Ernst Karl Winter : Éléments D’Une Pensée Alternative De L’Autriche De L’Entre-Deux-Guerres Gérard Grelle
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Ernst Karl Winter : éléments d’une pensée alternative de l’Autriche de l’entre-deux-guerres Gérard Grelle To cite this version: Gérard Grelle. Ernst Karl Winter : éléments d’une pensée alternative de l’Autriche de l’entre-deux- guerres. Science politique. Université Paris-Est, 2013. <tel-00957194> HAL Id: tel-00957194 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00957194 Submitted on 13 Mar 2014 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Université de Paris-Est Créteil Diplôme d’Habilitation à Diriger des Recherches Ernst Karl Winter : Eléments d'une pensée politique alternative de l'Autriche de l'entre-deux-guerres Mémoire scientifique présenté en vue de l’obtention du Diplôme d’Habilitation à Diriger des Recherches par Gérard Grelle Maître de Conférences Université de Limoges Directeur de recherche : Monsieur Jürgen Doll Professeur à l’Université de Paris-Est Créteil Composition du jury : Président du Jury : Gerald Stieg (Paris 3 Sorbonne nouvelle) Membres du jury : - Mme Anne-Marie Corbin (Rouen) - M. Jacques Lajarrige (Toulouse 2) - M. Friedrich Taubert (Bourgogne) - M. Bertrand Westphal (Limoges) Date de soutenance : 21 juin 2013 Remerciements Ce travail de recherches n’aurait sans doute pas pu prendre forme sans les nombreuses conversations initiales avec M. Ernst Florian Winter, fils aîné d’Ernst Karl Winter, qui nous a en quelque sorte « introduit » à la pensée et à l’œuvre de son père. Il nous a fait découvrir l’univers intellectuel et politique de son père. Il nous a en outre, grâce à ses souvenirs, aidé à élucider les étapes de l’exil entre mars 1938 et son arrivée aux Etats-Unis, et nous a ainsi permis de mieux comprendre les phases et les implications de son très bref exil parisien. Notre gratitude va également vers M. Anton Staudinger, professeur émérite à l’Institut d’Histoire Contemporaine de l’Université de Vienne, avec lequel nous avons eu de nombreux échanges non seulement sur l’action et la réflexion politique d’E.K. Winter dans les années 30 et 40, mais aussi sur le contexte politique et social de cette période, et notamment sur la problématique de l’idéologie « patriotique » du régime corporatiste. Grâce à son intervention, nous avons pu en outre avoir libre accès à la bibliothèque de son institut et consulter ainsi les ouvrages nécessaires à nos travaux. Nous tenons tout particulièrement à remercier M. Jürgen Doll, professeur à l’Université de Paris-Est Créteil, qui a dirigé ces travaux. Durant les longues années consacrées à l’approche de la pensée politique d’E.K. Winter, il nous a apporté ses conseils permanents et nous a fait pleinement profiter de ses connaissances de l’histoire idéologique et politique de l’Autriche contemporaine. Nous n’oublierons pas enfin Christa, notre épouse, ainsi que Camélia et Daniéla, nos deux filles, qui ont su tout au long de ces longues années faire preuve d’une immense compréhension à notre égard et ont souvent renoncé à des activités communes pour nous permettre de nous consacrer pleinement à nos activités de recherche. Nous exprimons à chacune d’elles toute notre reconnaissance. Introduction L’Autriche de l’entre-deux-guerres, créée dans ses nouvelles frontières par les vainqueurs de la Première Guerre Mondiale, ne fut pas un enfant désiré, du moins pas de la majorité de ses responsables politiques. A en prendre à témoin le fait que ceux-ci aient voulu la proclamer « partie intégrante de la République allemande », comme il était dit à l’article 2 de la Constitution adoptée le 12 novembre 1918. Certes, la réaction des vainqueurs ne se fit pas attendre : tout rattachement à l’Allemagne lui fut interdit – et ce de façon réitérée entre 1918 et 1933 -, mais la question de l’identité nationale ne fut pour autant de cette manière nullement résolue, et nombreux étaient les Autrichiens qui se sentaient « allemands » et non « autrichiens ». Par ailleurs, si le parlement avait opté sans ambigüité, en novembre 1918, pour la forme républicaine de l’Etat, ceci n’empêchait pas certains éléments conservateurs de garder la nostalgie de la monarchie déchue et de rêver d’un retour de l’empereur, surtout lorsque la République, à compter de 1933, sera menacée dans son existence par le pouvoir national-socialiste allemand. La démocratie, simultanément et officiellement instaurée pour accompagner cette République, ne tarda pas non plus à être remise en cause, notamment par les chrétiens-sociaux qui, dans les années 20 mais surtout au début des années 30, entendaient pour leur part mettre en place une « vraie démocratie », préfiguration des futurs régimes fascistes qui s’imposèrent peu à peu dans beaucoup de pays d’Europe. Face à cela, les représentants de la gauche souhaitaient l’instauration d’un régime socialiste, dans le pire des cas en ayant recours à la « dictature du prolétariat ». Pour résultat, la démocratie fut bel et bien supprimée en mars 1933, et les catholiques conservateurs imposèrent un régime corporatiste basé sur l’étroite coopération de l’Eglise et de l’Etat. S’ensuivit l’interdiction des partis communiste et social-démocrate et l’autodissolution des partis conservateurs. Le régime corporatiste se mit peu à peu en place, mais fut rapidement confronté à un ennemi extérieur : le national-socialisme. Il engagea alors la lutte sur deux fronts : 3 contre le national-socialisme, mais aussi contre la gauche sociale-démocrate, refusant de comprendre que le véritable ennemi était le national-socialisme, et non la social-démocratie. Il s’enfonça de plus en plus dans l’autoritarisme, s’appuyant sur un patriotisme pseudo-autrichien qui, en réalité, voulait faire des citoyens autrichiens de « meilleurs Allemands ». Pas à pas, cette politique du « fascisme concurrentiel », expression forgée par Anton Staudinger, conduisit à l’échec ; politiquement isolés, les dirigeants de l’Etat corporatiste, par leur politique qui consistait à lutter à la fois contre les nazis et contre les sociaux-démocrates et les communistes, ne pouvant appuyer leur politique sur aucune véritable base populaire, furent progressivement contraints de céder du terrain aux nationaux-socialistes. L’issue d’un tel combat était prévisible : en mars 1938, l’Allemagne nationale-socialiste annexa, sans grand mouvement de protestation internationale, l’Autriche de Dollfuss / Schuschnigg. Le cours de ces événements qui menèrent l’Autriche, de 1918 à 1938, à la catastrophe par les étapes décrites précédemment, fut certes très majoritairement soutenu et approuvé par les milieux catholiques conservateurs, mais pas par la totalité. Une frange, dès le départ, se rangeant essentiellement sous la bannière du légitimisme, revendiquant un retour à l’ancien ordre politique de la monarchie, constitua très tôt un élément critique vis-à-vis de la politique pratiquée par la majorité chrétienne-sociale. Cette minorité, violemment anti-allemande et pro-autrichienne, même si elle ne joua dans les faits qu’un rôle extrêmement réduit, n’en produisit pas pour autant en la personne d’Ernst Karl Winter un penseur politique dont l’éventail des idées couvre un très large spectre. La postérité a irrémédiablement lié son nom à l’émergence et à la conceptualisation de l’idée d’une nation autrichienne indépendante de la nation allemande, tout comme elle a retenu, à l’autre extrémité de l’échiquier politique autrichien, le nom du communiste autrichien Alfred Klahr, mais la connaissance de leur œuvre respective et de leur impact sur l’Autriche moderne reste très parcellaire. Nous nous attacherons donc, dans ce travail , à présenter et à élucider la pensée politique d’E. K. Winter sous ses différentes facettes qui ne se limitent pas au concept de l’identité autrichienne, mais traitent également de la forme institutionnelle de l’Etat, du rapport à la démocratie et aux partis politiques, de la place de l’Autriche dans son contexte européen, etc. Au départ légitimiste, E.K. Winter s’est en effet très vite positionné politiquement en « marginal » de cette mouvance ; simultanément très proche du parti chrétien-social et d’un certain nombre de ses dirigeants, il a toujours 4 gardé une attitude critique à l’égard de la majorité gouvernementale, même lorsque celle-ci va l’investir de la fonction de troisième adjoint au maire de Vienne en 1934. Ses conceptions politiques, élaborées dans une position souvent très précaire, bien que très marginales, recèlent en effet nombre d’idées que l’on va retrouver dans les pratiques politiques de l’Autriche d’après-guerre. La recherche sur E.K. Winter reste jusqu’à ce jour, tant en Autriche qu’à l’étranger, extrêmement réduite. L’un des tout premiers travaux qui lui ont été consacrés a été réalisé en France dès 1978 par la thèse de 3 e cycle de Michel Cullin 1 ; celle-ci portait cependant uniquement sur la question de l’identité autrichienne et n’abordait pas le reste de la pensée politique d’E.K. Winter, à savoir sa réflexion sur la forme institutionnelle de l’Etat, la démocratie, le corporatisme ou les partis politiques. Cette thèse, dans sa thématique, précède le très important ouvrage en français de Félix Kreissler publié en 1980 intitulé La prise de conscience de la nation autrichienne 2 dans lequel l’auteur cite E. K. Winter pas moins d’une quarantaine de fois et évoque pour la première fois dans le domaine public la réflexion et l’action d’E.