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Fiche pédagogique

The

Sortie en salles : 12 juin 2013

Film long métrage, USA, 2013 Résumé promène sa ca- Titre original : The Bling Ring Ce film fait la chronique d'une méra dans les recoins de cette caverne d'Ali Baba de la con- Réalisation : Sofia Coppola jeunesse dorée, narcissique, sommation de luxe, où le gang obsédée par les marques et les Interprètes : , célébrités, inspirée d'un vrai fait des incursions répétées, , Taissa Farmi- gang d'adolescents cambrioleurs prenant la clef sous le paillasson ga, Katie Chang, Claire Julien, à dans les années comme dans une série de télé- Georgia Rock, Leslie Mann. 2008 et 2009. Les protagonistes réalité. Les adolescents visitent

- un garçon et quatre filles - vi- aussi les villas d’autres person- Version originale anglaise - nalités : , Orlando sous-titres allemand/français vent dans l'opulence avec des parents absents ou permissifs à Bloom ou . Avant de passer, à leur grand effare- Durée : 1h30 l'extrême, s'intéressent peu à ment, par la case prison, les l'école et passent leur temps à Distribution en Suisse : décortiquer les marques portées jeunes s'admirent dans la glace Pathé Films Distribution par les people. Le vrai gang, avec leur butin. Ou alors ils snif- surnommé par la presse le fent de la coke lors de soirées en Public concerné : «Bling Ring», traquait l'agenda discothèque bien arrosées, au Âge légal : 14 ans des célébrités sur Internet pour cours desquelles ils se prennent Âge conseillé : 16 ans ensuite cambrioler leurs rési- en photo afin de les diffuser aus- www.filmages.ch/ sitôt sur Facebook. Le vol d'ob- www. filmrating.ch/ dences en leur absence, réus- sissant au final à s'emparer de jets de marque devient peu à peu un passe-temps majeur, plus de 3 millions de dollars de bijoux, vêtements et chaussures. frénétique et caricatural. La ré- Festival de Cannes 2013 : plique : «Je veux du Chanel, Film d'ouverture de la section Sofia Coppola en a tiré un scé- allons faire du shopping (Let’s go Un Certain regard nario aux dialogues minimalistes, présentant des gosses de riches shopping !) » restitue à elle seule désarmants de vacuité, évoluant toute la désinvolture, l’insolence dans une bulle insouciante. Leur tragi-comique de leur situation première victime n'est autre que qui se résume au fond à un désir , l'incontournable mimétique obsessionnel à héritière bimbo, qui a scellé son l’égard de personnages certes statut de fashion victim en prê- connus dans le monde entier, tant sa maison pour le tournage. mais dramatiquement creux.

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Disciplines et thèmes concernés : Commentaires laquelle on peut vérifier en per- manence, en continu, l’état de Education aux médias, FG MITIC A l’origine de ce film, un article son statut social, celui de ses Echanges, communication et re- paru dans le mensuel américain proches et de ses idoles. Les filles cherche sur Internet Vanity Fair, intitulé « Les suspects et le garçon du film vivent dans ce Connaître, évaluer et utiliser Internet portaient des Louboutin », rédigé monde de l’accès perpétuel, où ce comme source d’information et par Nancy Jo Sales, avec une qui a été vu sur la toile – les ha- moyen de communication et exercer interview d’une des membres du bits de marque des people, leurs un regard critique sur les sites et sur luxueuses villas, leurs bijoux et la navigation Internet. « Bling Ring ». Interpellée par ce leur argent de poche – devrait récit, Sofia Coppola a contacté la Application des règles de sécurité journaliste, laquelle lui a donné pouvoir se télécharger dans le sur ses données personnelles et accès aux interviews des autres réel. Un peu comme si dévaliser celles de ses pairs (problème de membres du gang ainsi qu’aux le luxe était la meilleure façon chat, forum, blog, ...) en se rapports de police s’y rapportant. d’en jouir. Mais le danger rôde sensibilisant aux types de sollicita- Par la suite, la rencontre avec ces autour des nouveaux médias car tions. adolescents s’est révélée déter- si les téléphones sont devenus

minante dans le démarrage du smart (intelligents), la matière Education aux médias grise des utilisateurs n’a pas for- La représentation de l’adolescence projet car «ça disait quelque cément suivi la même courbe. Les au cinéma. Les références à l’art chose de la culture actuelle », ce contemporain chez Sofia Coppola. qui a emballé la maison de pro- images des larcins et du butin Sa manière de filmer et de restituer duction familiale. récolté ne peuvent rester intimes les nouveaux médias, YouTube, bien longtemps. Le désir de noto- Facebook etc… Il s'agit du premier film de Sofia riété se révèle contagieux, comme Coppola qui s’inspire de faits réels s’il était attaché, à la manière d’un Objectif FG 31 MITIC du PER contemporains. Après Virgin Sui- anti-vol, aux objets dérobés, les-

cides, réalisé en 2000, la fille du quels retournent ainsi, via les FG, Santé et bien-être réseaux sociaux, à la case départ, Perception et reconnaissance des grand a celle de l’exhibitionnisme compul- situations à risque (violences, racket, connu un immense succès avec consommation de tabac-cannabis, Lost in Translation en 2004, puis sif de la richesse. alcool, dépendances …) et des une réussite plus modérée avec possibilités d’y répondre. Marie Antoinette en 2006 et So- Prise de conscience de ses qualités, mewhere en 2011. Si l’on veut aptitudes, intérêts personnels et trouver un dénominateur commun mise en évidence des liens entre ses à ce début de carrière flamboyant, choix et leurs conséquences. Objectif FG 32 du PER il faut le chercher derrière la fragi- lité de cette jeune femme bien FG, Vivre ensemble et exercice de née, devenue, comme malgré la démocratie : elle, une icône branchée de la Reconnaître l’altérité et la situer scène hollywoodienne. Ce thème dans son contexte culturel et social : récurrent est le décalage de Analyse du phénomène de groupe l’adolescence avec le monde réel, Du star system à la « peoplisa- par opposition à l’action rude et cruel, des adultes. The tion » (néologisme dérivé de individuelle, réflexion sur les valeurs Bling Ring poursuit l’exploration « people » - faux anglicisme pour véhiculées et la description de ce choc entre générations personnage public, en anglais on d’éléments extérieurs (habits, atti- parle de celebrities). tudes, musiques, langages, …) qui puisque tous ses protagonistes rendent un groupe identifiable. profitent (et souffrent) d’un abys- C’est le producteur indépendant Objectif FG 36 du PER sal vide parental, à l’origine de Carl Laemmle que l’on considère leur dérive. comme l’inventeur du star system FG, Interdépendances : vers 1911. Il est en effet le pre- Prendre conscience de ses compor- Génération « on line » mier à employer de nouveaux tements de consommation et Internet, Twitter et Facebook (litté- moyens publicitaires liés à ses de leurs conséquences ralement : le livre des visages) ont acteurs sous contrat, en dévelop- (Objectif FG 37 du PER) pant un commerce d’informations une grande importance dans le à leur sujet. Rapidement les fait divers à l’origine de ce long- métrage. Notre époque se carac- grands Studios hollywoodiens térise en effet par l’apparition vont rationaliser ce système de d’une information immédiate et capitalisation de l’image privée souvent superficielle au moyen de que l’on a préalablement fabri-

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quée. La star devient ainsi peu-à- sé. On peut dès lors se poser peu première par rapport au film, cette question paradoxale : alors celui-ci étant alors réduit au statut que les stars ne peuvent exister de « véhicule » pour celle-là. Les sans médiatisation, n’arrive-t-on auditions (castings) afin de déni- pas à un stade où l’excès de mé- cher la perle rare font passer diatisation pourrait se retourner jusqu’à plus de deux mille candi- contre elles ? dats devant les commissions des Studios. La star sélectionnée sera Le re-enactment ou l’art à mi- ensuite formée, à la fois au jeu chemin entre réalité et fiction. d’acteur mais aussi à sa capacité Très influencée par l’art vidéo, de fasciner les foules. Toutefois, Sofia Coppola emprunte pour la une contradiction se fait rapide- première fois dans The Bling ment jour entre la perfection Ring, les chemins du re- (beauté, charisme, théâtralité…) enactment, en vogue depuis une demandée aux vedettes et le côté quinzaine d’années. Contraire- naturel que l’on attend d’elles afin ment au remake, ce mode de qu’elles soient proches du public. narration consiste, non pas seu- lement à rejouer, mais à déplacer des faits historiques, politiques ou artistiques pré-existants. Dans le cas présent, cela consiste à pro- céder, dans un premier temps, à un examen approfondi des faits (rapports de police, témoignages etc…), puis à étudier le contexte culturel de ses protagonistes à travers les reality-shows et les réseaux sociaux, afin de les resti- Au fil des décennies, c’est bien tuer le plus fidèlement possible à cet aspect vulgaire (précision : qui l’écran. est admis, pratiqué par la grande majorité des personnes compo- sant une collectivité, appartenant à une culture) qui va prendre le dessus jusqu’aux extrêmes de la téléréalité, permettant à d’illustres inconnus de se réclamer de leur propre banalité pour entrer dans le jeu et y décrocher parfois le titre tant convoité de star. Mais ce qui compte avant tout aujourd’hui, ce sont la rumeur, les ragots liés à Par ce biais, en tentant de coller ces personnages, leurs signes au plus près de ce qui a bien pu extérieurs de richesse, beaucoup fasciner ces jeunes gens sur le plus que ce dont ils sont artisti- plan formel et esthétique, la ci- quement capables. Le régime de néaste contribue à combler un corruption généralisée que ce peu de la vacuité qui les habite en système implique, son absence même temps qu’elle conforte sa de contenu ainsi que la structure propre image, peut-être un peu sociale trop inégale qui trop lisse, d’artiste contemporaine. l’accompagne commencent à agacer son public jusque-là amu-

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Objectifs pédagogiques :

- Prendre conscience des tentations, puis des problèmes et dangers liés à l’usage des réseaux sociaux et d’Internet

- Comprendre le lien entre l’éducation, le contrôle parental et la délinquance

- Analyser le phénomène du star system (vedettariat) et son évolution dans le temps

- Débattre de la question de la sphère privée : ses limites, son respect, ses violations ; au propre (objets, domicile) comme au figuré (intimité, réputation)

- Identifier les comportements consuméristes liés à l’apparence (vêtements, bijoux, chaussures etc…) et mesurer leur impact sur l’environnement et la vie sociale sous nos latitudes et dans les pays producteurs (Bangladesh par exemple)

- Se pencher sur la doctrine du « Secret », dont la mère de Nicky, Sam et Emily dans le film est une adepte. Le livre de Rhonda Byrne a connu un immense succès commercial et donné lieu à de nombreuses suites et à un film. Cette théorie du succès facile, à la portée de tous, énonce par exemple : « Il s'agit là du Secret de tout - le secret de la joie illimitée, de la santé, de l'argent, des relations, de l'amour, de la jeunesse : de tout que vous avez jamais voulu avoir. » ______

Pistes pédagogiques S’interroger sur la ques- tion de la morale dans le 1. Sofia Coppola déclare : récit. Est-elle plus évidente « J’aimerais que le specta- et convaincante lorsqu’elle teur se forge sa propre opi- est implicite ou explicite ? Le nion. Je n’aime pas dire aux cinéma doit-il tout donner à gens ce qu’ils doivent pen- voir ou, au contraire, comme ser ». De votre côté, jugez- le suggère la cinéaste, lais- vous que cette manière ser le spectateur libre de son neutre d’aborder/filmer un tel choix ? sujet de société est plutôt : - une démission irrespon- sable de sa part car cela pourrait donner des idées à des jeunes de faire la même chose ? - une démonstration claire d’une société malade de son opulence dans la-

quelle la justice finit 2. Quel est votre sentiment quand même par face à la quantité et aux prix l’emporter ? démesurés des marchan- - une succession de faits- dises étalées au domicile divers sans grand inté- des stars ? rêt ?

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- L’idéal des jeunes gens d'avis que la notion de "vie du film vous semble-t-il, privée" est dépassée ? dans l’ensemble, partagé par votre génération ? 4. Comment jugez-vous - S’agit-il d’un phénomène le rôle des parents ? Quelle plutôt américain, occi- est leur part de responsabili- dental ou universel ? té dans les faits incriminés ? - La mode favorise-t-elle Estimez-vous légitime que l’identification, le déve- dans certains pays, comme loppement de la person- la Canada par exemple, les nalité et l’estime de soi ? parents puissent être con- damnés s’il est prouvé qu’ils Mettre en regard cette dé- n’ont pas suffisamment en- bauche de luxe et la vie cadré leurs enfants mineurs, des populations, à la fois les laissant ainsi sombrer en Occident et dans les pays dans la délinquance ? en développement où la plu- part de ces marchandises Estimez-vous que le fait sont fabriquées. d’avoir des parents permis- sifs à ce point est une 3. Établir une relation chance pour leurs enfants entre la consommation d’accéder plus vite à l’âge d’alcool ou de drogues et adulte ou, au contraire, que les « dérapages » que cela l’encadrement familial est le occasionne. meilleur garant d’un déve- loppement en harmonie avec son temps et son environ- nement ?

5. Les célébrités ont choisi de vivre sous les feux des projecteurs. Se poser la question de leur

responsabilité en matière Plusieurs scènes nous mon- de comportement public et trent les jeunes en train privé. Si l’on prend d’exhiber leurs trophées l’exemple de Paris Hilton, ri- dans des boîtes de nuit chissime héritière de l’empire après avoir consommé de hôtelier éponyme, force est l’alcool et des produits prohi- de constater que sa célébrité bés. Ils se prennent conti- n’est due qu’au simple fait nuellement en photo et font qu’elle soit déjà célèbre, un circuler ces images sans au- peu comme une sorte de cun filtre ni contrôle, ce qui princesse contemporaine du finira d’ailleurs par les piéger. monde des affaires. Depuis Les nouveaux médias, par ses frasques de jeune fille leur faculté d’exposition per- indigne, elle a persisté dans manente, ne requièrent-ils les registres à sa portée : té- pas une grande maîtrise de léréalité, mise en ligne de soi et de ses comporte- ses ébats sexuels, conduite ments ? Interroger les en état d’ébriété avancée, in- élèves : où fixent-ils la bar- terviews sur son mode de vie rière entre ce qui peut entrer dissolu, etc… Son vide inté- dans le domaine public (vi- rieur n’a d’égal que le profit sible de tous, visible du financier qu’elle en retire, es- cercle d'amis) et ce qui reste timé à plusieurs dizaines de du domaine privé (voire in- millions de dollars par an, time) dans les informations lesquels viennent s’ajouter à qui les concernent. Sont-ils

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son pactole familial qui se 6. « Le Secret », (livre ou chiffre, lui, en milliards. film) peut-il être pris au Comment s’expliquent sérieux ou constitue-t-il cette notoriété et cette ré- un coup de marketing, ussite, en particulier au- voire une mystification à près des jeunes ? large échelle ? Son Pourquoi ne se trouve-t-il mode de diffusion et son pas plus de monde, sur les discours ne réseaux sociaux où elle s’apparentent-ils pas aux règne, pour développer un langages sectaires, point de vue critique encou- comme celui de la scien- rageant, par exemple, à boy- tologie ? Quels sont les cotter ses frasques ? buts de ces vulgarisa- tions philosophico- religieuses ? ______

Pour aller plus loin :

Le dossier de presse officiel : http://www.festival-cannes.fr/assets/Image/Direct/048205.pdf

Dossier : Esquenazi Jean-Pierre, Du star system aux people http://communication.revues.org/index1247.html#entries

Sur « Le Secret », le site de propagande : http://www.loi-d-attraction.com/node/6948 ou http://www.lesecretdelaloidattraction.com/lp/?med=p&src=gaw&ref=s -loa-b&kwp=film%20le%20secret

Livres

AGEL Henri, L’univers du star-système, Le cinéma, Paris, Bordas, 1983.

DYER Richard, Le star-système hollywoodien, Paris, L’Harmattan, 2004.

FRIEDMANN Georges et MORIN Edgar, Sociologie du cinéma , Revue Internationale de Filmologie, Paris, avril-juin 1952.

BENHAMOU Françoise, L’économie du star system, Paris, Éditions Odile Jacob. 2002

BOORSTIN, Daniel , L’image, Paris, Éditions UGI. (Coll. « 10/18 ».) 1971

BOURDIEU, Pierre, La distinction, Paris, Éditions de Minuit. 1979

ESQUENAZI, Jean-Pierre, Télévision et démocratie, Paris, Presses universitaires de France. 1999 ______

Marc Pahud, programmateur, membre de la commission nationale du film et de l’OCCF, mars 2013

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