Maurice PESCHAUD Ancien maire Ancien conseiller général d'Allanche

ALLANCHE NEUF SIÈCLES DE SON HISTOIRE

AVANT-PROPOS

Dans « Allanche, neuf siècles de son histoire », que je livre au lecteur, je me suis efforcé de rappeler les principaux épisodes qui ont marqué la vie des habitants de notre cité, depuis ses. origines présumées jusqu'à la première guerre mondiale de 1914-1918. En ce qui concerne le passé lointain, j'avoue que j'ai effectué une ample moisson de renseignements dans les articles parus dans le Bulletin paroissial d'Allanche, « La Voix de Saint Jean-Baptiste », paru de 1901 à 1910 et en 1933, sous la signature de M. Morisque (1). J'ai complété ma documentation grâce à des notes puisées dans certains folios des Archives Départementales que m'avait communi- qués le regretté archiviste, M. Ernest Delmas, ainsi que dans la collection de la « Revue de la Haute- » et dans des ouvrages traitant d'histoire locale et régionale, qu'a eu l'amabilité de me prêter Mlle Bouyssou, directrice des Services des Archives départementales, à qui j'exprime toute ma gratitude. Pour ce qui est du passé plus récent, j'ai eu à ma disposition les registres d'état civil, des délibérations des conseils municipaux qui se sont succédés à Allanche, des tableaux de recensement et aussi

(1) M. MORISQUE fut percepteur à Allanche de la fin du siècle dernier jusqu'en 1910 environ. Passionné d'histoire locale et doué d'une grande érudition et de beaucoup de talent, il compulsa les vieux parchemins et les terriers de la Seigneurie d'Allanche, ainsi que de nombreuses archives des notaires. Il fut, il convient de le proclamer, le premier et le véritable historien de notre ville. Par l'intermédiaire de M. l'abbé E. CUSSAC, alors curé-doyen d'Allan- che, j'ai eu le plaisir d'entrer, en 1935, en relations épistolaires avec lui. De Montauban où il avait pris sa retraite ou de sa propriété de Com- belimagne, près , en termes fort aimables, M. MORISQUE répondait à mes questions, me conseillant, complétant ma documentation ou la rectifiant au besoin. Et il me donna même l'autorisation d'utiliser ses articles, ce qu'il avait fait également pour le docteur PARLIER. les dossiers des travaux qui ont été réalisés... J'ai également rappelé les récits de personnes dgées qui ont vécu certains événements que je rapporte et j'ai évoqué mes souvenirs de jeunesse. Mes récits sont imparfaits, certes, et sont susceptibles d'être rectifiés et surtout d'être complétés. Mon but a été de sauver de l'oubli les faits et gestes de nos aïeux qui ont lutté avec courage pour préserver leurs familles, conserver leurs libertés et leur patrimoine et permettre à Allanche de devenir ce qu'elle est de nos jours. Je dirai avec E. Baluze, bibliothécaire de Colbert : « J'ai résolu « d'écrire l'histoire de notre ville, pour nos concitoyens, de peur que « nous ne passions pour des étrangers et des hôtes dans notre propre « pays. » J'ai fait mienne cette phrase d'un philosophe du XIXe siècle : « Notre dépendance du passé est plus grande que nous ne le croyons ; « et on ne se diminue pas à le connaître, on y trouve au contraire « le moyen de se grandir. » C'est pourquoi, c'est en y mettant tout mon cœur d'enfant d'Allanche, où je suis né, où j'ai toujours vécu et que j'ai eu l'honneur et la charge de servir ou d'administrer près de quarante années, que j'ai composé ce petit ouvrage. M. P. I Un peu de géographie

Avant de parler du passé, de l'histoire de notre cité, plantons son décor actuel pour ceux qui ne la connaissent pas encore et pour ceux qui ont l'intention d'y venir en vacances respirer son air pur et vivifiant et y goûter son charme et la tranquillité. Allanche est en Terre Auvergnate, au Pays Vert des Vacances. C'est une petite ville coquette, dont les maisons sont construites en pierres résistantes et couvertes d'ardoises grises (à l'exception toutefois des pavillons du « Super-Allanche », à l'est, édifiés, à partir de 1957, par l'intermédiaire du « Foyer Cantalien », promoteur M. A. Chauvet, député du , et qui sont couverts en tuiles rouges). Assise au fond d'une vallée peu profonde et étroite, elle est baignée par la rivière qui porte son nom : « l'Allanche ». Celle-ci prend sa source sur les confins du Cézallier, dans la montagne de Moussure-Bas; sur son parcours sinueux, elle se jette du haut de la cascade des Veyrines, en aval du village de , pour baigner le village du Bac, traverser Allanche, Sainte-Anastasie, et ayant recueilli de nombreux ruisseaux tout au long de son parcours, se jeter en aval de Neussargues, au Pont du Vernet dans l' qui rejoindra l'Allier et le bassin de la Loire. Elle est très poisson- neuse en truites « Fario » ou « Arc-en-ciel » que l'on vient pêcher de loin, ainsi que dans les ruisseaux où naguère foisonnaient les écrevisses. Elle est dominée à l'ouest par des plateaux aux riches pâturages et par de sombres forêts de sapins, de pins sylvestres et d'épicéas qui portent les noms de Roche-Grande, La Chaye et La Pinatelle. Et à l'est par le Pic de Mathonnière (1 300 m d'altitude) ( qui fait

(*) Le sommet du pic de Mathonnière était surmonté d'une croix en bois de plus de 2 mètres de hauteur, reposant sur une plate-forme de roches basaltiques. Cette croix avait été implantée le 6 avril 1903, par partie des Monts du Cézallier, à peu de distance du Chamaroux (1 478 m d'altitude) et du Luguet. Leur sol est formé de schistes cristallins et de granit de l'époque éruptive ancienne. Allanche, chef-lieu de canton, le plus élevé du Cantal (980 m), est sise au nord-est du département, à 100 kilomètres environ de Clermont-Ferrand, capitale de la région Auvergne et à près de 80 kilomètres d', chef-lieu du département. Il fait partie de l'arrondissement de Saint-Flour, distant de 33 kilomètres et de 20 kilomètres de Murat qui était jusqu'en 1926 son chef-lieu d'arrondissement. Onze communes composent notre canton : Allanche, Charmen- sac, , Landeyrat, , , Sainte-Anastasie, Saint-Saturnin, Ségur-les-Villas, et Vèze. Il y avait égale- ment Chanet, mais, en 1964, cette commune a fusionné avec la commune d'Allanche. Toutes ces communes ont un passé riche en événements historiques. Le climat est typiquement auvergnat : agréable et chaud en été et en principe rude et froid en hiver, avec des tempêtes de neige que le vent du Nord balaie et amasse en congères que les chasse- neige devront déblayer pour assurer la circulation sur les routes et même parfois sur la voie ferrée. Pays essentiellement agricole, dont la ressource principale est l'élevage des bovins de race au pelage roux, mais qui depuis quelques années tend à être supplantée par la race Charollaise beige et par quelques brunes des Alpes. Et il existe encore dans certaines fermes des troupeaux de moutons. Lorsque arrivent les beaux jours, les étables se vident de leur bétail qui s'égaille dans les prairies où l'herbe, une fois la neige disparue, a poussé tendre et abondante. Puis la transhumance fait son apparition. Des plaines des environs d'Aurillac « montent à l'estive » des troupeaux de vaches laitières et leurs jeunes veaux, pour rejoindre soit par chemin de fer, soit par camions (mais de moins en moins par la route) chacun leur cantonnement bien déterminé : Vernols, Les Fouillades, Les Veyrines, Mathonière, Chavanon, etc., car ils sont nombreux dans nos montagnes. Et la gare de Landeyrat, « la gare du bout du monde, ouverte vingt jours par an, la gare du Texas auvergnat '» a écrit un humoriste, est également un haut lieu de la transhumance.

M. Gibert, fermier au Bac. Au moment où elle fut élevée dans le ciel, un des bras se détacha et tomba sur la tête du malheureux Gibert qui la plantait et qui fut tué sur le coup. Néanmoins, elle n'en fut pas moins réparée et devait demeurer debout près de 30 années, symbole de la foi chrétienne des habitants et aussi point de repère visible de loin pour les voyageurs. Mais les tempêtes et les orages l'endommagèrent et la terras- sèrent; elle ne fut pas remplacée. Ces troupeaux demeureront et pacageront jusqu'en automne, en liberté, sous la surveillance d'un pâtre, d'un vacher et de ses aides qui, eux, logeront dans un petit habitat rustique, appelé « le buron », à la fois cuisine et chambre à coucher pour les hommes et salle de fabrication de ce fromage à la croûte épaisse et veinée et à la pâte blanche et compacte que l'on dénomme « fourme du Cantal ». Toutefois, depuis quelques années, nous assistons, en raison de la difficulté à trouver du personnel volontaire, quoique bien rémunéré pour vivre ainsi en solitaire pendant plusieurs mois, à une reconver- sion de certaines montagnes. Il n'y a plus de parcs où l'on rassemblait les vaches au moment de la traite; on ne fabrique plus de fromage, on y « estive » les troupeaux pour l'embouche. Il existe à Allanche chaque mois une foire de bétail importante par les transactions qui interviennent. Jusqu'en 1965, elles se tenaient sur la place dite du Monument, mais depuis cette date, il a été créé un nouveau foirail avec des barres pour attacher les animaux, derrière le bâtiment du C.E.G. Les foires d'Allanche sont renommées et l'on y vient de loin pour acheter des bovins, surtout celles du 16 juillet, du 16 août, du 7 septembre et du 25 octobre. Mais la plus ancienne et la plus réputée de toutes est celle du 10 octobre à Maillargues. En 1689 déjà, M. Lefèvre d'Ormesson signalait dans son rapport concernant la Province d'Auvergne dont il était intendant : « La foire du 10 octobre à Maillargues est une des premières de ; les transactions y durent quatre jours et sont fréquentées même par des étrangers qui y viennent acheter les bestiaux. » Les marchés du mardi de chaque semaine où les paysannes des alentours venaient avec leurs paniers apporter pour la consom- mation familiale, les produits de leurs fermes : œufs, beurre, fromage, les animaux de leur basse-cour, ont complètement disparu depuis la dernière guerre. Des coopératives et des industries laitières se sont installées et effectuent dans les villages le ramassage du lait pour le transformer en beurre et en fromage. Jusqu'à la guerre de 1914, l'artisanat rural était prospère. Il décline de nos jours. Les métiers du bâtiment: maçons, menuisiers, peintres, couvreurs et électriciens sont encore bien pourvus. Il en est de même des mécaniciens pour les automobiles et les machines agricoles, ainsi que des installateurs de chauffage central, de sanitaire et de télévision. En ce qui concerne les voies de communication, Allanche est bien desservie. Elle est traversée dans toute sa longueur du Nord au Sud par l'ex-route nationale 679 (de Marcenat à Neussargues), tandis que la départementale n° 9 de Riom-ès-Montagnes à via Ségur et le plateau du Bru coupe la ville d'Ouest en Est et le C.D. 39 à la sortie nord d'Allanche conduit à Ardes (P.-de-D.) par Pradiers et Anzat-Le Luguet. En 1908, fut construite la ligne de chemin de fer de Neussargues à Bort, qui dessert une partie du canton. Il faut constater que les municipalités qui se sont succédées depuis plusieurs décennies se sont efforcées de transformer et d'embellir Allanche et d'en faire un centre touristique moderne et attrayant. La « perle du Cézallier », la « capitale des vastes pâturages », Allanche doit par le tourisme développer son expansion économique. Les possibilités d'hébergement sont diverses à Allanche : cinq hôtels confortables et fort réputés : « La Crémaillère » (ancien Hôtel du Nord), le « Modern Hôtel » Bonnal (2 étoiles) et l'Hôtel du Commerce (ancien Hôtel Maigne), pour le bourg, et l'Hôtel du Pont- Valat, à proximité du terrain de sports et de camping et à Maillar- gues, l'Hôtel du Foirail. Des meublés classés par la Préfecture sont mis par les particuliers à la disposition des estivants. Et pour compléter, les campeurs et les caravaniers peuvent établir leurs tentes ou garer leurs caravanes sur le terrain de sports et de camping dont les installations ont reçu le label 2 étoiles, situé à un peu plus d'un kilomètre d'Allanche et à moins de 500 mètres de Maillargues, sur la R.N. 679. Un Syndicat d'Initiative a édité et diffuse un dépliant concernant notre cité et ses environs. Et pour rendre un séjour aussi agréable que possible aux vacanciers, les jeunes du S.I. s'ingénient à leur offrir des distractions (concours de pétanque, de pêche, de tennis, etc.), animer des festivités au lac du Pêcher, acquis et aménagé par la commune, et à organiser des excursions, des randonnées à bicyclettes ou à pied sur des sentiers balisés. Pour demeurer en contact avec leurs compatriotes vivant dans les villes et plus particulièrement à Paris et dans la région parisienne, il a été fondé une « Amicale des enfants du canton d'Allanche » en 1967, due aux initiatives et aux efforts conjugués du regretté Henri Vinas, assisté de MM. L. Chastang, Solignac, P. Chastel et d'autres amis, pour Paris et de M Jean Séguy, alors notaire à Allanche, de M. Jean Collandre, également décédé depuis lors, et des autorités municipales et religieuses du canton. Cette société groupe à Paris les originaires du canton d'Allanche et ils sont nombreux dans la capitale. Son but : leur permettre de se rencontrer, de pouvoir parler et donner des nouvelles de ceux qui sont restés au pays, s'entraider au besoin et accorder des subsides à des œuvres sociales concernant notre région (ainsi, le Club du 3 âge allanchois, la restauration de la chapelle de Maillargues, etc.). Son Siège est situé au 90 boulevard de l'Hôpital à Paris. Le « baptême » eut lieu le 18 novembre 1967, à l'occasion de son premier banquet dans les salons Delbor, boulevard de Charonne. Plus de 400 convives y prenaient part. Plusieurs étaient « montés » à Paris pour la circonstance, notamment M. Peschaud M., maire et conseiller général, M. l'abbé Longeon, curé-doyen d'Allanche, M Séguy, Collandre, etc. On remarquait M. Bonnet, directeur de « l'Auvergnat de Paris », l'abbé Andrieu, curé de la paroisse cantalienne, plusieurs présidents d'autres Amicales du Massif Central, les pastourelles du Cantalet, de la Ligue Auvergnate, des membres d'un groupe de danse et de chants folkloriques. A ce banquet, M. Pierre Chastel, né à Allanche, huissier de justice à Sèvres (fils de M. Albert Chastel, qui fut maire d'Allanche), était élu Président fondateur de l'Amicale. Actuellement c'est M. Guy Four- goux qui lui a succédé. Mais Allanche a cherché plus loin, plus avant. Elle s'est jumelée avec une commune normande : Valmont, en Seine-Maritime, très accueillante et sympathique, se situant à quelques kilomètres de Fécamp, à proximité de la mer, non loin d'Etretat et du Havre et elle possède un patrimoine artistique très riche. La première cérémonie du jumelage eut lieu à Valmont le 27 mai 1976, en présence de M. R. Lours-Cuzol, premier adjoint au Maire d'Allanche, accompagné d'une importante délégation d'Allan- chois qui reçut un accueil des plus chaleureux. La deuxième cérémonie se déroula à Allanche le 4 septembre de la même année. M. Fiquet, maire de Valmont et le docteur Jarry, maire et conseiller général d'Allanche, signaient l'acte de jumelage après l'avoir lu chacun pour sa commune à haute voix et échan- geaient les clés symboliques de leur ville respective (celle d'Allanche, véritable œuvre d'art due à M. Raynaud, forgeron à Allanche), en présence du docteur Raynal, député du Cantal, du Conseil Municipal et de nombreux Allanchois, sapeurs-pompiers et enfants costumés en auvergnats, ainsi que d'une cinquantaine de leurs « frères » normands, à qui on offrit quelques excursions pendant leur court séjour. Il convient enfin de signaler que la commune d'Allanche et son canton sont compris dans l'ensemble du « Parc naturel régional du Parc des Volcans d'Auvergne ». II Des origines au Moyen Age

DES ORIGINES D'ALLANCHE

Identifier les origines d'une ville est toujours très difficile. Les chercheurs qui se sont penchés sur celles d'Allanche en ont fait l'expérience, mais ont attesté qu'elles étaient très anciennes. Dans certains Cartulaires, ceux de Clovis, de Sauxillanges ou de Brioude, par exemple, ainsi que dans de vieux titres parcheminés et dans les « Coutumes locales de la Haute et Basse Auvergne » de Chabrol, éditées en 1786 avec l'approbation du Roy, on relève plusieurs fois les noms de Albantia, d'Alantia, de A l'Enche ou encore d'Alanche avec un seul I. Ils se rapporteraient tous à notre cité. Des historiens régionaux se sont efforcés de trouver les origines d'Allanche au travers de l'étymologie des noms cités plus haut. M. Paul de Chazelle, dans un article écrit et paru dans le « Dictionnaire Statistique du Cantal », édition de 1852, publié par M. Deribier du Châtelet, pense que le nom d'Allanche viendrait du mot celte dérivé du gaélique, All-Inch signifiant « Hauts Plateaux », qui par l'usage se serait francisé en Allanche. On peut très bien admettre qu'une peuplade venant du Nord, vers la fin du siècle précédant notre ère, poussant devant elle ses troupeaux, aurait fait halte sur nos plateaux pour faire paître ses bestiaux dans nos riches herbages. Elle s'y serait installée, construi- sant un embryon de village, fait de huttes et de « cases » de pierres pour s'abriter. Et ainsi serait née All-Inch. L'inventaire des monuments mégalitiques, paru dans la « Revue de la Haute-Auvergne » (avril-juin 1972), signale bien l'existence d'un dolmen datant de cette époque au lieu-dit de Pierra-Prat (pré, appartenant anciennement à la commune d'Allanche, situé sur le versant ouest, de l'autre côté de la gare S.N.C.F.). Il est assez difficile à repérer, car la végétation l'a recouvert. Il en est indiqué un autre à quelques mètres de la ferme de Saint-Hérem, sur le versant est de la ville. Il y aurait également un « tumulus » au Baladour de Chanet et un aussi au lieu appelé « la Croix de Baptiste » de Vèze. Pour M. Benoît Pons de Ferluc, né en 1801 à Allanche, devenu juge de paix au Tribunal de Moulins, où il est décédé et a été inhumé dans le cimetière d'Allanche. Il était l'auteur de « Tablettes histo- riques du Cantal » et d'une communication sur la Fête de la Saint Jean à Allanche et fut un bienfaiteur de notre hospice; pour lui, donc, les origines d'Allanche étaient romaines. Allanche dérive du mot latin Albantia, blanc comme la neige. Les Légions de César, c'est connu, ont bien occupé l'Auvergne, notamment Chaudesaigues, Coren-les-Eaux près Saint-Flour, , etc. Il est naturel qu'elles aient campé chez nous. L'hiver les champs de neige les ont surpris et ils ont appelé la région Albantia, champ de neige. Ce qui est certain, c'est la découverte de traces de la civilisation gallo-romaine aux Veyrines, près de la cascade, au moment de la construction de la ligne de chemin de fer. On y a ramassé des bronzes de l'époque romaine, des poteries diverses, et il a même été possible de reconstituer une amphore. D'autres preuves, c'est qu'à Auliadet, commune de Peyrusse, on a mis à jour, il n'y a pas très longtemps, en 1971, des coupes, des céramiques du 1 siècle, etc. La « Revue de la Haute Auvergne » de juillet 1976 a donné un compte rendu de ces découvertes. De même au Lac de Sainte-Anastasie et à Recoulès, de Joursac, il a été mis à jour des médailles, des monnaies, des vestiges de villa gallo-romaine remontant au II siècle de notre ère. Ces découvertes ont fait l'objet d'un commentaire au Congrès de l'Association française pour l'avancement des Sciences et des Arts, tenu à Angers en 1901. Au reste, deux de nos villages portent bien un nom à consonance romaine : Maillargues viendrait de Maillianicum, patronyme d'un propriétaire romain et du suffixe « argues » signifiant : propriété. Maillargues était donc la propriété d'un romain : Maillius. Il en serait de même pour Romaniargues ou « villa » gallo-romaine. Et l'idée de l'occupation de notre cité par les Romains s'est transmise de nos ancêtres jusqu'à nous, car nous appelons toujours « Pont romain » le pont de l'Hospice et « Voie romaine » le chemin qui conduit à Mathonières, longeant le lotissement H.L.M. du Foyer Cantalien. Une troisième explication sur l'origine d'Allanche nous est fournie par M. Piganiol de La Force. Elle est religieuse. Allanche viendrait de Alantia : hanche, aurait donné A l'Enche et plus simplement Alanche. Le Christianisme s'était implanté en Gaule et en Auvergne, à la suite des légions romaines. Au III siècle de notre ère, déjà des sanctuaires en l'honneur des divinités païennes avaient été balayés. Ainsi Diane devint Dienne et Mars-Diane. Mardogne. La légende veut bien qu'à la fin du V siècle, un diacre de l'apôtre Saint-Pierre se soit fixé sur le Mont Indiciac pour y prêcher la parole du Christ, et que la ville qui naîtra portera son nom : « Saint-Flour ». Des églises seront construites un peu partout et des monastères édifiés. En l'an 972, le bon abbé Géraud fondera la ville d'Aurillac autour de son monastère. A l'époque des Croisades, les fidèles partis à la conquête du Saint Sépulcre rapportaient de leur séjour en Terre Sainte des souvenirs, constitués par des objets pieux ou mieux par des reliques sacrées. C'est ainsi qu'un morceau d'os de la hanche de saint Jean- Baptiste, dit le Précurseur, fut ramené à la fin du XI siècle, déposé et conservé dans notre église paroissiale, qui de ce fait fut consacrée à ce saint. De cette relique serait venu le nom de notre ville : Allanche. Voici la légende qui donne crédibilité à la thèse de M. Piganiol : Un chevalier du nom de Johanès s'en revenait d'un pèlerinage à Jérusalem et en rapportait un morceau de l'os de la hanche de saint Jean-Baptiste. Comme il traversait le plateau des Fouillades, entre Segur et Vernols, à l'ouest d'Allanche, il entendit des gémis- sements et des cris provenant d'une grotte pas très éloignée. Il s'y dirigea et y découvrit un pauvre ermite, le corps tout couvert de vermine, portant des blessures. A ses côtés, un loup énorme, la gueule ouverte et ensanglantée. Johanès s'approcha du moribond et lui présenta une croix en vermeil contenant la précieuse relique. Le malheureux s'en saisit et déposa sur la croix « un tel baiser ardent que son âme se détacha de la terre ». Le loup s'étendit auprès de sa victime et lécha les mains qui tenaient toujours la croix. Johanès courut à Allanche chercher du secours. Le prieur et quelques moines l'accompagnèrent, curieux de voir le spectacle qui leur avait été conté. Ils trouvèrent la bête montant toujours la garde, mais à côté du cadavre gisait un nouveau cadavre, celui d'un voleur qui avait voulu s'emparer de la croix et le loup l'avait tué. La relique fut portée en procession jusqu'à notre église, où elle se trouve dans une de ses chapelles. Elle est vénérée par les fidèles le jour de la fête patronale. A la place de la grotte fut élevé un oratoire. Il sera remplacé au XIII siècle par une belle église, celle de la paroisse de Vernols, consacrée elle aussi à saint Jean-Baptiste.

LES BENEDICTINS DE LA CHAISE-DIEU ET L'EGLISE D'ALLANCHE

Il existait donc des moines à Allanche et un prieuré, autour duquel vraisemblablement se bâtirent les premières chaumières. Et ainsi prit corps notre petite cité. D'où venaient ces moines ? Non loin de Brioude, dans le Livradois, à quelques kilomètres du Puy, un descendant des Comtes d'Auvergne et de Mercœur, le comte Robert de Turlande, avait fondé une abbaye. Arrière-petit-neveu de saint Géraud d'Aurillac, il fut attiré par la grâce divine et comme son oncle, saint Odilon, avait édifié Cluny, lui, en 1050, avec l'aide de deux soldats de son père, Dalmace et Pierre, il édifia la Maison-Dieu (Casa Dei). Ce sera La Chaise-Dieu, dont l'abbatiale est célèbre dans le monde entier et attire aujourd'hui et chaque année des visiteurs par milliers venant de tous les points du globe. La Chaise-Dieu possédait un fief important dont les nombreuses terres s'étendaient jusqu'à Allanche, fournissant ainsi du travail à ses habitants et leur assurant la sécurité. Saint Robert envoya quelques-uns de ses moines pour y constituer un centre de civilisation et y fonder un prieuré. Celui-ci paiera une redevance annuelle de 24 sols à l'abbaye. Ces moines appartenaient à l'ordre fondé par saint Benoît sur le Mont Cassino en Italie (célèbre par les batailles qui furent livrées en 1944 pour sa possession). Le prieuré fut construit attenant à l'église paroissiale, sur l'emplacement occupé par l'école de filles de Saint-Joseph. Il avait deux étages et les combles au-dessus: une partie du premier étage était occupée par une petite chapelle avec stalles et des salles d'étude dans l'aile du bâtiment contiguë à l'église, à laquelle on accédait par une petite porte ouvrant sur une chapelle. L'effectif n'était pas très important. Les Bénédictins vivaient la règle de leur Ordre, se résumant en deux mots : prier et travailler. Les prières consistaient surtout en des offices récités et chantés depuis mâtines jusqu'aux soirs. (A défaut d'horloge, c'était le soleil qui réglait les différentes parties des prières.) Les travaux étaient d'ordre intellectuel: copie des livres sacrés, enluminures... Et aussi manuels : défricher les forêts, assécher les marécages, aménager des pâtures et des cultures, tracer des chemins, jeter des ponts, établir des moulins... Ils étaient aidés en cela par les villageois. Du prieuré, il ne reste plus rien aujourd'hui. Les guerres du XIV siècle, des dégradations pendant la Révolution de 1789 l'avaient profondément endommagé dans ses structures, mais les incendies involontaires qui se sont produits en 1946 et en 1948 n'ont rien laissé subsister. On peut situer l'existence du prieuré avant l'année 1070. En effet, Henri Pourrat dans sa « Vie de saint Robert » nous conte l'anecdote suivante : Venu en Haute-Auvergne, à Allanche, saint Robert se disposait à célébrer la messe, lorsque le cuisinier du prieuré l'avertit qu'il n'y avait plus rien pour déjeuner. « Servez ma messe, Dieu pourvoiera à nos besoins », répondit le saint. Mais il n'en n'était pas à la préface qu'un aigle planant au-dessus de l'église laissa tomber un énorme poisson qu'il avait péché. Et ainsi peut-on dire : « le repas du saint et de sa suite tomba du ciel ». Achevé d'imprimer le 10 Avril 1978 sur les presses de l'Imprimerie Gerbert Aurillac (Cantal)

Dépôt légal N° 214 2 trimestre 1978

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