Dossier D'accompagnement
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dossier d’accompagnement pour les visites scolaires élémentaire, collège, lycée la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image médiation culturelle [email protected] service éducatif [email protected] 05 45 38 65 65 introduction Selon le spécialiste Daniel Sangsue, une parodie se définit par « la transformation ludique, comique ou satirique d’un texte singulier » ; en outre, la parodie « implique fondamentalement une relation critique à l’objet parodié ». Le procédé est aussi ancien que la bande dessinée elle-même, puisque les histoires en estampes de Rodolphe Töpffer parodiaient déjà le mélodrame, le voyage d’instruction ou le roman pastoral, autant de genres en vogue à son époque. Longtemps, la bande dessinée a pu parodier les « arts majeurs » avec l’impunité d’une forme réputée mineure, dont on n’attendait pas qu’elle rivalisât avec eux. Cette position du cancre lui procurait somme toute un certain confort, une liberté de ton sans limites. La légitimité relative gagnée par ce que l’on appelle désormais, significativement, le neuvième art, a sans doute eu pour prix la perte d’une certaine innocence. Cette légitimité a été gagnée sur fond de (et sans doute en partie à la faveur de la) mise en cause des catégories du « majeur » (High Art) et du « mineur » (Low Art). Et la parodie, qui ne respecte rien, a pu contribuer au bousculement des hiérarchies conventionnelles. Dans les années 1980, la bande dessinée française entra dans une phase intensive de recyclage, d’autoréférence, dont Yves Chaland (Captivant) puis le scénariste Yann (Bob Marone) furent les porte-drapeaux. On vit alors proliférer les récits parodiques prenant pour cible les « classiques » de la BD. Le nombre de parodies qui la ou le visent est un assez bon indicateur de la notoriété d’une œuvre ou d’un personnage, et de son impact sur l’imaginaire de l’époque. À ce jeu, Tintin et Mickey sont tout naturellement des cibles privilégiées. Les parodistes se sont amusés à travestir le style d’Hergé et de Disney ou à entraîner leurs personnages dans des aventures politiques ou érotiques qui ont parfois quelque peu bousculé leur image, suscitant les protestations des intéressés ou de leurs ayant-droits. Régulièrement, des bandes dessinées parodiques sont attaquées en justice pour atteinte au droit moral ou pour contrefaçon. Le « droit à la parodie » est plus que jamais un enjeu juridique. Dans tous les domaines de l’art, le recyclage et le détournement des modèles sont aujourd’hui monnaie courante. Désormais, sitôt qu’un thème, une œuvre, un personnage gagne en surface dans le paysage culturel, il se décline à la fois sur le mode sérieux et sur le mode ludique ou satirique. Les fans eux-mêmes s’en emparent pour communier dans leur passion à travers l’hommage parodique, notamment sur Internet. La parodie, indiscutablement, est en phase avec une culture de masse diffusant et imposant des références partagées par tous ; avec la philosophie de la création qui est celle du postmodernisme, caractérisée par le métissage des formes culturelles, l’intertextualité généralisée et le recyclage ; et avec le genre d’esprit qui domine l’humour de notre temps, celui de la dérision. Pour toutes ces raisons, il m’a semblé opportun de dresser la cartographie de ce phénomène à travers un livre et une exposition qui, s’ils sont en large recouvrement, apportent aussi des aperçus complémentaires. T h i e r r y G r o e n s t e e n commissaire d’exposition le commissaire Né à Bruxelles en 1957, Thierry Groensteen vit en Charente depuis 1989. Docteur en Lettres modernes et diplômé en Communication sociale, il a dirigé les Cahiers de la bande dessinée dans les années quatre-vingt et le Musée de la bande dessinée d’Angoulême de 1993 à 2001. On lui doit le commissariat de nombreuses expositions, dont celui de « Maîtres de la bande dessinée européenne », en 2000, à la Bibliothèque nationale de France. Fondateur de la revue Neuvième Art et des éditions de l’An 2, il poursuit aujourd’hui son travail d’éditeur au sein du groupe Actes Sud, tout en enseignant la bande dessinée à l’École européenne supérieure de l’Image. Il est l’auteur de très nombreux articles et d’une vingtaine d’ouvrages sur l’histoire, l’esthétique ou la sémiologie de la bande dessinée. Il dirige en 2010, avec Gilles Ciment, l’ouvrage 100 cases de maîtres : la bande dessinée, un art graphique, aux éditions de La Martinière. Depuis le 1er janvier 2010, il tient un blog de réflexion sur la bande dessinée, à l’adresse : http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?page=blog_neufetdemi. principales publications Tardi, monographie, Magic-Strip, 1980 L'univers des mangas, une introduction à la BD japonaise, Casterman, 1991 nouvelle édition mise à jour en 1996 Töpffer, l’invention de la bande dessinée (en collaboration avec Benoît Peeters), Hermann “Savoirs : sur l’art”, 1994 La bande dessinée, Milan, “Les essentiels”, 1997 et 2005 Système de la bande dessinée, Presses Universitaires de France, "Formes sémiotiques", 1999 Lignes de vie, Le visage dessiné, Mosquito, 2003 Le rire de Tintin. Essai sur le comique hergéen, Moulinsart, 2006 Un objet culturel non identifié, L’An 2, 2006 La bande dessinée mode d’emploi, Les Impressions nouvelles, 2008 La bande dessinée, son histoire et ses maîtres, Skira-Flammarion, Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, 2009 Le petit catalogue du musée de la bande dessinée, Skira-Flammarion, Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, 2009 100 cases de maîtres (avec Gilles Ciment), Skira-Flammarion, éditions de la Martinière, 2010 gotlib, parodies en tous genres Depuis ses débuts dans Vaillant jusqu’à ses dernières productions, le créateur de la Rubrique-à-Brac n’a cessé de s’exercer à la parodie, un genre dans lequel il excelle et qui est indissociable de son humour. Passeur entre l’esprit du Mad d’Harvey Kurtzman et toute l’école d’humoristes issue de Fluide glacial, il méritait, plus qu’aucun autre artiste français, de signer l’affiche de l’exposition. Véritable performer, Gai-Luron, le chien flegmatique, interrompait régulièrement le cours de ses aventures pour contrefaire des héros célèbres. Se succédèrent ainsi Lucky Luron, Gai-Lorro, Gai-Lurzan, Gai-Lurobin des Bois, Gai-Lurcouf, Gai-Lurombre masqué, Gai-Lur’Hodja l’insaisissable et Gai-Lurchotte de la Manche – le rôle du chevalier à la triste figure lui allant évidemment comme un gant. La Rubrique-à-Brac, elle, empruntera ses cibles à des domaines très variés, à savoir les contes, les chansons (notamment les comptines enfantines), le théâtre, le cinéma, la bande dessinée et la télévision. Le fantastique et la science-fiction sont parodiés en tant que genres, tout comme les causeries du professeur Burp parodient le genre « conférence didactique ». Tarzan est un personnage auquel Gotlib voue un attachement particulier. Il revient sous des formes variées, notamment dans « Le petit lever du roi de la jongle », l’un des sommets de son art parodique. Gotlib l’y dépouille méthodiquement de son aura mythique et se moque plus particulièrement de Tarzan-tel-que-le-dessinait-l’Américain-Burne- Hogarth. Ce dessinateur baroque et pompeux avait été surnommé « le Michel-Ange de la bande dessinée » en raison de sa propension à surdimensionner la musculature de son héros. Le duo comique constitué du commissaire Bougret et de l’inspecteur Charolles se réfère aux deux plus célèbres flics de la télévision française de l’époque, le commissaire Bourrel, héros de la série Les Cinq dernières minutes, diffusée depuis 1958, et le commissaire Maigret, d’après Georges Simenon. L’un et l’autre de ces commissaires étaient secondés par un inspecteur, respectivement Dupuy et Lucas. Avec Jacques Lob, Gotlib inventera encore Superdupont, superhéros national qui a l’allure d’un Français pour image d’Épinal, portant moustache, béret, charentaises, maillot de corps et ceinture de flanelle tricolore tenue par une simple épingle de sûreté. Gotlib est enfin le scénariste des deux volumes de Cinémastock (1974 et 1976), dans lesquels, avec son complice Alexis, il donne des versions résolument décalées, facétieuses et irrévérencieuses de la série télévisée Chapeau melon et bottes de cuir et des classiques littéraires La Dame aux camélias, Notre-Dame de Paris, Les Malheurs de Sophie et Hamlet. Assez logiquement, l’œuvre dessinée gotlibienne se terminera en 1986 par un ultime album (La Bataille navale, ou… Gai-Luron en slip) en forme de retour parodique sur sa première grande série. l’affiche extrait de Rhâ-gnagna - tome 1 © Gotlib/Fluide Glacial panneau a1 qu’est-ce qu’une parodie ? Une parodie est une œuvre qui en imite une autre, en lui faisant subir certaines transformations. Ces changements peuvent être minimaux (de l’ordre de la variante) ou très importants (au point que, de l’œuvre première, on ne retrouvera éventuellement qu’une situation, un thème, un personnage). Ils sont effectués dans un esprit ludique ou satirique, avec l’intention d’amuser mais pas nécessairement de se moquer : de nombreuses parodies sont, à leur façon, des hommages rendus à des œuvres dont on reconnaît l’importance ou avec lesquelles on entretient un lien affectif privilégié. La veine parodique traverse toute l’histoire de la bande dessinée. Innombrables sont les récits dessinés qui détournent un film, ou un roman, ou une série télévisée, ou bien encore une bande dessinée antérieure. Sous le Second Empire déjà, les « Salons caricaturaux » (appelés aussi « Salons pour rire ») fleurissaient chaque année dans les journaux satiriques et les revues illustrées, parodiant les toiles présentées au Salon de la Peinture. Bertall, Cham, Nadar, Willette, Robida font partie des caricaturistes qui se plaisaient à cet exercice, tout comme Gill qui fonda, en 1869, un périodique explicitement intitulé La Parodie.