Le Plébiscite De Klagenfurt Du 10 Octobre 1920
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LE PLÉBISCITE DE KLAGENFURT DU 10 OCTOBRE 1920 par Roseline Salmon Archives nationales 59 rue Guynemer 93383 Pierrefitte-sur-Seine cedex [email protected] En 1918, la défaite des empires centraux provoque d’immenses bouleversements dans l’empire austro-hongrois. La création de nouveaux Etats a des conséquences immédiates sur la nationalité de nombreuses populations. La Conférence de la paix qui se prononce sur les questions territoriales laisse en suspens, en raison de désaccords entre Alliés, la région de Klagenfurt en Carinthie et prévoit l’organisation d’un plébiscite. Signé le 10 septembre 1919 à Saint-Germain-en-Laye, le traité avec l’Autriche stipule, dans ses articles 27, 49 et 50, les conditions de ce plébiscite qui doit déterminer le rattachement des habitants à l’Autriche ou au Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes. La sous-série AJ/11 des Archives nationales conserve les archives de la Commission interalliée pour le plébiscite de Klagenfurt chargée, à l’été 1920, d’organiser et de contrôler le plébiscite prévu en deux temps, selon les modalités suivantes. Les électeurs de la zone I, située dans la partie sud où réside la minorité slovène la plus nombreuse, sont appelés à voter les premiers. Si le vote en faveur de l’Autriche l’emporte, il n’est pas nécessaire d’organiser le plébiscite dans la zone II. Toute la région de Klagenfurt devient alors autrichienne. Composée de cinq membres (Grande-Bretagne, France, Italie, Autriche, Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes), la Commission a la responsabilité de l’établissement définitif des limites des deux zones et de la ligne de démarcation entre elles. Elle est également chargée de l’organisation matérielle du vote et de son bon déroulement dans un contexte très difficile : la question du droit de vote ou le tracé de la ligne de démarcation entre les deux zones provoquent de vives tensions. Émanation de la Commission, un tribunal statue sur les multiples incidents qui jalonnent le déroulement du plébiscite. Le 10 octobre 1920, le rattachement à l’Autriche l’emporte avec une large majorité (6747 voix) dans la zone I. La région de Klagenfurt est définitivement rattachée à l’Autriche. The defeat of the Central Powers causes immense changes for the people of the Austro-Hungarian Empire. The creation of new states have an immediate impact on the nationality of many of them. The Peace Conference which decides on territorial issues leaves outstanding, because of disagreement among Allies, the region of Klagenfurt, in Carinthia; and it provides for a plebiscite. Signed on September 10, 1919 in Saint-Germain-en-Laye, the treaty with Austria states in its articles 49 and 50 of the conditions of the plebiscite should determine the incorporation of the population in Austria and the Kingdom Serb-Croat-Slovene. Subseries AJ/11 National Archives keeps the archives of the Inter-Allied Plebiscite Commission Klagenfurt, in the summer 1920, responsible for organizing and controlling the plebiscite planned in two stages as follows. Zone B of the voters, located in the southern part where lies the larged Slovenian minority, are called to vote first. If the result of this vote is in favor of union with Austria, it becomes valid for the entire region. Composed of five members (Britain, France, Italy, Austria, Serb-Croat-Slovene Kingdom), the Commission is in charge for the final establishment of the demarcation line and the material organization of the vote. The issue of voting rights and its condition is a source of difficulty. Emanation of the Commission, a court decides on the multiple incidents that mark the progress of the plebiscite. 10 October 1920, 55 % of voters votes in favor of Austria . Zone A, the northernmost, becomes Austrian. En 1914, François-Joseph règne sur un empire des Croates et des Slovènes le 1er décembre. Au même d’une superficie de près de 700 000 km2 qui compte moment, le sud de la Carinthie et de la Styrie est occupé 51 300 000 habitants. Fin 1918, l’empire austro- par des troupes commandées par le slovène Rudolf hongrois est vaincu à la suite d’une succession Maister. L’empire austro-hongrois disparaît. d’événements qui vont précipiter son démembrement : défaite de Vittorio Veneto fin octobre, proclamation de Pour la nouvelle République d’Autriche les l’indépendance de la Tchécoslovaquie le 28 octobre et nombreux bouleversements politiques s’accompagnent de la Croatie le 29 octobre, demande d’armistice à Villa d’immenses difficultés économiques et sociales : Giusti le 3 novembre. L’empereur Charles Ier renonce problèmes de ravitaillement, d’approvisionnement au trône le 11 novembre ; la République est proclamée en charbon, pénurie de matériel roulant, chômage, le lendemain. La République démocratique hongroise devenir des fonctionnaires. Ses frontières ne sont pas naît le 16 novembre tandis que l’État des Serbes, des définitivement tracées. Il est cependant certain que son Croates et des Slovènes devient le Royaume des Serbes, territoire ne représentera plus qu’une petite partie de CFC (N°228 - Juin 2016) 133 l’ancien empire. Le traité de paix signé avec l’Autriche le ministre des Affaires étrangères Aristide Briand, fonde 10 septembre 1919 détermine certaines de ses frontières. un Comité d’études. Présidé par l’historien Ernest Au sud, la région de Klagenfurt dans l’ancien duché Lavisse, il est composé principalement d’historiens et de Carinthie fait exception. Il est prévu d’y organiser de géographes qui rédigent des mémoires destinés à un plébiscite pour déterminer son rattachement à élaborer les futurs tracés de frontières. Le géographe l’Autriche ou au Royaume des Serbes, des Croates et Emmanuel de Martonne assure le secrétariat du Comité. des Slovènes (fig. 1). Emile Haumant « est chargé de l’expertise des frontières Nord de la future Yougoslavie. Il y convoque le principe Ce plébiscite est étudié grâce aux archives de la des nationalités... et l’argument des droits historiques » Commission interalliée du plébiscite de Klagenfurt. (Boulineau E., 2001, p.173). Mais les avis du Comité La commission a siégé de juillet à novembre 1920. Ses d’études jouent un rôle mineur lors des négociations archives sont conservées aux Archives nationales dans de la Conférence de la Paix. Pourtant, les géographes la sous-série AJ/11, en cours de classement. Dépôt Emmanuel de Martonne et Louis Gallois ou Emile des Affaires étrangères, cette sous-série fait partie Haumant, professeur de littérature russe à la Sorbonne, des archives produites dans le cadre du paiement des tous trois spécialistes des pays slaves et de l’Europe Réparations exigées en application des traités de paix. centrale, participent à ses travaux. La Commission interalliée des réparations (AJ/6/1 à AJ/6/4387), une autre sous-série de ce grand ensemble La Conférence de la paix qui siège pendant le premier de plus de 6 000 cotes, est chargée de l’organisation de semestre de 1919 est chargée des négociations en vue de plusieurs plébiscites : le plébiscite du Schleswig-Holstein la signature des traités de paix. Elle a la responsabilité entre le Danemark et l’Allemagne les 10 février et 14 d’un grand nombre de décisions dans l’élaboration de la mars 1920, le plébiscite d’Allenstein (Olstyn) le 11 juillet délimitation des frontières. Elle aborde ces sujets au sein 1920 entre la Pologne et l’Allemagne ; enfin le plébiscite de comités et de commissions. Ceux-ci sont regroupés, de Klagenfurt, le 10 octobre 1920. d’une part, dans la partie II « Questions communes à tous les traités de paix » dont le neuvième point a pour Les archives du plébiscite de Klagenfurt forment un intitulé « Géographie » ; d’autre part dans la partie III ensemble de soixante-deux registres contenant les listes « Questions territoriales ». Les « Questions spéciales au d’électeurs inscrits en vue du plébiscite et de quinze traité avec l’Autriche » sont abordées dans la partie V. cartons de dossiers. Une des principales difficultés de ce fonds réside dans la diversité des langues utilisées : Pour l’Autriche, les négociations se concluent anglais, langue officielle de la Commission du plébiscite, par la signature du traité de Saint-Germain-en-Laye mais aussi italien, français et surtout allemand et slovène. le 10 septembre 1919. La partie II du traité porte le titre de « Frontières d’Autriche ». La partie III, Dans un premier temps seront décrites les frontières dénommée « Clauses politiques européennes » est très de l’Autriche issues du traité de Saint-Germain-en- complémentaire de la précédente pour les questions de Laye. Puis la région de Klagenfurt, son histoire et sa frontières. Cette partie traite également de la protection géographie ainsi que sa population seront présentées des minorités et des clauses concernant la nationalité. avant que les trois articles du traité de Saint-Germain Le traité définit un certain nombre de frontières entre consacrés au plébiscite soient analysés : l’article 27 l’Autriche et l’Italie, l’Autriche et la Hongrie, l’Autriche dans la partie II et les articles 49 et 50 dans la partie et la Tchécoslovaquie ou l’Autriche et le Royaume des III. Enfin l’organisation du plébiscite sera expliquée Serbes, des Croates et des Slovènes. Dans son article en insistant particulièrement sur les travaux du Comité paru en 1920 dans « Les Annales de Géographie » de délimitation et sur les incidents qui jalonnent leur Emmanuel de Martonne souligne à propos de la déroulement. Cela permettra de poser la question des frontière méridionale de l’Autriche : « Du côté du Sud, enjeux du plébiscite et de mettre en avant l’importance l’Autriche subit des amputations douloureuses qui des cartes conservées dans ce fonds d’archives. l’isolent de la mer et qui ferment les débouchés vers le Midi, dont la conquête a toujours été la grande pensée Les frontières de l’Autriche et le des empereurs allemands.