Claude Lelouch Maurice Elia
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Document généré le 24 sept. 2021 05:45 Séquences La revue de cinéma Claude Lelouch Maurice Elia Numéro 139, mars 1989 URI : https://id.erudit.org/iderudit/50532ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Elia, M. (1989). Claude Lelouch. Séquences, (139), 48–55. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1989 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ INTERVIEW CLA UDE LELOUCH De passage à Montréal pour le lancement de son dernier film Itinéraire d'un enfant gâté, Claude Lelouch s'est prêté à cette entrevue avec sa simplicité habituelle. Il a défendu son cinéma de la façon qui lui est la plus naturelle, c'est-à-dire en mettant son amour pour le septième art et les goûts de son public au premier plan. Maurice Elia SEQUENCES No 139 INTERVIEW Séquences — Vous avez souvent dit que vous étiez vous-même un enfant gâté, fatigué soudain de ses jouets. Et FILMOGRAPHIE que vous avez combattu cette fatigue en faisant votre dernier film. Comment avez-vous développé cette idée de film? Longs métrages Claude Lelouch — Tous mes films partent d'une atmosphère dans laquelle je me trouve à un moment donné. Je ne suis jamais parti d'un livre, d'un best-seller ou d'un scénario qui appartenait à quelqu'un d'autre. Je pars tout le temps d'observations 1960: Le Propre de personnelles. Si on regarde l'ensemble de mes films, on s'aperçoit que chacun d'eux inventé le prochain. Mes films sont l'homme finalement une chronique sur tes années que je traverse. Je porte un regard sur les hommes el les femmes que je croise, 1961: L'Amour avec et quand ils m'amusent ou me font pleurer, je m'en souviens. des si Et ça fait les films que vous voyez, que Ton peut aimer ou qui irritent, mais qui sont le miroir de ce que moi, j'ai le sentiment 1963: La Femme de voir en traversant ces années. Je ne dis pas que si un jour, on projette tous mes films, ça fera une petite chronique des spectacle années en question, mais je pense qu'on aura déjà des points de repère. Des points de repère sur le monde dans lequel 1964: Une fille et des je vis et que j'aime malgré tous les défauts qu'il a, malgré toutes les injustices. Mais j'ai le sentiment quand même que fusils ce monde s'améliore. Il est en tout cas plus performant que les générations qui l'ont précédé el qu 'il y a des petites améliorations 1965: Les Grands de l'être humain qui sont dues peut-être aussi au cinéma auquel je crois beaucoup. Je pense que le cinéma a changé les Moments mentalités. On lui doit beaucoup au sujet de l'idée qu 'on se fail des choses et des gens. C'est quand même grâce à l'éducation 1966: Un homme et cinématographique audiovisuelle, qui a favorisé les héros, les gentils. Le monde du cinéma me plaît plus que le monde de une femme la vie. Je préfère passer deux heures dans une salle de cinéma que deux heures avec des gens. Tous mes films partent 1967: Vivre pour vivre donc de sentiments personnels. C'est vrai que Tannée dernière, j'ai eu envie, après Attention bandits qui esl un film que 1967: Loin du Vietnam j'aime beaucoup, de partir, de faire un grand break, de mettre tout de côté, de prendre de véritables vacances, puisque (en collaboration] je n 'ai jamais pris de vraies vacances depuis trente ans. Et puis, au fur el à mesure que je m'établissais dans ce raisonnement, 1968: Treize jours en je me suis détesté profondément, je me suis traité d'enfant gâté. Je me suis dit que c'était vraiment scandaleux de réagir France comme ça, de parler comme ça. Je me suis dil: « Tu l'amuses comme un fou depuis trente ans, tu ne Tes pas ennuyé une 1968: La Vie, l'amour, demi-journée... » la mort 1969: Un homme qui — C'est un peu l'itinéraire que Belmondo a suivi. Vingt ans après Un homme qui me plaît, vous êtes allé le chercher... me plaît 1970: Le Voyou — Oui, je lui ai dit que j'avais un sujel pour lui, l'histoire d'un homme qui casse tous ses jouets les uns après les autres 1971: Smic, smac, et qui a envie de tout recommencer. Il m'a dit qu'il acceptait tout de suite, parce que c'est un fantasme auquel on a tous smoc pensé. On a tous rêvé de partir, de recommencer tout à zéro avec ce qu 'on savait, à condition dene pas perdre sa mémoire. 1972: L'Aventure, c'est l'aventure — Dans votre film, peut-on dire que, pour vous, les espaces océaniques ont remplacé, avec le temps, la voiture et 1973: La Bonne Année la vitesse? 1974: Toute une vie — J'ai toujours été un fou du bateau. C'est la parabole idéale: un homme seul sur un bateau. Ilya vraiment tous les thèmes 1974: Mariage qui son! réunis là-dedans. Je ne pense pas que ça ait remplacé la voiture qui esl l'équivalent du cheval dans le western. 1975: Le Chat et la souris — Parce que la seule fois dans le film où Ton voit une voiture, c'est lorsqu'il y a un accident qui est hors-champ... 1975: Le Bon et les Méchants — C'est vrai. Mais je pense que j'ai beaucoup filmé les automobiles et j'ai eu envie de filmer autre chose. Vous savez, je 1976: Si c'était à n'ai jamais cessé d'être un cinéaste amateur. J'ai toujours fait du cinéma d'amateur, avec de plus en plus de moyens, mais refaire je suis resté cinéaste amateur. Les amateurs apprennent tout par eux-mêmes. C'est comme ça que mon cinéma est né. 1977: Un autre Ce qu'il y a dans mes films, je Tai découvert non pas dans les films des autres, mais dans la fabrication de mes films. Si homme, une vous voulez, à chaque fois que je fais un film, j'ai envie de vérifier dans le prochain si ce que j'ai appris a été bien appris. autre chance Je me considère donc comme un cinéaste 1res tardif. Un tardif qui a commencé 1res tôt. 1978: Robert et Robert 1979: A nous deux — Votre personnage principal est un solitaire face à sa réussite. Vous considérez-vous aussi, à l'image de votre héros, 1981: Les Uns et les comme un solitaire face à sa réussite? Autres — Oui, parce que je suis conscient de l'égoïsme dans lequel on vit. Ce n 'est pas pour rien que j'ai mis cette phrase d'Albert 1982: Edith et Marcel Cohen au début du film, qui esl une phrase désespérée sur la condition humaine et qui est sûrement une des plus belles 1983: Viva la vie phrases jamais écrites sur le genre humain, une de celles qui résument le mieux le genre humain et son fonctionnement. 1984: Partir, revenir (La phrase en question: « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte... ») Je 1986: Un homme et crois effectivement que les hommes se fichent pas mal des autres, j'en suis convaincu. Ils s'intéressent aux autres quand une femme: vingt les autres peuvent leur donner quelque chose. S'il n'y a pas un intérêt, s'il n'y a pas une carotté, c 'est le désintéressement ans déjà total. C'esl pour cette raison que les gens recherchent la gloire, le pouvoir: c'est pour qu'on s'intéresse à eux... 1987: Attention bandits 1988: Itinéraire d'un — Mais c'est un phénomène récent, vous ne trouvez pas, qui date peut-être des trente dernières années? enfant gâté — Oui, oui, parfaitement. Je crois que l'égoïsme reste le défaut principal de l'être humain, la chose qu'il faut combattre. Les films, les livres, les artistes sont là justement pour combattre l'égoïsme humain. MARS 1989 INTERVIEW Itinéraire d'un enfant gâté. — Des touches évidentes de nostalgie parsèment tous vos derniers films, depuis Les uns et les autres jusqu'à Un homme et une femme: vingt ans déjà. A vez-vous développé ce thème de façon plus accentuée dans Itinéraire d'un enfant gâté? Une nostalgie toujours teintée d'un certain romantisme. D'où vous vient-il, ce romantisme? — Si vous voulez, je suis très attaché aux choses que Ton fait pour la première fois. Je crois que les bonheurs, c'est tout ce que Ton fail pour la première fois. C'est la raison pour laquelle on a plus de chance d'être heureux quand on est jeune que lorsqu 'on arrive à un certain âge. Dès qu 'on rentre dans une phase où Ton fait des choses pour la deuxième, la troisième ou la quatrième fois, on diminue énormément le plaisir. Si Ton est attaché à son enfance, si Ton est nostalgique de son enfance, c'est parce que c'est la période de sa vie où l'on a fait le plus de choses pour la première fois.