L'homme Qui Rétrécit
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L’homme qui rétrécit The incredible shrinking man de Jack Arnold FFICHE FILM Fiche technique USA - 1957 - 1h21 N. & B. Réalisateur : Jack Arnold Scénario : Richard Matheson d’après son roman Musique : Joseph Gershenson Résumé Critique Suite à un passage en pleine mer dans une Amateurs de science-fiction intelligente, fans Interprètes : nappe de brouillard radioactif, Scott Carey voit de fantastique subtil autant que spectaculaire, Grant Williams avec effarement son corps diminuer de taille ! tout simplement amoureux d’un cinéma «qui (Scott Carey) Ils consultent les plus grandes sommités du sort de l’ordinaire», voici un petit chef d’œuvre monde scientifique qui se bornent à constater à votre intention, le merveilleux Homme qui Randy Stuart le phénomène sans précédent dont il est victi- rétrécit, fleuron du genre qui porte vaillam- (Louise Carey) me : Scott Carey «rétrécit» toujours et nul ne ment ses quarante balais. Le scénario est hale- April Kent peut prévoir jusqu’où le processus ira. Sa tant et d’une richesse thématique étonnante, femme lui installe une petite maison de pou- la réalisation est impeccable, servie par des (Clarice) pée dans un coin de l’appartement : il ne truquages époustouflants, qui en remontre- Paul Langton mesure plus alors que 20 centimètres... raient à tous les effets spéciaux informatiques (Charlie Carey) Mais un jour, alors que Louise est sortie, Carey actuels, avec le supplément d’âme et de poé- est attaqué par le chat de la maison. Terrifié, il sie qui fait toute la différence. Ne manquez Raymond Bailey échappe de justesse à l’animal en se réfugiant pas l’occasion de découvrir cette perle, le (Dr. Thomas Silver) dans la cave. meilleur film de Jack Arnold, par ailleurs réali- William Schallert Là, une autre épreuve l’attend… sateur de quelques goûteuses séries B, telles que L’étrange créature du lac noir ou (Dr. Arthur Benson) Tarentula… Frank Scannel En pleine mer, Scott Carey passe au travers (Barker) d’une épaisse nappe de brouillard, sans doute d’origine radioactive. Peu après, il s’aperçoit avec effarement que son corps rétrécit ! (…) L E F R A N C E 1 D O C U M E N T S Mais Scott devra affronter, un à un, la plu- champ différé procure un choc malséant Richard Matheson : «Je suis une légende.« part des périls qui guettent les infiniment lorsqu’on découvre finalement Carey réduit Olivier Père petits… de moitié, perdu dans un fauteuil immense, Les Inrockuptibles n°138 Cela nous vaut quelques séquences le regard triste et apeuré. Le film devient - du11 au 17 Février 1998 d’anthologie : l’attaque par le chat de la alors terrifiant dans la mise à nu d’un maison, le combat titanesque avec une arai- homme qui constate sa propre médiocrité à gnée pour la possession d’une miette de rebours, à l’instant où sa vie s’écroule. Il Excellente adaptation écrite par Matheson pain… faudra que Carey rapetisse pour qu’il res- lui-même de son roman The shrinking man. Mais le film atteint sa vraie grandeur en ne sente combien il était petit avant. Jack La deuxième partie du récit, pratiquement se contentant pas d’exploiter les aspects Arnold se livre à une satire discrète mais sans dialogue, est impressionnante. spectaculaires de son sujet. Il va jusqu’au radicale de la middle class : Carey, homme Poursuivi par un chat, le héros tombe dans bout des implications (morales, philoso- sans qualité, subit la domination de son une cave. Sa femme croit qu’il a été dévoré phiques, mythiques…) de son histoire, file frère aîné et employeur qui l’écarte de son et quitte la maison. Il doit désormais enta- une logique implacable qui l’amène à sa poste, lui suggère cyniquement de négocier mer une lutte solitaire et permanente pour seule conclusion possible. La fin est tout auprès des journalistes son infortune, puis survivre : il essaie de prendre de la nourritu- simplement grandiose, le monologue inté- embarque sa femme. Scott Carey est donc re dans un piège à rats, combat contre une rieur de Scott Carey vous en donnera une déjà un minus, et son anéantissement inat- araignée, etc. Le commentaire off est d’une petite idée : «Je continuais à rétrécir… tendu n’apporte que la confirmation par grande habileté ; on y reconnaît le talent étais-je encore un être humain ? L’infinitési- l’absurde de sa nullité préalable. Le film diabolique de Matheson. Parvenu au terme mal et l’infini… Mais je savais maintenant constitue également une redoutable des- de son récit, le héros affirme qu’il n’a plus qu’ils étaient vraiment les deux extrémités cription de la médiocrité conjugale, dans peur, que son instinct lui tient lieu de tout, du même concept. L’incroyablement petit et laquelle la miniaturisation du mâle apparaît que tout est bien. En réalité, son accable- l’incroyablement grand finissent par se ren- comme l’aboutissement logique. Précédé ment est terrible. Jack Arnold utilise les contrer, comme la boucle d’un cercle gigan- d’une complicité niaise entre les deux grands espaces vides du scope noir et blanc tesque… jeunes mariés (la conversation humoristique de manière à exprimer progressivement cet Je sentis mon corps diminuer, se fondre, sur le bateau), le handicap de Carey confir- accablement. Son travail , sobre et précis, devenir… le néant. Mais mes peurs ont dis- me son infantilisation par une épouse anor- dénué de virtuosité excessive, vise à ciseler paru et ont laissé place à l’acceptation. malement maternelle. Les signes de castra- au moyen de trucages très réussis un cau- Toute cette majesté, celle de la Création, tion et d’impuissance abondent : I’alliance chemar où tombent le personnage, puis le cela devait bien signifier quelque chose, de Carey glisse le long de son doigt juste spectateur. L’un et l’autre se retrouveront oui, même plus petit que tout ce qu’il y a de après que sa femme lui a juré fidélité. bientôt englués dans une autre réalité où la plus petit au monde, je signifiais encore L’image du couple monstrueusement désac- surprise et le pittoresque, omniprésents au quelque chose. Pour Dieu le néant n’existe cordé dans la chambre à coucher nous rap- début, cèdent peu à peu la place à une pas. Moi aussi, j’existe.» Un truc pareil dans pelle cette nouvelle de Bukowski, où un vision pathétique et tragique de l’humanité, un petit film de S. F. des années cinquante, homme s’imaginait dans son cauchemar mise en péril par une science à la fois ça vous a quand même une sacrée gueule ! transformé en godemiché entre les jambes aveugle et toute-puissante. Sérieux mais La gazette Utopia n°179 d’une femme. Ainsi, parallèlement à la poé- sans pathos, spectaculaire mais sans puéri- 11 février au 17 Mars 1998 sie immédiate des images du film, qui lité, le film est l’un des meilleurs spécimens exploitent à la perfection le dérèglement de la SF hollywoodienne à tendance huma- dimensionnel de notre univers domestique, niste des années 50. (…) L’Homme qui rétrécit n’a pas pris sourd une angoisse qui confère au film son Jacques Lourcelles une ride, tant au niveau de ses effets spé- statut de conte cruel et définitivement adul- Dictionnaire du Cinéma ciaux, plus que parfaits, que par sa conci- te. Jack Arnold dut tenir tête à son produc- sion narrative. Aucune digression ne nous teur afin que la linéarité irréversible du des- détourne du destin tragique de Carey, à la tin de Scott Carey soit maintenue et donne A l’heure où on peut voir simultanément différence des nombreuses séries B de SF, heureusement toute sa valeur à ce grand Return of the Jedi et Les trois cou- noyées dans les intrigues périphériques ou film. Minable parmi les minables, Carey ronnes du matelot, L’homme qui rétré- les bavardages oiseux. Le film, raconté à la accède enfin à la dimension inespérée cit de Jack Arnold, qui n’a rien perdu de sa première personne, est un journal de bord d’être unique, de héros. En rejoignant l’uni- fraîcheur et de sa poésie, a son mot à dire. où chaque incipit de chapitre coïncide avec vers des atomes, il se trouve en mesure de Je m’explique. Quand on regarde un film de une nouvelle rupture scalaire : un contre- proclamer à l’instar d’un autre héros de science-fiction aujourd’hui, I’apparition de L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 04.77.32.76.96 RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71 2 Fax : 04.77.25.11.83 D O C U M E N T S quelques silhouettes humaines à l’intérieur nous pose les mêmes questions. Le début tateur. Ce n’est pas une voix d’outre-tombe, du hublot d’un vaisseau spatial suffit à nous du film prend le soin d’installer le personna- ce serait plutôt une voix d’outre-corps, une indiquer une échelle de grandeur. Quand on ge dans le décor quotidien de la maison. voix d’après sa dissolution. Elle est inlocali- découvre à la télévision un reportage sur les Tous les objets sont là, familiers, et on ne sable et son émetteur est invisible (c’est le effets spéciaux de Star-wars III, on s’aper- les soupçonne de rien. Et ils reviendront statut même d’une voix off), perdu entre le çoit que les maquettes de ces mêmes vais- tous, un à un, plus inquiétants que jamais : presque zéro (le plus petit sur l’échelle seaux sont minuscules. Entre ce qui est un fauteuil, un pied de table, une bobine de humaine) et le proche de l’infini (le plus réellement petit (au tournage) et apparaît fil, un morceau de pain.