Histoire Du Château De Meudon. Thèse Pour Le Doctorat D'université
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HISTOIRE DU CHÂTEAU DE MEUDON ---r 1 \0 Paul BIVER HISTOIRE DU CHÂTEAU DE MEUDON LES EDITIONS DE LA TOUR GILE est le reprint d'un livre ancien, ce qui explique y Jo/qualité imparfaite de l'impression. FACULTÉ DES LETTRES DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS Histoire du Château de Meudon THÈSE POUR LE DOCTORAT D'UNIVERSITÉ PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PAR Paul BIVER A PARIS JOUVE & Cie, ÉDITEURS 15, RUE RACINE, 15 MCMXXIII - LE CHATEAU DE MEUDON INTRODUCTION Une terrasse colossale, d'où l'on domine le cours de la Seine ; d'anciennes écuries abandonnées, des pans de murs d'une architecture élégante engagés dans le soubas- sement d'un observatoire, les margelles de quelques bassins desséchés, enfin, une orangerie de proportions imposantes, où se retrouvent tous les caractères de la Renaissance italienne : tels sont les seuls vestiges de la résidence princière de Meudon. Rien d'autre ne subsiste de cette grande œuvre d'art commencée à la Renaissance, portée à son apogée au début du XVIII siècle et terminée enfin sous le Premier Empire : le vaste château a disparu, comme ont disparu ses annexes : la grotte du Cardinal de Lorraine, l'Aile des Marronniers et le Château-Neuf du Grand Dauphin ; l'immense parc a été divisé, morcelé ; les jardins sont retour- nés à l'état de nature, ou devenus des terrains de lotisse- ment. C'est une grande perte pour le patrimoine artistique de notre pays : le château de Meudon, chef-d'œuvre du goût français sous toutes ses formes, émerveillerait les yeux des étrangers plus encore à l'heure présente qu'il ne le fit autre- fois, et il offrirait à nos artistes des modèles remarquables. Mais le sort de Meudon a été celui de presque toutes les demeures royales d'Ile-de-France, détruites par la Révolution ou incendiées de 1870 à 1871 : bien peu d'entre elles ont échappé à l'une ou l'autre catastrophe. Au milieu du xvm* siècle, les visiteurs pouvaient, du châ- teau d'issy, embrasser d'un regard Meudon, son Château- Neuf, son Château-Vieux, son Aile des Marronniers ; puis Bellevue. que les plus grands artistes du temps avaient décoré pour Mme de Pompadour ; Saint-Cloud, résidence du duc d'Orléans ; Madrid, et le Château-Neui de Saint-Ger- main, à peine visible à l'horizon. De cette couronne admirable, posée sur les collines de la région parisienne, il ne reste plus un seul fleuron. Même le souvenir de tant de merveilles s'efface chez nos contemporains. Combien parmi eux, lisant sur un catalogue de musée, sur l'estampille d'un meuble, le nom de Meudon ou de Bellevue, songent à ce que furent ces châteaux fameux ? Quelle valeur conserve encore, sur la cimaise où il est exposé tel dessus de porte, jadis en harmonie avec une somptueuse décoration de marbres, de bois dorés et sculptés ? Que signi- fie, séparé de l'ensemble, tel tableau de la suite des « Sièges de Louis XIV », commandés par Louvois à Van der Meulen pour décorer, avec des trophées militaires, la grande galerie de Meudon ? Nous nous proposons, dans la présente étude, de retracer le cadre où vécut une société brillante, et, plus encore, d'ex- poser quelques idées directrices qui ont présidé aux embel- lissements de Meudon. Nous essaierons d'élucider l'origine, restée problématique, du château, de déterminer la part de l'italianisme et de l'art français dans les ensembles créés sous les yeux de François 1 et complétés, un peu plus tard, par un prince de l'Eglise tout imbu d'humanisme. Nous tâche- rons de montrer quelle a été l'influence de Versailles sur Meudon, comment les doctrines classiques ont pu altérer et alourdir un joli édifice de la Renaissance remarquable,jusque- là, par une originalité, fine et nerveuse. Nous verrons com- bien, par contre, a été intéressante l'empreinte personnelle de Louis XIV, et surtout celle de son fils, sur Meudon devenu Maison Royale. Nous nous étendrons longuement sur les travaux exécutés par ordre du Grand Dauphin. Autant nous aurons trouvé de banalité dans la pompe toujours égale des décors créés sur les indications de Louvois, autant nous verrons de nouveautés originales dans les conceptions artis- tiques réalisées pour le Grand Dauphin et sous son impul- sion très nette. Meudon est, à la fin du xvn9 siècle et au début du xviue, une sorte de creuset en effervescence où s'élabore le style dit « Régence ». Les appartements du prince, et surtout son Château-Neuf, montreront l'emploi de formules artistiques toutes nouvelles. Les cinq premières parties de l'ouvrage sont consacrées à l'histoire des bâtiments et des jardins. L'anecdote s'y mêle nécessairement au récit : une statue, érigée dans un parterre, rappelle la direction du surintendant Servien, connu par ses hautes fréquentations diplomatiques ; un appartement embelli par ordre du Grand Dauphin et destiné à quelque haut per- sonnage évoque la petite cour de ce prince. Enfin, plusieurs scènes historiques,qui se déroulèrent à Meudon,ont pris place au cours de ces chapitres. La sixième partie est consacrée aux notes et références, On y trouvera quelques extraits de chroniques anciennes et cer- tains textes d'archives intéressant la technique des arts déco- ratifs. La septième partie comprend lesinventaires inédits de Meu- don. Nous les publions dans l'intention de rendre service aux artistes qui y trouveront plus d'un enseignement et plus d'une idée. Ils pourront, peut-être aussi, être le point de départ d'autres séries de recherches artistiques. PREMIÈRE PARTIE Le problème historique de l'origine du châ- teau de Meudon. Le problème artistique: art français et art italien. (1520-1654) CHAPITRE PREMIER MEUDON EST CONSTRUIT POUR ANTOINE SANGUIN ET LA DUCHESSE D'ÉTAMPES (1520-1540) Aucun document ne nous éclairc sur la construction du château Renaissance de Meudon. Nous ne connaissons ni la date à laquelle il fut bâti, ni le nom de son architecte. Par contre, légendes et traditions abondent, les unes fort anciennes. les autres plus récentes : nous les passerons en revue,essayant d'y puiser quelques indications. A l'avènement de François 1er, la seigneurie de Meudon était depuis une centaine d'années, le bien d'une famille parisienne. les Sanguin. Guillaume Sanguin, écuyer, seigneur de Mal- maison et Maffliers, valet de chambre du roi Charles VII et trésorier du duc de Bourgogne, l'avait achetée en 1426. Un de ses descendants, Jean Sanguin, seigneur du lieu depuis l'an 1500, avait abandonné cette terre, à un sien frère entré dans les ordres, Antoine Sanguin. Celui-ci apparaît, en effet, comme seigneur de Meudon le 18 janvier 1520, Quel était alors le fief de Meudon ? Sans doute, un manoir comme les « recensements » et les « fois-hommages » nous apprennent qu'il y en eut beaucoup aux environs de Paris : un corps d'hôtel entouré de douves sèches, sans parc ni jar- din, dominant une étroite crête sablonneuse, pressé et comme assiégé par les chaumières du petit village. Plus bas, à mi- côte, une modeste et très vieille église ; un peu en arrière, la lisièred'une grande forêt; sur le versant,bien exposés au midi, des vignobles étagés (car les villageois vivaient du vin de leur cru) ; dans la vallée, des labours et des pâturages coupés de ruisseaux. Au loin se distinguait Paris, avec sa forêt de clo- chers, Paris où les paysans de Meudon allaient vendre leur vin. Cette vente était fructueuse, paraît-il ; aussi,les seigneurs de Meudon passaient pour être bien rentés (1). En 1638, une notice de la Gallia Purpurata consacrée par Pierre Frizon à Antoine Sanguin, parle de ses grands travaux entrepris à Meudon : Meudonianium castrum ad Lutetiam ma- gnis condidit impensis (2). Un mémoire du curé de Meudon, rédigé en 1721 (3) à l'in- tention du gouverneur du château, située aux environs de 1520 la construction de la demeure bâtie pour Antoine San- guin. Saint-Simon à son tour (4) affirme la même chose et attri- bue à Sanguin la paternité de ces travaux. Il semble donc que l'érection du château Renaissance ait été entreprise par le chanoine Sanguin. Celui-ci éleva vraisemblablement le corps de logis du fond de la cour, bâtiment très simple, à un étage, surmonté d'un toit percé de grandes lucarnes, et flanqué de deux tours car- rees. Au milieu du bâtiment, une porte basse et cintrée, pla- cée en avant-corps, ouvrait sur un escalier en berceau nu et triste, analogue à celui du Louvre. Chaque étage avait huit fenêtres sur la cour, sans compter les baies ajourées des tours-. Le bâtiment plat était formé de tableaux de' brique, encadrés de grands bandeaux horizontaux de pierre moulurée ; en pierre aussi étaient les entourages et les meneaux des fenêtres, les pilastres ornementés disposés de place en place, et les lu- carnes à frontons sculptés. Quatre cheminées surmontaient le corps de logis, et deux autres chacune des tours d'angle. Nous ignorons l'aspect que présentait du côté ouest ce joli et con- fortable manoir. D'un style assez différent devaient être les aile.s, ornées de lanternons et de colonnades à l'italienne, qui l'agrandirent plus tard du côté du village. Antoine Sanguin, orateur et jurisconsulte de grand talent, sut s'attirer l'estime de ses maîtres : chanoine de la Sainte-Cha- pelle en 1522, il recevait du roi l'année suivante la belle abbaye de Fleury-sur-Loire ; il fut plus tard évêque, cardinal et grand aumônier de France. Ses seuls mérites n'auraient sans doute pas suffi à lui faire conférer ces hautes dignités. La faveur que lui marquait le roi provenait d'une autre cause.