COMMENT ADIDAS DEVIENT L'un DES PLUS BEAUX REDRESSEMENTS DE L'histoire DU BUSINESS © Éditions Assouline 26-28, Rue Danielle-Casanova, Paris 75002 France Tél
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COMMENT ADIDAS DEVIENT L'UN DES PLUS BEAUX REDRESSEMENTS DE L'HISTOIRE DU BUSINESS © Éditions Assouline 26-28, rue Danielle-Casanova, Paris 75002 France Tél. : 01 42 60 33 84 Fax : 01 42 60 33 85 Accès Internet : http://www.imaginet.fr/assouline Dépôt légal : 1 semestre 1998 Tous droits réservés ISBN : 2 84323 062 4 Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite sans l'autorisation préalable de l'éditeur. ENQUÊTE DE ÉRIC WATTEZ COMMENT ADIDAS DEVIENTL'UN DES PLUSBEAUX REDRESSEMENTSDEL'HISTOIRE DU BUSINESS EDITIONS ASSOULINE Pour M., G., A. INTRODUCTION Adidas ou l'incroyable come-back d'un vieux champion Août 1995, Saint-Denis. Alain Juppé arrive enfin, au grand sou- lagement des gamins alignés sous le soleil, qui l'attendent depuis plus d'une heure. Sans même un regard pour leur haie d'honneur, le Premier ministre se rend sous le grand chapiteau où il doit pro- noncer un vibrant discours sur la fierté qu'a la France d'organiser le Mondial 1998, avant d'aller poser la première pierre du Grand Stade où se jouera la finale de la compétition. Membres des cabi- nets ministériels, hiérarques du ballon rond et autres ingénieurs de chez Bouygues... tous se rangent comme un seul homme pour écouter le chef du gouvernement. Isolé, dans un coin, se tient un grand gaillard débraillé. Mal rasé, baskets usées, jeans délavés et vieux cuir comme seule parure, il ne semble pas vraiment à sa place dans cette foule en costumes gris. Apparemment, personne n'a reconnu Robert Louis-Dreyfus, le patron d'Adidas. "Les raouts de ce genre ne m'intéressent pas. Je suis venu saluer Joao Havelange, le président de la Fédération inter- nationale de foot et, ce soir, je vais voir le match de l'équipe de France à Auxerre. C'est juste pour le plaisir lâche-t-il avec la non- chalance de ceux qui n'ont rien à prouver. Il ne faut pas trop se fier à l'air pour le moins décontracté du PDG. Ce personnage atypique est un businessman de haut vol. Quelques mois seulement après avoir assisté distraitement au dis- cours d'Alain Juppé, il mettra Adidas en Bourse. Un coup extraor- dinaire! C'est début 1993 que Robert Louis-Dreyfus et quelques- uns de ses amis reprenaient Adidas, pour presque rien. La firme allemande se portait alors très mal après trente mois chaotiques sous la houlette de Bernard Tapie. Son traditionnel bailleur de fonds, le Crédit Lyonnais, l'ayant lâché, se retrouvait avec la marque aux trois bandes sur les bras et l'envie de s'en débarrasser au plus vite sans trop faire de vagues. La banque propose alors un deal fantastique à Robert Louis- Dreyfus : le manager français et ses associés ont trois ans pour relancer l'entreprise. S'ils échouent, le Crédit Lyonnais la conserve. S'ils réussissent, ils peuvent reprendre Adidas à bon prix ! Ce qu'ils feront. Sans même avoir besoin de mettre la main au portefeuille, car l'argent récolté en cédant une partie du capital en Bourse, fin 1995, couvrira largement les sommes réclamées par la banque. C'est ainsi que Robert Louis-Dreyfus et son bras droit Christian Tourres se retrouvèrent milliardaires (chacun possède 4,5 % des actions d'une entreprise qui vaut plus de 30 milliards de francs). L'entreprise est sortie la tête haute d'une période où elle avait accu- mulé des centaines de millions de pertes. Aujourd'hui, Adidas a retrouvé une forme olympique, avec un chiffre d'affaires qui a plus que doublé en cinq ans (de l'ordre de 22 milliards de francs en 1997) et un bénéfice net dépassant 1,5 milliard de francs. Aussi, c'est en vrai champion qu'Adidas veut célébrer son cin- quantenaire en 1998. La barre est fixée très haut. Depuis janvier, l'entreprise s'est particulièrement dynamisée grâce à son OPA "amicale" sur Salomon, leader mondial du sport d'hiver (4,5 mil- liards de francs de chiffre d'affaires), qui réalise également 40 % de son activité dans le golf, avec les clubs américains Taylor Made. Avec des ventes cumulées de 26 milliards de francs, l'alliance Adidas-Salomon reste certes deux fois moins grosse que Nike, pour l'heure intouchable roi du sport business (42 milliards de chiffre d'af- faires), mais elle a déjà dépassé Reebok, l'ex-numéro 2 (19 mil- liards). Bluffés par cette union entre le basket et le ski, les boursiers applaudissent. Les analystes de Merrill Lynch, un des brokers les plus prestigieux de Wall Street, parient que les ventes du tandem auront doublé au début du XXI siècle... Conseils de ces golden boys : "achetez" du Adidas. La marque entend profiter de la Coupe du Monde 1998 pour démontrer sa puissance. On sait que le football reste son domaine de prédilection - créneau où il est le leader absolu - et qu'Adidas est depuis longtemps en cheville avec la Fifa (Fédération interna- tionale de football association), organisme tutélaire de la compéti- tion. La marque fournit les ballons, les tenues des arbitres et de bon nombre des équipes participantes, dont la France, l'Allemagne et l'Argentine. Elle habille en outre les quelque quatorze mille volon- taires qui encadrent la manifestation. Mais c'est la première fois que la firme allemande est sponsor de l'épreuve : son nom sera sur tous les panneaux en bord des stades aux côtés de Coca-Cola, McDonald's, Mastercards et autres Canon. "C'est le moment de prouver que nous tenons notre rang au milieu des multinationales les plus huppées observe un dirigeant de l'entreprise. L'occasion est idéale : le Mondial 1998 est l'épreuve sportive la plus suivie de tous les temps, avec une audience cumu- lée estimée à 37 milliards de téléspectateurs. Adidas engage au moins 350 millions de francs, en parrainage, en spots télévisés, mer- chandising, promotion et affichage... la plus grosse campagne jamais menée par l'entreprise. Pour les supporters venus du monde entier, le point d'orgue de ce déferlement publicitaire est un "Lunapark" du foot installé pendant un bon mois, sur l'esplanade du Trocadéro à Paris. L'entrée sera gratuite, avec au programme toutes sortes de jeux - du virtuel à la technique balle au pied - et une quantité de lots à gagner. Halte de rigueur avant la sortie, les stands à souvenirs, tous estampillés des trois bandes. Avec le come-back d'Adidas, c'est un pan entier de la mémoire collective qui refait surface. Avant de connaître ses difficultés, la marque allemande était déjà presque aussi universelle que Coca- Cola et Marlboro. Pendant vingt ans (de 1965 à 1985), tous les sportifs amateurs, ou presque, ont chaussé et enfilé du Adidas. Une incroyable lignée de champions a, de la même façon, défendu les couleurs de la firme allemande... On parle de plus de mille records du monde battus avec les trois bandes ! Les brodequins portés par les plus grands - Jesse Owens, Mohamed Ali, Franz Beckenbauer, Eddy Merckx, Michel Platini... - sont d'ailleurs pieusement conservés dans un étonnant petit musée, au siège de Herzogenaurach, petite ville de Franconie qui est le fief historique de l'entreprise. Plus qu'une marque, c'est un pan entier de l'histoire du sport que Robert Louis-Dreyfus a repris. De l'or en barre, pour qui sait l'exploiter ! Voilà seulement cinq ans, il n'y avait pourtant pas grand monde pour miser un deutsche mark sur Adidas. Le leader du marché des articles de sport jusqu'au milieu des années quatre-vingt n'était plus qu'un vieil athlète à genoux. Le "Kaiser" des stades avait raté l'explosion du sport loisir, laissant le jogging à Nike et l'aérobic à Reebok. Sa culture industrielle lui avait fait retarder l'indispensable délocalisation de sa production vers les pays à main-d'œuvre bon marché d'Asie du Sud-Est. Ses deux rivaux américains, entreprises sans usine, s'y fournissaient au moindre coût, investissant de plus en plus massivement dans la publicité. Pour achever ce sombre tableau, le personnel se sentait littéralement orphelin depuis la dis- parition du patron, Horst Dassler, brutalement décédé d'un cancer à 51 ans, en avril 1987. L'archétype du PDG teuton, cet infatigable Horst Dassler! Quatre heures de sommeil par jour lui suffisaient. Sportif accom- pli, il était toujours prêt à chausser les crampons ou à partir faire du footing. C'est lui qui avait transformé la PME Adidas, créée par son père, en une vraie multinationale. Mais en patron de la vieille école, il continuait d'appeler par leur prénom chacun de ses repré- sentants. Il connaissait personnellement des centaines de fonc- tionnaires olympiques, présidents de fédérations et autre ministres des sports, et traitait royalement ces "officiels", qu'ils soient afri- cains, soviétiques ou latino-américains. "Horst Dassler vouait aussi une admiration sans limite aux champions. Avec eux, il était comme un gamin" raconte le Britannique Patrick McNally, un de ses ex-associés, dans le livre Main basse sur les J. O. Le patron alle- mand savait que plus sa marque était vue dans les stades, meilleures étaient les affaires. Monique Berlioux, ancienne secrétaire générale du Comité international olympique, soutenait, elle, qu'il était "le véritable patron du sport mondial" et "un homme qui aimait le pouvoir "Je le considérais comme mon jeune frère disait de lui le Brésilien Joao Havelange, président de la Fifa, l'un des plus hauts hiérarques du sport. Lors de la cérémonie en sa mémoire, tenue à Notre- .