Tangram Evolutif
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Tangram Évolutif à Ronald Read, pionnier de l'univers du Tangram sans qui ce livre n'existerait pas 1 2 Tangram Évolutif La nature a une perfection à elle, surprenante, et qui résulte d'une addition de limites. La nature est parfaite parce qu'elle n'est pas infinie. Si on comprend les limites, on comprend comment le mécanisme fonctionne. Le tout est de comprendre les limites. Alessandro Baricco, Océan mer 3 4 Tangram Évolutif Le Tangram est un drôle de jeu. Son apparence est simple mais l'objet est insolite avec ses pièces géométriques qui se ressemblent et s'assemblent. Le manuel de jeu est un catalogue de formes variées – des silhouettes noires de bonshommes, des chats, des théières, etc. – que l'on doit reconstituer. De prime abord, il s'agit d'une sorte de puzzle destiné à un public assez jeune. Personnellement, je n'ai pas vraiment été attiré par cet aspect traditionnel du jeu mais j'en aimais le concept au point de vouloir m'en fabriquer en bois, en carton... Plus tard, un professeur de technologie de mon entourage qui voulait le faire fabriquer à ses élèves me posa une question au sujet de ce jeu et je commençais, pour lui répondre, à m'intéresser aux formes convexes qui étaient réalisables. Je m'étonnais qu'il n'en existait que treize, et me demandais si avec d'autres pièces on aurait pu en obtenir davantage. Je crayonnais des découpages de carrés et commençais des inventaires, puis je me dis que ce serait plus commode de chercher les formes convexes réalisables avec un jeu en programmant un ordinateur pour cela. Comme je ne savais pas programmer, je dus me former en lisant tout d'abord un livre1 et en me faisant la main sur d'autres sujets (mes élèves se souviennent de mes programmes d'entraînement au calcul mental...). Enfin je pus concentrer mes efforts sur les tangrams. Les versions de mes programmes se succédant, j'obtins progressivement quelques résultats : ce que je savais faire en trente minutes, le programme le faisait en trente dixièmes de seconde. Bien sûr, il m'avait fallu deux ans pour en arriver là mais, en seulement deux jours, je pouvais passer en revue tous les jeux possibles de la famille du Tangram ayant sept pièces polyaboliques et une aire égale à seize triangles (voir plus loin pour le mot polyabolique). À l'occasion, je prenais contact avec des personnes qui avaient travaillé sur le sujet : l'américain Sergio Antoy, auteur d'une superbe applet pour jouer avec le Tangram et des jeux voisins ; l'anglais Eric Warsop, auteur d'un ingénieux programme recherchant des formes réalisables avec le Tangram ; le canadien Ronald Read qui fut à l'avant-garde pendant une cinquantaine d'années et rédigea plusieurs articles et un livre sur le sujet (il travaillait à l'époque, et malgré son âge avancé, à la génération des tangrams hétérogènes qu'il avait lui-même initiée) ; le français Jean-Paul Delahaye, auteur d'une rubrique dans le journal « Pour la Science » et de livres/compilations sur bien des sujets passionnants, véritable passeur d'informations éveillant la curiosité. En partageant idées et résultats avec ces personnes , je me lançais petit à petit dans la rédaction de textes et de tableaux ainsi que dans la confection d'images. Mon compte-rendu à usage personnel passa de deux à cinq pages, puis devint un article de vingt pages que je mis sur mon site internet ; sous l'impulsion de J.-P. Delahaye, ce texte fut étendu et enrichi aux dimensions d'un livre que les Éditions « Pour la Science » acceptèrent de publier. Pour d'obscures raisons que j'ignore, ce livre que je souhaitais appeler « L'univers du Tangram » ne vit pas le jour. Je ne voulus pas m'arrêter là, surtout que j'avais d'autres résultats à consigner par écrit, dont ceux qui concernaient les tangrams hétérogènes. Je me lançais dans un deuxième livre, réécrivant tout comme si le premier livre n'existait pas. Ce nouveau livre devint progressivement la somme qui est ici et qui représente un état de la recherche. Le quinzième chapitre inventorie quelques-unes des pistes que j'aimerais encore suivre où tout ou presque reste encore à faire, le seizième est un ajout récent qui développe une nouvelle idée de R. Read. 1« Programmer en Java » de Claude Delannoy aux Éditions Eyrolles. 5 On peut croire qu'il faut beaucoup aimer les nombres pour écrire un tel livre, car il y en a beaucoup, en vérité, dans toutes les pages. Ils sont un peu comme les nuages où, certaines fois, on distingue un visage ou une fée. Parfois ils m'impressionnent par leur taille ou leur régularité, parfois les chiffres se répètent ou se suivent de façon intrigante. Jamais ils ne me paraissent déplacés : ils font partie du tableau et je les recopie de mes programmes comme un jardinier arrachant les mauvaises herbes et valorisant les bonnes... Plus je m'aventure dans les recoins de cet univers combinatoire, plus je suis confronté à mes propres limites (manque de compétences ou de temps pour les acquérir). Je mets en forme les éléments qui se dégagent et souhaite les faire parler pour qu'ils nous livrent leurs secrets ultimes. J'ai parfois l'impression de survoler certains sujets qui méritent un arrêt ou, au contraire, d'aller trop en profondeur sur des points de détails. Quand je pense au lecteur éventuel qui, par manque de familiarité avec le sujet, peine à suivre mes descriptions de ces paysages combinatoires, je veux lui rester accessible et continue à nager en surface. Mais parfois je me laisse absorber par le sujet et plonge un peu plus profond pour chercher les perles qui se cachent... Jamais le sujet ne me lasse et, malgré la diversité des thèmes abordés, il me semble qu'il n'a été qu'à peine effleuré... J'espère que certains trouveront autant de plaisir que j'en ai eu à dresser les colonnes de chiffres de ce jeu universel et à écrire ces lignes. Comme le sujet est loin d'être clôt, je serais tenté d'appeler ce livre « Tangram, tome 1 » car il me paraît évident qu'un 2ème tome au moins devrait s'y ajouter. Sam Lloyd avait eu cette idée il y a un siècle, quand il inventa des racines légendaires au jeu. Il écrivit une histoire où la tension évolutive amenait des êtres supérieurs, plus spirituels que les hommes de son temps, qui sauraient combiner les pièces du jeu d'une manière nouvelle. Il s'agissait peut-être d'une vision prophétique de la recherche avec les ordinateurs, mais il reste encore beaucoup à faire pour aller au-delà de nos premiers résultats. Il me plaît d'imaginer qu'en d'autres temps et en d'autres espaces, des êtres plus évolués que nous manipulent aussi les sept pièces ingénieuses. Ce jeu universel est intemporel. Mais que font-ils avec ? Quelle facétie géométrique traquent-ils et de quels moyens usent-ils ? Avec votre concours, nos connaissances sur le sujet peuvent encore s'accroître et revigorer l'intérêt qu'on lui porte et qu'il mérite. Philippe Moutou Septembre 2014 6 Tangram Évolutif Chapitre 1 : Rencontre avec le Tangram vec ses pièces géométriques, le Tangram appartient à la catégorie des jeux de dissection géométrique : on découpe une silhouette en pièces et, avec ces pièces, sans chevauchement, Aon reconstitue une multitude de silhouettes Le Tangram est un jeu constitué de sept pièces très simples. Cinq triangles isocèles rectangles – des demi-carrés – de trois tailles différentes : deux petits, un moyen et deux grands. Le triangle moyen pourrait être formé avec les deux petits. Assemblés autrement, ces deux petits triangles peuvent former les deux autres pièces du jeu : un carré et une autre figure appelée parallélogramme. Techniquement, le carré est aussi un parallélogramme – car il suffit à un quadrilatère d'avoir ses côtés opposés parallèles pour en être un – mais, faute de mieux, nous appellerons ainsi l'unique parallélogramme du jeu qui n'est pas carré. Les grands triangles, quant à eux, sont constitués de quatre petits triangles, ou deux moyens. Toutes ensembles, ces sept pièces couvrent une surface égale à seize fois celle d'un des petits triangles. Comme deux petits triangles forment un carré, on pourrait dire une surface égale à huit fois celle du carré. Habituellement on mesure plutôt les surfaces avec des carrés, mais l'unité d'aire naturelle avec un jeu dont les pièces se réduisent à des petits triangles est le triangle, aussi nous dirons indifféremment que l'aire totale du jeu est de huit carrés ou de seize triangles (sous-entendu seize petits triangles isocèles rectangles). Illustration 1: Les sept pièces du jeu : 5 triangles, 1 carré et 1 parallélogramme non carré (appelé plus loin « le parallélogramme »). Ces pièces couvrent une aire totale égale à 16 petits triangles Comme le montre notre illustration (à gauche), les sept pièces de ce jeu peuvent être dessinées dans un quadrillage, les sommets des pièces étant placés sur les nœuds du quadrillage (les intersections des droites perpendiculaires qui forment le quadrillage). Certains des côtés de ces pièces mesurent autant que l'écart entre les 7 Chapitre 1 : Rencontre avec le Tangram lignes parallèles du quadrillage. Les quatre côtés du carré sont ainsi égaux à cet écart que nous choisissons comme unité de longueur. Les autres côtés des pièces peuvent mesurer deux unités de longueur (le triangle moyen a un côté mesurant deux unités, les grands triangles en ont deux chacun), mais on rencontre aussi une longueur intermédiaire, lorsque le côté est constitué par une diagonale du carré.