Dossier pédagogique

MARIUS BORGEAUD 26 JUIN – 25 OCTOBRE 2015 MARDI À DIMANCHE DE 10H À 18H JEUDI JUSQU’À 21H 2, ROUTE DU SIGNAL WWW.FONDATION-HERMITAGE.CH

Fondation de l’Hermitage Donation Famille Bugnion Marius Borgeaud, La chambre blanche (détail), 1924 huile sur toile, 54 x 65 cm, collection privée graphisme Laurent Cocchi © photo Jacques D. Rouiller Photolitho Images3 Sérigraphie Uldry Affiche Borgeaud F4. OK.indd 2 26.05.15 13:50

Renseignements et réalisation du dossier Fondation de l’Hermitage Florence Friedrich 2, route du Signal Responsable de la médiation 1000 LAUSANNE 8 Bellevaux [email protected] [email protected] www.fondation-hermitage.ch ++41 21 320 50 01 1

Table des matières

Avant la visite Communiqué de presse p. 3-4

Mallette pédagogique p. 5

Au musée p. 6-24

Après la visite En classe p. 25

Biographie de Marius Borgeaud p. 26-27

Informations pratiques p. 28

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Avant la visite (communiqué de presse)

En été 2015, la Fondation de l’Hermitage présente une grande rétrospective consacrée à l’un des acteurs les plus importants de la création artistique vaudoise du début du XXe siècle : le peintre Marius Borgeaud, né à Lausanne, actif en France et resté très populaire auprès du public suisse.

Marius Borgeaud figure parmi les artistes suisses les plus emblématiques de sa génération avec Ferdinand Hodler et Félix Vallotton. A l’âge de 40 ans, il décide de se consacrer à la peinture, après avoir dilapidé l’héritage laissé par son père. D’abord lié au mouvement impressionniste, il ne tarde pas à suivre sa propre voie, loin de toute école picturale. Son style réaliste, parfois proche de l’art naïf, s’oriente peu à peu vers un art plus dépouillé et synthétique. Borgeaud vit entre la Bretagne et Paris, où il expose dès 1904. Il meurt en 1924, laissant derrière lui plus de 300 tableaux.

La sélection s’articule autour des thèmes explorés par Marius Borgeaud : les figures et les lieux, les paysages, les points de vue sur la ville, les natures mortes, les scènes de la vie bretonne (cafés, pharmacies, mairies), et surtout les intérieurs. Une part essentielle de l’œuvre de Marius Borgeaud est en effet formée de scènes intimes, mystérieuses, animées par des objets quotidiens, des figures souvent immobiles ou pensives, des chiens et des chats qui semblent à l’écoute de cette vie silencieuse. Borgeaud avait pour habitude d’ajouter des accessoires à ses sujets, et notamment de suspendre des images d’Epinal dans ses intérieurs. Signe de sa fascination pour les registres populaire et naïf, cette démarche sera évoquée dans l’exposition de la Fondation de l’Hermitage à travers la réunion de gravures et d’objets de la collection de l’artiste. Des œuvres de contemporains, d’amis, de connaissances, mais aussi de modèles (, Alfred Sisley, le Douanier Rousseau, Camille Pissarro et surtout Félix Vallotton) seront également présentées et entreront en résonance avec le travail de Borgeaud.

Organisée avec le soutien de l’Association des Amis de Marius Borgeaud, et avec le concours exceptionnel du Musée cantonal des beaux-Arts de Lausanne, l’exposition, qui comprendra une centaine d’œuvres, permettra au public de se glisser dans l’intimité de l’atelier du peintre vaudois grâce à des documents de travail, des archives, ainsi qu’un film documentaire sur l’artiste.

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Avant la visite (communiqué de presse, suite)

Le commissariat de l’exposition est assuré par Philippe Kaenel, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Lausanne, commissaire de nombreuses expositions, dont Eugène Burnand, peintre naturaliste (2004) et Théophile-Alexandre Steinlen, l’œil de la rue (2009) au Musée cantonal des Beaux-Arts à Lausanne ainsi que Gustave Doré, l'imaginaire au pouvoir au Musée d’Orsay à Paris (2014).

L’exposition est accompagnée d’une importante publication scientifique coéditée avec la Bibliothèque des Arts.

Marius Borgeaud La chambre blanche, 1924 huile sur toile, 54 x 65 cm collection privée

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Avant la visite

La mallette pédagogique

Une mallette pédagogique est à disposition des enseignant-e-s à l'accueil du musée, sur réservation. Elle a été conçue pour accompagner la visite dans le musée et comporte :

- des portraits photographiques de Marius Borgeaud et de son épouse, Madeleine Gascoin ;

- une toile et un pinceau, des tubes de peinture à l'huile, une palette portative ;

- une carte de France et de Bretagne ;

- quelques reproductions de tableaux de Marius Borgeaud, en lien avec le dossier pédagogique.

Objectifs d'apprentissage du PER

Lors de la visite de l'exposition Marius Borgeaud, les élèves écoutent, ressentent, découvrent, touchent, s'expriment ... Plusieurs objectifs du PER peuvent donc être atteints. Pour les cycles 1 à 3, il s'agit avant tout des objectifs AV (Arts visuels) Expression et représentation 11, 21, 31 ; Perception 12, 22, 32 ; Acquisition de techniques 13, 23, 33 ; Culture 14, 24, 34.

A1 Représenter et exprimer une idée, un imaginaire, une émotion par la pratique de différents langages plastiques A2 Mobiliser, développer, enrichir ses perceptions sensorielles A3 Explorer diverses techniques plastiques A4 Comparer et analyser divers domaines et cultures artistiques

Le contenu de l'exposition est abordable pour toutes les classes, dès 4 ans jusqu'aux écoles professionnelles et gymnases. La responsable de la médiation se tient à la disposition des enseignant-e-s pour préparer une visite, selon le niveau scolaire des élèves et la ligne pédagogique choisie. Contact : Florence Friedrich, [email protected]

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Au musée

Rez- de- chaussée

Les leçons de l'impressionnisme

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Les premiers Accueil WC intérieurs et librairie

Entrée

Casiers et vestiaires

Les intérieurs bourgeois

Premier étage 2 1 3

WC Les natures mortes

Points de vue sur la ville

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Au musée

Deuxième étage

Film

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Qui est Marius Borgeaud ?

Sous- sol Scènes de bistrots

L'imagerie populaire & portraits

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Intériorités : galerie les dernières années

« Voici en un mot la Le goût des séries : vraie Bretagne » pharmacies et mairies 7

Au musée

Avant de commencer la visite, il est utile de rappeler les consignes de sécurité aux enfants et adolescents. Aller au musée, c'est en effet favoriser la rencontre entre les œuvres et les élèves, dans un moment privilégié où l'art est présent dans sa réalité matérielle et non plus en reproduction. Dans cette situation, il convient alors d'adopter quelques règles de base : respecter les œuvres, ne pas les toucher, ne pas courir, ne pas crier. Les enfants sont sous la responsabilité constante des enseignants et accompagnateurs. L'équipe de surveillance est là pour faire respecter les consignes. Il est toujours permis de s'asseoir par terre, de dessiner, et de s'exprimer devant les œuvres.

Rez- de- chaussée, salles 1 et 2

Les leçons de l'impressionnisme

Né à Lausanne dans une famille bourgeoise, Marius Borgeaud se met à peindre au tournant du XXe siècle, après avoir vécu en riche héritier dispendieux. Il a alors 40 ans, et se forme à Paris auprès des peintres Ferdinand Humbert et Fernand Cormon. Très marqué par les maîtres de l’impressionnisme, en particulier Alfred Sisley et Camille Pissarro, Borgeaud adopte leur manière et leurs thèmes.

Dès 1905, accompagné de ses amis Francis Picabia (le futur peintre dada) et de Georges et Rodo Pissarro, deux fils de Camille, Borgeaud peint sur le motif à Moret-sur-Loing près de Fontainebleau, non loin de Paris. Dans ce village où Alfred Sisley a vécu et peint entre 1889 et 1899, les quatre jeunes artistes se concentrent sur les paysages alentour (meules de foin, plans d'eau, bateaux-lavoirs, maisons villageoises) et traduisent sur leurs toiles les vibrations de la lumière sur la nature. A leurs débuts, Borgeaud et ses amis peintres s’inscrivent donc dans la tradition impressionniste, un style en voie d’institutionnalisation qui, bientôt, paraîtra dépassé par les avant- gardes du début du XXe siècle : fauvisme (1905), cubisme (1907), futurisme (1910), expressionnisme (1911), dada (1916).

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Au musée

Marius Borgeaud Paysage et rivière, 1906 huile sur toile, 50 x 61 cm Collection d'art de la Banque Cantonale Vaudoise

• Remarquer l'importance accordée au ciel et à l'eau dans les œuvres des deux premières salles :

-> La surface de l'eau et le ciel qui s'y reflète occupent presque toujours la moitié voire les deux-tiers de la composition.

-> La rivière reflète le ciel et fonctionne comme un miroir : la composition vibre entièrement grâce aux petites touches dans le ciel, reflétées dans l'eau. -> mallette : toile, pinceau, tubes de peinture, palette (montrer le mouvement du pinceau, rapide et léger, sur la toile)

-> Les artistes impressionnistes accordent une place importante au ciel, car ce dernier leur offre la possibilité de bien représenter les différents moments de la journée, de même que les changements d'atmosphère.

Rez- de- chaussée, salle 3

Les premiers intérieurs

Comme d’autres artistes à la recherche de nouvelles voies, Borgeaud renonce à la manière impressionniste et change de sujets autour de 1908. Délaissant le paysage, il commence à représenter des intérieurs, qui deviendront très vite son thème de prédilection. A Moret-sur-Loing, puis dans le village breton de Rochefort-en-Terre où il fait des séjours réguliers 9

Au musée

de 1909 à 1920, Borgeaud prend pour thème les hôtels où il descend. Le sujet intimiste des intérieurs n'est pas nouveau : les peintres du groupe des nabis (Bonnard, Vuillard ou Vallotton) l'ont fréquemment abordé au tournant du siècle. Mais les intérieurs de Borgeaud se singularisent par leur fréquente absence de figure humaine. Sa palette s'assombrit, tandis que les formes commencent à se simplifier. Ce sont désormais les variations des couleurs et des lumières sur un même motif, de même que les recherches de cadrages qui intéressent l'artiste.

En 1909, il peint deux fois sa chambre d'hôtel à Moret, à l'auberge de la Croix-Verte, comme en témoignent deux œuvres de cette salle :

Marius Borgeaud Le lit-bateau, 1909 huile sur toile, 56 x 69 cm collection privée

Marius Borgeaud, La chambre à coucher, 1909 huile sur toile, 50 x 61 cm collection privée

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Au musée

• Le paysage est encore présent dans ces deux œuvres. Où le voit-on?

-> Les arbres restent visibles à travers la fenêtre, et on remarque que la toile a été peinte à des saisons différentes (arbres feuillus ou nus).

• En comparant ces deux tableaux, observer le changement de perspective effectué par le peintre :

-> Dans La chambre à coucher, Borgeaud peint assis derrière son chevalet, placé dans un angle de la pièce. Dans Le lit-bateau, l'artiste s'est rapproché du centre de la pièce et peint probablement debout. Cette variation d'angles de vue dans un même intérieur constitue l'une des composantes fondamentales de l'art de Borgeaud.

• Quelle chambre est la mieux rangée ? Dans laquelle décèle-t-on le plus de vie ? Pourquoi ?

-> En regardant La chambre à coucher, on a l'impression que son locataire vient de sortir ou rentrera bientôt : la fenêtre est ouverte, des habits sont sur la chaise, la porte à gauche est ouverte, le lit est simplement recouvert de son drap. Dans Le lit-bateau, seules les pantoufles rouges laissées au pied du lit indiquent une présence humaine.

• Le lit-bateau rappelle les trois versions du célèbre tableau de Van Gogh. Borgeaud a probablement vu l'une d'elle à Paris en 1908. Comparer les deux œuvres et énoncer les différences et les ressemblances.

Vincent van Gogh La chambre de Van Gogh à Arles, 1889 huile sur toile, 57,5 x 74 cm Paris, Musée d'Orsay

-> La chambre de Van Gogh est faite de couleurs pures, sans ombres, tandis que Borgeaud travaille les sources de lumière et leurs effets.

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Au musée

• Observer toutes les chambres de cette salle. Quels sont leurs points communs ?

-> Il n'y a jamais personne (sauf un personnage de dos dans La chambre verte). Ordre et silence règnent partout.

-> Chaque chambre est peinte dans une certaine tonalité générale (verte, jaune, blanche), comme l'indiquent les titres des œuvres. Borgeaud utilise de grands aplats de couleur pour le sol, la nappe, les rideaux ou le dessus de lit. Leur intensité, contrairement aux œuvres des peintres fauves contemporains de l'artiste, reste sourde.

Premier étage, couloir et salle 1

L es natures mortes

Lorsque Borgeaud se détourne du paysage au profit des scènes de genre, en 1908, il multiplie les scènes d'intérieur mais aussi les natures mortes (puisqu'on en recense un peu plus d'une vingtaine dans une production totalisant 350 peintures environ). Il s'inspire de ce qui l'entoure et insère dans ses compositions des objets familiers dont il ne cherche aucunement à restituer les textures ou l'illusion de la matérialité. Elles se caractérisent souvent par un cadrage en plan rapproché, légèrement en surplomb.

Félix Vallotton Marius Borgeaud Burette et coucous, 1915 Boules de neige, livres et fruit, 1920 huile sur toile, 65 x 54 cm huile sur toile, 73 x 60 cm Kunstmuseum Winterthur collection privée 12

Au musée

• Marius Borgeaud et Félix Vallotton partagent quelques points communs, particulièrement visibles dans leurs natures mortes. Lesquels ?

-> L'un et l'autre choisissent un cadrage arbitraire. Ils tranchent la table avec le bord de la toile, afin d'accentuer la plasticité des objets représentés. Borgeaud coupe même systématiquement tous les objets de la composition avec le cadre.

-> Les objets ne sont pas placés par hasard, chacun a une position réfléchie afin d'assurer l'équilibre de la composition.

• Une différence fondamentale sépare pourtant les deux artistes :

-> Les ombres occupent une place très importante dans l'œuvre de Borgeaud. Leurs formes dédoublées tendent vers l'art abstrait.

• Le Douanier Rousseau se rapproche aussi de l'art de Borgeaud. Pourquoi ?

Henri Rousseau Marius Borgeaud Nature morte aux fleurs, 1910 Les dahlias, 1920 huile sur toile, 58 x 47 cm huile sur toile, 64 x 53 cm collection privée collection privée

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Au musée

-> Le fond neutre choisi par les deux artistes confère au bouquet une nouvelle valeur, hors contexte et hors temps.

-> Les fleurs sont rendues sans recherche de transparence ou de luminosité : elles s'affirment dans leur simplicité presque naïve.

-> Borgeaud se distingue du Douanier Rousseau par une attention particulière portée aux ombres : le vase blanc est grisé sur son côté droit, tandis que l'ombre portée du livre brise la ligne du bord de la table brune. Contrairement à l'apparence bidimensionnelle du vase de Rousseau, celui de Borgeaud paraît en relief.

Premier étage, salle 2

Les intérieurs bourgeois

Installé à Paris dès 1889, Borgeaud entretient des rapports complexes avec sa terre natale : malgré un bref retour en Suisse au début de la Première Guerre mondiale, c’est finalement en France – à Paris et en Bretagne – qu’il sera actif. De la Ville Lumière, il ne fera pas un sujet. Par contre, ses domiciles parisiens seront le théâtre de nombreuses scènes d’intérieur, en particulier l’appartement confortable qu’il acquiert à la rue Lamarck en 1919.

A Rochefort-en-Terre, en 1917, Borgeaud rencontre Madeleine Gascoin, dite Mado, jeune femme de vingt-huit ans sa cadette qu’il épousera en 1923. C’est elle qui pose en liseuse, en musicienne, mélancolique ou rêveuse, souvent accompagnée d’animaux : un perroquet et surtout un chat noir, que le peintre place malicieusement dans plusieurs œuvres.

• Observer les différentes attitudes de la femme dans les tableaux de cette salle : La liseuse, La mélancolique...

-> Toutes les femmes sont absorbées dans leurs pensées. Même si elles sont deux (La tireuse de cartes ou La tasse de thé), il n'y a aucune interaction entre elles.

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Au musée

-> Presque toutes les femmes sont représentées assises (à part dans Intérieur parisien), ce qui accentue l'impression d'immobilité : elles sont distantes et statiques.

Premier étage, salle 3

Points de vue sur la ville

Marius Borgeaud Les joueurs de boules 1918 huile sur toile 65 x 81,5 cm Musée d'art de Pully

Après ses débuts marqués par l’impressionnisme, c’est très occasionnellement que Marius Borgeaud plante son chevalet à l’extérieur. Hormis quelques rares paysages, il affectionne les environnements plus urbains. De toute évidence, il en apprécie la géométrie, les contrastes, les ombres. Borgeaud représente volontiers ses personnages de dos, évacuant ainsi toute tentative d’interprétation psychologique. En effet, ses figures n’expriment aucun sentiment. Elles se contentent d’occuper une place dans l’espace pictural.

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Au musée

• En regardant Les joueurs de boules, réfléchir à cette citation de Borgeaud, extraite d'une lettre à son ami le peintre Edouard Morerod en 1908 : « Je me sers maintenant beaucoup de personnages dans mes intérieurs et dans mes paysages, mais uniquement comme accessoires. Ce sont simplement des taches qui viennent agrémenter mes motifs. » Que peut-on dire des personnages dans ce tableau ?

-> La taille des joueurs diminuent selon la loi de la perspective : plus on est loin, plus on paraît petit. On dirait des figurines d'un jeu d'échec, dont l'agencement en diagonales rythme l'espace pictural.

-> Le contraste entre leur vêtement sombre et le sol clair est puissant : les personnages se détachent comme des silhouettes découpées dans du papier noir ou bleu foncé.

Deuxième étage

Qui est Marius Borgeaud ?

Cette étage offre la possibilité de connaître la vie du peintre. Une biographie, une vitrine avec ses outils de travail ainsi qu'un film (36 minutes) y sont visibles. -> mallette : photographies de Marius Borgeaud

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Au musée

Sous- sol, salle 1

Scènes de bistrot

Dès 1908, Marius Borgeaud passe plus de six mois par année en Bretagne, une région qui attire depuis longtemps les peintres, à l’instar de Gauguin et des artistes de l’Ecole de Pont-Aven. Contrairement à ses collègues, Borgeaud n'accorde aucune attention aux activités portuaires et paysannes, ni au folklore ambiant, et encore moins aux traditions populaires.

A Rochefort-en-Terre, village où il séjourne régulièrement de 1911 à 1920, il installe son chevalet dans la salle du café du Champ de Foire. Variant les angles de vue, Borgeaud multiplie les scènes de bistrot, jouant du contraste entre l'ombre et la lumière, entre l'intérieur et l'extérieur, tout en agençant les lieux à sa guise (y compris en inventant des ouvertures dans certaines parois aveugles). Il se plaît à représenter les mêmes personnages devenus des figures archétypales : joueurs de cartes, buveurs endormis, patronne en tablier, bretonnes en coiffe…

-> mallette : carte de France et de Bretagne ; photographie de Rochefort-en-Terre

Marius Borgeaud Auberge bretonne, 1913 huile sur toile, 60 x 73 cm collection privée

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Au musée

Marius Borgeaud Auberge bretonne, 1913 huile sur toile, 60 x 73 cm collection privée

• Les scènes de bistrot que donne à voir Marius Borgeaud ressemblent à une scène de théâtre où le temps est suspendu. Pourquoi ?

-> Les personnages, comme toujours dans l'œuvre de Borgeaud, sont figés, immobiles, statiques. On dirait un arrêt sur image.

-> Aucun dialogue ne relie les personnages entre eux, alors que le bistrot est en général un lieu vivant.

• Quels sont les éléments communs dans la composition de ces deux Auberges bretonnes ?

-> Un homme est assis de dos, le coude posé sur la table, au premier plan. Il agit comme un repoussoir et nous fait entrer dans la scène.

-> L'alternance chaise vide-chaise occupée rythme les plans de la composition.

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Au musée

Sous- sol, salle 2

L'imagerie populaire

Les intérieurs bretons peints par Borgeaud fourmillent d’estampes populaires, et en particulier d’images d’Epinal. Il faut dire qu’elles étaient nombreuses à orner les espaces privés et publics en Bretagne, et que le peintre en avait réuni une collection, dont certaines pièces sont présentées ici. Outre des figures de saints, Borgeaud rassemble des sujets patriotiques (Jeanne d’Arc, portraits de militaires comme celui du maréchal Joffre), témoins de son antigermanisme exacerbé par la guerre.

Bien qu’il peigne in situ, l’artiste réorganise l’espace de la salle en redistribuant les personnages au même titre que les meubles, les objets. On sait que Borgeaud accroche certaines de ses estampes – qu'il transporte dans un cartable – aux murs des lieux qu'il peint, créant par ce procédé une mise en abyme, un tableau dans le tableau.

• Plusieurs images d'Epinal ou affiches de publicité se retrouvent d'un tableau à l'autre. Repérer les images de la collection personnelle de l'artiste dans ses tableaux est un jeu de cherche-et-trouve assez amusant !

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Au musée

Sous- sol, galerie (première partie)

« Voici en un mot la vraie Bretagne », jour et contre- jour

Marius Borgeaud Femme au comptoir, 1921 huile sur toile, 81 x 65 cm collection privée

Même s'il se concentre presque uniquement sur des scènes d'intérieur dès 1908, Borgeaud réserve à la lumière extérieure un rôle fondamental : c'est elle qui définit les formes et les couleurs de sa composition.

• Observer la source de lumière dans Femme au comptoir. D'où vient- elle ?

-> L'unique source de lumière provient de la fenêtre fermée. La luminosité de la rue dehors contraste fortement avec l'intérieur de l'auberge, laissé dans l'ombre.

• Repérer comment la lumière sculpte le visage de la femme, illumine le bois de la table, la carafe sur le comptoir, ou encore l'osier de la chaise du premier plan.

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Au musée

• Face à cette lumière frontale, quels sont les éléments de la composition qui apparaissent en contre-jour ?

-> Le chat, le bouquet de fleurs (remarquer les deux uniques pétales rouges d'une des fleurs du bouquet qui apparaissent en transparence).

• Observer les ombres projetées dans Femme au comptoir. Qu'est-ce qui n'est pas réaliste ?

-> Les ombres partent dans plusieurs directions, alors qu'elles devraient partir dans une seule direction puisqu'il y a qu'une seule source de lumière (la fenêtre). Borgeaud n'hésite pas à modifier comme il l'entend les directions des ombres : ce qui lui importe est l'équilibre général de la composition.

• Borgeaud utilise à plusieurs reprises ce procédé de jour et contre-jour pour mettre en scène ses compositions. Repérer dans cette salle d'autres exemples (La bretonne et ses poules, L'apéro de l'homme en bleu, L'arrivée, etc.)

Sous- sol, galerie (deuxième partie)

Le goût des séries : pharmacies et mairies

Le goût de l’artiste pour la sérialité – décelable dès les premiers intérieurs de chambre d’hôtel en 1908 – s’exprime pleinement à partir de 1913. Grâce aux amitiés qu’il a nouées à Rochefort-en-Terre, il installe son chevalet dans le bistrot, la mairie et la pharmacie, et il en chronique les activités quotidiennes. Dans ces décors sans apprêt se jouent des scènes en apparence banales. Au sein des mairies, ces théâtres républicains de province, le maire procède à ses devoirs sous un buste en plâtre de Marianne et des drapeaux tricolores, symboles de « l’esprit national et républicain » pénétrant dans chaque village d’une Bretagne jusqu’alors isolée. Les pharmacies, elles, sont le théâtre de l’attente. Un échange silencieux s’y déroule entre l'apothicaire et ses clients.

• Observer les personnages dans les tableaux des mairies et des pharmacies et réfléchir à la citation suivante de Louis Vauxcelles, célèbre critique d’art parisien, en 1917 : « Borgeaud est le peintre 21

Au musée

d’une Bretagne sans romantisme [...] cet artiste simple, modeste, fruste même d’apparence, a vécu longtemps dans un village de ce beau pays déshonoré par les vignettistes, et il y mène à bien une œuvre probe, sincère jusqu’à la rudesse, toute d’observation patiente et parfois narquoise, et de fraternelle sympathie envers les humbles. […] Voici des gens humbles, véridiquement restitués dans leur atmosphère. Voici en un mot la vraie Bretagne. […] »

-> Bien qu'ils soient habillés de manière traditionnelle, les personnages ne sont pas présents pour démontrer un certain folklore : ils sont décrits dans leur vie simple et normale.

Marius Borgeaud Bretonnes à la pharmacie, 1912 huile sur toile, 73 x 92 cm Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

• Observer les trois tableaux de la série des pharmacies et essayer de situer la position du peintre par rapport au bureau du pharmacien. Devant ou derrière ? Et par rapport aux fenêtres ?

• Repérer les éléments habituels de composition chez Borgeaud, tels que les chaises vides, les personnages de dos.

• Remarquer les ombres projetées des meubles ou des figures dans chaque tableau : leur forme géométrique rythme et dynamise la grande surface claire du sol de la pharmacie, qui occupe presque toujours la moitié de la composition.

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Au musée

Sous- sol, galerie (troisième partie)

Intériorités : les dernières années

Dans ses œuvres de maturité, réalisées à Audierne en Bretagne (la dernière étape du peintre) et à Paris, Borgeaud tend à une forme de dépouillement, par la simplification des lignes et des couleurs. Les personnages sont définitivement absents, leur présence est seulement suggérée à travers des objets. Chapeaux suspendus ou posés, vestes, souliers, livres, bols, cuillères et couteaux sont les traces d’une présence, temporairement dérobée à la vue, hors-champ peut-être. Ni le chat, ni les personnages ne remarquent le spectateur, renforçant le sentiment d’intimité et de silence.

La composition repose sur un agencement simple de formes géométriques (ovales, carrés, rectangles), et un réseau de lignes verticales et horizontales et obliques. Les couleurs sont appliquées en aplats, et apparaissent dans tout leur éclat.

Marius Borgeaud Intérieur aux deux verres 1923 huile sur toile, 97 x 130 cm Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

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Au musée

-> mallette : tirage de Intérieur aux deux verres

• Repérer le grand nombre de formes géométriques que l'on retrouve dans ce tableau. Les carrés et les rectangles s'allongent car ils sont vus en perspective. Les seules courbes qui adoucissent les droites et les angles sont celles du chat et du chapeau posé à droite sur la chaise.

• Comment expliquer l'impression que la table et les chaises tombent vers le spectateur ?

-> Borgeaud adopte deux principes de construction en même temps : d’une part, il choisit un point de vue élevé, à la hauteur d’un homme debout, et de l’autre il opte pour une distance assez grande par rapport au plan de la représentation, un type de construction qui invite le spectateur à regarder la toile avec un certain éloignement. Ce double principe produit certains effets optiques étranges : la sensation de surplomber l’espace et un basculement de la vision au premier plan, avec des meubles qui semblent pencher vers le spectateur.

• Observer le rôle de la fenêtre dans les œuvres des dernières années.

-> La fenêtre occupe une place déterminante dans la composition : elle découpe un paysage, qui devient comme un tableau dans le tableau. Elle permet également à l'artiste d'opposer fortement l'intérieur et l'extérieur.

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Après la visite (en classe)

• Choisir une œuvre dans l'exposition et écrire une histoire : que s'est-il passé dans la chambre, qui est sorti ? qui va revenir ? pourquoi est-il sorti?

• Intégrer l'un des tableaux dans un page de bande dessinée, et dessiner les cases avant et après (ici exemple avec L'arrivée, 1920)

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Biographie de Marius Borgeaud

1861 Marius Etienne François Borgeaud naît à Lausanne le 21 septembre. Son père, Charles Eugène Louis (Pully 1825 - Lausanne 1889) appartient à la grande bourgeoisie et vit de ses rentes.

Avant 1903 A l'Ecole industrielle de Lausanne, le jeune Marius se lie d’amitié avec Paul Vallotton, frère de Félix et futur marchand d’art à Lausanne. Vers 1873, il suit un apprentissage bancaire à Marseille. A la mort de son père en 1889, Marius hérite d’une fortune considérable et s’installe à Paris, où il dilapide son bien et se met vraisemblablement à peindre en amateur. Vers 1900, il est en cure au bord du lac de Constance pour soigner sa santé et mis sous la tutelle de son cousin, Auguste Regamey. Il s’oriente vers une carrière artistique et fréquente, à Paris, les ateliers de Fernand Cormon et de Ferdinand Humbert. Il fait notamment la connaissance de Francis Picabia et de deux fils de Camille Pissarro, et occupe un atelier au 9, Cité Condorcet.

1904-1909 Marius va travailler sur le motif dans la région de Seine-et-Marne, dans le Poitou et en Bretagne. Il se rend presque chaque année à Moret-sur-Loing près de Fontainebleau, et descend au Logis de la Croix-Verte. Il peint en compagnie d’Edouard Morerod et de Francis Picabia. En 1905 et 1906, Marius va peindre à Angles-sur-l’Anglin, près de Poitiers, et en mars 1908, il voyage en Bretagne, notamment à Locquirec où il retournera en 1909. Durant ces années, il participe à divers salons parisiens (Salon d’automne, Salon des indépendants) et présente des œuvres au Salon des Cahiers vaudois, dans la salle de la Grenette, à Lausanne, en 1909.

1910-1913 Dès 1910, Borgeaud séjourne régulièrement en Bretagne, de mars à septembre, à Rochefort-en-Terre, dans le Morbihan. Il loge à l'hôtel Lecadre, fréquenté par des artistes. Il dépeint les mœurs locales et les lieux emblématiques : cafés, mairies, pharmacies. En automne 1913, son ami Morerod l'invite à le rejoindre à Séville.

1914-1918 Au début de la guerre, Borgeaud rentre temporairement en Suisse. Il loue un atelier aux galeries du Commerce à Lausanne, à côté de la galerie Bernheim-Jeune, succursale dirigée par Paul Vallotton. Il prend part à une 26

Biographie de Marius Borgeaud (suite)

exposition collective à la galerie Max Moos à Genève, ainsi qu’au Salon des Cahiers vaudois, salle de la Grenette à Lausanne. En mars 1915, il est de retour à Paris, puis se rend à Rochefort-en-Terre. En Bretagne, Borgeaud s’intègre de plus en plus aux cercles locaux. Il se tourne occasionnellement vers des scènes d’extérieur. Le catalogue de son exposition à la galerie Eugène Blot, à Paris, est introduit par l’important critique d’art André Salmon. Les critiques Louis Vauxcelles, Adolphe Tabarant et André Warnod le remarquent. Il se met à peindre des natures mortes. En 1916, le peintre s’installe au 43, rue Lamarck, sa dernière adresse parisienne.

1919-1922 Sa première exposition personnelle à la galerie Druet est un succès commercial, comme celle de 1922. En 1920, l'Etat français acquiert Le bistrot (Musée de la Cohue, Vannes) puis Le billard (Musée des Beaux-Arts, Nantes). Les Musées royaux de Belgique lui achètent également une toile (perdue). Tandis que son ami le pharmacien Ernest Houal s’établit à Vannes, Borgeaud abandonne Rochefort-en-Terre pour Le Faouët, village du Morbihan situé non loin de Pont-Aven, dans l’arrière-pays. Il descend à l'hôtel de la Croix d’Or.

1923-1924 Borgeaud quitte Le Faouët et s’établit dans un port de pêche du Finistère, Audierne. En septembre, à Paris, il épouse Madeleine Aimée Céline Gascoin, de vingt-huit ans sa cadette, qu'il a rencontrée à Rochefort-en- Terre. En 1924, il prend part au , et il expose chez Jacques Rodrigues-Henriques (le beau-fils de Félix Vallotton). Ce sera sa dernière exposition. Il décède à Paris le 16 juillet et est enterré au cimetière des Batignolles. Dix-huit peintures sont présentées au Salon d'automne de 1924, dans le cadre de la rétrospective des sociétaires récemment disparus (Borgeaud y figure en compagnie de son compatriote Théophile-Alexandre Steinlen, décédé le 14 décembre 1923).

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Informations pratiques

Visites libres La Fondation de l’Hermitage accueille les classes, sur réservation. L’entrée est gratuite jusqu’à 18 ans. Afin de faciliter la préparation des enseignants, elle offre l’entrée gratuite à tout enseignant désirant venir individuellement préparer sa visite.

Visites commentées Visites commentées interactives d’une heure, adaptées à l’âge des élèves (prix : CHF 130.- par conférencière). Le nombre de participants est limité à 25 élèves par médiatrice (possibilité de visite simultanée par plusieurs médiatrices, selon les disponibilités) Sur réservation au +41 (0)21 320 50 01

Ateliers Visite-découverte de l’exposition, suivie d’un atelier créatif avec une médiatrice Prix : CHF 8.- par écolier, comprenant la visite de l’exposition et le matériel Durée : 2 heures Le nombre de participants est limité à 25 élèves. Dès 4 ans et adaptable à tout niveau scolaire. Sur réservation au +41 (0)21 320 50 01

Parcours-jeu Visite ludique et didactique de l’exposition pour les enfants de 6 à 12 ans, à l’aide d’une brochure gratuite, sur demande à l’accueil. Cette brochure est réservée aux enfants venus visiter le musée en famille.

Visite commentée spécialement destinée aux enseignant-e-s : Mercredi 2 septembre à 16h Sur inscription au +41 (0)21 320 50 01

Nombre de place limité

Accès : bus tl n° 3, 8, 22 ou 60 : arrêt Motte, ou bus tl n° 16 : arrêt Hermitage

Toutes les infos concernant les conférences et les autres animations se trouvent sur le site internet de la Fondation de l'Hermitage : www.fondation- hermitage.ch

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