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Voyage à l' Ouest

© Éditions Albin Michel S.A. 1991 22, rue Huyghens, 75014 Paris

ISBN 2-226-05386-7 Introduction

Ce livre est très vivant. On y voit des communistes désinvoltes sous un nuage toxique; deux écrivains trim- ballés dans une Hotchkiss 1933, et qui déçoivent un fantôme; un académicien tout nu enrobé de confiture d'algues; Eddy Mitchell lisant Blondin; des véliplanchistes par un fort vent d'octobre; Stendhal flânant et tombant amoureux; des trous dans les culottes des zouaves; une annonce audacieuse punaisée sur la porte d'une cathédrale; Marie Stuart à six ans; du sel dans les flaques; une marraine qui revient des colonies; une enfance que l'on quitte doucement; une jeune fille prénommée Guérande; des rues qui poussent au crime; des vacanciers confrontés avec des représentants de la population locale; une perm' à ; des 45-tours de Sacha Distel; Jean-Luc Tardieu offrant des chocolats ; des bourgeois qui chialent; des boîtes de « Player's » oubliées; des filles à vélo; un chanoine qui décourage les duels; un baron à son tombeau et un directeur de casino à l'air de sultan. Ces images dispersées sont comme des photos cornées, ou des lettres tombées d'un vieux carton à chapeau, d'une boîte à chaussures où, trop longtemps, elles ont été serrées à l'abri de la lumière, à l'abri de la mémoire. Elles dessinent le caractère singulier de cette terre de l'ouest de la France, où le fleuve rejoint l'Océan; une terre qu'on a longtemps appelée « Loire-Inférieure » et qu'on nomme, depuis trente ans, la Loire-Atlantique. Un département français n'est rien : numéro sur une plaque minéralogique (44), verset dans une litanie ânon- née en classe, entre la Haute-Loire et le Loiret (« Loire- Atlantique, préfecture Nantes, sous-préfectures Ancenis, Châteaubriant, Saint-Nazaire »), couleur (le parme) sur une carte administrative. Mais, si ce département est chanté par les poètes, écrit par les romanciers, filmé par les cinéastes, il réchauffe alors l'âme, l'esprit et le cœur, et se prend à exister vraiment. Car ce sont les artistes qui donnent son cachet à une terre, et c'est la terre qui fait naître les artistes. Cecil Maurice Bowra a noté comment la lumière grecque, intense et précise, avait dessiné les contours de l'esprit et de la littérature hellènes. Marcel Pagnol, par les yeux de qui — et de Mistral, et de Daudet, et de Giono — nous voyons la Provence, pensait que la raison principale de la présence de tant d'hommes de génie à Paris tenait à la composition géologique du sous-sol de la capitale, qui exhalait des vapeurs propices à l'esprit. Ce que Sacha Guitry commente en ces termes : « Être parisien, ce n'est pas être né à Paris, c'est y renaître; ce n'est pas y être, c'est en être; ce n'est pas y vivre, c'est en vivre; ce n'est pas y avoir vu le jour, mais c'est y voir clair. On n'est pas de Paris comme on est de Clermont, mais on est de Paris comme on est d'un cercle. » Ma foi, je serais bien tenté de dire la même chose de la Loire-Atlantique, créée par des administrateurs, mais recréée par les poètes, que leurs moyens d'expression aient été la plume, la voix, le pinceau ou la caméra. Car, avec la Provence et Paris, aucune terre de France n'a été autant célébrée par les artistes que celle-là. Vous en avez une preuve dans l'ouvrage que vous avez entre les mains. Ce livre n'est pas une somme, loin de là. Et Dieu merci. D'abord parce que les sommes sont assommantes; ensuite parce qu'il y aurait fallu dix épais volumes. Ce livre est une promenade, gourmande et légère, dans un des plus beaux coins de France. Aucun des dix écrivains qui l'ont signé n'en est originaire, Armel de Wismes mis à part. Mais ce « régional de l'étape » n'est à Nantes que depuis le XVI siècle, ce qui, pour une famille dont les origines remontent aux Croisades, est tout à fait récent. Mais si ces dix écrivains ont fait ce livre ensemble, c'est qu'ils ont trouvé là un écho à ce qu'ils ont de plus cher : les grands fleuves pour Luba Jurgenson, un grand film pour Éric Neuhoff, un esprit volatil et charmant pour , les traces de Balzac pour Félicien Marceau, la présence de l'océan pour Michel Déon, la marque d'un esprit ouvrier, farouche et désinvolte, pour Patrick Besson, des fantômes pour Geneviève Dormann, des traces d'enfance et de formation pour Irène Frain, François Nourissier et Armel de Wismes. Et, par-dessus tout cela, cet air à la fois sucré et salé, cette atmosphère incertaine, un tremblement et une dérive qui font de cette terre baignée par les eaux une sorte d'île. L'eau est très présente, ici. Par la Loire bien sûr — une Loire que des imbéciles ont comblée à Nantes, mais dont le fantôme hante et transforme les esprits—, par l'Erdre (la plus belle rivière de France, selon François I par la Sèvre, l'Acheneau, le Brivet et le canal de Nantes à Brest; mais aussi par le lac de Grand-Lieu (le plus grand de France), la Brière et les marais salants que baigne le grand Atlantique près de La Baule (dont la baie a vu les premiers exploits de la plus grande génération de marins du monde : Yves et Marc Pajot, Bruno, Stéphane et Loïck Peyron, Fred Beauchêne, Yves Loday, Jean Maurel, Marc Bouët, Alain Pichavant, François Boucher, sans compter Patrice Martin, champion du monde de ski nautique). Un océan si présent que, si son niveau montait de cent mètres, il recouvrirait le département tout entier (ce ne serait plus la Loire-Atlantique, mais la Loire-Atlantide!); et si son niveau baissait de cinquante mètres, la côte serait reportée au-delà de Belle-Ile et de l'île d'Yeu : à vol d'oiseau, Saint-Nazaire serait alors à cinquante kilomètres de la côte. Cette omniprésence de l'élément liquide — sans compter la pluie, qu'exalte , né à Campbon, dans Champs d'honneur — donne sa singularité, et un sentiment d'insularité à la Loire-Atlantique. « En fin de compte, note dans La Forme d'une ville, le manque de solidité, dans son assise locale a, selon mon jugement, beaucoup servi Nantes Quand il s'agit de la lier à une mouvance territoriale, la ville semble fuir entre les doigts. Ni réellement bretonne ni vraiment vendéenne, elle n'est même pas ligérienne, malgré la création artificielle de la région des " Pays de Loire", parce qu'elle obture, plutôt qu'elle ne vitalise, un fleuve inanimé. Elle y gagne d'être, probablement avec le seul Lyon — infiniment plus intégré qu'elle à la circulation générale du pays — et sans doute avec Strasbourg, la grande ville la moins provinciale de France. Privée de toute osmose vraie avec les campagnes voisines, délivrée des servitudes économiques étroites d'un marché local, elle tendait à devenir dans mon esprit la ville, une ville plus décollée qu'une autre de ses supports naturels, encastrée en étrangère dans son terroir, sans se soucier de frayer le moins du monde avec lui. » On voudrait parler d'une île qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Naturellement, la particularité de ce territoire ne se limite pas aux questions artistiques ou intellectuelles. Le « cadre de vie », comme disent les jargonneurs, est d'une

1. Lisez ce texte en mettant « Loire-Atlantique » à la place de « Nantes », et tout s'explique. diversité telle qu'il décourage le classement. Où trouver, sur moins de sept mille kilomètres carrés, un large fleuve baignant des vignes et des cultures maraîchères, fruitières et florales; la mer, bordée de sable blond ou de rochers noirs; les forêts pleines de sangliers, cerfs, chevreuils et biches; les lacs où passent les canards; et quelques grandes villes qui ont fait l'histoire de France? Où trouver des gourmands qui ont donné au monde le beurre blanc, les petits-beurre et les Pailles-d'Or, les berlingots et les galettes Saint-Michel, le muscadet et le gros-plant, les niniches et les « côtes nantaises », les civelles, les anguilles fumées et ce sel de Guérande au parfum de violette? Où trouver cet esprit farouche et charmant, qui fit Cambronne et Jacques Demy, les très rudes mouvements ouvriers de la Navale et Jules Verne, Joseph Fouché (hé oui!) et Ange Guépin? Quelle autre ville que Nantes aurait pu mener ce football vaillant, tendre et fringant? Quel autre club que le Football Club de Nantes aurait pu prendre pour mascotte le gentil canari (« Espèce de serin de couleur jaune verdâtre », dit le Larousse) et afficher le plus constant et glorieux palmarès du football français? Toute la Loire-Atlantique est dans ces paradoxes, dans cette prodigalité délicieuse et discrète. Il n'est pas hasar- deux que cette terre ait donné tant d'artistes et de richesses, qu' elle ait exacerbé les sensibilités. Il se passe ici quelque chose de singulier. Enfin... il s'y passe quelque chose! Voilà pourquoi il fait bon vivre dans ce vieux pays plein d'extravagance et de gens comme il faut.

STÉPHANE HOFFMANN

Nantes par Geneviève Dormann

Geneviève Dormann n' aime que les villes. La campagne, avec tous ses « petits oiseaux crus dans les arbres » et son herbe qui pousse, la fait s'évanouir d'ennui (à moins qu'il y ait la mer autour). « Tout y est mort à sept heures du soir, dit- elle. C'est désespérant. Dans les villes, au contraire, il y a toujours un endroit qui vit, des gens avec qui on peut parler. Les villes sont bonnes pour les solitaires dont je suis. J'aime les journaux, par exemple, toujours ouverts, où quelqu'un veille la nuit. On a toujours un ami dans un journal, même la nuit de Noël. » Les pierres, le goudron, les odeurs, les boutiques, les ciné- mas, les cafés et les vieilles rues des villes lui font oublier son horreur de la foule. « La plupart des écrivains et des personnages historiques que j'aime étant morts, dit-elle, c'est dans les villes que je retrouve leurs traces et leur souvenir. Les vieilles villes sont remplies de fantômes; c'est aussi pour cette raison que je les aime. » Après Paris où elle est née et où elle n'a pas fini de découvrir des merveilles, ses villes de prédilection dans le monde : Saint-Malo, Port-Louis (de Maurice) mais aussi Londres, Dublin, Édimbourg ou Lyon. « Le vieux Lyon est tout à fait magique. Un jour, près d'une église, je m'aventurai dans un étroit passage dont la grille était ouverte. Il y avait là des chats sauvages. Impressionnée, je fis demi-tour: la grille était fermée avec un énorme cadenas et une chaîne rouillés. J'appelai à l'aide. Des gens vinrent me délivrer, après avoir brisé le cadenas dont personne n'avait la clef : « Mais comment êtes-vous entrée? — La grille était ouverte. — Impossible! Ce passage n'a pas été ouvert depuis au moins trente ans! » Son amour des villes se retrouve dans ses livres, notamment dans Fleur de péché, roman très citadin ou Mickey l'Ange, où elle décrit le château de Versailles qu'elle voudrait habiter. « J'y serais très bien. Ce logis ne serait pas trop grand pour moi. Mon amour pour ce château de Versailles explique mon détachement des maisons : pour moi, c'est Versailles ou rien. C'est pourquoi, dans Mickey l'Ange, j'ai inventé ce qui s'y passe la nuit. » Même si elle connaît déjà beaucoup de villes, Geneviève Dormann ne compte pas s'arrêter là; elle voudrait aller à Shanghai dont le nom la fait rêver depuis son enfance, ou Saint-Pierre-et-Miquelon, ou Vienne. « J'aime les noms de villes qui chantent. Nantes a été pour moi un éblouissement. Il y a des beautés à chaque coin de rue. » Les fantômes de Nantes

Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j'ai l'impression que peut m'ar- river quelque chose qui en vaut la peine, où certains regards brûlent pour eux-mêmes de trop de feux... ANDRÉ BRETON, Nadja.

ANS le film Les jeux sont faits (de Sartre et Delannoy, type="BWD"D en 1947) des personnes mortes à différentes époques se promènent dans les rues de Paris, parmi des passants vivants qui ne les voient pas. Le mélange des costumes des badauds, morts et vifs, abolit curieusement le temps et crée une image troublante dont je me suis souvenue, en découvrant Nantes pour la première fois, il y a quelques années. A Nantes, plus que partout ailleurs, des millions d ombres se mêlent aux vivants, dans ses rues, ses jardins et sur ses quais. Nous sommes quelques-uns, sinon à les voir, du moins à sentir nettement leur présence, d'où la réputation d'étrangeté et de surnaturel faite à cette ville qui, de tout temps, a dissimulé sous une activité commer- ciale ou industrielle intense, une nervosité de l'âme, une capacité d'explosion brutale des passions qui en a fait, à certains moments de l'histoire, un haut lieu de l'excès. Ce que Julien Gracq appelle : « ...une imprégnation his- torique radio-active 1 ». Nantes au nom si doux, si délectable à prononcer, avec sa première syllabe de miel que poivre la dentale finale, Nantes exerce une attraction puissante et quasiment uni- verselle que sa position marine, au bout du plus long fleuve de France, n'explique pas seulement. Peut-être parce que le nom de cette ville s'est ancré en nous — surtout, nous, Français — depuis notre enfance, par ses petits-beurre mangés par les quatre coins — ah, la jolie expression : être beurré comme un petit Lu! —, par des chansons populaires ou littéraires, celles des Jean-François de Nantes, marins en partance ou de ce Jean-François qui revient, par la grâce de Mac Orlan, « déposer son sac aux pieds de son hôtesse »... par Le Prisonnier de la tour de Nantes ou Le Pont de Nantes qui s'écroule sous les pieds des danseurs, engloutissant les « enfants obstinés » qui n'auraient pas dû s'y trouver... « non, non ma fille, tu n'iras pas danser »... Par la chanson paillarde qu'Apollinaire chantait, quand il était gai... « de Nantes à Montaigu, la digue, la digue... ». Ou encore, plus près de nous, la belle complainte de Barbara : « Il pleut sur Nantes, donne-moi la main... »

Je suis arrivée à Nantes, pour la première fois, il y a huit ans. Je venais m'y documenter pour ma biographie de Sophie Trébuchet, mère de Victor Hugo. Mais, pour- suivant ce fantôme dont je me proposais de raconter la vie, je fus bientôt entraînée, emportée par d'autres ombres que Nantes fait surgir à travers ses rues. Le vertige me saisit dès que j'eus mis le pied dans l'aéroport de Château-Bougon. Ce nom m'enchante qui évoque un vivace personnage de La Varende. Il paraît qu'un membre de la Chambre de Commerce, ennemi de

1. Julien Gracq, La Forme d'une ville, José Corti, 1985. la poésie, a récemment fait débaptiser l'aéroport pour l'affubler d'un froid vocable géographique, afin de plaire à l'Europe future. Mais les Nantais continuent, heureu- sement, à château-bougonner comme si de rien n'était. Je suis arrivée dans Nantes, la tête bourdonnante des rebondissements de son histoire, avec un plan de la ville au XVIII siècle que je connaissais par cœur et dont j'es- pérais me servir pour retracer le décor de la petite Sophie Trébuchet, pendant la Terreur, particulièrement sanglante à Nantes. Mais mon plan, en deux siècles, s'était démodé. On avait recouvert des bras de Loire, construit de nouvelles promenades, caché l'Erdre sous un tunnel, supprimé des prairies. Des îles s'étaient rattachées au continent; la Venise- de-l'Ouest n'était plus et j'étais perdue dans Nantes sur des boulevards nouveaux où s'embouteillaient des voi- tures. Mon vieux plan inutile à la main, j'interrogeai des passants : où l'Entrepôt des Cafés ? Où le couvent des Sainte-Claire? Où la Sécherie d'où partaient les terribles « noyeurs » de Carrier? On me regardait comme si j'étais tombée de la lune. Je l'étais. J'avais pris pension au cœur de la vieille ville, dans un petit hôtel de la rue Santeuil et, reléguant mon plan désuet, je partis au hasard des rues, me fiant à mon instinct pour humer Nantes et ses fantômes. Au hasard? Est-ce vraiment par hasard que je me dirigeai, d'abord, place Graslin où j'allais revenir chaque jour, rôdant entre le théâtre, le Café Molière et la Cigale? J étais fascinée, malgré le trafic incessant, par l'harmonie de cette place, ses proportions, sa beauté et je ne sais quel petit air guilleret, coquin, décolleté, qui flotte le long des belles maisons de tuffeau, élevées au XVIII siècle par le financier Graslin. Cette attraction du théâtre de Nantes, je n'étais pas la première à l'éprouver. Lorsqu'il arriva ici en 1788, l'Anglais Arthur Young, qui avait entrepris de visiter toute la France, commença, à Nantes, par la place Graslin. « Dès mon arrivée à Nantes, écrit-il, je vais au théâtre qui est nouvellement construit, en belle pierre blanche 1 » Il loge sur la place même, à l'Hôtel Henri-IV, récemment créé pour les voyageurs et dont il loue le confort. Un demi-siècle plus tard, Stendhal débarque à Nantes, en touriste, du bateau à vapeur qui l'a transporté de Tours par la Loire 2 Il est neuf heures du soir et le ciel de juin lui permet de voir, au passage, des boutiques de luxe, aussi belles, dit-il, que celles de Paris. Où va-t-il loger? Dans le même hôtel que Young, place Graslin, mais rebaptisé Hôtel de France 3 Et où va-t-il, à peine son bagage déposé?... « Je cours au spectacle... » dans ce théâtre dont la salle était comble. Il remarquera, quelques jours plus tard, les huit colonnes corinthiennes du péristyle. Il ne les aime pas, les trouve « poteaux » et, considérant les huit statues de Muses qui les surmontent — elles ne lui plaisent pas davantage — il se demande, ironique, « laquelle a eu le bonheur d'être oubliée? ».

Stendhal séjournera dix jours à Nantes, y visitera, en bon touriste, monuments et musées qu'il juge assez sévè- rement. S'enchantera de découvrir l'Erdre qui rime avec le mot perdre dont on lui disait, à son collège, qu'il ne possédait aucune rime. Remarquera, près de la Loire, « ...deux ou trois maisons qu'une ville aussi riche et aussi belle que Nantes n'aurait pas dû laisser bâtir » (il mourrait d'apoplexie en voyant notre tour de Bretagne!) et conclut

« ...les échevins qui administrent nos villes ne sont pas

1. Arthur Young, Voyage en France, Armand Colin. 2. Stendhal, Mémoires d'un touriste, FM/La Découverte. 3. Il n'existe plus aujourd'hui mais une plaque, sur le mur de la maison qui fait l'angle de la place et de la rue Racine, signale son emplacement et le séjour de Stendhal. forts pour le beau ». Il assiste au lancement d'un navire, va dîner chez des Nantais de bonne compagnie, lorgne une jeune fille de dix-huit ans qui conduit un omnibus, tombe amoureux d'une autre belle jeune fille au chapeau vert, sur le bateau à vapeur qui le ramène d'une excursion à Saint-Nazaire, va chasser la bécassine avec un Américain de rencontre. Il se promène avec plaisir au cours Cam- bronne « ...place charmante [...] au milieu de la ville, à deux pas du théâtre et cependant habité par des centaines d'oiseaux. Jolies maisons à façades régulières; belle plan- tation de jeunes ormes... ». Surtout, il s'enthousiasme pour le superbe tombeau du dernier duc de Bretagne, François II, et de sa femme, Marguerite de Foix, miraculeusement sauvé des vandales révolutionnaires et que nous voyons encore dans le transept méridional de la cathédrale Saint- Pierre. Il s'extasie sur les quatre statues allégoriques de Michel Colomb qui entourent le tombeau : Force, Justice — qui reproduit, dit-on, les traits de la reine Anne, si chère aux Bretons—, Prudence et Sagesse; il remarque l' air ironique des beaux visages. Il reviendra seul, tous les soirs, rêver devant ce chef-d'œuvre de la Renaissance. Viendrait-il encore aujourd'hui, rêver dans la cathé- drale? Il n'y reconnaîtrait pas grand'chose. Restaurée après l' incendie de 1972, avec sa décoration moderne et sa verrière contemporaine qui éclaire (trop) le somptueux tombeau, l'atmosphère de la cathédrale, privée de surcroît de son maître-autel ancien remplacé par la table plate du nouveau rite catholique, est totalement bouleversée. Ce que Stendhal n'a pas vu, dans la cathédrale, c'est le cénotaphe du général de Lamoricière qui fait pendant, dans le croisillon gauche, au tombeau de François II. Sculpté par Paul Dubois, en 1879, il représente le général, couché sous un linceul, avec quatre statues de bronze qui montent la garde à la tête et aux pieds du vaillant militaire. Pompeux comme toutes les sculptures officielles de la fin du XIX siècle, ce cénotaphe n'en est pas moins un objet d'admiration pour les touristes de base qui lui accordent le même intérêt qu'au beau tombeau des ducs de Bretagne! Quand j'ai vu ce cénotaphe pour la première fois, l'ombre de mon vieil ami Alexandre Vialatte est venue se joindre à celle du général allongé sous son linceul pour me torturer d'une question à laquelle, sans doute, je ne trouverai jamais de réponse. Cette question, la voici : Christophe, Louis, Léon Juchault de Lamoricière, polytechnicien, général et homme politique français, né à Nantes en 1806 et mort en 1865, après avoir pris part à la conquête de l'Algérie, s'être distingué à la prise de Constantine (1837), à la bataille d'Isly (1844) et avoir reçu, avec le duc d'Aumale, la soumission d'Abd el-Kader en 1847, ce général a-t-il, oui ou non, imaginé de faire percer un trou dans la culotte des zouaves, pour leur permettre de traverser les oueds sans risquer de s'y noyer, leur uniforme comportant un vaste pantalon où, sans le trou salvateur, l'eau des oueds se serait amassée, les envoyant par le fond ? Voilà ce que prétend Alexandre Vialatte, dans l'une de ses irrésistibles chroniques de La Montagne de Clermont- Ferrand, qui se terminent toutes par : « Et c'est ainsi qu'Allah est grand » Je cite : « Avec le trou de Lamo- ricière qu'inventa le général qui porte le même nom, l'eau s'écoule à mesure qu'elle pénètre. Le zouave échappe au crocodile. Il sort de l'oued en laissant derrière lui une trace humide comme l'escargot. Il tord son vaste jupon rouge; il le fait sécher sur une ficelle; le même soir il peut mourir tranquillement au combat. Dans une culotte bien sèche. En sonnant du clairon.

1. D'où le titre du recueil de ces chroniques, rééditées par Julliard en 1979, pour notre plus grand plaisir. « Telles sont les mœurs héroïques du zouave. Mon enfance a été nourrie de ses grands exemples. Je rêvais du trou de Lamoricière; j'en perçais un dans mon costume marin pour échapper aux crocodiles. Afin de mieux tra- verser les oueds. » Partageant avec Colette l'honneur d'être fille de zouave, on comprendra que tout ce qui touche au zouave ne saurait me laisser indifférente. C'est pourquoi, chaque fois que je passe par la cathédrale de Nantes, près du cénotaphe de Christophe, Louis, Léon Juchault de Lamoricière, je me demande si le général a vraiment eu l'idée géniale de ce fameux trou à qui je dois peut-être la vie, s'il a sauvé celle de mon père, au travers d'un oued de Constantine. Ou bien si c'est là une invention de mon cher Vialatte qui n'est plus là pour me répondre. Pour en revenir au fantôme amical de Stendhal qui hante la place Graslin, il nous confie que, les repas étant détestables à son hôtel et assortis d'Anglais mal élevés, il a « ... découvert un restaurant fort passable, vis-à-vis le théâtre ». L'ancêtre de la Cigale? Surtout, c'est au café avoisinant le théâtre « ...centre de la civilisation gaie et de la société des jeunes gens du pays » qu'il passe des heures à déjeuner, lire son journal et écouter « ...les propos et les rires des petites tables voisines ». Était-ce déjà le Molière? C'est au Molière qu'en 1983, j'allais prendre mes petits déjeuners, ceux de mon hôtel étant tristes, comme tous les petits déjeuners des hôtels français. J'avais fait du Molière, moi aussi, mon quartier général; si la crème de Bretagne y est moins excellente que du temps de Stendhal, les rires y demeurent aux petites tables. La jeunesse dorée de la ville vient toujours y goûter, en jeans et en blazer. D'autres fantômes rôdent entre Molière et Cigale. Ceux de Jacques Vaché et de ses amis qui eurent une grande influence sur l'histoire du surréalisme. Tout commence en 1912 par des espiègleries de potaches, élèves de première et de rhétorique au grand lycée de Nantes, aujourd'hui lycée Clemenceau. Ces quatre garçons : Jean Bellemère (plus tard, auteur dramatique, romancier et poète sous le pseudonyme de Jean Sarment), Pierre Bissérié, Eugène Hublet et Jacques Vaché, tous enfants de petite bourgeoisie et apprentis poètes, unis par le goût de la provocation, un certain idéalisme et surtout, une détestation commune du Bour- geois, du Philistin et du Mufle. Secouant la léthargie provinciale, ils tentent de s'affirmer en se dissociant d'une société dans laquelle ils étouffent, par la turbulence, l'hu- mour — noir, de préférence —, un certain dandysme (celui du jeune Lafcadio d'André Gide) et un esprit anar qu'ils définiront ainsi : « Être anarchiste, c'est avoir pris cons- cience de sa valeur propre, s'être élevé au-dessus de la foule bête et lâche et se sentir capable de vivre sans les lois mesquines établies par elle » (J. Sarment). Celui qui mène la bande, c'est le Vendéen Hublet, dont le père vend des parapluies. Son second, Bellemère (Sarment), fils d'un représentant, a, déjà, à quatorze ans, écrit un roman, Jean-Jacques de Nantes, qui sera publié vingt ans plus tard. Pierre Bissérié, fils de pharmacien, deviendra médecin. Jacques Vaché, lui, est né en 1895 à Lorient et, à cause de son père, capitaine d'artillerie de marine, a passé sa petite enfance entre Hanoi et Saigon. Il est l'aîné de quatre enfants et est venu habiter Nantes avec sa mère, quand son père a été nommé lieutenant- colonel et expédié à Dakar. Vaché n'est pas un élève exceptionnel mais se fait remarquer par une grande facilité d'expression. D'une grand'mère paternelle anglaise, il tient ses cheveux roux, ses éphélides et un snobisme britannique qu'il cultive soigneusement. Avec son monocle à l'œil et son vêtement graphies des marais salants, avec texte de ) ou Pierre Maldonado. N'oublions pas la chanson : la belle complainte de Barbara, ni la ballade de Jacques Higelin dans la gare de Nantes. Ni ces voyageurs chantés par Charles Trenet : Une famille des plus charmantes : Trois enfants, maman, papa, Partit un beau jour de Nantes Pour visiter le Canada Ni, bien sûr, cette luronne de Marie-Thérèse qui, tou- jours selon Trenet, « habitait du côté de la Sèvre nantaise ». Ni Charles Aznavour partant pour le bois de Trousse- Chemise avec deux bouteilles de vrai muscadet. Ces passages, ces visites, ces séjours, ces amours, larmes, rires et gourmandises rappelés par les écrivains ont cer- tainement changé la forme de cette terre, parce qu'ils ont changé le regard qu'on porte sur elle. Cette terre, nous la voyons par leurs yeux, nous sommes par eux conduits vers elle et en elle, et c'est par eux que nous l'aimons. C'est grâce à eux que nous nous y sentons bien et que nous y restons, parce qu'ils ont su y voir des beautés secrètes que la trivialité des jours nous empêche d'appré- hender. Cette terre, ils nous la rendent familière, ils nous la font respirer dans sa profondeur et dans sa largeur, ils nous la font devenir nôtre et nous font devenir elle. Leur regard la transcende, et nous fait apparaître les secrets les plus jalousement gardés. Cette familiarité, Thomas Narcejac, qui vécut à Nantes de 1945 à 1968 (où il fut professeur de lettres classiques au lycée Clemenceau), la revendique : « Ce qu'on garde pour soi, écrit-il, c'est que la ville qu'on aime, on peut la traiter comme un vêtement commode. On ne se gêne pas avec elle. On l'enfile sans y regarder de près, comme un veston d'intérieur, ou un manteau de pluie, ou un costume de pêche. Pas besoin de miroir. On est chez soi, que diable. Ma ville, c'est à la fois mon être et mon paraître, comme jadis, pour le seigneur, son château. Et si l'on veut disputer, je demanderai : " Où trouvez-vous pareil rendez-vous de la mer, du fleuve, du vignoble, de la prairie et des jardins? Où la campagne sent-elle comme ici, l'herbe fauchée, le parfum du foin et cette odeur de nénuphars qui promet la tanche et le gardon ? " Ces beautés secrètes créent des complicités, spécialement celles de la table. Rivière signifie auberge, bouchon, bistrot, estaminet, friture, beurre blanc et, naturellement, gros-plant et mus- cadet. Or, le muscadet ne se boit qu'entre amis, et ma ville est propice aux rencontres qui se prolongent, tête à tête, pour le plaisir. » Le plaisir de se rencontrer, Stendhal, grand spécialiste, l'avait noté à Nantes : « Le grand café, à côté des huit grandes colonnes disgracieuses qui font la façade du théâtre, me plaît beaucoup; c'est le centre de la civilisation gaie et de la société des jeunes gens du pays, comme les cafés d'Italie. » Ce café existe toujours, c'est le Café Molière, et la jeunesse de Nantes, qui ne lit peut-être pas Stendhal, mais qui est stendhalienne, s'y retrouve toujours. Autre (riche) amateur, Valery Larbaud vint à Nantes et à Saint-Nazaire à l'âge de quinze ans puis, en 1923, à quarante-quatre ans, fit un deuxième voyage à Vannes, Port-Navalo, Auray, Quiberon, Belle-Ile et Nantes : « Nantes, écrit-il, a un fleuve immense, divisé en plusieurs bras par des îles couvertes de maisons et de rues à l'infini, qui ne sont pourtant que des faubourgs de la ville. On y voit aussi un remarquable passage à plusieurs étages, théâtral, avec des escaliers de fer dont les paliers superposés donnent accès à des boutiques aux belles devantures lui- santes, rangées comme des vitrines de musée, autour d'aériennes galeries. Enfin, le long d'un quai, au beau milieu de la ville, en pleine rue, passent des trains, qui ont tous l'air de rapides qui vont rejoindre les paquebots en partance. C'est toute l'Amérique des romans de Jules Verne (qui est né à Nantes) — l'Amérique des années qui ont précédé et suivi la guerre de Sécession — l'Amérique des longues barbes en pointe et des képis dont la coiffe était rabattue sur une courte visière carrée, et des uniformes bleu foncé à parements et ganses blanches pour l'infanterie, jaunes pour la cavalerie, et rouges pour l'artillerie — une Amérique extraordinairement moderne grâce à Jules Verne — mais ce serait encore mieux si les locomotives qui passent dans les rues de Nantes avaient des chasse-neige et de grosses cloches. » Julien Gracq, quant à lui, reconnaît tout ce qu'il doit à Nantes à laquelle il a consacré un livre : « La chance, écrit-il, a fait de ces années de mon enfance et de mon adolescence un gisement que la vie a monnayé, une richesse toujours mobilisable que je prodigue à mon gré sans m'en sentir jamais plus pauvre. Reprenons donc le chemin des rues de Nantes, non pas à la rencontre d'un passé que je ne voudrais mettre à ressusciter aucune complaisance, mais plutôt de ce que je suis devenu à travers elles, et elles à travers moi. » Cette promenade à laquelle il convie ses lecteurs c'est, bien sûr, dans La Forme d'une ville qu'on peut la faire; promenade au cours de laquelle il confie que « du souvenir gardé de l'hippodrome du Petit-Port devait germer, près d'un demi-siècle plus tard, le récit du Roi Cophetua » ; promenade parfois en compagnie d'André Breton : « Peu d'itinéraires de promenade nous paraissent rétrospective- ment chargés d'un pouvoir de transfiguration aussi assuré que le trajet suivi par Breton, de son propre aveu, bien des fois, en 1915-1916, entre le lycée de jeunes filles — alors hôpital militaire — de la rue du Bocage, et le parc de Procé : " A travers les rues de Nantes, Rimbaud me possède entièrement : ce qu'il a vu, tout à fait ailleurs, interfère avec ce que je vois et va même jusqu'à s'y substituer; à son propos, je ne suis plus jamais repassé par cette sorte d" état second ' depuis lors. L'assez long chemin qui me mène chaque après-midi, seul et à pied, de l'hôpital de la rue du Bocage au beau parc de Procé, m'ouvre toutes sortes d'échappées sur les sites mêmes des Illuminations : ici la maison du général dans Enfance, là ' ce pont de bois ' arqué, plus loin certains mouvements très insolites que Rimbaud a décrits : tout cela s'engouf- frait dans une certaine boucle du petit cours d'eau bordant le parc qui ne faisait qu'un avec la ' rivière de cassis Je ne peux donner une idée plus raisonnable de ces choses. " » Cette faculté qu'a l'écrivain de voir des signes du passé dans le présent, Geneviève Dormann l'utilisera pour faire revivre le Châteaubriant et le Nantes de l'enfance de Sophie Trébuchet dans les dernières années du règne de Louis XVI et sous la Révolution. C'est ainsi, à Château- briant, qu'est le jardin d'enfance de Sophie, dont elle gardera, toute sa vie, le souvenir des odeurs : « Le parfum de vanille que donne aux roses-pommes et aux giroflées la rosée du matin. Les effluves de miel chaud que répandent à midi les buddléias hantés d'abeilles saoules. L'exhalaison violente des seringas, des tilleuls et du chèvrefeuille en fleurs, celle plus poignante de foin coupé à la fraîcheur du crépuscule ou, encore, les relents si troublants de la terre chaude et mouillée, après l'orage. » L'enfance de Sophie c'est encore, en 1788, la soirée donnée pour l'inauguration de l'Opéra de Nantes, connu aujourd'hui sous le nom de Théâtre Graslin : « Cheveux brillants et rues neuves, taille fine et maisons blanches, Nantes et Sophie embellissent de jour en jour. En deux ans, le quartier de la Comédie a surgi de terre, à la voix du financier Graslin qui a fait fortune dans le café. On dit qu'il s'est battu ferme contre les capucins propriétaires de tous les terrains du quartier et qui ne voulaient pas en céder un pouce. Bien public, connaît pas. « Mais voilà, M. Graslin a gagné. Des rues claires ont remplacé les tortes ruelles et, sur les friches où couraient les rats, où croulaient des masures de bois, s'élèvent à présent des maisons de belle apparence. Avec un magni- fique hôtel pour les voyageurs, non loin du théâtre de pierre blanche, tout neuf, avec son portique à huit piliers, sa grande salle ornée, dorée, qu'éclaire un lustre de qua- rante-huit becs : la fierté des Nantais. « On l'inaugure le jour de Pâques. Le soir, tout ce que la ville compte de plus huppé se presse sur la place illuminée où les carrosses déversent leur contenu soyeux. Il y a là les Petits des Rochettes, les du Cazaux, seigneurs du Hallay, les Montaudoin de Launay, les Perrée de la Villestreux, Bouteiller et Colas de Malmusse, les Le Roux et les Grou, M. de Kervégan et l'astronaute Coustard de Massy. « Tout ce qui vend du sucre, de la toile, du nègre ou de l'indigo, les naquiers, les armateurs et les industriels, tout ce gratin est accouru pour entendre chanter la Saint- Hubert, venue de Paris. « Sophie est là, timide et excitée à la fois. C'est sa première vraie sortie de jeune fille dans le monde. Elle a passé des heures à se parer, à poser des fleurs de soie dans ses cheveux, et voici qu'elle retrousse d'une main délicate la fameuse robe d'armoisin amarante, un peu décolletée mais pas trop qu'elle a fini par obtenir exactement comme elle la désirait. Elle suit la Robine qui, pour l'occasion, s'est transformée en un monument de brocart surmonté d'une coiffure si fleurie qu'on dirait un jardin suspendu. « Et Sophie n'a pas assez d'yeux pour dévorer le spec- tacle de cette foule brillante qui se bouscule sous le portique du nouveau théâtre. On se salue, on se congra- tule, on se fait voir dans tout l'éclat des équipages et des atours. Sur la place, l'embouteillage est grand. Les calèches, les carrosses, les voitures de louage parfois s'accrochent d'une roue ou d'un harnais. On entend des cris, des invectives. Les chevaux hennissent, les fouets claquent. Les flambeaux que portent les laquais font scintiller les poignées précieuses des épées, les boucles d'or sur les souliers, les diamants et les perles sur les gorges des femmes, les flots de satin, de taffetas, de drap de soie, les bétilles, les organdis, les mousselines, les cachemires, les dentelles tissées d'or et d'argent. « C'est l'une des dernières fêtes de Nantes. Déjà le ciel de la France s'assombrit. » Pourtant, selon Paul Morand, dans une de ses plus belles nouvelles (« Parfaite de Saligny »), la vie à Nantes fut, aux premières heures de la Révolution, légère et gaie : « Contrairement à la Bretagne, au Maine, à la Vendée, Nantes n'émigrait pas. Nantes avait accueilli les événe- ments sans changer grand'chose à ses habitudes. La Révo- lution y souriait et s'exprimait en farandoles, balancements d'escarpolettes, promenades de bannières et banderoles proclamant la devise nationale. Dans le port, des captifs de guerre et des esclaves noirs coltinaient des barils de bœuf salé et des tonneaux de poudre destinés aux armées. Les cafés regorgeaient de joueurs de dominos et les quais de charlatans ou de chanteurs de complaintes. Sous la vigne des courtilles, au son des musettes, des dames coiffées de véritables jardinets se faisaient escorter par des messieurs qui ressemblaient aux bergers des sièges en tapisserie. La ville était fière de ses nouveaux monuments; la Bourse dans le style grec, le Théâtre et son portique à huit colonnes de marbre blanc ressortaient sur le fond ancien des maisons de bois aux étages en saillie, des vieux toits aux auvents cintrés, des portes en anse de panier, des poutres sculptées aux encoignures, et des escaliers de chêne aux rampes massives. L'hôtel Henri-IV restait, avec ses soixante lits, la plus belle auberge d'Europe; on en voyait sortir quelque riche négociant au masque épais, revenu des Amériques ou des Iles de la Sonde, qui, suivi de son valet indien, se promenait en ville comme un roi incognito. En pleine Révolution, toutes les fortunes d'Afrique et d'Asie s'étalaient au Théâtre, splendidement doré, qui fait cinq cents livres de recettes par soirée; les armoiries avaient été grattées au-dessus des loges, mais les noms aristocratiques s'inscrivaient toujours dans les cartouches; l'avant-scène du maire ressemblait à un char de triomphe et autour du consul des États-Unis se pres- saient des gens qui s'intitulaient non pas bourgeois, tout court, mais avec orgueil bourgeois de Nantes. » Mais ces beaux jours finissent et Carrier mène, à Nantes, sous la Terreur, une des répressions les plus sanglantes : dix mille morts à Nantes contre deux mille cinq cents à Paris. Dans la nouvelle de Morand, le héros, Loup de Tincé, rejoint Charette et les Blancs qui, marchant sur Nantes, se campent aux portes de la ville : « Parfois Tincé, qui était à plat ventre, levait la tête et admirait Nantes, au cœur de son nœud de rivières, comme une agrafe. Au premier plan, les terrasses basses de la Prairie-au-Duc, les inondations couvertes d'herbes de la Prairie d'Amont; puis les dessins tortueux de l'eau passant ses lacets à l'archipel, d'ailleurs domestiqué par les canaux rigides. Quand il se soulevait davantage, au risque d'avoir la tête emportée, il apercevait la masse blanche et carrée des hôtels des armateurs, crénelés et percés de meurtrières, les vieilles maisons étroites coiffées d'ardoises d'Angers, la cathédrale, le château et la belle chute de ses tours; il remarqua la Madeleine, Saint-Similien et, dans une robe de fumée, l'Immaculée-Conception. Fuyant à l'ouest, le long du quai de la Fosse, son œil descendait le cours de la Loire vers les douanes, l'Entrepôt, les navires de haute mer qui ne voyageaient plus. » Ces visions sont singulières : « On a chacun son Nantes, reconnaît, chez Michel Chaillou, le narrateur de La Croyance des voleurs. Le mien a volé en éclats. Chaque fois que j'y retourne, j'essaye patiemment d'en reconstituer le puzzle. Mais je maquille les noms, crainte des gendarmes, des poursuites. « Le Nantes de mes grands-parents, c'était inquiétudes et courses dans le centre. On se perd, on se retrouve : “ Attention quand tu traverses » Si Michel Ragon est surtout vendéen, Nantes a joué un grand rôle dans sa vie, dans sa formation d'homme et d'écrivain. Il y arrive en 1938, à l'âge de quatorze ans, y est garçon de courses, manutentionnaire, emballeur, aide-comptable; il vit avec sa mère, concierge dans le quartier du château, puis dans celui des blanchisseurs. En 1943, pour éviter la déportation du travail en Allemagne, il est engagé en tant que pupille de la nation au Service des sinistrés et réfugiés de la préfecture de Nantes. Mais, condamné, un an plus tard, à la déportation en Allemagne par le tribunal de Nantes, il se réfugie en Vendée. Après la Libération, il retrouve son emploi à la préfecture de Nantes, avant de partir pour Paris en 1945. « J'ai vécu à Nantes de quatorze à vingt et un ans, raconte-t-il aujourd'hui (J'en ai connu des équipages, livre d'entretiens avec Claude Gayman, Lattès, 1991), durant toute ma formation, de la fin de l'enfance à l'âge adulte, ce qui est évidemment très important. Et cette grande ville de l'Ouest, j'y reviens souvent. J'y suis très attaché. Je la trouve belle. Je trouve que Nantes et Bordeaux sont deux grandes et belles villes de la côte Atlantique. [...] Aujourd'hui, hélas, le port de Nantes est absolument désert. On n'y construit plus de navires. Les gros bateaux ne remontent plus le fleuve. Nantes était une ville por- tuaire, béante sur la mer. Maintenant la ville a changé de cap. Elle tourne le dos à l'Atlantique et s'ouvre sur les terres, du côté de la Vendée et de l'Anjou, du côté des vignes à Muscadet. C'est devenu une ville-jardin. » S'il aime beaucoup Jules Verne (« Il y a chez Jules Verne à la fois le rationalisme scientiste et le rêve »), Michel Ragon n'aime pas « les surréalistes et leurs épi- gones ». « Pourtant, reconnaît-il, dans une certaine mesure, le surréalisme est né à Nantes, de la rencontre en cette ville d'André Breton et de Jacques Vaché. Et il existe à Nantes un lieu " surréaliste ” que j'aime beaucoup; le passage Pommeraye où Jacques Demy (un Nantais) a tourné Lola et à propos duquel André Pieyre de Mandiargues a fait un très beau texte. J'ai moi-même, dans mon livre Enfances vendéennes, consacré une longue digression au passage Pommeraye. Mais mon texte est plus “ prolétarien ” que “ surréaliste Le mari d'une de mes tantes était en effet gardien en uniforme du passage Pommeraye. J'ai donc beaucoup traîné dans ce passage, y compris la nuit, quand il était fermé. Ma tante et son mari habitaient là, dans un réduit sombre, près des verrières. Je me suis trouvé souvent seul dans le passage désert, au milieu des statues faiblement éclairées par des loupiotes. « Le passage Pommeraye a la particularité d'être doté de grands escaliers puisqu'il se déploie sur deux niveaux. Relativement étroit, par rapport à la hauteur de ses ver- rières, le passage Pommeraye ressemble à un navire, ou plutôt, en raison de la lumière blafarde, à un salon immense de sous-marin utopique. Et le Nautilus vient immédiatement à l'esprit. » Si Nantes tient une grande place littéraire, en Loire- Atlantique, il ne l'occupe pourtant pas entièrement. Jean Rouaud voulait intituler son premier roman Loire-Infé- rieure, titre que son éditeur lui a conseillé de remplacer par Les Champs d'honneur, avec le succès que l'on sait; succès à la fois critique et public, et que vint couronner, en 1990, le . Les Champs d'honneur sont donc, après le roman d'Alphonse de Chateaubriant et celui de , le troisième Goncourt de Loire- Atlantique. Souhaitons simplement à Rouaud un avenir qui ait plus de place, dans les mémoires et les biblio- thèques, que celui de ses deux devanciers aux honneurs. Les Champs d'honneur se passent à Campbon, village situé près de Savenay, dans une campagne aigre et plu- vieuse. « La pluie, écrit Rouaud, est une compagne en Loire-Inférieure, la moitié fidèle d'une vie. La région y gagne d'avoir un style particulier car, pour le reste, elle est plutôt passe-partout. Les nuages chargés des vapeurs de l'Océan s'engouffrent à hauteur de Saint-Nazaire dans l'estuaire de la Loire, remontent le fleuve et, dans une noria incessante, déversent sur le pays nantais leur trop- plein d'humidité. » Mais, si l'on descend la Loire, après la Brière chantée par Alphonse de Chateaubriant, se trouve Saint-Nazaire, où Paul Nizan a situé une partie de son roman Antoine Bloyé (1933). Depuis 1987, une «Maison des écrivains étrangers et des traducteurs » accueille, dans le fameux « building » dominant le port, des écrivains de partout. « Un port, explique Christian Bouthemy, l'animateur de cette maison, est un point de contact privilégié entre les individus et les cultures. Il est ainsi logique que cette maison soit plus particulièrement celle des écrivains étran- gers et des traducteurs. A une époque où les distances entre les territoires sont presque abolies, les seules distances qui demeurent sont les distances culturelles. Cette maison est donc " un port en littérature ”. » En quatre ans, la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs a reçu les Argentins Cesar Aira, Hugo Gola, Luisa Futuransky, Ricardo Piglia, Mempo Giardinelli, Pedro Orgambide, Juan Jose Saer et Ernesto Schoo; les Danois , Peter Seeberg, Karl Ejby Poul- sen, Jens Smaerup Sorensen et Jørgen Sonne; les Chinois Bei Dao, Liu Xin Wu et Mang Ke; les Portugais Nuno Giudice et Fernando Guimarães ; les Finlandais Veijo Meiri et Bo Carpelan ; les Hongrois Szolt et Peter Lengyel; les Irlandais Sebastian Barry et Nualo Ni Dhomnhaill; les Australiens Rodney Hall, John a Scott et Mark Hen- shaw; l'Italien Giuseppe Conte; le Colombien Miguel de Francisco; l'Espagnol Luis Goytisolo; le Cubain Reinaldo Arenas; le Brésilien Harry Laus et le Chilien Luis Mizon. Une dizaine de textes sont nés de la rencontre de ces écrivains de partout avec ce port et cette ville océane. Saint-Nazaire et l'Océan sont également chers au cœur de Patrick Besson, comme on a pu le lire dans cet ouvrage même. Venant en vacances à La Baule depuis le début des « années Isabelle », il a situé quelques pages de Dara à La Baule, au Pouliguen et au Croisic; et, à Saint- Nazaire, un épisode d'une série policière tournée pour Antenne 2. Dans Dix ans pour rien? (Édition du Rocher), il se souvient de 1982. « Nous habitions un petit appar- tement dans la rue Santos-Dumont (toujours le 15 entre un ingénieur homosexuel, un couple d'employés de la RATP sado-masochiste (c'est lui qui frappe et c'est elle qui jouit) et trois Sénégalaises, dont une fille mère (et donc un bébé). Éphèbes blonds se recoiffant dans l'escalier, cris et gémissements baroques, odeurs de morue frite. Pour nous détendre, allons à La Baule pendant les vacances de Noël et de Pâques, avec nos livres et nos chats. Huîtres et bottes en caoutchouc. Beurre salé et cinéma du casino. Promenades et océan relativement démonté. » François Nourissier, comme il l'a raconté dans ce livre, a passé l'été 1940 à La Baule. Il s'en souviendra dans Un petit bourgeois (Grasset Cahiers Rouges) : « Pins autour des villas blanches, salines de Batz, voiles rouges du Croisic : l'exode eut des couleurs et des parfums d'enfance. Sur la plage de La Baule la mer rejetait, entre ses méduses, des cadavres anglais. Ces soldats gonflés d'eau, avec les- quels huit jours plus tôt les filles flirtaient encore, pro- venaient de bateaux coulés au large par des avions alle- mands. Ils donnèrent de la gravité à nos longues vacances. » Et y consacrera tout un chapitre dans son roman Une histoire française. Frédéric Dard, qui séjourne parfois à La Baule (tout comme Jean Dutourd, ou Jean-Marc Roberts), y a situé l'action d'un San Antonio, joyeusement intitulé Baise Ball à La Baule. Récemment, enfin, dans Boulevard de l'Océan, François de Cornière nous invite à feuilleter un album de photos de vacances. Le lieu n'est pas nommé avec précision, « une plage bretonne ». Mais la présence des marais salants, lieu de promenade, indique bien qu'on est dans la presqu'île guérandaise.

FILMOGRAPHIE

Dans leur livre Les Lumières de la ville (L'Atalante/ PARC, 1989), Yves Aumont et Alain-Pierre Daguin recensent trente films tournés, de 1924 à nos jours, dans le département de Loire-Atlantique.

1924 La Brière, de Léon Poirier, d'après le roman d'Al- phonse de Châteaubriant, avec M. Tallier et Mlle Myrga. 1925 Jean Chouan, de Luitz-Morat (quelques scènes tournées au château des Ducs). 1926 La Glu, d'Henri Fescourt, d'après le roman de Jean Richepin. Tourné au Croisic et à Guérande avec Germaine Rouer et Henri Maillard.

1933 Les Trois Mousquetaires, d'Henry Diamant-Berger, tourné au Croisic, à Guérande, à Sailé, sur la côte du Bourg-de-Batz. 1938 Nouvelle version de La Glu, tournée au Croisic par Jean Choux, avec Marie Bell, Marcelle Géniat, Odette Joyeux, André Lefaur et Gilbert Gil. 1946 Le Bateau à soupe, de Maurice Gleize, tourné à Nantes, puis à Paramé et Cancale, d'après le roman de Gilbert Dupé, avec Charles Vanel et Lucienne Laurence.

1949 Au royaume des cieux, de Julien Duvivier, entre Cheix et Rouans, sur les bords de l'Achenau et du lac de Grandlieu, à Vue, Sainte-Luine, Passay, Pont-Saint-Martin, avec Serge Reggiani et Anne Saint-Jean. 1951 Les Vacances de Monsieur Hulot, de Jacques Tati, à Saint-Marc-sur-Mer.

1953 La Fille perdue, de Jean Gourguet, tourné à Nantes avec Claudine Dupuis et Gérard Laudry. 1953 Les Révoltés de Lomanach, de Richard Potier, tourné à La Baule avec Dany Robin, Amedeo Nazzari, Jacques Castelot et Robert Dalban. Jacques Demy y est figurant. 1954 Casse-cou Mademoiselle, de Christian Stengel, tourné à La Baule avec Albert Préjean, Marthe Mercadier, Raymond Bussières, Pierre Mondy et Jacqueline Joubert. 1955 Le Sabotier du Val-de-Loire, court métrage de Jacques Demy. 1960 Lola, de Jacques Demy, avec Anouk Aimée, Corinne Marchand, Marc Michel et Jacques Har- den.

1960 Pleins Feux sur l'assassin, de Georges Franju, tourné aux châteaux de la Bretesche et de Goulaine, d'après un scénario original de Pierre Boileau et du Nantais Thomas Narcejac, avec Pierre Brasseur, Pascale Audret, Jean-Louis Trintignant et Dany Saval. 1961 Une scène de Maléfices, d'Henri Decoin (avec Juliette Gréco, Jean-Marc Bory, Liselotte Pulver et Georges Chamarat) est tournée à Nantes. 1963 Bernard Toublanc-Michel tourne à La Baule un extrait des Baisers, film à sketches.

1965 Le Tonnerre de Dieu, du Nantais Denys de La Patellière, tourné au château du Bois-Chevalier, près de Legé, avec Jean Gabin, Robert Hossein, Michèle Mercier et Lili Palmer.

1967 Adolphe, de Bernard Toublanc-Michel, d'après Benjamin Constant, est tourné à Ancenis avec Claude et Jean-Claude Dauphin, Maria Mauban et Nathalie Nell.

1973 Le Mataf, de Serge Leroy, tourné à Nantes et au Pouliguen avec Michel Constantin, Georges Géret et Carlo Nell.

1974 L'Ironie du sort, d'Édouard Molinaro, d'après le roman de Paul Guimard, se tourne à Nantes près de la place Saint-Pierre, avec Pierre Clémenti, Marie-Hélène Breillat, Jacques Spiesser, Claude Rich et Brigitte Fossey.

1979 Rue du Pied-de-Grue, tourné à Nantes par le Nan- tais Jacques Grand-Jouan, avec Pascale Audret, Philippe Noiret, Jacques Dufilho et Jean Dasté.

1981 La Gueule du loup, tourné à Nantes par Michel Léviant, avec Miou Miou.

1982 La Cote d'amour, tourné à Nantes et à La Baule, par Charlotte Dubreuil avec Danielle Delorme, Jean Moulin et Mario Adorf. 1982 Une chambre en ville, tourné par Jacques Demy à Nantes, avec Dominique Sanda, Danielle Dar- rieux, Michel Piccoli et Richard Berry. 1983 Debout les crabes, la mer monte..., tourné à Nantes par Jacques Grand-Jouan avec Véronique Genest, Martin Lamotte, Richard Bohringer, Dominique Lavanant, Roland Dubillard et Luis Régo. 1985 Maine-Océan, de Jacques Rozier. Quelques scènes tournées à Nantes avec Bernard Ménez et Luis Régo. 1985 La Presqu'île, tourné d'après Julien Gracq, par Georges Luneau, entre Savenay, Donges, La Tur- balle et Piriac avec Gérard Blain. 1986 Le Grand Chemin, de Jean-Loup Hubert, tourné à Rouans avec Antoine Hubert, Vanessa Guedj, Anémone, Christine Pascal et Richard Bohringer. 1987 Soigne ta droite, de Jean-Luc Godard. Quelques scènes tournées, avec Michel Galabru, à l'aéroport de Château-Bougon. 1989 La Baule-les-Pins, tourné à La Baule, au Pouliguen et à Saint-Brévin, par Diane Kurys, avec Nathalie Baye, Zabou, Jean-Pierre Bacri, Richard Berry et Vincent Lindon. 1991 La Reine Blanche, de Jean-Loup Hubert, tourné à Nantes et Trentemoult avec Catherine Deneuve, Richard Bohringer, Jean Carmet et Bernard Girau- deau. Jacquot de Nantes, d'Agnès Varda. BIBLIOGRAPHIE

Quelques livres disponibles en librairie, et se déroulant, entièrement ou en partie, en Loire-Atlantique.

Reinaldo Arenas, Méditations de Saint-Nazaire (traduit de l'espagnol par Liliane Hasson), MEET. Yves Aumont/Alain-Pierre Daguin, Les Lumières de la ville — Nantes et le cinéma, L'Atalante/PARC, 1989. Honoré de Balzac, Un drame au bord de la mer; Béatrix. Michel Chaillou, La Croyance des voleurs, Seuil, 1989. Alain Chantreau, Stendhal et Nantes, Société nantaise d'études littéraires, 1983. Alphonse de Châteaubriant, La Brière, Grasset, Cahiers rouges, 1985. Alain Coelho, La Dernière Limite, Balland, 1984. Giuseppe Conte, Le Manuscrit de Saint-Nazaire (traduit de l'italien par Jean-Baptiste Para), MEET. François de Cornière, Boulevard de l'Océan, Seghers, 1990. Frédéric Dard, San Antonio — Baise-Ball à La Baule, Fleuve Noir, 1979. Colette David, Stéphan Ménoret, Les Villas de La Baule, Éditions La Presse de l'Estuaire, 1986. Catherine Decours, La Barbacane, Olivier Orban, 1990. Geneviève Dormann, Le Roman de Sophie Trébuchet, Albin Michel, 1982. Miguel de Francisco, Histoire des Four Roses et des sept sœurs (traduit de l'espagnol par A. Keruzoré), MEET. Luis Goytisolo, Le Groupe de Barcelone (traduit de l'es- pagnol par Christophe Josse), MEET. Julien Gracq, La Presqu'île, José Corti, 1970. Julien Gracq, La Forme d'une ville, José Corti, 1985. Mark Henshaw, Dernières Pensées d'un mort (traduit de l'anglais par Pierre Alien), MEET. Harry Laus, La Première Balle (traduit du portugais par Claire Cayron), MEET. Paul Morand, Parfaite de Saligny, Stock, 1985. François Nourissier, Une histoire française, Grasset, 1965. Ricardo Piglia, Une rencontre à Saint-Nazaire (traduit de l'espagnol par A. Keruzoré), MEET. Jean Rouaud, Les Champs d'honneur, Éditions de Minuit, 1990.

Paul Louis-Rossi, Nantes, Éditions du Champ Vallon, 1987.

Jens Smaerup Sorensen, Lettre d'un corps étranger (traduit du danois par Janine et Karl Poulsen), MEET. Armel de Wismes, Cuirasse d'écume, France-Empire, 1989. OUVRAGES COLLECTIFS Des écrivains dans la ville. Saint-Nazaire 1987-1990, avec photos de Gilles Luneau, Arcane 17. Nantes, par Gilles Bienvenu, Yves Cosson, Véronique Daboust, Alain-Pierre Daguin, Françoise Lelièvre, Théodore Lenoir, Yves-Henri Nouailhat, Bernard de Parades, Vincent Rousseau, André Vigarié, Éditions Bonneton, 1990.