NUMERO 89 Nouvelle Série Abonnement : 250 F, le numéro : 60 F Publication pentannuelle : MAI 1993

ORION

Société Française de Physique Reconnue d'Utilité Publique par décret du 15 janvier 1881 Membre de la Société Européenne de Physique Siège social et Administration 33, rue Croulebarbe, 13e Tél. : 47.07.32.98 — C.C.P. : 227.92 Paris INDRA

AU SOMMAIRE

3 ECHOS DE LA PHYSIQUE M. BLANCHARD - D. GUERREAU - D. BEN SIMON - Astro CSNSM - B. GAUTHIER-MANUEL 14 Plaidoyer pour les "bis", M. ANDLER 15 La formation vue depuis l'entreprise, J.P. HERMANN 16 Fusion froide, suite ?, J.L BOBIN 20 "Walk the talk", G. DELACÔTE 28 ÉDITORIAL : La recherche dans les jours qui viennent, J. FR1EDEL bulletin de la société française de physique bulletin de la société française de physique

Voir article p. 5 N° 89

ORION (en haut) est un détecteur 4K à scintillateur liquide (30001) dopé au Gd de grande efficacité sommaire (>80%) qui permet une mesure événement par événement de la multiplicité des neutrons émis lors ÉCHOS DE LA PHYSIQUE du refroidissement du noyau chaud. - Vers la réalisation des fils moléculaires conducteurs. Les INDRA (en bas) est également un détecteur 4 jt, de caroviologènes : un modèle de canal à électrons transmem- haute granularité, mais destiné à l'identification de branaire, Mireille Blanchard 3 tous les produits chargés issus de la réaction. Il résulte - Les noyaux chauds, Daniel Guerreau 5 de la combinaison de plusieurs centaines de détec­ teurs de différents types (chambres d'ionisation, Si, - Les pinces optiques, David Ben Simon 8 lCs). - Astrophysique nucléaire avec des faisceaux radioactifs, le groupe Astro, CSNSM 9 - La mesure des forces inter-moléculaires, Bernard Gauthier- NOUVEAUX MEMBRES Manuel 12 ADMIS A LA SOCIÉTÉ ENSEIGNEMENT - Plaidoyer pour les " bis ", Martin Adler 14 Adhésions - suite au congrès VIE ET ORGANISATION SCIENTIFIQUES de la division matière condensée - La formation vue depuis l'entreprise, Jean-Paul Hermann 15 - Fusion froide, suite?, Jean-Louis Bobin 16 JUNIORS Jean-Paul Mathieu (1907-1993) 18 • ANDRIEU Stéphane Aide à nos collègues de Bosnie, Franck Laloë 18 Labo Mixte CNRS - St Gobain 54704 Pont-à-Mousson LETTRES DE LECTEUR 19 • BEAUFILS Sylvie - Au sujet de la "lettre des maîtres de Toulouse", M. Ram- GMCM - 35042 Rennes Cedex baud . BEZBORODKO Pierre - Sur une note de lecture, N. Hulin, D. Perrin Univ. B. Pascal - LPM ANIMATION SCIENTIFIQUE 63177 Aubière Cedex - "Walk the talk" 2 ans d'expérience californienne, G. Dela- • DUCROQUET Frédérique Labo Physique de la Matière - INSA côte 20 69621 Villeurbanne Cedex La médaille Rammal, C. de Dominicis, C. Sébenne, G. Toulouse . 23 • HOUCHMANDZADEH Bahram LSP - BP 87 Nouveaux membres ...... 2, 13, 24 38402 St Martin d'Herbes Cedex NOTES DE LECTURE 25 • LE COUSTUMER Philippe - "Gros temps sur la planète, par J.C. Duplessis et P. Morel", Labo - M. Mathieu - 64000 Pau J. Hieblot • SACUTO Alain - "Qualitative Methods in Physical Kinetics and Hydrodyna- Univ. P.M. Curie - LPS mics, par V.P. Krainov", J.P. Hulin 75252 Paris Cedex 05 - "Science et politique sous le Troisième Reich, par S. Gué- rout", P. Radvanyi TITULAIRES VIE DE LA SOCIÉTÉ - Les Prix de la S.F.P 26 • FEUILLEBOIS François Labo Aérothermique - CNRS - Les "Journées de la Matière Condensée", J. Grilhé 26 92190 Meudon - Division de Physique Atomique, Moléculaire et Optique .. 27 • HANSEN Alex - Section locale de Lyon - Saint-Étienne 27 Univ. de Rennes 1 - Exposition : la Physique en à travers ses Prix Nobel . 27 • HOROW1TZ Gilles ÉDITORIAL Labo. Matériaux Moléculaires - La recherche dans les jours qui viennent, Jacques Friedel. 28 94320 Thiais • LASCARAY Jean-Paul COMITÉ DE RÉDACTION GES - Univ. 11 Pierre AVERBUCH - Nicole BEL - Étienne GUYON - James HIEBLOT - • LE GOFF Serge Jean-Pierre HULIN - Valérie LEFÈVRE - Marie-Claude LEMA1RE - Jean-Louis institut de Phys. et d'Électronique MARTINAND - Pierre RADVANYI - Claude SÉBENNE - René de SWINIARSKI - 57078 Metz Cedex 3 Madeleine VEYSSIÉ - Jacques V1GUÉ ; Gérard WEISBUCH - • MALGRANGE Cécile Directeur de la Publication : Claude SÉBENNE Labo. Minéralogie Cristallographie Paris Rédacteur en Chef : Pierre RADVANYI • MATHIEU Henry Secrétaire de Rédaction : Monique BORDRY Univ. Montpellier 11 dépôt légal 2e Trimestre 1993 - Commission Paritaire 62 802 • PAR1SET Marie-José Imprimerie BLANCHARD fils, 92350 Le Plessis-Robinson - 41.07.97.97 URA 828 - Univ. B. Pascal 63177 Aubière (Suite page 13)

2 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 ECHOS DE LA PHYSIQUE

Vers la réalisation de fils moléculaires conducteurs Les caroviologènes : un modèle de canal à électrons transmembranaire

Vers une électronique base tels que ceux définis en transposant, Choix du système à l'échelle moléculaire, les composants moléculaire? usuels de l'électronique classique. Ce qui Sur ces bases, il s'agissait donc d'imagi­ ner un type de molécules propres à fonc­ Les quinze dernières années ont vu conduit tout naturellement aux notions de fils, d'interrupteurs, de commutateurs, tionner comme des canaux à électrons émerger un nouveau domaine de recher­ transmembranaires. De tels composés che :l'"électroniqu emoléculaire " qui con­ ou encore de diodes moléculaires. 11 faut souligner que, grâce notamment aux pos­ doivent satisfaire un certain nombre naît à l'heure actuelle un véritable engoue­ d'exigences. ment. La finalité de l'électronique molécu­ sibilités de la chimie, la réalisation d'édi­ laire est l'élaboration de composants molé­ fices moléculaires complexes conçus Ils doivent, tout d'abord, s'insérer culaires et au-delà, leur assemblage en — quasiment sur mesure — pour une convenablement dans la membrane, circuits électroniques moléculaires. fonction spécifique est en passe de deve­ selon une géométrie transmembranaire. nir une réalité. Ceci suppose une partie centrale soluble Le pari de l'électronique moléculaire dans la membrane (donc lipophile), de repose sur le remplacement d'une unité longueur suffisante pour traverser la simple comme le silicium, le germanium, ou membrane lipidique (soit environ 35- encore l'arséniure de gallium (semi­ Le canal à électrons 45 A) et comportant des extrémités solu- conducteurs support de l'électronique clas­ transmembranaire : bles dans les milieux aqueux baignant la sique) par des molécules complexes. Ceci membrane (donc polaires ou chargées). devrait déboucher sur des performances un modèle de fil Par ailleurs, ces systèmes doivent permet­ accrues mais aussi des capacités nouvelles. moléculaire conducteur tre la conduction électronique. Ceci impli­ L'électronique moléculaire permet, en par­ que que les groupes terminaux soient ticulier, d'envisager une réduction des Fil moléculaire conducteur électroactifs, c'est-à-dire capables soit de microcircuits au centième de leur taille capter, soit de céder des électrons, et que usuelle actuelle. Mais la miniaturisation L'élaboration, d'un modèle de fil molécu­ la chaîne lipophile les reliant soit en n'est pas le seul atout de l'électronique laire conducteur en fournit une illustration mesure d'assurer le passage des électrons moléculaire qui peut également ouvrir la concrète. Une approche possible consiste de l'un à l'autre de façon efficace (donc voie à l'élaboration des architectures hau­ en la mise au point de molécules suscepti­ d'assurer leur délocalisation d'une extré­ tement parallèles comme à la réalisation de bles de rendre une membrane lipidique mité à l'autre de la molécule). structures compatibles avec les milieux perméable aux électrons en jouant en biologiques. quelque sorte le rôle de canaux à électrons 11 paraissait donc logique d'utiliser un transmembranaires. Cette démarche s'ins­ système conjugué de longueur adéquate Pour valider le concept d'électronique pire en partie d'une analogie avec les et comportant à ses deux extrémités des moléculaire, il fallait au préalable démon­ canaux ioniques naturels qui permettent le groupements hydrophiles et électroactifs, trer la faisabilité d'un certain nombre + + par exemple chargés positivement et d'éléments essentiels. La réalisation de passage d'ions tels que K ou Na à travers les membranes biologiques. accepteurs d'électrons. Dans ce contexte, futurs circuits électroniques moléculaires une approche fondée sur des vinylogues requiert l'élaboration de constituants de (i.e. des analogues polyéniques) du Membranes bicouches méthylviologène (figure 2A) et, plus par­ Les lipides sont des composés qui se ticulièrement, sur des molécules dénom­ caractérisent par une extrémité polaire mées "caroviologènes" a été explorée. 11 hydrophile sur laquelle se greffent deux s'agit de composés combinant un sque­ longues chaînes hydrocarbonées hydro- lette central insaturé appartenant à la phobes. Ce sont des molécules amphiphi- famille des caroténoïdes (figure 2B) et, les les qui tendent à adopter dans l'eau des groupements pyridinium (hydrosolubles arrangements d'énergie minimale dans et accepteurs d'électrons) du méthylvio­ lesquels les chaînes hydrocarbonées se logène. regroupent de sorte à éviter le contact EXTREMITE POLAIRE ELECTROACTIVE avec l'eau (c'est l'effet hydrophobe), et les têtes polaires s'orientent vers la phase

TETE POLAIRE ; CHAINES HYDROCARBONEES aqueuse. En particulier, l'élément struc­ tural de base des membranes biologiques Fig. 1. Schéma de principe du canal à électrons est un arrangement particulier de lipides caroviologènes transmembranaire. Les lipides composant la que l'on désigne par le terme de bicouche. bicouche — représentés ici schématiquement — Dans une telle structure, les chaînes comportent une tête polaire hydrophile sur grasses se disposent face à face, les têtes laquelle sont greffées deux chaînes hydrocarbo­ polaires s'orientant vers le milieu aqueux nées hydrophobes. La molécule susceptible de (figure 1). La phase hydrocarbonée conti­ p carotène fonctionner comme un fil moléculaire conducteur doit présenter deux extrémités hydrosolubles et nue constitue un milieu pratiquement iso­ Fig. 2. A) Formule générale des caroviologènes (le électroactives reliées par une chaîne conduisant lant et les membranes lipidiques présentent méthylviologène, composé générique de la série, les électrons. une résistance électrique élevée. correspond à n = 0) ; B) Formule du B-carotène.

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 3 Comment accéder bicouches lipidiques), la dernière étape étant la mise en évidence du phénomène aux caroviologènes? de conduction transmembranaire. Les caroviologènes ne sont pas des Une stratégie possible consiste à tester composés naturels. Il faut les synthétiser l'aptitude du caroviologène convenable­ (figure 3). Leur préparation s'articule autour de deux axes synthétiques : la ment inséré dans la membrane à délivrer à construction de longues chaînes polyéni- une phase aqueuse oxydante située d'un ques, et le branchement aux deux extré­ côté de la membrane, des électrons four­ mités de ce squelette conjugué des grou­ nis par une phase aqueuse réductrice pements pyridinium. La construction des située de l'autre côté de la membrane. Le chaînes conjugées fait appel à des métho­ résultat global est une réaction redox des développées en série caroténoïdes. La transmembranaire dans laquelle le caro­ fonctionnalisation des extrémités de ces viologène joue le rôle de médiateur et sert fragments polyéniques est effectuée en en quelque sorte à établir une connexion employant des réactions classiques, la électrique entre l'oxydant D et le réduc­ difficulté résidant dans la fragilité et la teur A matériellement séparés par l'obs­ faible solubilité des réactifs polyéni­ tacle que constitue la membrane. ques. Dans ce contexte, les vésicules, particu­ En définitive, des caroviologènes de les sphériques de quelques centaines d'A tailles croissantes ont été préparés (fi­ de diamètre dont la paroi se constitue gure 4). Leur isolement et leur purifica­ d'une bicouche lipidique, représentent un support d'étude privilégié. Ce sont des tion se révèlent assez délicats, particuliè­ Fig. 3. Schéma de synthèse illustrant la prépara­ rement pour les plus longs d'entre eux. Ce tion des caroviologènes.- a) construction de lon­ objets relativement faciles à caractériser sont des composés extrêmement colorés gues chaînes polyéniques fonctionnalisées ; b) ob­ qui peuvent être obtenus selon différen­ (leur coloration en solution varie de l'o­ tention des têtes polaires. tes techniques à partir de lipides placés en range au violet avec la longueur) relative­ suspension aqueuse. L'avantage d'une ment sensibles à la chaleur, à la lumière, à membrane sont en relative adéquation. telle structure est qu'elle permet une l'oxygène... Deux types de dérivés ont été La situation inverse induit une adsorption compartimentation des réactifs redox synthétisés (figure 4): d'une part, des des caroviologènes parallèlement à la entre les phases aqueuses externe et composés à têtes polaires chargées posi­ surface de la membrane. interne (figure 5). Mais la réalisation tivement et, d'autre part, des dérivés pratique n'en est pas moins délicate. En zwitterioniques (i.e. comportant deux Comment tester effet, les réactifs redox doivent remplir charges opposées se compensant) globa­ simultanément plusieurs conditions : lement neutres. la conduction - le réducteur D doit avoir un potentiel transmembranaire ? redox inférieur à celui du fil et ne pas diffuser à travers la membrane ; Comment incorporer Ces résultats représentent les deux les caroviologènes dans premiers stades de l'élaboration de "fils - réciproquement, l'oxydant A doit avoir des bicouches lipidiques? moléculaires": la réalisation de molécu­ un potentiel redox supérieur à celui du fil les adaptées (les caroviologènes), et leur et ne pas diffuser à travers la mem­ Le large éventail de structures disponi­ intégration dans un support organisé (les brane ; bles offrait la possibilité d'analyser les - la disparition de l'un des deux réactifs différents facteurs qui gouvernent l'incor­ redox doit pouvoir être détectée par une poration ainsi que l'orientation des caro­ méthode physico-chimique relativement viologènes au sein des bicouches lipidi­ sensible et aucun d'entre eux ne doit ques. Ces systèmes présentent deux réagir avec le lipide employé, ni diminuer caractéristiques marquantes. Tout d'a­ la stabilité de l'édifice vésiculaire. bord, c'est la nature des têtes polaires des caroviologènes qui détermine, à travers Tous ces impératifs rendent l'étude l'interaction électrostatique entre têtes expérimentale de la conduction assez polaires du lipide et du caroviologène, complexe. Néanmoins, la réduction de K3Fe(CN) inclus dans la phase aqueuse leur association avec les bicouches lipidi­ 6 ques. C'est ainsi que les caroviologènes C, interne de vésicules constituées d'un D et E possédant des têtes polaires char­ mélange de dimyristoylphosphatidylcho- gées positivement ont été incorporés avec line (DMPC) et de lécithine d'ceuf (EPC), par du Na S 0 externe, par l'intermé­ succès dans des bicouches formées de 2 2 4 tensioactifs synthétiques à têtes polaires diaire du caroviologène C a pu être mise chargées négativement (comme les phos­ en évidence (figure 5). phates à doubles chaînes grasses de for­ On peut, en effet, suivre la disparition mule (C H 0) P02- Na+ où n = 13, n 2n + 1 2 de l'oxydant interne par spectroscopie 14, 16). De façon analogue, les caroviolo­ d'absorption UV-visible (l'espèce gènes C et D' ont été inclus dans des 3- Fe(CN)0 absorbe à 420 nm) et donc bicouches formées de lécithines, lipides étudier la cinétique de la réaction redox d'origine naturelle à têtes polaires zwitte­ transmembranaire. Dans tous les cas, une rioniques. Là encore, l'interaction entre expérience de contrôle est réalisée dans têtes polaires du caroviologène et des les mêmes conditions, mais en l'absence lipides était favorable. du caroviologène. Ceci permet d'évaluer Par ailleurs, c'est la longueur des caro­ la contribution de la diffusion transmem­ viologènes qui impose leur orientation branaire des réactifs redox — dont on ne (ainsi que leur localisation) au sein de la Fig. 4. Formules des caroviologènes synthétisés. peut pas totalement s'affranchir — à la Sous chaque structure sont indiqués le nombre de réaction globale observée. On constate bicouche. On obtient une orientation doubles liaisons conjuguées séparant les deux transmembranaire dans le cas où lon­ extrémités pyridinium ainsi que la longueur de la une accélération assez nette de la réaction gueur du caroviologène et épaisseur de la molécule. en présence du caroviologène C : d'un

4 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 facteur 4 environ pour une concentration relative de 1 molécule de caroviologènes pour 2000 molécules de lipide, et d'un facteur 8 pour une concentration 1 :1 000. Perspectives Les caroviologènes : un modèle valable de fil moléculaire conducteur Les caroviologènes constituent donc un modèle valable de fil moléculaire conduc­ teur puisque dans le système décrit quel­ ques dizaines de molécules isolées de caroviologènes par vésicule (chaque vési­ cule comportant environ 105 molécules de lipides) suffisent à promouvoir la D = Sodium Dithionite Na S 0 conduction transmembranaire. 2 2 4 A = Potassium Ferricyanide K Fe(CN) 11 s'agissait là d'un résultat tout à fait 3 6 important qui validait le schéma de prin­ cipe du fil moléculaire conducteur et appelait différents développements. En particulier, les variantes structurales ob­ Fig. 5. Principe de la mise en évidence expérimentale de la conduction transmembranaire. Le tenues en jouant sur la nature des grou­ phénomène est effectivement observé dans le cas du caroviologène C inséré dans la paroi de vésicules pes électroactifs terminaux, ou en modi­ constituées d'un mélange de lécithines (DMPC 90%, EPC 10%). fiant la structure du squelette conjugué, pourraient permettre de corriger les deux contrôle de la transmission électronique générale, le greffage d'un groupe capable défauts principaux des caroviologènes par un paramètre extérieur (température, de piloter le transfert électronique au sein (faible solubilité et fragilité) et, par consé­ pression, lumière...) ouvrirait la voie à de la chaîne conjuguée conduirait à des quent, d'accéder à des fils moléculaires l'élaboration de véritables interrupteurs commutateurs moléculaires • conducteurs optimisés. moléculaires. Ainsi, le couplage avec des Vers des modèles d'interrupteurs groupes photosensibles permettrait de moléculaires réaliser des transferts d'électrons photo­ Mireille Blanchard-Desce induits,et donc d'obtenir des fils molécu­ Laboratoire de Chimie Au-delà, l'introduction dans la struc­ laires ne fonctionnant que sous l'action des Interactions Moléculaires ture de base d'un élément permettant le d'une irradiation adéquate. D'une façon et Stéréochimie, Collège de France

Les noyaux chauds

La physique nucléaire a subi, au cours dement bénéficié de l'existence d'accélé­ gats). Est-ce un processus graduel ou de cette dernière décennie, une profonde rateurs d'ions lourds performants tels que soudain? Comment se manifeste cette mutation, non seulement dans ses métho­ le laboratoire national GAN1L, à Caen et perte de stabilité? Quelle est l'influence des de travail mais aussi dans ses objectifs, SARA, à Grenoble [1, 2]. de la taille finie du noyau (effet de la à tel point que le nom même de physique tension de surface et des forces coulom- Qu'est-ce qu'un noyau chaud ? C'est un nucléaire est peut-être aujourd'hui mal biennes sur la stabilité vis-à-vis de T)? système lié, même pour un temps très approprié pour définir ce domaine de Pour T10 °K). Comme ce noyau est naturel­ excitations collectives (vibration, com­ forte. C'était sans compter sur l'existence lement formé par réaction nucléaire, il va des quarks ! La physique des systèmes pression, rotation), l'évolution des densi­ de soi que le principe d'indépendance de tés de niveaux, la viscosité de la matière hadroniques paraît être un terme généri­ Bohr doit être satisfait. Nous verrons que que mieux approprié pour définir les nucléaire et les propriétés nouvelles de toutes ces conditions ne sont pas éviden­ décroissance telle que l'émission d'agré­ études actuelles qui concernent le noyau tes à remplir. atomique et de façon plus générale la gats. matière nucléaire. Les axes de recherche Pourquoi fabriquer et étudier des prioritaires sont liés principalement à noyaux chauds? La première motivation Ce domaine est également fortement l'étude des états extrêmes du noyau est de déterminer la température la plus connecté à l'astrophysique. La connais­ atomique, états extrêmes en isospin, en élevée qu'un système nucléaire lié peut sance de l'équation d'état nucléaire est spin ou en température. C'est ce dernier supporter. Ce concept de température très importante pour comprendre le sort point, l'excitation incohérente du noyau critique est fortement lié à l'équation d'une étoile massive lorsque le cœur conduisant à la formation de ce qui est d'état nucléaire et à la possibilité d'attein­ atteint la limite de Chandrasekhar [3]. Les appelé un " noyau chaud ", qui fait l'objet dre le seuil d'apparition, soit d'une tran­ températures atteintes lors des collisions de cet article. Nous allons ainsi nous sition de phase du type liquide-gaz (vapo­ d'ions lourds sont du même ordre que intéresser à la thermodynamique de la risation du système), soit d'une instabilité celles prévalant dans le cœur avant l'ef­ matière nucléaire. Les expériences dans mécanique (multifragmentation du sys­ fondrement et la formation d'une super­ ce domaine des noyaux chauds ont gran­ tème nucléaire en de nombreux agré­ nova de type II.

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 5 Comment chauffer le noyau ? Du fait de me bornerai donc à illustrer cette physi­ leur pouvoir d'arrêt élevé, les faisceaux que à l'aide de quelques résultats mar­ d'ions lourds, accélérés entre 30 et quants. 100 MeV par nucléon sont les projectiles les plus efficaces pour former des noyaux De nombreuses expériences ont été chauds. Cependant, à ces énergies éle­ consacrées à l'étude précise des proprié­ vées, la formation d'un noyau composé tés de décroissance de ces noyaux chauds après fusion complète du projectile et de thermalisés. Un très bel exemple la cible est hautement improbable. Ceci concerne les échelles de temps de ces est fortement connecté à la diminution canaux de sortie et plus particulièrement des effets de champ moyen dans le noyau la compétition entre l'évaporation de au profit des collisions individuelles neutrons et la fission [9,10]. Aux énergies nucléon-nucléon. Cette "transparence" d'excitation dont il est question ici, des du noyau conduit à des processus de centaines de MeV, le modèle statistique fusion incomplète signés expérimentale­ prévoit normalement, pour des noyaux ment par la décroissance du moment lourds, une probabilité de 100% pour le linéaire transféré du projectile vers la canal fission, les fragments de fission se refroidissant ensuite par évaporation de cible [4]. Ces effets dynamiques dans la EXCITATION ENERGY (MeV) voie d'entrée, qui limitent le chauffage neutrons. La figure 1 montre pour le Fig. 1. Évolution avec l'énergie d'excitation du noyau composé de numéro atomique espéré du noyau, sont cependant une nombre de neutrons émis avant et après la fission source d'informations très riche sur la Z = 77, une compilation de données sur du noyau composé Z = 77 ; le noyau est "tiède " l'évolution avec l'énergie d'excitation E* réalisation de l'équilibre des degrés de sinon froid lorsque la scission se produit et ceci libertés intrinsèques (chaleur) et collectifs quelle que soit la température initiale du système. du nombre de neutrons émis respective­ (rotation, compression). Ce domaine a C'est une preuve que la viscosité de la matière ment avant et après scission [10]. Le conduit à un développement des appro­ nucléaire ne croît pas avec la température. résultat a surpris : le nombre de neutrons ches théoriques permettant une simula­ émis par les fragments de fission eux- tion complète de la dynamique de la mêmes n'évolue pas avec E* et reste très température du noyau est directement faible (~ 5) alors que le nombre de neu­ collision. Ces approches semi-classiques liée à la densité de niveau ; elles concer­ sont basées sur l'utilisation des équations trons de préscission augmente considéra­ nent l'analyse de la forme des spectres en blement. Le noyau chaud semble donc cinétiques (Landau-Vlasov, Boltzmann- énergie des particules évaporées ou la Uehling-Uhlenbeck) [5, 6] dérivées de très stable vis-à-vis de la fission et se détermination des populations relatives refroidit essentiellement en évaporant l'équation de Boltzmann de la physique des états excités. Enfin, citons les techni­ statistique et bien sûr adaptées au milieu des particules durant tout le trajet condui­ ques de calorimétrie qui impliquent de sant à la scission. L'énergie d'excitation à nucléaire. Ces calculs ont ainsi montré mesurer tous les canaux possibles de qu'un minimum de 3 collisions successi­ la scission est de l'ordre de 60 MeV quelle désexcitation du noyau chaud formé que soit la température de départ! De ves pour chaque nucléon du noyau était (émission de neutrons, particules char­ nécessaire pour que s'établisse un équili­ telles données ont permis de préciser un gées légères et fragments plus lourds) ; -20 bre thermique au sein du système, ce qui temps de préscission de 10 sec, indé­ l'énergie d'excitation primaire est alors pendant de la température initiale du correspond à un temps minimum proche déduite de la connaissance de l'énergie de 5.10~23 à 10-22 sec. Ceci pose le système, 100 fois plus lent que le temps totale emportée dans ces différents caractéristique d'émission d'un neutron problème du découplage nécessaire entre canaux [8]. De telles mesures impliquent la voie d'entrée et de sortie. 11 est aisé de par un noyau chauffé à 5 MeV ! Cela met à l'utilisation de détecteurs à très grand mal une description statistique du proces­ montrer, par exemple, que si un noyau angle solide, proche de 4 it ; deux d'entre chaud de plomb est formé à une tempé­ sus de fission par le modèle statistique eux, utilisés au GANIL (voir photo de standard alors qu'une description cor­ rature de l'ordre de 6 MeV, le temps couverture), ORION pour les neutrons et caractéristique pour l'évaporation d'un recte a été obtenue en introduisant expli­ INDRA, un nouveau détecteur très citement la dynamique dans la compéti­ neutron par celui-ci est de l'ordre de sophistiqué pour la détection des produits 22 tion fission-évaporation de particules [11, 10~ sec, proche du temps caractéristi­ chargés, dont l'efficacité de détection est que pour la thermalisation du noyau. On 12]. Le résultat le plus important est que la proche de 90% pour l'ensemble des constance de la durée du processus de ne peut plus découpler la voie d'entrée et canaux. la voie de sortie, ce qui bien sûr est fission est une preuve que la viscosité de la contraire au principe d'indépendance de La place manque pour donner ici une matière nucléaire n'augmente pas avec la Bohr [7]. Cette limite en T est bien sûr description exhaustive de ce champ de température. Puisque la fission est un directement liée à la méthode utilisée physique. Dans la suite de cet article, je processus lent, une autre conséquence (collision d'ions lourds) et non à la valeur paradoxale est que de hautes températu­ res stabilisent les noyaux de très haut spin réelle de Tcrit que peut supporter un noyau (voir plus loin, calculs statiques). vis-à-vis de la fission. De fait, des noyaux lourds avec des spins aussi élevés que 75 h Comment caractériser un tel noyau ont ainsi pu être mis en évidence [13]. chaud? Idéalement, il faudrait déterminer simultanément l'énergie d'excitation, la Nous avons mentionné précédemment température, le moment angulaire, la que la motivation première était de forme et la densité d'un tel objet, ce qui connaître la limite en température pour est hors de portée des expérimentateurs. l'existence d'un noyau. La figure 2 montre Cependant, l'utilisation de détecteurs de l'énergie maximum observée expérimen­ plus en plus sophistiqués permet aujour­ talement en fonction de la masse totale du d'hui d'effectuer des séries de mesures système (Mprojectile + Mcible)- Différents précises et fiables. Par exemple, différen­ projectiles ont été utilisés depuis 16O tes méthodes ont ainsi été utilisées pour Masse totale du système jusqu'à l'uranium dans un domaine d'é­ déterminer le dépôt d'énergie dans le nergie allant de 30 à 70 MeV par nucléon. système. On peut citer, entre autres, la Fig. 2. Systématique des énergies d'excitation Si on excepte les systèmes les plus lourds, mesure du moment linéaire transféré, lors atteintes lors de collisions d'ions lourds en fonc­ les valeurs trouvées évoluent de 7 MeV/u tion de la masse du système composite (le faisceau de la collision, du projectile vers la cible. utilisé est indiqué pour chaque point). Ces don­ pour les systèmes très légers jusqu'à 3.5 Les mesures thermométriques sont, nées sont comparées à des calculs statiques MeV/u pour les plus lourds. En terme de quant à elles, corrélées au fait que la utilisant le modèle de la goutte liquide chaude. température, cela correspond à une

6 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 tes observées précédemment reflétaient donc plus l'influence de la dynamique de la collision sur le mécanisme générateur de chaleur. On minimise d'autant plus cet effet de la dynamique qu'on utilise des systèmes symétriques et des énergies incidentes modérées («=30 MeV/u). Quelles sont les voies de désexcitation privilégiées observées selon l'énergie stockée dans le système? Comment le système en équilibre thermique va-t-il évacuer une telle quantité d'énergie? Que peut-il se passer si l'on tente de dépasser cette température "critique"? Un bon exemple de l'évolution des pro­ cessus de désexcitation est donné par la figure 3. Dans cette expérience, la réac­ tion Pb + Au a été étudiée avec un projec­ tile Pb d'énergie cinétique de 6 GeV. La violence de la collision, directement liée au paramètre d'impact de la collision, qui détermine l'énergie déposée dans le sys­ tème, était contrôlée par la mesure à l'aide du détecteur 4 it neutrons ORION de la multiplicité totale de neutrons évé­ nement par événement [15]. La distribu­ tion en charge et en énergie cinétique des produits de la réaction, obtenue à l'aide d'un hodoscope de détecteurs Si et ICs, est présentée sur la figure 3, filtrée par

différentes fenêtres en multiplicité Mn de neutrons associée. On observe une évolu­ tion spectaculaire : pour des collisions

"douces" (Mn< 10), ce sont les réactions quasi-élastiques et élastiques qui domi­ nent ; pour des paramètres d'impact intermédiaires, le processus dominant est la fission séquentielle du quasi-projectile ou de la quasi-cible excité ; enfin, pour les collisions les plus violentes, la production de fragments légers devient progressive­ ment dominante et peut être interprétée comme l'apparition d'une "multifrag- mentation" du système. Les deux derniè­ res fenêtres sur la figure correspondent, après correction de l'efficacité du détec­ teur, à une émission moyenne d'au moins 80 neutrons par collision, une valeur égale à l'excès de neutrons (N-Z) du système. Fig. 3. Distribution en charge et en énergie des produits de la réaction Pb + Au à une énergie incidente de Ceci est cohérent avec l'observation lar­

6 GeV en fonction de la multiplicité de neutrons associée Mn (le nombre d'événements est porté sur une gement dominante de fragments légers échelle logarithmique). Le paramètre d'impact est fortement corrélé avecMn. Pour les collisions les plus (pour lesquels N-Z—0). L'énergie d'exci­ violentes (50

La température limite T|im déduite de ces GAN1L de projectiles lourds, tel que le Pb induit sous l'effet d'excitations purement calculs est bien inférieure à la valeur de à une énergie totale de 6 GeV, permet de thermiques, mais aussi de modes collec­ 18 MeV trouvée pour la matière nucléaire convertir en énergie thermique du sys­ tifs de rotation et de compression. Les infinie comme le montre la courbe de la tème une quantité d'énergie considéra­ théories de transport indiquent ainsi qu'a­ figure 2 qui résulte d'un calcul utilisant le ble, supérieure à 2400 MeV lors de colli­ près un stade de chauffage et de compres­ modèle de la goutte liquide chaude et une sions du type Pb + Au ! [15, 16], Le noyau sion, le système évolue vers une phase équation d'état "douce" de la matière semble donc bien plus stable que prévu à d'expansion et atteint de très faibles nucléaire (paramètre de compressibilité un échauffement et le temps de therma- densités nucléaires. II pénètre alors dans de 200 MeV) [14]. L'instabilité d'un noyau lisation est extrêmement court. Les limi­ une zone d'instabilité, de compression

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 7 négative (la zone spinodale du diagramme sur la nature séquentielle ou prompte de 5. E. Suraud, Proceedings of the XXV111 Inter­ de phase de la matière nucléaire) ; les l'émission de fragments [17-19]. De nou­ national Winter School in Nuciear Physics, fluctuations de densités croissent alors velles approches concernent, par exem­ Bormio (Italie), Ed by l. lori (1990) p. 190. très rapidement et conduisent à la multi- ple, le devenir de certains modes d'exci­ 6. G.F. Bertsch et S. Das. Gupta, Phys. Rep. 160 (1988) 189. fragmentation du système. Une signature tations collectives à hautes températures 7. D. Brink, Nucl. Phys. A519 (1990) 3c. non ambiguë d'un tel processus est acti­ tel que les résonances géantes ; la dispa­ 8. D.X. Jiang et al, Nucl. Phys. A503 (1989) vement recherchée, l'une des difficultés rition de la résonance géante dipolaire 560. étant de montrer clairement que la pro­ pourrait ainsi signer la température limite 9. D. Hilscher, Preprint HMI-92-P2, soumis aux duction de ces nombreux "débris" du d'un noyau [20]. De nouvelles méthodes Annales de Physique, Fr. noyau initial a un caractère prompt et ne d'analyse sont également développées, 10. W.U. Schröder et J.R. Huizenga, Nucl. résulte pas simplement d'un processus de basées, par exemple, sur des modèles de Phys. A502 (1989) 437c. désexcitation séquentielle du noyau percolation ou d'intermittence [21, 22]. 11. D. Hilscher et al, Phys. Rev. Lett, 62 (1989) 1099. chaud initial par un mécanisme thermi­ Enfin, des approches dynamiques [23] qui 12. H. Delagrange et al, Z. Phys. A323 (1986) que d'évaporation relativement conven­ dépassent le cadre restreint du champ 437. tionnel. Ceci justifie pleinement la mise en moyen et traitent explicitement les fluc­ 13. D. Guerreau, Comptes Rendus de la Confé­ service récente (mars 1993) d'un détec­ tuations devraient permettre d'obtenir rence "Towards a unified picture of Nuciear teur 4 JI très performant tel que INDRA au une description théorique des collisions et Dynamics", Nikko (Japon), 1991, ed Y. Abe, GANIL détecteur qui permettra une de la croissance d'instabilités mécaniques AIP. reconstitution globale de la réaction dans le système • 14. S. Levit et P. Bonche, Nucl. Phys. A437 nucléaire événement par événement. (1985) 426. Mais ceci pourrait faire l'objet d'un autre Daniel Guerreau 15. E. Piasecki et al, Phys. Rev. Lett. 66 (1991) GANIL (1N2P3/CNRS, DSM/CEA) 1291 ; S. Bresson et al, Phys. Lett. 294 (1992) article... BP 4027 33. 14021 Caen Cédex 16. J.F. Lecolley et al, à publier. L'étude de la formation des noyaux 17. J. Richert et P. Wagner, Z. Phys. A330 chauds et de leurs modes de décroissance (1988) 283. est donc un champ d'étude très actuel. Il y Références 18. D.H. Gross, Rep. Prog. Phys. 53 (1990) a 30 ans, personne n'imaginait qu'un 1. E. Suraud et al, Progress in Particle and 605. noyau soit capable de survivre à des Nuciear Physics, 23 (1989) 357. 19. J. Bondorf et al, Nucl. Phys. A444 (1985) températures aussi élevées que 5-7 MeV 2. D. Guerreau, Nuciear Matter and Heavy lon 460. et malgré tout puisse se comporter Collisions, Plenum publishing Corporation, 20. J j. Gaardhoje et A. Maj. Nucl. Phys. A520 comme un objet quantique cohérent. De 1989, p. 187-230. (1990) 575c. 3. H.A. Bethe, Ann. Rev. Nucl. Part. Sci. 38 21. X. Campi, Phys. Lett B208 (1988) 351. telles études sont bien sûr difficiles et de (1988) 1. 22. P. Bozek et al, Nucl. Phys. A539 (1992) nombreuses questions restent ouvertes 4. R.H. Siemssen, Proceedings of the 1989 Int. 693. concernant le devenir de ces noyaux dans Nucl. Phys. Conférence, Sao Paulo, Brasil, 23. G.F. Burgio et al, Phys. Rev. Lett 69 (1992) ces conditions extrêmes, en particulier 1989, World Scientific, p. 569-586. 885.

Les pinces optiques Pression de radiation Introduction (3) Les pinces optiques sont un nouveau Soit une particule transparente de moyen de piégeage et de manipulation de rayon r et d'indice de réfraction n. Le Cette pression de radiation peut être petites particules d'une taille allant de moment dipolaire p induit dans cette utilisée pour former un piège à l'aide de l'atome à la cellule. Cette technique utilise particule par le champ électrique E du deux faisceaux laser gaussiens contra- la pression de radiation exercée sur ces rayonnement (de fréquence f et de nom­ propagatifs focalisés en deux points dis­ objets par un rayon laser afin de les bre d'onde k = 2jtf/c) est : tincts A et B (figure 1). En aval du point A, freiner, les immobiliser et les manipuler. l'intensité du rayon focalisé en A et la Dans ce qui suit, nous allons d'abord (D pression exercée par celui-ci s'affaiblis­ d'écrire le principe de fonctionnement sent alors que celles du rayon focalisé en B des pinces optiques, puis nous aborde­ L'intensité du rayonnement émis par ce croissent. 11 existe ainsi, à mi-chemin rons quelques-unes de leurs applications dipole est : entre A et B, un point d'équilibre stable où en biologie. les pressions s'annulent et où la particule est piégée. Notons que si les axes optiques La lumière qui est une forme d'énergie (2) des rayons focalisés en A et B ne coïnci­ transporte aussi une certaine quantité de dent pas, il existera un couple non-nul sur mouvement (ou impulsion). Lorsqu'elle La particule étant transparente, par la particule piégée, qui peut être ainsi est absorbée (ou émise), la loi de conser­ conservation d'énergie, l'intensité émise mise en rotation. vation de l'impulsion implique que le est égale à l'intensité absorbée (le = la), récepteur (l'émetteur) subit un recul pro­ mais l'émission étant dipolaire, seul le portionnel (et opposé) à l'impulsion du rayonnement incident exerce une pres­ Force due au gradient rayonnement reçu (émis), comme le fusil sion : de champ recule lorsque l'on tire. Un atome qui diffuse la lumière l'absorbe d'abord pour Une méthode de piégeage optique plus la réémettre ensuite en totalité et quasi simple, plus souple et plus spectaculaire, instantanément. L'émission étant dipo­ réalisée en 19861, utilise les gradients de laire, le recul associé est en moyenne nul. champ au point de focalisation d'un seul L'impulsion acquise lors de l'absorption faisceau laser, qui, s'ils sont suffisamment n'est donc pas annulée par l'émission et forts, vont dominer la pression de radia­ l'atome est ainsi "poussé" par le rayon­ tion pour y stabiliser la particule. Cette nement incident. Cette pression de radia­ Fig. 1. Piégeage d'une particule par deux fais­ pression des gradients de champ peut être tion peut être aisément calculée. ceaux laser contra-propagatifs. aisément analysée dans deux limites : si

8 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 les particules sont beaucoup plus petites Leur limite supérieure étant déterminée intracellulaire, myosine pour le muscle) se que la longueur d'onde (limite de diffrac­ par l'intensité optique maximale possible déplaçant sur des "rails" (microtubules tion de Rayleigh) ou si elles sont beaucoup sans endommager l'objet piégé. dans la cellule, fibres d'actine dans le plus grandes que celle-ci (limite de l'opti­ muscle) et puisant leur énergie dans que géométrique et de la diffraction de l'hydrolyse de l'ATP. Des expériences Mie). Nous ne considérerons ici que le Applications biologiques spectaculaires ont été faites3, dans les­ premier cas. La particule diélectrique Les applications biologiques des pinces quelles des petites billes de silice (diamè­ considérée précédemment, de moment optiques en sont à leur début. En effet, ce tre 0.2(xm) recouvertes de kinésine dipolaire induit, p, possède une énergie n'est qu'en 1987, qu'Ashkin et Dziedzic2 étaient micromanipulées pour être po­ électrostatique : e— —p. E/2. En présence ont montré qu'il était possible de piéger sées sur des microtubules attachées à la d'un gradient de champ, il existera donc optiquement des virus et des bactéries surface d'une lamelle de microscope. une force de rappel Fgrad qui tendra à sans les endommager (sans les "optocu- L'addition d'ATP entraîne le mouvement ramener la particule vers l'état d'énergie ter") par les champs très intenses de ces billes (visible au microscope) le long minimale, c'est-à-dire d'intensité optique (~ 100[xW focalisés sur quelques microns) des microtubules. En analysant ce mou­ (champ électro-magnétique) maximale : nécessaires à leur piégeage et manipula­ vement (la vitesse des billes, leur proba­ tion. Pour ceci, l'idéal est d'utiliser un bilité de se détacher spontanément de laser infra-rouge (Nd:YAG à 1.06411m) leur "rail", etc.) en fonction de la quantité (4) dont l'absorption (par le milieu ambiant de carburant (la concentration d'ATP), on ou la bactérie à piéger) est suffisamment peut étudier et caractériser très précisé­ faible pour éviter de trop chauffer celle-ci ment ces "moteurs moléculaires". ou son environnement immédiat. Le fais­ Sans l'ombre d'un doute, le développe­ Pour un faisceau laser gaussien (mode ceau laser est introduit par l'entrée du ment de techniques de micromanipula­ TEMoo) la composante radiale de cette dispositif d'épifluorescence d'un micros­ tion (pinces optiques), de miniaturisation force est dirigée vers l'axe optique et la cope. Focalisé par l'objectif, il permet de mécanique (micro-moteurs) et d'observa­ particule se voit ainsi confinée dans la piéger des particules situées dans le plan tion à l'échelle atomique (microscopie à direction transverse. La particule pourra focal et donc observables simultanément. effet tunnel et à effet de force) vont alors être piégée, si la composante longi­ Leur manipulation se fait en contrôlant le révolutionner nos connaissances de la tudinale de Fgrad est opposée à et plus mouvement du rayon laser dans le plan physico-chimie et de la biologie à l'échelle grande que la pression de radiation, Fdiff. focal, à l'aide de miroirs externes au moléculaire. Comme le prédisait Feyn- La condition sur le gradient de champ microscope. mann4 au début des années soixante : nécessaire au piégeage d'une particule au 2 Ainsi, Ashkin et al. ont réussi à manipuler "There is plenty of room at the bot- point de focalisation d'un seul faisceau une mitochondrie à l'intérieur d'une tom"! laser se traduit alors par une contrainte amibe vivante et à mesurer la force sur l'ouverture numérique minimale de David Bensimon agissant sur l'organelle lors de son trans­ l'optique utilisée pour focaliser le rayon Laboratoire de Physique Statistique, port sur les microtubules du cytosque- ENS, 24, rue Lhomond, 75005 Paris laser. Cette contrainte dépend de l'indice lette. Celle-ci est de l'ordre de 3 pN de réfraction (relatif) de la particule, n. 12 (3 10~ N !). Il est remarquable et quasi­ Ainsi pour des sphères de polystyrène ment magique de pouvoir effectuer ces 1. S. Chu, J.E. Bjorkholm, A. Ashkin and A. Ca­ dans de l'eau (n=1.24), l'ouverture expériences d'une manière totalement ble, Phys. Rev. Lett. 57, 314 (1986). A. Ashkin, numérique doit être supérieure à —0.75. J.M. Dziedzic, J.E. Bjorkholm and S. Chu, Opt. non-invasive sur un micro-organisme En pratique, des optiques d'ouverture Lett. 11, 288 (1986). qui vit et fonctionne normalement durant >1.25 sont utilisées, ce qui a pour effet 2. A. Ashkin and J.M. Dziedzic, Science 235, toute la durée de l'observation ! d'augmenter la résolution des objets 1517 (1987). A. Ashkin, J.M. Dziedzic and observés, mais aussi de réduire la distance L'introduction des techniques de mi­ T. Yamane, Nature 330, 769 (1987). 3. A. Ashkin, K. Schütze, J.M. Dziedzic, U. Eu- d'observation. La taille des objets piégés cromanipulation optique a aussi révolu­ teneuer and M. Schliwa, Nature 348, 346 peut varier entre l'Angström (pour des tionné l'étude des fibres musculaires et (1990). S.M. Block, L.S.B. Goldstein and atomes) et quelques microns (microbilles, des systèmes moteurs des cellules. Ceux- B.J. Schnapp, Nature 348, 348 (1990). cellules, etc.). Quant aux forces mises en ci consistent en molécules "motrices" 4. R.P. Feynmann, Engineering and Science jeu, elles sont de l'ordre du pico-Newton. (kinésine et dynéine dans le transport (1960), cited in Science 254, 1300 (1991). Astrophysique nucléaire avec des faisceaux radioactifs Introduction recevoir une confirmation quantitative. Les données de la physique nucléaire Depuis cette période, l'astrophysique étant parfois absentes, ou incomplètes, nucléaire s'est développée autour des ou sujettes à caution, le dialogue entre L'astrophysique nucléaire est une deux thèmes majeurs suivants : cette discipline et l'astrophysique est science aussi ancienne que la physique nécessaire afin de pallier les lacunes nucléaire. Au début du siècle, Eddington 1. Comment est produite l'énergie formi­ constatées, et que les mesures nécessai­ comprend que la formidable énergie dable nécessaire aux objets stellaires, en res puissent être réalisées. nécessaire pour qu'une étoile ne s'effon­ particulier lors des événements cataclys- dre pas sur elle-même du fait de la miques comme l'explosion des novae ou La combustion gravitation est produite par les réactions supernovae, les sursauts X ou y. thermonucléaires. En 1939, Bethe montre 2. Comment sont synthétisés les élé­ de l'hydrogène que la nucléosynthèse stellaire, c'est- ments naturels dont on peut mesurer à-dire la synthèse des éléments constitu­ l'abondance dans l'Univers, et notre Cycle p-p tifs de l'Univers dans les étoiles, vient de connaissance des processus stellaires La nucléosynthèse génère tous les l'hydrogène initial par une longue série de nous permet-elle de prédire ces abondan­ noyaux depuis l'hydrogène jusqu'à l'ura­ réactions. Mais ce n'est qu'au début des ces à partir des données de la physique nium. Les problèmes rencontrés par l'as­ années 50 que cette théorie commence à nucléaire. trophysique nucléaire pour reproduire

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 9 cette synthèse varient largement d'un une observation crédible. Les problèmes bout à l'autre de la chaîne, et ne sont majeurs posés aux expérimentateurs sont évidemment pas de même nature selon de s'affranchir des bruits de fond d'origine que l'on envisage la synthèse d'un sodium diverse, d'obtenir des cibles très pures, et (A==20) ou d'un uranium (A— 240). Dans résistant à l'érosion du faisceau, des dis­ ce qui suit, nous nous contenterons d'é­ positifs expérimentaux d'efficacité de voquer la synthèse des éléments légers, plus en plus grande... disons jusqu'au silicium. Les premiers modèles d'évolution stel­ La nouvelle demande de laire vont se préoccuper de l'énergétique, c'est-à-dire de vérifier si les cycles de l'astrophysique réactions nucléaires envisagées permet­ Nous avons évoqué rapidement la com­ tent de comprendre comment une étoile bustion d'une étoile pendant plusieurs naît, vit et meurt. Pour produire de l'éner­ millions d'années. En fait, les processus gie en brûlant de l'hydrogène dans une Fig. 7. Le cycle CNO caractéristique de la com­ cataclysmiques tels que novae, superno­ étoile comme le soleil, tout un réseau de bustion de l'hydrogène dans les étoiles massives. vae sont d'une grande importance si l'on réactions est nécessaire : ce sont les cycles Les éléments lourds, C, N, O sont normalement veut décrire la nucléosynthèse de l'Uni­ p-p (cf. figure. 1, Bulletin S.F.P., n° 86, des catalyseurs : il se retrouvent intacts à la fin de la boucle! L'abondance des éléments C, N, O est vers. Dans ces grandes explosions, les p. 25). 11 faut connaître les vitesses de ces conditions de la combustion sont tout à réactions, c'est-à-dire la quantité de com­ une contrainte très forte des modèles d'évolution stellaire. fait différentes. Une supernova de 20 M bustible (l'hydrogène) brûlée par se­ (1 M = la masse de notre soleil), par conde. Cette vitesse de réaction dépend exemple, va en quelques dizaines de de la densité de l'étoile, et aussi d'une secondes précipiter 19 M de matière grandeur : la section efficace de réaction, dant, pour de nombreuses réactions, et, 1 en particulier, pour les masses inférieures dans "l'éther" , dans une explosion c'est-à-dire la probabilité qu'a un noyau A gigantesque où les températures peuvent rencontrant un noyau B à une certaine à 30 — 40 (région du silicium et du calcium), les mesures sont indispensa­ atteindre plusieurs centaines de millions énergie pour donner une réaction et de de degrés, et les densités jusqu'à 1010 kg/ l'énergie. La détermination de ces sec­ bles. Ceci est lié aux propriétés nucléaires 3 des noyaux légers : la densité de niveaux cm ! Les modèles d'évolution stellaire tions efficaces de réaction est l'apanage essayent de reproduire cette explosion, et de la physique nucléaire. dans ces noyaux est trop faible pour pouvoir appliquer les méthodes statisti­ de calculer les quantités de matériau ques utilisées pour les noyaux plus formé, et sa contribution à l'abondance Cycles CNO, Mg-Al... lourds. des éléments dans l'Univers. Rapidement une deuxième exigence Dans ces conditions explosives, de nou­ apparaît. Puisque on sait que toute velles réactions interviennent. Elles font nucléosynthèse des éléments provient Problèmes expérimentaux souvent appel à des éléments radioactifs des étoiles, les modèles d'évolution stel- qui, durant les quelques secondes de laire se doivent de reproduire la courbe liés aux mesures de l'explosion, ont été formés, n'ont pas eu le des abondances des éléments. Par ail­ sections efficaces pour temps de se désintégrer du fait de leur leurs, on se rend rapidement compte que l'astrophysique radioactivité, et qui donnent lieu donc à les éléments plus lourds que l'hydrogène des réactions de fusion avec l'hydrogène ou l'hélium participent aussi à la produc­ Une caractéristique des réactions nu­ (les protons) ou l'hélium de l'étoile en tion d'énergie, comme, bien sûr, à la cléaires dans les conditions stellaires est explosion. Les vitesses de réaction de ces synthèse des éléments. Pendant la com­ qu'elles ont une section efficace très éléments radioactifs peuvent être suffi­ bustion de l'hydrogène, ceci se passe au faible, c'est-à-dire qu'elles sont très peu samment grandes pour que le flux des sein de cycles catalytiques comme le cycle efficaces. Les étoiles compensent cela par réactions qui synthétisent les éléments CNO (figure 1). On voit sur cette figure le temps (notre Soleil brûle son oxygène depuis le carbone jusqu'au fer suive un qu'après avoir accompli toute la boucle depuis 5 milliards d'années) et par la chemin différent de celui suivi par une débutant au carbone, on a en fait trans­ concentration : aux densités stellaires, les série de réactions plus "calmes". noyaux d'hydrogène ou d'hélium suscep­ formé quatre protons (donc de l'hydro­ En conséquence, l'astrophysique nu­ tibles de brûler sont nombreux. Le physi­ gène) en un alpha (donc de l'hélium) et cléaire exige la connaissance de réactions cien dans son laboratoire n'a ni ce temps deux B+, plus de l'énergie. Quand le cycle avec ces éléments radioactifs. Comme ces ni cette concentration. Les mesures sont s'arrêtera par manque d'hydrogène, on réactions sont impliquées dans des pro­ donc effectuées à des énergies beaucoup aura synthétisé les éléments de la boucle cessus à très haute température, l'énergie plus grandes que celles qui correspondent (azote, oxygène...). Cette façon de brûler des particules sera plus grande que dans aux conditions stellaires, et extrapolées l'hydrogène est celle qui prédomine dans les cas d'une combustion calme, et de pour déduire les sections efficaces aux les étoiles massives de masse supérieure à l'ordre de 0.5 à 1 MeV par nucléon. On trois ou quatre fois celle de notre soleil. conditions recherchées. Par exemple, la 14 s'attend donc à des sections efficaces plus réaction de destruction de l'azote N + p D'autres cycles de ce type existent et grandes. Le problème immédiat est celui a été mesurée à une énergie de protons de concernent des noyaux de masse plus de la cible. Si on veut étudier la réaction 200 keV, ce qui correspondrait à une 13 14 élevée. L'évolution au sein de ces cycles N + p 0 + y par exemple, il faudrait température stellaire de 3 milliards de 13 dépend des conditions d'évolution en envoyer des protons sur une cible de N degrés (rappel : le centre du Soleil est température et en pression au sein de de demi-vie 10 minutes, ce qui est impos­ environ à 15 millions de degrés). Si on l'étoile, et ces cycles sont reliés entre eux sible : au bout de quelques minutes, il n'y avait appliqué les conditions expérimen­ 13 par d'autres réactions qui forment ainsi a plus d'atomes de N dans la cible. On tales qui ont permis la mesure à 200 keV un réseau. Pour toutes les réactions de ce peut également envoyer un faisceau réseau, la physique nucléaire doit fournir aux conditions qui règnent dans le Soleil, 14 15 radioactif sur une cible d'hydrogène, et le taux d'événement N + p—> 0 + y eut une vitesse de réaction, donc une section cette voie a été explorée. D'autres voies été de 0.2 coups par an ! (autant dire non efficace qui dépend de l'énergie des par­ ont été prospectées et, en particulier, mesurable). ticules impliquées dans la réaction, et celle qui consiste à examiner la réaction donc de la température de l'étoile. Évidemment, pour que l'extrapolation inverse. En fait, de nombreuses sections effica­ soit le plus fiable possible, les mesures ces sont calculées, car on sait dans quelles doivent se faire aux énergies les plus limites de tels calculs sont fiables. Cepen- basses possibles qui permettent encore 1 au sens ancien du terme, bien sûr!

10 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 ner la section efficace directe. Des mesu­ SPEG res basées sur ce principe ont été réalisées au GAN1L, qui est un grand accélérateur construit en France à Caen pour y réaliser des études de physique nucléaire fonda­ mentale, et aussi au Japon. Le noyau C, qui est d'ailleurs lui aussi en général radioactif, est produit brutalement en cassant les noyaux d'un faisceau primaire sur une première cible. La figure 3 montre le dispositif utilisé au GANIL: les frag­ ments produits sont triés par des aimants en fonction de leur énergie, de leur charge et de leur masse. Les noyaux C ainsi produits sont alors dirigés vers une deuxième cible qui donnera les y équiva­ lents nécessaires à la deuxième réaction, celle qui finalement nous intéresse, la réaction C + y—> A + b. Pour que ces gam- mas équivalents soient efficaces, il faut que le noyau C soit accéléré à une assez grande énergie, de l'ordre de plusieurs Fig. 2. Dispositif de production de faisceau radioactif à Louvain-la-Neuve. Un premier fais­ centaines de MeV. La détection se fait en ceau de protons de 30 MeV et de grande intensité identifiant les particules A et b émises en produit les noyaux radioactifs dans une cible même temps. On mesure l'énergie rela­ primaire. Ces noyaux diffusent le long d'un tube tive des deux fragments A et b, ce qui et pénètrent dans une chambre d'ions. Une fois permet de remonter au processus pri­ ionisés, ils sont injectés dans le deuxième cyclo­ maire A + b^ C + y. tron qui les accélère à l'énergie requise de quelques MeV (d'après une figure de la réfé­ En générant un faisceau de 140 Fig. 3. Dispositif de production d'un faisceau

rence 3). (Ty2 = 71 secondes) à 980 MeV par frag­ radioactif à CAN1L (Caen). Les noyaux d'un mentation d'un faisceau d'oxygène, la premier faisceau de grande énergie (~ 1000MeV) méthode a été appliquée à la réaction sont cassés sur une cible primaire. Les fragments Faisceau radioactif: 14 13 d'énergie et masse correctes sont triés par un 13 0-r-Y-^ N + p, c'est-à-dire la même l'exemple de N aimant ALPHA qui les dévie de 270°, puis ren­ réaction que celle étudiée à Louvain- voyés dans l'aire d'expérience marquée SPEG. la-Neuve avec un faisceau radioactif de La production d'un faisceau radioactif 13 de 13N réussie en 1991 à Louvain-la- N. On remarquera l'énorme différence d'énergie entre les deux faisceaux pour Neuve est l'exemple le plus typique des sique nucléaire, GANIL en France, GSI en progrès réalisés afin de donner à l'astro­ arriver au même type de résultat final. Ceci illustre bien la grande variété des Allemagne, RIKEN au Japon. Les problè­ physique nucléaire des informations fia­ mes restent nombreux, et parmi tous ceux bles sur les sections efficaces impliquant techniques mises en œuvre en astrophy­ sique nucléaire. qui restent encore en suspens, tous ne des noyaux radioactifs. La figure 2 montre seront pas résolus. Mais force est de le principe de la production du faisceau. reconnaître qu'un effort très important Dans un premier cyclotron, un faisceau de est en cours de réalisation, et que le 500 uA de protons de 30 MeV est envoyé Conclusion 13 13 dialogue entre l'Astrophysique et la Phy­ sur une cible de C, et N est produit par 13 13 sique Nucléaire n'a jamais été aussi fruc­ la réaction C (p, n) N. L'azote est un gaz L'astrophysique nucléaire, en fait, de­ tueux • qui diffuse vers une source d'ions qui mandait ces sections efficaces avec produit l'azote ionisé 13N+. Ces ions sont noyaux radioactifs depuis quelques dé­ Le groupe Astro injectés dans un deuxième cyclotron qui cennies. Les progrès des techniques de la CSNSM - Orsay va accélérer les ions 13N jusqu'à une cible physique nucléaire ont permis depuis peu d'hydrogène, en l'occurrence une feuille d'accéder un peu mieux à cette demande. Références de polypropylène (CH2)n- L'intensité du On considère maintenant que la précision En astrophysique nucléaire faisceau était de 50 pA (1 picoam- de la mesure de la vitesse de la réaction 1. An introduction to nuclear astrophysics, père = 10-12A), à une énergie suffisam­ 13N + p est suffisante, en regard des incer­ J. Audouze and S. Vauclair, Geophysics and ment faible pour convenir à l'application titudes liées aux modèles d'évolution stel- astrophysics monographs, vol. 18, 1980, D Rei- astrophysique visée (0.6 MeV par nu­ del Publishing. laires. Ces progrès sont liés aux progrès de 2. Soleils éclatés, Th. Montmerle, N. Prantzos, cléon, soit 7.8 MeV). Depuis ce premier la technologie des accélérateurs, des Édition du CNRS, 1988. succès, l'équipe de Louvain-la-Neuve a sources d'ions, des détecteurs, Ils sont 11 Production d'un faisceau radioactif entrepris de produire des faisceaux de C aussi liés à la mise en route ces dernières 19 3. D. Darquennes et al, Physical Review, C 42 (T1/2 = 20 minutes) et de Ne (T1/2 = 17 se­ années des grandes machines de la phy­ (1990) 804. condes).

Faisceaux radioactifs: Exemple d'une étude en réaction inverse Scuola Normale Superiore (Pisa)

Prenons le cas d'une mesure à effectuer Une bourse post-doctorale Saint-Gobain sur la physique des matériaux désor­ donnés, d'un montant de 27 millions de lires italiennes par an (avec possiblité d'un du type A + b^ C + y. où A est un noyau er radioactif. Il existe une équivalence entre renouvellement pour une deuxième année) est proposée à partir du 1 septembre la mesure de la section efficace de cette 1993 à l'École Normale Supérieure de Pise. Les candidatures doivent être adressées réaction et celle de la réaction inverse avant le 31 mai 1993 au Professeur E. Picasso, Directeur de l'École Normale C+Y^A + b: la connaissance de la sec­ Supérieure de Pise, Piazza dei Cavalieri 7, 56126 Pise (Italie). tion efficace inverse permet de détermi-

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 11 La mesure des forces inter-moléculaires

Introduction Les premières expériences furent réali­ tion d'une force extérieure provoque une sées en Russie sous l'impulsion de E.M. déflexion du ressort qui est en général On assimile souvent les forces intermo­ Lifshitz et B.V. Derjaguin [2],qui, dans les mesurée par une méthode optique. léculaires à la célèbre interaction de Van années cinquante, proposèrent divers dis­ Pour avoir une grande sensibilité, il faut der Waals introduite en 1873 par le positifs de mesure directe de l'attraction choisir un ressort de très faible raideur. physicien hollandais pour expliquer le de Van der Waals entre une sphère de Ainsi, par exemple, avec un capteur opti­ comportement des gaz réels. rayon centimétrique et un plan. La rugo­ que sensible à des déplacements de sité des surfaces étudiées, en verre de On regroupe, en fait, sous ce terme une 0.1 nm l'utilisation d'un ressort de raideur silice poli, limitait la distance d'approche à grande variété d'interactions allant de la égale à 100 N/m donne une sensibilité de 100 nm. La balance qu'ils décrivaient était 8 liaison ionique à la répulsion électrostati­ 10~ N (sensibilité des appareils F.S.A.). cependant perfectionnée ; elle utilisait un que entre surfaces chargées [1]. Pour augmenter cette sensibilité les asservissement magnétique pour la me­ microscopes à force atomique utilisent Ces interactions se rencontrent dans de sure de la force attractive entre les surfa­ des ressorts de raideur égale à 1 N/m et nombreux systèmes. Elles assurent la ces. Ce qui permettait des mesures avec 9 obtiennent ainsi une sensibilité de cohésion des solides et régissent le com­ une grande sensibilité (10- N). La 10-10N. portement macroscopique de nombreux mesure de la distance était effectuée produits de la vie de tous les jours. Elles optiquement de manière indépendante La nécessité de conserver une fré­ sont responsables, par exemple, du com­ en mesurant le diamètre des anneaux de quence de résonance élevée impose de portement rhéologique des encres et des Newton provenant de l'interféromètre diminuer la masse du capteur dans les peintures. Elles conditionnent la stabilité constitué par la sphère et le plan en mêmes proportions. La réalisation de tels des dispersions colloïdales et des émul- interaction avec une précision de 10 nm. 11 capteurs est possible grâce au développe­ sions. Elles engendrent la structure des fallut attendre cependant 1968 pour que ment des nanotechnologies et de la tech­ bicouches lipidiques qui constituent les D. Tabor et R.H. Winterton à Cam­ nique du micro-usinage chimique du sili­ membranes des cellules du monde vivant. bridge [3] appliquent les résultats obte­ cium. Elles sont le moteur des phénomènes de nus par Tolansky et effectuent pour la L'inconvénient majeur de ces capteurs capillarité : l'ascension d'un liquide dans première fois des mesures de force jus­ est lié au phénomène d'instabilité du un capillaire fournit une visualisation qu'au contact moléculaire entre deux ressort lorsqu'il est soumis à un potentiel macroscopique indirecte de leur exis­ surfaces de mica clivé. Ce qui fit faire un attractif. Dès que le gradient de la force tence. progrès considérable à ce sujet de recher­ qui agit sur l'extrémité du ressort devient che malgré un appareil beaucoup plus La sommation de toutes les contribu­ supérieur à sa raideur, il n'est plus possi­ sommaire que celui décrit par l'école tions atome-atome, pour un corps ble de compenser l'action de la force russe. Ce type d'appareillage fut déve­ macroscopique de volume fini, fait attractive par une déformation élastique. loppé ensuite par J.N. Israelachvili et apparaître des forces de surface qui pren­ Pratiquement, lorsqu'une pointe, soli­ utilisé pour mettre en évidence de nou­ dront une importance toute particulière daire d'un ressort, est approchée d'une velles catégories de forces de surface lorsque le rapport surface/volume de­ surface l'attraction de Van der Waals, cela telles que les forces d'hydratation et de vient grand c'est-à-dire dans la physico­ se traduit par un saut de la pointe au structuration [4]. chimie de la matière finement divisée. contact de la surface étudiée privant l'expérimentateur de toute mesure au Devant de tels enjeux, il n'est pas L'activité française dans ce domaine se développe actuellement grâce à la créa­ voisinage immédiat de cette surface. De surprenant qu'une grande activité de plus, l'étalonnage de ce type de ressort recherche, tant expérimentale que théo­ tion du groupe de recherche du CNRS n'est pas aisé ce qui rend les mesures plus rique, se soit développée afin de compren­ " Mesure des forces de surface en milieu qualitatives que quantitatives. dre et de prévoir les comportements liquide" qui a permis le développement macroscopiques, souvent complexes, ob­ de nouveaux appareils. Au Laboratoire de Une autre façon de procéder consiste à servés dans les milieux dispersés. Le but Technologie des Surfaces de l'École Cen­ utiliser, comme capteur de force, une ultime étant la synthèse du système phy­ trale de Lyon, nous avons utilisé l'appareil poutre qui est excitée à sa fréquence de sico-chimique présentant exactement les mis au point par A. Tonck, J.-L. Loubet et résonance. Un tel capteur est sensible au propriétés désirées. J.-M. Georges [5] pour voir les oscillations gradient de la force qui, en modifiant la à courte distance des forces de structura­ compliance du ressort constitué par la La mesure directe de l'interaction entre tion de liquides organiques au voisinage poutre, change la fréquence de réso­ deux atomes isolés nécessiterait l'utilisa­ de surface de mica. Au laboratoire d'Élec- nance. Une mesure de l'amplitude des tion de capteurs sensibles à quelques trochimie des Solides de Besançon, nous 15 vibrations permet donc de mesurer le 10- N. Une telle sensibilité permettrait, avons développé un dispositif de mesure gradient de la force appliquée. Par rapport par exemple, une mesure de l'interaction automatisé utilisé pour l'étude du com­ à la méthode statique, on améliore la de Van der Waals entre deux molécules, portement de polyélectrolytes adsorbés. sensibilité de trois ordres de grandeur. Ce ou bien la mesure de l'élasticité entropi- Récemment, avec le soutien du pro­ capteur permet donc de travailler à des que d'une macromolécule. Actuellement gramme interdisciplinaire ULT1MATECH distances plus grandes et donc de minimi­ de tels capteurs n'existent pas encore ; du CN RS, nous développons le capteur de ser les problèmes dus à l'instabilité du aussi les études sont réalisées en mesu­ force à lévitation magnétique. ressort. rant les interactions entre des solides macroscopiques ce qui a pour effet d'ac­ croître l'intensité des interactions. L'in­ Le convertisseur Le capteur de force à terprétation des mesures se fait au prix lévitation magnétique d'approximations non justifiées, telles force-déplacement que, par exemple, l'additivité des poten­ Les capteurs de force actuels tels que Contrairement aux méthodes précé­ tiels de paire dans le cas de l'interaction de ceux utilisés dans les microscopes à force dentes qui transforment les forces en Van der Waals. La possibilité de pouvoir atomiques (A.F.M.) ou bien dans les appa­ déplacement et qui mesurent celui-ci, effectuer des mesures au niveau molécu­ reils de force de surface (F.S.A.) reposent notre capteur à lévitation magnétique est laire permettrait un test de ces hypothè­ sur la transformation de la force en un un capteur de force intrinsèque. Il mesure ses de calcul. déplacement au moyen d'un ressort. L'ac- directement les forces exercées sur la

12 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 de ce capteur sera donc d'autant plus grande que le poids du système sera plus petit. On aura donc tout avantage à miniaturiser le plus possible le dispositif. La précision du positionnement est aisément mesurée par lecture du signal émis par le capteur de déplacement qui a une sensibilité de 100 V/mm. L'enregis­ trement du signal issu du capteur de déplacement sur une période de 1000 s montre des fluctuations d'amplitude Fig. 1. Schéma de l'A.F.M. à lévitation magnéti­ que. égale à 1 u.V, ce qui correspond à des fluctuations de position de 0.01 nm. Fig. 2. Evolution de la force de Van der Waals. F, sonde qui peut être de forme géométrique entre une pointe de tungstène et une surface de variable (pointe, sphère...) adaptée au Premiers résultats mica en fonction de la distance H. La courbe en problème étudié. trait plein est la prédiction théorique pour un Le principe, schématisé sur la figure 1, C'est avec un tel capteur que nous potentiel d'interaction de Lennard-Jones. avons pu mesurer, de manière continue, est le suivant : Un aimant est placé dans le ser la surface fixe. Ce qui permet une plus champ magnétique produit par une la force de Van der Waals entre une pointe de tungstène et une surface de mica grande amplitude de balayage bobine d'axe vertical. Il est donc soumis à (0.2 mm). une force magnétique, qui pour un fraîchement clivée placées dans l'air (6,7). réglage correct du courant parcourant la Au cours de cette expérience, la surface Les forces transverses qui, au cours du bobine, équilibre très exactement le poids de mica était approchée par en dessous de balayage, vont s'exercer sur l'extrémité apparent de cet aimant. Par construction la pointe en lévitation avec une céramique de la pointe, seront à comparer avec les cet équilibre est radicalement stable c'est- piézo-électrique et l'évolution du courant forces stabilisatrices créées par le poids de à-dire que toute perturbation qui écarte de lévitation enregistrée durant l'appro­ l'aimant et la force magnétique. La rota­ l'aimant de l'axe de la bobine engendre che. La position de la pointe est fournie tion éventuelle de l'aimant en résultant une force magnétique de sens opposé. Par par le capteur de déplacement optique pourra aussi être mesurée, ce qui nous contre cet équilibre est axialement insta­ avec une précision de 0.1 nm. La figure 2 permettra d'obtenir aussi des informa­ ble, et c'est pourquoi il est nécessaire représente les points expérimentaux tions sur les forces de friction. obtenus, comparés avec un modèle de d'utiliser un asservissement. Un capteur L'évolution ultérieure d'une telle tech­ optique, sensible à la position réelle de potentiel de Lennard-Jones. La mesure se fait continûment jusqu'au contact molé­ nique repose sur les possibilités de minia­ l'aimant, pilote l'intensité du courant de turisation de l'aimant en lévitation. On lévitation. Par exemple, si l'aimant, sous culaire. L'écart avec les prédictions théo­ riques pour des distances inférieures à peut songer à la réalisation d'un aimant l'influence d'une perturbation, a ten­ ayant une taille de quelques dizaines de dance à descendre, le capteur augmente 0.3 nm peuvent provenir d'un film mono­ moléculaire d'eau adsorbé sur la surface microns permettant des sensibilités en l'intensité du courant de manière à réta­ _17 de mica. force de 10 N, à condition toutefois blir l'équilibre. Le temps de réponse peut que les propriétés magnétiques de tels être aussi faible que 0.1 ms. objets persistent à ces échelles • Perspectives et conclusion Nous avons donc, à l'équilibre, un Bernard Gauthier-Manuel système composé d'un aimant couplé à Nous développons actuellement un tel Laboratoire d'électrochimie des solides une sonde de mesure occupant une posi­ capteur utilisable en microscopie à force UFR des Sciences et Techniques tion fixe de l'espace, sans contact avec le atomique (A.F.M.) et utilisons un aimant Université de Besançon milieu environnant. La mesure de l'inten­ de dimension millimétrique pesant Route de Gray sité du courant parcourant la bobine nous 510~5N et avons donc une sensibilité de 25030 Besançon Cedex renseigne quantitativement sur la somme 50pN. Une telle sensibilité est suffisante Références de toutes les forces exercées sur le sys­ pour étudier l'interaction de Van der 1. J.N. Israelachvili, " Intermolecular and sur­ tème en lévitation. Ce capteur bénéficie Waals entre une pointe de rayon nanomé- face forces" Academic Press, 1985. donc de tous les avantages d'une trique et une surface. 2. B.V. Derjagin and 14. Abrikosova Disc. Fara­ méthode de zéro. Toute variation de force day Soc. 18 (1954) 33. exercée sur la sonde est mesurée comme Pour ce faire nous pouvons exécuter le 3. R.H.S. Winterton, thèse Cambridge (1968). une variation de l'intensité du courant de balayage de la surface de deux manières 4. J.N. Israelachvili and R.M. Pashley, Nature lévitation. Un étalonnage de cette différentes : 306 (1983) 249-250. balance est facilement réalisé en détermi­ - soit déplacer la surface avec un scanner 5. A. Tonck, J.M. Georges and J.L. Loubet, J. Colloid Interface Sci. 126 (1988) 150. nant le poids P0 du système en lévitation piézo-électrique comme dans les micros­ 6. B. Gauthier-Manuel, Europhys. Lett. 17 par pesée. La sensibilité relative AF/P0 copes A.F.M. actuels; d'un tel capteur est égale à 10-6. Toutes (1992) 195-200. - soit déplacer l'aimant avec un gradient 7. B. Gauthier-Manuel, La Recherche 242 choses égales par ailleurs la sensibilité AF de champ magnétique horizontal et lais- (1992) 492.

(suite de la page 2) NOUVEAUX MEMBRES ADMIS A LA SOCIETE • SANQUER Marc TITULAIRES (suite) DRECAM/SPEC, Saclay STAGIAIRES • SCHWE1ZER Jacques . ALLENO Eric • REY Paul MDN/SPSMS/DRFMC, Grenoble CECM - CNRS DRFMC SESAM - CENG • SIMONET Françoise 94407 Vitry-sur-Seine 38041 Grenoble Cedex CEA/CESTA, 33114 Le Parp • APPERT Cécile • ROCA 1 CABARROCAS • TCHOUBAR Denise Labo. Phys. Statistique, ENS, Paris LP1CM - École Polytechnique CRMD - Univ. Orléans • ARRAULT Jérôme • ROUVIÈRE Claude • VINCENT Éric 53, rue de Pessac, 33000 Bordeaux 18, av. de la Paix, 92170 Vanves Matière condensée, Saclay • BALD1 Pascal • SADOC Jean-François • WOJKIEWICZ Jean-Luc LPMC - UNSA Phys. des Solides, Orsay Mines de Douai 06108 Nice Cedex 2 (Suite page 24)

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 13 ENSEIGNEMENT Plaidoyer pour les "bis"

Quinze étrangers : une Algérienne, une ... et la raison 11 importe donc de garantir aux norma­ Belge, une Espagnole, un Grec, un Ira­ liens étrangers des bourses d'un montant nien, un Luxembourgeois, quatre Rou­ Faire venir en France des étudiants convenable, les mettant à parité avec mains, un Sénégalais, trois Tunisiens et étrangers de premier plan est un investis­ leurs camarades français. un Vietnamien sont sur les bancs de la rue sement modeste, dont les retombées posi­ 11 existe des solutions peu coûteuses. d'Ulm. Onze sont en première année tives à terme sont considérables. Qu'ils D'abord, pour les élèves ressortissants de (pour des promotions annuelles d'environ décident de rester dans notre pays, par la CEE, la mise en conformité rapide des deux cents élèves, lettres et sciences choix ou par nécessité. Ou qu'ils rentrent, textes avec l'Acte unique européen (ce confondues). Reçus aux mêmes concours car, là-bas, ils participeront, tout naturel­ qu'il faudra bien faire de toute façon !), que les Français, mais moins égaux que les lement, au rayonnement intellectuel de la permettrait leur intégration comme élè­ autres, car classés en surnombre avec le France : c'est avec leurs anciens profes­ ves fonctionnaires stagiaires dès le mois qualificatif "bis". seurs, leurs anciens condisciples qu'ils de janvier 1993. Ce terme de " bis " cache une différence auront les meilleures relations scientifi­ Pour les autres, il suffit de créer un choquante : contrairement aux Français, ques. Et c'est en France qu'ils enverront à leur tour leurs étudiants, ou leurs jeunes système de bourses ad hoc, ou encore plus qui sont élèves fonctionnaires stagiaires, 3 simplement, de réserver un certain nom­ avec un salaire net de 7 000 F par mois, les docteurs en stage post-doctoral . bre de bourses du Ministère des affaires étrangers sont dans une situation maté­ D'autres pays, notamment les États- étrangères. La sévérité des critères de rielle précaire, parfois sans même dispo­ Unis ou l'Angleterre, l'ont mieux compris sélection garantit que l'argent sera bien ser d'une bourse! que nous. Le confort de leurs campus, leur employé. La présence d'élèves étrangers rue ouverture internationale, les bourses de L'École Normale Supérieure est favora­ d'Ulm est à tous égards désirable. L'His­ thèse, et le sérieux de leurs critères de ble à une augmentation du nombre de ses toire a montré ce qu'ils pouvaient appor­ sélection représentent un attrait considé­ rable pour les étudiants de partout. élèves étrangers. Un nouveau concours ter à la France : certains choisissent de d'entrée, au niveau de la licence ou de la rester dans notre pays, et font de brillan­ Et, en effet, les étudiants les plus maîtrise, qui a été créé pour diversifier le tes carrières dans l'Université ou au ser­ brillants de tous les pays choisissent leur recrutement, est particulièrement bien vice de l'État ; d'autres rentrent dans leur Université dans une courte liste qui inclut adapté aux candidats qui ne sont pas pays, comme jadis Miron Nicolesco, de la les grandes Universités américaines (Har­ passé par les filières françaises (classes promotion 1925, mathématicien, qui vard, Princeton, Berkeley, MIT, etc.), préparatoires)5. Dès la première année, ce devint président de l'académie roumaine anglaises (Oxford et Cambridge...) mais 1 concours a reçu trois élèves étrangers sur des sciences . plus rarement Paris. Et pourtant, Paris est, un total de huit : tous les trois mathéma­ par ses Universités, ses grands établisse­ ticiens, tous les trois médaillés d'or aux ments et ses instituts de recherche, un des olympiades internationales de mathéma­ Le cœur... tout meilleurs centres. Mais les médiocres tiques. Mais ce premier succès ne sera conditions offertes (accueil, résidences renouvelé que si le problème des bourses Devant l'augmentation du nombre d'é­ universitaires, bourses), bien connues trangers admis cette année à l'ENS, des est résolu. Les dernières informations que internationalement, constituent un re­ nous avons obtenues en janvier 1993 initiatives ont été prises, dans l'urgence, poussoir. pour les aider. Des bourses du gouverne­ nous permettent d'être optimistes. ment français (huit) ont été trouvées, L'École Normale Supérieure de la rue L'ouverture européenne de 1993, la grâce à l'intervention des services cultu­ d'Ulm, parmi d'autres, et en collaboration renaissance des relations avec les pays de rels des ambassades. Mais ces bourses ne avec les Universités, peut contribuer à 4 l'Est de l'Europe, et nos relations tradi­ sont d'un montant suffisant que pour changer cette situation . Son rôle, qui est tionnelles avec les pays francophones quatre d'entre elles. Deux Roumains de former à la recherche une bonne partie mettent l'Université française dans la bénéficient d'une bourse de la fondation des meilleurs étudiants français, s'étend position de jouer un rôle international de Soros. Et des initiatives heureuses, de naturellement à l'accueil d'étudiants premier plan. Mais c'est aujourd'hui qu'il l'association amicale des anciens élèves, étrangers, venus d'Europe ou d'ailleurs. nous faut saisir cette chance • et de l'association des élèves, qui vient de Car il ne suffit pas de fournir un excellent créer une caisse de solidarité (la CSENE), environnement intellectuel. 11 faut aussi Martin Andler ont permis de remédier aux situations les que les conditions matérielles et psycho­ Mathématicien plus difficiles. Mais tout cela est insuffi­ logiques d'une bonne insertion soient Chercheur CNRS sant et précaire2. réunies. à l'École normale supérieure

1. M. Nicolesco se lamentait souvent de l'interruption 3. Grâce au travail de fond mené par la mission 5. De fait il existe deux concours ouverts aux étu­ de la tradition qui amenait des Roumains à l'École scientifique de l'Ambassade de France en Roumanie, diants qui ne sont pas passés par les "taupes". Le Normale ; mort en 1975, il n'a pas vécu assez pour voir nous formons en France, à l'ENS (et dans les Univer­ deuxième concours (concours F/S) accueille des élè­ se renouer, en 1992, ce fil interrompu. sités), une partie des jeunes mathématiciens les plus ves au niveau DEUG ; son écrit est commun avec 2. II existe une autre issue, celle de la naturalisation, brillants de Roumanie. l'E.N.S. de Lyon. Le troisième concours (concours G/S) qui permet d'avoir accès au "statut" si désirable. 4. Les écoles normales supérieures et les universités dont les inscriptions pour l'année 1993 sont ouvertes Mais d'une part, la procédure est longue, et le succès ont des relations de complémentarité : les élèves des du 1er mars 1993 au 16 avril 1993 (J.O. du 30/10/92) non garanti. D'autre part, cette décision doit relever ENS (Ulm, Fontenay-Saint-Cloud, Lyon, Cachan) font est ouvert à des élèves du niveau licence ou maîtrise. du choix individuel, et ne pas être le résultat de la leurs thèses dans les universités. L'admissibilité se fait sur dossier et l'admission après contrainte économique. des interrogations devant un jury.

14 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 VIE ET ORGANISATION SCIENTIFIQUES

La formation vue depuis l'entreprise

C'est coiffé d'une double casquette Les entreprises ne sont pas non-linéarités (en l'occurrence la crise : d'ancien chercheur du CNRS et d'ingé­ tellement demanderesses de nous y sommes). nieur de l'industrie mécanique depuis formation, et leur personnel Cet effet Larsen amène à créer, bien 13 ans que je me permets de livrer ces encore moins. trop tard, des filières bouchées par quelques lignes à la demande de la Société construction : interrogeons-nous sur la Française de Physique. Une enquête interne (sans valeur de Robotique ou la Biophysique : combien de sondage) faite dans une grande entreprise places sur ces créneaux? La question posée était "De quelles a montré que la plupart des ingénieurs et formations l'Entreprise a-t-elle besoin?". techniciens ne souhaitent aucunement se Elle n'est pas tout-à-fait équivalente à la réasseoir sur des bancs d'école ou d'uni­ Personne n'est préparé à question "Quelle formation l'Entreprise versité : tout ce qu'ils demandent, c'est apprendre sur le tas. est-elle prête à payer?" Aujourd'hui, en une solution à leurs problèmes immédiats effet, beaucoup de laboratoires de recher­ ("le logiciel-miracle") ou alors des Se former sur le tas (un tas de quoi, che ont signé des contrats avec l'Indus­ conseils de management, qui leur permet­ d'ailleurs?), c'est d'abord observer les trie, mais cela représente rarement un tront de prétendre à une promotion. choses et interroger les gens, deux choses pactole, alors ces mêmes laboratoires se que l'on n'apprend sûrement pas à l'Ecole sont orientés dans la filière "Formation" Leur logique est claire : si je vais à (sauf peut-être quand on fait de la Recher­ en créant des collèges, des centres de l'école, c'est que j'ai des lacunes techni­ che). transmission des connaissances, etc., l'i­ ques et si j'ai des lacunes techniques, on risque de me remplacer par un jeune au Les cours de Grandes Écoles et d'Uni­ dée étant de profiter des dépenses de versités sont bien rodés, bien au point et formations obligatoires des entreprises. cerveau frais, dispos et bien rempli. Mieux vaut donc éviter de retourner à l'école. polycopiés. Rien de tel sur le tas : les manuels de procédure existent parfois, Y a-t-il un avenir pour ce type de Cette attitude très répandue en France mais où sont-ils au juste? formation couplée à la Recherche? Et que est liée au fait qu'on compte souvent pour dire des formations initiales? chose négligeable le savoir-faire acquis Les problèmes d'examens et de sur le tas et que les services du personnel concours sont impeccablement posés, le Pour tenter de répondre à ces ques­ ne comptabilisent que les diplômes, d'où pire étant de poser un problème où il tions, je voudrais tordre le cou à quelques la course aux formations diplômantes manque une donnée: pensons aux idées reçues. pour les BTS et DUT (filières Fontanet ou angoisses d'un examinateur d'agrégation qui aurait omis de préciser que Decomps). En France, au discours de 2 votre départ en retraite, on rappelle g = 9,81 m/s : comment pourrait-il no­ ter? Et le Conseil d'État? Les entreprises n'ont pas pour encore votre formation initiale. la haute technologie le regard Sur le tas, les problèmes ne sont pas de Chimène. Les Écoles et Universités sont posés ainsi, mais plutôt: "Ce moteur très mal informées casse, on n'a pas la moindre idée d'où ça vient, proposez un programme d'investi­ Et cela pour une raison simple : changer des débouchés des technologies gations". de technologie représente des investisse­ qu'elles enseignent. ments considérables (des milliards de Ce qui manque à nos étudiants et aussi Leur seul canal d'information est sou­ francs couramment) et on hésite avant de à leurs cadets, c'est le temps de se poser vent la presse, plus avide de sensationnel se lancer dans une technologie nouvelle, des questions, de chercher où est le certes, mais pas forcément complètement et d'effets d'annonces que de précisions problème. chiffrées. au point ni industrialisée. Les conseilleurs Je voudrais juste poser une question : à n'étant pas les payeurs, les industriels Anecdote: en 1985, à un congrès de quel âge un étudiant en Physique trouve- préfèrent parfois voir leurs concurrents Robotique, lors du déjeuner, j'ai demandé t-il un résultat que personne n'avait essuyer les plâtres et souvent s'en trou­ au conférencier qui venait de parler (un trouvé avant lui? Entre les livres du vent bien. Quelques exemples : la voiture spécialiste des marchés) sur quelles hypo­ à turbine, le moteur rotatif, les systèmes secondaire où la réponse est en bas de thèses il s'appuyait pour avancer ses l'énoncé, les annales du bac et des experts, la vision artificielle, l'hologra­ chiffres de croissance exponentielle pour phie, l'énergie solaire... concours qui sont vendues corrigées, les les ventes de robots, autrement dit : "Ces contrôles qu'on répète d'année en année, robots qui, selon vous, vont se vendre par les Travaux Pratiques qu'on se refile de Non pas que ces techniques soient milliers dans 10 ans, ils sauront faire mauvaises, mais simplement elles n'ont binôme en binôme, où a-t-on le loisir de se quoi?" Sa réponse m'a interloqué : "Mais poser un problème? En thèse, oui, mais ça pas eu l'extension que des futurologues je ne fais pas d'hypothèses, je vais voir les avaient annoncée parce que, bien sou­ concerne quelle proportion d'étudiants? chefs d'entreprise et je fais des moyennes Pour les autres : dépaysement assuré à vent, il existait une lourde hypothèque sur leurs prédictions". passée sous silence. l'arrivée en entreprise. Bel exemple d'effet Larsen : le chef d'en­ L'Automobile est un sujet de choix pour treprise écoute les médias, qui reprodui­ Chercher de la documentation l'innovation : tous les inventeurs rêvent sent les prédictions des futurologues qui est chose difficile. d'implanter leur idée sur une automobile ; eux-mêmes écoutent les chefs d'entre­ un psychologue saurait sans doute dire prise. La Physique nous enseigne que ce Le catalogue de l'Exposition de Physi­ pourquoi. processus est instable et s'arrête sur des que est un bon outil de travail mais on se

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 15 trouve bien d'avoir en plus son réseau de d'universités ayant pour ambition de for­ entre Physiciens, sans se limiter aux renseignements. Dans une grande entre­ mer aux technologies nouvelles des étu­ grands organismes de recherche : la S.F.P. prise, ce réseau est vital ; la première diants et des ingénieurs en entreprise. pourrait jouer un rôle. Des initiatives sont réaction face à une question est toujours : Beaucoup d'échecs, peu de succès... d'ailleurs en cours en ce sens, "A qui pourrais-je demander?" Une des raisons en est que peu d'ingé­ d) Et puis, bien sûr, la formation par la On n'enseigne pas à collecter la docu­ nieurs d'entreprises françaises, même Recherche... En Taupe, on apprend à mentation : comment pourrait-on le faire parmi les jeunes, sont capables de suivre travailler intensément. En Recherche, on en amphithéâtre? pendant 5 ou 8 heures par jour un cours apprend à se poser des questions et à se en anglais, à moins d'avoir séjourné et donner les moyens de les résoudre... Communiquer est un art qui travaillé ou étudié dans un pays anglo­ Sauf qu'une thèse, ça doit être enca­ s'apprend entre 1 mois et 90 ans. phone : combien? dré, ce qui n'est pas, pas du tout le cas Dans le domaine de la communication, Faut-il être purement pessimiste et pour toutes. J'ai vu des patrons encadrer des langues étrangères, de la maîtrise des négatif? jusqu'à 20 thèses avec combines de prête- noms, etc., et trouver très bien que les réunions, de la gestion, l'offre de forma­ Non : il y aurait des choses à tenter : tion ne manque pas, la demande non plus thésards s'encadrent entre eux. Les industriels ne sont pas forcément du­ d'ailleurs. Ce savoir nourrit un grand a) Apprendre aux étudiants à recueillir pes. nombre d'officines de valeurs inégales. et capitaliser le savoir des autres : l'époque où un étudiant rédigeait le poly­ Là, pas d'autre embarras que celui du Conclure... qu'il serait temps que les copié du professeur était-elle si ar­ choix... professeurs-chercheurs arrêtent la suren­ chaïque? chère entre eux pour savoir qui fera le Sauf quand il s'agit de lire un article b) Apprendre aux professeurs à aller tra­ scientifique, y compris entre les lignes, ou cours le plus prestigieux, le plus à la page. vailler dans les entreprises voir où est Que la formation par la Recherche devrait d'écrire un article sincère : là, ça ne l'état de l'art et ce qu'on y sait et y fait s'apprend que par la pratique. être mieux validée à l'embauche, si elle a vraiment : pourquoi pas des stages de été bien menée. Que la S.F.P. enfin a un vacances pour professeurs quand ils ne rôle fédérateur à jouer • Européaniser la formation est font pas passer d'examens ou de un mythe. concours? Et des années sabbatiques en Jean-Paul Hermann Plusieurs expériences ont eu lieu sous Bureau d'Études? Ça pourrait se négo­ Chef de Service à la Direction les auspices de la C.E.E. pour créer des cier. des Études Renault SA organismes européens, des fédérations c) Créer un vrai réseau de relations Ancien membre du Conseil de la S.F.P.

Fusion froide, suite? Quelques réflexions

L'année 1989 fut riche en événements lie dans l'indifférence quasi générale. Exit L'enthousiasme des pionniers du confi­ dans de nombreux domaines. La physique la fusion froide? nement magnétique avait minimisé de eut sa part. Plus que les mises en service Pas tout à fait. L'histoire des sciences et formidables impasses. Les premières attendues du S.L.C. et du L.E.P., l'an­ des techniques n'est pas un long fleuve expériences mirent en évidence un grave nonce de la "fusion froide" fit quelque tranquille. Elle est riche en querelles, en manque de connaissances fondamenta­ bruit dans les médias. fausses pistes suivies avec acharnement. les. On approfondit donc la physique des La saga de la fusion froide aurait pu n'être plasmas chauds tandis que s'élaborait qu'une péripétie de plus, se déroulant lentement le concept de base du Toko- L'affaire peut tenir en quelques phra­ selon un scénario classique et connue mak : un anneau de plasma immergé dans ses. Le 23 mars 1989, par une conférence seulement d'un cercle restreint de spécia­ une configuration complexe de champ de presse, deux électrochimistes travail­ listes. Pourquoi est-elle sortie de l'obscu­ magnétique. Cette disposition est recon­ lant à l'université d'Utah, M. Fleischmann rité? nue comme adaptée à la réalisation d'un et S. Pons, font état d'une libération réacteur à fusion. Sans que l'on sache si anormale d'énergie dans une cathode en On peut discerner deux raisons majeu­ c'est vraiment la meilleure possible, elle palladium au cours de l'électrolyse de res : la nature du sujet, le rôle des est à l'origine d'une véritable filière : des l'eau lourde. Ils proposent une explication médias. générations successives de machines de par des réactions de fusion nucléaire qui Une source d'énergie abondante, peu plus en plus grosses ont vu le jour jus­ se seraient produites dans l'électrode coûteuse et, ce ne serait pas sa moindre qu'au J.E.T. (Joint European Tokomak) chargée en deutérium. La nouvelle fait la qualité en temps de surenchère écologi­ dont le premier plasma date de 1984. On une et suscite d'abondantes discussions que, "propre"1, est un vieux rêve de sait qu'il faudra passer à la taille au-dessus et de violentes controverses. On réunit l'humanité. Les recherches sur la fusion et prévoir une ou deux étapes pour attein­ une commission pour évaluer l'impor­ contrôlée ont commencé au début des dre les conditions du réacteur : tempéra­ 8 tance de la découverte, si découverte il y années cinquante avec, comme chaque ture de l'ordre de 10 K, produit de la a. L'enjeu (la fusion contrôlée) et la fois qu'une activité nouvelle se déve­ densité ionique par le temps de confine­ 14 3 simplicité des moyens mis en œuvre inci­ loppe, une profusion d'idées brillantes, ment supérieur à 10 cm~ s. On n'a pas tent de nombreux chercheurs à repro­ bien faites pour éblouir le visiteur de la certitude d'aboutir ; tout juste une duire cette expérience. Celle-ci a été l'exposition qui, en 1958, accompagnait la bonne chance. refaite des milliers de fois. Les résultats deuxième conférence de Genève sur les furent désespérément négatifs à part applications pacifiques de l'énergie nu­ Parallèlement, la voie du confinement quelques observations sporadiques de cléaire. Quarante ans et des centaines de inertiel (ou des microexplosions) a été neutrons ou de dégagements de chaleur. millions de dollars plus loin, le bilan explorée à la suite de l'invention du laser. Après une petite année d'agitation apparaît mitigé. En une vingtaine d'années à partir du intense, l'intérêt est bien retombé. De milieu des années soixante, les perfor­ temps à autre, les médias se font l'écho de 1. Peu de pollution de l'atmosphère et des eaux, peu mances des lasers de puissance ont pro­ quelque proclamation récidiviste, accueil­ de déchets, peu de radioactivité. gressé de 5 ordres de grandeur, ce qui est

16 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 en soi une remarquable prouesse techni­ écrite, que nous connaissons tous, est de triel, le Suédois J. Tandberg, qui en 1927, que. Mais le gigantisme de Nova ne le publier un résultat scientifique dans une se vit refuser un brevet pour une inven­ cède en rien à celui des grands Tokomaks. revue spécialisée dont le comité de lecture tion destinée à produire de l'hélium et de Les projets de futurs lasers ou de généra­ apprécie le sérieux et la nouveauté de ce l'énergie par électrolyse de l'eau. L'his­ teurs d'ions lourds mettent en jeu des qui lui est soumis. 11 arrive que des intérêts toire bégayerait-elle? instruments de dimensions encore plus économiques ou politiques ou encore une On a aussi théorisé. Les essais d'inter­ imposantes. certaine idée du prestige d'une institution prétation par des réactions nucléaires de incitent à emprunter parallèlement d'au­ fusion, se heurtent à des difficultés gra­ Aussi bien pour le confinement magné­ tres canaux. Le manuscrit à peine expédié tique que pour le confinement inertiel, ves. Il faudrait admettre l'existence au à l'éditeur, on s'empresse de rédiger un sein de l'électrode en palladium, de l'objectif reste lointain. On parle de l'an­ communiqué à l'attention des agences de née 2050. concentrations locales de noyaux de deu- presse et de convoquer des journalistes. térium à des densités 106 fois supérieures Cette situation est singulière. D'habi­ Alors tout bascule, les projecteurs de à celle du solide, ou alors faire appel à des tude, le succès d'une entreprise technolo­ l'actualité sont braqués. Les auteurs per­ mécanismes totalement nouveaux. Mais gique vient vite. On prétend même que les dent le contrôle de la situation. comment se fait-il qu'on ne détecte pra­ délais se raccourcissent entre la date Une information diffusée par les médias tiquement aucun produit de réaction? d'une découverte et celle de ses applica­ doit aussi valoriser le diffuseur. C'est lui Des trois possibilités (avec leurs probabi­ tions. La fusion nucléaire contrôlée qui juge de l'étendue du public concerné, lités connues autour de quelques dizaines échappe à cette loi non écrite et garde son qui discerne les éléments qui en font un de keV) : image de marque d'aventure à long "scoop", qui décide de l'importance qu'il terme, coûteuse, aléatoire mais qui vaut faut lui accorder et de la manière de la la peine d'être poursuivie. Elle mobilise traiter. Dans ce processus fortement non des effectifs importants autour d'énor­ linéaire, la source joue un rôle modeste. mes installations dont le prix ne peut être L'information arrive à son destinataire la dernière serait majoritaire aux très supporté que par une coopération inter­ souvent maltraitée par amplification ou basses énergies correspondant à la tem­ nationale. En raison de l'ambition et des déformation. pérature ambiante. En vertu de quoi? difficultés du projet, le scientifique et le mystère. Mais on aurait dû trouver l'hé­ citoyen sont particulièrement attentifs Les médias ont besoin de héros. Le lium : absent. aux évolutions des recherches. combat, a priori inégal, de David La cause paraît entendue. Cependant (deux chercheurs sur un coin de paillasse) on ne doit pas exclure la réalité de certains Dans un tel contexte, les efforts d'out­ contre Goliath (de gros centres de recher­ siders ne passent pas inaperçus. excès d'énergie dont l'origine ne serait che employant plusieurs centaines de pas nécessairement nucléaire. Cette rai­ La catalyse par les muons en est un bon personnes autour d'un Tokomak ou d'un son seule suffit à justifier une prolonga­ exemple. Elle procède par rapprochement laser) fait toujours recette. La presse et le tion des recherches même si ce sont des partenaires de la réaction de fusion au public ont un faible pour David. C'est surtout les "vrais croyants" qui s'achar­ sein d'un ion mésique : lorsqu'un muon romantique, c'est généreux et depuis les nent et tiennent congrès (comme à gravite autour de deux noyaux isotopes temps bibliques, c'est quelquefois ga­ Nagoya en 1992). Relayés par les médias, de l'hydrogène, la distance entre ceux-ci gnant. 11 ne faut donc pas s'étonner de ils ne manquent pas de nous tenir au + est 200 fois plus petite que dans l'ion H2 voir les médias continuer de s'intéresser à courant de leurs faits et gestes. Mais ordinaire. Les fonctions d'ondes nucléai­ la fusion froide après que la fièvre soit lorsque nous apprenons que Fleischmann res se recouvrent, autorisant la réaction retombée. et Pons ont été invités à venir travailler à en l'absence de tout effet de température. La communauté scientifique a d'autres Sophia Antipolis dans un laboratoire Les ions mésiques peuvent se former à critères de jugement, non moins biaises il appartenant à une firme privée (Toyota2) l'intérieur de molécules plus complexes est vrai. Une découverte inattendue est et dont l'activité est consacrée au sto­ par une succession d'échanges de charge. accueillie avec un mélange d'intérêt et de ckage de l'hydrogène dans les mousses Des interactions résonantes entre états scepticisme. Ce dernier sentiment l'em­ métalliques, c'est une nouvelle, ce n'est moléculaires favorisent le processus. On a porte lorsque les paradigmes du temps plus un événement. prouvé expérimentalement (au grand sont quelque peu malmenés. 11 peut aller dam des théoriciens qui avaient prévu un jusqu'au rejet pur et simple. Pour qu'il Les réactions à ce qui reste de battage nombre maximum possible beaucoup s'efface il faut deux ingrédients : la confir­ médiatique sont molles. La méfiance est plus faible), qu'un même muon peut mation du résultat et la naissance d'un de règle. Elle ne vaut pas condamnation provoquer 150 réactions lorsqu'il évolue nouveau paradigme. même s'il convient de fustiger les outran­ dans un gaz suffisamment dense. 11 fau­ ces publicitaires. Science et technique drait 250 fusions par muon pour envisa­ Dans le cas de la fusion froide, aucune sont terres d'aventures. Pour avancer, il ger une source d'énergie, mais il reste de confirmation n'est venue malgré une acti­ faut sortir des sentiers battus. Il est rare la marge et les recherches continuent. On vité frénétique dont témoigne le flot que les idées neuves ne soient pas violem­ aura besoin de muons en grandes quan­ impressionnant de rapports et d'articles ment combattues à l'époque où elles sont tités. Ce ne sera ni compact, ni bon sur le sujet publiés en 1989 et 1990. On a émises. Celui qui a vu juste contre une marché. imaginé et mis en pratique d'autres majorité de ses contemporains connaît la méthodes que l'électrolyse pour deutérer notoriété ou la gloire, souvent tardive La fusion froide par électrolyse pré­ du palladium et du titane, vainement. Et voire posthume. Pour celui qui a erré, sente un tout autre caractère. Quelle parmi ceux qui prétendaient avoir détecté c'est au mieux l'oubli, au pire l'exemple économie de moyens ! : deux ou trois quelque chose, certains n'ont pu repro­ cité, parfois ressuscité, des pièges dans chercheurs, du matériel d'usage courant duire leurs propres expériences. lesquels le chercheur risque de tomber. Tel est l'univers impitoyable de la recher­ comme on peut en poser sur n'importe Fouillant le passé, on a fait ressurgir un che • quelle table de laboratoire, le tour de main épisode oublié: en 1926 deux Berlinois, du bon expérimentateur et c'est tout. Un F. Paneth et K. Peters, ayant trouvé des résultat positif obtenu dans ces condi­ Jean-Louis Bobin traces d'hélium dans du palladium hydro­ Université Pierre-et-Marie-Curie tions a bien de quoi interpeller la commu­ géné avaient avancé l'hypothèse d'une Paris nauté scientifique et susciter l'intérêt du transmutation d'hydrogène en hélium, grand public. hypothèse bientôt rétractée quand ils 2. Ce ne serait pas la première fois que des industriels eurent constaté que l'hélium provenait en investissent dans la fusion. En 1970, l'Américain Reste la manière de faire connaître une K. Siegel, employa toute sa fortune à promouvoir la découverte avec l'intervention éventuelle réalité du dégazage du verre de leur fusion inertielle par laser : ce fut le début de l'épopée des médias. La règle déontologique, non appareillage. Ce travail inspira un indus­ de K.M.S.-fusion.

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 17 Jean-Paul Mathieu (1907-1993) La disparition du Professeur Jean-Paul Mathieu a soulevé une émotion profonde au sein de la communauté des physiciens du monde entier. Les plus âgés d'entre nous se rappellent que Jean-Paul Mathieu a présidé aux destinées de notre Société en 1961 et qu'il a assumé cette charge avec la rigueur, la compétence et l'honnêteté qui ont inspiré toute sa vie de grand scientifique et de citoyen. Né à Paris en 1907, Jean-Paul Mathieu a suivi un itinéraire scientifique peu commun. 11 a commencé par poursuivre simultanément des études de physique et de pharmacie. Ayant acquis, grâce à cette double formation, un savoir pratiquement encyclopédique en physique, en chimie et aussi dans les sciences que l'on qualifiait de "sciences naturelles", J.-P. Mathieu ne concevait aucune hiérarchie de valeur entre ces disciplines. Cet esprit de tolérance, dont Jacques Berque dit qu'il est une vertu conquérante, devait conduire J.-P. Mathieu à de brillants succès. C'est à l'Institut Pasteur d'abord, puis au laboratoire de recherches physiques de la Sorbonne qu'il entreprit la préparation d'une thèse sous la direction d'Henri Mouton auquel il tint à rendre hommage toute sa vie. 11 soutint sa thèse sur " le dichroïsme circulaire et quelques applications physicochimiques de ce phénomène " en 1934, devant un jury présidé par Aimé Cotton dont il devint le collaborateur puis l'ami. S'ouvre alors une période où Jean-Paul Mathieu se consacre à l'effet Raman dont la paternité avait échappé, à quelques mois près, à Jean Cabannes. Sa contribution à l'étude de la diffusion Raman dans les cristaux est universellement reconnue et lui vaudra le prix Holweck qu'il recevra en 1956. Elle se concrétise, entre autres, par la publication en 1945 d'un livre qui fait toujours autorité : " Spectres de vibration et symétrie des molécules et des cristaux " dont il rédigera plus tard, en collaboration avec Henri Poulet, une seconde version qui paraîtra en 1976. Nommé professeur à l'Université de Lille, en 1944, puis à la Sorbonne en 1947, J.-P. Mathieu était également un enseignant fervent. Son œuvre est considérable et témoigne de sa vaste culture, de la rigueur de sa pensée et de la primauté qu'il accordait à l'enseignement expérimental. Il faut citer, en particulier, le traité de physique générale et expérimentale en 8 volumes, écrit en collaboration avec Pierre Fleury et le dictionnaire de la physique écrit en collaboration avec Pierre Fleury et Alfred Kastler dont la première édition parut en 1983. Passionné par l'histoire des sciences, il écrira, après sa retraite, plusieurs articles dans lesquels les "lois" de la physique apparaissent bien comme des conquêtes et non comme des vérités révélées. Très sensible aux problèmes de son temps, J.-P. Mathieu s'est engagé avec courage chaque fois qu'il estimait menacées les libertés fondamentales de la personne humaine. Il fut résistant sous l'occupation allemande, membre actif du Comité Audin pendant la guerre d'Algérie, animateur du Comité pour la libération des dissidents soviétiques, secrétaire de l'Association d'aide aux scientifiques réfugiés... L'attention que J.-P. Mathieu portait aux autres s'exerçait tout naturellement lorsqu'il s'agissait de son environnement proche. 11 était toujours présent pour soutenir moralement et matériellement, si cela s'avérait nécessaire, ses chercheurs ou amis en difficulté. Alliant culture scientifique et humanisme, J.-P. Mathieu laisse, par son exemple, une empreinte profonde sur les générations de physiciens qui ont eu le privilège de bénéficier de ses enseignements. André Zarembowitch

Aide à nos collègues de Bosnie La destruction de la Bosnie n'épargne pas les enseignants et les chercheurs de ce pays. La S.F.P. essaie, dans la mesure de ses possibilités, d'aider nos collègues bosniaques. Dans ce but la Commission des Droits de l'Homme de la S.F.P. dispose actuellement d'une somme de 20 000 F. Nous avons tout d'abord entrepris de venir en aide à deux physiciens de Sarajevo de notoriété internationale. Nous disposons également d'une liste d'autres physiciens, universitaires et chercheurs, que nous souhaiterions pouvoir aider. Si vous voulez bien contribuer à l'établissement d'un fonds d'aide à nos collègues bosniaques, veuillez remplir le talon ci-après. Si vous disposez d'informations et de contacts pouvant contribuer à notre effort, veuillez nous les transmettre. Si vous avez la possibilité d'accueillir temporairement dans votre laboratoire ou votre université un scientifique de Bosnie, faites-le nous savoir. Frank Laloë Président de la Commission des Droits de l'Homme de la S.F.P.

Aide à nos collègues de Bosnie Nom - prénom Adresse .

Téléphone Email

Je verse à la S.F.P. la somme de FF pour le fonds de soutien aux physiciens de Bosnie. Joindre un chèque à l'ordre de la S.F.P. et l'envoyer à la S.F.P.-Commission des Droits de l'Homme - 33, rue Croulebarbe, 75013 Paris

Don à la S.F.P. La S.F.P. a reçu le 15 avril 1993 un don de 20 000 F d'un de ses membres qui a tenu à garder l'anonymat. Ce don a été attribué immédiatement à la Commission des Droits de l'Homme de la S.F.P. Que le donateur trouve ici l'expression de nos vifs remerciements. Le Bureau de la S.F.P.

18 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 Lettres de lecteur

Dans la première circulaire du congrès S.F.P. 93, nous avons publié des extraits de la "Lettre des Maîtres de Toulouse " écrite à l'occasion de la création de l'Université de Toulouse en 1229. Nous étions loin de nous attendre à la réaction d'un lecteur du Bulletin (voir ci-dessous). Il ne nous reste qu'à assurer nos collègues et amis que l'Université de Toulouse a beaucoup évolué depuis cette époque lointaine et mouvementée, même si notre ville et notre région représentent toujours, selon une tradition bien ancrée, une chaleureuse terre d'accueil. Sylvie Vauclair

Monsieur le Président, de Toulouse à toutes les écoles qui fleuris­ régimes totalitaires du XXe siècle, au bout sent en d'autres pays " fait en fait partie d'un d'une vie d'homme. Cela est d'autant plus Je me permets d'attirer votre attention plan de reprise en main d'une population qui choquant qu'au début du XIIIe siècle il s'était sur une désinformation, certainement invo­ avait commis le crime d'avoir seulement une instauré dans le comté de Toulouse, des lontaire, qui se trouve dans le numéro 86 du "opinion particulière", ou hérésie, en mœurs telles que l'on peut, sans être exces­ Bulletin de la S.F.P., en page 6. Il s'agit de la matière de croyance religieuse. 11 ne s'agit sif, avancer qu'il commençait à s'y établir un " Lettre des Maîtres de Toulouse à toutes les pas de créer une université, mais une école début de démocratie. écoles qui fleurissent en d'autres pays", de théologie, selon le diktat de Meaux, cette traduite en français moderne. école ayant pour mission d'apprendre à 11 s'agit d'un problème de culture et de "bien penser". D'ailleurs, il n'est même pas mémoire. On parle de nos jours de ne pas Citer cette lettre sans citer dans quelles oublier ce qui s'est passé, il y a cinquante circonstances elle fut envoyée est fort dom­ question d'université dans le texte de la lettre. L'allusion à la libéralité du Comte de ans. Pourquoi oublier ce qui est arrivé aux mageable pour le respect de la vérité. En ancêtres des Français du midi au XIIIe siècle, effet, son expédition eut lieu juste après le Toulouse est parfaitement cynique, car le traité de Meaux lui imposait à la fois la pourquoi oublier les massacres et les traité de Meaux (1229), qui n'était pas autre bûchers érigés au nom d'un certain ordre? chose qu'un diktat imposé par le pouvoir de création de cette école de théologie, ainsi que le versement de 4000 marks d'or pour Les victimes de cette répression et de cet Rome et la royauté française à un pays, le ordre moral étaient bien plus proches de comté de Toulouse ou Occitanie, épuisé par son entretien. Cynique aussi dans le texte, l'allusion à des champs qui ne seraient pas nous que ne le laisserait penser la phrase vingt ans d'une guerre de conquête, entre­ toute faite selon laquelle on ne pourrait prise sous la couverture d'une croisade stériles et incultes, alors que l'Occitanie était entièrement ravagée. Il s'agissait en fait juger de ce qui s'est passé à cette époque contre le "Catharisme". Cet épisode de e d'attirer à Toulouse, même avec les argu­ avec nos conceptions du XX siècle. Ce serait l'histoire du Moyen Âge est plus connu dans absoudre la mémoire des bourreaux, les manuels scolaires sous l'appellation ments les plus bas, des gens du Nord de conventionnelle et fausse de "croisade l'Europe qui étaient réputés avoir été moins 750 ans après. contre les albigeois". Les adeptes cathares, contaminés par le Catharisme que ne l'a­ vaient été ceux du sud de l'Europe. Que ce 11 serait cohérent et juste de redresser c'est-à-dire les purs, étaient en fait des cette désinformation involontaire des lec­ non-violents qui répandaient autour d'eux qui fut initialement une école de théologie conçue pour la répression, soit devenue au teurs du Bulletin S.F.P., en expliquant, une philosophie de bonté et d'entraide. Le même succintement, ce qui s'est passé au fil des ans une université est en soi-même un e traité de Meaux constitua la reddition d'un XIII siècle dans le comté de Toulouse. Le pays épuisé, face à une force militaire tou­ fait encourageant qui devrait nous permet­ tre d'espérer en l'homme. lecteur curieux saura bien s'informer plus jours renouvelée par l'artifice de la croisade, avant*. C'est d'autant plus nécessaire qu'il le croisé étant autorisé à toutes les exactions existe une Commission des Droits de imaginables, par indulgence papale. Après 1229, en Occitanie, fut instauré un l'Homme de la S.F.P., et que l'histoire de l'écrasement des droits de l'homme, même régime inquisitorial et totalitaire, qui durait e Le traité de Meaux fut une œuvre de encore du temps de Voltaire, au moment de au XIII siècle ne doit pas la laisser indiffé­ perfidie de la trop célèbre Blanche de Cas- l'affaire Calas, et qui ne prit fin qu'avec la rente • tille, mère de Saint-Louis. C'est à cette Révolution française. Ceux qui eurent à époque que commença à s'institutionaliser supporter ce régime totalitaire, au XIIIe siè­ Michel Rambaud l'Inquisition, sous l'impulsion des disciples cle, n'eurent pas la chance de le voir dis­ de Saint Dominique. La " Lettre des Maîtres paraître, comme l'eurent les sujets des * Je suis éventuellement à sa disposition.

Monsieur le Rédacteur en chef un ouvrage un raisonnement est "faux", démarche du cours de Berkeley (que les et cher collègue, qu'on "triche" avec les étudiants, il doit en enseignants connaissent bien), "annon­ déduire que cet ouvrage est dangereux ; on çant, dit-il ainsi la relativité". Or, il est bien Publier un ouvrage c'est aussi le livrer à la ne voit pas alors la cohérence logique du connu que le cours de Berkeley s'est doté de critique ; c'est une saine règle du jeu. Tou­ raisonnement qui l'amène à conclure, mal­ la mécanique relativiste avant d'aborder tefois l'exagération de certains termes gré tout, qu'on a là un "très bon livre que l'étude de l'électromagnétisme. Quant à employés peut imposer une mise au point, l'on ne saurait trop recommander à des cette défiance supposé de la profession sans qu'il soit question de polémiquer. étudiants". vis-à-vis des mathématiciens à laquelle par­ Si Pierre Averbuch* considère que dans ticiperaient les auteurs, c'est du pur roman Nous ajouterons uniquement deux re­ fiction • marques. La première concerne la loi de Nicole Hulin * Bulletin S.F.P. 87, déc. 1992, p. 24. l'induction et la suggestion de reprendre la Denise Perrin

Je ne comprend pas bien cette critique. Pourquoi toujours vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain ? Pourquoi exiger toujours une perfection que même le Seigneur ne semble pas avoir vraiment obtenue dans son œuvre de création ? Le livre mentionné est un bon livre, l'"Optique "de Bruhat—même avant modernisation par Kastler— aussi, et cependant il y est écrit que toute série alternée est égale à la moitié de son premier terme ! Comme le livre en question est bon, je l'écris. Comme il y a une erreur— une seule sur tout le bouquin — je l'écris et je ne prend pas de gants diplomatiques pour le faire. On est entre collègues et sur la physique, on ne fait pas de concession. Et les champs magnétiques restent trop paresseux pour travailler; dans tous les cas — y inclus la relaxation des spins — ils ont toujours fait faire le travail pour eux par un champ électrique. Pierre Averbuch

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 19 ANIMATION SCIENTIFIQUE "Walk the talk" : 2 ans d'expérience californienne

"Je construis un plan mais avant cela je donc à un autre objectif et d'autres passe beaucoup de temps à penser et à contraintes que la manip de labo, mais elle regarder par la fenêtre". Iris Murdoch peut être développée d'une manière tout aussi expérimentale. 11 y a un art et une Après deux ans à la barre d'une insti­ science du développement de telles tution atypique comme l'ExpIoratorium, manips et nous y reviendrons dans les il peut être intéressant et utile de se commentaires sur la multispécialité. demander quel est le bilan de ce que l'on a découvert par comparaison avec une L'architecture du lieu, au moins pour expérience française déjà ancienne dans son architecture intérieure, est aussi de le domaine des musées et de la formation nature expérimentale. Disposant histori­ scientifiques. quement d'un immense hangar de 8000 m2 au sol, en forme non rectiligne Je distinguerai trois éléments parmi mais incurvée — comme une banane d'autres qui m'ont particulièrement posée au sol — l'occupation des espaces frappé : le premier a trait à la culture de s'est faite d'une manière progressive, l'expérimental, le deuxième a trait au rôle flexible, sans arrêt modifiable et modifiée. des scientifiques et des artistes et au Le contraire de ce dont rêvent, en général, décloisonnement des spécialités (une les architectes. A comparer, il s'agit plus démarche plus "multispécialité" que d'une sorte de dessin urbain où les élé­ multidisciplinaire), le troisième concerne ments se sont ajoutés d'une manière les relations entre le local et le national, progressive et non planifiée — un peu entre la créativité et le système. Ce der­ L'artiste Ned Kahn mettant au point, dans l'atelier comme dans une ancienne rue de vil­ nier aspect est davantage lié à la réforme de l'ExpIoratorium, un nouvel élément d'exposi­ lage — et où les manips sont conçues en cours de l'enseignement scientifique tion appelé "Cloud Rings" et expérimentant la mobiles, sans garantie de les retrouver au K-12 aux USA. formation de ronds de vapeur par le rejet de même endroit le lendemain matin (à vapeur d'eau au travers du trou central d'un Dans chacun des cas il s'agit d'une disque souple en métal. l'exception d'un beau reste d'un énorme tension — en général fructueuse et créa­ générateur d'électricité à vapeur de plu­ tive — entre processus et produit, spécia­ l'auteur, ayant fini son contrat avec l'Ex­ sieurs tonnes qui a été planté aux confins lisation et travail d'équipe, entre initiati­ pIoratorium, était parti travailler ail­ de l'espace à des fins de conquête quasi ves individuelles et approche globale et leurs. coloniale sur l'espace mitoyen d'un théâ­ systémique. 11 est d'ailleurs probable que tre que l'ExpIoratorium souhaiterait an­ le succès dans ces trois domaines n'est pas Quand on y songe, ce n'est pas loin de la nexer... !). dans la négation, voire la disparition de mise en œuvre d'une"manip de labo", la ces tensions, mais dans leur gestion adé­ différence entre les deux types de manips Dans la rénovation architecturale que quate pour aboutir à des résultats heureu­ étant dans ce qu'on veut démontrer ou nous avons engagée, en investissant sement "toujours recommencés". montrer et dans ce qu'on publie. beaucoup de temps dans la conception initiale travaillée par des équipes compo­ A l'ExpIoratorium, à la différence d'un sées d'architectes, d'architectes paysagis­ L'expérimental labo de recherche, la publication sera la tes, d'architectes de milieux urbains, d'ar­ manip elle-même et il est parfois bien tistes, nous avons recherché le dessin La culture de l'expérimental est à la difficile d'obtenir plus (spécifications d'un nouvel espace qui devrait permettre base de l'activité de l'ExpIoratorium. La techniques, commentaires scientifiques de continuer ultérieurement cette création des éléments d'exposition, de ce ou pédagogiques) en tous les cas après construction de l'espace intérieur une fois que nous appellerons, faute de mieux, des coup, car avant le lancement, la recherche la structure achevée. C'est d'un espace " manips de musées " est toujours réalisée d'argent oblige, bien sûr, à décrire le semi-fini, d'un espace ouvert et flexible sous forme prototypique. Je ne connais produit, au moins tel qu'on l'imagine, ce dont nous avons besoin: une aventure pas un seul contre-exemple parmi les qui ne correspond pas nécessairement à passionnante et parfois dérangeante pour 650 manips qui sont actuellement sur le ce qui sera réalisé. nos amis architectes. "floor" de l'ExpIoratorium. Elles sont La manip de labo sert en général à toutes nées dans les ateliers visibles de L'expérimental est aussi à la base de ce rechercher l'existence (ou la non-exis­ l'espace public. Elles ont toutes été que nous offrons au visiteur ou, plus tence) d'un phénomène et les grandeurs essayées sur un coin de table, ou de sol, précisément, ce type d'expérience qui caractéristiques qui lui sont liées, en prototypées en quelques jours, semaines permet au visiteur une exploration des s'appuyant sur un réseau d'idées, de ou mois, mises à la disposition du public phénomènes. Cette exploration crée chez concepts, d'hypothèses et de tentatives pour essai technique autant que pédago­ lui un élan de curiosité et d'étonnement expérimentales préexistantes. gique, rectifiées, corrigées, bricolées, qui le propage tout au long de la visite au signalées pendant les premières semaines La manip de musée, en revanche, est un rythme et selon des itinéraires propres à d'apparition publique, jusqu'à rejoindre outil d'exploration et d'apprentissage qui chacun. C'est bien d'une démarche expé­ le gros des troupes des autres "exhibits" doit permettre à ceux qui ne l'ont pas rimentale de l'apprentissage qu'il s'agit, dès lors que la maintenance s'avérait réalisée d'explorer le phénomène d'une expérience au sens fort dont la raisonnable, la surprise et l'étonnement concerné, de s'interroger sur lui, de s'en­ dynamique pour la personne est beau­ des visiteurs étaient démontrés, que la richir d'une expérience nouvelle qui vien­ coup plus importante que la conclusion. lassitude du concepteur commençait à dra soutenir les explorations et explica­ Expérimentale enfin est la démarche que poindre, ou tout simplement, parce que tions futures. La manip de musée répond nous proposons aux enseignants qui vien-

20 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 jeu complet de manips qui décalque tota­ L'Exploratorium en bref lement une structure conceptuelle. Cha­ Chiffres et informations que manip, en revanche, sera suffisam­ ment riche et complexe pour pouvoir se Localisation Situé à San Francisco, en bordure du quartier de la Marina et du Parc rattacher à plusieurs pistes conceptuelles. Presidio, dans le bâtiment du Palace of Fine Arts construit en 1915 par Bernard Maybeck. Adresse .- 3601 Lyon Street - San Francisco, CA 94123 - La simple observation de la chute du sable Tél. : 415/563 - 7337 - Fax. 415/561 - 0307. dans une colonne d'eau ne renverra pas Philosophie L'Exploratorium est un musée de science, d'art et de perception humaine uniquement à la loi de Stokes (on se fondé en 1969 par le physicien Frank Oppenheimer, ayant participé au côté gardera d'ailleurs bien d'y faire explicite­ de son frère Robert au projet Manhattan de construction de la première bombe atomique. ment référence) mais à divers phénomè­ L'Exploratorium encourage l'apprentissage individuel au travers de l'ex­ nes d'organisation et de turbulence. périmentation personnelle. Ses programmes et éléments d'exposition sont Les idées de manips proviendront sou­ conçus pour des personnes de tous âges et de tous niveaux éducatifs. vent d'investigations expérimentales ré­ 2 Installation Superficie de 10400 m centes réalisées dans des laboratoires. 650 éléments d'exposition C'est là que l'on voit que le couplage Expositions temporaires Ateliers pour la création et la réparation des éléments d'exposition artiste, artisan, scientifique s'impose. La Laboratoire de biologie simple transposition d'une manip labo est Théâtre, boutique, restaurant quasiment toujours un échec. La concep­ Bibliothèque et learning studio tion et le dessin sont radicalement diffé­ Nombre 1990-1991 1991-1992 rents pour une manip de musée. En effet, de visiteurs 625000 660000 il faut pour celle-ci que le visiteur puisse Éducation 500 professeurs sont formés chaque année par le centre de formation et s'en approcher et découvre par la nature d'apprentissage de l'Exploratorium. même de sa construction le genre d'inter­ 67000 enfants visitent le musée avec leurs classes action qu'il pourra établir avec la manip. 100 élèves de lycées participent au programme des Explainers qui aident les Presser sur le disque souple pour faire visiteurs. sortir du trou central un rouleau de Budget 1990-1991 1991-1992 1992-1993 vapeur d'eau (l'équivalent d'un "smoke 6 980 000 $ 8 953 000 $ 11 200 000 $ ring"), orienter un ventilateur pour Environ la moitié provient des revenus (entrées, ventes d'expositions, de enclencher une extraction d'eau par livres, de consultations pour concevoir de nouveaux musées), l'autre moitié entraînement sous l'effet d'un tourbillon de contributions (2/3 publiques : "grants", 1/3 privées : donations) d'air, faire se déplacer à l'aide d'un petit Personnel L'Exploratorium est une organisation privée à but non lucratif manche à balai la trace lumineuse d'un Professeur Goéry Delacôte, Directeur Général (depuis 1991) segment de molécule de DNA dans un gel 230 employés d'électrophorèse par modification d'un 175 volontaires actifs chaque année champ électrique, appauvrir un liquide en Développement Agrandissement de 10000 à 30000 m2 dans le Parc Presidio voisin pour oxygène pour transformer en faucille un (1991-) créer un campus globule rouge du sang d'un malade Rénovation du bâtiment actuel dans son agencement intérieur atteint d'une anémie falciforme, amplifier Développement des "exhibits" en biologie, en environnement et en cognition par pompage mécanique l'amplitude Création d'un Centre pour les médias et la communication et d'un Institut d'oscillation d'une balançoire (simulant national d'éducation scientifique. ainsi, sans le dire, un amplificateur para­ métrique), etc. Mars 1993 Point ne doit être besoin de ce genre d'explication pour interagir avec la manip. nent travailler avec nous et acceptent chaque fois envie de m'y arrêter de nou­ La barrière de compréhension deviendrait d'être temporairement "déstabilisés" en veau parce que la complexité de ce que je immédiatement insurmontable. vais découvrir sera un élément de plus, se retrouvant dans des situations d'inves­ 11 faut aussi, bien souvent, que le phé­ enrichissant mon stock d'expériences et tigation, d'exploration, d'expérimenta­ nomène puisse se manifester dans des me posant de nouvelles questions. Ainsi tion où le résultat qu'il faut trouver n'est conditions relativement rudimentaires. en est-il pour la majorité des visiteurs, et ne peut souvent être connu à l'avance Ce qui n'est pas le cas pour de très indépendamment de leur formation de car plusieurs réponses, interprétations ou nombreuses manips de labo. dispositifs sont possibles. Prenez comme départ. exemple la construction d'une structure Il faut ensuite que très rapidement, en papier qui doit être capable de suppor­ La multispécialité après action du visiteur, la manip "réa­ ter votre propre poids. gisse" et que sa réaction étonne, sur­ Souvent on me demande: "Mais qui prenne, soit par son côté imprévisible, soit 11 me semble que, en France, nous donc dessine et réalise les manips de ton par son côté contraire à l'intuition (d'où avons parfois plus le sens ou l'exigence musée?" ou, pour ceux tenant un peu l'importance des illusions et du thème de d'atteindre un but, un produit ou un plus de la profession : "Ne rencontres-tu la perception comme celui plus récent de concept. La manip sera davantage dessi­ pas de conflits entre tes scientifiques et la cognition). née au service, comme on dit dans le tes designers?". jargon des designers, d'un propos. Elle Il faut alors faciliter l'exploration par le La réalité est que notre point de départ visiteur seul ou en groupe. En général, sera illustrative dans sa mise en œuvre, est rarement, sinon jamais, un thème dans sa construction, dans sa localisation c'est par l'étonnement et la surprise que le encore moins une discipline. Alors, les visiteur est naturellement conduit à architecturale, un peu comme si le choix se font-ils au hasard? Il s'agit plutôt essayer davantage et, s'il ne vient pas concept était l'indispensable médiateur de domaines : l'art et la science de l'envi­ seul, à en discuter avec d'autres ce qui, en entre le monde réel et chacun des visi­ ronnement, la musique, le son et la per­ fin de compte, est le propre du question­ teurs. ception, la danse du DNA, la rétroaction... nement. L'Exploratorium est un des rares Ce sont là des têtes de chapitres, des titres musées où je ne passe pas à côté d'une ou chapeaux pour nos demandes de finan­ Il faut, enfin, que lorsque la manip est manip en me disant mentalement qu'elle cements (les grants) mais ce qui est laissée à elle-même, elle revienne auto­ n'est que la traduction expérimentale de fondamental reste I'exhibit, la manip et il matiquement dans un état initial (reset) la tel concept, mais en ayant au contraire n'est jamais dit que l'on puisse trouver un rendant accessible au visiteur suivant.

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 21 Groupe d'enfants expérimentant l'élément d'exposition "Meanderings", Autour de l'élément d'exposition : "Fluvial Storm " présentant les effets de représentant les méandres formés par des écoulements d'eau sur une plaque turbulence sur une sphère liquide en rotation, de verre. de gauche à droite : Robert Semper, Brett Chemla, Goéry Delacôte, Hubert Curien. Ces contraintes sont très strictes, ce démarche différente, on passe alors de ami et voisin à l'UCSF), celle des indus­ sont celles du média musée et bien sou­ l'artisanat " labo recherche et développe­ triels par le truchement de plusieurs orga­ vent un scientifique n'en a pas la moindre ment" à la petite industrie. Ceci doit alors nisations et coalitions se donnant comme idée. L'auteur de la manip de musée en se faire le plus souvent avec des partenai­ but de soutenir l'évolution de l'enseigne­ sens inverse, n'a pas nécessairement l'ex­ res appropriés et selon des procédures ment scientifique. pertise détaillée du domaine scientifique éprouvées. C'est d'une autre forme de La méthode repose sur l'idée simple correspondant. 11 faut donc qu'il y ait multispécialité et surtout d'autres moda­ qu'il convient d'abord de définir des équipe, que les scientifiques fournissent lités dont il est alors besoin. objectifs communs et nationaux, avant des références, des exemples et que les peut-être de trop s'acharner sur les auteurs de manips se nourrissent de ces Le système moyens. Or cette idée, qui peut paraître exemples pour concevoir leurs manips qui triviale à nous français et même parfois seront profondément transposées et pas Les États-Unis prennent petit à petit dangereuse quand on connaît le conser­ simplement adaptées. C'est d'une créa­ conscience du besoin de remèdes sérieux face à la crise profonde de leur enseigne­ vatisme de certains de nos programmes tion qu'il s'agit, sur fond de pratique ment élémentaire et secondaire en est quasi iconoclaste outre-Atlantique. scientifique. Je ne cacherai pas qu'il n'est matière de mathématiques et de sciences. Elle s'oppose, en effet, à la tradition qui pas facile d'écrire une "job description" C'est bien sûr sous l'effet de la concur­ consiste à laisser l'éducation sous l'uni­ pour ce genre de talents. Mais on en rence ou de la comparaison avec d'autres que responsabilité des autorités locales. rencontre à l'ExpIoratorium à la fois pays: d'autres, à l'étranger font mieux Cette nouveauté introduit la notion de comme membres permanents du staff ou qu'eux (les comparaisons internationales "standards" ou de références nationales comme artistes en résidence temporaire. sont maintenant légion, quant aux capa­ sur ce qui doit être appris par tous les Quand Pierre-Gilles de Gennes est venu cités comparées des élèves de même jeunes américains, les modes d'enseigne­ nous voir, ne serait-ce qu'une heure, ils se niveau, en Asie, Europe et Amérique du ment et les modes d'évaluation sur les sont régalés de la discussion. Depuis, il y a Nord). Les remèdes dans le passé n'ont 13 ans de l'enseignement général K-12. un proto de manip sur les méandres jamais été à la hauteur du mal. Depuis formés par des écoulements d'eau sur des l'époque du lancement du Sputnik, on a Le grand intérêt de ces standards, qui plaques de verre. Était-ce le sujet de la assisté à des floraisons de projets de ont été publiés en mathématiques et que discussion avec Pierre-Gilles? En partie nouveaux curriculums qui ne parvenaient nous élaborons maintenant en sciences, oui, puisque nous avons parlé du mouil­ pas, malgré la qualité des outils d'accom­ est qu'ils ne ressemblent pas à des pro­ lage. Les manips sont donc conçues en pagnement : livres, films, matériel expéri­ grammes. Ils définissent globalement par général par un auteur principal qui en mental etc. (PSSC, Harvard Project Phy- tranches de trois ans, des savoirs, des discute le but, la forme, avec plusieurs sics, ESS...) à percoler dans le système. savoir-faire, des attitudes, des modalités autres personnes de spécialités diverses, Toute vague de curriculums était suivie, d'enseignements, des modalités de des scientifiques, d'autres concepteurs, dans la logique du "proposez-moi quel­ contrôle qui forment un cadre suffisam­ des graphistes, des informaticiens. C'est que chose de nouveau", d'une autre ment défini pour servir d'outil de négocia­ une démarche d'atelier qui doit être tota­ vague. En même temps, les comparaisons tion pour les autorités locales afin d'obte­ lement décloisonnée. Toute procédure internationales ne cessaient de montrer la nir les ressources nécessaires — y compris rigide tuerait instantanément le proces­ dégradation progressive des résultats de celle d'une formation continue — à leur sus de la création. C'est ce qu'il est difficile l'enseignement secondaire américain. mise en œuvre et un cadre suffisamment de faire comprendre aux organisateurs de ouvert pour que les enseignants qui sont nouveaux musées. Depuis 4 ou 5 ans, en mathématiques, et seront les opérateurs réels de la et 1 ou 2 ans, en sciences, les choses réforme et qui participent à l'élaboration Je crois que l'on rencontre ce genre de commencent à changer. C'est une triple de ces standards, puissent investir leur méthodes et d'ambiance de travail dans prise de conscience qui soutient cet effort, énergie et leur créativité individuellement les bons labos de recherche ou de recher­ cette stratégie. Celle des enseignants au et collectivement en s'adaptant aux élè­ che et développement. Quand les idées sein de leurs associations professionnelles ves et aux circonstances locales. Ces fusent c'est qu'il y a aisance de discussion, en mathématiques et sciences (NCTM, standards sont rédigés en tenant grand décloisonnement des spécialités et pas­ NSTA), celle des scientifiques par le tru­ compte de ce que l'on connaît un peu des sion pour un même objectif. chement de l'Académie des Sciences et du démarches cognitives des élèves, que ce Bien évidemment, le passage du proto­ National Research Council (NRC) son bras soit par l'expérience empirique ou par la type qui marche à la petite série, ce que séculier (de son président actuel Frank recherche sur l'apprentissage des démar­ nous opérons quoditiennement pour des Press et de son nouveau président, le ches et contenus scientifiques à différents musées du monde entier, implique une biochimiste Bruce Alberts qui est notre âges. Jamais l'enseignement des mathé-

22 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 matiques dites modernes n'aurait vu le Participant aux 2 groupes de travail mées (utilisant Quick time) sur un phéno­ jour aux USA comme en France si à nationaux au niveau de l'Académie (l'un mène expérimental, un vortex dans une l'époque on s'était préoccupé de ces promulgant les standards — une sorte de colonne d'eau, une tornade de vapeur questions. Ils tiennent compte aussi des commission Lagarrigue US —, l'autre sur d'eau, cerné de commentaires filmés). évolutions scientifiques récentes et de la définition de la politique de soutien, L'ExpIoratorium assurerait aussi la sen­ choix possibles entre différents modèles avec entre autres Léon Lederman, Ken sibilisation, la formation initiale, la forma­ de curriculums : centrés sur l'explication Wilson, Ken Hoffman et Bruce Alberts), tion continue, la formation à la recherche (science), l'application (science appli­ j'ai proposé de faire évoluer l'ExpIorato­ et développement, le soutien des ensei­ quée), la résolution de problèmes (science rium pour en faire une sorte d'Université gnants, tout au long de leur activité et sociétés), la conception de solutions publique qui assurerait une présence sur professionnelle. (technologie et science), le contexte (his­ le front de l'éducation informelle du toire des sciences). public tout autant que sur celui de la formation initiale et continuée (ce que Conclusion 11 reste à voir comment la promulgation nous faisons déjà) des enseignants de Je suis persuadé que nous avons ainsi des standards en science (avec le délicat mathématiques et de sciences. Car un des besoin d'institutions nouvelles capables équilibre des contenus disciplinaires) et la besoins les plus importants est celui du d'attirer des talents créatifs dans le mise en œuvre progressive au niveau des développement professionnel des ensei­ domaine de l'éducation, servant de base autorités locales, des districts, des états et gnants tant dans les contenus que les logistique et expérimentale à la transfor­ de la nation va s'opérer. La publication de méthodes. mation des pratiques et organisations ces standards est prévue pour 1994. éducatives et ouvertes tout autant aux L'ExpIoratorium deviendrait donc un familles, aux jeunes, aux professeurs, aux lieu de recherche et développement sur la Le danger est que, de levier, ce dispo­ scientifiques, aux artistes et aux cher­ conception et la gestion des outils et sitif devienne carcan, que de caisse de cheurs sur le cognitif. Ce peut être une des environnements d'apprentissage complé­ résonance des énergies locales, il de­ voies pour ouvrir nos sociétés vers une tés par des dispositifs média (par exemple vienne un outil de normalisation. C'est un meilleure compréhension du monde dans un ensemble ordinateur et caméra per­ changement en profondeur pour les lequel elles vivent, qu'elles influencent et mettant de gérer le dialogue autour d'une États-Unis. Cela pourra peut-être nous façonnent et dont elles dépendent • inspirer dans l'assouplissement de nos expérience entre des élèves, des scientifi­ propres programmes. C'est en tous les cas ques, des éducateurs, que nous avons Goéry Delacôte passionnant à suivre de près. réalisée à l'aide de petites vignettes ani­ Directeur Général de l'ExpIoratorium

NDLR : Nous serions très heureux si nos lecteurs nous faisaient part de leurs commentaires et de leurs remarques sur la base de leurs propres expériences.

La médaille Rammal Le Conseil a décidé la création de la médaille Rammal lors de sa réunion du 6 mars 1993. Proposée par Gérard Toulouse, qui fut le parrain de Rammal Rammal au CNRS, elle est destinée à perpétuer la mémoire de ce jeune et brillant savant libanais prématurément disparu. Voici le texte définissant les modalités de désignation annuelle des lauréats qui doivent être appliquées dès 1993.

La médaille Rammal a été créée en 1993 la capacité de la science à surmonter les pays concernés sont tous ceux qui ont un par la Société Française de Physique et la barrières et de favoriser les relations entre littoral méditerranéen, ou qui n'ont que Fondation de l'École Normale Supérieure peuples méditerranéens. des voisins méditerranéens (Portugal). afin d'honorer la mémoire du grand phy­ sicien libanais prématurément disparu Le financement est assuré par un fonds, Rammal Rammal (1951-1991), qui fit en déposé à la Fondation de l'École Normale France ses études supérieures et la Supérieure, dont une partie des revenus Propositions de candidats majeure partie de ses travaux de recher­ est versée chaque année à la Société et composition du jury che. Française de Physique. Le jury est désigné par la Société Fran­ Elle est attribuée annuellement à un çaise de Physique. II comprend les direc­ physicien éminent du pourtour méditer­ teurs des relations internationales de l'A­ ranéen, qui a su par sa vie et ses activités Esprit de cette distinction cadémie des Sciences, du Centre National (recherche fondamentale ou appliquée, La médaille a été créée en souvenir de R. de la Recherche Scientifique, et de l'École enseignement) donner une forme nou­ Rammal. Par esprit de fidélité, et par Normale Supérieure (Paris). Des person­ velle et moderne aux courants d'échange respect pour la famille qui a accepté que nalités extérieures, d'anciens lauréats, scientifique dans cette région du monde, son nom soit donné à cette distinction, il peuvent être appelés à y siéger. Dans sa dont la tradition est ancienne. Le terme de convient de garder en mémoire les élé­ majorité, le jury est formé de membres de "physique" est pris ici dans son sens le ments suivants : R. Rammal fut un savant la S.F.P. ouvert et généreux, attaché au principe plus large, incluant la chimie physique, la II fait appel à tous les membres de la de l'universalité des droits de l'homme. biophysique, les sciences de l'univers, les S.F.P., aux sociétés savantes des pays sciences physiques de l'ingénieur. Le jury veillera à ce que la communauté concernés, aux attachés culturels et La remise des médailles se fait sur un des lauréats, constituée au fil des ans, scientifiques des ambassades et consulats rythme pluriannuel (la périodicité est reflète assez fidèlement la diversité des français, pour effectuer des propositions ajustable), à l'occasion d'une manifesta­ situations et des talents autour de la de candidats méritants, ou pour suggérer tion scientifique importante, de manière à Méditerranée. Un lien du lauréat avec la des noms de personnalités compétentes, réunir en un même lieu plusieurs lauréats France ou la francophonie est vu favora­ susceptibles de faire partie du jury ou de successifs ; c'est ainsi une façon d'illustrer blement, sans être strictement exigé. Les l'aider dans sa tâche • Cirano De Dominicis Claude Sébenne Gérard Toulouse Ancien président de la S.F.P. Secrétaire général de la S.F.P. Département de Physique de l'ENS

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 23 (Suite de la page 13) • CALAS Joseph • DANES1 Philippe STAGIAIRES Univ. Montpellier 11 - GES Mulhouse • BECLIN Franck • CARRE Michel • DAVID Thierry USTL - Villeneuve-d'Ascq LAS1M - Villeurbanne Univ. de Bourgogne - LOS • BRUCKENER . CHEN Weidong . EBENGOU Roger Labo GREMI, Univ. Orléans Villeneuve-d'Ascq Labo Spectrométrie Physique • CAPOEN Bruno . ETIENNE Serge Saint-Martin-d'Hères LSH - Villeneuve-d'Ascq Labo GEMPPM - 1NSA, Villeurbanne • EVEN Jacky • CASSES Patrick • FALLAV1ER Mireille Univ. de Rennes 1 Labo Aérothermique, Meudon 1PN de Lyon - UCB • GIRARD Yann • CLETON François . FREY Michel Univ. Paris 7 - GPS LSPES - Villeneuve-d'Ascq 1BS/LCCP - Grenoble . GIRARD-FRANÇOIS Armelle • DA COSTA Victor . GARRETA Denis LPS - Meudon IPCMS/GS1, Strasbourg SPP/DAPN1A - CE Saclay • HOERNER Claudine • DAHMOUCHE Karim . GAUTIER-SOYER M. GMCM - Rennes DPM - Univ. C. Bernard, Villeurbanne DRECAM/RS/M - CEA - Saclay • MOUNIER Emmanuel • DUPAS Catherine • G1L Bernard Franceville Gabon USTL - LSPES, Villeneuve-d'Ascq GES - Univ. Montpellier 11 • PEN1SSARD Gilles • EL HICHOU Ahmed • GIORGIO Suzanne LPS - Univ. Paris Sud USTL-LSPES - Villeneuve-d'Ascq CRMC2 - CNRS • PETEGN1EF Yolande • F1LAL1 Mohammed . KLISNICK Annie Le Kremlin-Bicêtre GDPC - USTL - Montpellier LSA1 - Univ. Paris-Sud, Orsay . PRULHIERE Frédéric • G1MENEZ Frédéric • KUGEL Godefroy Clermont-Ferrand CRMC2 - Marseille CLOES SUPELEC - Metz . STOLARCZYK Thierry • GOTA Susana • KUNTH Daniel CE de Saclay - DAPN1A - SPP LURE, Orsay Institut d'Astrophysique, Paris • HAJLAOUI Riadh • LE GAL Patrice STAGIAIRES LMN - CNRS, Thiais Marseille • ARNAULT Jean-Charles • ILAKOVAC Vita • L1NGL1N Denis LMP - Poitiers LPS - Univ. Paris Sud, Orsay LAPP - Annecy • BOUBEKER Brahim • 1PPOL1TO Irène . MENAND Alain LMP - Poitiers ESPC1 - PMMH, Paris Labo Microscopie lonique • CANAUD Benoist • LAYADI Nacer Mont-Saint-Aignan Mitry-Mory LP1CM, École Polytechnique . MERCIER Michel • CHARB1T Sylvie . Le BOURHIS Éric 1UT - Montluçon CE Saclay - DAPN1A/SPP LPM/CNRS, Meudon • MOISON Jean-Marie • CHARLES François • LE COINTE Marylise CNET - Bagneux LPNHE - Paris GMCM, Univ. de Rennes 1 . MULLER Pierre • COIC Hervé • M1R1 Adel CRMC2 - CNRS, Marseille Univ. Paris 6-7 LSPES - USTL - CNRS 234 • POCHEAU Alain • COMPTOUR Claudine 59655 Villeneuve-d'Ascq Labo Recherche en Combustion LPC - Clermont-Ferrand • PELLAT Dominique Marseille • CRUZ Alain CNET, Bagneux . RASEEV Gheorghe Marseille • PONS1NET Virginie Labo Photophysique Moléculaire • DAUCHOT Olivier LPMC Collège de France Orsay CE de Saclay - Spec • QUILLIET Catherine • RENAULT Anne • DAVID Laurent LPMC - Collège de France LS.P. - St-Martin-d'Hères SMO/GEMPPM/1NSA • SAGNES Isabelle • ROMAGNAN Jean-Pierre Villeurbanne CNET - CNS, Meylan LPMC-Univ. de Nice • DURAND Olivier • SCHAFFHAUSEN Véronique . ROUBIN Pascale Thomson CSF-LCR, Orsay Institut Laue Langevin Spectrométrie - 1RTF - Marseille • EM1L1AN Dudas Grenoble . SAUVAGE-SIMKiW M. LPTHE Orsay . SOISSON Frédéric LURE - Orsay • FISHER Pierre CE Saclay, DTM/SRMP • SCHNECK Jacques Strasbourg • STANIEK Éric Paris • FONTAINE CARRERE Marielle LSPES, Villeneuve-d'Ascq • SENOUSSI Sadok Marseille • STOCKER Pierre Univ. Paris-Sud - LPS • GODBERT Laurence CRMC2, Marseille • STAMM Roland Marseille • TERKI Ferial P21M - Marseille • IANCU Edmond CRTBT - CNRS, Grenoble . TETOT Robert Phys. Théor. CE Saclay • VERVOORT Louis LCS - Univ. Paris-Sud • JOLY André CRMC2 - CNRS, Marseille • T1GET Michel Angoulême • ZABIEGO Maxime BALZERS SA - Meudon • KERM1CHE Smain DRFC/SPPF • TREGL1A Guy LAL - Orsay St-Paul-L-Durance CRMC2 - CNRS • MALBET Fabien Marseille Observ. de Grenoble Conseil du samedi 6 mars 1993 • V1GNAUD Dominique • MANDRY Rachid UST de Lille IPN de Lyon • MICHEL Anny TITULAIRES Strasbourg • AGUERRE-CHARIOL O. JUNIORS • PFEFFER Nicole Rhône Poulenc - CRA, Aubervilliers • BECOULET Alain LPEM/SPE/DE1N, CEN Saclay . A1CHEL1N J. DRFC/SPPF- CE Cadarache • PICHENOT Grégoire 2, rue de la Houssinière, Nantes • BOUISSOU Pierre LAL - Orsay • BACHET Gérard Labo NI Saturne, CEN Saclay • REULET Bertrand 1MT - Turbulence Plasma, Marseille • BRETENAKER Fabien LPS - Univ. Paris-Sud • BALLUTAUD D. SAGEM - Argenteuil • RIBAYROL Aline LPSB CNRS - Meudon • BUCHNER Matthias GES - Univ. Montpellier 11 • BASTIDE Jacques Labo Photophysique Moléculaire • ROYON Christophe 1CS CRM - Strasbourg Orsay CE Saclay - DAPN1A . BOUDJEMA Fawzi • COHEN-ADDAD Sylvie • UFFLER Jean-François LAPP Théorie - Annecy LPMC - Collège de France Griesheim-Près-Molsheim • BRU Catherine • COTTEVERTE Jean-Charles • V1NCE Jean-Marc 1NSA LPM - Villeurbanne LEQPL - Univ. de Rennes CE de Saclay - Spec

24 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 note de lecture "Gros temps sur la planète", par Jean-Claude Duplessy et Pierre Morel (Éditions Odile Jacob) La querelle sur l'existence d'un "lobby cli­ confiance de leurs pairs au niveau internatio­ récente des climats, les interrogations qui matique " fait rage actuellement : y aurait-il un nal. divisent encore les savants et les craintes groupe de scientifiques qui, à travers le monde, Dans une langue simple mais avec des cartes, raisonnées qu'il nous faut évaluer. attirerait des moyens financiers à l'échelle des des graphiques et cinquante références aux Gros temps sur la planète se lit comme un plus gros ordinateurs en jouant d'une grande articles scientifiques de base, ils nous présen­ roman, celui du combat contre l'ignorance et peur fortement médiatisée du réchauffement tent les mécanismes physiques, chimiques et les peurs viscérales. Il laisse présager qu'à force de la planète? biologiques que peu à peu les scientifiques d'expérimentations, de réflexions et de modé­ découvrent et étudient pour les intégrer dans lisations, nous parviendrons à des conclusions Hervé Le Treut fait le point, en une page de les modèles numériques actuels de l'évolution permettant aux sociétés humaines d'affronter Sciences et Avenir, de décembre 1992. C'est le du climat. les crises à venir et d'éviter le désastre. moment, pour en savoir plus, de lire l'ouvrage de deux spécialistes français, investis de la On y découvrira l'histoire lointaine ou James Hieblot

"Qualitative Methods in Physical, Kinetics and Hydrodynamics", par V.P. Krainov (American Institute of Physics (New York) 1992) Ce livre vise à discuter un certain nombre de nomènes de transport en commençant par la Tel quel ce livre n'est, il faut le reconnaître, phénomènes physiques non pas sous l'angle théorie cinétique des gaz, les gaz faiblement pas très pédagogique et les discussions de des résolutions complètes ou des calculs algé­ ionisés, les plasmas et les propriétés de trans­ chaque sujet sont généralement très brèves : il briques élaborés chers à notre enseignement port des solides. La deuxième partie du livre est est donc préférable d'avoir déjà une bonne traditionnel mais sous celui de l'évaluation des consacrée à la mécanique des fluides qui connaissance des sujets traités pour l'aborder. importances relatives des différents effets phy­ représentent un domaine idéal pour appliquer Son intérêt essentiel est de donner, pour siques intervenant dans un phénomène ce type d'approche : en effet, il est générale­ chaque phénomène, un argument simple per­ donné. ment très difficile d'effectuer des calculs exacts mettant de retrouver la forme du résultat exact et il est donc crucial de déterminer les ordres de que donnera un calcul complet ; la réunion, Certes cette approche n'est pas nouvelle et grandeurs relatifs des nombreux termes dans un même ouvrage, de phénomènes de elle s'est fort heureusement répandue depuis convectifs et diffusifs de transport qui appa­ transport très divers aide par ailleurs à faire plus d'une vingtaine d'années (en particulier, raissent dans ces problèmes. Les sujets abordés apparaître leurs relations. Ce livre intéressera en physique de la matière condensée et à la vont des écoulements de Poiseuille les plus les étudiants comme les enseignants en com­ suite des célèbres "Feynman lectures"). Il est simples au modèle de Kolmogorov de la turbu­ plétant très utilement les manuels plus classi­ cependant rare de rencontrer un ouvrage dont lence en passant par les couches limites et le ques et en donnant une vue alternative des l'objectif avoué et presque unique est d'appli­ transport de la chaleur. On regrettera peut- problèmes : il est heureusement complété par quer cette démarche à une large gamme de être dans cette partie que les arguments des exercices rédigés dans le même esprit. phénomènes : un témoignage évident en est purement dimensionnels soient parfois un peu l'omniprésence du signe ~ remplaçant l'= privilégiés au dépens de calculs d'ordre de habituel dans la plupart des équations. grandeur de différents termes. Les différents types d'ondes acoustiques ou de surface sont Ce livre aborde une large diversité de phé­ ensuite évoqués. Jean-Pierre Hulin

"Science et politique sous le Troisième Reich" par Serge Guérout (Ellipses, Édition Marketing, Paris 1992) Quelles furent les relations entre science et S. Guérout donne une photographie de la plus confiance dans l'invention et l'inventeur politique sous le Troisième Reich et quelle fut communauté scientifique allemande à travers isolés que dans la recherche organisée. l'organisation de la recherche scientifique sous les réactions de quelques personnalités. Il S. Guérout explique que la séparation faite le régime nazi? Quel rôle fut alors assigné à la décrit l'intervention, souvent odieuse et par­ par les scientifiques allemands entre le monde science et aux scientifiques par un Reich qui se fois ridicule, de l'idéologie nazie dans la de la science et le monde politique et le tribut voulait promu à un destin millénaire? C'est à science. Il traite les relations entre pouvoir, payé dans la vie quotidienne à la "doctrine de ces questions que se propose de répondre le industrie et science dans la préparation de la la race", conduisirent souvent les meilleurs à livre de Serge Guérout, conservateur à la guerre, à travers le "plan de quatre ans " lancé des concessions dont ils ne mesuraient pas les Bibliothèque interuniversitaire scientifique de en 1936, puis la conduite de la guerre, l'ère du conséquences ; " Au début du 3e Reich — écrit- Jussieu. Ministre de l'armement Albert Speer (de 1942 à il — par un curieux retour à la situation La science touche d'un côté la culture et les 1945) et le rôle particulier — et terrible — de d'avant-guerre, l'apolitisme redeviendra cou­ intellectuels en général et de l'autre côté les Himmler et de ses SS, disposant de la main- pable et l'on verra des scientifiques éminents armements ; ces derniers étaient d'une d'œuvre des camps. saluer "le renouveau national"... Il reste que extrême importance pour un Etat qui cherchait Dans le dernier chapitre sont discutés les l'illusion du renouveau fut, pour la plupart des à réaliser sa politique de supériorité et de échecs et les succès de la science et de la scientifiques, de courte durée, mettant à nu persécutions raciales ainsi que ses rêves d'ex­ technique allemande sous le Troisième Reich plus profondément une soumission viscérale à pansion nationaliste par des guerres de avec les trois exemples importants que consti­ l'autorité et à la loi, fut-elle celle de Hitler". conquête. tuent la fission nucléaire, les fusées et le Ce livre, dense et lucide, très solidement L'auteurfait d'abord le récit de lamis e au pas radar. documenté et argumenté, intéressera vive­ de quelques institutions scientifiques et tech­ L'auteur souligne, dans ses conclusions, les ment tout lecteur qui cherche à comprendre ce niques. Beaucoup de ceux qui se sentirent obstacles en Allemagne, au cours de cette que fut la politique scientifique et les relations menacés par le régime — après l'incendie du période, au travail en commun à grande entre science et politique en Allemagne entre Reichstag et la "loi de rétablissement de la échelle. Les rivalités entre les différentes 1933 et 1945. fonction publique " du 7 avril 1933 — ou qui ne armes, les différentes institutions, les différen­ purent pas le supporter, décidèrent d'émigrer. tes sphères du régime et entre les hauts Ainsi vingt Prix Nobel (ou futurs Prix Nobel) responsables, sont caractéristiques de la politi­ quittèrent l'Allemagne ou l'Autriche de 1933 à que scientifique sous le Troisième Reich. 1940. Curieusement aussi, les dirigeants nazis eurent Pierre Radvanyi

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 25 VUE DE LA SOCIETE Les Prix de la Société

Le Prix Gentner-Kastler 1993 à Till Kirsten Le Prix Jean Perrin 1992 Till Kirsten, né en 1937, travaille à l'Institut Max Planck de à Bernard Maitte Physique Nucléaire de Heidelberg. 11 a été "principal investigator" Bernard Maitte, né en 1942, directeur dans un programme de la NASA sur l'étude d'échantillons de matière du Centre de Culture Scientifique, Tech­ lunaire. T. Kirsten a joué un rôle majeur dans deux expériences très nique et Industrielle Nord-Pas de Calais - importantes. En 1968, il découvre expérimentalement le premier ALIAS de Lille, cristallographe de forma­ exemple de double radioactivité B ; c'est celle du tellure 130 : par des tion, est l'auteur de nombreux manuels méthodes géochimiques, il recherche et mesure des traces très d'enseignement, de plusieurs livres de faibles de xénon 130 dans du minerai de tellure. C'est également qualité: "La lumière" (Le Seuil 1982), T. Kirsten qui prit l'initiative de lancer une expérience pour détecter " La symétrie aujourd'hui " (Le Seuil 1989) et mesurer les neutrinos solaires provenant de l'embranchement et d'un film: "Anisotropie optique des principal du cycle de réactions de fusion ayant lieu à l'intérieur du milieux cristallins", primé au festival Soleil. 11 proposa d'utiliser une cible de 30 tonnes de gallium et de international du film scientifique de Tou­ détecter environ un atome de germanium créé par jour par les louse en 1982. 11 anime l'Association Lilloise d'Information et neutrinos solaires frappant la cible. 11 constitua une grande collabo­ d'Animation Scientifique depuis sa création et dirige le CCST1 de sa ration, appelée Gallex, réunissant des physiciens allemands, italiens ville avec une ambition, une rigueur et une inventivité qui lui ont valu et français (Saclay, Grenoble et Nice) pour réaliser cette expérience une évidente notoriété bien au-delà de sa région. Il a réalisé plusieurs dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso. Les premiers résultats "valises exploration" originales (symétrie, énergie), l'exposition montrent que le flux de neutrinos est égal aux deux-tiers environ du itinérante "Vision des couleurs " et l'opération " Livre ta science" à flux attendu par les modèles du Soleil • l'intention des enfants et adolescents •

Le Prix IBM Jeunes Chercheurs à Fabien Bretenaker l'Université de Rennes 1, pour ses travaux théoriques et expérimen­ Le Prix IBM Jeunes Chercheurs a été décerné à Fabien Bretenaker, taux sur les propriétés des lasers en anneau et les applications du laboratoire d'électronique quantique, physique des lasers de nouvelles qu'il en a tirées •

Les journées de la Matière Condensée de la S.F.P. Université de Lille (2-4 sept. 92) Ces troisièmes journées se sont déroulées nulle, reste faible ; un effort important reste systèmes de basse dimensionnalité ou de sur le Campus de Villeneuve-d'Ascq. Elles à faire pour les intéresser à nos réunions. dimension non entière (surfaces, matériaux ont regroupé plus de neuf cents physiciens poreux ou en grains). Cette tendance, déjà venant de tous les horizons de la matière Les conférences plénières, trait d'union très forte aux journées de Montpellier, sem­ condensée. Les locaux mis à notre disposi­ entre les différents domaines de la matière ble s'être encore accentuée. Les mini-collo­ tion par l'Université de Lille, plusieurs condensée, ont toutes connu une large ques plus théoriques, tels que "géométrie grands amphis et de nombreuses salles audience et un grand succès : J. Klein a fait en physique" et "systèmes loin de l'équili­ d'une centaine de places dans un même un excellent point sur tous les développe­ bre" ont aussi eu une forte participation. bâtiment, se prêtaient tout à fait bien à la ments récents des microscopies à champ tenue simultanée de conférences semi-plé- proche ; P. Bernier nous a initié aux structu­ Le jeudi soir, une soirée Ch"ti organisée nières ou de mini-colloques. 11 devient diffi­ res des composés de type C60ains i qu'à leurs par nos collègues locaux permettait à tous cile de trouver dans les universités des salles intéressantes propriétés qui, comme il nous les congressistes d'apprécier l'ambiance si pouvant contenir un millier de personnes ; l'a appris, passionnent même la chambre des chaleureuse de la région du Nord. pour les conférences plénières, nos collè­ Lords britannique; enfin P.G. de Gennes nous a fait comprendre avec des arguments L'organisation, rendue difficile par le trop gues lillois avaient résolu le problème en grand nombre de chercheurs s'inscrivant au reliant deux grands amphis grâce aux tech­ simples le comportement des grosses molé­ cules permettant le collage entre deux maté­ dernier moment, a été en tout point parfaite niques audiovisuelles actuelles. Ce système, grâce au dévouement des responsables qui nécessite une période de rodage pour les riaux. Au cours de la discussion, M.C. Blan- din, présidente du Conseil Général du Nord locaux et, en particulier, de M. Foulon qui présidents de séance et les conférenciers, a assurait la coordination. donné satisfaction et devra sans doute être et professeur de physique, a montré com­ réutilisé dans l'avenir si, comme nous l'es­ ment les théories du collage étaient impor­ Ces journées, d'après les différents com­ pérons, le nombre de participants continue à tantes en politique, son parti essayant de mentaires recueillis parmi les participants, augmenter. jouer le rôle d'interface entre deux partis ne semblent pas faire double emploi avec les plus gros ! nombreux colloques nationaux et interna­ tionaux plus spécialisés. Elles permettent En dehors de ces trois séances, les parti­ des rencontres informelles entre chercheurs L'assistance était constituée pour un tiers cipants avaient le choix entre une douzaine de spécialistés et de laboratoires différents. de jeunes chercheurs en cours de thèse. de mini-colloques organisés en parallèles Elle sont souvent la première occasion pour Cette forte fréquentation est due en partie (trente-sept au total) et une dizaine de les jeunes chercheurs de confronter leurs aux nombreuses bourses qui ont été distri­ conférences de spécialité. 11 est difficile de recherches et leurs résultats. buées grâce à la générosité des organismes dégager les faits scientifiques marquants de recherche publics et privés, mais aussi tant les domaines abordés ont été nom­ Les prochaines sont déjà prévues : aux possibilités offertes à ces nouveaux breux. On peut cependant noter l'intérêt Nous vous donnons tous rendez-vous à chercheurs de présenter, souvent pour la croissant des physiciens du solide pour Rennes en septembre 1994 ! • première fois, leur résultats dans les mini­ toutes les nanostructures (puits quantiques, colloques. La participation des physiciens multicouches et films minces magnétiques travaillant dans l'industrie, bien que non ou supraconducteurs, nanograins) et les J. Grilhé

26 Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 Division de Physique Atomique, Moléculaire et Optique Suite à l'élection de novembre 1992, le qu'elle assure son rôle de recommanda­ Quels sont les chapitres de livres s'en nouveau bureau de la division de Physi­ tion. L'action prendra initialement la rapprochant qui existent déjà? que Atomique, Moléculaire et Optique forme d'une enquête concernant les connaissances de base et les moyens de s'est réuni le 5 mars 1993. Le bureau a Quels articles de revue permettent au désigné J.-M. Nunzi (LET1, Saclay) comme PAM. Nous remercions par avance les mieux selon vous l'initiation à un sujet secrétaire et O. Vallée (UFR Sciences, physiciens qui consacreront quelques déterminé de recherche en PAM? Bourges) ainsi que M. Druetta (Labo. TSI, minutes à répondre aux questions ci- St-Etienne) comme secrétaires adjoints. dessous et qui retourneront leurs répon­ ses à "Division de Physique Atomique, Une action de communication a été Moléculaire et Optique". • A propos des moyens liés à l'ensei­ décidée : elle vise d'une part à resserrer gnement et à la recherche en PAM. les liens existant parmi les membres se * A propos d'un livre idéal regroupant Quels logiciels informatiques peuvent reconnaissant dans la division, et d'autre être mis en commun? part à moderniser l'image des disciplines les connaissances de base au niveau de base de la Physique Atomique et Bac + 4-5 en PAM. Moléculaire (PAM). Ceci devrait permet­ Quels chapitres aimeriez-vous y trou­ tre à terme à la division d'identifier cer­ ver? tains axes de recherches innovantes afin

Section locale de Lyon - Saint-Etienne Voilà un peu plus de deux ans que le apporte un réel progrès dans la commu­ Bureau S.F.P. Lyon - St.-Étienne bureau "élargi" de la section locale de nication interétablissements, compte 1993. Lyon-St.-Etienne fonctionne. Nous pou­ tenu de notre diversité géographique. A vons dresser en quelques phrases un bilan titre d'exemple, tout inscrit au serveur Chermette Henry, Président - 1PNL - de son action. A la suite du Congrès de peut connaître les annonces de séminai­ Université Claude Bernard. Lyon, nous avons développé les actions res en même temps qu'il peut communi­ Jal Jean-François, Vice-président - DPM - qui y avaient été initiées — en particulier quer ses propres informations. Université Claude Bernard. vers les jeunes en collaboration avec nos Enfin, notre action la plus récente et la Moine Bernard, Secrétaire - LPCML - collègues de l'UDP. C'est ainsi que plus spectaculaire est le rapprochement Université Claude Bernard. "24 heures de la vie d'un chercheur " ou le avec la section de Grenoble, qui s'est concours "Faites-le vous-même", main­ Bru Catherine, Trésorière - LPM, 1NSA. concrétisé par la création du Bulletin Petit Luc - Laboratoire de Physique - tenant national sous la forme des "Olym­ Rhône-Alpes de Physique, actuelle­ ENSL. piades de Physique ", connaissent un très ment trimestriel, et la tenue en région Bordas Christian - LASIM - Université vif succès puisque, chaque année, environ lyonnaise de l'édition 92 du séminaire Claude Bernard. une centaine de jeunes lycéens viennent Daniel Dautreppe sur le thème des dans nos laboratoires et que 5 groupes de "Agrégats et Nanostructures". Briguet André - LRMN - Université Claude lycéens ont déjà participé aux Olympia­ Bernard. des 92-93 ; d'ores et déjà, 8 à 9 autres sont Bien entendu, tout n'a pas été parfait Carre Michel - LASIM - Université Claude candidats pour la prochaine édition 93- durant cette période. On peut regretter Bernard. 94. Dans le domaine des conférences et notre échec à rallier des industriels ; notre séminaires, le cours de notre collègue stratégie est très certainement à revoir. Étienne Serge - GEMPPM, 1NSA. Iliopoulos connut une affluence record, L'établissement de liens au niveau natio­ Gacon Jean-Claude - LPCML - Université avec une participation remarquée de nos nal et régional avec des sociétés soeurs Claude Bernard. étudiants ; les conférences, en particulier comme la SFO, la SEE plus en contact avec Gagnaire Alain - ECL, Ecully le tissu industriel pourrait être une voie celles communes avec l'UDP, furent par­ llle Bernard - IPNL - Université Claude ticulièrement prisées. efficace. Le renouvellement du bureau élargi avec l'élection d'un certain nombre Bernard. Dans l'organisation de notre section, de jeunes collègues devrait apporter un Ouerdane Youssef - LTSI - Université Jean nous avons mis en place un serveur élan nouveau à l'action future de notre Monnet, Saint-Etienne informatique S.F.P. qui voit son nombre section. d'inscrits augmenter régulièrement. 11 Le bureau sortant

Exposition : La physique en France à travers ses Prix Nobel Cette exposition, conçue et réalisée par le - Gabriel Lipmann PHYSIQUE 93 Ministère de la Recherche et de l'Espace - Jean Perrin La 77e Exposition (DIST et DAI), avec le concours de la - de Physique se S.F.P., est à la disposition de toute per­ - Frédéric et Irène Joliot-Curie tiendra du 5 au sonne souhaitant présenter la physique - Alfred Kastler 8 octobre à Paris, en France: enseignants, chercheurs, - Louis Néel Porte de Versail­ associations... S'adresser à la S.F.P. et - Pierre-Gilles de Gennes (3 panneaux) les. Pour tout ren­ dans des centres de culture scientifique et - Georges Charpak (4 panneaux) seignement, technique. - la communauté des physiciens contacter Gaston - les principaux thèmes de recherche Bruge, Commis­ Elle se compose de 20 panneaux - les grands équipements. saire général, à la 60 X 80, (plastifiés et souples) : Chaque panneau devra être commenté S.F.P. - panneau-titre par un animateur, les textes de l'Exposi­ - Henri Becquerel tion concernant les découvertes de physi­ - Pierre et Marie Curie que pouvant être développés.

Bulletin de la S.F.P. (89) mai 93 27 EDITORIAL

LA RECHERCHE, DANS LES JOURS QUI VIENNENT

La situation actuelle en Russie fait dire au Hongrois Forros que les trois classes défavorisées sont, dans ce pays, les handicapés, les vieillards et les scientifiques. Sans aller à un tel extrême, on peut se poser quelques questions sur la situation en France. Ainsi, avec la forte décroissance de l'activité industrielle depuis octobre dernier, le "marché" industriel des docteurs scientifiques s'est brutalement retourné : de fortement acheteur, à des salaires d'embauche croissant chaque année en termes réels et de plus en plus uniformes entre hommes et femmes, ingénieurs et universitaires, le marché est devenu vendeur, avec un blocage quasi complet du recrutement des grands groupes, partiellement compensé seulement par des recrutements plus nombreux dans les P.M.I. De même, avec l'accroissement spectaculaire des bacheliers (plus d'un français sur deux le devient actuellement), l'Université, qui n'a pas vraiment changé son style de travail, a planifié de forts recrutements d'enseignants pour faire face à l'afflux des nouveaux étudiants. Les départs à la retraite prévisibles avaient aussi augmenté la demande prévisible. Mais, dans le contexte actuel, les besoins exprimés avec le plus de vigueur sont dans les sciences sociales et humaines et dans les techniques plus que dans lés sciences ; et les grandes Universités scientifiques, comme tout ce qu'il'y a de solide en recherche dans les autres Universités, auront de la peine à faire prendre en compte leur survie dans le tintamarre actuel. Enfin, et peut-être surtout, la relève politique en cours peut être l'occasion pour le nouveau gouvernement de chercher à faire des économies sur les deux très gros budgets — enseignement et recherche — où des restrictions ne sont pas immédiatement sensibles à la population. On peut craindre que la conjonction de ces trois facteurs ne conduise à une véritable débâcle de la recherche scientifique française. Je pense au contraire que, si rien n'est gagné, rien n'est perdu non plus! Sur le front universitaire, où les problèmes sont peut-être les plus profonds, les scientifiques devraient, je pense, largement participer à la mise sur pied des formations technologiques courtes qui désengorgeraient les formations plus classiques en offrant à la majorité des bacheliers actuels ce qu'ils attendent vraiment d'une formation supérieure ; ils devraient aussi faire entendre leur voix pour les problèmes de jouvence et la défense des pôles essentiels de la recherche scientifique universitaire. Du côté industriel, on peut attendre que, sous peine de disparaître par évaporation interne, les laboratoires des grands groupes recommencent à recruter des docteurs, à un rythme sans doute plus modeste, dès l'année prochaine. Mais c'est du côté des P.M.l. modernes que l'effort de recrutement doit être tourné. Ce devrait être la tâche prioritaire des bourses de l'emploi de l'Association Bernard Gregory, en liaison locale avec l'ANVAR, mais aussi avec les sections locales de la S.F.P. Enfin le nouveau gouvernement doit prendre en compte la recherche comme un investissement essentiel à long terme. Il est certes hors de propos de lui demander des engagements de croissance rapide du BCRD, du budget des Universités ou du nombre des allocations de recherche. Mais on peut — et on doit — insister sur l'importance de la garantie du maintien dans l'immédiat des budgets actuels et du retour dès les années prochaines à une croissance modérée qui maintienne notre compétitivité internationale. 11 faut aussi le mettre en garde contre la tentation des "fausses fenêtres", comme par exemple la multiplication inconsidérée des postes temporaires de "postdocs" qui perturberait encore davantage le marché des docteurs. Tout ceci n'exclut pas des arbitrages douloureux à l'intérieur de l'enveloppe, mais permettrait une analyse lucide et réaliste de nos forces et de nos faiblesses.

Jacques FRIEDEL 21-03-1993

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