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Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 1 - Certaines certitudes vous restent longtemps. Vous pouvez en faire ce que vous voulez, mais leur portée est incommensurable. Ainsi, moi qui rédige ce premier édito, très tôt je me suis dit que sur cette planète, rien ne me convenait vraiment. Je voulais des valeurs fiables, surtout pas des idées toutes faites. Et quelque chose qui serait mien, inaliénable, une seconde peau. Le truc introuvable, quoi ! 3 Folk Jackson C. Frank

7 Psychedelia Sauf, peut être, dans mes disques. Là, on sentait de Sacred Mushroom / Douglas la vie, de la profondeur de champs, des humeurs Fir / Glass Family non prédigérées. Un produit brut, à ingérer tel quel, 13 La story de juste pour voir ce qui allait arriver. Hanter le 24 Progressif disquaire local devenait une raison d’exister. Bref, Harvey Mandel le mauvais chemin. 26 Retour Lindsey Buckingham / Ozzy Mais voila, dans mon bled, j’étais bien seul avec Osbourne / America / Patti Smith toutes ces vibrations dans ma tête. 29 The Stooges 33 Entretien avec Christian Décamps Préférer Keith Richards ou les New York Dolls à 37 Soul ses révisions, parce que ces trois accords gras Introduction à la Soul Music et basiques sentaient le frais, soufflaient un air 39 Rock français plus chaud qu’à l’habitude… Ce monde-là Les cinq gentlemen 41 Krautrock m’attirait, me parlait un langage simple que je Introduction au Krautrock pouvais comprendre. Sticky Fingers , Heroes , 43 Objets discographiques Quadrophenia … Mes classiques, ma pléiade. très identifiés Obsolete / Discographie Le temps a passé, la musique a pris commentée de Rory Gallagher / Pavlov Dogs / Grinderman / définitivement le dessus, et Internet s’en est Purple Image mêlé. En me connectant sur un forum pris au 51 Je t’aime… Moi non plus! hasard, j’ai enfin trouvé ma tribu. Des gens The Deviants – Ptooff! aussi fous que moi. Obsédés, possédés par 55 Collectors une seule chose : entasser des disques, en Ep Swingin London écouter autant que possible. Et peut-être 65 Tour de table Le piratage encore plus. 73 Rubrique cliché L’île déserte Keith Richards a dit un jour « J’ennuie tous 77 Cinéma… Nanars & les gens que je connais, et tous les gens Rock’n Roll Psych-Out que je connais m’ennuient ». Il fallait bien 79 La relève Mister Rock and Roll pour décrire les 82 Le coup de gueule masochistes audios que nous sommes, que R.I.P. Industrie du disque nous revendiquons être. Nous qui 83 Crédits

concrétisons, maintenant, notre psychose

sur papier. Contactez notre rédaction pour la rubrique courrier : Saints, Radio Birdman, Johnny Thunders, [email protected] Nick Drake, Pink Fairies, Stooges, Mike Wilhelm. Ajoutez vos héros aux miens !

(Cet édito est humblement dédié à Robert Johnson et Hunter S. Thompson, pour leur vision déglinguée et leur goût de l’ultime.) Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 Laurent ■ - 2 -

Jackson C. Frank : Le blues gagne la partie

l’habiller d’accords. Et il a perfectionné plus tard son jeu lorsqu’il a pu convaincre sa mère de lui acheter une guitare électrique, une Gretsch Streamliner avec laquelle il pouvait s’éclater en reproduisant les chansons d’Elvis, sa grande idole. Cet Elvis qui n’aura pas su que l’inspirer, mais lui

aura aussi offert l’un des plus beaux a vie est une enfant de chienne ! Le moments de sa vie, de ceux dont il se 2 mars 1943, elle s’est penchée sur sera probablement souvenu quand, le berceau de Jackson C. Frank, lui tout au fond du gouffre, il aura cherché a fait don d’un talent inouï pour la désespérément une image à laquelle musique, et le lui a fait ensuite payer se raccrocher. Elle s’est imprimée dans en lui allouant un destin si misérable sa mémoire quand il avait 13 ans. Sa qu’il a dû lui en vouloir à mort de l’avoir mère l’a emmené visiter Graceland. Si mis au monde ! Il avait onze ans quand Jackson caressait l’espoir cette salope lui a asséné son premier d’entrapercevoir le King, celui-ci l’aura coup bas. Jackson vivait alors à comblé bien davantage en allant à sa Cheektowaga, dans l’état de New York. rencontre et en l’invitant à entrer chez Ce qu’il préférait de l’école, c’était les lui. cours de musique qui se donnaient dans une petite annexe toute de bois À 16 ans, Jackson se lance dans le bâtie. Ce jour-là, elle a flambé, rock’n’roll avec un pote. Puis se emportant dans sa mort 18 gamins. découvre une passion dévorante pour Jackson a survécu à ce massacre, le vieux folk, particulièrement celui mais les sept mois de calvaire qu’il chanté pendant la guerre de sécession. passera à l’hôpital et les cicatrices tant Peu de temps après, il fait la physiques que psychologiques qu’il en connaissance de John Kay, futur gardera lui auront peut-être fait chanteur de Steppenwolf, et hante regretter parfois de ne pas avoir ajouté avec lui les clubs où se produit la ses cendres à celles de ses petits scène folk locale. Révélation ! Il sera camarades en ce jour maudit. chanteur. Ou journaliste, si chanter ne le mène à rien. Il s’inscrit alors au Sa bataille contre le désespoir, il l’aura Gettysburg College, mais laisse gagnée grâce à cette guitare que l’un finalement tomber l’idée de se lancer de ses professeurs lui a apportée dans les études lorsqu’un coup du sort pendant sa convalescence. Jackson le dédommage pour ce qu’il a enduré avait déjà une voix d’une beauté et enfant. Il a 21 ans quand il perçoit d’une pureté rares. Il a vite appris à 100 000 $ d’une compagnie

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 3 - d’assurances, une véritable fortune When I ain't sleeping, Mama, dans les années 60. Ne sachant que When I ain't sleeping trop bien à quel point la vie peut être Well you know you'll find me crying. éphémère, Jackson décide d’en claquer le maximum, là, et s’achète Arrivé en Angleterre au milieu des immédiatement une Jaguar. années 60, Jackson C. Frank découvre rapidement un monde plus fascinant Avec Kay, il roule jusqu’au Canada, encore que celui des bagnoles qui traîne dans les clubs de Toronto et y l’avaient attiré sur le vieux continent. Le fait la connaissance de quelques Swinging London fourmille alors de musiciens qui, comme eux à ce jeunes musiciens folks pour lesquels moment-là, s’illuminent au son du l’excentricité est socialement blues de John Lee Hooker et de Muddy acceptable. Le contraste avec Waters. Mais Jackson ne s’enflamme l’Amérique rigide que Frank laisse pas que pour la musique. Il aime aussi derrière lui est si saisissant qu’il en est les bagnoles. Il lit dans un journal que euphorique. Il se lie vite d’amitié avec les ventes d’automobiles les plus trois musiciens, Al Stewart, Art alléchantes se font à Londres. Il ira Garfunkel et Paul Simon. Ce dernier, donc en Angleterre ! totalement subjugué par ce qu’il entend lorsque Jackson lui joue quelques-unes de ses chansons, lui propose sur le champ de produire son premier , ce que son compatriote accepte bien sûr sans une seconde d’hésitation. Al Stewart, qui a assisté à l’enregistrement de l’unique disque de Jackson C. Frank en compagnie de Simon et de Garfunkel, racontera plus tard que le musicien doutait tant de lui et était si nerveux qu’il demanda qu’on le cache derrière un écran pour que personne ne puisse le voir chanter.

« C’était assurément la session C’est au cours de son voyage en mer d’enregistrement la plus étrange que que Jackson C. Frank compose sa j’aie connue, ajoutera-t-il. Quand Paul toute première chanson. Celle qui disait « ok, on y va », il y avait d’abord l’immortalisera, qui sera reprise encore deux ou trois minutes de silence des décennies plus tard par des jeunes absolu. Puis émergeaient cette voix et musiciens qui le découvriront et seront cette guitare magnifiques… » foudroyés par le génie exceptionnel de ce gars méconnu. Dans Blues run the L’album séduira grandement la game , Jackson se raconte, étale le communauté folk du Swinging London. bleu de son mal à l’âme, le noie dans John Peel le fera même jouer souvent l’alcool et le dépeint de cette voix si lors de sa légendaire émission de radio incroyablement mélancolique et douce à la BBC. La réaction des auditeurs est qui caresse ces mots : si fulgurante que Peel se décide à inviter Jackson à venir chanter en When I ain't drinking, baby, direct. La télévision emboîtera le pas, You are on my mind, ce dont il ne reste malheureusement When I ain't sleeping, honey, que trop peu de témoignages visuels.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 4 - En ce Londres de 1965, Jackson fait attire lui-même des foules nombreuses également la connaissance d’une à ses concerts. jeune infirmière de 19 ans, Sandy Denny. Elle est aussi peu sûre d’elle Mais 68 marque le début d’une qu’il l’est lui-même. Ils se lient d’amitié, désillusion qui le plongera dans une puis s’aiment rapidement. Quand dépression dont il ne se relèvera Sandy s’essaye à interpréter les jamais. Il compose difficilement de nouvelles chansons de Jackson, il sait nouvelles chansons. Elles reçoivent un que son avenir ne peut être ailleurs accueil tiède de la part d’un public qui que dans la musique. Il la persuade de se laisse porter aveuglement par un laisser tomber son emploi pour se courant musical qui s’éloigne du folk plonger corps et âme dans le folk. introspectif pour s’ouvrir au hard rock. C’est devant lui, en privé, qu’elle Jackson comprend alors que son rêve interprètera Who knows where the time d’enregistrer un deuxième disque sera goes et Fotheringay pour la première d’autant plus irréalisable qu’il apprend fois. que les ventes de son premier album n’ont jamais décollé en Amérique. Sa Jackson C. Frank fascine le public et maison de disques le lâche. Ruiné, les artistes d’alors autant par sa déprimé, il se décide à retourner vivre musique que par cette belle aux États-Unis. Là, à Woodstock, il extravagance derrière laquelle il cache dirige un journal local pendant son manque d’assurance. Si Nick quelques années. Mais ce chien de Drake, Bert Jansch et quelques autres destin s’acharne encore sur lui, reprennent ses chansons en les cassant l’union qu’il formait avec un enregistrant chez eux ou en les jouant mannequin anglais, lui enlevant le fils en concert, Al Stewart se souvient qu’elle lui avait donné, atteint d’une encore de ces tenues délirantes que fibrose kystique dont il meurt. Jackson, Frank se plaisait à porter, de cette brisé, s’effondre. On l’hospitalise. volonté manifeste qu’il avait de dépenser tout l’argent qu’il possédait, Sa descente aux enfers durera peut-être parce qu’il l’associait à jusqu’au début des années 90. l’incendie dont il trimballait toujours les Inhumainement longtemps, il errera séquelles psychologiques. d’une institution psychiatrique à l’autre. Quand il n’y sera plus le bienvenu, il Frank savoure à peine son succès en végètera dans la rue, triste clochard terre anglaise que Londres devient que plus rien ne distingue d’un autre. déjà incontournable pour les musiciens En cette sombre époque où l’on ne sait folks qui commencent à se faire pas faire la différence entre la maladie nombreux à débarquer de leur lointaine mentale et la dépression sévère Amérique, diluant ainsi l’intérêt des guérissable, on lui colle l’étiquette de mélomanes qui ne savent plus qui aller schizophrène paranoïaque, on le voir en concert de , John bourre de médicaments, on noie son Baez, Tim Hardin, Ramblin’ Jack Elliot âme et sa créativité dans des ou tellement d’autres fraîchement substances chimiques. Puis vient un arrivés. Jackson les accueille tous à miracle tardif ! Il s’appelle Jim Abbott, il bras ouverts, paye le repas aux plus est un passionné de musique et flâne fauchés, introduit ses compatriotes dans une boutique de disques musiciens auprès du propriétaire du d’occasion. Là, il tombe sur un vinyle club le plus fréquenté par les amateurs d’Al Stewart, son célèbre Year of The de folk, Les Cousins. Jusqu’en 1967, il Cat . Sur la pochette, il déchiffre ces

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 5 - quelques mots écrits à la main : Il sortait juste pour manger et retournait « Regards to Jackson. The Blues Run à sa chambre. J’en avais les larmes The Game. Al ». Intrigué, il demande aux yeux. Je le retrouvais au vendeur s’il comprend ce que ça quinquagénaire, et tout ce qu’il veut dire. Celui-ci lui répond que le possédait était une vieille valise et une Jackson d’Al est un clochard qui vient paire de lunettes cassée. » parfois lui revendre des vieux disques qu’il trouve çà et là. Abbott part à sa Avec l’aide d’Abbott, qui parvint à lui recherche, ne le trouve pas, et finit par faire obtenir des droits d’auteur sur son oublier la dédicace pendant quelques seul album, réédité dans les années années. 70, Jackson part s’installer à Woodstock. Mais auparavant, le destin Jusqu’à ce que sa curiosité soit de s’acharnera une fois de plus sur lui. nouveau piquée lorsqu’il s’achète Alors qu’il est assis dehors, tranquille, l’album So Clear de John Renbourn un dingue lui tire une balle dans l’œil dans lequel il trouve une reprise de gauche, l’éborgnant sans raison. Blues Run The Game . Et lorsqu’il lit le nom de Jackson C. Frank dans une Jackson C. Frank vivra quelques biographie de Paul Simon. Il demande années moins malheureuses jusqu’à alors à un professeur avec lequel il ce que son cœur le lâche, le 3 mars partage sa passion pour le folk s’il a 1999, le lendemain de son 56e déjà entendu parler de ce mystérieux anniversaire. Lourdement handicapé musicien. Étrange coup du sort… Ledit par des années à dormir dehors, professeur connaissait obèse, gros fumeur, avec une balle personnellement Jackson C. Frank qui toujours logée dans l’œil, la venait de lui envoyer une lettre dans bienveillance d’Abbott n’aura pu le laquelle il le priait de l’aider à quitter sauver d’un départ précoce. New York et trouver un endroit où loger Aujourd’hui, nombreux sont les jeunes à Woodstock. « Te sens-tu prêt à venir artistes qui, comme Counting Crows ou en aide à un chanteur folk possédé par Eddi Reader, le découvrent et la malchance ? », demande-t-il à reprennent ses chansons. Veulent en Abbott. connaître davantage sur ce musicien exceptionnel. Prennent connaissance Il l’est ! Il prend contact avec Jackson, de ce destin sordide qui fut le sien. Et l’aide tout d’abord à trouver un endroit se disent que la vie est vraiment une où dormir, puis vient lui rendre visite enfant de chienne ! pour la première fois. S’il n’avait jamais rien vu d’autre de lui qu’une photo Béatrice André ■ datant des années 60, il a un choc monumental en découvrant ce gros monsieur dont il racontera plus tard qu’il lui faisait penser à Elephant Man. « Il n’avait rien. C’était tellement triste !

Discographie

■ Jackson C. Frank (1965), EMI Columbia 33SX 1788 ■ Blues Run The Game / Can't Get Away From My Love (1965), Columbia DB 7795 ■ Jackson Again (1978), B&C Records.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 6 - PSYCHEDELIA

A priori, on se dit que le contenu de leur unique LP doit être à l'image du contenant, volubile, irisé, labyrinthique... Bernique! C'est du blues, allègre, fringant, passementé de pop. Tous les titres défouraillent carracho, notamment le dernier, Lifeline , influencé par Cream, avec trois guitares riffant en cascade, mais aussi You won’t be sorry , frappant d’estoc et de taille, et Catatonic lover doté d’une wah-wah funky et The Sacred Mushroom — The Sacred limailleuse. Résolument blues, il y a All Mushroom (1969) good things , lardé d’harmonica, piqué

de guitares piaillantes, et Mean old « Le champignon sacré » ? Ça world , rhythm’n’blues chahuteur et ressemble à un canular, mais ça ne tellurique — qu’interprétait déjà Floyd l'est pas. Ce qui est étonnant, c'est que McDaniel et Lowell Fulson —, lui aussi les musiciens viennent de Cincinnati farci d’extasiés soli. Et puis, il y a la (Ohio, précisément d'une banlieue merveille, I’m not like everybody else , nommée Hyde Park), « the exact place les Kinks transfigurés: moult guitares from wich the rich-blundering-narrow- tressant leurs sons argentins, basse minded-owner-of-the-non-essential- vrombissante, voix étincelante de producing-factory came », comme le dit Danny Goshorn, frappe sagace et l'auteur inconnu des notes de la diffractée de Doug Hamilton. Il faut le pochette de l'édition originale dire ce The Sacred Mushroom est une (Parallax). Pas vraiment le lieu idéal œuvre jouissive. Jouissive parce que pour des fantaisistes vivant en tribu sans prétention, les musiciens ne dans une grande maison et joignant placardant pas leur science, mais leurs ressources pour produire leur communiquant leur ardeur et leur album. énergie. Jouissive, parce que

symptomatique de cette année 69, Même s'il est fluctuant, le noyau débraillée, révoltée, où les disques d'origine, vers 65-66, serait : Fred sont « à jouer très fort », où il est Fogwell (guitare rythmique), Danny opportun de « prendre son pied ». À Goshorn (chant), Larry Goshorn ranger entre le premier Pacific Gas and (première guitare), John Stewart Electric et le premier Allman Brothers (basse), Doug Hamilton (batterie), Band. Rusty York (harmonica); ils se font d'abord connaître sous le nom de Réédition CD Akarma 2002 Magic Mushrooms.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 7 - baignent dans une atmosphère envoûtante et solennelle. La voix de Douglas A. Snider possède les mêmes intonations que celle de John Kay, l’orgue est un orgue Hammond, épais, florissant, chaleureux, la guitare émet ce son tordu et plaintif du plus jouissif des instruments, la batterie est vigoureuse, précise, éloquente; s’ajoutent des cuivres, du piano, du hautbois, de la flûte, du violon et du Douglas Fir — Hard Heart Singin’ violoncelle, notamment pour quatre (1970) titres superbement orchestrés.

«Do you see the rich man and all his Dans les notes de pochette de la money, all? réédition Gear Fab, Snider évoque les Do you think his money can buy him efforts des musiciens pour s’offrir des happiness? séances de studio: leurs cachetons Or this days always be sunny? dans les “meat market bars” en plus de Go and get a smile, go around the leur boulots quotidiens — Snider est world bûcheron, Doyle ouvrier sur les Get a smile, go around the world chantiers, Moore camionneur. Deux Do some hard heartsingin’ amis, ingénieurs du son, Mike Carter et Do some hard heartsingin’» Russ Gorsline, vont les aider à (Hard Heartsingin’) concrétiser leurs espérances...

« Ils nous allouèrent du temps en Line-up : studio, et quand nous ne pouvions pas payer, ils égaraient la facture dans un Douglas A. Snider (batterie et chant) tas de papiers». Ainsi mettent-ils en Richie Moore (guitare) boîte un matériel suffisant pour Tim Doyle (orgue et piano) démarcher les compagnies de disques. Bruce Bye (basse) Snider vend sa moto et prend un aller simple pour Hollywood... Encore l’un de ces groupes valeureux, illustrant son talent par un unique LP, «De nombreuses heures passées à en l’occurrence Hard heartsingin’ , paru battre le pavé et essuyer des refus» en 1970. Son nom est celui d’une jusqu’à ce que, par hasard, il variété de pin que l’on trouve près des rencontre, dans un ascenseur de la Montagnes Rocheuses, ainsi que sur la tour de Sunset Vine, «l’un des côte du Pacifique: un choix inéluctable arrangeurs les plus connus de pour des musiciens venant de Portland Hollywood» ? Cet homme providentiel (Oregon), dont le chanteur porte ce le présente bientôt aux dirigeants de pseudonyme. Leurs débuts remontent MGM/QUAD Records, et... « Magique! à 1967, Snider, Richie Moore et Tim un contrat fut conclu immédiatement, Doyle officiant alors sous l’appellation les factures payées, et Bruce Bye fut de The Sun Trio. délégué à la basse ».

Leurs compositions unissent soul et Les morceaux sont simplement mixés blues à la manière de Steppenwolf et et «adoucis», et une goualante

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 8 - tapageuse, Smokey Joe , est filon de Hard heartsingin’; New Orleans missionnée en avant-propos. Queen et 21 years s’alignant sur Éminemment soul, éperonnée par une Smokey Joe. Le premier, bohème, batterie opulente et combative, un grumeleux, surprend : l’on jurerait piano boogie-woogie, une guitare acide entendre un titre de Steppenwolf , et distendue, elle se voit bienveignée alliage de Don’t step on the grass , Sam par les DJs et propagée par la TSF. et Jupiter child . Elle va également figurer sur l’album, recommandable à plus d’un “titre”, Le groupe tourne ensuite quelques ceux que voici: temps... jusqu’à ce que le label capote! «That’s showbiz, folks. But hey... we Hard heartsingin’ , placé en intro, had a great time making these tracks, berçant comme la houle, obsédant, playing the 60’s bars and groovin’. And capiteux, serti d’un urticant mais by god, we sold the album even if we pigritieux solo de guitare. didn’t get the big hit».

Jersey Thursday, reprise sensuelle et Douglas A. Snider s’oriente ensuite volubile du péan de Donovan , toute vers la production et la composition, chamarrée de hautbois, de violons et travaillant pour des musiciens tels que de chœurs glorieux. Elle fait partie de Leon Russell, Willie Nelson ou Tom ces quatre titres «superbement Jones. J’ignore le destin des autres. orchestrés», avec:

Moratorium waltz , harnaché de cuivres, étayé d’une frappe acérée, d’un orgue tumultueux et de miroitements jazzy.

Coming back home , où s’égrènent de suaves accords de guitares, soupire un violoncelle et vibre l’éclat d’une trompette.

Tom's , d’une grâce et d’une langueur comparables, où viennent s’ajouter le doux zéphyr d’une flûte, Glass Family — Electric Band (1968 ) des frétillements de baguettes heurtant le bord de la caisse claire, des «This house is made of glass roulements de toms basse. Come inside, watch it lasts We’re storing love for our winter’s day I did’nt try, plus rudimentaire, offre une Come inside and with us play couleur jazzy et un lyrisme religieux: No need to hide in a house of glass «Haven’t seen my people, Lord, since Love can be seen and it’s such a gas» yesterday, Must have spread their (House of glass) golden wings, Lord, and flown away, If I did know better, better, I say I didn’t try, Glass Family est un groupe dont la try people». genèse et l'historique résistent à toute investigation. Ma seule source de Viennent ensuite les “répliques”, les renseignement demeure Le rock “resucées” : Early in the morning rain, psychédélique américain de Philippe blues sombre et liturgique exploitant le Thieyre. Par elle, je sais qu'il est originaire de Californie (peut-être de

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 9 - Los Angeles?) et que ses musiciens, quelques ferveurs “garage” — le Ralph Parrett (vocaux, guitare), David fulminant I want to see my baby . Au Capilouto (basse, claviers) Gary Green programme donc: des mélodies suaves (batterie, percussions), ont pu réaliser et sémillantes, de bizarres et rageuses deux LP sur Warner Brothers: Glass “apostrophes”, un orgue acide et Family en 1967, et Electric Band en fureteur, de la guitare sèche, de la 1968. fuzz, une rythmique efficace et subtile (d’enchanteresses percussions) et des Je ne dispose que de ce dernier, textes évoquant souvent la liberté. produit par Richard Polodor Ralph Parrett signe, seul, toutes les (Steppenwolf, Iron Butterfly). Sur la compositions (excepté deux) et chante pochette, on les voit poser devant une d’une voix saillante et claire. Détails: grande maison: une image qui laisse à penser que, comme beaucoup à A side: l’époque, ils aient adopté un mode de vie communautaire; mais il se peut que 1/ House of glass . Un riff plein d’allant, ce soit juste une idée de marketing une basse feutrée, un piano comme le suggère judicieusement vérécondieux, un orgue nasillard et Scott. S., un internaute américain: «My facétieux, des chœurs patchouli et bet is that the band was one of the muézin, des percussions capiteuses, many who stalked Sunset Blvd. looking sporadiques, ainsi que deux guitares, for gigs or anyone to listen to their l’une faséyante, l’autre prurigineuse, music. Someone heard them, slapped distillent une ambiance évoquant à la the name on them to capitalize on the fois les Doors et “le grand canular de la hippie commune thing and found some banane” des Electric Prunes. dirt bags and an old house and snapped the photo». — Je ne peux 2/ Born in the USA. Du rhythm ‘n’ identifier personne (remarquez la blues, lancinant, bien charpenté, avec poupée!). un riff rappelant le Jean Genie de Bowie, une basse ronde, cogneuse, Quant au patronyme, si curieux, un des plaintes d’harmonica, des pickings autre internaute indique qu’il pourrait de guitare. «This is the story about être une référence au cycle de la where I was born and the things that famille Glass dont les histoires sont are weighin’ down». Les paroles narrées dans les romans de J. D. énumèrent les méfaits d’une éducation Salinger: Franny and Zooey (1961), dont il est urgent de se libérer: «Oh, Raise high the roof beam, carpenters but I got free right here in the USA., (1963), Seymour: an introduction Forget what they told me and feeling (1963). Voilà pour la “biographie”! good anyway!».

Qu’attend-on pour rééditer cet album, 3/ Once again . «They haven’t touched l’un des plus fins et des plus élégants for nearly two years, She wants to ask de cette flamboyante queue des him but she knows he will not hear, sixties? Plus pop que psyché — Agorn And the sun is saging in the sky, once surtout, pinkfloydien en diable —, il se again». distingue par une rêveuse nonchalance Une ballade mi “comptine”, mi “boîte à — l’exemplaire Guess I’ll let you go ! —, musique”, narrant l’histoire d’une sans délaisser toutefois épouse délaissée. Tout n’y est que miel et arc-en-ciel: la basse, caressante, tout en tapons, la guitare

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 10 - mignotant ses arpèges, les fines worries and your foolish fears,Yeah, percussions mêlant cymbale, caisse you turn, with your eyes you said to me claire et derboukas, les nébuleux “I never knew, Oh wah whoopee”, do accords de l’orgue, la voix limpide de you remember ?... Do you Ralph Parrett: «She keeps waiting for remember?». the day he finely lover, But doctor says “Don’t worry men that are busy can’t be B side: lovers, It’s the twenty eighth century, what’s natural’s forgotten”, So she 1/ I want to see my baby . Le titre le waits for something, for something». plus féroce, le plus vitriolant de l’album. Un tempo lourd et saturnien, un piano 4/ Sometimes you wander (Henry’s boogie-woogie disert et insistant, un tune) . Un autre appel à la liberté. De la harmonica pessimiste, une fuzz pop, indolente et ensoleillée, caraïbe, bourdonnante et térébrante, et Ralph papillonnante, déambulant sur un doux Parrett hurlant comme un démon: «I tapis de percussions, de crécelles, de don’t wanna fly like Mary Poppins, I picotis de guitare et de friselis de don’t wanna hang up blue stokings, I piano. «People have got to be free to don’t wanna absolve with the man, I do as they please, Free from just want to see my baby, Faster as I possessings someone they’ve been can». told they want, We are one each other so why don’t we scream it». 2/ Lady blue .Un rhythm ‘n’ blues charbonneux lanté d’orgue et de piano. 5/ The means . Étrange pop-song, pop- Lady Blue a l’air d’une drôle de songe, lente comme le rêve, savante diablesse: «She can bring you down comme la sève. La cadence frétille, when you think you’re up, oh, oh, Feed découpée sur les cymbales, la basse your horse and make you think that cabriole, l’orgue délivre un chapelet de wine is in your cup, You know you’ve notes aigrelettes sur un riff argentin de got a lot of nerves, to tell me about guitare, les chœurs chapechutent et your secret cure, Lady Blue ain’t the s’éthèrisent, les textes sont à la girl for you, oh, oh». mesure, sibyllins et chimériques: «I’m a lover fey with chocolate icecream, I’m 3/ Passage # 17 . Pop popote qui roule the rived maze in images in green, sa bosse tractée par des accords Who could forbid the automate dream, bénédictins de guitare sèche, diaprée No one, it would be to mean, to de lucioles psychédéliques: sanglades mean...». assidues, zinzinulantes clochettes, volutes d’orgues, moresques 6/ Do you remember . Une ambiance électriques, basse paradant comme un daiquiri sous une paillote au trombone. «Let the dream what you‘ve crépuscule, quand les derniers rayons been, You were under passage # 17, du soleil irisent le ciel de pâleurs Take the time, use your mind, You nacrées, enrubanne ce madrigal que learned every sign». conduisent un piano débonnaire, une guitare cajoleuse, des congas 4/ Mr. Happy Glee . Une ambiance veloutées, que paraphe une brume “Love In”, bandeaux dans les cheveux, d’orgue et de vibraphone: «[I] never bâtonnets d’encens répandant des had a woman fit so well into my arms odeurs de benjoin, résonne dans cette as you, my dear, You’re sensitive too I exhortation au bonheur et à la liberté know you did, You’ve got to hold your toute aquillaudée de mandoline, de

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 11 - lointains cris guerriers et de Discographie frétillements de crotale. «Just try living, I think that you will see, The only one to ■ Singles: lesson to is Mr. Happy Glee». Et un bonimenteur exclame: «Yes hopes 1967 — Teenage Rebellion / ??? when the threaters (?) of our happiness (Sidewalk — label de Warner Bros) try to tell you their sadness, do not listen when they try to tell you that you 1969 — Agorn / Guess I'll Let You Go can’t dance and make love, shoot (Warner Bros) down their words, just remember the words of the most hippiest, grooviest, 1969 Guess I'll Let You Go / David's cat that ever live, and that was love, Rap [Promo] (Warner Bros) love, love». ■ : 5/ Guess I’ll let you go . Une aubade amoureuse, fraîche, alerte, nappée de 1967: Glass Family (Warner Bros) slide et de derboukas, ponctuée d’intermèdes rêveurs, vagabonds 1968: Electric Band (Warner Bros) comme le pollen, qui lui confèrent son charme et son étrangeté. «Oh but Le premier album, invu, figure baby, didn’t I tell you I would love you, seulement sur la discographie donnée Even if you love another man, I will par Philippe Thieyre. Il en serait extrait love you just for you my love, And what I’m losing you , titre figurant sur deux other things that you may plan». compilations américaines: Freak Out USA ! et Filling The Gap (à moins qu’il 6/ Agorn (Element of complex ne s’agisse du B side de Teenage variables) . Voici le morceau Rebellion ?). pinkfloydien — période Saucerful of Secrets : un instrumental, nanti d’une Carcamousse ■ basse hypnotique et d’une batterie gyroscopique, où s’élèvent des clameurs tribales et lointaines, où fulminent une guitare coupante et un orgue acide.

À la fin, des bruits de verre brisé font songer au proverbe “People who are living in a glass house should not through stones”; quelque chose comme “Ceux qui prônent des règles se doivent de les respecter” où, plus familièrement “C’est l’hôpital qui se fout House of Glass apparaît sur de la charité”. la compilation Hallucinations

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 12 - La story de

orsqu’il est question d’un groupe amis, la « famille » du groupe toujours décrit par tant de superlatifs chez présente, des changements de line-up, les fans, et ce, sur toute une des baisses de régime, mais au final, carrière, on ne peut en aucun cas on tient là l’un des rares groupes de passer à côté, cela mérite de poser cette époque, sinon le seul, capable de l’oreille sur un disque. Le Grateful remplir des stades autant durant les Dead n’ayant même pas donné 50 années 70, 80 que 90. Le secret ? Tout concerts en Europe, et moins de dix vient de l’échange, la fusion entre le chez nous en 30 ans d’existence, on groupe et son public. Aucun concert peut comprendre que le combo est n‘est pareil à un autre, tous les ans, le plutôt méconnu ici. Un retour en arrière répertoire change, le son aussi. Et les s’impose donc. improvisations, les jams par définition également. Le public répond donc Le Grateful Dead n’a quasiment tourné présent à chaque fois. Le Dead jouant qu’à domicile, aux USA, pendant trois souvent au même endroit 2 soirs, voire décennies, remplissant les salles de 3 ou plus, une véritable petite ville fans dévoués et fidèles, les s’installe sur les parkings, les fans n’ont . Le Dead est arrivé au bon pas besoin de grand-chose, du moment moment en plein mouvement hippie et que le concert est bon, mais ils y exactement où il fallait être : à San emmènent tout sur place, et la Francisco. Tout est là : des concerts de sympathie et l’entraide règnent. 2 à 3 h ou plus, de longues improvisations, des musiciens que l’on La communauté des Deadheads est peut croiser dans la rue. Dès le début, énorme et supporte son groupe sans le groupe laisse ses admirateurs pareil. Le Grateful Dead est en tête enregistrer ses concerts. d’affiche avec les Allman Brothers, The Band, les Who, devant Santana dans Le voyage commence, les albums, le des lieux immenses, il y a les fanzines, succès, les tournées, la drogue, les les Tapers (ceux qui enregistrent les

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 13 - concerts), les bouquins traçant tous les le groupe donne des concerts où les concerts avec toutes les statistiques fonds sont attribués à des associations, possibles, les bandes dessinées, etc. et cela se fera près d’une centaine de Malheureusement tout a une fin, tout fois. Au milieu de l’année 1966, le s’arrête à la mort de en premier single du Dead est enregistré. 1995, un mois après la dernière date Don’t Ease Me In/ Stealin’ est tiré à 150 de la premiere partie de la tournée. exemplaires et uniquement vendu dans Mais revenons un peu sur ce voyage... le quartier hippie de San Francisco, Haight Ashbury. Les débuts du groupe Le groupe et son staff s’installent au Tout commence en 1960. Jerry Garcia 710 Ashbury Street qui devient un est un joueur de banjo, guitariste et fan repère pour se procurer des acides ou de bluegrass. Il commence à jouer de l’herbe. Le 31 décembre 1966, il fait dans des groupes de Palo Alto. Sur son premier concert du jour de l’an. son chemin, il rencontre L’idée de deviendra une qui assurera un temps le rôle de tradition pour les années a venir. bassiste. Les compères font partie de diverses formations et commencent à Le 17 mars 1967 sort l’album éponyme se faire connaître. Jerry fait aussi la avec Viola Lee Blues , Morning Dew , connaissance de Ron « Pigpen » Cold Rain And Snow et Cream Puff McKernan et, par la suite, de Bill War . Le tempo est rapide, le son Kreutzmann. Garcia est souvent fourré typiquement psyché de l’époque. Le dans un magasin de musique de Palo groupe a déjà de l’assurance. C’est le Alto, joue du banjo toute la journée et temps des festivals, Monterey, Human donne des cours de guitare. Il y Be In et les salles combles de rencontre ainsi . En 1965, le Winterland, et le Fillmore de Bill groupe s’appelle The Warlocks et se Graham. Fin 67, le groupe continue son fait une bonne réputation dans la ascension expérimentale en prenant un région de Palo Alto. Un certain Phil second batteur, , proposé Lesh vient les voir en concert, par lui-même. Peu de sympathise avec Jerry et devient leur temps après, une partie du groupe est bassiste en juin 65. Le succès arrivant arrêtée pour possession de stupéfiants. doucement mais sûrement, le groupe enregistre quelques morceaux en La nouvelle formation marche vite, le novembre 65. Parmi eux, Caution et I répertoire s’agrandit. Le deuxième Know You Rider . Quelques temps album sort le 18 juillet 1968, il est après, Phil trouve le nom Grateful composé de mixages de bandes live et Dead dans un dictionnaire. Le studio et du fruit de beaucoup mouvement hippie débarque à San d’improvisations. Anthem Of The Sun Francisco, notamment grâce à Ken est très expérimental et peu Kesey avec son bus et ses : commercial selon Warner Bros. des concerts qui durent le temps d’un L‘album compte tout de même The trip sous LSD… Le groupe participe Other One , Cryptical Envelopment et aux Acid Tests aussi bien Alligator où Robert Hunter appose son musicalement qu’en ce qui concerne la premier texte. En septembre 68, de prise de LSD. Jerry est ainsi surnommé nouveaux titres arrivent, mais la Captain Trip. Le Dead fait la rencontre mésentente règne entre Bob et de Bill Graham, promoteur, qui les fait Pigpen... Un ami de Phil, Tom jouer à San Francisco. Dès ses débuts,

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 14 - Constanten vient aux claviers pour, entre autres, apaiser les tensions. Pigpen se retrouve soit aux congas ou au chant, et de temps en temps à l’harmonica.

Début 69, le groupe continue ses concerts et travaille en studio en vue d’un nouvel opus. Le Dead est la star de San Francisco. Il remplit aisément les salles et commence à bien gagner À la fin de l’année 1970, le groupe se sa vie. C’est Lenny, le père de Mickey, sépare de , trop qui prend le management en main. Le différent des autres membres, bon en 20 juin 1969 sort , moins studio, mais discret sur scène. Tom est expérimental que le précédent, mais d‘accord, et la séparation se fait en bon plus travaillé. Il comprend les perles terme. À la Nouvelle Orléans, certains Dupree’s Diamond Blues , Doin' That membres font l’objet d’une arrestation Rag l’étonnant Mountains Of The Moon pour possession de drogue, mais cela avec Tom au clavecin et les bombes St se réglera vite et la tournée continue Stephen et China Cat Sunflower . Le avec, en février, une série de concerts groupe est satisfait du résultat, mais au mythique Fillmore East. En mai, le c’est la période où Jerry revoie ses groupe entre en studio et vire le amis de son époque bluegrass de Palo manager, Lenny Hart, en raison de Alto, et le reste du groupe est très diverses magouilles financières. Mickey influencé par des formations comme est terriblement abattu et déçu. Le Crosby, Stills and Nash. Le coté management se réorganise donc et le folk/country émerge du Dead. QG est installé à San Rafael. Il y restera des années. Août 69, le groupe est à Woodstock. Hélas ce fut pour eux quasiment un À la fin mai, un concert est donné à désastre… Il pleut énormément, ce qui Newcastle en Angleterre, le temps d’un pose de sérieux problèmes festival pour commencer a se faire d’électricité. Le sol n’est que boue et la connaître en Europe. Juin 70, le Dead toile de fond de la scène fait office de joue une série de concerts avec un set voile. La scène glisse sur le sol… Le acoustique et deux sets électriques, groupe jouera quand même. principalement dans des universités. C’est l’époque des manifestations Le premier live du Dead est dans les étudiantes. Workingman’s Dead sort le bacs le 10 novembre 1969, Live Dead 14 juin, très différent de ces donne un aperçu du groupe sur scène, prédécesseurs. La face country/folk est on y retrouve St Stephens et surtout affichée avec Uncle John’s Band , High Dark Star . Morceau fétiche des Time, Dire Wolf . Signé à 99% musiciens et des fans, il laisse une Garcia/Hunter, l’album est épuré, large place aux improvisations. Cette simple mais rudement efficace, avec version est d’ailleurs considèrée bien sur le génial Casey Jones pour le comme l’une des meilleures. Fin 69, le clore. Aussitôt, le groupe embarque Dead travaille sur des titres comme pour le Festival Express : tournée Uncle John’s Band et New Speedway canadienne avec, entre autres, Janis Boogie . Joplin, The Band et Buddy Guy. Tout le monde voyage en train et chaque étape

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 15 - donne lieu à un concert. L’ambiance au château d’Hérouville pour ce qui dans les wagons y est bien sur très devait être le festival d’Anvers sur Oise. bonne. Satisfait de Workingman’s Ce même mois sort qui Dead, le groupe retourne en studio est la suite de Vintage Dead, paru en d’août à septembre avec quelques octobre 70 sur un label dépendant de titres déjà écrits. En novembre sort MGM. Malgré les méandres des donc American Beauty , album souvent contrats, cela nous donne quand même considéré comme le meilleur du un aperçu des performances de 1966. groupe. Il se montre nettement au Courant juillet, Jerry et sa compagne dessus du précédent, les veulent s’installer dans une nouvelle arrangements sont parfaits, les maison, et pour financer cela, il décide harmonies vocales superbes. Que dire de faire un album solo qu’il enregistre des sublimes Box Of Rain , Sugar dans le courant du mois. Malgré ces Magnolia , Truckin’ , Ripple , Candyman drôles de motivations, l’album qui écrites principalement par Jerry ! sortira en 72 contient des classiques du L’année se termine par des concerts répertoire scénique du Dead avec puisqu’il faut redresser les finances de , Deal , Loser . En août, on l’ancien manager. prépare la sortie d’un live issu d’enregistrements d’avril 1971, baptisé 1970 est l’année la plus productive de Skullfuck. Il deviendra après toute la carrière du Grateful Dead avec négociations avec Warner 2 albums studios et 120 concerts. Bros Grateful Dead tout simplement. La Début 71, Bob revoit son ami d’enfance communauté est John Barlow qui deviendra son grandissante et de plus en plus parolier. De nouveaux titres arrivent présente, et le groupe au travers de ce ainsi. En février, une série de concerts live va s’adresser aux admirateurs par est donnée à Port Chester, et Mickey un message leur demandant de se faire ne la finira pas. Epuisé, fatigué et connaître en écrivant au fan-club. surtout toujours pas remis de la L’album sortira le 24 septembre 71 et trahison de son père. Pensées sera le premier disque d’or du groupe. suicidaires, sous traitement médical… Toujours courant septembre, la santé Le groupe accepte son départ. Le staff de Pigpen empire et il est hospitalisé. du Dead, ou plutôt la famille comme on Un remplaçant doit donc être trouvé. Le disait, s’agrandit et le groupe en profite hasard fera que ce remplaçant arrivera pour faire une pause, sauf Jerry qui sans le chercher. Un soir où Jerry joue veut jouer en permanence. Il trouve en solo dans un club, une certaine donc d’autres partenaires de jeu. Donna Jean Godchaux vient le trouver en coulisse et lui lance : « Mon mari a quelque chose d’important à vous dire ». Jerry accepte de l’écouter, mais l’homme est trop timide pour parler, et c’est donc sa femme Donna qui poursuit : « Mon mari est pianiste et il veut jouer dans ton groupe ». A ce moment, les époux Godchaux n’étaient au courant de rien concernant Pigpen, mais la demande tombant à pic, Jerry accepte de faire un essai en répétition. L’alchimie est vite présente et Keith Fin juin, le temps d’un week-end, le Godchaux est embauché. Son premier Dead fait un aller-retour vers la France

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 16 - concert avec le Dead aura lieu en d’une véritable entreprise maintenant, octobre. En décembre, Pigpen revient, avec un succès grandissant, et la mais il ne peut assurer tous les newsletter compte 25000 Deadheads à concerts. Keith reste donc dans le la fin de 1973. C’est l’année où le groupe, et c’est aussi à cette époque groupe joue dans des lieux de plus en que Donna fait ses débuts au chant. plus grands, participe à de nombreux festivals et se produit devant 600 000 1972 : Bob travaille avec John Barlow personnes avec le Allman Brothers pour son album solo, et en avril, le Band. groupe et toute la famille s’envolent pour l’Europe avec tout le matériel Le 15 octobre sort , nécessaire en vue d’un futur live. La premier disque de leur compagnie, et tournée est un succès, la France a les ventes sont plutôt bonnes. Le droit à 2 Olympia et à un concert à groupe change à chaque opus, mais Lille. Cependant, Pigpen ne peut est toujours reconnaissable. Les toujours pas jouer tous les soirs. À leur nouveaux incontournables sont là : retour aux USA sort l’album de Bob Row Jimmy , Eyes Of The World , Stella Weir, Ace, avec comme pour le Blue et Mississippi Half-Step Uptown premier Garcia des classiques : Toledoo . En 1974, chacun est de son Playing In The Band , Looks Like Rain , côté, Jerry travaille sur son deuxième Mexcali Blues . Mickey sort aussi un album solo et le management album très axé sur les percussions et s’interroge sur les finances. Quoi qu’il expérimental. L’été est là, les concerts en soit, la tournée démarre avec la continuent, sauf pour Pigpen qui version définitive de sa sono, le Wall of donnera son dernier spectacle le 17 Sound : plus de 600 hauts parleurs, 11 juin. Le 5 novembre sort le live Europe canaux indépendants pour sortir 26400 72 bien accueilli à l’époque. C’est watts. Le groupe peut jouer plus fort aujourd’hui un incontournable. Ce mais surtout conserver une qualité disque termine aussi l’aventure avec sonore quel que soit l’endroit où il se Warner Bros, bien que Bear’s Choice, produit. un autre live, sortira plus tard, le 6 Les fans sont ravis. Cette année voit juillet 73. Le groupe veut monter sa arriver un fanzine, Dead , avec propre maison de disques. des chroniques de concerts, des échanges de cassettes, etc. C’est En janvier 1973, le Dead répète en aujourd’hui un magazine (Relix tout studio et travaille surtout à l’élaboration court) à part entière. d’un tout nouveau système de sono pour les concerts qui sera testé en En avril, le groupe est en studio, et le tournée toute l’année. Le 8 mars, 27 juin sort Grateful Dead : From The Pigpen décède seul chez lui d’une Mars Hotel avec U.S Blues , Ship Of cirrhose. Il voyait peu le reste du Fools , et China Doll , groupe, très affaibli physiquement. Les encore des classiques. Il y a les derniers temps, il travaillait toutefois à bidouilles électroniques de Phil sur son album solo. Le Dead continue sa Unbroken Chain et Money Money , titre tournée. Jerry joue avec David dont on se demande toujours pourquoi Grinsman et leur projet bluegrass Old il existe. Dans les bacs également, le And In The Way. Entretemps, Grateful deuxième album de Jerry qui se fait Dead Records voit le jour ainsi que plus discret. La tournée continue avec Round Records pour les projets solos. parfois, entre deux sets, le projet Tout le staff se réorganise, il s’agit électronique de Phil : Seastones . Au

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 17 - milieu de l’année, des rumeurs arrivent Courant 75, les projets solos sur la fin du groupe. Fatigue, fleurissent. Phil avec Seastones , Keith mésentente… Mais il faut reconnaître & Donna , Old And In The Way, mais que le Dead doit jouer dans des salles pour Round Records, les ventes ne plus grandes avec son Wall of Sound, sont pas au rendez-vous. Fin mars, le et l’équipe en a marre de le démonter Dead remonte sur scène à l’occasion et de le remonter tous les soirs. Et sa d’un concert gratuit, autour de gestion coûte cher ! Le groupe prend nouveaux titres, mais ne fait que conscience de son épuisement, de son jammer quasiment. Mickey Hart est stress et de sa dépendance aux officiellement de retour. Le premier drogues. Le Dead réserve 5 nuits fin septembre 1975 sort , octobre à Winterland, une équipe de plus lent, plus reggae ou funky. Le tournage est sur place, tout y est filmé. groupe est à un tournant de sa carrière Concerts, coulisses, fans en vue d’un et en est satisfait. Il a bien bossé, il n’y futur témoignage. Le dernier soir, les a pas de titres de remplissage, mais de tickets sont tamponnés « The Last bons morceaux avec Help On The One » et Mickey remonte sur scène Way/Sliknot! , Franklin’s Tower , The pour quelques titres. Après cela, Music Never Stopped , Crazy Fingers . chacun part de son coté, mais il n’est L’année se termine avec quatre pas question de repos pour autant. On concerts uniquement pour 1975. prend son temps tout simplement. Le groupe n’a pas de nouveaux titres en 76 est l’année de la banqueroute stock, qui arrivaient auparavant au fil financière ! Le manager Ron Rakow des concerts. Il faut retourner au studio avait besoin de fonds pour sortir de la et composer. zone rouge. Il a donc signé un contrat avec United Artists dont pas grand monde est au courant. Résultat : Mickey a 6 jours pour faire son album solo et Phil a 9 jours pour faire un live avec les bandes des derniers concerts de 74, malgré la mauvaise qualité des enregistrements. sort donc le 26 juin et sera rebaptisé par les fans Steal Your Cash . En contrat aussi, le Grateful Dead Movie de ces mêmes concerts. Jerry sort Reflections , Bob sort Kingfish .

Mi 76, la compagnie Grateful Dead Records est coulée, le manager viré (qui est d’ailleurs parti avec le chèque d’United Artists). Le Dead est toutefois motivé à remonter sur scène et la tournée démarre en juin. Le virage musical du précédent opus se confirme, le succès est là, les Deadheads ont attendu un an et demi pour suivre de nouveau le groupe de concerts en concerts. Le Grateful Dead est de retour. Octobre : deux dates

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 18 - en tête d’affiche avec les Who. L’année partagés, le groupe frôle le disco ou la se finit par un contrat avec la maison pop, mais il en reste de bons souvenirs de disque Arista. quand même avec , Stagger Lee et Fire On The Mountain . 1977 est une année classique. À la fin de l’année, Bill Graham décide Sessions en studio, tournées…. Depuis d’arrêter de produire des concerts à fin 74, Jerry travaille sur le Grateful Winterland. Le bâtiment est vétuste et Dead Movie, visionne des heures de coûte cher à restaurer. Le Dead joue bandes pour un film prévu pour l’été pour la dernière fois dans sa salle 76. La tâche est colossale, et le film fétiche. Le show commence le 31 sortira dans les salles un an plus tard. décembre à minuit et dure jusqu’au Cela a mis Jerry à l’épreuve. Lui qui lendemain, avec petit déjeuner pour doutait de ses capacités, avec en plus tout le monde. Le concert est filmé. le hiatus du groupe, il plonge dans l’héroïne. Malgré cela, Début 79, Donna fait le point sur sa vie. sort le 27 juillet 76. Le son est toujours Son fils n’a pas vraiment l’existence dans la lignée funky et contient de d’un enfant de 5 ans, son couple est au bons titres comme Estimated Prophet , bord du gouffre, elle est alcoolique et Samson & Delilah , Dancing In The Keith est cocaïnomane. Les disputes et Streets et le sublime titre éponyme. Le les chambres d’hôtel détruites ne se retour est apprécié, l’année se termine comptent plus. Leur départ est accepté. par des salles combles. Keith et Donna donnent leur dernier concert le 17 février. Le remplaçant de 1978 : Jerry et Bob sortent un album Keith est une connaissance de Bob, solo chacun, Cats Under The Stars et , très bon aux claviers, Heaven Help The Fool , disques certes doté d’une belle voix. Il débute avec le pas mauvais, mais qui passent Dead le 22 avril. Peu de sessions presque inaperçus. Le rythme des studios, le groupe tourne beaucoup tournées redémarre et des nouveaux cette année. On note des changements titres s’ajoutent. Le Dead sonne de sonorités, notamment avec l’arrivée presque disco par moment. En juillet, de Brent qui n’utilise pas que le piano deux concerts sont donnés à Red comme Keith, mais divers claviers dont Rocks en pleine nature, et en l’Hammond B3 (objet qui divisera les septembre, le groupe et toute la famille fans). À l’aube des années 80, le partent pour l’Égypte pour trois dates Grateful Dead prend un nouveau au pied des pyramides de Gizeh. Le virage. fait de jouer dans un endroit historique et mythique emballe le Dead, même si 1980 donc, le groupe est à l’aise avec l’idée d’utiliser le tombeau du roi son nouveau membre, repart sur les comme chambre d’écho est routes et entre en studio pour le futur abandonnée. Au final, pas de live pour album. En avril, le Dead passe encore ces concerts, le groupe est peu à la télé à l’occasion d’un Saturday satisfait des performances. L’aventure Night Live, et le 28 de ce mois sort aura quand même coûté 500 000 GoTo Heaven . Pour son premier dollars. disque avec le groupe, Brent participe aux compositions et au chant, et il y est En novembre, le Dead passe à la télé plutôt à l’aise. Ce disque sur lequel le dans l’émission Saturday Night Live, et Dead sonne définitivement moderne le 15, soit quelques jours après, sort compte de futurs standards des Shakedown Street . Les avis sont concerts : Althea , Alabama Getaway …

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 19 - Le 23 juillet, Keith Godchaux meurt Également, la est dans un accident de la route alors qu’il créée en hommage à un de leurs amis, travaillait sur un groupe avec Donna et Rex Jackson, décédé en 1976. Il s’agit était toujours en contact avec Jerry. Fin d’une fondation qui a pour but août, Bill Graham publie dans le San d’amasser de l’argent lors de concerts Francisco Chronicle un dessin avec caritatifs pour diverses associations. Au deux squelettes, des roses et la phrase fil des ans, plus de 6 millions de dollars « ils ne sont pas les meilleurs dans ce seront récoltés. qu’ils font, ils sont les seuls à faire ce qu’ils font ». Douze dates (3 seront En 1984, mis à part une soixantaine de ajoutées) à San Francisco. Le nom du concerts, l’année comblera les groupe n’est pas mentionné, mais les Deadheads avec l‘arrivée du fanzine fans devinent, et les concerts sont vite The Golden Road , une émission de complets. À cette occasion, le Grateful radio à San Francisco entièrement Dead reprend une vielle tradition : un consacrée au groupe et, le 27 octobre, set acoustique et deux sets électriques. le premier concert avec places Le groupe enchaîne avec huit dates à réservées pour les tapers. Ces derniers New York, un live acoustique et un avaient donc un billet avec électrique sont en prévision. Les 15 emplacement privilégié pour enregistrer ans du groupe, cela se fête ! le concert.

Février 1981, la routine redémarre L’année 85 commence mal… En avec notamment cinq concerts en janvier, Jerry est arrêté dans sa voiture Europe en mars puis une quinzaine en au Golden Gate Park de San Francisco octobre. Le premier avril sort en possession d’héroïne et de cocaïne. Reckoning live acoustique des Sa santé est inquiétante : prise de concerts de fin 1980 et le live poids, œdème. Il accepte de suivre un électrique Dead Set arrive le 26 août. traitement, mais ces dépendances En octobre, Bob sort son disque avec agacent le reste du groupe, Phil lui écrit Brent aux claviers. Le Dead finit une lettre au nom des autres membres l’année avec cinq dates à Oakland. dans laquelle il lui demande d’arrêter les drogues et ses prestations 1982 : des nouveaux titres fleurissent scéniques parfois chaotiques qui du coté des guitaristes et surtout nuisent au groupe. Les concerts Garcia avec le futur succès Touch Of continuent toutefois tout au long de Grey . Cette année, Jerry et Bob font l’année avec, en avril, des dates quelques passages à la télé. En filmées en vue d’une future vidéo. En septembre, Bill Graham organise juin, aux trois spectacles à Berkeley Breakfast in Bed with the Grateful pour les 20 ans du groupe, de vieux Dead , un concert qui commence à 9 titres sont ressortis pour l’occasion. heures du matin. Ce show fait partie de L’année se termine par un show télé le l’US Festival organisé par Steve jour de l’an. Wozniak d’Apple. En octobre, Jerry sort Run For The Roses . Suit 1983 1986 avait tout pour bien commencer, avec, en mars, la mise en place de la Cinq concerts à Oakland pour ouvrir la vente de billets de concert par tournée, des stades toujours remplis, correspondance. Cette idée facilitera un autre fanzine apparaît, mais le 10 beaucoup le management, mais elle juillet, Jerry tombe dans un coma est surtout l’une des raisons du succès diabétique qui durera plusieurs jours. À du groupe pour les années à venir. son réveil, il a presque tout oublié de la

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 20 - guitare ! Il réapprendra tout avec son Durant l’été, le groupe tourne avec Bob ami . Jerry remonte sur Dylan. Six dates sont programmées scène avec son groupe en octobre, et dans des stades. Le Dead joue ses avec le Dead le 15 décembre. Le show deux sets et il partage la scène avec s’ouvre avec et le Dylan pour un troisième, et uniquement refrain « I will survive ». ses titres. Les musiciens sont sobres, mais ce n’est pas la forme pour En 1987, le Dead est enfin prêt à sortir Dylan… La qualité de ses concerts est un disque, prévu pour être le dernier discutable, et le live qui en découle au chez Arista. Mais en juin arrive le seul début de 1989 est très critiqué. L’année et unique succès commercial du reflète le succès commercial du groupe groupe : Touch Of Grey , titre taillé pour avec Ben & Jerry’s qui commercialise la radio, et le clip tourne en boucle sur une glace nommée Cherry Garcia, et MTV. Le 6 juillet arrive le reste avec on peut voir Jerry dans une pub pour l’album In The Dark qui contient des Levi’s. titres que le groupe a rodés en concerts : Hell In A Bucket, West LA Le 31 décembre, le groupe se produit à Fadeaway . Le disque divise les fans, Oakland et le concert est filmé. 1988 certains trouvent les chansons peu suit, avec une tournée étalée tout au inspirées, commerciales, il n’y a plus long de l’année, boostée par l’album In de jams. Les ventes sont en tout cas The Dark . Le groupe se produit présentes, poussées par le single.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 21 - dans des lieux de plus en plus grands, le remplaçant permanent de Brent. le phénomène Deadhead bat son plein, Après quelques auditions, c’est Vince ce qui apporte aussi parfois de Welnick qui rejoint officiellement le mauvaises choses. Le groupe joue groupe. Il y a donc parfois les deux plusieurs soirs de suite au même claviéristes sur scène. En août, Mickey endroit, les fans installent le a sorti un album solo, et à la rentrée, le campement et certains n’ont pas Dead remonte sur les planches avec l’esprit Deadhead. Le résultat : notamment six dates au Madison dégradations, frictions avec les forces Square Garden et onze en Europe de l’ordre, etc. Le Dead est interdit de (petite tournée mais toujours gros séjour dans certaines villes. Des budget, tout le monde fait le nouvelles compositions naissent et se déplacement !) L’année s’achève avec rodent au fil des spectacles. bien sûr le show du New Years Eve à Oakland. En octobre 1989, en pleine tournée, le groupe se produit deux soirs sous le 1991 arrive : tournée, une bande nom Formely The Warlocks et rejoue dessinée, Grateful Dead Comix , la notamment Dark Star pour la première sortie d’un live de 75, One From The fois depuis 5 ans. Le Dead s’étant Vault . En juillet, Jerry sort un album décidé à retourner au studio, Built To 100% acoustique avec son ami David Last sort le 31 octobre. Comme le Grinsman, et fin août, un live du Jerry précédent, il est coproduit par Jerry. Garcia Band. La santé de Jerry est Octobre voit aussi la sortie de la vidéo toujours préoccupante… d’un concert de 1985, So Far . Built To Complètement épuisé entre 2 sets, il Last est bon, mais pas indispensable, supporte mal les grosses chaleurs des soyons clairs. On y trouve quatre concerts en plein air. En octobre le compositions de Brent, mais les titres projet Planet Drum de Mickey voit le rentrent bien dans les têtes. Toutefois, jour, mais le 25, Bill Graham se tue avec trois disques enregistrés en dans un accident d’hélicoptère. Un studio en 10 ans, le groupe montre qu’il concert lui est dédié le 3 novembre n’est plus motivé que par la scène. La avec Neil Young et John Fogerty entre décennie se termine avec quatre dates autres. Le 31 décembre le groupe à Oakland. jouera son dernier concert du nouvel an pour Bill. Fin février 90, le groupe reprend son boulot, c’est-à-dire donner des 1992 passera assez vite puisque peu concerts, et ce, avec un succès de concerts sont prévus. 55 dates toujours présent. Mais le Dead va seulement, car 23 spectacles sont encore se retrouver coupé dans son annulés en raison de la santé fragile de élan puisque Brent Mydland décède Jerry. Le groupe ne remonte sur scène d’une overdose le 27 juillet. qu’en décembre. En mars, Bruce Néanmoins, les musiciens souhaitent Hornsby quitte le groupe, et en mai sort continuer, et Jerry a dans ses un live de 68, Two From The Vault . La connaissances le claviériste Bruce fin d’année verra la sortie de la vidéo Hornsby. Ce dernier veut bien rejoindre Backstage Pass en octobre. le Dead, mais ne veut pas pour autant mettre un terme à sa carrière solo. Il Dès fin janvier 93, le Dead repart pour est donc convenu que lorsqu’il est 3 dates à Oakland, rencontrant toujours disponible, il est sur scène avec le autant de succès. Il clôturera l’année groupe, et pour le reste, il faut trouver de même. Entre-temps Jerry et David

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 22 - Grinsman ont sorti un disque en Peu de temps après, Jerry rentre se octobre, et surtout, en novembre reposer et se soigner dans une apparaît le premier volet de la série clinique. Il est diabétique, son cœur est Dick’s Picks. Avec ce concert de 73, engorgé, ses poumons dans un triste , l’archiviste des bandes, état, il paye aussi pour ses abus inaugure cette série de lives que les d’antidépresseurs et d’autres cachets. fans attendaient tant. Jerry décède la nuit du 9 août, dans cette clinique, d’un arrêt cardiaque à 53 En janvier 94 le groupe fait son entrée ans. Les funérailles ont lieu en petit au Rock’n’roll Hall of Fame, Jerry ne comité, puis une journée en sa fait pas le déplacement pour la mémoire est organisée au Golden Gate cérémonie, une photo cartonnée Park de San Francisco, rassemblant grandeur nature le remplace ! En 25 000 personnes avec les membres septembre Phil forme and du groupe. Par la suite, d’autres Friends, et en novembre le Dead albums live sortent, un astéroïde est retourne aux studios et travaille sur de baptisé Garcia en novembre. En nouveaux titres. décembre, 30 ans après sa fondation, le groupe se sépare officiellement. 1995 : 30 ans de carrière bientôt, les années 90 ont été très rentables pour En avril 1996, les cendres de Jerry sont le groupe qui a vendu en moyenne dispersées dans le Gange et dans la 500 000 places de concerts chaque baie de San Francisco. Le reste du année. 1994 par exemple a rapporté groupe remonte sur scène en 1998 52 millions de dollars. En mars sort le sous le nom pour une deuxième Dick’s Picks, et avril signe la vingtaine de concerts, puis y retourne présence du Dead sur le web avec son en 2000, 2003 et 2004. Il existe propre site. L’été, de nombreux aujourd’hui plus d’une quarantaine de accidents surviennent lors de certains lives, des coffrets, des livres, des concerts, blessant parfois des fans. Le vidéos, et surtout une communauté de 9 juillet, le Grateful Dead joue malgré fans toujours présente. The music lui son dernier concert, le clôturant never stopped ! avec Box Of Rain . Cyril ■

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«I got the name way before this record, enregistre avec lui Back To The Roots in my Chicago days. Barry Goldberg (1971) (en compagnie d’Eric Clapton et named me “The Snake” because I de Mick Taylor) et poursuit sa carrière used to walk around in this little weird solo avec Games Guitars Play (1970), black leather jacket which kinda look Baby Batter (1971), The Snake (1972) like snake skin. My fingers also look et le fameux Shangrenade (1973), like little snakes crawling up and down connu pour sa première utilisation du the neck of the guitar!» tapping à deux mains: technique (Harvey Mandel) reprise, plus tard, avec succès, par Eddie Van Halen. En 1972, il rejoint Harvey Mandel: lead guitars Pure Food And Drug Act , en Paul Lagos, Earl Palmer, Adolpho de la Para: compagnie de Don “Sugarcane” Harris drums Victor Conte, Chuck Domanico, Larry Taylor, — qui assure le chant —, Randy Antonio de la Barreda: bass Resnick, Paul Lagos, Victor Conte; un Randy Resnick: rhythm guitar album “live”, Choice Cuts , enregistré à Freddy Roulette: steel Guitar Seattle, paru cette année-là, n’obtient Jim Taylor: piano aucun succès. En 1974, il joue avec Kevin Burton: organ Charles Lloyd: Arthur Lee et participe aux désastreux Don “Sugarcane” Harris: violin Reel To Real . Il joue aussi avec les Rolling Stones et manque de Harvey Mandel est né à Detroit, mais a remplacer Mick Taylor; il s’illustrera sur grandi à Chicago. Grand amateur de Hot stuff et Memory motel dans l’album blues, il accompagne Charlie Black And Blue (1976). Ensuite!?... Je Musselwhite, harmoniciste, dès le sais qu’il retourne à Chicago, puis va début des années 60, puis réalise un s’installer en Floride. A l’aube des premier LP solo Stand Back! en 1966, années 80, il joue dans un night-club il participe aussi à deux albums de appartenant à , en Barry Goldberg (futur Electric Flag). Un compagnie du saxophoniste Bobby soir, au Fillmore de San Francisco, il Keys. Après, c’est le trou noir. Je crois est invité par Bill Graham à remplacer, qu’il regagne la baie de San Francisco au pied levé, Henry Vestine, guitariste et tourne avec le groupe qu’il forme de Canned Heat. Il tourne neuf mois en alors, l’ Electric Snake Band . Quant à compagnie des musiciens sa production discographique, elle et son nom apparaît sur trois de leurs s’interrompt avec un best of en 1975 albums: Recorded Live in Europe (reprise en fait de Feel The Sound of (1970), Futur Blues (1970) et Historical of Harvey Mandel paru en 1974) et ne Figures and Ancient Heads (1972). Il reprend qu’en 1993 avec The Twist . joue ensuite avec ,

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 24 - The Snake est selon son auteur l’un de savoureux venin, tandis que ses trois meilleurs albums, il est d’autre Sugarcane enrubanne de ses glyphes part considéré comme l’un des jalons trémoussants, de ses hiements vifs et du rock progressif: cette fusion de zigzagants cette régalienne offensive. rhythm ‘n’ blues, de funk et de jazz qui marque le tournant des seventies. Peruvian lake . Un tempo heurté, une C’est la vigueur, le tonus, le tranchant frappe robotique et sèche, la basse du rythme qui happe dès les premières siphonne le rythme, rigide, obstinée, notes: la frappe nerveuse et piaffante Harvey feint les escousses de l’oisillon du batteur, la rondeur plantureuse de la au bord du nid, puis s’élance, voltige, basse, le jeu souple, frétillant, versatile papillonne, pirouette, malaxe une pluie des guitares, enfin l’impeccable “tenue de notes granuleuses, tremblées, de route” des musiciens, leur grisante tintinnabulantes. virtuosité. Des neufs titres (plutôt courts) qui le constituent, huit sont des The snake . Inspiré par le célèbre instrumentaux. Tous sont signés, ou Thank you de Sly & The Family Stone , co-signés, Harvey Mandel, excepté un titre funky et reptilien comme il se Pegasus dû à Jim Taylor, le pianiste. Si doit. Imaginez un vieil anaconda, vert l’on défalque ce dernier, dont la et luisant, chaloupant langoureu- mélodie un peu trop lustrée, “Mark sement, imaginez un vieux riff, Knopfler” ou “dessus de pendule” ne patouillard, lascif, récursif, imaginez me plaît guère, l’acoustique Ode to the une guitare vibrionnante, glissante, tout Owl , hommage à Al Wilson, qui est un aussi voluptueuse... Laissez-vous pur exercice de style, ainsi que Uno hypnotiser par ce serpent, croquer par Ino , la chanson (chantée par Harvey — ce riff, caresser par cette guitare! fait unique dans sa carrière), il reste Levitation . La ballade mi-blues mi-jazz: cinq scherzos révulsifs et cinq minutes relax dans la lignée de bouillonnants, plus Levitation , une Blues Project ou du premier Jethro Tull chafriolante ballade, mi-blues mi-jazz, avec une flûte flâneuse et coquette, un ondée, chantournée. Let me orgue chaleureux, léonin, sprinteur, introduce... des guitares méandreuses: l’une The diving rod . Un riff fourchu, lenticulaire, métallique, picotante, calamistré, pavoisant, émincé par la couinante, ruisselant comme l’eau frappe trépignante du batteur, bosselé d’une fontaine; l’autre lamellaire, par les ruades de la basse où viennent amarescente, plus éruptive. s’agripper et s’entortiller les notes fluides et coscotées de Harvey qui Bite the electric eel . Du jazz! crépu, s’offre un petit solo fractionné et trépidant, virulent, tempétueux, plasmatique. roboratif. Harvey plante ses notes comme des banderilles, les tord, Lynda love . Alors là, extase, fouaillant la chair de la musique, la témulence, abordage! Un riff you- suppliciant en de sauvages extases, really-got-me-esque, spumeux et puis sa guitare fuse, bondit, se hérisse, savamment barbare: Paul Lagos talonnée par le tempo, bousculée, baratte le rythme avec véhémence, affolée par la basse: un parcours ivre Victor Conte martèle sa basse et en et cahoteux cisaillé par la plainte effilé, extirpe une horde de notes puis modulée du violon. belliqueuses, Harvey triture ses cordes, pressure ses accords, fait gicler leur Carcamousse ■

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Quatre critiques d’albums récents de gloires des années 60 et 70

Lindsey Buckingham – Under the Fleetwood Mac ! Tout l'album est vain, Skin (2006) insipide, semblable aux productions que ces gloires des années 70 avaient enregistrées dans les années 80, totalement désorientées par le magistral coup de pied au cul que le punk avait foutu au bon vieux rock. Seulement voilà, on est en 2007 ! Plus d'excuse, d'autant moins que plusieurs de ses confrères d'hier se sont largement rachetés depuis en enregistrant ces dernières années des albums splendides qui figurent parmi les meilleurs de toute leur carrière.

Pas bon ! Du tout ! On attend maintenant avec grande impatience la

sortie du prochain album solo de On l'a connu mieux inspiré, plus en Jimmy Page pour déclarer voix. Il eut peut-être été mieux d'en officiellement le grand retour des rester à cette image plutôt que d'avoir à années 80 ! se torturer l'ouïe en écoutant ce Under the Skin consternant ! Lindsey Buckingham y reprend To try for the Sun de Donovan , dit-on. Erreur, il ne la reprend pas, il la massacre ! Ce bijou du répertoire de Donovan Leitch , enregistré en 1965, avait cette empreinte folk si formidablement typique du Swinging London de Bert Jansch et de Jackson C. Frank. Et qu'en a fait Buckingham ? Un machin électro-pourri sur lequel il chante avec une voix d'adolescent en rut ! Hallelujah, the Backstreet Boys meet

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 26 - Ozzy Osbourne - Black Rain (2007) coûte que coûte présent dans l'actualité musicale. Cat Stevens, Bert Jansch, Jorma Kaukonen et nombre d'autres "vieux" musiciens ont enregistré récemment des albums remarquables. On sent à leur écoute que la raison d'être de leurs nouvelles créations n'a rien à voir avec celle qui a dû pousser Ozzy à balancer cette dernière galette, dont les trois seules chansons chouettes ne justifient pas qu'elle prenne la place qu'un jeune artiste talentueux pourrait plutôt occuper.

Ozzy a près de 60 balais. A-t-il encore America – Here and Now (2007) sa place dans le rayon des nouveautés aujourd'hui ? Non. Pas parce qu'il est indécent de squatter les palmarès musicaux quand on est un vieux lion, mais parce qu'à l'écoute de Black Rain , on a une furieuse envie d'envoyer Ozzy valser hors de la scène pour faire de la place à la relève !

Cet opus n'est pas foncièrement pourri en soi, mais il est profondément inutile, donc sacrément discutable. Sur les dix chansons que compte le CD, trois sont excellentes ( I don't wanna stop , The almighty dollar et Trap door ). Le reste oscille entre le chiant et le pathétique. Here for you est assurément la Ne vous laissez pas impressionner par chanson la plus épouvantablement la brochette d'artistes de la scène ringarde et dégoulinante de sentiments musicale actuelle qui ont touillé dans le à deux balles qu'il m'ait été donné chaudron pour nous confectionner cette bouillie indigeste qu'est Here and d'entendre depuis longtemps. Paroles Now ! Ce double album ne mérite ni d'une insipidité consternante, voix d'Ozzy miaulante, musique sirupeuse, votre argent, ni votre attention de tous les ingrédients sont parfaitement mélomane déjà bien assez déçu par réunis pour en faire le gros tube FM de d'autres retours manqués. l'été... America fait partie de la longue liste de Ozzy aurait encore pleinement sa ces groupes qui ont été victimes du place sur les ondes et dans nos oreilles phénoménal succès d'une seule de si, comme d'autres musiciens de son leurs chansons. Tout le monde croit âge, il avait réellement quelque chose connaître America, mais la grande à offrir à son public. S'il enregistrait par majorité de tout le monde ne saurait citer d'eux que A horse with no name . passion, et non par obligation commerciale ou par désir de rester Ce qui est d'autant plus regrettable que

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 27 - le trio, devenu duo en 1977, a la hauteur de l'admiration qu'elle porte enregistré quelques-uns des albums à Bob Dylan et à ces autres légendes les plus mémorables de toute l'histoire de la scène musicale des années 60 et du folk-rock. Mais depuis le départ de 70. Aujourd'hui, à 60 ans, elle est en Dan Peek à la fin des années 70, pleine possession de ses capacités Beckley et Bunnell n'auront su briller à vocales. Elle est prête pour son unique deux que le temps d'un album, le trop album entier de reprises. Et nous, ses méconnu et magnifique Silent Letter fans de la première heure, nous le (1979). Ce qu'ils ont enregistré par la sommes aussi. Tout dans Twelve est

suite est oubliable, voire exécrable. remarquable ! Sa relecture très

En ce début des années 80 où les personnelle de Smells like Teen Spirit « dinosaures du rock » n'ont su que Patti habille de velours, le désir répondre à l'avènement du disco et du qu'elle a de respecter l'oeuvre de punk qu'en décevant par un Grace Slick en n'y changeant changement de cap maladroit, America quasiment rien, sa version de Soul choquait ses fans de la première heure Kitchen qui nous replonge dans en sortant View from the Ground , une l'ambiance d' Easter ou de Horses par bouse commerciale impardonnable. son style. Et même le choix d'une Leur nouvel album s'inspire chanson de Tears for Fears, très bien malheureusement bien plus de cette interprétée, qui démontre que galette rance que des premiers contrairement à tant d'autres musiciens de sa génération dont l'intérêt pour la enregistrements nickel du groupe.

musique reste collé à une lointaine Les nouvelles chansons contenues époque, Patti n'a cessé de s'intéresser dans le premier CD de Here and Now à ce qui s'est enregistré au fil des sentent la guimauve poussiéreuse, la dernières décennies. production paresseuse de fin de parcours. Une seule d'entre elles Le seul reproche qu'on pourrait faire à parvient à sortir de justesse la tête hors l'artiste, c'est d'avoir choisi de de l'eau ( This time ) alors que les autres reprendre dans la plupart des cas des consternent par leur insipidité. Quant chansons très connues de ces aux versions live et récentes des vieux musiciens qu'elle admire. De chanter succès du groupe qu'on trouve sur la White Rabbit quand interpréter Today deuxième rondelle, elles ne rendent en ou Lather aurait été plus judicieux. rien hommage à l'exceptionnel talent Mais Smith souhaitait peut-être rendre de ces musiciens qui auraient davantage hommage à Grace Slick grandement gagné en respect en nous qu'à Jefferson Airplane. Elle aura donc épargnant ce déchet. choisi LA chanson révélatrice de l'immense talent de Slick. Patti Smith - Twelve (2007)

Il n'y a rien d'opportuniste dans Twelve . Si certains se plaisent à juger Patti en L'envie d'enregistrer des chansons des inventant une justification purement Doors, de Jefferson Airplane ou de Jimi mercantile à Twelve , d'autres Hendrix n'a pas germé récemment savourent pleinement cette tranche de dans la tête d'une Patti Smith en bonheur qu'elle s'est offerte, et qu'elle manque d'inspiration. Elle caresse ce a donnée à ceux qui sauront désir de rendre hommage à ceux qui l'apprécier. l'ont inspirée depuis des lustres. Mais Patti craignait que sa voix ne soit pas à Béatrice André ■

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 28 - Notre couverture

Les Stooges sont de retour ! 34 ans après leur troisième album, l’Iguane et ses acolytes ressortent un album auréolé d’une tournée mondiale qui passera par le Palais des Sports à Paris. La rédaction ne pouvait passer à côté d’une telle bombe, elle explose donc en une double chronique controversée.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 29 - sans attendre que les humeurs de ces messieurs, qu’on imagine variables, leur permettent enfin de se réunir dans le même studio, pour faire comme au bon vieux temps.

Alors, parce que la pochette est un décalque de celle de White Light White Heat parce que le Live At Avenue B était un DVD à ridiculiser l’enfer, et surtout pour se dire que ce que Skull Ring ébauchait si mal pouvait peut être fleurir dans une direction différente…

La première chanson, Trollin , part Mitigé ! plutôt bien. Honnête Ramone, sans génie certes, riff standard, guitare se The Weirdness , la bizarrerie ? Je contentant d’appuyer au bon endroit au savais que l’époque était propice à bon moment, et l’Iguane qui ressort sa tout, surtout musicalement, même au nasale des bons jours. Par contre, retour de Police (sonnez trompettes oubliez tout de suite le vieux dragster résonnez buccins). Maintenant s’il faut qui carburait au méthane, pissait l’huile parler d’un groupe dont le dernier opus de tous les cotés et empestait la remonte à 34 ans… graisse brûlée. Le son est d’une hallucinante propreté, net, ripoliné, ça C’était pas n’importe quoi, non plus. roule bio quoi. Mais bon, pour un Raw Power ou l’agonie des Stooges en début, c’est encore pardonnable. direct live, deux faces d’agression psychotique, avec la tête dans le mur C’est après que ça se gâte… Hormis pour finir en beauté. quelques beaux riffs par ci par là, le reste est une suite de chansons La chambre d’écho a renvoyé un grand médiocres, qui endormiraient un vide. congrès de fans de Green Day. Surtout quand Iggy nous la refait « crooner Les frères Asheton retournés à métallique », et qu’il sonne l’anonymat, Iggy Pop faisant de la pub dangereusement comme Bowie. pour les téléphones portables, sortant Référence pas du tout choisie au des albums solos à géométrie hasard. Les parties de sax vous ont variable… On était prêts à leur une curieuse ressemblance avec celles pardonner un come-back scénique de Heroes , et pire encore, au détour boiteux, et point ne fut besoin. d’un refrain, c’est du pur « Alladin Sane trademark » qui englue les Nantis d’un super nouveau bassiste baffles.

(Mike Watt, j’ignore si c’est lui qui joue

ici), ils démontraient un punch impressionnant sur leurs vieux Au total, un album solo de James classiques toujours tranchants. Osterberg de plus. Pas le pire, certainement pas le meilleur (dans le De là à reprendre les choses où elles genre « Cold Metal » était bien plus se sont arrêtées en 1973… Il y a un réussi), accompagné par ses vieux monde, celui qui a continué à tourner, poteaux de Detroit, le tout sous le nom

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 30 - des Stooges. Les vieux se diront que ou pire, Police, histoire de tout refoutre leurs souvenirs sont bien loin, et les par terre. Tournée des grands stades jeunes que c’est beaucoup de bruit pour s’en mettre plein les fouilles, et pour pas grand-chose. profiter de tous ces jeunes portefeuilles en mal de rock… Sauf qu’ici, putain les Pour la déflagration sonique ultime, le gars, il s’agit des Stooges, et qu’à la Raw Power remixé ouragan de 1997 lumière du premier single, Idea of fun , doit encore être au catalogue Sony. Iggy et sa troupe écrasent toute la Belle occasion de racheter aussi ses concurrence haut la main ! deux prédécesseurs. En plus ils doivent être moins chers. Trente ans, c’est ce qu’il aura fallu aux Stooges pour nous pondre un Laurent ■ quatrième album. Certes beaucoup plus moderne que No Fun . Mais toujours aussi tendu, violent, exécrable et jubilatoire. Aux guitares éternellement cradingues, dégueulant son lot de haine, de sexe… Oh, évidemment tout n’est pas aussi parfait que ce premier opus intemporel paru dans les cendres des sixties de Détroit.

D’abord, ce morceau éponyme, The Weirdness , sorte de ballade où Iggy traîne sa voix, ou plutôt s’y perd, sur des riffs de guitares sans âme, et des solos de sax inutiles. Et puis l’album est sans doute trop long, se paumant au final dans des pastiches déjà abordés.

Agréablement surpris ! Mais le génie est là tout au long de ces 12 titres. Et la voix d’Iggy est au Iggy Pop. L’Iguane serait de retour, meilleur de sa forme. Dès l’intro paraît-il, avec son groupe d’origine, les rutilante, Trollin’ , aux guitares perturbateurs Stooges. Les frères ravageuses qui vous lessivent le Asheton de la partie aussi. Avec un cerveau. Il est impressionnant de nouvel album qui plus est. Mais les constater que l’Iguane a toujours cette Stooges nous ont-ils finalement quittés voix d’ado puéril, où le dandysme se un jour ? En passe de devenir la mêle au crooner amoché. La perle, référence ultime aux cotés du Velvet Idea of Fun , telle une chute de No Fun , de Lou Reed de toute cette scène rock et son refrain dantesque, absolu, avec qui agite Paris, Londres, Madrid depuis son riff impeccable en passe de quelques années déjà. devenir l’un des 10 plus importants de l’histoire du rock, pas moins. Et c’est là Bref, reformation de ces Punks d’un que le groupe terrasse toute pseudo autre âge qui s’inscrit dans la concurrence, dans cette capacité à mouvance actuelle, avec les New York vous renverser les tripes sur des solos Dolls (qui s’en sortent pas mal sur ce électriques lancinants. Free and coup-là), les Stones, les pantins Doors, Freaky , hymne débilisante et pourtant

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 31 - tellement salvateur, aux relents La galette se termine par un de ces Ramones, fait mouche à chaque rocks puissants et urgents, qui écoute sur la platine. Et puis, les démontre que les Stooges n’en ont pas Stooges sont un groupe punk à part fini, qu’ils sont toujours là et au dessus entière, de ceux qui ont quelque chose du lot. I’m a friend est une véritable à clamer, à vilipender… The end of pépite où son final de free jazz, comme Christianity et son magma sonore, à la meilleure époque, dévaste tout, parfaite missive arrogante et emporte tout sur son passage. Oui, les destructrice d’idéal religieux... Le fun Stooges sont là, et ils comptent bien toujours le fun, les Stooges dégainent vous le faire entendre! un très bon Mexican Guy , menaçant de sons répétitifs et envoûtants. Lou ■

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 32 -

Entretien avec Christian Décamps

Chanteur et auteur des textes du groupe Ange groupe pop progressive n°1 en France dans la première moitié des années 70.

DaveDevil666 : Lorsqu’on est français, comprendre ce que ça signifie ? Mais comment peut-on chanter en anglais ? bon, ça sonnait bien... Et je me suis dis On est plutôt assez mauvais en "bon, avec le français, ça devrait l’faire langues étrangères, d’abord... Et puis, aussi" Mais ça ne m’empêche pas de pourquoi chanter dans une langue qui composer dans 80 % des cas mes n’est pas la sienne ? Vous, par mélodies en yaourt, et plein de exemple, vous avez envisagé un chanteurs le font. Ça oblige à des sons instant de chanter en anglais ? inconnus, mais ça permet de rechercher dans la phonétique de la Christian Décamps : J’avais envie de langue française. faire partager quelque chose à un public et il était essentiel de le faire DD666 : Pour toi, la langue est à la fois dans ma langue maternelle, dans la un choix naturel et esthétique, il n’y langue de mes racines. En fait, j’ai avait pas de choix stratégique, vouloir chanté en anglais dans les bals avec viser un marché plutôt qu’un autre ? un groupe qui s’appelait "Les Anges" et reprenait les Moody Blues, les C. D . : Calibrer un marché, c’est des Beatles... Je chantais une espèce mots qu’on entend depuis 20 ans, mais d’anglais proche du yaourt... On peut c’était pas le cas à l’époque quand on dire que l’anglais est une langue a démarré en 1970. On jouait par phonétique qui s’accorde bien avec passion, on faisait ce qu’on avait envie des mélodies, et qui fait sonner les de faire. Personne ne faisait ce genre mélodies beaucoup mieux que certains de choses. Par exemple, le Martin paroliers français des années 30 qui Circus du premier album, pas celui des faisaient de la chanson réaliste, ou les reprises variet’, avait comme référence chansons d’entre deux guerres, et Frank Zappa, et travaillait dans cet c’était une autre technique de chant, il esprit-là. Prends Le Matin des y avait un accompagnement assez magiciens , c’est hyper bien écrit, hyper sommaire. Alors que l’ensemble de la bien chanté et ça passe aussi bien musique rock apporte autre chose qu’une mélodie en anglais. Et c’est comme enveloppe aux lignes plein de références à Baudelaire, à mélodiques et aux textes. Rimbaud... Il y avait cette volonté de faire de la poésie sur la mélodie, et Donc on a chanté une espèce d’anglais c’était un atout majeur. Ce que ne pour se faire plaisir en se prenant pour faisaient pas avant des gens comme Jimi Hendrix ou Paul McCartney... Qui Ferré qui privilégiait d’abord le poème, n’a jamais chanté Yesterday sans et la musique n’était que support.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 33 - Mais il s’en est aperçu plus tard et il de télé: "J’aime bien ce qu’a fait Ange, s’est rapproché de gens comme Zoo. car je me sens enfin auteur- compositeur !". On a voulu l’arranger, on l’a alourdi, " bluesy". On l’a rendu un DD666 : Zoo, c’est bien eux qui avaient peu plus symphonique. Et en concert, fait Hard Times, Good Times ? on mettait ce morceau en scène, on faisait une espèce de petite saynète. C. D . : Oui c’est ça. On avait joué avec On voulait aller plus loin. Mais Brel se eux, Martin Circus, Triangle, ce qu’on suffisait à lui-même là-dessus. Brel a appelait la "Pop music française". Pour très bien compris ce que l’on voulait moi, la rock music, c’est à la fois Dylan, faire, ce qui n’a pas été le cas de Sting, Zappa... Je pense qu’en France, certains de ses inconditionnels. Serge Ange a été pionnier dans la matière, Lama a fait du Brel mais d’une manière des mecs comme Higelin ont suivi. Lui, mimétique... Par contre, Brel n’a pas au départ, il était plutôt "Rive Gauche", apprécié la version d’ Amsterdam par Lavilliers aussi. Ange a ouvert les Bowie, car il n’appréciait pas le côté portes des Palais des sports. Et un androgyne du personnage... style nouveau avec des espaces laissés aux guitaristes, aux batteurs qui DD666 : Il est clair qu’il existe un pouvaient partir dans des délires fantasme lié aux USA : c’est la Route musicaux. 66 , les Harley-Davidson, James Dean, Elvis, Las Vegas… Bon, vous DD666 : Est-ce que tu sais quand est concernant, ça n’a pas été le cas, vous apparu ce terme de "Pop music" ? n’hésitiez pas à parler de votre environnement direct. C. D . : Je pense que c’est apparu en 68. Mais ça vient de l’Angleterre. De C. D. : Ben oui, j’vois pas pourquoi... Il toute façon, en France, on est partagé y a des gens comme Eddy Mitchell, entre la Commedia dell’arte, la Johnny Hallyday, Dick Rivers, ils ont musique espagnole, ce truc latin, et le tous des noms américains. Moi, j’ai beat anglo-saxon, la basse-batterie, jamais accroché à Elvis Presley, à part tout ce côté qui vient du jazz. La Pop Jailhouse Rock ... La Route 66 , j’m’en music est une symbiose du jazz, du tape, j’aime pas la moto... (rires) classique et qui servait de décorum aux textes et aux mélodies. DD666 : On rigole, mais tout ça, c’est des mythes qui ont une réelle DD666 : Vous avez repris Ces gens-là importance... de Brel sur votre deuxième album, en intro, et c’était en 1973. Pourquoi cette C. D. : Mais tu sais, les mythes, j’en ai reprise ? Un journaliste du Figaro m’a fait un one-man-show à la Desproges, dit à ce propos que c’était un OVNI que j’ai appelé Les Vers Solitaires , et je dans le paysage musical français. dégomme tous les mythes... Quand on me dit "Ange est un groupe mythique", C. D . : Oui et en plus, on avait j’m’en tape. Ange est une légende remplacé le passage de Frida par une vivante qui avance. Et je dégomme un guitare, on avait d’ailleurs dû demander peu tout le monde, comme Marilyn l’autorisation, par respect du droit Monroe. J’veux pas casser le peuple d’auteur... Brel a dit dans une émission américain, c’est leur impérialisme qui me fait chier, la culture Mc Do ... Par contre, la culture british m’a beaucoup

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 34 - apporté... Pour revenir aux cultures, je ils ont eu leur Marilyn Monroe ne vois pas pourquoi Bob Marley française. On ne parle jamais d’un pouvait parler de sa Jamaïque, et nous Brassens européen. pas de nos origines, de la Franche Comté. C’est comme pour les fantasmes liés à la Beat Generation . Jack Kerouac, tout DD666 : Je m’intéresse beaucoup à le monde avait le livre, mais peu de l’influence des environnements, à ce gens sont partis... Et les expériences qu’est la culture. Pourquoi sommes- liées aux drogues, ça venait de la jet nous ou plutôt comment sommes-nous set. devenus ce que nous sommes ? À propos de Little Bob, je me souviens DD666 : Pour revenir à cette époque, d’un reportage fait au Havre et, vous preniez des trips ? interrogé sur la digue et regardant la mer, il disait quelque chose comme C. D. : C’était pas mon cas, mais dans "Notre pays est en face, au-delà de l’entourage du groupe, c’est arrivé. l’Atlantique" en parlant des USA... Moi, ça se limitait à un petit pétard de Comme si son perfecto était l’armure temps en temps, mais sinon, c’est vin d’un chevalier, et sa croisade le rouge ! rock’n’roll ! DD666 : C’est mon cas, je suis C.D . : C’est le problème des étiquettes. conservateur à ce niveau (rires). Tu sais, mon synthé est américain. Faut dépasser les clichés, les modes C.D . : C’est comme la coke, c’était un qui sont imposées par les différents truc de la jet set. Par exemple, pouvoirs. Hallyday, ça lui coûtait 12 000 balles par mois en 72. Mais bon, t’es pas D. S. : Vous avez joué avec Johnny obligé d’en parler (rires). Hallyday ? DD666 : Maintenant, on peut parler de C. D. : Oui, à peu près 60 dates. Moi, politique publique en faveur des je connais l’homme. Pas Johnny, mais musiques populaires ou actuelles, ce Jean-Philippe Smet, que j’ai rencontré qui n’existait pas avant. Il existe un dans le cadre de tournées dans les réseau de salles, des aides... Je pense années 60. Et on a parlé... Il a avoué qu’il peut exister des choses négatives regretter sa carrière de chanteur. En et positives à ce propos. Qu’en fait, il aurait voulu être acteur... Mais, penses-tu ? bon, il a fréquenté la jet set , il a couché avec Catherine Deneuve... Il m’a dit : C. D. : J’ai dû en bénéficier "Toi, t’as fait un groupe, mais moi, ça indirectement, via les festivals. On m’a me fait chier qu’on m’appelle Johnny ! refusé l’aide au FCM (Fond pour la Je préfèrerais qu’on m’appelle Jean- création musicale). À mon avis, c’est Philippe Smet." J’ai pu parler avec lui, du copinage, c’est toujours les mêmes sans les impresarios. Il était au bout du qui sont aidés. rouleau. Et le mythe américain, il en a rien foutre. Il m’a dit aussi "À 17 ans, DD666 : Tu ne penses pas qu’en étant j’avais pas de permis, je pouvais rouler un peu radical, on puisse considérer en voiture...", il était protégé. Mais le que l’art étant une intention extrême, il business voulait avoir son Elvis n’a pas à s’intégrer au sein de la français, comme avec Brigitte Bardot, société ? En même temps, peut-on

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 35 - vraiment travailler dans de mauvaises fille, "Vous êtes des salauds ! La conditions ? musique devrait être gratuite !". Je lui ai répondu que, quand elle allait chez le C. D. : Faut savoir faire une balance… boucher, il ne lui donnait pas de steaks Le système des intermittents est une gratuitement. Des fois, des gens du bonne chose, évidemment. Mais, il y a coin me demandent de réaliser un de l’abus, ça c’est clair. Certains en spectacle et ils sont très surpris quand bénéficient, du statut, sans rien faire. je leur parle du prix car ils s’imaginent L’art est un don de soi, que ce soit que c’est gratuit ! Mozart, Hendrix ou Schubert. Mais il faut bien bouffer. Grâce à Ange, j’ai pu C’est vrai que, concernant cette me payer une ferme, mais j’ai dû la période, peu de gens peuvent imaginer retaper. Je me souviens des années maintenant que certains réclamaient la 70, période où la musique devait être gratuité de la musique… En même gratuite … temps, j’imagine la société qui se dispenserait de l’argent dans 50 ans. Il DD666 : C’est l’époque des manque aux gens cette humilité à gauchistes ! (rires) reconnaître le génie de certains qui ont inventé des choses exceptionnelles. C.D . : Oui, on s’était pris des cocktails Faut distinguer le progrès et Molotov ! Le batteur brûlé dans le l’invention… dos…Je m’étais fait insulter par une Propos recueillis par DaveDevil666 ■

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Introduction à la soul music

i l'on devait diviser la musique et qu'ils se sont fait connaître auprès populaire en trois entités, il y aurait du grand public. L'histoire est à peu certainement le rock, la pop et la près la même en France dans cette soul music. Une telle opération mesure où les idoles devaient souvent souligne l'importance d'un genre, à leurs tubes à la soul music. Johnny savoir le rhythm & blues ou soul music Hallyday reprenait Stevie Wonder, dont l'ampleur est trop souvent sous- Arthur Conley ou encore Wilson Pickett estimée. Cette méprise est facilement tandis que Nino Ferrer et Jacques explicable en ce sens où le genre n'a Dutronc puisaient leur inspiration dans pas su se renouveler et qu'il n'existe ces nouvelles sonorités. On pourrait plus à proprement parler. Certes, même aller jusqu’à dire que la soul aujourd'hui, des artistes se music a touché des groupes comme revendiquent encore de la soul music, Big Brother And The Holding mais pour être tout à fait objectif, il n'y Company, même si c’est moins a presque jamais de rapport avec celle évident. des années soixante. Une autre explication tient en ceci que la soul Si vous n'écoutez pas ou peu de R&B, music est très ancrée dans son époque il est néanmoins certain que vous et qu'elle s'est transformée en d'autres connaissez les grands standards, genres, particulièrement en funk et en indirectement ou non, et peut être rap. même sans le savoir. Je fais référence à des succès commerciaux tels que Ne pas écouter de soul music, c'est When A Man Loves A Woman de finalement passer à côté de quelque Percy Sledge, The Dock Of The Bay chose d'essentiel et peut-être même, d'Otis Redding, Hit The Road Jack de ne pas se doter d'une culture Ray Charles, ou même encore à Baby nécessaire à la compréhension Love de Diana Ross & The Supremes. d'autres genres musicaux, tant Ceci étant dit, la soul music ne se l'influence de cette dernière est résume pas à quelques hits, et le significative. Rappelons que c'est en mouvement est bien plus riche qu'il reprenant des titres noirs américains n'en a l'air. Le comprendre implique de que les Beatles et surtout les Rolling situer son origine. Stones ont fait leurs premières armes

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 37 - Si James Brown a popularisé la soul Motown et de la Stax il y a aussi music, il n'en est pas le fondateur, et si Atlantic Records, une société plus l'on devait lui en trouver un, ce serait ancienne mais au moins aussi plutôt Ray Charles puisque c'est dans importante que les deux autres, qui a l'un de ses albums que le terme notamment signé avec Otis Redding, apparaît pour la première fois. Des Ray Charles et Aretha Franklin. titres comme What'd I Say ou Georgia On My Mind sont de véritables Revenons un instant sur l'influence que révélations. Bien évidemment il est représente la soul, en l'illustrant par assez grossier d'attribuer la paternité son rôle dans le mouvement mod du d'un mouvement à une seule et même Swinging London. Il ne serait pas personne puisque d'autres artistes ont exagéré d'affirmer que la culture mod joué un rôle clé (parmi les plus dérive de la soul music. Au fond, si l'on connus : Otis Redding, Sam & Dave ou schématise, la vie d'un mod se résume encore Wilson Pickett). La soul, avant entre musique, danse et tout musique afro-américaine, peut se consommation. Dès lors, on peut caractériser par son héritage, celui du comprendre le rôle fondamental du blues et du gospel. Et c'est d'ailleurs R&B, un genre vraiment idéal pour cela qui permet de comprendre danser. Si les soirées mods sont l'importance des choeurs que l'on marquées par la soul music retrouve notamment chez Ray Charles. américaine, le mouvement laisse Précisons par ailleurs que la soul également place à des formations music n'est pas qu'un genre musical, locales. En général il est question d'un elle est aussi un état d'esprit, une façon rock très R&B, en somme très dansant. d'être et surtout un moyen d'affirmation Pour citer des noms il y a The Attack pour les afro-américains alors hostiles ou même les Who. Quand les mods à la ségrégation raciale. éclatent, une partie d’entre eux continue à écouter de la soul, mais La naissance de la soul music conduit cette fois ci, il est question de Northern sans trop de surprise au soul. développement de l'industrie musicale. La Stax, alors petite entreprise familiale Dès le milieu des années 70, la soul proche de Memphis, manifeste un music commence à se métamorphoser, intérêt particulier pour ce nouveau c'est le début du funk et du disco, la fin marché et va lancer des futures stars d'une époque. Bref, c'est une autre telles qu'Otis Redding, Eddie Floyd ou histoire. La valeur de ma description encore Sam & Dave. À l'autre bout des n’est qu’introductive, ne soyez pas États-Unis, c'est la Motown qui voit le étonné si je ne parle pas des sous- jour. Le son Stax proche du blues genres de cette musique. Je garde ça suggère un peu la campagne et la pour les prochaines fois. chaleur des soirées du Sud à l'inverse du son Motown, bien plus urbain, mais Vincry ■ dont la qualité des titres n'a rien à envier à la Stax. La Motown est d'ailleurs une machine à tubes et le succès est toujours au rendez-vous, que ce soit avec les Temptations, Marvin Gaye, Stevie Wonder ou encore les Jackson Five. Bien sûr, à côté de la

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Les 5 Gentlemen Très peu d’informations finalement leur musique change, les références circulent sur ce groupe. Ces 5 gars se deviennent le folk et le garage US, la sont rencontrés sur les bancs de pop anglaise du Swinging London. l’école et ont formé un premier groupe, Riviera les signent enfin en 1966 et ils Les Ambitieux, porté alors par la scène sortent leur premier EP sous le nom rock/yéyé/twist qui déferle sur les des 5 Gentlemen la même année. ondes françaises. Le groupe se Avec un premier mini tube Cara-lin , qui compose initialement de François Paoli va poser les bases de la nouvelle (guitare), Jean Fredenicci (basse), orientation musicale du groupe, avec Michel Donat (batterie), Claude Olmos une guitare légèrement psychédélique (guitare) et Guy Martteoni et un chant larmoyant. On retrouve sur (pianiste/organiste). Ces gars là n'ont ce disque les chansons folks Trop malheureusement jamais pu sortir Tard/Oublie Moi/Cette Fille (Riviera d'album, les maisons de disques 231142). Incroyablement en phase françaises étant trop occupées à avec la future révolution pop produire la dernière singerie yéyé... Un psychédélique, alors que la France premier essai discographique sort chez digère difficilement la fin des Yéyés. Columbia en 1965, compilant les rocks Danse danse encore/ Ces C'est d'ailleurs en 1966 que les 5 mots/Dis Moi/C’est pas vrai (Columbia Gentlemen récoltent enfin le fruit de Esrf 1662) coté à 45 euros. Mais les leur talent... En effet, Dis-nous, Dylan Marseillais ne sortent alors pas du lot qui sera par la suite distribué en Italie de tous ces combos rocks. et en Allemagne, se classera honorablement en France. La chanson Et puis ils changent de patronyme sur est signée par Jean Fredenicci et c’est les conseils avisés d’une amie et une pure pépite qui leur ouvre les décident de se rebaptiser les 5 portes de la célébrité. La télévision les Gentlemen, faisant référence à leur réclame, ils font Tête de bois , Feu de tenue vestimentaire pastichant les joie . gloires anglo-saxonnes du moment. Localement, on les remarque, ils jouent Ballade folk et hippie, missive anti- de plus en plus souvent à L’arsenal guerre parsemée d’éclairs à des Galères à Marseille où la salle ne l’harmonica, cette chanson envoie désemplit pas. Et, au même moment, directement ces gars dans une autre

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 39 - dimension, où pointe la direction 25 ou Les métamorphoses de Margaret psychédélique qui hantera leur Steinway en face A et Je te veux à précédents enregistrements, mais qui Olivier en face B (Riviera 231212). On causera aussi leur perte, la France oublie ici tout de suite la pop étant engluée alors dans son post mai franchouillarde, et on plonge dans les 68, et passant totalement à côté de abîmes de ce morceau fantastique en l'apogée psychédélique... plein trip qu'est LSD 25 , et cette guitare qui se tord et plonge continuellement Hosanna est une pépite de freakbeat dans les méandres du junkie. Sans que les anglo-saxons auraient pu nous conteste l'un des plus grands jalouser, chanson simple et breakée à morceaux psychédéliques balancés multiples reprises avec ce piano en par un groupe français. Sur ce coup, free style, et un final délirant, un refrain les 5 Gentlemen radicalisent leur plus crié que chanté qui confère à ce musique et touchent le sommet du morceau toute sa folie. Si tu reviens psychédélisme. On est loin du combo chez moi et son écriture à la française yéyé des débuts, le clavier prend de qui lorgne vers Gainsbourg, est une plus en plus d’ampleur, les musiciens parfaite missive anticapitaliste, avec maîtrisent de plus en plus leurs cette basse omniprésente et instruments, comme sur ce magma dangereuse qui se bat avec le clavier délirant qu’est Je Te Veux . aux dissonances hallucinogènes. Le dernier morceau a des relents Mais le succès fuit le groupe, la caverneux s'éclaircissant par les musique est trop moderne pour les intrusions de cette flûte mélancolique ouies françaises. Ils sortent néanmoins et ces chants pastichant le folk leur 4 e EP sur Riviera, beaucoup moins baba/religieux de l'époque.... sophistiqué, et tentent de retrouver la joie des palmares. Et s’y perdent Cet EP est tout bonnement le plus d’ailleurs… Même si l’on ne retrouve beau des disques de l'ère 66 parus en pas la magie d’un morceau comme France, une merveille balancée et LSD 25 , le disque est de bonne qualité, oubliée de suite par un pays trop compilant le très amusant Oum tse occupé par ses clivages politiques Oum débouchant sur une bien fausse Papa à Anna , ballade un peu mièvre. révolution... Longue nuit d’amour et son refrain Partout sur la Côte d’Azur, ça fourmille entêtant ne fait pas oublier la faiblesse de vedettes, et le show-business leur de la composition, alors que Cent tend la main. Ils s’inscrivent alors dans millions d’années av. J.-C. tente de la mouvance de groupes comme les nous refaire le coup de Dis-nous Dylan . Baincs Didoncs, les Boots ou encore En vain… Cet EP annonce le déclin du les Somethings. L’influence de la pop groupe (Riviera 231265). music anglo-saxonne raisonne dans ces chansons, preuve en est que la Les 5 Gentlemen sortiront un dernier France savait aussi sortir des trucs essai, qui retentera le coup intéressants à cette époque. psychédélique avec Twiggy . Mais le coeur n’y est plus. Pourtant à l’écoute Et pourtant le meilleur reste encore à de Mets du sucre dans ton café , les venir avec ce second EP, paru en 1967 musiciens avaient tout ce qu’il fallait et passé totalement inaperçu, pour faire exploser les charts. Une combinant Qu’as-tu Katioucha à LSD magique combinaison pont/refrain/solos que bien des

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 40 - groupes lui envieraient. Quelques liens pour découvrir ce fabuleux groupe Parfaitement réédités par Magic Records sur une compilation où l'on http://profile.myspace.com/index.cfm? trouve la plupart des singles et les 5 fuseaction=user.viewprofile&friendid EP au complet, les 5 Gentlemen sont =89293249 également sur le point de devenir LA http://www.dailymotion.com/video/ référence de cette jeune scène rock x12mte_caralin-les-5-gentlemen française, qui redécouvre ces perles freakbeats chantées en français. L'histoire du rock est ainsi faite... Lou ■

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Introduction au Krautrock

Comme beaucoup de dingues plongés Il fallait donc se lancer, avoir des dans la musique, je pense, j’ai fait mon références, et surmonter ses éducation dans Rock and Folk et Best. aversions. Tangerine Dream était Et si un truc me tuait, c’était bien les utilisé pour le générique d’une articles sur le rock allemand. émission de télé débile, et cette longue coulée de mayonnaise béate n’avait Des tartines pas possibles, qui vous rien de vraiment attirant. donnaient l’impression d’avoir été rédigées par des pros de la Et de toute façon, il fallait chercher cosmogonie, ou des types qui avaient hors des circuits de vente ordinaire, on tellement tout compris qu’ils vous sentait ça d’instinct. Donc, une partie endormaient au bout d’une page. de mon minuscule budget fut consacré à un livre et à un cd. Ce genre de D’où l’idée, fort négative, que la situation condamne à la réussite musique allemande se résume d’un d’entrée, aucune seconde chance coté à des groupes planants (terme accordée. idiot) imbibés de Pink Floyd, et de l’autre, à des hardeux doués pour la Le bouquin se nommait Cosmic ballade radiophonique et vomitive. Dreams At Play par le dénommé Dag Erik Asbjornsen, une encyclopédie Et au milieu, rien. Du moins pour le claire et concise, qui donnait des pistes jeune cadre pressé, et pas du genre à intéressantes. s’appesantir sur des subtilités sémantiques. Pour le disque, j’avais déjà arrêté mon choix, ce serait Edge Of Time de Dom Quand même, tous ces groupes de (qui ?) tout simplement parce que ses référence, les Can, Amon Düül et climats ressemblaient à ceux du Pink compagnie, ils existaient bel et bien, ils Floyd de More . Pressage privé, très étaient peut être une partie d’un rare, heureusement réédité, l’album de iceberg à explorer soi-même. Dom date de 1972. Le groupe venait de Düsseldorf, et il était mené par les Une sorte de voyage initiatique et frères Gabor et Laszlo Von Baksay, privé, qui conduirait (peut-être) à émigrés de Hongrie en 1956. exhumer quelques merveilles à usage interne (les meilleures), loin des D’emblée, on est saisi par le minima- chemins bien balisés (les pires). lisme de l’instrumentation (guitare

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 42 - sèche, percussions, flûte, clavier en toile de fond, des vocaux parlés et lointains) et la fabuleuse force qu’elle dégage. Alors on suit, de bonne grâce. Jusqu’à ce que tout se brouille d’un coup, il vient de se passer quelque chose, le brouillard cachait bien son jeu. Plus question d’enlever le casque stéréo, il est devenu un vecteur psychique, la dernière chose qui vous relie encore au monde.

La référence à More devient plus claire, dés lors qu’on sait que le DOM était un acide surpuissant, capable de vous défoncer la tronche pendant deux jours pleins. Mais une musique de film a des contraintes . Edge Of Time aucune, ces 4 chansons agissent comme des réflexes, et c’est ça qui est beau.

Il y avait donc à creuser dans le Krautrock. D’autres que moi vous raconteront leur propre aventure (on espère qu’il y a des fans d’Agitation Free à la rédaction).

Les bouquins de référence comme le Krautrocksampler de Julian Cope, ou Crack In The Cosmic Egg atteignent des prix dingues sur eBay, et les rééditions sont vite épuisées.

Par contre, côté disque, le choix est vaste, des gens comme Muséa ou Spalax ont fait un boulot admirable. En dehors de Dom, mes favoris sont le premier Gila, le Garten Pharaos de Popol Vuh, et le At Last d’Agitation Free. En fait non, achetez TOUS les Agitation Free. Et écoutez-les. Beaucoup ! La rédaction commençant à léviter, j’arrête là. Mais j’ai fait ce que j’ai pu, vos 45 minutes d’oubli béat vous attendent quelque part. Laurent ■

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Chroniques de disques

Bombadil) et Leonard Cohen (L'Énergie des esclaves). Dashiell Hedayat a en outre enregistré deux albums : le premier, La Devanture des ivresses , en 1969, sous le pseudonyme de Melmoth (Grand Prix de l'Académie Charles Cros en 1969), et le second, Obsolete , en 1971, avec le fameux Chrysler , en collaboration avec les musiciens du groupe de rock psychédélique Gong et avec la participation de Burroughs. Obsolete donc. Et sa pochette rose Dashiell Hedayat – Obsolete bonbon, gaufrée, paru chez le méga (1971) rare label Shandar. Ami de la défonce, bienvenue dans ce monde halluciné où Attention, on est en présence ici d’un les histoires de cul, de dope et autres véritable chef d’œuvre ! Sans doute banalités s’entrechoquent au son l’un des plus grands albums français aérien et plein de reverb’ de la troupe publiés à ce jour. Une météorite venue Gong. Et ça démarre fort avec ce de nulle part, à la poésie déjantée et délirant Chrysler , enfumé par ce texte improvisée sous une musique où les libidos sont en extase, ça sent le lancinante et hypnotisante. Un pavé sexe, la drogue, le côté immorale de la beat en plein seventies, plus chose, le tout porté par les éclairs de précisément en 1971, porté par la Didier Malherbe au sax. On est déjà musique du Gong naissant de Daevid pris à la gorge par ce long trip sado- Allen. Des textes inspirés par Ginsberg masochiste que vient renforcer le et Burroughs réunis… second morceau de la face A , Une fille de l’ombre, chuchoté par Dashiell dans Dashiell Hedayat, né en 1943, est le un état proche de la défonce totale, nom sous lequel s'est fait connaître avec les gémissements sensuels de l'écrivain qui publie désormais sous le Gilli Smith. Puis vient la merveille, Long pseudonyme de Jack Alain Léger. Il a Song For Zelda , où l’improvisation des publié plusieurs ouvrages sous ce textes par Dashiell rappelle les poèmes patronyme, et a également traduit des de Ginsberg, retour direct vers le œuvres de Bob Dylan (Tarentula), JRR dandysme des sixties, musique Tolkien (Les Aventures de Tom vaporeuse où l’odeur du café et du shit vous envahit les neurones. Petite

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 44 - histoire banale d’un homme libre en Gainsbourg distillant l’amour plein délire, ce morceau transpire Nabokovien à travers Melody Nelson , l’innocence de la vie, soutenue par les et Hedayat enfonçant le clou du sado- notes de guitare de Daevid Allen, masochisme sous emprise avec ce douces et swinguant tout au long de ce somptueux Obsolete … Bon voyage ! trip qui emmène l’auditeur dans un autre monde dénué de tout intérêt Lou ■ matériel, jusqu’à la rencontre ultime, banale mais qui prend ici une tout autre dimension, de cette femme qui balade son clébard. On se promène tout au long de cette poésie sur un air flottant, la réalité vous apparaît soudain si lointaine, véritable hymne à la vie…On rêve ici d’un monde dandy, shooté à outrance, où plus aucun reflet matériel n’a d’importance, non, le simple moment présent comme unique but… On ne ressort jamais indemne de ce morceau, qui agit comme une drogue.

Jamais un tel titre n’a eu autant Rory Gallagher : d’effet… La discographie commentée Et cette face B, alors ! Cielo Drive , qui enfonce le clou jusqu’aux abîmes de Douze ans après sa mort, Rory votre pensée. 17 minutes de pur délire Gallagher reste, pour une grande total, telle une descente héroïnomane majorité, un pendant exotique à Status dans les méandres de votre cerveau. Quo. Avec des solos plus longs, et un Gong prend ici la musique à son peu mieux construits, une guitare compte et annonce la couleur de ce écaillée, bref, pas grand-chose pour le que les musiciens vont produire sortir de l’anonymat. ailleurs. C’est bourré d’écho et de reverb’, sur un rythme hypnotisant et Ce qui, en plus de dénoter une tribal. Des bribes de phrases profonde méconnaissance de l’individu hésitantes et futiles distillées par et de sa musique, est une imbécillité Dashiell comme écho sonore, qui totale. On parle ici de talent profond, résonnent dans votre tête, pas de recettes faciles et tourbillonnent à n’en plus finir et vous nauséabondes, déversées sans font perdre pied. Jamais un tel nuances sur un public pas trop morceau n’a sublimé à ce point la regardant, et accroché à sa bière. sensation du junkie en pleine descente, véritable témoignage d’époque… La Déjà, avec Taste , l’Irlandais s’imposait musique est sensas, chaque comme un maître de la Stratocaster (il instrument s’envolant dans des solos avait à peine vingt ans). La route était contenus, pour finir dans un chaos ouverte pour lui. Il allait devoir total. Délire, hypnotisme, lavage de s’imposer au delà du répertoire de ses cerceau… maîtres, aidé par une technique Ce disque est une claque dans la colossale, mais sans véritable gueule à tous ceux qui ont eu un jour direction. La solution, on la connaît. l’opportunité de l’écouter. 1971 fut une Tourner encore et toujours, forger son grande année pour le rock français, art au contact des foules, soir après

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 45 - soir. Pas de problème pour lui, il a Pas tant que ça, n’oublions pas que toujours été une bête de scène, même Rory disposait de deux armes s’il y a sûrement laissé une partie de sa redoutables : sa guitare et sa voix (il santé. prend enfin le temps de chanter correctement), et l’ensemble les met Jusqu’en 1976, ses réussites les plus sublimement en relief. flagrantes étaient ses albums live (2) tandis que le travail en studio restait un Superbe illustration d’un travail de cran en dessous (à la tonitruante studio efficace, et varié comme on en exception du premier disque solo). Être souhaite à beaucoup (l’intro de Edged son propre producteur permet In Blue qui sonne comme Pink Floyd, certainement d’économiser beaucoup avant que la chanson ne se mette à de temps et d’argent, mais à moins lorgner du côté du funk, sous les d’avoir le flair et le froid recul d’un roulements de Rod de ‘Ath), Lou Martin Jimmy Page (certains diront une tente bien une sortie aux claviers, mais calculatrice sur la console), c’est il se fait flinguer par une lampée de souvent se priver d’un regard extérieur guitare hargneuse et autoritaire du frais et avisé. boss, avant d’avoir le temps de gâter la sauce. Rory (considéré souvent à tort comme un crétin qui aurait piqué une chemise Et l’affaire se conclut par ce que, à John Fogerty, alors que l’homme finalement, Rory faisait le mieux : était simplement un grand timide) a pousser la rengaine avinée à la guitare bien dû finir par se rendre compte qu’il sèche et à l’harmonica, jouant le blues, allait dans le mur du studio, à plus ou encore et toujours. Écoutez ce Barley moins longue échéance. And Grap Rag , ces giclées de notes plus Django Reinhart que nature, cette C’est pourquoi, en 1976, il a fait appel facilité aberrante, ce talent ENFIN à Roger Glover. L’ex-bassiste de canalisé correctement… Toujours pas Purple ayant la réputation d’être un convaincu ? grand diplomate plutôt qu’un dictateur ( lui-même chante Rory passe donc l’essentiel de l’année ses louanges, c’est vous dire s’il doit 1977 à tourner, sans trop se soucier être patient et attentionné) et un très de la révolution Punk et des gadgets bon producteur, le résultat devait être disco/novo de ces années-là. Pire, intéressant. quand sort Photo Finish (fin 1978), on le redécouvre en trio. Il a viré son Rendons à Rory ce qui lui appartient, clavier, engagé un cogneur (Ted Mc les chansons de Calling Card sont Kenna) à la batterie, mais, d’une qualité phénoménale. Restait à heureusement, conservé le fidèle les mettre en valeur d’une façon marteau piqueur Gerry Mc Avoy à la rationnelle. Donc, caler drastiquement basse. Comme tout repose sur la la section rythmique, se servir des guitare, c’est la totale, le champ de claviers pour autre chose que des mines livré à domicile. Les chansons digressions sympas mais inutiles, et sont un poil plus simples que sur polir le son, sans lui faire perdre son l’album précédent, mais des bombes mordant naturel. hargneuses, du concentré d’énergie brute, avec ces incroyables acrobaties Mission impossible ? de guitare, à haut pouvoir corrosif.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 46 - Et foin des subtilités de l’album précédent (enfin presque), la six cordes est haute dans le mix, comme un magma ininterrompu, rouge vif le plus souvent. Cette musique est habitée, vivante, comme celle des Stones, d’Hendrix ou de Robin Trower, loin du supermarché.

Pavlov’s Dog – Pampered Menial (1975)

St Louis, Missouri, ne doit pas être le premier bled qu’on pense à visiter en se rendant aux États-Unis. Pourtant, si les autorités de là-bas avaient un peu de bon sens, on y trouverait la rue Pavlov’s Dog, ou au moins la place David Surkamp. Pour le même prix, vous avez, en plus, les deux plus beaux joyaux jamais Un groupe de rock (et encore…) écrits par Rory, son classique Shadow comme on doit en trouver un sur dix Play et le beaucoup plus méconnu milliards, dirigé par les redoutables Overnight Bag . mentors du Blue Oyster Cult qui plus est. La domination mondiale était pour Là, on décolle vraiment, pris entre eux, enfin presque… facilité mélodique, pirouettes sur le manche (ce son crado et hargneux) Déjà, on comprend que le titre très grande classe, efficacité totale. (Domesticité choyée ) ait pu en choquer plus d’un. À une époque mal remise Ici, on est au sommet d’une carrière. des New York Dolls, on se méfiait de La suite sera forcément en dessous, tout. Alors des chansons sur le plan créatif, Top Priority l’année baroques/gigognes, avec des suivante, gâché par des compositions arrangements tape à l’œil, et cette faiblardes (dommage pour le jeu de incroyable voix de Surkamp (faites un Rory, complètement possédé) et Jinx blind test , tout le monde vous dira que en 1982, curieusement lourdaud. Il c’est une fille qui chante), c’était faudra attendre 1987 et l’incroyable vraiment trop. Defender pour retrouver un niveau pareil. Suspect pour les lourds, dégoûtant pour les décadents, facile de se Vous savez ce qu’il vous reste à faire. débarrasser comme ça de Julia , Subway Sue, Fast Gun avec ses *** escaliers guitare/violon, et toutes ces merveilles qui vous collent à la peau

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 47 - comme du napalm tout frais largué. saute dans la première rivière qui passe, mais quand j’ai lu la chronique Qui régnait à l’époque ? Les Sparks ? de son dernier album (j’ignorais Rod Stewart ? D’une certaine façon, absolument qu’il avait monté un projet Pavlov’s Dog annonce le punk qui parallèle) dans le Record Collector couve, l’explosion de la chape de (faut bien tenir la concurrence à l’œil) plomb qui étouffe la musique des j’ai entendu hurler un loup. années 70, le grand ménage de printemps. Avec classe, certes, et à sa Qui tenait dans sa gueule deux façon de dandy. Discrètement efficace. pochettes de disque. Celle de Raw Power , et une autre, hideuse, En chasse, le cd doit encore être au représentant un babouin se grattant les catalogue ! burnes. Et ce canidé, je le voulais féroce, pas vieux pro sur le retour, qui Laurent ■ gérerait son passé, entre deux pubs pour SFR.

J’ai donc oublié mes principes (néo- gothique = Valium) pour un temps, celui de jeter une oreille prudente. Et plutôt séduite au premier abord. Ce truc est taillé dans le bois psychotique qui fait les grandes galettes. D’entrée, avec Cave qui gueule comme un perdu. Il va remonter en selle, virer les souris blanches, les chiens noirs, les enculés de babouins, repartir à zéro…

Le nom Grinderman (écraseur) vient d’un blues de Memphis Slim. C’est pas vendeur du tout, coco, ça va pas cartonner sur le public des Naast, et Grinderman – Grinderman (2007) effrayer les petites filles qui rêvent aux Plasticines. Nick Cave ? Héros culte ? Ce type tout en noir, avec ses visions de meurtre, Qu’importe, avec un morceau titre fait sa poésie de Leonard Cohen batcave ? d’un (UN) riff absolument plombé, léger et subtil comme une meule à grains, et J’ai bien le souvenir d’un truc Cave qui chante J’suis prétentieux et rasoir, Your Funeral My l’écraseur/Chaque fois que je peux du Trial , il y a longtemps, sans que ça ton léger d’un serial killer en veine de m’empêche de dormir. Et, pour être confidences. Mais attention, jamais le tout à fait franc, son duo avec Kylie coté mélodique ne cède le pas à « J’suis bonne » Minogue était plaisant, l’électricité sale et spiralée. Man in The sans plus. Du bon matériel pour la Moon est, à ce titre, une vraie leçon radio. Bref, le génie de Monsieur d’émotion en trois bouts de ficelle. Et m’échappait totalement. Electric Alice se révèle un tube en puissance, je le dis bien fort ! Si c’est Appelez ça la déception du nouveau leur coté le plus commercial, il faut les Stooges, le réflexe de l’assoiffé, qui imposer dans la sono d’Auchan.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 48 - Et quand ils se mêlent d’ajouter des indispensablement. cuivres, c’est pour mieux noircir le morceau, pas pour l’alourdir. Comme Évidemment, les consommateurs peu l’auraient fait, au hasard, les Saints. Le avertis et avides de nouvelles soleil australien tape vraiment dur sur découvertes sonores se jettent dessus, certaines caboches, on devrait importer claquent leurs 20 euros ses bienfaits par ici. hebdomadaires, rentrent chez eux, et là, consternation rien qu’à l’ouverture Pas un poil de gras dans ces 40 du boîtier. Pas de notes de pochettes, minutes de rock basique, du riff tout en juste le scan de la pochette originale, muscle (pas de colique de solos pareil pour le dos, bref on n’apprend inutiles) quelque part entre John Lee rien sur le groupe en question, et puis Hooker et Creedence, avec des vient le tour de la galette, le son est embardées de guitare à secouer le mauvais et la musique à chier. Bref, on fantôme de Jeffrey Lee Pierce, à vous s’est bien fait entuber ! Il ne reste plus redonner confiance dans une société qu’une seule chose à faire, retrouver où la radio serait saine, et les quotas ces gars et leur faire bouffer par l’anus musicaux orientés dans le bon sens. leurs galettes merdiques. Dire qu’aujourd’hui on met en examen des Laurent ■ grand-mères qui ont téléchargé du Adamo alors qu’on laisse faire ces imposteurs.

Il arrive pourtant, que par chance, ces mecs rééditent de pures merveilles. Ce fut le cas notamment du Growin Concern, magnifique groupe psychédélique US. Et c’est encore le cas avec ce disque, Purple Image , mélange de Soul/Funk/Guitare Fuzz à outrance et du meilleur effet. Peu ou pas d’info à propos du groupe sur le net, et je ne vous parle pas de la pochette (on ne sait même pas quand Purple Image – Purple Image (1970) est apparu ce disque!). Bref, relatives recherches et quelques éléments : le Il serait temps qu’un de ces jours on disque serait sorti en 1970 sur Map s’occupe des gars de Radioactive City Records et serait coté autour Records. Ces mecs ne cessent de d’une centaine d’euros. Voilà, c’est à piller les fonds de tiroir de la musique peu près tout. sixties qui nous est si chère, sans aucun scrupule vis-à-vis des artistes et Dommage qu’une réédition comme des auditeurs. En toute illégalité, ce celle-là ne soit pas plus complète, avec label réédite n’importe quelle une biographie du groupe, le production qu’il trouve sous la main, personnel, etc. Mais bon, pour les gars avec un son souvent déplorable, le met de Radioactive, du moment que du fric en numérique et vous balance la boite rentre dans les caisses, ils ne vont pas CD dans la tronche en faisant passer se casser le cul à en savoir plus sur ce n’importe quelle merde des sixties pour groupe. la énième rareté à avoir

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 49 - Mais revenons à la musique, qu’on pourrait résumer à une fusion entre le L’album ne comporte aucun temps funk et le psychédélisme, le beat est mort, les parties de guitares sont au énorme et les guitares Fuzz s’envolent sommet. Ce disque est une vraie belle dans tous les sens tout au long de ces découverte! 6 morceaux. Le dernier titre est tout bonnement excellent, Marching To A En attendant, continuez à boycotter Different Drummer, le plus long Radioactive Records. En espérant morceau de l’album qui entraîne qu’un jour un label de qualité se l’auditeur dans une transe funky où la penchera sur ce groupe au talent production est dantesque, le mélange indéniable ! des instruments, sax, harmonica, guitare emballent le tout pour un des sommets du psychédélisme US de ce Lou ■ début seventies.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 50 -

The Deviants : un album, deux critiques

pour avoir été l'embryon des Pink Fairies, cette bande de dingos (loin d'étre fous, méme si sérieusement partis) sont surtout la mauvaise conscience de Jagger et Lennon, embourgeoisés. Quand les Rolling Stones se faisaient pincer pour détention d'acide, avec leurs amis de la Haute, l'establishment reculait, en renâclant, mais faisait machine arrière. Les enjeux étaient tout simplement trop gros. Qui se préoccupait donc d'un ramassis de chevelus de plus ?

I'm Coming Home, un beat menaçant, The Deviants – Ptooff ! (1967) deux accords basiques, et la voix de Farren (grasse et agressive) qui 1967, année de référence baba - marmonne des menaces. Il rentre Flower Power- Peace Man ! Une chez lui, pas content, bien décidé à accumulation de clichés, qui ont fini par laisser du sang sur les murs. Il se fout devenir l'unique reflet de ces quelques des chiens, des flingues, veut juste une mois où l'histoire de la musique bonne baston. Serait-il mécontent ? La anglaise a basculé. En vrac, les radios tension monte, monte, jusqu'à une pirates, l'underground londonien, Pink incroyable embardée de guitare fuzz. Floyd et les nuits de l'UFO club. Tout Explosion de violence sans grand un pan de culture soigneusement équivalent, dans le rock anglais de enterré par les escrocs médiatiques l'époque, manifestement une réponse pour vendre plus facilement des au I'm Going Home des Rolling Stones . fringues et des godasses. En résumé, Qui en paraît bien palichon, d'un coup. un espace temps qui a vu surgir, en si peu de temps, Tomorrow, Child Of The Sky , contraste soudain, Kaleidoscope et les Deviants. Et Mick une jolie ballade (douze cordes et flute Farren, l'anar de service, journaliste discrète). Ça ressemble bien à une écrivain. Plus connu des spécialistes

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 51 - chanson anti-drogues dures, des enceintes. Impitoyable réquisitoire conscience sociale toujours présente contre les bien pensants, ceux qui dans l'été des fleurs en papier et détestent les différences, et donc les l'arnaque du Flower Power. déviants. Ou comment se situer politiquement. Garbage, retour au rock agressif, sur Bo Diddley beat, célébration des Charlie est un blues tranquille, mais qui ordures ménagères. « Garbage make parle de meurtre et de fuite. La vieille you feel so good / Like an english Albion abritait donc des monstres pires should », aucune chance de passer sur que les Rolling Stones ? Trop beau les radios officielles avec un sujet pour durer, les deux autres albums pareil. Un petit passage de voix seront des ratages complets. Manque féminine, et ça décolle en grand style de direction, abus de dope, même un psychédélique, avec Wah Wah qui guitariste de la trempe de Paul tourbillone, et fin ultra menaçante. Rudolph ne sauvera pas l'entreprise. Partagée qu'elle était (selon Farren lui- Par un de ces retournements de même) entre son propre activisme, et situation dont l'histoire est friande, le le désir des autres d'être reconnus pressage original de Ptoof (sur comme de vrais musiciens. Underground Impressaro) est aujourd'hui un collector de grande Deviation Street est la cerise du valeur. La pochette est simplement gâteau, le bras d'honneur de ceux qui magnifique, conçue pour se déplier n'ont rien à perdre. Une intro rapide, comme un immense poster teigneuse, qui se brise sur un piano psychédélique, et couverte d'un asthmatique, et une guitare fuzz. immense délire Dylanien ainsi que d'un Farren se met à déclamer « Un type texte de John Peel. La réédition cool de la CIA sourit et tend un sucre Psycho est encore trouvable, assez aux hippies qui se marrent / Et un vieux facilement. Juste vidée de son sens, porc regarde à travers la vitre de la comme les lithographies de Mai 68. librairie cochonne / Et les petits enfants jouent à la guerre dans le caniveau », Bun, jolie respiration de guitare, sauf une rafale d'arme lourde, des cris que Bun signifie clodo. Aprés avoir d'horreur, et des applaudissements. À attaqué l'auditeur aux oreilles, on s'en la façon d'un opéra, on enchaine sur prend à sa conscience. Shocking ! une ode au speed, brisée et vicieuse. Ça parlotte, parlotte, et on atterrit sur On parle peu des Deviants, finalement. une guitare hendrixienne qui allume Comme s’ils étaient les affreux du rock des chandelles dans tous les coins, anglais (avec Third Word War, avant de revenir sur Farren, qui moque Stackwaddy, Pink Fairies) qu'il convient méchamment les freaks, occupés à se de cacher. Alors qu'ils se voulaient défoncer, en se concentrant sur les surtout des fouteurs de merde motifs de leur papier peint. Et le tout permanente, juste pour éviter les s'écrase enfin dans le mur, après 9 dérapages suspects, et maintenir les minutes de délire total. consciences saines. La mauvaise graine était quand même Nothing Man s'ouvre sur des semée, malgré tout. Empruntant le percussions, tout à fait réminiscentes nom d'une nouvelle de Jaimie de Requiem Pour un Con, quelques Mandelkau (manager des Deviants), choeurs, et plusieurs voix s'emparent allaient naître les Pink Fairies. Fiers

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 52 - représentants d'un underground actif et quand même dans l’aventure et concerné (jusqu'à organiser un contre- fondent ce groupe aux relents du MC5 festival à l'Ile de Wight), prompt à se de Rob Tyner. Et pour compenser, ils mobiliser pour tout un tas de bonnes vont faire preuve d’une imagination causes. Mick Farren a continué sa sans bornes, totalement délirante et carrière d'écrivain, sorti quelques incongrue, utilisant toutes les albums solos ( Vampire Stoles My possibilités sonores à leur disposition. Lunch Money est recommandable), collaboré avec Motorhead, reformé les Ptoof parvient à intégrer toutes leurs Deviants sporadiquement, sans grande influences, combinant la touche réussite artistique. Finalement, c'est la psychédélique au R’n’B des Yardbirds, société qui a gagné, mais l'attaque était le tout sur des textes sarcastiques, bien menée. anarchistes, où le commentaire social se veut féroce et fortement buriné, Laurent ■ tendance sado maso. Le tout en l’espace de 7 morceaux. Le ton est Comment aborder The Deviants, cette donné. météorite balancé à la face de l’idéologie hippie qu’est Ptoof, Le premier titre, I’m Coming Home , totalement décalée, en marge de son ressemble à un blues urbain, introduit époque… Le genre de truc intemporel ironiquement par l’annonce de l’album, comme le rock nous en a pondu au qui donne déjà au disque son aspect grès de ses humeurs, ne possédant de bizarrerie, bricolé par des aucune étiquette, s’affranchissant des manchots. Pourtant, la violence est ici normes d’éthiques et de rigueur… Ah, à son comble, le chant est menaçant et je ne peux vous parler de cet opus grave, la basse porte le morceau sur sans vous raconter ma petite histoire. des sphères dangereuses où les éclairs de guitares fuzz viennent Au départ de ma maladie de hystériquement chambouler le rythme collectionnite, en fouinant dans les tribal du morceau. Ces mecs-là ne bacs à disques lors de mes toutes plaisantent point. premières conventions, je tombe sur une pochette angoissante, flippante et pourtant totalement excitante : une Pastiche pop hippie, le second none suçant phalliquement une glace ! morceau nous baigne dans une Voilà ma première rencontre avec les atmosphère en total décalage avec Deviants. Sans même jamais avoir l’ouverture du disque. Ambiance écouté ce groupe jusqu’alors, je suis enfantine et innocente, Child Of The attiré, choqué. Corrompu ! Sky vous emporte l’esprit sur des Bref, Ptoof paraît en 1967, année du terres vierges. Le chant, parfaitement Flower Power et des meilleures maîtrisé, se veut langoureux et évasif, productions psychédéliques. Londres soutenu par une flûte enchanteresse. sort juste de son apogée du Swinging London, et s’apprête à s’agenouiller devant les Floyd de Syd Barrett. The Garbage est un morceau Deviants est alors formé par Mick complètement délirant, qui ne respecte Farren (piano, chant) avec à ses cotés aucune règle… Cris, guitare distordue, Sid Bishop (guitare et sitar) et Russ ce titre est là pour vous corrompre Hunter (batterie). Vierge de toute l’esprit ! L’harmonica gémit de douleur, technicité naturelle, ces gars se lancent la batterie est vulgaire, crade, le tempo

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 53 - s’accélère pour mieux ralentir, la Deviation street transpire la violence, structure du morceau est hachée et se l’atmosphère se veut encore une fois termine follement sur un déluge de étouffante, politiquement. Cette guitare qui fait suite au chant débilisant chanson est anarchique sous toutes de Mick Farren. ses formes, de par son chant et sa musique. L’attaque se veut à la fois Vient Bun , le morceau le plus court de virulente et ironique sur ce monde l’album, le plus psyché aussi. empli de babas à tous les étages, sur Instrumental qui ramène un peu de cette dictature de la coolitude douceur dans cette apocalypse de ambiante, s’achevant sur une sons sauvages. confrontation entre le sitar envoûtant et un final reprenant là où les choses ont Mais ce n’était qu’un intermède... commencé, sous les cris et les riffs Nothing Man nous le rappelle dès son menaçants de la bande à Farren. intro, tribale, sorte de marche militaire, Hypnotique… chuchotée par Mick Farren, Les sons se mélangent, distorsions Les pendants anglais des Fugs ont électroniques et chant primaire se frappé un grand coup avec Ptoof. Et conjuguent et donnent à Nothing Man même si leurs albums suivants ne un aspect flippant du junkie en pleine seront pas autant réussis, les Deviants descente. On est étouffé par cette resteront à jamais dans l’histoire de la atmosphère encore une fois pop music comme étant LE groupe le apocalyptique. plus décalé et dégradant de cette fin sixties. Le plus illicite aussi. Autant Charlie reprend la sauce blues du vous dire que si vous êtes partisans de british boum. la moralisation grandissante de notre société, ce disque n’est pas pour vous. Le dernier morceau, le plus long et le Ne le faites surtout pas écouter à vos plus vilipendant, termine sur un chaos gamins au risque de les dégénérer. Et craché à la gueule sous forme de en attendant, je m’en vais planquer mitraillettes et de bombes s’écrasant mon original français avant que la sous les cris de la mascarade hippie. milice sarkoziste vienne s’en emparer….

Lou ■

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 54 - Le Coin des collectionneurs

Mon confrère Lou souffre d’une maladie assez connue, il entasse les disques comme un maniaque. J’ai bien dit les disques (sens étymologique du terme).

Les bonnes vieilles galettes noires, si fragiles.

Et les pochettes glacées/gaufrées, œuvres d’art souvent.

Souvenirs déjà désuets, vestiges d’une époque où on avait encore le goût des choses bien faites, bien présentées, véritable artisanat.

Vous l’aurez donc compris, c’est le genre de sport que je pratique aussi.

Comment et pourquoi je suis tombé dedans importe peu, ce qui compte basiquement, c’est la collec’

Le pressage différent, le détail infime, la frontière qui sépare l’être raisonnable du cas pathologique joyeusement enfoncé (3 pressages différents du premier Pink Floyd, 3 Band Of Gypsies Puppet Cover ).

28 ans de délire ravageur assumé en dépit de tout. Se priver pendant deux mois, mais surtout pas du collector convoité depuis des siècles. Jusqu’à ce qu’une voix vous annonce que oui, j’en ai un exemplaire, mais il faut faire vite. Allo ?

Non, je suis déjà à la poste.

Et le meilleur est devant, n’en déplaise. Ces Smoke et Création allemands, le Randy Holden, les singles de Chico Magnetic Band…

Collectionner les disques, c’est se couper un bras tous les jours, méditez bien cet adage avant de tomber malade… Et si vous passez par Nice, faites un petit tour par Killing Floor Music, conseil d’ami.

Allez Lou, j’ai bien chauffé la salle, à toi de perpétuer l’héritage.

Laurent ■

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 55 -

La scène londonienne des sixties au travers des EP français

Les sixties ont été une formidable période pour la musique pop et rock, se réinventant constamment, en passant du blues au R’n’B, du garage au rock psychédélique et progressif. Mais une scène est souvent oubliée dans ce brassage musical, un truc dantesque qui s’est passé au milieu des années 60 en Angleterre, plus précisément à Londres, mais qui a touché toutes les provinces du Royaume-Uni, où des gamins, fans de soul music et des classiques Motown, vont bousculer l’establishment et s’opposer aux rockers à la Elvis. Les Who seront les premiers à dégainer dès 1965, où le féroce My Génération va marquer tout une époque. Habile mélange de soul et de rock, ce disque va donner naissance au mouvement mods britannique. Et enchanter une pléiade de bons groupes, nous distillant des dizaines de pépites aux arrangements sublimes, à la rage adolescente impeccable, au dandysme assumé. Et au style vestimentaire des plus classes. Plus tard Quadraphonia sera un parfait témoignage de cette scène mods, que je vous propose de revivre à travers les EP français et certains autres étrangers parus dans les sixties et souvent introuvables, donc hyper cotés.

1.Shadows and reflections 2.Something has it me 3.Never Ever 4.Twenty Fourth Hour

Il s’agit là de la classe totale, le groupe mod ultime vénéré par toute une génération. Imaginez un groupe capable de trousser des dizaines de chansons toutes plus géniales les unes que les autres, dépassant celles des Beatles haut la main, avec ce qu’il faut de psychédélisme et de lyrisme, des morceaux qui ne vous quittent plus une

fois écoutés, enterrant les Stones et les The Action - Shadows & Reflections Who bien avant l'heure… Des titres Odéon MOE 149 (1967) fantastiques comme Look At the Valeur : 500 euros / 800 euros View ou I’ll Keep Holding On. Tout simplement le Graal du Swinging

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 56 - London. La production est superbe, les arrangements terrifiants et Le groupe, de single en single, va magnifiquement esthétiques, et l'orgue émoustiller la pop anglaise de ce milieu de John Lord emporte le tout sur des sixties avec d’autres perles comme cieux totalement jouissifs. Little Girl. Mais aucun album ne verra Précédés d'une énorme réputation live, malheureusement le jour. Il faudra ces garçons, signés chez Decca, ne attendre les rééditions et l’excellent connaîtront malheureusement pas le Rolled Gold à conseiller à tous ceux succès, ne distillant qu'un seul album qui veulent retrouver la magie de ce extrêmement rare et une poignée de fabuleux groupe en constante singles impeccables. évolution. est décédé récemment, laissant derrière lui une pléiade de bombes freakbeat à découvrir de toute urgence.

The ArtWoods - Oh My Love Decca 457 076 (1965) Valeur : 400 euros / 700 euros

1. Oh My Love 2. Big City P.P. Arnold - The First Cut Is The 3. If I Ever Get My Hands On You Deepest 4. Sweet Mary Columbia ESRF 1877 ( 1967) Valeur : 50 euros

Ah, les Artwoods... Aucun groupe des 1. The First Cut Is The Deepest sixties n'a jamais tant incarné l'esprit 2. Everything’s Gonna Be Alright soul de la musique Mods. Des 3. Speak To Me musiciens hors pair : à la guitare Derek 4. Life Is But Nothing Griffiths, John Lord (Future Deep

Purple), à l'orgue, Art Wood, frère de P.P. Arnold est certes américaine, née Ron, chanteur à la croisée des à Los Angeles, mais elle est vite chemins entre Burdon et le lyrisme à la découverte lors d’une tournée de Ike & Jim Morrison, et Keith Hartley à la Tina Turner par Mick Jagger lors de batterie (future John Mayall Group). premières parties des Stones. Sur les Ces gars ont signé quelques-unes des conseils de Mick, Andrew Loog plus belles perles du Swingin' London, Oldham signe la petite merveille sur du monstrueux I Feel Good au parfait son label Immediate et cela donne un I'm Looking For A Saxophonist. .

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 57 - premier album à la réussite totale, soutenu musicalement par les Small Faces. P.P Arnold impressionne alors par sa voix puissante, entre soul et pop, hyper sexy et touchante. Cet EP, remarquable musicalement et exprimant à la perfection la rencontre entre l’esthétisme londonien et la soul américaine, est une perle à redécouvrir d’urgence. Malheureusement, la belle disparaîtra assez rapidement en même temps que le mouvement, entérinant à jamais dans l’histoire de la pop des chefs d’œuvre comme Would You Believe ou The Birds - No Good Without You Baby cette reprise extra de Cat Stevens The Decca 457 114 ( 1966 ) First Cut Is The Deppest. Valeur : 500 euros / 800 euros

1. No Good Without You Baby 2. How Can It Be 3. Leaving Here 4. Next In Line

Ah, le cas Ronnie Wood… Détesté par les plus grands fans des Stones… Et pourtant ! Avant que Ron rejoigne les fabuleux Creation, ce mec a sévi dans l’un des groupes les plus violents que l’Angleterre des sixties ait connus. Un groupe qui reprenait la sauce Motown The Beatstalkers - Mr Disappointed en la dynamitant tels des punks Decca 457 112 (1966) sauvages, irrespectueux, aux guitares Valeur : 500 euros cinglantes et à l’harmonica ravageur.

1 You'd Better Get a Better Hold On Le groupe ne signera que des singles, 2 Mr. Disappointed comme la plupart de ces combos, dont 3 Left Right Left un magnifique EP extrêmement 4 Everybody's Talking 'Bout Me Baby recherché sur nos terres. Du No Good Without You Baby stoogiens en Il s’agit ici d’un vrai collector, peu ou passant par l’excellent Leaving Here, pas d’informations sur ce groupe les Birds écrasent tout sur leur écossais circulant actuellement sur la passage. Dotés d’une classe folle, ces toile. Et pourtant, the Beatstalkers ont garçons aux cheveux étonnamment connu une gloire éphémère grâce à ce longs pour l’époque étaient les disque et au single You'd Better Get A chouchous des clubs et ont représenté better Hold On. Dernièrement, il le penchant punk de cette scène paraîtrait que le quintet se soit reformé. londonienne.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 58 - Jamais, dans toute l’histoire de la pop, un tel groupe n’a mérité tant de respect. Adulé par tous les courants, psychédéliques, pops, punks, et même par Pete Townshend qui, en son temps, s’était d’ailleurs inscrit au fan club. Les Creation, donc… Et leurs pépites freak beat, du géant Painter Man, morceau garage ultime et son refrain magique, au menaçant Tom Tom où, en trois accords ravageurs, le groupe met tout le monde au diapason. Look mod parfait, leurs concerts étaient de véritables mises en scène : jeux de The Creation – Making Time lumière, action painting sur des Vogue INT 18098 (1966) créatures de rêves… Mais au delà de Valeur : 500 euros / 800 euros ça, ces garçons étaient surtout de formidables musiciens , et dotés dans 1. Making Time leurs rangs d’un guitariste exceptionnel 2. Biff Bang Pow répondant au nom de Eddie Phillips, le 3. Try an d Stop Me premier à avoir joué de la guitare avec 4. Sylvette un archer. Kim Gardner et Ron Wood des Byrds rejoindront la machine. Leur répertoire, dans sa totalité, est essentiel et rivalise sans conteste avec le meilleur des Who.

Leur carrière démarre d’ailleurs en trombe, avec Making Time, se classant à une lamentable 49e place dans les palmares. À croire que les anglo- saxons étaient de stupides rosbeef sourdingues ! Car ce titre est une merveille de freak beat, violent et outrageant, parcourue de breaks monumentaux de guitare.

La production, dans son ensemble, est The Creation – Tom Tom magnifiquement arrangée, et là où Vogue INT 18144 (1967) d’autres se seraient englués dans de la Valeur : 600 euros / 900 euros pop potiche, les Creation parviennent à garder leur fougue. 1. Tom Tom 2. If I Stay Too Long La France, pour une fois, est 3. Can I Join Your Band génialement distribuée avec ces deux 4. Nightmares EP aux pochettes irrésistibles et au tracklisting parfait, si on omet l’absence de Painter Man.

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The Belfast Gypsies (Ex-Them) The Easybeats – Friday on my mind Vogue Int 18079 (1966) United Artist 36106 (1966) Valeur :100 euros Valeur: 25 euros

1. Gloria’s Dream 1.Friday On My Mind 2. The Crazy World Inside Me 2.Remember sam 3. Secret Police 3.Pretty Girl 4. Aira Of The Fallen Angels 4.Made My Bed

Sur les cendres des Them se constitue Ah, les Easybeats et ce morceau ce combo ultra violent produit par Kim parfait, Friday On My Mind , que tant de Fowley et emmené par les frères Mc groupes aimeraient sortir au moins une Auley. Après avoir quitté la formation fois dans leur vie. Et ces Australiens, de british blues, les frangins, qui ont squatté Londres au milieu des contrairement à Van Morrison et au sixties et fréquenté les Small faces, en reste des Them, ne s’engoncent pas ont pondu des dizaines de ce calibre. dans un blues psychédélique, et continuent à proposer des perles de Formé par le chanteur et leader Stevie r’n’b efficaces et accrocheuses. Sur ce Wright, du fantastique guitariste Harry EP français, on y trouve Gloria’s Vanda épaulé par Georges Young, du Dream , pastiche menaçant et brutal du bassiste Dick Diamonde et du batteur tube des Them. Mais aussi The Crazy Gordon Henry Fleet, le groupe enfile World Inside Me, long slow à la tension les singles à succès dans son pays, constante, le terrible Secret Police et mais décide finalement de s’expatrier son final apocalyptique et énervé. Aria en Angleterre pour défier les autres of the Fallen Angels, le dernier mods sur leur propre terrain. S’en morceau, est une merveille, morceau suivra une pléiade de pépites freak lancinant où des cœurs insistants beat, où leur sens de l’écriture, mêlé à accentuent le lyrisme du morceau la violence de leurs compositions, font dominé par le piano. Malheureusement des Easybeats un groupe incontour- pour eux, le temps est au nable du Swinging London. psychédélisme, et le groupe se quittera sur un unique album, évidemment De I Can see à Sorry , en passant par introuvable! l’inévitable Good Times, Come and see her , les Australiens font exploser les charts, et même la France ne leur

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 60 - résiste pas. Friday on My mind est un Malheureusement, ces garçons ne mini succès sur les terres du yéyé. parviendront jamais à sortir d’album D’ailleurs la France est digne de ces singles, s’engluant dans particulièrement gâtée, bénéficiant de des potiches sucrées et indigestes. la parution de 3 EP magnifiques, assez Dommage au vu de leurs évidentes faciles à trouver qui plus est. qualités.

United Artists 36112 (1966) Episode Six Valeur : 50 euros Pye PNV 24175 (1966) Valeur : 800 euros 1.Who’ll be the one 2.Saturday Night 1.Here There And Everywhere 3.Lisa 2.Nighty Morris Ten 4.Do you have a soul 3.I Hear Trumpets Blow 4.True Love is Funny ( that Way)

Qui peut croire que ces infâmes aient pu enregistrer de véritables missives psychédéliques empreintes du Swinging London ambient ? Qui connaît réellement ce groupe sévissant dans les caves londoniennes de 1966 à 1968, distillant des parties de guitares dignes des meilleurs groupes garage ricains, le tout avec de superbes mélodies et parties vocales ?

À vrai dire, peu de monde, et cet EP United Artist 36117 (1967) français est l’un des plus rares du Valeur : 50 euros marché. Composé notamment du bassiste Roger Glover et chanteur Ian 1.Heaven And Hell Gillian, ce groupe est souvent réputé 2.River Deep, Mountain High comme étant le précurseur de la 3.All Gone Boy machine Purple. Loin s’en faut, il n’y a 4.You Me, we Love. qu’à écouter des morceaux comme

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 61 - Love Hate revenge pour s’en majestueux Thunderbirds, reprenant persuader. Hautement psychédélique, les classiques R’n’B américains, avant pas pompier pour un sou, et doté de d’être signé chez le classieux label superbes harmonies vocales, ce d’Andrew Loog Oldam, Immediate. groupe savait trousser de bonnes Et Chris Farlowe va y laisser ses plus chansons efficaces et jouissives. En belles interprétations, soutenues par 1969, Gillian et Glover fondent Deep une orchestration dantesque aux Purple et le reste du groupe se sépare. arrangements mirifiques, dignes de sa puissance vocale. Les premiers à Il se dit même que le Deep revient s’intéresser à l’ami Farlowe sont aujourd’hui, remplissant les stades sur Jagger et Richards, les Stones lui un énième sirupeux Smoke On The écrivant une perle, rien de moins : Out Water ….Alors à quand une reformation Of Time. Que Farlowe va dynamiter au de Episode Six ? point que les Stones eux-mêmes reprendront ce titre sur leur chef d’œuvre Aftermath.

Chris Farlowe Columbia ESRF 1806 (1966) Columbia ESRF 1837 (1966) Valeur : 120 euros Valeur: 150 euros

1.Out Of Time 1.Ride On Baby 2.Baby Make It Soon 2.I’m free 3.Think 3.What Became Of The Broken 4.Don’t Just Look At Me Hearted 4.Headlines Sans aucun doute la plus belle voix du rock anglais, rien de moins ! Succès timide avec ce single parfait, Caverneuse, puissante, terrible, Chris Farlowe va poursuivre sa carrière émouvante, à faire passer les James chez Immediate en sortant nombre Brown et autres ténors de la Motown d’albums notamment produits par Mick pour des gentils enfants de chœurs. Jagger, dans lesquels il reprend des Capable de vous transporter dans une standards de la maison comme le Paint sphère de jouissance totale, avec cette It Black des Stones, My Way Of Giving voix inhumaine qui faisait trembler Tom des Small Faces, ou des classiques Jones dans ses cauchemars. r’n’b comme Think. Et à chaque fois, Farlowe surpasse les originaux, sa voix Chris Farlowe a débuté au sein des caverneuse bataillant ferme avec les

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 62 - superbes arrangements de la maison Oldham.

Le talent de Chris Farlowe passe les frontières, et la France est créditée de 3 jolis EP. Malheureusement, les titres choisis ne reflètent pas totalement le talent de ce virtuose à la voix en or. Car comment passer à coté de ce Handbags and Gladrags composé par Mick d’Abo, totalement bouleversant par tant de beauté… On ne comprendra jamais !

Il est vrai qu’à l’époque, le label de Andrew Loog Oldham connaît des Herbie Goins & the Night Timers difficultés financières et ne peut porter Odeon MEO 133 (1967) ce single jusqu’au sommet. Quelques Valeur: 300 euros années plus tard, l’opportuniste Rod Stewart amènera ce même single 1.The Incredible Miss Brown jusqu’aux plus hautes sphères des 2.Coming Home To You charts. L’histoire du rock est ainsi faite. 3.N°1 in Your Heart Chris Farlowe continuera d’enregistrer 4.Cruisin’ nombre de singles toujours aussi excitants, mais la fin des sixties et Né en Floride en 1939, Herbie Goins l’avènement du progressif lui seront se retrouve dans l’US Air Force basée fatals. Nous reste une poignée de en Angleterre. Une fois démobilisé, singles à découvrir de toute urgence ! Herbie tente sa chance dans les clubs britanniques où il se bâtit une solide réputation auprès des amateurs de jazz. Il est vite repéré par qui en fait son chanteur de 1963 à 1966.

En même temps, il fonde avec Ronnie Jones les Nightimers, qui rivalisent alors avec Jimmy James & the Vagabonds. L’orchestre formé se produit à Londres en compagnie des Zoot Money & Chris Farlowe, en reprenant des standards du R&B, de la soul de Tamla Motown et du blues. On retrouvera dans cet orchestre des Columbia ESRF 1875 (1967) noms tels que John McLaughlin ou Valeur : 150 euros encore Dave Mason. C’est dire la qualité. 1.Yesterday’s Paper 2.Looking For You Cependant, et même s’ils mettent le 3.Life Is But Nothing feu sur les pistes de danse, le groupe ne parviendra jamais à se classer. Et

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 63 - du même coup, les disques de Herbie de jazz et de soul fut assez original Goins & the Nightimers sont hyper dans ce Swinging London pour être recherchés comme cet unique EP aujourd’hui redécouvert par les français compilant l’excellent Cruisin’ amateurs de soul music. écrit par Mc Laughlin et le commercial Incredible Miss Brown . Ce melting pot Lou ■

(photographies de Erling Mandelmann)

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Tour de table autour du piratage et de l’avenir du disque (Pirate City, article publié sur le blog de Francis Hébert, journaliste à l’hebdo culturel québécois Voir)

L'industrie du disque avance chiffres et statistiques pour tenter de démontrer que le piratage nuit aux artistes. Mais eux, qu'en pensent-il réellement ? Souhaitent-ils qu'on les enferme tous, ces illuminés hirsutes au regard hagard qui remplissent des tonnes de disques durs gonflés à bloc de mp3 en bouffant devant leur ordinateur ? Ont-ils plus sérieusement le sentiment que le téléchargement illégal ruine leur carrière, ou croient-il au contraire que la libre circulation de leur musique en ligne peut les aider à se faire connaître bien au- delà de leurs propres frontières ?

Nous avons posé la question à quatre Pour Alexandre Varlet, Internet est une musiciens au parcours artistique discothèque infinie où chacun pioche différent : Vincent Vallières , auteur de toutes les façons possibles et d'un quatrième album qui connaît un si imaginables. «Avant d'être un gars qui franc succès qu'il n'échappe pas aux chante et qui fait des disques, je suis borgnes à la jambe de bois; Catherine un consommateur de musique, et ce, Durand , qui a produit elle-même son depuis très jeune. La musique est dernier disque et se voit donc vivante, et le but d'une chanson est de doublement concernée par le piratage; papillonner d'un monde à l'autre. En Alexandre Varlet , bel ambassadeur ça, le Net, c'est dément ! Le d'une nouvelle scène française téléchargement illégal est un vrai flamboyante, dont les deux premiers vecteur de communication qui permet à CD sont certes disponibles chez nous, mon nom et ma musique de circuler. Je mais n'ont fait l'objet d'aucune ne pense donc pas que ça me nuise campagne de promotion; et Baudoin , catégoriquement. Il y a des gens qui jeune auteur-compositeur interprète n'ont peut-être pas acheté mon disque, québécois qui enregistre actuellement mais ils peuvent payer leur place pour un premier album fort prometteur. l'un de mes concerts. Peut-être même finiront-ils par acheter le disque d'après, puis tous les autres quand ils le pourront. Une chanson téléchargée n'enlève pas de sa valeur intrinsèque. Un gamin peut l'adorer, et grâce à lui, elle va vivre, et le nom de l'artiste tailler sa route.»

Alexandre Varlet (photo : Franck Morand)

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se pose pas encore puisque l'album n'est pas sorti. Toutefois, comme on ne débute les concerts que dans quelques mois, je ne devrais même pas exister médiatiquement parlant. Or, Internet m'a déjà permis de constater un certain enthousiasme tant au Québec qu'en Europe chez ceux qui ont téléchargé gratuitement quelques-unes des chansons de mon démo que j'ai accepté de laisser circuler moi-même. Cela n'aurait pas été possible il y a à Catherine Durand

peine dix ans.»

Catherine Durand, qui a investi argent, efforts et énergie pour produire son excellent Diaporama , reconnaît plutôt ne pas trop savoir que penser de la libre circulation de son travail : «C'est évident que des outils comme un site Internet ou Myspace sont des véhicules de promotion incroyables ! J'y ai découvert un paquet d'artistes en Vincent Vallières écoutant des extraits de leur album. Dans certains cas, ça m'a convaincue Quant à Vincent Vallières, il avoue d'aller acheter le disque en magasin. humblement n'avoir aucune idée de Mais la différence est là ; il est très utile l'impact réel du téléchargement illégal : pour les artistes que leurs chansons «Naïf peut-être, j'ai le sentiment que la soient disponibles pour écoute sur le majeure partie des gens qui me web, mais lorsque ça devient connaissent sont encore des acheteurs carrément du téléchargement gratuit, là de disques, respectueux des artistes et c'est plus problématique...» intéressés à les soutenir.» S'il a déjà téléchargé lui-même ? «Non, je ne sais pas comment faire. Personnellement, j'aime encore les disques. J'aime flâner dans les magasins. Je pense qu'il est trop tôt pour mettre de côté l'idée du disque comme on le connaît actuellement.» Catherine, elle, s'est

Baudoin certes déjà procuré des mp3 sans les payer, mais seulement ceux de vieilles Point de vue que ne partage pas chansons qu'il est impossible d'acheter Baudoin, pour qui le piratage en magasin. Alexandre reconnaît avoir représente un pouvoir de diffusion de déjà téléchargé illégalement, mais «toujours une chanson ou deux, jamais la musique des artistes indépendants un album entier, et quasi impensable auparavant. «Dans mon systématiquement, j'ai fini par acheter cas particulier, le le disque en question. Je suis assez problème du téléchargement illégal ne fétichiste, j'aime l'objet, ce qu'il

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 66 - y a lire, les photos à voir». Boulimique dans des jobs minables afin de joindre de musique, Baudoin avoue que dans les deux bouts. C'est absolument son cas, «ça se compte en giga-octets. dramatique.» Je considère le téléchargement un peu comme un poste d'écoute. Alors qu'il semble impossible de Globalement, ma ligne éthique contrer le phénomène du piratage, le personnelle est la suivante : si j'aime, constat s'impose. Si le téléchargement j'achète le CD, et préférablement au illégal abolit les frontières et nourrit la concert. Comme on ne peut pas tout passion des mélomanes, il ne saura acheter, mes priorités vont aux labels rendre justice aux artistes que s'il indépendants, québécois, s'accompagne d'une prise de francophones.» conscience collective, de l'établissement de principes librement Si leur opinion diverge quand il est dictés par cette simple logique : question de l'utilité du téléchargement téléchargez, découvrez, écoutez, illégal pour les artistes, nos quatre aimez ! Mais si vous tombez sous le musiciens se rejoignent entièrement charme d'un artiste, encouragez-le si sur l'importance de sensibiliser les vous voulez qu'il ait les moyens de internautes sur les conséquences de vous enchanter encore. Non, leurs actes. Selon Alexandre Varlet, «il contrairement aux idées entendues, faut tout de même admettre que acheter ses disques ne lui servira pas lorsqu'on télécharge Céline Dion qui, à combler ses désirs de vice et de de toute façon, vend des millions de luxure, d'aller se faire griller les orteils à disques et dérivés, ça lui nuit moins Honolulu en jet privé. Mais ça lui qu'à un jeune artiste en développement permettra de vivre décemment et de qui a non seulement besoin d'argent bouffer à sa faim, et nous lui devons au pour survivre au quotidien, mais pour moins ça. qui les ventes de disques seront une référence pour un producteur, s'il veut continuer à chanter et sortir des Béatrice André ■ albums.» Ce à quoi Catherine Durand ajoute : «Au bout du compte, ce sont toujours les artistes qui finissent par payer, et c'est ça que les gens doivent Comment découvrir nos quatre musiciens ? comprendre. Car si les ventes Alexandre Varlet diminuent de façon substantielle, les http://www.myspace.com/alexandrevarletmusic producteurs deviendront de plus en Son troisième album, Ciel de fête , est sorti le 12 juin. plus frileux et voudront investir dans Baudoin des valeurs sûres. Il y aura de moins http://www.virb.com/baudoin en moins de diversité.» Et Baudoin conclut : «Les pirates ? Qu'ils brûlent Catherine Durand http://www.myspace.com/catherinedurand en enfer ! Je blague. Mais reconnaissons que chaque chanson Vincent Vallières achetée légalement rend un peu plus http://www.vincentvallieres.com accessible le rêve de tout artiste, soit celui de pouvoir vivre de sa passion. Je connais des musiciens brillants, certains même connus, qui peinent à payer leur loyer et abîment leurs rêves

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 67 - Le piratage est un extraordinaire outil pour découvrir des artistes, une caverne d'Ali Baba pour le passionné de musique. Mais l'artiste, lui, peut-il y survivre si les internautes ne s'outillent pas de principes ?

Lou : Pour ma part, je ne parlerai pas point barre ! Bien que je combatte le de piratage, il y a différents niveaux... niveau assez élevé du prix des CD en S'agissant des artistes anciens, cela ne France et qu'on ne parle pas de TVA, me dérange pas, et le Net permet au le problème est bien entendu ailleurs, plus grand nombre de connaître, de notamment la marge des labels et des découvrir des artistes oubliés. Et sur le distributeurs comme la FNAC. Par plan des références, c'est un bon point, contre, télécharger permet de découvrir cela permet aux jeunes groupes d'avoir des disques non distribués ou un accès plus facile à la culture. Par indisponibles, je pense notamment à la contre, pour les artistes d’aujourd’hui, foisonnante scène psychédélique je suis plus mitigé… Ça me gène américaine ou anglaise. Je suis bien quand même, j'ai l'impression de leur entendu contre la répression actuelle, bouffer dans la main. Et puis je reste contre les téléchargeurs qu'on assimile attaché au disque, j'ai cette culture qui assez rapidement à des délinquants de me pousse à acheter les CD des la pire espèce. Donc, je pense que le artistes que j'aime bien. Maintenant, principal responsable de la crise pouvoir écouter avant d'acheter, c'est actuelle du marché du disque n'est pas aussi un plus. seulement le piratage, mais aussi et surtout la piètre qualité de la production Béa : Moi, je suis immensément actuelle et cette floraison d'artistes attachée à l'objet, ce qui est d'autant jetables. Le jour où la musique sera plus particulier qu'en général, je considérée comme un bien culturel et n'attache pas d'importance aux choses. non comme un produit de Mais si j'aime un album, vieux ou consommation comme un autre, où récent, il me le faut absolument entier. l'offre augmentera et que les prix Et je le cherche n'importe où jusqu'à ce baisseront, on assistera je pense à un que je le trouve. Chez les disquaires regain des ventes, surtout chez les virtuels en Angleterre, au Japon, en passionnés comme nous. Pour le France, aux USA, peu importe. Le grand public, là je doute, car les téléchargement illégal est fantastique habitudes prises ne cesseront pas du pour découvrir des vieux albums qui jour au lendemain. n'ont même parfois jamais été réédités. Quant aux musiciens d'aujourd'hui, je suis absolument incapable de ne pas avoir de remords quand je télécharge un album, que je l'adore et que je n'encourage pas l'artiste en l'achetant. Alors ma ligne directrice est simple : je télécharge à la tonne, j'écoute, je découvre, mais si j'aime vraiment, La déconfiture du disque : la faute j'achète toujours. aux distributeurs et aux labels ?

Arthur12Lee: Je ne télécharge pas de disques récents, le peu qui m'intéresse, Elmo : D’accord, les maisons de disques je les achète. Il en va de même pour perdent du fric, mais c'est de leur faute ! mes artistes fétiches. J'achète, Leurs catalogues d'artistes

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 68 - à fric, j'entends par là ceux qui rassemblent le plus d'auditeurs par rapport aux artistes plus "typés", font tous une musique formatée, calculée et ciblée, finissant par tuer cette même offre qui devient tellement homogène qu'elle n'amorce plus aucun réflexe d'achat. L'auditeur qui achète en masse est celui qui n'est pas passionné par Assiste-t-on à la mort du disque? la musique plus que ça, c'est un consommateur de base qui marche à la pulsion, sous pression des médias. En simplifiant et en calculant au maximum Arthur12Lee : Je reste persuadé que l'offre, les artistes projetés en vitrine se le CD vit ses derniers moments, que ce ressemblent tous, le consommateur est donc support est à l'agonie, comme le de moins en moins bousculé, attiré, le démontre la grosse publicité de la reflexe de l'achat est de moins en moins FNAC pour le lancement d'une amorcé. De plus les maisons de disques ont fait et font de grosses erreurs, comme leur plateforme payante par abonnement de arrivée tardive sur le marché Internet avec 9,99 €. Dans moins de 10 ans, voire 5, une mise en place de DRM tuant dans l'oeuf les espaces réservés aux CD auront la diffusion du média ! Aussi, on nous parle totalement disparus des magasins. des droits d'auteurs, mais c'est le glaçon qui cache l'iceberg ! Les droits d'auteurs sont Béa : Je n'en suis pas si certaine. parmi les plus faibles rétributions sur la vente d'un disque, c'est un argument purement D'une part, parce que nous sommes calculé pour vous donner mauvaise encore nombreux à être attachés à conscience en cas de rippage d'un disque ou l'objet, à la pochette, au livret. Et aussi d'un film. parce qu'il y a encore des tas de gens qui ne savent pas comment bien se Béa : Puisqu’on parle de vente de servir d'un ordinateur, d'autres qui ont disques, il faut savoir que les CD sont peur de télécharger des trucs et beaucoup plus chers en France qu'au d'attraper des virus, et même, si si, ça Canada par exemple. Il est vrai que le existe, il y a des gens qui n'ont pas problème est évidemment le prix élevé d'ordinateur ! Et l'industrie ne peut pas du disque, alors que l'artiste n'en se passer de cette clientèle-là. Donc, à perçoit que des miettes. Mais mon avis, le CD ne disparaîtra pas de étrangement, les distributeurs refusent sitôt, ou sera remplacé par un autre toujours de faire de la baisse des prix support physique. Pour ma part, je ne leur principal argument de vente. souhaite absolument pas la mort du CD. Je tiens à toucher ce que j'aime. Laurent : Vous vous souvenez de la campagne "Les CD avec moins de Cenzano : L'ère du tout numérique TVA dedans" ? Mon disquaire m'avait c'est maintenant. Collectionneurs de expliqué l'arnaque, il suffisait de les 33, 45 et bientôt CD, vous ne serez augmenter avant, et de rogner un peu plus qu'une espèce en voie de sur la TVA après. Et c'était des trucs disparition, considérés comme des archi rentabilisés depuis longtemps. ringards à l'image des philatélistes par les djeuns dans le vent... Ça peut vous paraître sévère, mais plus ça va, moins j'ai de scrupules ou de culpabilité à télécharger comme une mule. Il y a tellement d'autres sujets qui nous mettent mal à l'aise ici bas, pas la peine d'en rajouter. Sans cette petite

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 69 - révolution, je n'aurais à coup sûr jamais tout dire, je ne suis pas loin de penser découvert autant de groupes plus ou que le talent est inversement moins anciens, plus ou moins connus, proportionnel au gain engrangé. Et puis et je ne serais pas sur ce forum à en il reste à nos chers Artistes, les causer avec vous. Ceux que ça concerts, les mécènes. D'autre part, il y emmerdent vraiment, ce sont les a tellement de musique que j'écoute majors et les grands pontes des charts, rarement deux fois la même chose, les autres découvrent et exploitent alors pourquoi pas une banque de cette possibilité qui leur est offerte de musique sur le Net où l'on trouverait se faire connaître et de pratiquer leur tout gratuitement ? On écoute, on passion. efface, et pour les collectionneurs, des supports de toutes formes à 22 euros. Lou : Pour ma part, le prix d'un CD est Il est pas beau le monde ? un problème, le support également. Objet plastique à la pochette infime, Béa : D'après les réponses que m'ont etc. Contrairement à Béa, je pense que donné deux des artistes que j'ai la jeune génération n'achètera plus de interrogés pour mon article, eux- disques, et que le téléchargement mêmes pensent que le téléchargement payant sera roi dans les 10 ou 15 ans à illégal a pour effet de véhiculer leur venir, malheureusement. Il y aura nom et leur musique, de les faire toujours des gens pour acheter des connaître plus largement, sans disques, mais je ne pense pas que frontières. À mon avis, ça peut bien sûr d'autres supports soient possibles. leur permettre de gagner davantage d'adeptes qui achèteront peut-être King Bee: Le matérialisme vis-à-vis leurs disques, mais là encore, il des CD, je ne comprends pas par faudrait que les internautes soient contre. C'est petit, c'est laid, ingrat, la assez sensibles au sujet et ne soient pochette ne ressemble plus à rien avec pas qu'une poignée à passer à la ce format-là. À part les rééditions sur caisse... L'avenir pour les musiciens des labels comme Revenant ou Bear passera à mon avis par les concerts. Family, où les livrets sont énormes et Une place de concert, ça ne se hyper informatifs et les emballages télécharge pas. Mais là encore, je sais soignés. par expérience que lorsqu'une salle est pleine, elle ne l'est pas seulement de Et les artistes dans tout ça? personnes qui ont payé leur billet. Il y a la "guestlist" de l'artiste, les journalistes Béa : Mais la question qu'il faut avant et autres personnes des médias à qui tout se poser : l'artiste, lui, comment en on offre leur billet. Grande salle, gros vit-il ? Quel sentiment peut-il avoir en fric. Mais petite salle = pas grand sachant que des tas d'internautes à chose à la fin de la soirée... Pour moi, travers la planète lui volent sa musique la solution idéale, c'est la qu'ils téléchargent avec leur ordinateur sensibilisation. Expliquer aux dernier modèle quand lui doit ramer dur internautes l'importance de soutenir pour payer son loyer ? l'artiste qu'ils ont découvert en le piratant, d'acheter son disque. Cesser Mcklure : Le propre d'un artiste ne cette forme de répression aussi stupide serait-il pas de crever de misère ? Ah qu'inutile, ces arrestations de oui, Hallyday, Pagny c'est sûr, ils ont téléchargeurs qui braquent encore plus du fric, mais le fric est-il un critère de les internautes contre l'industrie du talent ? La question est posée. Pour disque, et qui est souvent dénoncée

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 70 - par les artistes eux-mêmes. Dans un peut être la solution ! Et on reparle ici monde idéal, il faudrait que le de la licence globale: sous forme d'une téléchargement devienne légal, qu'il cotisation mensuelle sur votre soit une sorte de poste d'écoute abonnement Internet. Vous auriez gigantesque, sans frontière, mais que accès à une plateforme globale de les internautes soient aussi conscients téléchargement légale, les recettes que s'ils ne soutiennent pas les artistes étant également distribuées entre les qu'ils admirent, ceux-là n'auront pas artistes, et permettant donc à ces éternellement les moyens financiers de derniers de pouvoir vivre de leur les enchanter. musique. Évidemment, ça reste utopique, et il reste à définir le montant Lou : Maintenant, à mon avis, il y a un de la cotisation (à mon avis quelque espoir... La musique ces derniers chose comme 30 euros par mois temps est devenue meilleure. Bon, ok, devrait suffire). Qu’en pensez-vous ? on est loin du foisonnement des sixties, mais la qualité revient, les jeunes Béa : Je serais d'accord, mais artistes ou groupes ont des références comment s'assurer que chaque artiste solides, et ce, grâce au touche sa part du gâteau ? téléchargement. Et bizarrement, de nombreux jeunes rachètent des Laurent : À chaque fois que j'emprunte disques... Un exemple, cette nouvelle un CD à la misérathéque de mon bled, scène rock française, fan du Velvet et je lève les yeux, et je vois un panneau des Stooges. Ces jeunes aiment pour prévenir les gens que se faire une posséder les originaux, et ils redevient copie, c'est très mal, et qu'on va tous intéressant d'acheter des singles. Le aller en enfer. Z'ont qu'à pas les prêter salut passe peut être par là, le single, leurs disques ! la volonté de la chanson parfaite, plutôt que celle de faire un album. Pourquoi Lou : Ce qui est complètement ne pas revenir à ça : d'abord un single, absurde ! Autant légaliser un tel moins cher à l'achat. Les Shades ont moyen, tout le monde s'y retrouverait. écoulé beaucoup de leur premier 45T Après, la question de la répartition en live, preuve que certains jeunes serait en jeu, mais c'est toujours mieux veulent encore acheter des disques. que de se faire pirater sans rien toucher. Là, premièrement, le Alors que faire? téléchargement est légalisé, et deuxièmement, les artistes touchent quelque chose en échange de ce Rove : Il faut reconnaître que je ne me téléchargement. gène pas pour ripper tous les CD que j'emprunte officiellement à la L’avenir donc ? médiathèque (qui est énorme) en mp3...Bien sûr, je paye une cotisation à Arthur12Lee : Le PDG d'EMI l'année, mais finalement est-ce plus reconnaît que le support CD vit ses moral que le téléchargement par derniers moments. À l'horizon 2010, les Internet ? majors auront trouvé un nouveau modèle de développement et miseront Lou: L'exemple de la médiathèque est principalement sur la distribution crucial. En laissant aux gens le soin de musicale sur téléphone mobile. Le CD, payer une cotisation, ils peuvent donc lui, est en phase terminale et ne ripper des centaines d'albums. Voilà constituera plus pour les majors une

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 71 - source de revenus. Bonne nouvelle, vinyle ? qu'ils laissent leur back catalogue à de véritables passionnés qui baisseront Laurent : Si c'est le seul moyen d'avoir leur prix de vente et surtout mettront à de chouettes rééditions… disposition l'essentiel des enregistrements des grands groupes Cenzano: C'est du totalitarisme ça, du passé. On est arrivés à un môssieur ! Purée, si je devais tournant, l'ère du tout numérique remplacer tous mes mp3 par des balaiera tout sur son passage. Faut-il vinyles, il me faudrait un hangar d'A380 s'en réjouir ? Franchement, je n'en sais pour que ça rentre ! rien. Et l’avenir des petits disquaires ? Lou : Moi, ce qui me fait flipper, c'est Peuvent-ils survivre en 2007 ? d'aller sur les sites d'artistes et de voir, non plus « nouveau single bientôt Béa : Non, mais pas forcément à disponible » mais « nouveau titre cause du piratage, plutôt à cause de la téléchargeable sur Itunes » ! Même disponibilité plus grande sur Internet. plus question de sortir une galette ! Ça Je ne trouve quasiment rien de ce que ne vous fait pas peur ? Comment je cherche chez les disquaires, mais je pourrait-on sauver la galette ? trouve tout sur Amazon Angleterre, Canada, France, etc. Ou chez des tas Arthur12Lee: Sûrement pas avec d'autres marchands en ligne. Alors les l'aide du grand public qui, lui, se fout disquaires, je n'y vais plus si souvent. totalement de l'art musical ! Car pour Et avoir un commerce coûte des frais nous tous, le disque forme un tout, d'exploitation dont beaucoup se musique et pochette. Lui se contente passeraient. Je connais plusieurs de son Ipod, il se fout de savoir que tel disquaires qui ferment, à Montréal ou disque a une pochette magnifique. ailleurs. Tower Records à Los Angeles par exemple. Béa : Moi j'y tiens encore... Dans mon récent déménagement, j'ai passé des Lou: Déshumanisation de l'industrie du heures à dépoussiérer ces galettes en disque... Maintenant, parfois tu trouves boitiers, à les classer, les trier. J'avais des choses chez les disquaires que tu aussi eu une jolie surprise quand Claire ne trouves pas sur le net. Et puis tu as Hamill m'avait dédicacé le CD que je lui un autre rapport… J'aime toujours ai acheté directement. Certes, je ne autant fouiner dans les bacs à disques. suis pas spécialement groupie, mais ça m'a quand même fait très plaisir. Tout Béa : Moi aussi j'adore fouiner dans les ça aussi, ça va disparaître si nous nous magasins de disques, je vais même à contentons de musique numérisée. Et Londres principalement dans le but que vont vendre les artistes à leurs d'aller hanter les disquaires de concerts ? Pour ma part, j'achète quasi Portobello Road. Mais néanmoins, la toujours leurs albums en allant à leur plupart des CD que je cherche spectacle. Ce serait une source de désespérément, c'est par Internet que revenus en moins s'ils ne pouvaient je les trouve, plus dans les magasins. vendre leurs disques. Tour de table avec Béatrice André, Lou: Et pourquoi ne pas revenir au Lou, Arthur12Lee, Elmo, Laurent, Cenzano, Rove, King Bee, Mcklure ■

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 72 -

N’en choisir que dix… Quand on carbure à la musique depuis des lustres, qu’on a vu défiler des milliers d’albums entre ses deux oreilles, dresser la liste des 10 disques seulement qu’on mettrait dans un baluchon pour aller s’exiler sur une île déserte relève autant du défi que de la trahison. Du presque mensonge obligatoire. Parce que forcément, il y a le onzième, et le douzième, et tous ces suivants qui n’auront jamais la visibilité d’une liste ingrate alors qu’ils l’auraient tout autant mérité. Mais bon, dix, dix seulement, pas un de plus… Alors soupirons et allons-y !

1. Renaissance – of 2. Bert Jansch – Birthday Blues Sheherazade (1975) Cet album solo de Bert Jansch est sorti Jamais aucun autre album concept en 1969, alors que son groupe n’aura su raconter une histoire avec Pentangle connaissait un grand tant de magie qu’en fermant succès. En plus de quarante ans de simplement les yeux, vous voyagez carrière, Bert a enregistré un nombre si tout au long d’une face B de chez vous considérable d’albums magiques qu’il à l’Orient au son d’un mélange unique est assurément l’un des musiciens qui de folk, de rock, de jazz et de musique possède la discographie la plus classique. Renaissance a gravé une imposante. Malgré cela, si bonne demi-douzaine de disques l’exceptionnel guitariste écossais a été essentiels dans la première moitié des maintes fois cité par ses pairs comme années 70. Celui-ci est pour moi le plus étant leur influence majeure, il reste incontournable du groupe et de méconnu du public. Birthday Blues fait l’ensemble de ce qui a été enregistré partie d’une longue liste des albums au cours des deux décennies les plus absolument incontournables de Bert magiques du rock. Jansch sur laquelle figurent aussi ses deux premiers enregistrements, Bert Jansch et It don’t bother me (1965).

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 73 - fondateur de Genesis . Oui, cet album est produit par Mike Rutherford. En effet, c’est la voix de Phil Collins qu’on entend ici sur deux chansons. Mais The Geese and the Ghost n’en est pas moins incomparable à toute œuvre de Genesis. Il s’agit-là de l’album de folk- rock progressif symphonique le plus incroyablement renversant que les années 70 nous aient offert. S’il ne fallait conserver qu’un seul enregistrement du genre de cette époque, ce serait assurément celui-là !

3. Jackson C. Frank – Blues run the game (1965)

Aucun amateur de folk n’y échappe ! Dès les toutes premières secondes de Blues run the game , c’est le coup de foudre total, le sublime anéantissement devant cette voix mélancolique fortement envoûtante, la magie de ces mélodies jouées seulement par une guitare obsédante. Jackson C. Frank a inspiré moult musiciens folks largement plus connus que lui, dont Nick Drake, Sandy Denny et Paul Simon. Son seul album se doit absolument de figurer 5. - Little Games dans la collection de disques de tout amoureux de ce genre musical. Tout critique vous criera haut et fort que le meilleur album des Yardbirds est Roger the Engineer (1966). Et il a raison. Toutefois, Little Games a ceci de bouleversant qu’il est un pont parfait entre le groupe que Relf, McCarty, Dreja et Page cessaient déjà d’être, et ceux qu’ils allaient créer peu de temps après (Led Zeppelin, et surtout Renaissance). Certes, on murmure que Little Games aurait été partiellement enregistré par des musiciens de studio, et non par les quatre membres réels du groupe. Il est vrai aussi qu’on a poussé les Yardbirds à graver sur sillons un peu n’importe quoi ( Ten Little Indians

4. Anthony Phillips – The Geese and de Nilsson, Goodnight Sweet the Ghost (1977) Josephine , popularisé par Manfred Mann). Mais pour le reste, Little Games Certes, Antony Phillips est un membre n’en est pas moins un album que tout

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 74 - fan du groupe ne reniera jamais. Ce Honteusement, cette merveille absolue que ne contredira pas Aerosmith qui a de folk psychédélique n’a jamais été repris l’un des morceaux du disque, rééditée en CD. Think about it. Le groupe Accolade a enregistré deux albums, l’un en 1970, avec Gordon Giltrap, l’autre en 1971, sans lui. Les deux sont magnifiques. Le premier est toutefois supérieur au second. On y trouve cette splendeur folk qu’est Starting All Over que Gordon enregistra peu de temps après sur son album solo, A Testament of Time. Le premier album d’Accolade héberge également une version exceptionnelle de ce grand classique qu’est Nature Boy .

6. Illusion – Out of the Mist (1977)

Pour Jim. Pour Jane. Pour ces mélodies exceptionnelles, si fortement envoûtantes qu’elles en sont uniques et renversantes. Pour Keith, parti juste avant, Pour Isadora, la première chanson de l’album, le chef-d’œuvre de Jim McCarty. Voilà, pour le chef- d’œuvre de Jim McCarty. Toute autre raison est superflue.

8. Plainsong – In Search of Amelia Earhard (1972)

Ian Matthews possède l’une des voix les plus splendides de toute l’histoire du folk. Elle a enrichi les premiers albums de Fairport Convention , ceux de Matthews Southern Comfort , les albums solo de Ian. Et le plus beau disque qu’il a enregistré tout au long de sa carrière, In Search of Amelia Earhard avec Plainsong . Entre somptueuses ballades folks et perles

7. Accolade – Accolade (1970) de country-rock.

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 75 -

9. Bröselmaschine – Bröselmaschine 10. Scorpions – Lonesome Crow (1971) (1972)

L’âge d’or du rock et du folk allemands Il est fort dommage qu’on retienne nous a offert des dizaines d’albums avant tout de Scorpions leurs ballades mémorables. S’il fallait n’en retenir radiophoniques édulcorées. Et qu’on qu’un seul, ce serait certainement fasse totalement l’impasse sur le tout celui-ci. Chanté principalement en premier album du groupe. Leur meilleur anglais, il se range sans aucun pourtant ! Savant mélange de hard complexe aux côtés des meilleurs rock, de prog et de psyché, il est à disques de Pentangle et de ces autres découvrir de toute urgence, tout groupes mythiques du folk anglais. comme l’est aussi le second opus de Scorpions, Fly to the Rainbow . Après, c’est une pure question de goût…

Béatrice André ■

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 76 - Aujourd’hui, dans Cinéma… Nanars & Rock’n Roll : Psych-Out.

sych-Out est un film réalisé en à Yakari qu’à un baba cool. 1968 par Richard Rush qui raconte l’épopée de Jenny Néanmoins, je vais vous donner deux (Susan Strasberg), une jeune excellentes raisons pour mettre votre sourde, à la recherche de son frère honte de côté et regarder la dans les squats hippies de San conscience tranquille ce sympathique Francisco. Dans un café, elle rencontre nanar. Stoney (Jack Nicholson), leader des Mumblin’ Jim, groupe de rock Un. psychédélique qui, bizarrement, produit Psych-Out est un document essentiel exactement la même musique que les pour tout amateur de musique pop/rock Strawberry Alarm Clock. Je peux me psychédélique, des Seeds et des tromper, mais puisque ce sont les Strawberry Alarm Clock (signalons au Strawberry qui ont enregistré la bande passage qu’il est logique de voir originale, je pense que Nicholson fait apparaître ces deux formations de Los du play-back. C’est triste, mais il faudra Angeles dans ce film puisque l’intrigue s’y faire : Jack n’a ni écrit, ni interprété se déroule à… San Francisco ! Incense and peppermints . Quel Fiente !). dommage ! Soit. Deux. Bien sûr, certaines séquences de Cela ne devrait pas vous déplaire - foi Psych-Out sombrent rapidement dans de Nain ! - vous qui êtes grands le ridicule. Bien sûr, Jenny – sourde connaisseurs de la fin des sixties ou en donc – assiste, enthousiaste, à tous les passe de le devenir, cette pellicule concerts des Mumblin’ Jim, se retourne présente un point de vue assez frais et quand on l’appelle et parvient à lire sur naïf sur cette période, idéalisant ses les lèvres d’une personne… lui valeurs. Psych-Out ouvre la porte sur tournant le dos. Bien sûr, Stoney renie un monde où tout peut devenir Proudhon et son fameux "La propriété, merveilleux, comme cette scène où les c’est le vol !" empêchant quiconque hippies décorent une pièce en d’entrer dans sa piaule (un comble suspendant des colliers de perles et dans un squat hippie où tout est à tout trippent en regardant la lumière qui se le monde) et confond amour libre et reflète dans les bijoux. machisme. Bien sûr, Dave, membre des Mumblin’ Jim, ressemble plus

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 77 - Bien sûr (voilà que ça me reprend), c’est beau, être gentil c’est cool, pour pouvoir être autorisé à distribuer l’intolérance c’est nul et la drogue, c’est Psych-Out , Richard Rush, le mal ! But now, it’s time to… Psych-Out! réalisateur a dû affubler son histoire d’une jolie morale parce que la liberté Nain Dien ■

Fiche technique Psych-Out (aka Flower Power) Richard Rush (USA, 1968)

Bande originale Non rééditée en CD Sidewalk ST-5913 Pretty Song from Psych-out (The Strawberry Alarm Clock) Rainy Day Mushroom Pillow (The Strawberry Alarm Clock) Two Fingers Pointing On You (The Seeds) Ashbury Wednesday (Boenzee Cryque) The World's On Fire (The Strawberry Alarm Clock) Psych-out Sanctorum (The Storybook) Beads of Innocence (The Storybook) The Love Children (The Storybook) Psych-out (The Storybook) The World's On Fire - Long Version (The Strawberry Alarm Clock) Incense and Peppermints (The

Strawberry Alarm Clock)

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 78 -

Quelques artistes actuels conseillés par les rédacteurs de Vapeur Mauve

Folk

Vous aimez Bert Jansch ? Vous aimerez… Vous aimez Nick Drake ? Vous aimerez…

Artiste : Fionn Regan Artiste : Findlay Brown Album : The End Of History Album : Separated By The Sea Année : 2006 Année : 2007 Recommandé par Béatrice Recommandé par Béatrice

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 79 - Vous aimez Pentangle ? Vous aimerez… Vous aimez les Byrds ? Vous aimerez…

Artiste : Espers Artiste : The Quarter After Album : The Weed Tree Album : The Quarter After Année : 2005 Année : 2005 Recommandé par Béatrice Recommandé par Lou

Blues Rock

Vous aimez Blue Cheer ? Vous aimerez… Vous aimez Cream ? Vous aimerez…

Artiste : Radio Moscow Artiste : Gov’t Mule Album : Radio Moscow Album : High & Mighty Année : 2007 Année : 2006 Recommandé par Lou Recommandé par Nain Dien

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 80 -

Rock Progressif

Vous aimez Camel ? Vous aimerez… Vous aimez Led Zeppelin ? Vous aimerez…

Artiste : Anekdoten Artiste : Mars Volta Album : A Time Of Day Album : Amputechture Année : 2007 Année : 2006 Recommandé par Béatrice Recommandé par Nain Dien

Garage Rock Rock

Vous aimez les Small Faces ? Vous aimerez… Vous aimez les Beatles ? Vous aimerez…

Artiste : Hushpuppies Artiste : The Raconteurs Album : The Trap Album : Broken Boy Soldiers Année : 2005 Année : 2006 Recommandé par Lou Recommandé par Nain Dien

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 81 - R.I.P., industrie du disque…

endant longtemps, dans la presse énième version des tubes les plus musicale spécialisée (c'est-à-dire pourris de la décennie. Tout ceci dans celle où les articles n’étaient pas le respect des règles tacites, édictées écrits deux ans à l’avance par des par les trois ou quatre majors en place. publicitaires en quête d’identité), ma Achète, ferme ta boite, consomme, première lecture était consacrée aux reviens bien vite te faire tondre ! annonces de deux magasins de disques parisiens. Le premier, dont j’ai Pendant ce temps, j’attendais une oublié le nom, proposait des collectors compilation des Stooges, ou un album et des imports relativement chers. Le de Rocky Ericson. J’étais donc second était le bon vieux New Rose , condamné à me taire en contemplant avec sa fournée de noms mythiques et le désastre. Il aurait pourtant suffi de ses disques pas chers. peu pour que je sois content. Quelques rééditions, un peu de goût, et, bien sur, La musique (la vraie, la bonne) était à accepter d’investir quelques centimes ce prix : un coup de téléphone, un en plus… chèque, trois semaines d’angoisse, un coup de sonnette… Déjà, l’industrie Investir quelques centimes de plus ? discographique m’apparaissait comme NAAAANNNNNN, FUCK OFF ! me une hydre qui aurait contenté tout le répondait l’industrie. monde, sauf moi... Avec ses campagnes de pub massive, ses mises J’avais fini par piger le truc. J’écumais en place imposantes, les armées de les séries Nice Price, où on pouvait zombies qui achetaient sans se poser encore trouver pitance. Matching Mole, de questions. Pavlov’s Dog, Soft Machine… Tous ces groupes mythiques se retrouvaient A cette époque, mon sport favori, les là, dans le bac à soldes. Encore veilles de fête, consistait à traîner chez capables de rapporter un peu de blé, mon disquaire, rien que pour voir ce on les laissait pourrir pour, plus tard, que les gens achetaient à leurs les supprimer de la vente, sans plus proches. Un disque c’est loin d’être d’explications. n’importe quoi. Ca doit refléter votre personnalité propre, et toucher celle de Puis un jour, ô miracle, je feuillète un l’autre. Comme un livre, comme tous catalogue et j’y trouve un live des New les biens culturels. York Dolls. Je me précipite chez mon disquaire qui me glisse d’office un Et j’étais épouvanté, en voyant à quel papier sous le nez. Une liste toute point l’industrie avait déjà gagné la fraiche pondue des CD flingués partie ! Compilations gerbantes (La d’avance. Et devinez qui était le musique de la Légion étrangère…), premier ? Si, les Dolls faisaient encore

Vapeur Mauve Numéro 1 : Juillet 2007 - 82 - peur ! meilleur des BBC Sessions de Pink Floyd ou des Who étant encore à venir. Comme Gary Lucas (guitariste C’était aussi la fin d’une époque. À accompagnateur de Captain Beefheart) force d’avoir voulu vendre n’importe on les bloquait à la source. Histoire quoi, on a dégoûté les gens de d’éviter qu’ils contaminent le reste du curiosité. Mal anticipée, l’arrivée troupeau. d’Internet a servi de prétexte. Aujourd’hui, il est bien vu de pleurer Pendant ce temps, on en arrivait à des sur le téléchargement illégal, et sur la aberrations totales. Les albums des marge bénéficiaire qui baisse. Pink Fairies, uniquement disponibles en CD japonais à l’époque, se Et moi je rigole, je ne dois pas être le négociaient autour de 500 francs. Allez seul, en repensant à ces représentants trouver un importateur qui accepte d’en de maisons de disques. Infâmes stocker trois, à ce prix là ! rouleurs de caisse, qui vendaient sans état d’âme une harpie canadienne, et Un temps, on a pu penser que la leçon Marylin Manson la semaine d’après avait été comprise. Mais se sont mis à (« Ca part bien aux États-Unis »). J’ai sortir des coffrets du Velvet ou de ainsi appris que, pour peu qu’on Hendrix, bien fichus, mais qui coûtaient possède plus de 200 CD, on est classé cher, et à recycler du matériel rare de dans le public spécialisé. Pas de pitié à grands artistes. C’était avant tout une attendre de nous, donc… parade contre la piraterie, le Laurent ■

http://www.rock6070.com vous a présenté… Vapeur Mauve N°1 – Juillet / Août / Septembre 2007

D’après une idée originale de Lou et du forum Rock 60/70 sans qui Vapeur Mauve n’aurait jamais existé

Correction et coordination du projet : Béatrice André

Création des logos : Laurent

Couverture et mise en page de l’éditorial : Elmo

Mise en page et organisation du magazine : Nain Dien

Équipe rédactionnelle (par ordre d’apparition dans le magazine) : Laurent, Béatrice André, Carcamousse, Cyril, Lou, Dave, Vincry, Arthur12Lee, Elmo, Cenzano, Rove, King Bee, Mcklure, Nain Dien

Disponible en téléchargement gratuit sur http://www.rock6070.com Sortie du numéro 2 : Octobre 2007

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