réalités pédiatriques 199_Février/Mars 2016 Revues générales Allergologie

réalités pédiatriques # 199_Février/Mars 2016

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L’allergie aux piqûres de moustiques existe-t-elle ?

RÉSUMÉ : Une réaction locale (douleur, papule, érythème, prurit) est normale après une piqûre de moustique. Les jeunes enfants n’ayant pas encore acquis une tolérance naturelle sont les plus sensibles. En France, les réactions graves, systémiques, sont rares, mais la survenue d’une anaphylaxie doit faire rechercher une mastocytose. La conduite à tenir varie selon les spécialistes. Certains allergologues considèrent qu’en l’absence de réactions systémiques, une allergie IgE-dépendante peut être exclue, tandis que d’autres réalisent des tests cutanés et envisagent une allergie IgE-dépendante si ceux-ci sont positifs. Si le test cutané est positif, un anti-H1, une corticothérapie locale, des désinfectants sont indiqués. Le plus souvent, il n’y a pas d’indication à entreprendre une ITS, car les extraits sont mal standardisés ; mais certains ont obtenus de bons résultats avec les extraits actuels, en particulier sublinguaux. L’obtention d’allergènes de meilleure qualité pour le diagnostic et l’ITS est de nature à faire évoluer les indications de l’ITS.

es moustiques ont un impact recombinants, ont relancé l’intérêt des médical important, car ils trans- allergologues pour la prise en charge mettent des maladies fréquentes de ces réactions. En effet, les allergolo- Let graves, en particulier le paludisme gues et les pédiatres sont de plus en plus et plusieurs arboviroses (fièvre jaune et souvent consultés pour des réactions dengue). L’objectif de cette revue est de cutanées gênantes, prurigineuses et répondre à la question souvent posée multiples, en particulier chez les jeunes aux médecins : “l’allergie aux mous- enfants et les personnes sensibles [1]. tiques existe-t-elle ?”. Leurs piqûres peuvent provoquer des réactions de type allergique habituellement bien Taxonomie moins sévères – donc moins étudiées [[ et moins connues – que celles qu’in- Les moustiques (angl. : ), ou duisent les piqûres d’hyménoptères culicidés, sont une famille d’insectes ➞➞G. DUTAU (abeilles, guêpes, taons). La validité des classés dans l’ordre des diptères et le Allergologue – Pneumologue – Pédiatre extraits de corps totaux de moustiques sous-ordre des nématocères. Ils sont actuellement disponibles pour le dia- présents sur l’ensemble des terres émer- gnostic et l’ITS est discutée. gées de la planète (sauf l’Antarctique), dans les milieux forestiers, les savanes, Toutefois, des travaux récents concer- les zones urbaines, dès qu’une surface nant l’histoire naturelle de la sensibi- d’eau douce ou saumâtre est disponible, lisation, l’identification, une meilleure même peu abondante ou temporaire. connaissance des allergènes des mous- Ils sont abondants dans les régions tiques et la mise au point d’allergènes chaudes où ils se reproduisent en toutes

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saisons, mais ils ne sont pas rares dans les régions froides et tempérées où ils apparaissent pendant l’été.

La classification de Schiner1 divise l’ordre des diptères en trois sous-ordres : les nématocères, qui comportent la familles des culicidés (moustiques), les brachycères qui comprend la famille des muscinés (mouches) et les orthoraphes dont les deux principales familles sont les tabanidés (taons) et des œstridés. Au sein des nématocères, on Fig. 1 : Différences concernant le prélèvement sanguin entre les insectes solénophages (moustiques) et ­telmophages (simulies). À gauche : le moustique prélève le sang directement dans un capillaire. À droite : la trouve les culicidés (Culex, Anopheles, simulie dilacère le derme avec création, ce qui entraîne la formation d’un lac sanguin où se fait le prélève- Stegomyia, Ædes, Phlebotomus) et ment (avec permission de l’auteur [1]). d’autres familles : simulidés (Silulium), tipulidés (Tipula), blépharocéridés, Le moustique-tigre (Ædes albopictus, face de l’eau, même dans les petites cécidomyidés (Miastor), chironomidés actuellement Stegomyia albopicta), ori- flaques, des récipients comme les (Chironomus spp., vers de vase), etc. ginaire d’Asie du Sud-Est, est l’espèce cache-pots, etc. Les larves éclosent la plus invasive dans le monde, présent au bout de 2 jours, respirant l’air exté- Les culicidés comportent de nom- dans 100 pays sur les cinq continents. rieur par leurs stigmates abdominaux. breuses espèces de moustiques qui pos- Il est vecteur du virus du chikungunya, Dépourvues de pates, leur extrémité sèdent les caractéristiques suivantes : de la dengue et, en zone tropicale, d’une céphalique est nette avec des yeux, antennes longues et fines à multiples trentaine de viroses dont l’encéphalite des antennes et des pièces buccales. articles ; ailes à écailles ; mâles à régime de Saint-Louis (États-Unis), proche de Au bout de 2 à 3 semaines, les larves végétarien se nourrissant surtout du l’encéphalite japonaise. deviennent des nymphes comme les nectar des fleurs ; femelles munies de chrysalides des papillons, ne se nour- longues pièces buccales en forme de Le moustique commun, Culex pipiens, rissant plus, immobiles à la surface de trompe rigide de type piqueur-suceur2 ne transmet pas de maladie. Il est res- l’eau. L’individu adulte sort alors de la (fig. 1). Ainsi constituées, les femelles ponsable d’une douleur au moment de chrysalide et s’envole3. piquent la peau de l’Homme et des la piqûre puis d’un petit érythème avec autres mammifères pour aspirer le papule et prurit responsable de grattage. sang nécessaire afin de nourrir leurs Certains individus – en particulier les Épidémiologie et œufs. Dans le monde, on dénombre jeunes enfants (mais pas seulement) – facteurs de risque 3 543 espèces de moustiques réparties non encore devenus tolérants (désensibi- [  en 111 genres, toutes n’ayant pas la capa- lisés) à la suite de plusieurs piqûres, sont Une requête sur PubMed avec l’item cité de piquer l’homme ; 65 espèces sont gênés par l’importance des réactions “mosquito allergy” fournit 607 réfé- référencées en France métropolitaine. (locales étendues, régionales, multiples, rences, avec une augmentation du parfois systémiques). Les piqûres sont nombre des publications au cours des L’espèce de référence des culicidés est généralement multiples, influencées par 5 à 10 dernières années. Ædes (Stegomyia) ægypti L. (anophèle). divers facteurs (parfums, odeurs, cycle Certains moustiques transmettent des menstruel, fin de journée et nuit, temps 1. Quelques données maladies graves : paludisme (ano- chaud et orageux, etc.) épidémiologiques phèles), fièvre jaune (Stegomyia calo- pus), dengue (Ædes spp. dont Ædes Tous les moustiques (Culex spp., ano- La prévalence de l’allergie aux piqûres albopictus). phèles, Ædes spp.) pondent à la sur- de moustiques est mal connue bien que

1 http://www.cosmovisions.com/dipteres_classification.htm (consulté le 5 avril 2015). 2 La trompe du moustique femelle comporte : une gaine formée par la lèvre inférieure en forme de gouttière contenant 5 stylets (deux mandi- bules, deux mâchoires, un hypopharynx) ; une aiguille effilée, rigide et creuse (lèvre supérieure) occupant les bords de la gaine, qui communique directement avec I’œsophage et s’enfonce dans la peau en même temps que les stylets. 3 http://www.cosmovisions.com/dipteres_classification.htm (consulté le 5 avril 2015).

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les réactions de type allergique soient Réaction immédiate Réaction tardive fréquentes. Stade I 0 0 >>> Parmi 1 059 adultes vivant dans une (absence de sensibilisation) zone infestée de moustiques, Peng et al. Stade II 0 + [2] ont enregistré un pourcentage de 18 % de sensibilisations IgE-dépendantes à Stade III + + la salive de moustique. Les individus Stade IV + 0 susceptibles de présenter le plus sou- vent des réactions fréquentes et sévères Stade V (tolérance) 0 0 étaient : les employés civils et militaires non autochtones travaillant à l’extérieur Tableau I : Évolution naturelle des réactions allergiques cutanées aux piqûres de moustiques (avec ­permission de l’auteur [1]). dans les zones infestées par les mous- tiques ; les jeunes enfants ne bénéficiant importantes et surtout systémiques, dase. Cette allergie croisée constituerait pas ou peu d’une immunoprotection à type d’urticaire ou d’angiœdème. un terrain à risque de réactions sévères. maternelle. L’espèce Ædes albifasciatus est la plus commune en Argentine. >>> En Finlande, Brummer-Korvenkontio­ Symptômes et diagnostic et al. [3] ont constaté que la majorité Chez des individus jeunes, âgés de [[ des enfants présentaient des réactions moins de 20 ans, Tokura et al. [7] ont Les réactions aux piqûres de mous- locales immédiates et/ou retardées aux décrit sous le vocable “HMB-EBV-NK tiques sont habituellement locales, piqûres d’Ædes spp., que leurs réactions syndrome” une maladie associant : immédiates ou tardives, parfois sys- survenaient tôt dans l’enfance, puisqu’ils ––une hypersensibilité aux piqûres de témiques. Les réactions allergiques devenaient ensuite rapidement tolérants moustiques ( to mos- sont le plus souvent à la fois de type I (tableau I). En revanche, les enfants quito bites [HMB]) ; (IgE-dépendantes) et IV (à médiation islandais, vivant dans un pays dépourvu ––des lésions cutanées bulleuses ou cellulaire) [1]. de moustiques hématophages, n’avaient nécrotiques ; pas d’anticorps contre la salive des ––un syndrome lymphoprolifératif à 1. Réactions locales moustiques [4]. cellules NK (Natural killer) ; ––une chronique à virus Au moment de la piqûre, le moustique 2. Facteurs de risque Epstein-Barr. Kang et al. [8] ont décrit injecte de la salive et le contenu des le cas d’un adolescent coréen, âgé de diverticules œsophagiens. Pratiquement En dehors des nourrissons et des jeunes 18 ans, qui a développé un lymphome tous les sujets piqués développent alors enfants, les individus exposés sont : anaplasique à grandes cellules kinase une irritation locale à type de papule ––les touristes et les nouveaux immi- positif après piqûre de moustique, prurigineuse, ne dépassant pas 20 mil- grants n’ayant pas bénéficié d’une nécessitant six séquences de cyclophos- limètres et disparaissant en quelques exposition préalable aux moustiques phamide + doxorubicine + vincristine heures. indigènes ; + prednisolone. Ces patients pourraient ––les patients atteints d’immunodé- présenter un déséquilibre de la balance Chez le patient allergique, deux types ficiences primaires ou secondaires immunitaire Th1/Th2 dans le sens Th2, de réactions locales peuvent être obser- (cancers, Sida, maladies lymphoproli- comme semble le laisser penser l’éléva- vées, soit immédiate, soit retardée : fératives) ; tion des interleukines IL4, IL6 et IL10 [9]. ––la réaction locale immédiate, doulou- ––les patients atteints de mastocytose reuse, survient dans les 15 premières peuvent développer une anaphylaxie Sabbah et al. [10] ont rapporté une minutes qui suivent la piqûre, durant [5, 6]4. sensibilisation croisée “guêpe-mous- habituellement de quelques heures à tique” due à la présence d’un allergène 24 heures. Il s’agit d’une papule pruri- Dans certains pays (Argentine, Canada, commun par réactivité croisée avec un gineuse accompagnée d’un érythème Scandinavie, Japon), d’autres espèces antigène commun de PM de 44 kDa, local pouvant dépasser 50 millimètres provoquent des réactions régionales pouvant correspondre à la hyaluroni- de diamètre ;

4 Il faut rechercher une mastocytose systémique devant toute anaphylaxie après piqûre de moustique en particulier en France et en Europe.

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angiœdèmes et quelques cas de choc POINTS FORTS anaphylactique [18]. Peng et al. [19] ont rapporté 14 cas de réactions anaphy- lactiques chez des sujets habitant aux ûû Une réaction locale (douleur, papule, érythème, prurit) est normale États-Unis, au Canada, au Japon, en après une piqûre de moustique. Allemagne et en Suisse. ûû Les jeunes enfants n’ayant pas encore acquis une tolérance naturelle sont les plus sensibles. 3. Diagnostic positif La survenue d’une anaphylaxie doit faire rechercher une mastocytose. ûû Le diagnostic repose sur l’interrogatoire ûû Certains considèrent qu’en l’absence de réactions systémiques, qui précise les circonstances de surve- une allergie IgE-dépendante peut être exclue ; d’autres réalisent nue des piqûres, l’aspect des réactions des tests cutanés et envisagent une allergie IgE-dépendante si cutanées, leur évolution et l’explora- les tests sont positifs. tion allergologique, basée sur les PT ûPOINTSû Il faut insister FORTS sur les mesures de prévention (répulsifs, protection). et le dosage des IgE, accessoirement ûû Un anti-H1 peut être proposé en prévention pendant quelques semaines, des IgG. Certains allergologues consi- en commençant avant le risque chez les individus très sensibles. dèrent qu’en l’absence de réactions sys- témiques, il ne s’agit pas d’une allergie ûû En général, il n’y a pas d’indication à entreprendre une ITS, car les extraits IgE-dépendante. D’autres, plus cir- sont mal standardisés ; mais certains ont obtenu de bons résultats avec conspects, réalisent des tests cutanés, les extraits actuels, en particulier sublinguaux. et envisagent le diagnostic d’allergie au ûû Une désensibilisation naturelle apparaît au bout de quelques années moustique s’ils sont positifs. À l’avenir, chez l’enfant. le développement d’allergènes recombi- ûû Les nourrissons et les jeunes enfants présentent un risque accru nants à partir des glandes salivaires ou de réactions allergiques, et leurs symptômes sont plus sévères qu’aux de la salive des moustiques va faciliter autres âges de la vie, mais le délai entre la première piqûre et l’apparition le diagnostic par les tests cutanés et le de la tolérance est variable. RAST (Radioallergosorbent test) (Rast i71, Ædes communis).

●● Prick tests ––la réaction locale tardive, apparais- l’asthme chez de jeunes enfants [12‑14]. sant plusieurs heures après la piqûre, D’autres cas ont été rapportés dans plu- Les extraits commerciaux de corps se caractérise par des papules indu- sieurs pays (Italie) et également chez entiers, habituellement utilisés, sont rées et prurigineuses, pouvant persis- des adultes [15]. Au Mexique, ce syn- peu sensibles et peu spécifiques ter pendant plusieurs jours à plusieurs drome est assez poly­morphe, défini par [13, 20]. Simons et al. [21] pensent que semaines. Cette réaction peut être éten- de larges réactions inflammatoires en les extraits préparés à partir de la tête due, atteignant 12 à 15 centimètres de particulier faciales, souvent accompa- et du thorax de moustique sont plus diamètre [1]. gnées de symptômes systémiques, de ­performants, car contenant davantage fièvre et de vomissements [16]. Certains de protéines salivaires. D’autres réactions locales ont été cas peuvent prêter à confusion avec décrites de façon plus exceptionnelle : une ­cellulite faciale [12]. Des réactions ●● Dosage des IgE et des IgG éruptions vésiculeuses, hémorragiques, locales immédiates et retardées peuvent spécifiques parfois accompagnées de fièvre et être associées [1]. d’arthralgies, faisant évoquer un phé- Le dosage des IgE vis-à-vis des extraits nomène d’Arthus, plus rarement des 2. Réactions générales de corps total ne détectent pas bien les réactions bulleuses [11]. anticorps IgE dirigés contre la salive. Elles sont exceptionnelles, contraire- Un taux d’IgE supérieur à 0,35 kUA/L Simons et Peng ont décrit, sous le ment aux piqûres d’hyménoptères. Des est positif (CAP-RAST). Beckett et al. vocable de “Skeeter syndrome”, une manifestations générales assez vagues [22] ont utilisé des dosages d’IgE diri- réaction locale étendue inflamma- telles que nausées, céphalées, vertiges gés contre trois allergènes recombi- toire, accompagnée de fièvre et par- ou sensations de fatigue ont été décrites nants : rAed a1, rAed a2 et rAed a3. Pour fois de troubles respiratoires tels que [17] ainsi que des urticaires géantes, des Peng et al. [23], le dosage des IgE contre

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rAed a 2 est plus discriminant que le étaient constantes. Dans 9 cas (30 %), 1. Traitement symptomatique dosage des IgE contre l’extrait de corps des réactions générales étaient obser- total. vées, et dans 4 cas une lymphangite. Le En cas de réaction locale ou loco­ sexe féminin était le principal facteur régionale inflammatoire gênante, la 4. Un diagnostic différentiel : de risque, mais pas l’atopie. D’autres prescription de corticoïdes locaux l’allergie aux simulies réactions allergiques (asthme et choc est indiquée, associée à des antisep- anaphylactique) ont été rapportées. Un tiques locaux et à la prise d’un anti- Les simulies (Simulium spp., angl. : patient sur 4 était allergique à d’autres histaminique de seconde génération. blackfly) – moutmout en Afrique ou insectes [20]. Des réactions non aller- Les anti-H1, notamment la cétirizine, alambi dans le Sud de la France – sont giques (nodules pigmentés, prurigo) à titre préventif, ont apporté un effet des moucherons, diptères hémato- sont possibles. protecteur dans des études cliniques phages, responsables de l’onchocercose (prise quotidienne pendant la durée humaine à Onchocerca volvulus en Le mécanisme physiopathologique de du risque) [26]. En cas de réaction sys­ Afrique (cécité des rivières). Les simu- ces réactions reste discuté en l’absence témique dont la fréquence est cepen- lies ont un aspect de moucheron noir d’une connaissance des allergènes dant rare, l’injection d’adrénaline est au thorax bossu, d’une taille de 1 à de la salive [20]. Lavaud et al. [24] ont justifiée [1]. 5 mm et possèdent des pièces vulné- noté une association à une allergie aux rantes redoutables. Ce sont des insectes piqûres d’autres insectes (moustiques, 2. Traitement préventif diurnes, volant en essaim ou en petits taons, abeilles, guêpes). groupes, au ras du sol. Les femelles Des agents répulsifs sont recomman- pondent leurs œufs au voisinage de dés. La citronnelle et la vitamine B1 petits ou moyens cours d’eau. Il existe Allergènes des moustiques sont peu efficaces. Lillie et al. [27] ont de nombreuses espèces de simulidées : [[ utilisé avec un succès quasi constant Simulium ornatum et Simulium reptans À partir de différentes espèces, plu- la diéthyltoluamide (DEET) sous forme notamment en Champagne, Simulium sieurs antigènes de PM, compris entre de crème à 3,5 %. On peut essayer le columbaczense en Europe centrale. 14 kDa et 126 kDa, ont été détectés. pyrèthre (ce terme désignant la pyré- Dans la salive d’Ædes albifasciatus, les thrine), insecticide naturel extrait du En Europe, des attaques de simulies ont protéines identifiées vont de 14 kDa à pyrèthre de Dalmatie et de certaines été signalées dans plusieurs régions : 94 kDa. Il existe plusieurs allergènes astéracées. sur les bords de la Neuné (Vosges) recombinants de PM 68 kDa (rAed a1), (1978), en Camargue, dans le Var. 37 kDa (rAed a2) et 30 kDa (rAed a3). Feuillet-Dassonval et al. [28] donnent Habituellement, sa morsure laisse une Wongkamchai et al. [25] ont étudié le une liste exhaustive des conseils pour papule érythémateuse, prurigineuse, profil protéique de la salive des glandes prévenir les réactions aux piqûres de centrée par le point hémorragique et salivaires et du corps entier de plusieurs moustiques en Europe, donnant les un œdème local. Ces réactions peuvent espèces de moustiques : 4 espèces de recommandations suivantes : être invalidantes avec œdème extensif Thaïlande et d’Asie du Sud-Est (Culex ––port de vêtements couvrants ; atteignant les articulations sus et sous- quinquefasciatus, Ædes aegypti, Ædes ––utilisation de répulsifs pour éloigner jacentes, lymphangite, placards hémor- albopictus et Anopheles minimus). La les insectes : avant 1 an (Citriodiol®), ragiques, voire réactions générales salive est la meilleure source d’aller- entre 1 et 3 ans (éthylhexanediol, (urticaire, œdème de Quincke, fièvre). gène où trois allergènes de 36, 32 et Citriodiol®), de 3 à 10 ans (éthylhexa- 22 kDa ont été identifiés. nediol, Citriodiol®) ; enfant de plus de Une étude, effectuée dans la région 10 ans et adultes (diéthyltoluamide à rémoise, a porté sur 30 patients qui 35-50 %) 5 ; avaient présenté des réactions après Prévention et traitement ––chez les enfants de plus de 3 ans, piqûres, principalement au prin- [[ imprégner les vêtements de produits temps, au bord de rivières de petite ou L’allergie au moustique s’améliore avec à base de perméthrine, qui reste effi- de moyenne importance, ou de ruis- l’âge (désensibilisation naturelle), mais cace pendant 2 mois, même après cinq seaux. Les réactions locales étendues, certains individus gardent une sensibi- lavages à 60 °C avec savon. La permé- très inflammatoires et douloureuses lité particulière toute leur vie. thrine est contre-indiquée chez l’enfant

5 L’éthylhexanediol et le diéthyltoluamide (DEET) sont contre-indiqués pendant la grossesse.

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de moins de 3 ans. Le port du vêtement et l’apparition de la tolérance – mal certains ont obtenus de bons résultats imprégné ne doit pas excéder 1 mois. connu – est variable. De ce fait, pour avec les extraits actuels, en particu- La perméthrine éloigne également ces auteurs, une ITS peut être envisagée lier sublinguaux. Les spécialistes du les hyménoptères (guêpes, frelons, chez les jeunes enfants réagissant par groupe “Insectes piqueurs” de la SFA abeilles) [29] ; des réactions générales ou des réactions conseillent d’attendre que les résultats ––prescrire un anti-H1 de deuxième cutanées sévères [19]. Cette attitude est de l’ITS soient plus robustes, et surtout génération pendant la période d’expo­ licite pour les adultes, en particulier les que l’on dispose d’allergènes de meil- sition au risque pour diminuer l’in- nouveaux habitants de zones infestées leure qualité. tensité des réactions et diminuer le par des moustiques et, par conséquent, grattage [28]. non encore immunisés.

Les indications de l’ITS pourraient être révisées avec la mise à disposition Conclusions Bibliographie ­d’extraits purifiés et d’allergènes recom- [[ 1. Viniaker H et al. Allergie aux piqûres de binants. Les études, peu nombreuses, En France, une réaction locale, même moustiques. Rev Fr Allergol Immunol Clin, portent sur l’ITS avec les extraits de assez étendue, ou des réactions mul- 2005;45:620-625. corps entiers. tiples, sont normales après les piqûres 2. Peng Z et al. A survey of mosquito allergy by measuring serum saliva-specific IgE and IgG de moustiques. Dans notre pays, les antibodies in 1059 blood donors. J Allergy Ariano et Panzani [29] ont désensibilisé réactions graves, systémiques, sont Clin Immunol­ , 2002;110:816-817. avec succès 20 patients présentant des rares ; cependant, la survenue d’une 3. Brummer-Korvenkontio H et al. Detection réactions locales immédiates et retar- anaphylaxie doit faire rechercher une of mosquito saliva-specific IgE antibodies by capture Elisa. Allergy, 1997;52:342-345. dées importantes, en utilisant un extrait mastocytose. La conduite à tenir varie 4. Reunala T et al. Frequent occurrence of IgE de corps total de moustique Ædes com- selon les spécialistes au sujet des réac- et IgG antibodies against saliva of Aedes munis injecté régulièrement par voie tions locales importantes ou multiples, communis and Aedes aegypti mosqui- sous-cutanée pendant 18 mois, avec des réactions locorégionales persis- toes in children. Arch Allergy Immunol, 1994;104:366-371. une dose cumulative de 120 IR. Pour tantes, des surinfections, etc. Certains 5. Reiter N et al. Anaphylaxis caused by ces auteurs, il s’agirait d’une méthode considèrent qu’en l’absence de réac- mosquito allergy in systemic mastocytosis. sûre et efficace. tions systémiques, une allergie IgE- Lancet, 2013;382:1380. 6. Drouet M et al. L’anaphylaxie au moustique dépendante peut être exclue, tandis que est-elle indicatrice de mastocytose ? Rev Fr Srivastava et al. [30] ont effectué une d’autres, plus circonspects, réalisent Allergol, 2014;54:238-239 (Abstract All-18). étude en double aveugle versus pla- des tests cutanés et envisagent le dia- 7. Tokura Y et al. Hypersensitivity to mosquito cebo pendant 1 an chez 40 patients gnostic d’allergie IgE-dépendante s’ils bites as the primary clinical manifestation of a juvenile type of Epstein-Barr virus-associ- allergiques à Culex quinquefasciatus sont positifs. Dans la mesure où il n’y a ated natural killer cell leukaemia lymphoma. atteints de rhinite et/ou d’asthme. Dans pas de risque allergique grave, le bilan J Am Acad Dermatol, 2001;45:569-578. le groupe “actif”, on a observé une dimi- répond à une inquiétude des parents 8. Kang JH et al. Anaplastic lymphoma kinase- positive anaplastic large cell lymphoma nution significative des IgE (p = 0,02), devant des piqûres multiples, une arising in a patient with hypersensitiv- une augmentation des IgG4 (p = 0,001) inflammation locorégionale, source ity to mosquito bites. Korean J Fam Med, et une diminution du rapport IgE/IgG4 de prurit, de surinfection, de prurigo 2015;36:35-41. (p = 0,001), témoignant d’une efficience et d’insomnies. 9. Mori T et al. An adult patient with hyper- sensitivity to mosquito bites developping immunologique de l’ITS. Les patients . Int J Haematology, recevant le traitement “actif” avaient Si le test cutané est positif, un anti‑H1, 2000;71:259-262. une diminution de leur HRB à l’hista- une corticothérapie locale, des désin- 10. Sabbah A et al. The wasp/mosquito syndrome. mine [30]. fectants sont indiqués. Si le test est Allergie et Immunol, 1999;31:175-184. 11. Walker GB et al. Seasonal bullous erup- négatif, la même attitude peut être tion to mosquitoes. Clin Exp Dermatol, Chez l’enfant, il existe une désensibi- proposée. Les mesures de prévention 1985;10:127-132. lisation naturelle qui apparaît au bout (répulsifs, protection) sont essentielles. 12. Simons FER et al. Skeeter syndrome. J Allergy Clin Immunol, 1999;104:705-707. de quelques années. Les nourrissons Un anti-H1 peut être proposé en pré- 13. Peng Z et al. Immune responses to mosquito et les jeunes enfants présentent un vention pendant quelques semaines, saliva in 14 individuals with acute systemic risque accru de réactions allergiques, en commençant avant le risque chez allergic reactions to mosquito bites. J Allergy et leurs symptômes sont plus sévères les individus très sensibles. L’ITS reste Clin Immunol, 2004;114:1189-1194. 14. Peng Z et al. Advances in mosquito allergy. qu’aux autres âges de la vie [31]. Le délai exceptionnellement indiquée, car les Curr Opin Allergy Clin Immunol, 2007; entre la première piqûre de moustique extraits sont mal standardisés ; mais 7:350‑354.

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