriote musicologue Vincenzo Caporaletti. «Audio» car ces musiques comme le jazz, qui ont quasiment l’âge du phono- graphe, s’appréhendent d’abord par l’écoute des autres (et le dis- que, ici, démultiplie les possibilités d’écoute de l’autre); «tactile» car cette écoute est directement reliée au toucher de l’instrument. On écoute, on imite, on «relève» (comme disent les jazzmen) les solos des aînés, on «repique» une astuce harmonique etc. Et surtout, tout ce que l’on apprend à entendre, on s’essaie im- médiatement, instrument en main, à le réinvestir dans d’autres contextes, sur d’autres morceaux, dans d’autres tempos, un jour d’une manière, le lendemain d’une autre, parfois de façon pré- méditée, parfois sans se rendre tout à fait compte de ce qui nous revient sous les doigts à un moment inattendu; bref, on fait jazz de tout bois. Et à ce petit jeu, Stefano Bollani semble avoir très tôt des prédis- positions. Lorsqu’il sort diplômé du Conservatoire en 1993, il a ratissé aussi bien du côté des pères fondateurs de la grande tra- dition du piano stride (James P. Johnson, Fats Waller, Earl Hines ou Teddy Wilson) que du côté de ses contemporains (Keith Jarrett, par exemple, ou encore son premier «mentor» Franco d’Andrea – avec qui il immortalisera au disque en 2000 son duo 3 Banque de Luxembourg, société anonyme, 14 boulevard Royal, L-2449 Luxembourg - RCS Luxembourg B5310 Luxembourg - RCS Luxembourg L-2449 Royal, boulevard 14 anonyme, société Banque de Luxembourg, du «Macerata Concert»). Avec une telle polyvalence, Bollani ne tarde pas à être demandé de toute part, dans son pays natal. Après trois années de travail intensif dans les studios, sur scène, derrière des artistes de variétés et de musique pop, le pianiste fait la rencontre déterminante du trompettiste Enrico Rava. Une page se tourne… Les compagnonnages de Bollani Dès 1996, Stefano Bollani travaille de façon privilégiée avec Enrico Rava, qui sera dès lors tout à la fois un modèle et un alter ego du pianiste (une quinzaine de disques communs à ce jour et d’innombrables concerts). Rava: «un père et un frère, pour moi», dixit Bollani. Padre o fratello? Qu’importe, c’est d’une complicité presque spirituelle qu’il s’agit, et dont les débuts s’effectuent sous la tutelle symbolique de Chet Baker – Chet l’Italien, naturelle- ment – en 1999, avec le disque «Shades of Chet», dans un émou- vant «quintet à deux trompettes», Rava dialoguant avec Paolo Fresu. Ces premiers pas en fanfare ouvrent une discographie abondante et variée, au sein de laquelle s’entretiennent plusieurs compagnonnages tressés les uns avec les autres, beaux témoignages Pour nous, le mécénat d’amitiés fidèles. En 2000, avec «TenderLee for Chet», Bollani retrouve ainsi l’ombre de Chet Baker, et fait naître une conni- c’est offrir notre soutien à ceux vence de poète du son avec le grand Lee Konitz, au côté duquel il enregistre un duo live en 2002 («Konitz meets Bollani»), puis qui offrent la musique à tous. à nouveau en 2003 avec le saxophoniste Phil Woods en prime («Two Brothers in Three Flats»), et encore en 2004 avec les deux mêmes et Enrico Rava («Play Rava»), quatre enregistrements qui participent d’un long compagnonnage avec le fructueux label italien Philology – historiquement lié (les symboles sont décidé- La Fondation EME – Ecouter pour Mieux s’Entendre ment têtus) à Chet Baker, qui grava pour cette compagnie deux donne accès à la musique aux personnes qui en sont généralement exclues. de ses tout derniers disques. Chez Philology, Bollani enregistre En tant que membre fondateur, notre soutien ne se limite pas à un apport financier. aussi avec «la plus brésilienne des chanteuses italiennes» Barbara Nos réseaux et les compétences de nos équipes permettent à la Fondation Casini («Todo o amor» en 1997, «Stasera Beatles» en 1998 – une de développer et de pérenniser ses initiatives. réappropriation chaloupée des chansons des Fab Four –, ou en- core «Você e eu» avec Phil Woods en 2001). Comme l’artiste se sent partout chez lui, Bollani «exporte» son travail aux côtés de la chanteuse chez le français Label Bleu («Vento», avec Rava, en 2000), chez qui il grave plusieurs disques essentiels, du piano www.banquedeluxembourg.com 4 Tél.: 49 924 - 1 BDL_phil_programm115x175_mai2016.indd 2 17/08/16 11:38 solo («Småt småt», 2002), jusqu’à un fort original quintet italien («I Visionari», 2006) dans lequel Bollani pousse lui-même la chansonnette. Le pianiste dialogue désormais d’égal à égal avec ses pairs les plus renommés, comme Martial Solal, ou encore Chick Corea, avec qui il enregistre «Orvieto», en 2011 pour le prestigieux label ECM, qui accompagne le pianiste depuis main- tenant une décennie («Tati», en trio avec Paul Motian en 2005; «The Third Man» avec Rava en 2007, ou encore «New York Days» avec un quintet idéal constitué, outre le fidèle Rava, de Mark Turner, Larry Grenadier et Paul Motian). Avatars du cantabile On a souvent comparé Stefano Bollani à Roberto Benigni, comédien et réalisateur du fameux La Vie est belle. En raison de son humour, des numéros de funambulisme musical que sont souvent ses coq-à-l’âne faussement arbitraires, en raison peut-être aussi de l’allure débonnaire du sage un peu farceur qu’il arbore depuis qu’il a fait le deuil de ses dreadlocks des années 1990. Sans doute aussi en raison de sa grande popularité dans la péninsule, où il est un personnage très médiatique, depuis son émission de 2006 Il dottor Djembe sur la Rai Radio 3, et surtout, de 2011 à 2013, son émission musicale pour la télévision Sostiene Bollani, subtil équilibre de vulgarisation, de divertissement, d’humour et d’exigence, plébiscité par des milliers de téléspectateurs ita- liens. Mais la comparaison avec Benigni vaut encore en ce que la philosophie de Bollani pourrait se résumer au titre d’un de ses disques de 2014 chez ECM: «Joy in Spite of Everything». De la joie malgré tout. Du bonheur envers et contre tout, et jusque dans l’expression mélodique de la plainte ou de la nostal- gie, qui sied particulièrement à son toucher délicat. Car pour ce grand mélodiste qu’est Bollani, l’art du lamento (qu’il soit celui de la sodade capverdienne qu’il enregistre à l’occasion, celui du choro et de la chanson brésilienne, qu’il célèbre en 2008 avec «Carioca», ou bien évidemment celui du blues, qui niche toujours au cœur du jazz) est toujours un peu à l’image du ciel de Baudelaire: on y démêle mal le triste du beau. 7 Mélodiste, le mot est lâché, mais comment y échapper? Le piano de Bollani est un piano qui chante, en effet. Sans complexe.