L’UNIVERSITÉ BLAISE PASCAL DE CLERMONT-FERRAND À L’UNESCO

À l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’Homme 2011

Enfances en guerre. Témoignages d’enfants sur la guerre :

Colloque international à l’UNESCO

du 7 au 9 décembre 2011

Dans le cadre du Programme de l’UNESCO pour l’éducation des enfants en détresse.

7-9 décembre 2011

Colloque international

Enfances en guerre. Témoignages d’enfants sur la guerre

Ce colloque International a été conçu par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs regroupés dans le projet Enfance- Violence-Exil de l’Agence Nationale pour la Recherche, piloté par l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand en coopération avec l’université de Picardie Jules Verne d’Amiens, l’Institut d’Histoire du Temps Présent (CNRS), l’Association Enfance Réseau Monde Services () et l’université de Regensbourg (Allemagne). A travers l’étude transdisciplinaire, allant de l’histoire de l’art à la psychologie et en traversant toutes les sciences humaines et sociales, ces travaux placent l’enfant au milieu des recherches scientifiques sur les cultures et violences guerrières. L’expérience enfantine en temps de guerre est généralement lue à travers le prisme du « traumatisme », où l’être traumatisé apparaît comme subissant et passif face à des événements sur lesquels il n’a aucune prise. Or, dans les situations de guerre où les enfants sont tout sauf préservés, que ce soit par l’expérience du départ ou de la mort des proches, des violences, de la faim, ils développent de nouveaux savoir-faire et font souvent montre d’une capacité d’adaptation supérieure à celle des adultes. Sans nier les évidentes souffrances physiques et psychologiques imposées par les guerres, l’étude des témoignages enfantins devient ainsi le moyen d’aborder leur capacité d’agir face à ces situations extrêmes.

Exposition itinérante

J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner

Dans le cadre du colloque, le 7 décembre à 18 heures, cette exposition de dessins d’enfants sera inaugurée en hommage à Françoise et Alfred Brauner pour le 100ème anniversaire de leur naissance. La collection établie par le couple Brauner réunit des témoignages enfantins allant de la guerre des Boers jusqu’aux conflits en ex-Yougoslavie. L’exposition présente toutes les facettes de l’expérience de guerre enfantine au XXème siècle, non pas illustrées mais véritablement incarnées ; elle donne à entendre des voix de papier. Alfred Brauner est né en 1910 à Saint-Mandé (France), et Fritzi Erna Riesel à Vienne (Autriche) en 1911. En 1937, Fritzi (devenue Françoise) et Alfred Brauner rejoignent les Brigades Internationales en Espagne, elle d’abord, comme médecin ; lui ensuite, avec la charge d’inspecter les centres pour enfants évacués. C’est dans ces foyers que les Brauner commencent à s’intéresser au dessin comme outil thérapeutique, mais aussi politique, servant à dénoncer les horreurs de la guerre. Cette première expérience humanitaire se prolonge à leur retour en France, avec des enfants juifs évacués d’Allemagne et d’Autriche, puis revenant des camps en 1945. Par la suite, la vie professionnelle des Brauner

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7-9 décembre 2011 se tourne vers la réinsertion des enfants inadaptés. Mais leur engagement en faveur de ces « enfants qui ont vécu la guerre » ne se dément pas, que ce soit par l’action associative avec Enfants Réfugiés du Monde, ou par la collecte ininterrompue des dessins d’enfants en guerre, à travers le siècle et les continents – de la guerre du Liban au Guatemala, de l’Algérie au Vietnam. La richesse et la continuité de cette collection en font la singularité et l’intérêt.

Par la suite, l’exposition sera itinérante et pourra suivre les étapes des lieux de colloque du projet Enfance-Violence-Exil, Ville de Clermont-Ferrand (les 20-22 novembre 2013) à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, Bibliothèque nationale de France, Universités Regensburg, Hambourg (Allemagne), Historial de Péronne, etc.

Publication

J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner (ISBN 978-2-84516-527-4)

I have Drawn Pictures of the War, The Eye of Françoise and Alfred Brauner. (ISBN 978-2-84516-549-6)

La publication des Presses Universitaire Blaise Pascal (2011), réalisée par le Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS) et le Service Université Culture (SUC) de l’université Blaise Pascal, en collaboration avec l’université de Picardie Jules Verne d’Amiens et l’Institut d’Histoire du Temps Présent (CNRS), sera présentée au public. L’ouvrage l’histoire des conflits contemporains à travers les dessins d’enfants et permettra à tous les publics d’aborder les guerres contemporaines d’un point de vu exceptionnelle à « hauteur d’enfant ». L’ouvrage sera accompagnée d’une mallette pédagogique à destination des enseignants.

Programme de l’UNESCO pour l’éducation des enfants en détresse

Le colloque ainsi que l’exposition s’inscrivent dans ce Programme de l’UNESCO pour l’éducation des enfants en détresse, qui fait appel à des dons privés afin d’offrir un avenir aux enfants fragilisés à travers l’éducation. Depuis sa création en 1992, plus de 340 projets ont été soutenus dans plus de 90 pays du monde. http://www.unesco.org/new/en/social-and-human-sciences/themes/human-rights/education-of- children-in-need/

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Pour plus d’information le site internet est à votre disposition : www.enfance-violence-exil.net

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Informations pratiques

Colloque les mercredi 7, jeudi 8 et vendredi 9 décembre 2011 LOCALISATION UNESCO Inauguration de l’exposition le mercredi 7 décembre 125, avenue de Suffren à 18 heures 75007 Salle IV

Inscription en ligne sur le site www.enfance-violence-exil.net Rubrique « colloques et séminaires », « colloque UNESCO », « informations pratiques »

Les contacts

Coordination scientifique colloque, ouvrage et exposition J’ai dessiné la guerre : Catherine Milkovitch-Rioux (porteur du projet Enfance Violence Exil) Rose Duroux (responsable scientifique du programme « Brauner ») Université Blaise Pascal 29, Bd Gergovia F-63 037 Clermont-Ferrand Cedex Tél. + 33 6 84 26 98 77 [email protected]

Contact presse :

Isabelle Cassandre Le Fournis UNESCO Press Officer Media Relations Section i.le-fournis@.org

Sophie Dorn Université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand Service Central Présidence – Communication [email protected] +33 4 73 40 62 88

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Avec la participation de …

Radhika Coomaraswamy Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés. Membre du Cabinet du secrétaire général des Nations unies. Juriste de formation et Présidente de la Commission des droits de l’homme du Sri Lanka depuis 2003, Radhika Coomaraswany est connue internationalement pour son action en faveur de la cause des droits de la personne humaine, et elle a été Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la violence à l’égard les femmes (1994 -2003). Elle défend activement les droits de la femme, et travaille sur leur position dans les conflits armés. Parmi les nombreux prix qui lui ont été décernés, on peut citer le Prix des droits de l'homme de l'International Human Rights Law Group, et le Prix des droits de l'homme Leo Ettinger.

Stéphane Audouin-Rouzeau Historien reconnu, son champ de spécialité principal est l’histoire de la Grande Guerre, appréhendée sous l’angle culturel et, plus récemment, anthropologique (représentations combattantes, enfants dans la guerre, viols de guerre, deuils). Président du Centre de Recherche de l'Historial de la Grande Guerre, il est également directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Parmi ses ouvrages, Les Combats des tranchées, et 1914-1918 : retrouver la guerre, ont contribué au renouvellement de l'historiographie française. Une de ses thèses, sur la notion de « consentement patriotique » a fait débat parmi les historiens. Il a également publié des ouvrages majeurs sur la place de l’enfant dans la guerre : L'enfant de l'ennemi, et La guerre des enfants (1914-1918). Il a été nommé chevalier de la légion d’honneur en 2010.

Boris Cyrulnik Neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste français. En 1942, alors que Boris Cyrulnik grandit à , ses parents, juifs russo-polonais, sont arrêtés et déportés. Lui-même échappera de peu à une rafle en janvier 1944 et parvient à se cacher. Mondialement connu pour avoir mis en évidence concept de « résilience », Boris Cyrulnik a consacré nombre de ses travaux à la psychologie de l’enfant. Il est auteur de multiples ouvrages parmi lesquels Les vilains petits canards, Un merveilleux malheur, sous le signe du lien… Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Marie-Rose Moro Psychiatre d'enfants et d'adolescents, psychanalyste, Docteur en médecine et en sciences humaines. Elle est psychiatre au sein de l'ONG Médecins Sans Frontières depuis 1988, et actuellement chef de service de la Maison des adolescents de Cochin, à Paris. Elle est aussi chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Avicenne (Bobigny) depuis 2001. Elle y a créé en 2004 Casita, Maison pour les adolescents. De formation philosophique, elle est aussi écrivaine. C'est la chef de file actuelle de l'ethnopsychanalyse et de la psychiatrie transculturelle en France.

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Ses travaux concernent les forces et vulnérabilités des enfants de migrants, les dispositifs thérapeutiques, les métissages, le bilinguisme et le traumatisme psychique dans ses aspects transculturels. Elle a reçu l'Ordre du Mérite en 2006 et la Légion d'Honneur en 2008.

Richard Rechtman Anthropologue et psychiatre, directeur d'études à l'EHESS et directeur-adjoint de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris). Ses recherches portent sur les reconfigurations contemporaines du champ de la santé mentale, la recomposition des figures de l’altérité (en rapport avec les processus d’extermination, en s’appuyant sur le cas du génocide perpétré par les Khmers rouges dans le Cambodge des années 1975 – 1979) et l’analyse des retranscriptions par l’écriture de ces formes de subjectivation sociale. Il est membre de l’Equipe Editoriale du réseau scientifique TERRA. L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime. Paris, Flammarion, 2007 (avec D. Fassin).

Pierre Salignon Directeur général de l'action humanitaire de Médecins du Monde. Juriste de formation, il a travaillé pour l'association Médecins Sans Frontières entre 1992 et 2008, en occupant des fonctions de coordinateur sur le terrain en ex-Yougoslavie, avant de devenir responsable de programmes au siège parisien, puis directeur général de la section française du mouvement international de MSF (2003- 2007). En 2008, il rejoint l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en tant que directeur de projet par intérim du « Health and Nutrition Tracking Service » (HNTS), une initiative inter agences travaillant sur la collecte et l'analyse des données de santé et de mortalité en situation de crise. Il est l'auteur de nombreux articles sur l'humanitaire et a publié en 2002 avec Marc Le Pape du CNRS un livre aux éditions Karthala : Une guerre contre les civils, réflexions sur les pratiques humanitaires au Congo Brazzaville (1998 – 2000). Il est également membre du comité de rédaction de la revue Humanitaire.

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Programme du colloque

MERCREDI 7 DECEMBRE

9h30 Ouverture par Madame Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO, Madame Pascale Auraix-Jonchière, Directrice du Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS), Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, en présence de Monsieur Claude-Michel Brauner, Professeur émérite, Université Bordeaux 1, fils de Françoise et Alfred Brauner.

10h Introduction générale Rose Duroux (Université Blaise Pascal, CELIS), Catherine Milkovitch-Rioux (Université Blaise Pascal, CELIS, Institut d’Histoire du Temps Présent-CNRS)

10h30 A propos de Françoise et Alfred Brauner

10h30 Aurélienne Brauner, violoncelle

10h50 « Je m’appelle Alfred Brauner ». Images de Guy Baudon

11h10 « La leçon d’enfance de Françoise et Alfred Brauner : jouer en temps de guerre et d’exil » Philippe Valls (Enfance Réseau Monde-Services),

11h30 « Fred Brauner, scénariste ». Viviane Alary (Université Blaise Pascal, CELIS)

14h Le dessin d’enfant comme objet d’étude

14h « Alfred Brauner au château de la Guette » Emilie Lochy (Université de Paris Ouest-Nanterre La Défense)

14h20 « War and Its Aftermath: Children’s Sources from the Archives of the American Friends Service Committee » Donald Davis (American Friends Service Committee, Philadelphie)

14h40 « Le dessin d’enfant, quelle source pour l’historien ? » Manon Pignot (Université de Picardie Jules Verne, CHSSC),

16h-17h30 « Éducation et conflits armés » : table ronde sous la présidence de l’UNESCO

Radhika Coomaraswamy (Représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU pour les enfants et les conflits armés), Alicia Alted (Centre d’Études des Migrations et Exils de l’Université Nationale d’Éducation à Distance, Madrid), avec des experts de l’UNESCO et de l’UNICEF.

18h Inauguration de l’exposition « J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner », par Mme Irina Bokova, et en présence de Claude-Michel Brauner.

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JEUDI 8 DECEMBRE

9h Le moment de la guerre d’Espagne

9h « Retours sur dessins. Fred/Alfred Brauner, 1938, 1946, 1976, 1991 » Célia Keren (EHESS, CRH) et Rose Duroux (Université Blaise Pascal, CELIS)

9h30 « Espagne que nous avons perdue, ne nous perds pas. L’histoire de l'exil écrite par les Niños de Rusia ». Verónica Sierra Blas (Université d’Alcalá, SIECE-Groupe de Recherche LEA-RedAIEP, Espagne)

9h50 « Au delà du script. Histoire(s) des enfants de la guerre d'Espagne en Grande-Bretagne » Alicia Pozo-Gutierrez (Université de Southampton, Grande-Bretagne)

10h40 Expériences enfantines des guerres et des guerres civiles (les guerres mondiales)

10h40 « Russes blancs et enfants de l’exil » Catherine Gousseff (EHESS, CERCEC)

11h « Enfants de l'ennemi ou enfants de la guerre ? » Fabrice Virgili (Université Paris 1, IRICE-CNRS)

11h20 « Enfants déplacés après la Seconde Guerre mondiale » Tara Zahra (Université de Chicago, Etats-Unis)

13h30 « Enfants palestiniens en exil » (Je suis né ici je suis né là-bas) Amina Rachid (Université du Caire, Égypte)

13h50 « Enfances tchétchènes à l'épreuve de la guerre : quelques éléments d'analyse » Aude Merlin (CEVIPOL, Université Libre de Bruxelles, Belgique)

14h30-16h30 table ronde : Laura Lee Downs (EHESS, CRH), modératrice, Boris Cyrulnik (Université du Sud-Toulon-Var, psychiatre, éthologue à l’hôpital de Toulon), Pierre Salignon (Directeur de Médecins du Monde) ; Marie-Rose Moro (Université Paris Descartes, psychiatre, directrice de la Maison des Adolescents de Cochin).

16h40 « Les dessins d’enfants d’après le 11 septembre » Donatella Caprioglio (Faculté de médecine de Bobigny, Paris 13, Venise, Italie)

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VENDREDI 9 DECEMBRE

9h Expériences enfantines des génocides

9h « L’enfant comme topos de l'expérience et de la narration testimoniale » Philippe Mesnard (Université Blaise Pascal, CELIS – Fondation Auschwitz pour la mémoire)

9h20 « L’enfant du génocide » Catherine Coquio (Université de Paris 8)

9h40 « Avoir pour père un Arménien de quatorze ans pendant le génocide de 1915 » Janine Altounian (traductrice, essayiste, Paris)

10h30 « Les enfants du génocide : le Rwanda de demain » Marie-Odile Godard (Université de Picardie Jules Verne, SHSSC),

10h50 « Terreur au Guatemala : sur les traces des dessins d'enfants » Nicole Dagnino (Enfance Réseau Monde-Services)

11h30 Table ronde : Stéphane Audoin-Rouzeau (EHESS, CRH) modérateur, Lionel Bailly (Psychiatre des Hôpitaux, Unité de Psychopathologie de l’enfant, CH Sainte-Anne, Paris), Richard Rechtman (EHESS, IRIS), Esther Mujawayo (co-auteure de SurVivantes : Rwanda, dix ans après le génocide).

13h Clôture du colloque

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Argumentaire du colloque

Le témoignage d’enfant : un objet d’étude

A la fin du XXe siècle, la médiatisation de la figure enfantine en guerre – des enfants réfugiés aux enfants-soldats – a alimenté les renouvellements de la recherche scientifique sur les cultures et violences guerrières, plaçant l’enfant au cœur de celle-ci. Plusieurs travaux se sont ainsi penchés sur l’enfant comme objet de mobilisation des discours de guerre (Stéphane Audoin-Rouzeau), ou comme récipiendaire des politiques sociales nationales (Olivier Faron, Laura Lee Downs) et de l’aide humanitaire internationale (Tara Zahra). À côté de ces études portant sur la mobilisation et la prise en charge de l’enfant – c’est-à-dire sur les discours et pratiques adultes autour de la figure enfantine -, un deuxième ensemble de travaux, aussi bien en histoire (Manon Pignot, Catherine Goussef) qu’en littérature (Catherine Coquio, Aurélia Kalisky), se sont récemment intéressés aux expériences enfantines de la guerre prises pour elles-mêmes, et étudiées à travers les traces qu’elles ont laissées – journaux intimes, dessins, lettres, etc. Dans une optique transdisciplinaire, qui irait de l’histoire de l’art à la psychologie et traversant toutes les sciences humaines et sociales, le colloque « Témoignages d’enfants sur la guerre » se propose d’approfondir ces pistes de recherche.

Le témoignage d’enfants sur la guerre

Les idées communes sur l’« innocence » et la « naïveté » qui caractériseraient universellement l’enfant peuvent conduire le chercheur à baisser sa garde et abandonner, lorsqu’il travaille sur cet objet, les précautions et les préventions d’usage en matière d’analyse des sources. Or, comme toute documentation historique, les productions enfantines sont construites : il serait naïf d’espérer qu’elles nous ouvrent un accès immédiat et direct aux pensées et aux émotions des enfants. Lettres, dessins, mêmes les journaux intimes ont été produits dans un contexte spécifique et dans une intention plus ou moins précise. Inversement, un deuxième écueil consiste à considérer par principe les productions enfantines comme entièrement suscitées, contraintes et censurées par le regard adulte du maître, du parent, du travailleur social ou humanitaire : elles ne nous révéleraient donc rien de l’expérience « vraie » de l’enfant en question.

L’attention centrale portée à la notion de « témoignage » dans l’analyse des productions enfantines est une manière d’éviter ces deux écueils. Acte d’attestation par lequel un individu certifie un événement passé par le récit de son expérience vécue, le témoignage peut être spontané, sollicité ou imposé. Ces éléments contextuels permettent au chercheur, dans une démarche proche du dialogisme bakhtinien, de percevoir et démêler les différents locuteurs présents au sein de tout discours, y compris enfantin (qu’il soit écrit ou dessiné). Déposition judiciaire au sens premier, le témoignage se mue en véritable arme en temps de guerre, lorsque non seulement les armées mais les propagandes s’affrontent, parfois à l’échelle internationale. La collection Brauner en est le plus parfait exemple, puisqu’elle est née d’un concours de dessins d’enfants organisé en pleine guerre civile par le Secours Rouge International : la pitié suscitée par ces dessins devait sensibiliser les

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7-9 décembre 2011 populations étrangères à la tragédie espagnole, et encourager la générosité des donateurs. Or, même dans ce cas où les dessins sont bel et bien commandités, les enfants restent relativement autonomes dans la réponse qu’ils apportent à la demande adulte. Surtout, plusieurs dessins montrent que les enfants adhèrent à la démarche dénonciatrice du Secours Rouge et cherchent intentionnellement à susciter l’indignation de leur destinataire imaginaire. Même dans le cas de lettres privées, l’enfant peut chercher à informer, à influer sur une décision, à rassurer, en somme, à agir sur son destinataire, à l’influencer, à le pousser à l’action. La réflexion sur le caractère performatif des productions enfantines permet ainsi de leur restituer toute leur dimension historique.

L’intérêt des témoignages d’enfants tient donc moins à leur pertinence documentaire qu’aux effets qu’ils provoquent, et à l’interrogation qu’ils suscitent sur les modes possibles de la représentation (du monde et de soi), sur les virtualités du langage et de l’art. Dans une perspective transdisciplinaire, la réflexion menée au cours du colloque sera ainsi appelée à se porter sur la valeur poétique, littéraire, ou plus généralement artistique, de ces productions.

Traumatisme et capacité d’agir

La mise au premier plan de la nature performative du discours de témoignage, quelle que soit sa forme (dessin, écrit, parole enregistrée ou restituée), permet également de porter un regard nouveau sur les enfants comme acteurs, et non seulement comme victimes des guerres. En effet, de nos jours, l’expérience enfantine en temps de guerre est généralement lue à travers le prisme universel et anhistorique du « traumatisme », où l’être traumatisé apparaît comme subissant et passif face à des événements sur lesquels il n’a aucune prise. Or, dans ces situations de guerre où les enfants sont tout sauf préservés, que ce soit par l’expérience du départ ou de la mort des proches, des violences, de la faim, ils développent de nouveaux savoir-faire et font souvent montre d’une capacité d’adaptation supérieure à celle des adultes, comme l’a montré Nicholas Stargardt dans le cas de la Deuxième Guerre mondiale. Sans nier les évidentes souffrances physiques et psychologiques imposées par les guerres, l’étude des témoignages enfantins, c’est-à-dire de ce que les enfants disent d’eux-mêmes, de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils voient et de ce qu’ils font, est le meilleur moyen d’aborder leur capacité d’agir et de chercher à saisir comment ils ont compris la guerre qui se jouait devant leurs yeux et essayé de s’y adapter et d’améliorer leur situation, même à partir d’une position de faiblesse structurelle.

La diversité des expériences enfantines ou le mirage de l’unicité

La question de la souffrance et de la capacité d’agir permet d’emblée de restituer aux enfances en guerre leur diversité et leur variabilité : différents enfants réagissent différemment à une expérience similaire. Il est donc nécessaire d’échapper au piège d’une généralisation abusive, en prêtant attention aux facteurs de la diversité des expériences enfantines. Si le contexte joue évidemment (proximité au front, situation familiale, etc.), les barrières d’âge, de sexe et de classe séparent également les vécus des enfants, comme l’a montré Manon Pignot dans le cas de la Première Guerre mondiale. Or, ces variables peuvent constituer autant de biais dans la constitution des corpus de témoignages enfantins : a priori, on peut supposer que les enfants plus âgés, garçons, et issus de

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7-9 décembre 2011 milieux aisés sont plus susceptibles de laisser une trace écrite ou dessinée de leur expérience que des enfants en bas âge, non alphabétisés, pauvres et de sexe féminin. La confrontation de front avec ces biais de sexe, d’âge et de classe permettra, au cours du colloque, de réfléchir à cette diversité, mais également à une éventuelle spécificité partagée des expériences enfantines.

Témoignages contemporains et rétrospectifs : création et recréation de l’expérience enfantine de la guerre

La confrontation entre des témoignages enfantins contemporains, c’est-à-dire livrés au moment même de l’expérience de guerre, et des témoignages rétrospectifs, que ceux-ci soient écrits ou oraux, publiés ou produits dans un cadre privé (familial, associatif, scientifique), met l’accent sur le caractère toujours construit du récit d’expérience, et sur le travail opéré par le temps sur ce récit. De même que le témoignage de l’enfant répond à un contexte et à une intention donnée, le regard porté par un individu sur son passé est constamment réactualisé par sa situation présente. Les effets contradictoires de l’oubli et de l’hypermnésie de l’enfance font ressortir ce qui, avec le recul, est resté marquant pour un individu ayant vécu la guerre dans son enfance. En somme, les témoignages rétrospectifs permettent de mesurer l’impact des expériences enfantines de la guerre sur la construction postérieure du moi adulte.

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Zoom sur … le programme Enfance Violence Exil (EVE)

Ce colloque s’inscrit dans le cadre du projet EVE auquel collaborent des chercheurs des universités de Clermont-Ferrand, d’Amiens et de Regensbourg, retenu par l’Agence Nationale de la Recherche. Le projet EVE a pour but de mettre en valeur les différents fonds relatifs à l’expérience de guerre, à l’exil consécutif aux violences civiles, à la violence subie par des enfants au cours ou à la suite des conflits du XXe siècle.

Deux colloques ont déjà eu lieu dans ce cadre :

- L’ENFANT COMBATTANT. Pratiques et représentations, Université de Picardie Jules Verne, 25-26 novembre 2010.

- LES ENFANTS DE LA GUERRE D’ESPAGNE. Expériences et représentations culturelles, Université Blaise Pascal (IUFM) Clermont-Ferrand 2, 9-10 juin 2011. Projection de documentaires du festival Traces de vie, en partenariat avec le Service Université Culture de Clermont-Ferrand.

Le programme se poursuit jusqu’en 2013 avec des colloques et manifestations culturelles dont la clôture sera organisée à Clermont-Ferrand : - QUAND LES ENFANTS ÉCRIVENT LE GÉNOCIDE : théories – textes – témoignages, Aby-Warburg- Haus Université de Hambourg, 19-21 janvier 2012.

- ENFANCE, EXIL ET VIOLENCE. Mouvements en Italie, en France et entre l’Italie et la France de 1939 à 1979, Université de Regensbourg, 21-23 juin 2012.

- ENFANTS EN TEMPS DE GUERRE ET LITTÉRATURES DE JEUNESSE, co-organisé par l’université Blaise Pascal et la BnF à Paris (BnF et Université de Paris 13 (Villetaneuse), 18-19 octobre 2012.

- ENFANCE VIOLENCE EXIL, Colloque de clôture, (à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant), Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand 2, 20-22 novembre 2013. Programme culturel, spectacles, projections, lectures, conférences (Service Université Culture et Ville de Clermont- Ferrand, 20 novembre 2013). Avec l’inauguration de l’exposition « J’AI DESSINÉ LA GUERRE. Le Regard de Françoise et Alfred Brauner » en partenariat avec la Ville de Clermont-Ferrand, espace Victoire, 20 novembre 2013-5 janvier 2014.

Le site web www.enfance-violence-exil.net

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L’ouvrage J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner.

Cet ouvrage retrace l’histoire des conflits contemporains à partir de dessins d’enfants qui en livrent un témoignage poignant. L’intérêt spécifique pour le dessin d’enfant dans la guerre s’est réellement forgé pendant la guerre d’Espagne (1936-1939), au moment où Françoise et Alfred Brauner, engagés dans les Brigades Internationales ont testé l’apport de l’expression graphique, sa fonction réparatrice, sa faculté cathartique. Toute leur vie, ils glaneront des dessins d’enfants dans la guerre dont ils révèleront les enseignements pour la compréhension de l’enfance dans la guerre. Aux dessins d’Espagne sont venus s’ajouter ceux des camps de concentration, du Japon, du Vietnam, d’Algérie, du Liban, du Cambodge, du Salvador, d’Afghanistan, de Palestine, de Tchétchénie…

Ce volume permettra à tous les publics d’aborder les guerres contemporaines d’un point de vue exceptionnel, « à hauteur d’enfant ». Il s’adresse tout particulièrement aux enseignant–e-s du primaire et du secondaire souhaitant aborder la guerre en classe. Par ailleurs, il sera accompagné d’une mallette pédagogique à destination des enseignants. Il n’est pas destiné directement aux enfants: certains dessins et leurs légendes, très durs, peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes. Mails ils doivent également susciter débat et analyse en mettant en valeur la perception enfantine de la guerre.

Ouvrage présenté lors du colloque Enfances en guerre. Témoignages d’enfants sur la guerre sous le haut patronage de l’UNESCO, avec le concours de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), du Conseil Régional d’Auvergne, de la Municipalité et de la Mission des Relations Internationale de Clermont-Ferrand. Conception scientifique du projet : CELIS, Université Blaise-Pascal de Clermont- Ferrand et Service Université Culture (SUC, Clermont-Ferrand). En collaboration avec l’IUFM d’Auvergne, le Centre d’Histoire des Sociétés, des Sciences et des Conflits (SHSSC, université de Picardie Jules Verne) et l’Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP, CNRS Paris).

Il est composé de 159 pages, 52 dessins et 46 photos pour un prix de 20 euros (Franco de port) jusqu’au 1er décembre 2011, le prix public après cette date étant de 30 euros. Une version anglaise est également disponible (I Have Drawn Pictures of the War. The Eye of Françoise and Alfred Brauner). Pour bénéficier de l’offre il faudra remplir et expédier le coupon joint au bon de commande par courrier postal, accompagné de du règlement, avant le 1er décembre 2011 (PUBP, Maison des Sciences de l’Homme, 4, rue Ledru FR- 63057 Clermont-Ferrand Cedex 1).

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Programme pour l’éducation des enfants en détresse de l’UNESCO

Le Programme de l’UNESCO pour l’éducation des enfants en détresse fait appel à des dons privés afin d’offrir un avenir aux enfants fragilisés à travers l’éducation. Depuis sa création en 1992, plus de 340 projets ont été soutenus dans plus de 90 pays du monde.

L’interdépendance économique, les facilités de voyage, le tourisme et les outils de communication électronique ont fait de notre planète un village international. Pourtant, dans ce monde en développement, des millions d’enfants meurent toujours, victimes de la maladie, d’abus ou de négligence. Beaucoup doivent affronter seuls la vie dans la rue. Certains sont enrôlés de force dans des conflits armés ou soumis au travail forcé. D’autres sont tout simplement réduits à l’esclavage sexuel. Exposés à la violence et à l’exploitation, abandonnés, affamés ou sans-abri, ces enfants peuplent toute la planète. Pour les sortir de l’intolérable et du désespoir, une seule solution - l’éducation.

Le programme soutient des projets opérationnels pour aider les enfants des rues, les enfants travailleurs, les enfants soldats, les enfants handicapés ou malades, les enfants en situation de post- conflit ou de post-désastre. Les projets sont mis en œuvres pas des Organisations NG en coopération avec l’UNESCO et ses bureaux décentralisés. Le programme est entièrement financé par des dons privés, notamment grâce au soutien des Ambassadeurs de bonne volonté de l’UNESCO, et des personnalités du monde des arts, de la culture et du sport ainsi que des partenariats avec les entreprises privées.

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Acteurs et partenaires

Dans le cadre du programme Dans le cadre du Programme Enfance Violence Exil de l’ANR de l’UNESCO pour l’éducation des enfants en détresse

Université Blaise Pascal, Clermont Ferrand

Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique, Porteur du projet Enfance Violence Exil.

Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).

Institut d’Histoire du Temps Présent IHTP, CNRS Paris

Université de Picardie Jules Verne, Amiens 16

7-9 décembre 2011

Université Nationale à distance, Madrid

Enfance Réseau Monde Services

Université de Regensbourg, Allemagne

Service Université Culture, Clermont Université

Le projet Enfance Violence Exil est réalisé avec le soutien de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR) dans le cadre du programme « Enfants et enfance ».

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