Apercevoir La Ville. Pour Une Histoire Des Villes Palestiniennes, Entre Monde Et Sentiment National (1900-2002) Sylvaine Bulle
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Apercevoir la ville. Pour une histoire des villes palestiniennes, entre monde et sentiment national (1900-2002) Sylvaine Bulle To cite this version: Sylvaine Bulle. Apercevoir la ville. Pour une histoire des villes palestiniennes, entre monde et senti- ment national (1900-2002). Sociologie. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), 2004. Français. tel-00766400 HAL Id: tel-00766400 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00766400 Submitted on 19 Dec 2012 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES Thèse pour l´obtention du titre de Docteur de l´EHESS Discipline : Histoire et Civilisations présentée et soutenue publiquement par Sylvaine BULLE Apercevoir la ville : pour une histoire urbaine palestinienne, entre monde et patrie, sentiment et influences (1920-2002) Directeur de thèse : Jean-Louis COHEN Jury : Mr Rémi Baudouï Mr Jean-Louis Cohen Mr Jean-Charles Depaule Mr Marc Ferro Me Nadine Picaudou Mr Kapil Raj SOMMAIRE Introduction 1. Le monde palestinien 2. Apercevoir la ville. Hypothèses et méthodes, repérage Première partie L´internationale urbaine ou la rencontre manquée en Palestine (1920-1948) 1. le Mandat anglais en Palestine : La dernière présence des Lumières au Levant 2. L´urbanisme domaine réservé de l´occident 3. En Palestine arabe, la rencontre manquée avec l´internationale urbaine Deuxième partie L´éclat des ruptures. Un urbanisme d´exception (1948-1994) 1. L´éclat des ruptures (1948-1967) 2. «Le ciel nous surveille» : Un urbanisme d´exception (1967-1994 3. D´un nationalisme à l´autre, deux milieux professionnels Troisième partie Faire partie du monde Les formes urbaines et les identités de la reconstruction (1994-2002) 1. L´Entre-deux et le provisoire fragile de la reconstruction : des intentions à la réalité 2. Le retour au monde et la fabrique de la ville l´urbanisme improbable 3. L´hypothèse de la localité. Des formes urbaines entre allogénéité et nationalisme 4. Les savoirs locaux et les cultures urbaines de la construction nationale Conclusion générale : la ville, mesure du monde et l´historiographie à venir INTRODUCTION LE MONDE PALESTINIEN En franchissant pour la première fois les frontières de l´Etat d´Israël, venant du Caire, pour s´approcher de Jérusalem, nous nous sommes demandée comment il fallait lire des clivages trop évidents de paysages, entre les archipels sur-modernes de Eilat et les territoires villageois palestiniens à la lisière de la frontière de l´Etat israélien. Au cœur de Jérusalem, nous nous trouvions devant une autre béance. Sur le tracé unique et étroit d´une frontière, au sein d´un même espace donné se trouvent des no man´s land, des enclaves palestiniennes vouées à la démolition, des administrations israéliennes, des hôtels internationaux côtoyant squatters et autres expulsés ou encore des institutions religieuses. Tout cela renvoyait à la surface politique des espaces et à notre tentation longue et ancienne de vouloir mettre à jour des contiguïtés, des modes d´agencements entre espace et pouvoir, de vouloir les lier à l´axe du temps. Un travail de corps à corps avec la ville, a peut être pu commencer, dans l´épaisseur de la ligne de partage de Jérusalem, entre Palestine et Israël, et peut être entre Orient et Occident. Mais dans de telles zones d´identité historique d´où s´esquissent toutes les certitudes, le déploiement d´un regard n´avait rien d´évident. Plus les tracés et les contrastes sont tangibles, plus leur signification se dérobe. Dans un espace travaillé moins par les pratiques interactionnelles que les logiques d´opposition, les difficultés pour le chercheur sont immenses. La tâche nécessite d´abord de surmonter la guerre, comme forme d´assujettissement aux événements. L´espace vécu dissocie les points de vue, chaque implication spatiale, personnelle a des incidences discursives et scientifiques. C´est sur ce constat que nous avons choisi de ne pas prédisposer notre trajectoire, de ne pas uniquement traverser les deux rives d´un territoire, mais de parcourir celui-ci, d´aller de colonies en camps, d´est en ouest, de demeurer à Ramallah ou à Jérusalem, en s´arrêtant au croisement des lignes, dans les lieux profanes ou familiers de Jérusalem. La tache est difficile, quand le passant, le visiteur, le résident doivent toujours se situer d´un ou de l´autre coté de la frontière. 4 La construction d´un objet marqué par les distances, toujours plus perceptibles dans les dix dernières années, quelles que soient les périodes de tension ou d´accalmie suppose également d´intégrer l´axe du temps, qui peut être, permet de dépasser les société de discours. Mais où commence, où s´arrête un travail qui a pour cœur le territoire en Palestine ? Comment mettre un terme à la complexité sans fin de l´objet ? L´urbain dans ces traits distinctifs en Palestine, des frontières aux enclaves au paysage de guerre est pour nous un fait spécifique. L´évidence supposée du caractère politique du territoire palestinien a peut-être longtemps empêché d´en décrire les formes urbaines ou bâties et ses transformations. Tel est notre projet : à partir de la vigueur du fait politique, construire un objet urbain qui soit un objet historique. Quelle forme prend l´espace urbain, tour à tour colonial et local dans la Palestine arabe ? Mais encore, quelle forme doit-on donner à l´histoire d´un espace physique, humain et donc urbain ? Nous ne parlons pas ici d´une histoire politique des villes et du territoire palestinien ni d´une histoire urbaine des faits de guerre en ville mais des conditions historiques de la fabrication d´un champ urbain, si celui-ci existe. Il ne sera pas question d´un espace-temps ancien, ni de la dramaturgie spectaculaire de son histoire récente ni d´une nouvelle contribution à l´histoire récente ou à la sociologie politique de la Palestine contemporaine. Cette recherche a son histoire et sa place que l´on souhaite la plus exacte possible. Au tournant de la période dite de «l´après Oslo», au moment où les Palestiniens hissaient le drapeau national dans leurs territoires libérés, il nous est apparu que le décryptage des faits territoriaux puis urbains nécessitait un retour sur l´histoire de l´espace. Au moment de commencer notre recherche sur la possibilité de lecture d´un espace post colonial à moitié «évacué» de la présence militaire israélienne, nous prenions très au sérieux la vision du «monde» méditerranéen qui fut celle de Braudel. Ce n´est pas à son histoire globale que nous faisons allusion mais plutôt à sa leçon sur la Méditerranée, espace que nous comprenons avec lui et maintenant comme la somme concrète de la diversité des échanges, de la circulation des biens et des personnes, du jeu des hommes et de l´espace, des mouvements d´ensemble, des foules mais débordant d´un stricte cadre géographique pour s´étendre «aux dimensions du INTRODUCTION 5 monde»1. Car telle est bien la perspective ouverte par Braudel, que ce soit dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme ou dans La Méditerranée2. Son histoire à l´envers mais longue de la Méditerranée, qui est aussi une réflexion sur l´histoire des «routes» coloniales, internationales et la pluralité du temps historique traite peut-être ou déjà de la Palestine. La Palestine ancienne et historique commence avec l´histoire du monde et de la «civilisation» autant qu´elle constitue ces derniers. Elle a été nourrie par des protagonistes mouvants, peuple de la mer et peuple du livre, bien plus tard par des paysans et effendis, des voyageurs orientalistes et des missions confessionnelles ou diplomatiques. Les routes coloniales et la modernité occidentale se sont croisées au Moyen Orient, en Méditerranée et plus encore en Palestine. La Palestine aura été depuis la fin du XIXème siècle un objet-événement, une surface de discours ininterrompu pour les chercheurs, écrivains, érudits explorateurs, diplomates ou photographes. Sur le sol épais de Palestine, il est toujours et davantage qu´ailleurs question de temps et d´espace et de mouvements des hommes. Derrière cette allusion furtive à Braudel, il y a pour nous l´occasion de mieux poser les termes et les bornes de notre travail, une histoire et une sociologie des espaces urbains contemporains saisis dans leur spécificité mais aussi comme le reflet, ou à l´interaction du colonialisme et du capitalisme international, de la guerre et du nationalisme, qui sont eux même des instruments de mesure du siècle. En moins de cent ans, pour s´en tenir au siècle présent, la province palestinienne délimitée à sa partie arabe ou orientale aura connu «six histoires» et six formes de souveraineté qui suivent les mouvements des empires et les guerres du siècle. Celle de la Sublime Porte de l´empire ottoman s´achève en 1918 pour laisser la place au Mandat anglais (1922-147), puis à l´administration jordanienne (1948-1967). L´occupation militaire israélienne durera de 1967 à 1993 jusqu´à l´avènement fragile d´une indépendance évanouie en 2002. Des régimes politiques se sont succédés sur la petite province palestinienne orientale. Des guerres ont bouleversé à chaque fois les 1 Expression de Jacques Revel dans Fernand Braudel et l´histoire, présenté par J. Revel, Hachette littératures, 1999, op cit., p.14. 2 Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Paris, Armand Colin, 1967 et La Méditeranée et le monde méditeranéen à l´époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949 (deuxième édition revue et augmentée, Paris, 1966, 2 vol.).