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6 DES IMAGES ET DES FIGURES (1) Un fan vient déposer des fleurs devant le club favori du chanteur disparu. (2) Le tunnel menant à Paisley Park et ses graffitis hommages. (3) Bob Dylan Way, à Duluth. (4) File d’attente à Paisley Park pour assister aux commémorations. (5) La célèbre fresque de Dylan en plein cœur de Minneapolis signée du Brésilien Eduardo Kobra (6) Fresque de à Minneapolis, signée Cyfi Martinez. (7) Le 21 avril dernier, Prince était célébré dans toute la ville. 3 Men from the North Country Minneapolis, la grande ville du Mid-West, commémorait en avril dernier le premier anniversaire de la disparition de Prince, l’enfant du pays. Dans cet État, situé au nord des États-Unis, d’où est également originaire Bob Dylan, la musique fait partie de l’art de vivre. Reportage.

Par Belkacem Bahlouli

U SOIR DU 21 AVRIL DERNIER, LES TWIN CITIES, REGROU- pant Saint Paul et Minneapolis, les villes jumelles situées de part et d’autre du Mississippi et traversées par la fameuse Highway 61, avaient revêtu leur habit de lumière pourpre. Il y a un an exacte- ment, Prince Roger Nelson, était retrouvé mort dans son complexe de Paisley Park, situé à Chanhassen, à quelques miles au sud-ouest de la ville. “Prince n’a jamais quitté le Minnesota”, précise d’emblée Casey Kluiver, responsable du Atourisme de Minneapolis, alors que l’on se dirige d’un pas assuré vers le club First Avenue, 7 où le Kid a fait ses premières armes et a tourné nombre de séquences de son film culte Purple Rain. “C’est une fierté de savoir que Prince, cette star internationale connue dans le monde entier vient d’ici.” Car le Minnesota est aussi connu pour y avoir vu naître il y a 75 ans un certain Robert Zimmermann, aka Bob Dylan, “et bien qu’il ait passé son enfance et son adolescence à Duluth et à Hibbing, dans le nord de l’État, c’est à Minneapolis qu’il a commencé à réellement travailler et surtout à écrire. Il allait à la fac ici et il habitait sur la Quatrième Rue, qui lui inspirera plus tard ‘Positively 4th Street’.” Mais Minneapolis,

51 Rolling Stone MINNEAPOLISMINNEAPOLIS c’est aussi la ville de Hüsker Dü, Soul Asylum ou des Replacements. jumelle et capitale de l’État. “La plupart de ces gars ont été formés dans Tout dans cette ville rappelle ces deux musiciens, les gigantesques la McNally Smith, une école professionnelle dont le cursus est assez fresques et surtout les clubs que Prince a écumé ces trois dernières proche de la Berklee School Of Music de . Les musiciens y décennies et où il venait jouer, quasiment anonymement. “C’est la rai- apprennent à devenir professionnels, précise Chris Osgood, le boss de son pour laquelle de très nombreux musiciens ont joué avec lui”, précise l’établissement. Même s’ils ne font pas carrière ensuite, au moins, ils le patron du Bunker, le club dont la scène d’à peine 10 m2 a reçu très sont dignes le samedi soir quand ils jouent dans les bars !” Dans le club, régulièrement la visite princière et à côté de laquelle trône une vieille surchauffé, car bondé comme jamais, les concerts se succèdent, avec photo du Kid. “Aujourd’hui, nous avons des groupes résidents qui jouent en guests, les anciens musiciens de Prince, ainsi que nombre d’ano- une fois par semaine, alternativement, rappelle le maître des lieux. nymes qui ont un jour partagé une scène avec le regretté chanteur. Mais lorsque Prince venait, je peux vous assurer que c’était la fête. On frôlait l’émeute dehors à chaque fois, même en plein hiver, où il fait des arallèlement, à une demi-heure du centre-ville, c’est un tout températures polaires.” autre événement qui a lieu, les concerts hommages des anciens groupes de Prince dans le complexe de Paisley Park. C’était l’époque d’avant les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille fonc- Direction donc le sud-ouest des Twin Cities. C’est au son des tionnait à plein. Plus tard, à l’ère du numérique, les concerts improvisés Pradios locales que s’effectue le trajet : “Welcome on One O One Point de Prince auront lieu dans son complexe de Pailsey Park, où il avait Two Radio, the new country radio.” Et de découvrir les nouvelles ten- aménagé – notamment – une salle de concert. “Des moments magiques, dances en matière de new-country. Pas de l’alt country, mais bel et bien vraiment, pour y avoir assisté à de nom - de la variété countrysante… Ainsi écoute-t- breuses reprises, ces mini-showcases étaient on l’histoire d’un gars qui a de la poussière de vrais instants où tout s’arrêtait, s’enthou- sur ses boots et de la boue sur ses pneus, tan- siasme encore Andrea Swensson, une POUR LA dis qu’un de ses collègues pleure dans sa bière journaliste animatrice d’une radio rock du en regardant le soleil se coucher. Un vrai Minnesota. J’ai eu l’occasion de le rencontrer PRINCE bonheur. Puisqu’il est interdit d’aller à plusieurs fois, et il était toujours charmant. Paisley Park en voiture, le rendez-vous est Exigeant aussi, on ne le dérangeait pas pour PARADE, LES pris devant la gare de Chahassen, devant une discuter cinq minutes. Ses interviews étaient fresque – d’une rare laideur – à la gloire du rarissimes et lorsqu’il voulait parler, il restait FANS VÊTUS chanteur, qui jouxte le dernier club dans après le show dans son lounge privé de Paisley lequel Prince est allé jouer anonymement, le Park. Peu importait l’heure, on ne savait DE VIOLET soir de la mort de Ray Charles, pour un jamais s’il faisait jour ou nuit, il n’y a pas de concert hommage poignant. Il y avait donné fenêtre dans le complexe… D’ailleurs à ce SE SONT un set époustouflant aux dires du patron du sujet, je me souviendrai toujours qu’il y avait lieu. des écrans de télévision partout qui diffu - MASSÉS saient en boucle le dessin animé Némo, de Dans le bus qui nous mène vers le complexe, Disney. Je n’ai jamais su pourquoi d’ailleurs, POUR DAN- la fameuse grille ornée de fleurs et autres peut-être pour apporter un peu d’exotisme au poèmes déposés par les fans ceinture le bâti- lieu. Vous savez, ici, le paysage est plat et un SER DANS ment blanc, qui resplendit sous un ciel peu monotone…” puissamment bleu. C’est dans cet endroit, LA RUE AU sur quatre jours et après avoir déboursé Plat et monotone, le cliché a la vie dure. Celui entre 500 et 1 000 dollars, que mille privilé- véhiculé bien sûr par les frères Cohen dans SON DES giés, fans hardcores de Prince, pourront Fargo, dont l’action se déroule justement à fouler le sol de Paisley Park, l’antre du génie. quelques kilomètres des Twins Cities, ces Ou plutôt son mausolée. Car après avoir paysages froids recouverts de neige, ces lon- TUBES franchi le petit vestibule et marché quelques gues étendues, ces routes droites à l’infini. Et mètres le long d’un couloir orné de disques surtout ces forêts qui en cette mi-avril n’ont PRINCIERS. d’or, on arrive dans un vaste lobby éclairé par pas encore montré un quelconque signe de une verrière – la seule fenêtre du bâtiment bourgeonnement. “L’hiver est un peu long ici, – et sur le mur en face, en hauteur, l’urne rappelle goguenard Casey Kluiver. C’est pour ça que tous les immeubles funéraire reprenant la forme de Paisley Park dans laquelle reposent sont reliés par des passerelles, on est tous un peu des hamsters dans les cendres du musicien. Ça plombe. nos tubes. La vie se passe dans les immeubles, dont le premier étage est transformé en centre commercial. Il y a peu de boutiques sur l’exté- Autour de ce lobby, les anciens bureaux ont été transformés en salles rieur, il y a surtout des restaurants. Et cela explique aussi le fait que de musée reprenant chaque période créative de Prince, avec instru- les rues soient relativement désertes la journée, même lorsqu’il fait ments et tenues de scène. Impossible de prendre des photos : téléphones beau comme aujourd’hui…” et appareils ayant été enfermés dans un sac impossible à ouvrir… Un second couloir mène vers la grande salle, un vaste hall, grand comme t le soleil brillait ce 21 avril, jour anniversaire de la dispari- un studio de cinéma, pouvant accueillir près de 2 000 personnes. tion de Prince. Toute la journée, diverses manifestations ont Pendant ces journées commémoratives, un millier de fans pourront eu lieu : concerts hommages un peu partout dans la ville voir se succéder sur scènes tous les groupes majeurs – et les amis musi- bien sûr, mais surtout la Prince Parade, devant le First ciens – qui ont côtoyé Prince : ainsi a-t-on pu assister dès le premier EAvenue, où plusieurs milliers de fans vêtus de violet se sont massés pour jour à un show époustouflant mené par George Clinton, funk en diable, danser dans la rue au son des tubes princiers revus et corrigés par des même si le bonhomme commence à accuser le poids des années. Le groupes du cru : “Ça joue très fort ici, le niveau des musiciens est éton- deuxième set, le lendemain, était le plus attendu, la reformation des

nant”, souligne Nick Cusick, le Public Relations de Saint Paul, la ville géantissimes Revolutions, avec Wendy et Lisa bien sûr, mais aussi tous PARK/DR BAHLOULI/PAISLEY BELKACEM BAHLOULI/DR PRÉCÉDENTE BELKACEM © DOUBLE PAGE

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6 5 PRINCE TOUR (1) Maillot de Prince offert par l’équipe de hockey locale et exposée au Xcel Center. (2) Grille de Paisley Park recouverte d’hommages. (3) Concert des Revolutions du 21 avril. (4) Le vaste hall du complexe du chanteur (5) Morris Day a joué le 22 avril. (6) Maison natale de Prince Roger Nelson. (7) Corridor du complexe, au second plan le hall où sont exposées les cendres du chanteur. (8) Fresque située à Chanhassen, ville où se trouve Paisley Park.

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4 HIGHWAY 61... VISITED (1) Embranchement menant sur la Highway 61. (2) Fresque située à Minneapolis (3) Écriteau rappelant que Dylan avait vu Buddy Holly à l’Armory. (4) On ne peut pas refuser les meilleurs ribs du pays. (5) Affiche du Xcel Center signée par Roger Waters. (6) On pédale et ça actionne les pompes à bière. (7) Devant le Xcel Center, le E Street. (8) John Buchey anime depuis 25 ans une émission sur Dylan. (9) “Sometimes it snows in April” à Hibbing.

les “former bandmates”. Une heure et demie d’un gig ahurissant, allant Le dernier jour de la célébration Paisley Park sera une sorte d’apo- des grands tubes aux titres totalement méconnus, même par ses plus théose. Sur scène, les , associés à son dernier grands fans, avant de clore le show par un poignant “Purple Rain” groupe – exclusivement féminin celui-là – , son dernier chanté et joué solo compris à la note près par une Wendy Melvoin power trio de tueuses à gages. Le show fut à la hauteur des espérances, éblouissante. “Comme vous, cela me fait quelque chose de me remémo- les fulgurances funk-rock associées aux solos dantesques de la guita- rer cette période où nous jouions tous les soirs, pendant des heures, à riste ont durablement marqué le public. Notamment une version essayer de faire quelque chose qui puisse rester dans l’Histoire. Grâce “play-back” avec la voie isolée de Prince chantant “Purple Rain” à vous Prince est entré dans l’Histoire. Merci encore”, dira Wendy la accompagnée par le double groupe. Après le concert, l’instrumentiste gorge serrée. Après le show, le personnel distribuait des kleenex par confiera : “Vous savez, Prince m’a recrutée sur Internet, il cherchait centaines aux fans éplorés. Après ce show quasi miraculeux, c’est quelqu’un pouvant le défier sur scène à la guitare, je pense qu’on avait Morris Day & The Time qui s’empareront de la scène pour un set funk réussi notre coup.” en diable et qui, plus que l’émotion qui transpirait la veille, sera carac- térisé par sa bonne humeur – en faisant monter les filles sur scène pour Après le show, l’heure est à la visite du complexe. Outre les quelques les faire danser – et son énergie. bureaux du rez-de-chaussée transformés en musée, le reste du bâti- ment abrite également une seconde salle de spectacle, et bien sûr les e retour dans les Twin Cities, direction Saint Paul, ce soir- fameux studios d’enregistrement. Le lounge permettait à Prince de là Def Leppard était en ville. Avec Kansas et Poison. Et si jammer en toute discrétion avec ses amis et visiteurs, une grande ces groupes ne remplissent que très difficilement les scène équipée permettait également au Kid de répéter en situation grandes salles françaises, à Saint Paul, ce n’est pas moins réelle ses concerts. À côté, le clou du spectacle, le studio 1, équipé Dque l’enceinte du Xcel Energy Center, le “X” comme l’appellent les habi- comme un porte-avions, console de 48 pistes, divers reel-to-reel en tants, qu’il leur faudra. Cette salle destinée au hockey sur glace (une plusieurs formats (d’un demi à deux pouces), parc micro complet et religion dans la ville avec le base-ball – chose avec laquelle on ne plai- stock d’instruments à l’avenant. Bref, de quoi faire rêver n’importe sante pas, et porter une casquette siglée NY a autrement plus de quel musicien. Sauf que depuis la mort du maître des lieux, Paisley signification qu’on ne le pense…), se transforme à l’occasion en salle de Park est géré par la société qui s’occupe également de Graceland, la concert de 18 000 places, toutes vendues ce soir-là. C’est ici que le maison d’Elvis… Tout un programme. Le vaste studio sert désormais concert en hommage à Prince a été donné l’an dernier. Et la tradition aux touristes qui ont déboursé 100 dollars pour visiter cette caverne veut que chaque artiste ayant joué dans cette salle signe une affiche d’Ali Baba sonore, à enregistrer un couplet de “Cream” ou de personnalisée, qui sera exposée dans le vaste hall. Mieux encore, en “Raspberry Beret”. Affligeant. Reste un peu d’espoir : Susan Rogers, souvenir d’un show brûlant dans ce même lieu, la rue située devant la l’ingénieure du son et mieux, l’architecte sonore des premiers albums

salle, la E-Street, recevra en complément de nom Springsteen Road. de Prince, dont le cultissime Purple Rain, précisera entre deux BAHLOULI © BELKACEM

54 | Rolling Stone | rollingstone.fr Juillet 2017 MINNEAPOLISMINNEAPOLIS portes : “en fait, j’ai été contactée personnellement par la famille de drastique des chansons, les statistiques et les mises à jour quotidiennes Prince, qui m’a donné les clés du “Vault”, le coffre-fort où sont stockées des set lists. Sa dernière acquisition ? La chaise enfant dans laquelle les milliers d’heures de bandes. “Prince enregistrait tout, jour et nuit, Bobby mangeait sa bouillie. Amusant. Le but de Billy ? Faire revivre se souvient Susan. J’ai travaillé avec lui pendant quatre ans, non-stop, cette maison en la remeublant comme au temps de Beatrice et Abraham on a des milliers d’heures de son, pas mixé ou très peu. Je dois donc Zimmermann, les parents de Bob. tout écouter et voir ce qu’on peut en sortir. En revanche je ne vous garantis rien, il y en a pour trois voire quatre ans de travail avant de ’autre fou de Dylan, John Bushey, est un éminent spécialiste pouvoir en sortir quoi que ce soit…” Après cette dernière journée, il de Bob : depuis plus de 25 ans, il anime la très justement était temps de revenir en centre-ville et faire le “Prince Tour”, ainsi, nommée “Highway 61”, sur KUMD, une émission exclusi- sa maison natale, ou le club qui l’a vu débuter (Le Capri). Saturé de vement consacrée à son idole. Entre autres activités, il est violet, de fans éplorés et de guides parfois trop enthousiastes, il était Laussi engagé dans le Duluth festival, qui reçoit chaque année au mois temps de repartir sur d’autres routes, l’autoradio lui, toujours branché de mai, pendant la “semaine anniversaire” de Bob, nombre de groupes sur 101.2 FM, débitait l’histoire d’un pauvre cow-boy qui ne sait pas venus du monde entier. “On ne leur demande pas de faire des reprises, quoi faire le samedi soir venu. ils en font s’ils veulent”, s’amuse John Bushey. “En fait, on a créé ce festival pour célébrer, dans sa ville natale, la musique de Bob et sur- Minneapolis est aussi un point de passage, aussi bien avec le Mississippi, tout son influence, qui est monumentale”, s’enthousiasme Brad qui y termine sa voie navigable, que par la route. Car les Twin Cities Nelson, le patron de ces rencontres. “Tiens écoute ça, signale John, sont traversées par la fameuse Highway 61. C’est donc à Saint Paul que avant de passer sur son magnéto dans son studio le discours de Bob, le fameux panneau blanc flanqué de la célèbre mention apparaît devant lors de son dernier concert à Duluth. Tu vois, il parle aussi. Je ne sais le pare-brise. Étrange sensation. Émotion même. Il est temps d’aban- pas ce qui lui a pris, peut-être l’air de la ville, mais ce jour-là, il a même donner nos countrymen radiophoniques et de brancher l’iPod avec fait un véritable speech où il raconte qu’il est né ici, qu’il avait des amis l’album éponyme de Dylan. Le gros boogie de la chanson et le fulgurant dans les maisons non loin du lieu où se trouvait la scène. C’est éton- “vzouitt” du début du titre fusent des haut-parleurs de la sono embar- nant, lui qui ne parle jamais, pas même un bonjour parfois… Attends,

Billy est la mémoire vivante de Dylan. CE QUE BOB A OUBLIÉ, LUI LE SAIT ET POSSÈDE L’ARTEFACT QUI VA AVEC.

quée. Direction Duluth. La ville natale de Robert Allen Zimmermann. je te fais une copie…” Et c’est au son de la très amusante chanson “I’m Située à trois heures de route plus au nord. La route est plate et l’on a Bigger Bob Dylan Fan Than You” que nous quittons le studio pour reconnaît les panneaux si caractéristiques de la série Fargo (Prairie, nous rendre à l’Armory, la salle de spectacle située dans une caserne St. Cloud etc.). Les chansons défilent au rythme du paysage. Pas une et désormais désaffectée, mais que Mark Poirier, Ed Newman, et colline à l’horizon. La Highway 61 s’arrête dans la ville de Wyoming, il Jeremy Enge-Frey tentent de faire revivre. C’est dans cette gigan- faudra alors poursuivre sur l’Interstate 35. Mais le charme n’est pas tesque salle que Bob Dylan a vu, à 17 ans, Buddy Holly et Big Bopper, rompu, malgré les cerfs et les racoons dégommés sur les bords de la quelques jours avant le crash fatal dans l’État voisin de l’Iowa. “On chaussée. Puis, quelques monts apparaissent à l’horizon, Duluth n’est commence à trouver des financements pour relancer ce monument, plus bien loin. C’est au son de “Blind Willie McTell” que l’on franchit car nous n’avons plus de salles de cette capacité en ville. Vous savez, l’entrée sud de Duluth, par le port industriel. Cette chanson justement Duluth est d’abord une ville industrielle avec ses mines de charbon, raconte en détail ce qui se passait à l’autre bout de la 61, en Louisiane. son port, etc., mais c’est aussi une ville où il y a énormément de musique. Et où nous perpétuons la musique de Bob”, signale Mark La ville est une sorte de San Francisco septentrionale. À l’instar des Poirier. “Il devrait venir plus souvent d’ailleurs”, s’amuse Ed Newman. autres grandes cités du nord des États-Unis, tout se passe dans les fameuses skyways, ces passerelles entre immeubles. Les rues sont Mais déjà, la météo commence à se faire menaçante. Bob n’avait pas désertes, il pleut des cordes et surtout, il fait 3 °. Ce qui change des tort, “if you go when the snowflakes falls…”, prévenait-il et c’était le 25 ° de la ville située 250 km plus au sud. Ce n’est pas pour rien que Bob programme du jour. “Sometimes it snows in April”, chantait Prince chantait dans “The Girl From The North Country” “Where the winds de son côté. La virée à Hibbing sera annulée. Le blizzard souffle, la hit heavy on the borderline”. tempête de neige est annoncée pour la nuit. Il tombera ce 25 avril quelque 30 centimètres de neige, et il fera -4… Retour donc vers le Première étape, après avoir parcouru la rue principale, fièrement sud et Saint Paul, pour voir la curiosité locale, le Mall Of America, le renommée “Bob Dylan’s Way” il y a dix ans, retrouver la maison natale plus grand centre commercial d’Amérique. On y vient de tout le pays de Bob. Située dans l’une des rues pentues de la ville, au 519 North pour faire ses courses, le Minnesota étant connu pour son tax-free. Third Avenue East, elle appartient désormais à Billy, qui l’a acquise il Et pour sa nourriture. Très peu de fast-food, mais du burger et du y a une demi-douzaine d’années sur eBay pour 100 000 dollars. Billy travers en veux-tu en-voilà. Le temps de faire fumer la CB et d’avaler est tout sauf un dingue, c’est avant tout un collectionneur avisé, véri- quelques ribs (les meilleurs du pays selon la pub), il est temps de rega- table mémoire vivante de Bob. Ce que Bob a oublié, lui le sait et possède gner l’avion, en rangeant soigneusement dans la valise le “Highway l’artefact qui va avec. Il fournit ainsi le label du chanteur et les docu- 61 Revisited” vinyle mono trouvé chez Fetus Records, le plus grand mentaristes en manque d’éléments. Mieux, il a “tapé” 500 concerts du disquaire de la ville. Zim. Cinq cents pirates, pas moins, et tient à jour une comptabilité

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