· ,', ,1 ,1," i"" -ë ")T<' T' ',~,"fH ;·':-Y1t -l",,1 /"itiI ",11 (·tu' ~ \.) ...... ' V ...J ,./--0..1 .Lt _.I..:..J',J...._.i.!...l.,./1 J_J J')V "-;-t"'!'l'''1'••,1 .Li' .... _J ET i'2CIWT:2UE OUTRE-FIER 47, b1d des Invalides PARIS Vlro 30CIOLOGIE - ETHNOLOGIE

ETUDE DE LA POPULATION DES rJIARAIS d' M1BlLA-J.1ANAKARA par L. r·!üLET

nO )848 I.R.S.M.' Oct.Nov. 1957 ETUDE DE LA. POPULATION D'ES WJU:IS D' - KANAKARA

par

Louis MOL ET Ha!tre de Recherches de l O.R.S.T. O.M. ' Ethnologue à l'1.R.S.M.

=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=

OCTQBR~OVEMBRE 195'7 t, .

SOM' MAI RE •

Origine de l'enquête - Ses buts, ses limites.

PREMIERE PARTIE DESCRIPTION cr::; r=~ &4 cr " Cg =3 = ::= Situation géographique Composition et répartition de la population

A ;;;;;Eth11.o,Arg.Rh1~ - Costume, linge - La maison et ses annexes mobilier outils annexes - Elevage - volailles boeufs - Les cultures - jardins arbres, palmiers et autres - cultureS sèches - rizicu.lture - dates et durées des cultures - calendrier temoro - calendrier agricole - calendrier alimentaire - Répartition.des tâches et des travaux

E- Vie sociale

la vallée les clans, lignages les villages les autorités

1" 2

administratives - les missions chrétiennes les colons - traditionnelles· Rapports entre les villages .. réseau matrimonial .. les routes et les pirogues Rapports avec l'extérieur - absence .. stéréotypes· .. Le monde extérieur

Le village .. La localité et son découpage

M Situations sociales .. Organisation classes d'âges les femmes le mpanjaka .. Territoire

La famille .. La maison commune .. Endogamique, patrilocale et patrilinéaire .. La parenté (classificatoire) .. Vie quotidienne

.. Inventaires de famille de village .. L'alimentation .. Budgets - Salaires .. Opinions d'enfants \,

3

DEUXIEME PARTIE CONSTATATIONS ET SUGGESTIONS = 1 = =:r=, l! < ==:x: ' l ,= & = =:. • R

1ère constatation - Misère ~hysiologigue Suggestion a): nourrir certaines fractions de la popu­ lation : ration forte sur les chantiers distribution de lait aux écoliers : cantines scolaires b), améliorer la qualité introduction de plantes et arbres amélioration de l'élevage c): culture de l'arachide?

2e constatat~on - Stagnation technolQgj9uâ Suggestion (pour des gens mieux nourris) a) Meilleurs outils b) Introduction de charrettes puis de charrues (bicyclettes) c) Création d'ateliers scolaires 'd) Secteur rural d'éducation de base - l moniteur français 4-5 moniteurs Betsileo ou Tanala - familles "piloteslt

3e ~onstatati1Ln - Stagnatio~~conomigu~ a) Manque de ressources - créer courants commerciaux marchés ,comices b) Gaspillages lors des fêtes: réglementer ces fêtes 4

4e constatation -_ Re~liement sur soi Suggestion Création de foires - Organisation de stages pour les jeunes gens.

5.e constatatio_n - Action :J.mxaJ.jfs.ant.e· de la coutume Cette action sera efficacement combattue si les sug­ gestions précédentes sont retenues.

c:CONCLUSION

Il faudrait aider cette population.

- 'Note à propos de la mise en valeur des marais sur une immigration éventuelle.

- Annexe: Le Fibezana ou Fanabezana = :&g F@te temoro - Fêtes annuelles - Schéma théorique de la fête • - Variantes de la cérémonie - Aspect économique - Interprétation sociologique - Conclus"iOll - Suggestions pour une intervention éventuelle 5

ILL UST RAT ION S ..

Fig. 1. Croquis de la région parcourue (Bassin de la. Mananano)

Fig. 2.· Fragment du réseau matrimonial

Fig. 3. Détails schématiques du réseau matrimonial a) Mideboka' b) c) Marianina d) Mahavelo

F1g~ 4. Exemple du réseau d'alliances (matrimoniales) à l'intérieur d'un village (Ambotaka)

Fig. 5. Plan d'un village a) Mideboka b) Ambotaka 6

P HOT 0 S

ers· ::;.-:=a-:""Y'=Z:. = • 1 •

- Le président de la collectivité Botosongo dit . Iabandrabao - Un notable - Femmes - Fillettes - Vieille femme - Pilonnage du riz • Pirogue sur la l~nafiano .. L'aiguade " Allée à Mideboka - Case • Guerrier • Rizières de Vavaha ... Arrosage du jardin scolaire _ Pirogue

• Vannerie • Arrachage de patates

.. Un Mpanjaka et sa femme • Une tranobe à Mahavelo. .. Cérémonie d'intronisation (Voasary - )

----~-----~---~------\

?

ETUDE DES POPULATIONS DES I.fARAIS D'AlŒILA - ir'~NAKARA

Produire plus de riz est un des soucis des Autorités de la ~ov1nce de Fian~rantsoa. Ce problème a été remarqua­ blemen' posé par le Chef du Service provincial du Génie Rural dan. une note récente. Pour tenter de le résoudre, de très 1mp~ts travaux d'hydraulique agricole ont été entrepris en d1yer, l!~ux et tout spécialement dans les marais de la ba'.eel1al\a~ano, dits llMarais d'Ambila-Hanakara ll • ~a mise en valeur de ces vastes étendues'récupérées , . ~, 1"oulturc pose de nombreux et délicats problèmes dont certatJ't ressortissent des Sc:î.ences Humaines. , laissant le Service de la Statistique donner avec le. 'lé-ents qu'il possède une réponse aux questions démogra­ pht'UeI, et le 'Service de Santé fournir un diagnostic médical, nO'!). ""ut Bommes attaché à résoudre les questions touchant , l'ethDoœraphie, la sociologie et l'économie de cette région. Ayaftt oc!'!s1gné les résultats de notre enq1Jête dans une pre­ mière papt1e, nous présentons dans une seconde partie des -suggestions". Faisant successivement un certain nombre de eonstatat1ons, nous proposons, sans présumer en aucune façon de~ déels~ons à intervenir, des solutions qui, bien que théo­ ~1ques. tiennent néanmoins compte de la réalité observée. Ces ~olutions proposées posent ~ leur tour des questions d'or- X 0

c) 0

/:"orêt /ndrana

ll"'°'4V1' \ 0 " Cl • Vol\ima.J; "'" A"'lt.t<À

+ + + + + ..,. 1"

MAMAK~ttA. 8 dre politique, administratif, financier que, nous ne méconnais­ sons pas, mais qu'il ne nous appartient ni de formuler ni sur­ tout de résoudre. Pour l'approche de la population temoro et la formu­ lation des généralités la concernant, spécialement sur le plan sociologique, nous avons bénéficié du très précieux travail, encore inédit, de Madame Suzanne Vianès, ethnologue de l'O.R.S.T.D.M., à laquelle nous adressons tous nos remerciemenœ pour son aide fraternelle et efficace.

+ + +

Poux la transcription du vocabulaire temoro, nous avons adopté une graphie plus phonétique qu'il n'est d'usage POU! le Merina. En particulier, nous avons supprimé les ~ fi­ naux, qui ,en réalité ne correspondent généralement qu'au son ~'

De m~me l'afriquée merina ~ équivaut à la sifflante temoro ~, aussi écrivon~-nous, par exemple, ~ et non â~t~Y.. Pourtant, nous avons respecté l'orthographe habituelJ.e des.localités et des noms propres.

------9

DiS CRI PT ION =1-:'1111'.=; :;==:=

Les populations sur lesquelles porte notre étude sont e"elles qu.i habitent dans la vallée de la Manafiano, au Nord.Ouest de la yille de , c'est-à-dirë essentiel­ lement dans "le marais" constituant le canton d'Ambila, et d~bordant légèrement sur les cantons voisins: ~funakara, Lo­ kombYt Bckatra et . (Fig. 1).

~OMo;;1.tjpn et ré.nartill.gn de la pOpUlation

. Le canton d'Ambila compte e~viron Il 400 habitants, dont 2 000 contribuables. Ils sont groupés en une trentaine ~e villages plus ou moins importants, mais se présentant gé- nérclement sous forme d'agglomp'~a+~~~~ ~~nses. La quasi-totalité de cette population appartient au grQupe Temoro, localisé principalement dans les districts de Voh1peno et de Manakara, et plus précisément dans les cantons orientaux de ces districts. Le reste de la population en tout petits groupes appartient à d'autres ethnies de l'Xle. Nous n'en parlerons qu'incidemment. La moyenne et la haute-Mananano sont habitées par un groupe d',origine complexe, les· Tana la , correspondant ce­ pendant à des notions ethnographiques assez précises. Nous n'y ferons que quelques allusions. Des ,. .... ,"'.... <1 "",-:<~.-:. ;.,.,' ~ +.., ~ :'1.q ont quelques concessions mal~~ ~_~~ exception, ne résident 10 pas sur place. I,' essentiel de notre exposé concerne donc la po.pula- tion du marais d'Ambila.

ETHNOGRAPHIE 73 C, : r:,

Costume. Les hommes portent en cache-sexe une lon­ gue bande d'étoffe de coton importé, passant entre les jambes et roulée autour des reins. Quelques-uns portent des culottœ courtes. Un vêtement de rabane (akan..1.obe) leur couvre le tronc. Le soir, ils s'enveloppent dans un lamba de coton quand ils en possèdent un. D'autres portent des vestes ou des manteaux achetés à la friperie. Pour les jours de pluie, une veste de vannerie (akanjo harefg) fait l'affaire. Pas de chaussures ni de sandales. Chapeaux de vannerie, parfois de feutre. Les femmes portent un ou deux fourreaux d'étoffe en grosse toile rayée (parlà), serrés à la taille ou sous les bras. Parfois, une chemise couvre les épau1es~ Une décou­ pure ovale y est ménagée sur le devant à la hauteur de l'es­ tomac pour permettre l'allaitement des enfants. Cette che­ mise est parfois remplacée par une robe achetée à la fripe­ rie. Une bande d'étoffe peut servir de ceinture pour empô• cher 10 fourreau de tomber pendant la marche ou certains exercices comme le pilonnage. Pas de chaussures ni de san- da1es. Chapeaux de vannerie fine avec broderies rouges ca­ ractéristiques. Pour porter plus aisément' leurs enfants pendant de longs trajets, les femmes les mettent sur leur 11 dos et les y fixent par une ceinture comportant une vannerie (hQlQ) qui soutient le siège de J'enfant. De plus, pour le protéger du soleil, une vannerie (sakoko) retenue par un cor­ don au cou de la femme forme capuchon. Les jeunes filles approchant de la nubilité portent également un fourreau cachant le bas du corps, mais au lieu d'avoir le buste nu comme l'ont généralement les femmes, por­ tent une large bande d'étoffe solide fixée par deux bretelles et ,boutonnées par devant, qui cache leurs seins. Les petites filles ne sont v~tves que d'une pièce de toile cousue ou non en fourreau dont elles se débarrassent volontiers pour jouer. Les garçons sont v~tus comme les hommes. Les pe­ tits garçons portent ou non le sadika, le cache-sexe. En général, les enfants sont peu ou pas v~tus, même le soir. Ils rentrent alors chez eux et se blottissent auprès des adultes. Les vieillards sont vêtus comme les grandes par­ sonnes, mais sont beaucoup plus loqueteux.

~l n ? ~. Pas de linge de toilette, ni mouchoirs, serviettes, drap~, rideaux. Souyent, les adultes ont une couverture individuelle en coton ou une grande pièce de toile forte de coton qui leur sert pour dormir. La plupart du temps les gens dorment nus sur une natte, enveloppés ou non dans leur Iamba, et recouverts d'une autre natte, môme en saison fra1che. 12 La maison et ses annexes TC;: = 1 1 r

La ma~ traditionnelle temoro est surélevée, qua­ drangulaire, faite de matériaux végétaux. EIJo,comporte une charpente bien construite, un plancher stable en lames de rapaka (écorce déroulée de certains palmiers), recouvert de nattes épaisses cousues. Les murs très minces sont faits de panneaux de f~lafâ, pétioles de feuilles de ravinala enfilés sur des baguettes. Des ouvertures à l'Ouest et à l'Est, ain­ si qu'un petit passage au Nord-Est, sont fermés par dos panneaux rectangulaires formant portes semblables aux cloi­ sons des murs le long desquels ils coulissent. En haut des pignons, des jours sont ménagés pour l'évacuation théorique de la fumée. En effet, le côté Sud est occu.pé en son milieu ' par l'~tre, bloc de terre affleurant à hauteur du plancher, et comportant pD'sieurs pierres servant à supporter les mar­ mites. Il est surmonté d'un séchoir (farnf~ra) de grandes dimensions à deux ou trois étages, le plus près du feu por­ tant le comb11stible à sécher, le socond portànt le riz à sé­ cher. Le troisième sert de débarras. Dans bien des maisons, le séchoir est flanqu~ vers le coin Sud-Est, d'un silo à riz où sont entreposées également d'autres provlsions: régimes de bananes par exemple. Dans l'autre encoignure sont entassés les outils et les bambous servant au transport et à la conservation de l'eau ·(lananpnâ). Une corde tendue suivant diverses orientations sert à suspendre les vêtements pendant Je nuit, les lamb~ pendant le jour. 13 Le toit fait de feuiJles de ravinala juxtapos~es serrées est à deux pentes et forme un angJe aigu. Le faîtage , se prolonge pour protéger le pignon. Imperméable à la pluie, il est peu perméable à la fumée. Quand deux ou trois feux sont allumés simultanément et qu'il pleut, on est contraint, pour ne pas ~tre incommodé, de ,s'asseoir à même le sol. . /

Mobilier. Le mobilier des cases temoro est très CFt' =z:cœ ' .. simple. Des coussins de vannerie servent d'oreillers (QU­ ~), et des poufs de vannerie servent de siège (ondam-bod~. Ils sont disposés le long de la cloison Est. Vers le Sud­ ~st, le long de cette même cloison, on trouve une ou deux caisses ou de grandes vanneries contenant les effets et vê­ tements de la famille. Dans le coin Nord-Est, un grand r~­ cipient de bois contient f~ riz blanc. C'est à peu près , tout. Il y a les ustensiles de cuisine: marmites tripodes en fonte avec couvercles. Cuillers et louches en bois, cha­ lumeau pour attiser le feu, sont groupés dans un manchon de vannerie entourant le pied Nord-Est du séchoir. Souvent, il s'agit de cuillers individuelles en métal bon marché, sinon on emploie des se~;nents de feuilles de bananier ou. de ravi­ nala, pliés' en godets. De gros bambous Cont le diamètre et la longueur sont proportionnés aux forces des femmes ou des filles qui doi­ vent les porter pour puiser l'eau à la rivière, un van en bois (atova) ou en toile, un mortier (leona) presque cubique et un pilon aminci progressivement en son milieu, constiu1ent avec quelques corbeilJ.es le matérie~ essentiel. Environ 20 à 25% des cases ont un lumignon à pétrole. Les autres s'é- ~------~-----~------.------_.. _---_.-

14 olairent à la lueur du feu.

Qpti~~. Les outils sont: l'angadi, bêche, très gé­ néralement en tôle, une pelle également en t8le (les emman- , chements diffèrent légèrement); un couteau-hache (~nsi) à long manche; un modèle réduit de ce couteau, à manche court (ana~-_ ~) sert à la coupe du riz et aux épluchages. Chez les chefs de famille, unè hache à oeil rond peu pesante. Ces ou­ tils, sauf l'anak-anst, servent surtout aux hommes. Les fem­ mes ont également une tige cylindrique do métal, pointue, le ~is1ratra, qui leur sert à déterrer les patates et Je manioc.

Les annexes. L'annexe principale de la maison est Il :=--= le grenier qu:l sert à conserver le riz. En dehors des silos intérieurs (hombona), il y en a deux types, l'un (tranambo hombona), peu élevé au-dessus du sol, repose sur six pieds et ressemble beaucoup à une èase d'habitation. L'autre (tranam­ bo satIaha), beaucoup plus esthétique, repose sur quatre 1 hauts pilots surmontés de disques horizontaux, empêchant les rats de grimper. On y accède par une échelle mobile rangée dans ou sous la case. Ils sont faits de m~mes matériaux que les cases. Le volume utile moyen de ces greniers de l'un ou de l'autre type, partagés en deux ou trois compartiments, ne dépasse jamais 5 mètres cubes. La moyenne est de 3,5 à 4 mètres cubes, alors que la capacité des silos intérieurs est en moyenne de 1,10 à 1,25 m3. Les poulaillers sont faits de quelques planches, maintenues verticales sur leur largeur et délimitant sous la 15

oase, généralement au coin Sud-Ouest, un espace clos où les rares volailles viennent se réfugier la nuit, surtout en sai­ son pluvieuse. Autrement, ces volailles se juchent chaque soir dans les branches hautes des caféiers voisins. Les parcs à boeufs seront vus avec l'élevage. Les abris dans les champs avec les cultures. Pas de cabinets d'aisance, le couvert des'caféiers en tient lieu.

1 1• e .v,a ft; S

Volailles

Cgqs, et poule~, une demi-douzaine par famille en moyenne. Poulaillers très rudimentaires. Pas de mângeoires. Les volailles ne sont pas nourries, elles récupèrent les dé­ chets alimentaires jetés à m~me le sol, picorent le riz mis à sécher et trouvent le complément en grattant dans les envi­ rons du village. Les poules couveuses sont tolérées dans les cases, puis enfermées avec leurs poussins dans une cor­ beille (vahi), et nourrifB de brisures de riz pendant trois semaines. Poules et poussins sont ensuite mis dehors. Canards de Barbarie. Rares couples dans chaque vil­ lage. Plus voraces que les poules font une plus complète utilisation des déchets de cuisine. Ne reçoivent aucun soin. Les petits sont nourris de son et de brisures do riz, d'eau avec piment écrasé. Les oieA ne sont encore élevées que par les quel­ ques ménages betsileo fixés comme commerçants dans la région. Pourtant, trois ménages temaro commencent à en avoir à Maha- 16 velona. Pas de pintades domestiques sauf chez un européen. Pas de pigeons ni de canards, sauf chez les commer­ çants merina ou chinois. Pas de solipèdes, de chèvres, ni de porcs. On trou­ ve néanmoins des porcs, nombreux chez des colons. Pas de pisciculture. Pas de ruches. Très peu de chiens ou de chats domestiques.

Les boeufs ne constituent que de petits troupeaux. Exemple: Nombre de boeufs par propriétaire au village de Marianina: Nomb~e de boeufs lTOEriétair~ Total 13 1 13 12 1 12 Soit 4 à 5 10 2 20 boeufs par 8 2 16 propriétaire 7 2 14 pour un vil­ 5 5 25 lage de 441 4 4 16 habitants. 3 9 27 2 8 . 16 1 l 1 35 --160

Les boeufs sont sortis chaque matin entre 6 h et 8 h selon la saison, ils sont gardés .par un jeune homme, sur les collines voisines ou dans les friches des environs. Ils sont rentrés tous les soirs, sauf pendant la période des Ora­ . ges (Décembre), et parqués à l'écart du village dans un en­ droit à l'abri des innondations, assez bien drainé et gêné- 17 ralement ombragé. Les parcs sont de dimensions variables mais suffisantes. Ces animaux, ramenés de l'Ouest (Tsiroanomandidy), s'acclimatent assez mal et ne prospèrent pas. Ils doivent trouver toute leur nourriture au pâturage. Les vaches ne sont traites qu'exceptionnellement. Les taureaux sont castrés en­ tre 4 et 6 ans par ablation des glandes en Novembre. On r~cou­ vre la plaie d'un emplâtre de bouse pour faciliter la cicatri­ sation. Les marques de propriétés par entailles des oreilles sont connues mais peu pratiquées. Ex. de noms d'entailles: Ketrakila Tohanzezo Kilenga -do- roy Volombod1papango -do~ telo Torotoro Ravimbomanga Tomboloaka Lekoro Drangi Etc••• Les noms des robes et des couleurs de boeufs sont moins riches que dans l'OUest ou le Nord de l'Ile. Aucun boeuf ne fait l'objet de fady. Pas de fady non plus pour les boeufs à cornes branlantes ou n'ayant qu'une corne. Seuls les ombyrana, boeufs sans bosse, semblent jouir d'une défa­ veur. On leur reproche de ne pas s'acclimater "à ca.use du froid". Peu de maladies connues. Des campagnes de vaccina­ tions systématiques sont effectuées par le Service de l'Ele- vage. tes boeufs sont indispensables pour les piétinages et pour rehausser l'éclat de certaines fêtes qui nécess1- 18 tent soit des sacrifices, soit 18 consommation do viande. Ils participent à l'interdiction de travailler cer­ tains jours (le jeudi, parfois le mardi).

Les cultures

a)- Les j§rdi~s sont inexistants. ~ourtant en Novembre­ Décembre, pour profiter des pluies fréquentes on sème en bordure du village, au ras des caféiers, dans l'humus des détritus, des graines de brèdes diverses. On les protège contre les poules par de petits enclos de quelques mètres carrés. Cette culture est l'affaire des femmes. Plantes cultiv~es: brèdes, rares angivy, pas de tomates ni d'auber­ gines. Des ananas poussent sous les caféiers. M~me les jardins scolaires, dont certains débutent, ne comportent presqu'aucun légume. Ceci tient au fait que les institu­ teurs ne savent pas employer les graines qui leur sont four­ nies ou prennent à la lettre les indications portées sur les sachets et qui sont pr~vues pour l'hémisphère boréal. Un autre jardin scolaire ne contient quo des courges, des plants de café et des papayes. Un troisième, situé trop loin de l'eau, comporte surtout des arbres fruitiers à l'abandon.

b)- Les arbres !rJ2r.§.§. irl1i,ii.§.r§.. Le marais d'Ambila ne compte que très peu d'arbres fruitiers, jeanb1on, "rotra", papayers, letchis, coeur-do-boeuf, pomme-canne11e, pêchers. 19

Autres arbres• t'eucalyptus qui peut fournir du .... .- - .------combustible et du bois d'oeuvre, commence à se multipJier. Des niaoulis constituent quo1ques peuplements le long"des canaux et de la voie ferrée. Le caféier, et que)q~es Albizzia pour leur ombrage, forment des ceintures vertes au­ tou~ des villages. Quelques arbres à pain dans la moyenne- l1ananano. Mu§..a.9.é~, llalmiell .Qi Q.utr2. D'immenses peuple­ ments de Ravinala fournissaient la matièr"e première pour la couverture des toits. L'assèchement des marais va les ren­ dre sinon plus rares, du moins plus lointains. Les raphières sont nombreuses. Exemplaires isolés du palmier à huile, dé­ daignés par la population qui trouve ce produit malodorant. On ne cultive ni mals, ni haricots, ni oignons, ni tomates, ni citrouilles.

c)- Culture~ sèches. Dans les bas de pente au pied des villages, on trouve des sonje§ plantées dans des trous. Variétés connues: sonzo mandadi s. mam1 s. ma inti s. rano s. mena tafian1 On y trouve aussi, en très petites quantités, des , cannes a sucres. Variétés connues: fari gasi ou ma1emi f. be f. sako f. volo f. mena 20

fari soratra f. rangani f. nato (à cuire) • Les tronçons de canne ecorces~ ~ sont soit pilés au mortier, soit écrasés dans des presses de ménage. Le jus sert presque exclusivement à faire le café, très except~on­ nellement à faire de l'alcool (Haute-~IDnaflano). Les bananiers poussent par paquets sans ordre et n'importe où quand le sol est suffisamment fertile. Variétés connues: akondro hiraka a. makoa a. voadora a • betaviambo (batavia ambo) a. .batavia a. masadaka a. manavilahi a. barabà a. safaoka a. mainti a. lika11ka a. ts1meroy a. maso a. ranjalia a. boriboaka a. misao-dravina a. hontsi a. mibiki (a. fodi). Les bananes sont souvent consommées cuites pour sucrer certains aliments (Rilak~ ou bouillie de manioc). Les principales cultures sèches sont cependant les patates et le manioc, dont les racines et les feuilles sont comestibles. Les panates (~okala) sont plantées sur les bosses 21 qui se trouvent entre les rizières. Variétés connuesc bokala ripodripotra b. tsara:fiarana b. tsitakabitro b. berero b. belohalo b. raflenga b. ramangi . b. adala (pour les feuilles) b. lat\anana Les patates sont récoltées au fur et à mesure des besoins. Le manioc (kazaha) occupe aussi de vastes surfaces. Sur un terrain grossièrement sarclé, on plante obliquement des tronçons de tigos. On déterre les racines au fur et à mesure des besoins. Variétés connues: Kazaha mainti k. tatarorepaka k. soratra k. boribonga k. bilivera k. tongobints1 k. rangalola k. fotsi k. sabora k. tsires1naombi k. madarasi (tsitakabositra) k. mena (pour les feuilles) k. bazaha (lent à pousser)

La riziculture se fait en deux temps correspondant l'un à la saison des pluies: riz dit vato mandrÂ, l'autre à la saison sèche: vari hosi. 22

Le var~ hosi se commence en Avril par le piétinage à trois reprises à une semaine d'intervallo des pDrcelles irrigables à planter. On sème lors du troisième p1étinage des grains secs. Les semailles se poursuivent jusqu'en Juil­ let dans les terres les plus basses. Après un mois ou deux, on repique. On récolte à partir de Novembre jusqu'en Jan- vier. Le veto mandr est cultivé à peu près de la même manière. Piétinages en Novembre des pépinières. Repiquage deux mois après dans les rizières piétinées. Récolte à par- tir de mi-~1ai jusqu'en Juil] et. Façons culturales. Le drainage et l'irrigation par de petits canaux ou des gouttières surélevées sont con­ nus de longtemps. Le planage est également pratiqué à l'ai­ de de peaux de boeufs tra1nées à la muin pour déplacer la terre des bosses vers les creux. La terre est défrichée, par le feu s'il 10 faut, généralement. avec la pelle. Un lé­ ger bêchage peut remplacer le second des trois piétinages, si la pluie tarde.

Pour le repiquage t les plants doivent avoir 45 jours. A 60 jours le rendement diminue. On repique encore des plants ayant ?5 jours. Les plants de 45 jours sont re­ piqués brins par brins, ceux de 50 jours deux par deux, à partir de 60 jours 3 ou 4 à la fois. On désherbe si l'on peut et l'on jette les algues, mousses, mauvaises herbes sur les diguettes. La garde contre les fod! est très astreignante. 23

Elle a lieu seulement pendC'lnt la journée. Les heures "de pointe" sont de 8 à 10 h le matin et de 4 à 6 h le soir. Les oiseaux sont seulement écartés par des épouvan­ tails (horokorona) agités p8rfois à distance avec des cordes (&izittl), chassés par des cris. ou des boulettes de glaise lancées avec des frondes (tora-tad~), liées sur ·la première phalange de l'index. Tout le monde, mais rarement les hom­ mes, assure cette surveillance qui incombe particulièrement aux enfants qui ont l'§ge d'aller en classe. La récolte est faite épi par épi, dès que le riz commence à mûrir. Elle est faite ensuite par poignées à l'aide d'un lourd "anak-an'si". La tige étant coupée ~ 15 cm environ de l'épi, il reste un chaume très abondant. Les .' Quantités coupées dans In journée sont mises à sécher et ropportées au village chaque soir dans des ·nattes ou des cor­ beilles. Quand le riz est sec, .il est égrené avec des b§­ tons sur des nattes et mis au grenier dans les compartiments vides, préalablement b~layés. Cérémonie de prémices réduite à une invocation en accrochant au toit de la maison (au Sud­ Est) une poignée d'épiS, ainsi qu'une C'lutre dans le grenier au-dessus du compartimont occupé par la récolte en cours. Les semences (dori~) sont prélevées et mises en sacs séparés souvent conservés dans la maison. Aucun moyen connu de lutter contre les rats ni les charançons. Vnriétés de riz cultivées: 24

Nom s. CO,nvena bles pour Vari hosi Va tomandri Vari hos1 + v. mandravi + + v. zavà + + v. mena lava. + + v. - hara + + + v. somondriki + + v. soabe + v. ravanono + + v. kitra + + v. ts1r1mana + + v. zavà fohiki + v. vili + v. gon1 + v. birzini + v. sandra maditr1 + v. mad1matraki +. v. tsiavela + v. ma ka 110ka + v. kel1m1d1 + v. kclirandro . + v•. ts1mihoadrandro + v. sakap1a + v. fotsiavarina + v. masonamalona + v. rasomotra + + v. soovela (?) v. mapanana (?) 25

Nous laissons aux spécialistes de l'Agriculture le soin, comme pour les autres variétés de plantes que nous avons citées, de déterminer les caractéristiques de ces riz dont certains sont très beaux.

Dates et durées fies cultures

Patates. Plants en Mars-Avril: récolte 3-4 mois après. Elles peuvent rester en terre jusqu'aux grandes pluies. On repique les tiges au fur et à mesure. Manioc. Plants en Octobre, Novembre: récolte six mois après et durant toute l'année. On récolte et on plante. Canne. Plants en Novembre. Pousse avec les pluies. "On mange avec le vatomandri"... Récolte toute l'an- nee.~

Bananier_~. Plants en Novembre. Récolte toute l'a~- nee.~ Sonjes. Plants Octobre-Novembre dans des trous. Récolte en Avril. Brèdes. On attend les pluies. Récolte pendant les pluies. Caf é. Semis en pépinière en JuilJet. On re- plante avec les pluies après un an et demi.

Calendrier temorQ. Bien que nous ayons jusqu'à maintenant donné des dates en référence au calendrier fran- çais, il convient de noter que les Temoro continuent à em­ ployer un calendrier traditionnel d'origine arabe qu'ils font coïncider tant bien que mal avec le n8tre. Ce calen-

• 26

drier, avec ses correspondances approximatives, est le sui­ vant: Alijadi - Janvier Asaratàna Juillet Malo, Février Alal).asati Août Alohotsi Mars Asombola Septembre Alahamali '- Avril j\limizan Octobre Asoro Mai Alakarabo Novembre Alizoza- - Juin Alakosi Décembre

Calendrier agricole

Octobre On plante le manioc - garde du vari hosi Novembre - R~colte du vari hos! - préparation rizières • vatomandri. On plante le manioc, les sonjes, la canne. - On transplante le café et les arbres. Décembre Récolte vari hosi Préparation des rizières vatomandri Premières semailles Janvier Semailles du va tomandri' Février Piétinages vatomandri, repiquage M a'r s Repiquage, désherbage, on plante les patates. Avril - On désherbe - récolte des sonjes - plants des patates. Mai On commence à récolter le vatomandri Récolte et· plantation de manioc. J u i n -. Récolte du vatomandri et canne. - Piétinage du vari hosi•

• 27

Juillet Fin de récolte du vatomandri - repiquage du vari hos1 - semis pépinière de café.

A 0 û t Piétinage et repiquage vari hosi Septembre- Repiquage du vari hosi

Correspondant à ce calendrier agricole, nous pouvons donner un calendrier alimentaire. Calendrier alimentaire

Novembre - Patates, manioc, riz, anguilles, insectes Décembre - Patates, manioc, m, anguilles Janvier - Riz, ditri (fruits de~) (TyphonodorJlln Lyndlei -2mYm. Schott. Aracée), poisson. Février - Riz, poisson. Mars Manioc, sonjes Avril - Manioc, sonjes Mai - E.1z, patates, manioc J u i n - Riz, patates, manioc, can~e Juillet - W, patates, manioc

A 0 û t - Riz, patates, manioc Septembre - (Riz), patates, manioc Octobre - Patates, manioc, bananes, (riz).

Aux hommes- incombent tous les travaux extérietITs au village: les soins et la garde des boeufs, la préparation des terres, les piétinages, les semailles, l'entretien des .. 28

routes et canaux, la plantation et l'entretien des arbres et des terres à café. Ils assurent la construction, l'entretien, la réparation des cases, des greniers et des parcs, l'exécu­ tion des travaux colJectifs. Ils fabriquent les cordes et fi -celles. Ils fournissent le combustible sec et fendu pour la cuisine. Ils assurent le transport des charges, sur l'épaule ou en pirogue. Il peut arriver que des hommes puisent de l'eau ou

pilent du riz, mais c'est pour soulager ou r~mplacer une femme. Les hommes lavent leur linge. Aux femmes incombent les soins du ménage et des en­ fants, propreté de la case, fourniture d'eau, pilonnage du .. riz, du café grillé, cuisine, vaisselle. Les femmes lavent leur linge et celui des enfants. Elles cueillent chaque jour les feuiJles de légumes comestibles (patates, manioc) et vont déterrer les racines de ces m~mes plantes. Elles cueillent, font sécher et pilent le café en cerises. Elles repiquent, désherbent et moissonnent le riz. Elles vont à la pêche avec des troubles en saison des pluies. Elles décortiquent le raphia, préparent les fils et le métier et tissent les rabanes. Elles cueillent, font sécher, préparent les maté­ riaux et confectionnent les vanneries suivantes:

.. 29

1afika, nattes épaisses en lés (~orakâ) de 75 cm, cousues ensemble et couvrant complètement le p1ancher'de.1acase; (andambananâ, nattes rectangulaires ou carrées formant nappes, servant à manger; 11h1, nattes spéciales pour dormir; ondana, oreillers rectangulaires; ondam-bod~, poufs pour s'asseoir; 1asaka. sacs servant au transport età la conservation du riz, des grains, etc••• ; tataobe, grandes corbeilles pour le transport du riz en épis; harona~ tati, corbeilles et sacs divers; satrokq , chapeaux; .. akanjo harefQ, vêtement de pluie pour homme; sa10vana harefo, fourreau pour Ja pluie (femme); harontsirq, panier à sel; harom-barx, vanneries diverses pour faire sécher le riz au soleil ou au feu; ho10, pièce de vannerie incorporée à une ceinture pour le transport des bébés; sakoko, capuchon protégeant les bébés portés sur le dos; saron-deona, saron-tsotro., fourreau pour piler le riz, pour rassembler les cui~lers; etc., etc••• Les enfants n'ont pas de tâche particulière, mais s'efforcent d'imiter les adultes, en respectant la réparti­ tion sexuelle. Ils ont maîtrisé l'essentiel des techniques vers 15 ans. Ils ont la garde des rizières contre les oi- seaux. , 30

Les vieillards continuent à faire les travaux qui incombent soit aux hommes, soit aux femmes, mais réduisent leur activité selon le déclin de leurs forces. Ils finis­ sent par ne plus être capables 'que de chasser les poules avec un bâton.

-=~=~=~=-=-=-=-=-=-=-

l 31

Examinant la vie sociale, nous partons de l'en­ semble de la vallée pour descendre à l'échelon du village, puis celui de la famille qui constitue la cellule de base de l'ethnie temoro.

ta •Vallée:en

Située loin dans le Nord du pays temoro, la vallée de la ~funaBano échappe en grande partie à l'organisation théorique de ce peuple. On n'y trouve en effet que des fa­ milles Anteony tout à fait isolées, généralement celles de fonctionnaires. Il y a'bien aussi des Antalaotra, groupés en villages importants: Mahavelo, Voh1panany et Voh1lava, mais, fixés depuis longtemps dans ce pays et coupés du reste de leur caste. Ils ont perdu, semble-t-il, toutes leurs pré­ rogatives traditionnelles et ne forment en somme que quel­ ques clans parmi les autres. On a donc affaire à une population homogène de ro­ turiers (Ampanabà.ka), constituée par nombreux clans tout à fait distincts au nombre d'une trentaine dont voici la liste par ordre alphabétique: / 32

Andrabezamba Antesoria Andranolava Antevelo

Andresoamari, Antevohimari . Andrianantara ... Antevohitrindri.) Anteval0 . )) Antalaotra ) -Andr1amahavori ) Antefolo ) -Andriamarovola ) -Andr1antsiloza Antebe ) -(Antebe) Sahaneti Antelaka Sehoro Anteloony - fots1 Va laftadi - mainti Vatolava Antemaherialina Antemaka Antemalaho Noms de clans==tanala Antemanakara . Antesiraf\ana Antenomira Sahàfi Anterasidina Sahambo Antesay Saharae.ana Antesira Zafirambo

Ces clans peuvent ôtre regroupés sous un nom col­ lectif 'ou correspondre à pJusieurs subdivisions. Ainsi, les habitants des cinq vi~lages: Tanambe, ~~nolotrony, Mariani­ na, Ambohimanarivo, Mahatsara forment un seul quartier, No­ siala, par lequel on désigne l'ensemble et sont dits Ante­ manaf\ano. Le~ habitants d'Ambila et des villages qui en sont issus: Andrafia t Beretra, l-1'izilo gare, etc", portent le nom d'Antehofika. Les trois clans d'Ambotaka (Antelaka, Antevohimari, Andranolava) sont dits ensemble Andranomena. ..,.,. <: <: <: <: ~ 1-3 1-3 ~ :::;: ~ 0 0 0 P' OJ OJ P> ~ p: f-Io f-Io iU' OJ ~ <: cT,p., iïf !-J. ::r' ::r' ::r S Et ~ cT rj rj l:1 ::r ~ f-Io !-J. f-Io nl S 0' 0' !-J. li (1) (1) 0 f-Io 0 OJ r" cT ::r 0 0 ~ l:1 0' OJ 0> ~ ~ OJ li ~ ~ ~ i Al ~ li li 0 0 0 l:1 0 0 ()"Q ~ ~ l:1 (Il

a a Andrabezanba Andranolava Andresoamari a a Andriamaro 1 • - Andria~an- a ara a a a Antalaotra a a Antebe Antelaka a a Antelo ony Antemaï~ri- a a ~na a o Antemaka a Antemalaho _...... __. ------a ,Antemanakara o Antenomira a a Anterasidina a Antesay a a Antesira 1-- - Antesoria l- a a a Antevelo 11- a Antevoh:1mari Antevohi- trindri a Sahaneti Sehoro a Valanadi o Vatolava - ~ b:1 b:1 ~, ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ :::::J 11 0 1» c+ ~ 8. 8. 1-1.11 1» CD CIl "1 :::::J P> !-Jo 11 H) P' \-l- \-l- ~ I» 0 ~ 1-1 1» 1» l» S S 0) \-lo ~ a :::::J Cl> 0) ,0) ~ 0 11 ~ J:j SI' S- J-b CfJ P' ~ c+ § CJ . :::::J oc::: :::::J CfJ ~ 0 0

0 Andrabezamba.

0 Andranovola

0 Andresoamari 0 Andriamaro - 0 Andrianantara

0 0 Antalaotra

0 Antebe 0 .. . '0 Antelaka 0 . . 0 0 Antelo ony 0 Antemahili-a na ...... , ... 0 Antemaka Ant.emalaho Antemanakara

0 0 Antenomira

0 0 Anterasidina ...~ III 0 Antesay - 0 0 0 Antesira Antesoria 0 0

0 0 Antevelo

0 Antevohimari .. 0 Ante~~~Adri • v -- 0 Sahaneti a 0 0 Sehoro

0 .. Valanadi , , d ..~ ...... , . à <: Vatolava .. 0 . 33

A l'inverse sous le nom d'Antalaotra, on désigne en même temps les Andriamahavory, les Andriantsiloza, les Andriamaro­ \701a et les Antebe de Hahavelona. Les Antebé sont souvent dé­ signés à part. l.ralgré cette confusion apparente, chacun sait exactement son appartenance et l'appartenance de chacun. Ces clans peuvent eux-mêmes se subdiviser en liEna­ ~, se réclamant chacun d'un ancêtre distinct: trois chez les Antelaka et cinq chez les Antevohimary d,' Ambotaka, qui, tout enrespoctant l'exogamie famiJiale, permettent une endo­ gamie à l'échelon du clan donc du village. Les ~~téri~tigues de ces clans sont essentielle­ ment de se dire issu d'un même ancêtre commun et d'avoir une sépulture collective (kibori) commune. Il n'existe pas de marques d'oreilles de boeufs qui constituent comme des bla­ sons pour les tribus de l'Çuest ou du Nord. Les interdits (fad-i) sont peu nombreux. Le fadi commun à l'ensemble de la "région est le chanvre (~) outre les fadis généraux aux Te­ moro: un hérisson (.ê..Q.kina), et l'anguilJe tachetée (tona). Les fadis les plus courants portent sur des oiseaux: fQQ! (moineau), relombâ (veuve). Les Antalaotra et les Antevelo ont le ~ de la caille (kibQ), les Antemaherialina celui des poretaka (oiseau aquatique). Les Andrabezamba ont le

.~ des angati, mollusques aquatiques. D'autres clans ont des fadA d'un tout autre genre: les Sahaneti circoncisent les garçons dès leur naissance. Les Antevohitrindri "aban­ donnent" (c'est-à-dire n'introduisent pas dans l'enceinte du k;ibor1)·les garçons décédés avant d'avoir été circoncis. Les Antebe ne ramassent pas ce qu'ils ont laissé tomber en marchant ou en grimpant. Les Antandranomena ne peuvent fu­ mer dans les limites de leur place publique (Ambotaka). D'au­ tres ne peuvent consommer du tabac dans leur maison commune. Les Antevelo ne peuvent reprendre une femme qu'ils ont répu­ diée que si elle n'a pas été remariée depuis sa répudiation. Malgré ces différences, il y a un regroupement sup­ plémentaire à l'échelon des tombeaux collectifs (kibori~ qui forment seulement - pour les villages du.marais - quatre en- ceintes: Marolengo, pour la plupart des villages Soria et Edoma pour les villages de Nosiala Ankiborimaro pour les Antevohitrindri' Samboboatra pour les Antalaotra. Les gardiens des kibori habitent les villages voi- sins.

Les Autorités 4' ; ""1':'

Les autorités qui exercent leur pouvoir sont de deux ordres. Les autorités administratives et extérieu!es, les autorités traditionnelles. ~torités administratives Nombreuses les autorités administratives touchent presque tous les domaines avec plus ou moins d'intensité. Le QPef ~ ~antgn - impets divers, enregistrement de l'état-civil, transmission des ordres administratifs, in­ termédiaire obligatoire pour tous rapports avec l'ensemble des services administratifs (sauf Santé, Agriculture, Génie 35

Rural). Est aussi postier. L'!n,g,éni.§.uI. ~ Qéni,g Rur..al - populaire - reste dans sa spécialité. L'.ê,.gent fL§. l'Ag.ti.9.ult~,g introduit quelques cultures nouvelles (café) ouvarj.étés nouvelles de plantes connues (riz). Organise la mise en valeur des nouvelles rizières. Action diffuse presque imperceptible dans les villages. Le ~end.ê.r~ fait des tournées avec ses miliciens. On lui déferre les délinquants. Très redouté.

Les Hissions chrétiennes ,• P'; C I:t == ;z:-: =;: =; = :J:

Les missions protestantes sont installées depuis une quarantaine d'années et ont dans cette région deux "dis~ tricts": - l'un comprend: Nosiala (Tanambe), Beanana, Antanjongato, Ankazoharaka, Mizilo gare, Loharano; - l'autre comprend: Vohitsivalana, Amboanjo, Ankarimalaza, Analamiditra, Maroala, Ambodina~o, Ambinanindrano (Ambila), Mahavelo, Ambaro. Nous laissons de côté les quatre églises du Nord (Faraony) et les cinq de Manakara. Chaque "district" a une réunion comnnme mensuelle (lohavolan~), et envoie quatre fois par an des délégués à des réunions groupant ,'les trois "districts" de Hanakara (Isan -telo Volaijâ). Une fois par an, en Octobre, des délégués de ces "districts" participent à une concentration qui a lieu, par roulement, sous la présidence d'un des missionnaires de 36

la région, dans l'une des villes suivantes: Vohipeno, Vondro­ zo, Manakara., Farafangana. Les chiffres qui nous ont été fournis par M. le

Surintendant de Hanakara t pour l'ensemble du "district" de Manakara, s'élèvent au 31 Décembre 1956 à 24 églises, 2 238 fidèles, dont 1 425 assistent régulièrement au culte domini­ ca.l. Les missions catholi.Q..ues ont commencé leur action à peu près à la même époque. Les découpages des paroisses confiées à des pères européens correspondent à une ancienne d1v:tsion administrative du territoire. C'est ainsi que Saha­ sinaka, Ampa s iman jeva ,et Hananjary sont visités par les R.P. Jésuites et que les cantons de et dépendent de Vohipeno. Ne restent donc aux Pères de Hanakara que les cantons de Manakara et d'Ambila. Pour ce dernier canton, les chiffres ou les estimations sont les suivants: 6 églises groupant un millier de fidèles; 80 à 100 bapt~mes et 3 à 5

mariages religieux par an. Ces églises sont sitvoos Q Ambi­

la, Hizilo gare t Ambodivoamboana, Ifaho, et Ivakoana et Ma­ nolotrony (de Nosiala). Ifaho regroupe les fidèles catholi­ ques des villages suivants: Ambohi tromby, Hahavelo et Hizilo­ .Mananano. Les Révérands Pères Lazaristes de Manakara dépen­ de1cnt du diocèse de Fort-Dauphin, mais ressortiront dès la nomination de leur nouvel évèque, du diocèse de Farafangana. D'un point de vue sociologique, la mission catholique sem.ble plus compartimentée que 1a mission protestante, qui 37 organise annuellement des réunions groupant ensemble des Te­ moro t des Tanala, des Zafisoro, des Antets"imatra, des Tefasy, des Tesaka et des Sahafatra. Pourtant avec les réunions des "Fon-dehilahy", certains côtiers ont l'occasion de monter de temps à autre à Fianarantsoa.

?es Colons Ils n'ont d'influence que dans les limites géogra­ phiques de leurs concessions et sur le plan du travail. Une mention très spéciale doit cependant être faite de M. Carlet d'Ifaho. Breton fixé dans ce pays depuis 1932 environ, M. Carlet eut un rôle tout à fait hors de l'ordinaire lors de la révolte de 1~7 et y a acquis un ascendant moral dans la région qui sc traduit par exemple dans le fait qu'on l'appelle couramment "N. Lieutenant". Planteur de café, de'poivre et de riz, M. Carlet, très bien secondé l?ar Hadame Carlet, a organisé sur le vil­ lage de sa concession, Tfaho, un système social de type pa­ ternaliste qui répond parfaitement à la mentalité et aux be-

, soins du pays. Bien que la population de cette petite ag- glométation soit disparate et hétérogène, elle entretiont avec les villageS voisins, principalement Mahavolo, d'ex­ cellents rapports de voisinage. En dehors du travail assuré et rétribu.é convenable­ ment, Ifaho fournit des réponses satisfaisantes aux besoins essentiels: instruction des' enfants par J'école; soins des malades par un poste médical et d'accouchement où sont ad- 38

ministrés sans' 'd~lai, sans frais, ni formalités' inutiles les remèdes appropriés'; organisation des loisirs par la constitu­ tion sur place de troupes de théâtre ou équipes sportives; aspirations spirituelles satisfaites par une église catholi­ que- (les protestants vont au temple à Mahavelo); possibi­ lité de se procurer à très bon compte les objets et denrées de pl'em1ère nécessité par Une "boutique", petit magasin pour­ vu d'une patente mais ne prélevant pas plus de bénéfice net qu'une coopérative. Ce village est un centre de progrès et son influence déborde loin dans d'autres cantons, tout spécialement par le poste de Croix Roug~, qui d~stribue la nivaqu1ne à onze vil­ lages et des remèdes contre la lèpre à plus de 400 malades, venus surtout de l'Ouest'(Sahasinaka). La lutte contre les maladies vénériennes, entreprise depuis des années, a assai­ ni la situation sanitaire de ce point de vue. Ce village de gens bien nourris, convenablement vêtus et qui bénéficient de l'eau courante, est un modèle dont on pourrait s'inspirer pour la promotion du bien-être dans cette région• • Autorités..traditionnelles mles seront mieux étudiées à l'échelon du village. Néanmoins citons:'

- Les ~h~f~ ~ ki~o!1 qui peuvent prononcer l'exclu­ sion. C'est la peine la plus grave qui puisse jamais frap­ per un Temoro. 39

- Les S~f~ ~ QIan ayant autorité dans leurs villa­ ges et à propos de certains litiges touchant les femmes de leur clan mariées dans d'autres villages. - Les 2m~i~s1 qui n'ont qu'une influence réduite. L'un d'eux est réputé ~voir autorité sur la foudre. - Le .2r~sld~n1 ~ 1s. Qol1~c1i'yiË-iémo1U qui est ap­ pelé à arbitrer certains différends touchant les terres et a mandat de représenter les villages-témoins au Conseil de dis­ trict. Fait remarquable pour 1a région, il est "mpan,iakAII depuis 4'ou 5 ans. Tous sont des représentants, à des titres divers selon les occasions, de la coutume qui a en pays temoro une force considérable avec laquelle il faut compter.

Dans la liste des villages donnée à propos des clans, il y a des omissions visi~les: Ifaho, M1zilo gare, que les fonctionnaires remarqueront d'autant plus que ce sont d~s villages créés par les Blancs. Pour cette raison même, 11 s"agit de villages ré­ cents, peuplés d'étrangers au pays, donc ayant une structure sociale ne correspondant pas à la coutume locale et subsis­ tant en dehors des circuits anciens. Les femmes n'y vont que très rarement se marier (un seul exemple connu) et les hommes encore plus exceptionnellement y chercher femme (pas d'exemple connu). Ces villages, malgré leur importance so­ ciale actuelle ou future, ne sont-pas encore réelle~ent in- 1'4!f\o:~'a ;,, .... ~ .·. ·.·.·.· ·. A~n,ra . 4 f. !40c~"' ~\o. ",,w t )' . o.s.i~c>r ol

\ ' '\. ' l ~ - I -- I - I I I I I I I I f I I __ ...,! ,,,.,.-'/ \ ,,,,. ..._ .---,,..,,.. I ,,, ' I \. l \ \ ·. / \ '\ .,, I

MANA KARA \ \ \ \ \ \ 1 \ \ \. ' \ ' ' ' \ ' \ \ f"l a n<Â \ VoY'l.lrc>"io i "')o. ' o ,b.rri\,o.\\\'lt E. \-a.~i .Lol<""°'\:>)" .A 1\0. lr\bo ~ i n'l •""'ri"O AnJ.e.r->.11"'-(A V" o. J tJ,r '{ Voh.'1 l/oh; p«-1"0 rt,r\ 0 Nos)' Vorika 1

," J. Far~ony ~, r f" { AndraFiQ t f 1 5ahasinoka r, 1 Tonombao i ~ AcJJQkQ~ra 1 &~Clnona \ ~amboro D. ( r~JIr' E.. 'i A· r

1 l Mitenopika 1

1 ManClkora

Matatana 2 _J~ . ,+. :::t .....------

4 Ambol:aka Tanambc , Midebo 2

MarianinQ

2. Maroala 1 ManakarCi

1 - R Ma~a~anCl .! 1 \merina 2 t'latnoron~ '1 Toroony 4

,1 i

..----....- 5 . Manolohony TonjonqQ~O Maroa la (

. ; , ~~-.,,-~------~ ; Faraon)' a~t .)l ..ileo 5 1

1 1,. \ II Tambol'"o f.. , ) BeanQha

\, . 40 tégrés à l'ensemble et restent en dehors des mailles du ré­ seau matrimonial. Nous avons déjà fait allusion au cas spé- cial d'Ifaho.

+ + +

Réseau matrimonial , A l'exception des localités dont nous venons de par- ler, les village~ du marais et quelques-uns de ·la vallée moyenne, disons ceux du canton d'Ambila, forment un ensemble

sociologiqu~ rappelant la notion biologique d'isolat. En effet, non seulement ces villages ont des kibori communs, mais ont tissé entre eux un réseau d'échanges matrimoniaux presque fermé. Ceci ressort parfaitement sur le schéma (f1&. 2) portant les étoiles formées par ces lignes joignant les villages où' les femmes sont mariées aux villages dont elles sont originaires. L'ensemble forme un résea.1.1 confus· dont nous ne pouvons donner qu'une idée en partant d'une demi-douzaine de villages étudiés en détail. On y voit aussi que les échanges matrimoniaux avec l'extérieur sont très rares et' intéressent, toutes proportions gardées, da-' vantage le Nord que le Sud, c'est-à-dire surtout le bas­ Faraony. On a en effet à Hideboka, mis à part l'instituteur, q~atre femmes venànt de villages autres que ceux du marais: trois viennent du canton de Manakara et une d' (Vohipeno). A Ambotaka, les trois femmes allogènes au ma­ rais viennent du bas-Faraony. (Fig. 3, a, b, c, d). Les mariages entre individus de même village sont 0\,:) .

. Cl 9 .

0\' 0 o 0 , oro " o 0 1 o

I • 1 -r- ~ '.. 1__ ..... t m .-- - [] [TI .. nQ . A- '~Vè)

Ah--~el~k~- rn CD tri lit _ 1_' - - -- ,-\ : t 1 ,_ _ f O}O ,.. Q 0 ...... ' .. _. . 1 1 .. ~·B { 1 Dl .. - . [I ·"1Il . ··. ru · .... ~ ...... rn no A- I~,,~

Voh im~ry 41

Possibles du fait de la coexistence,de plusieurs clans ou même de plusieurs lignages([~~. 4). ,13 femmes sur 63 sont mariées sur place à Mideboka (soit environ 20%), et 46 sur 117 à Ambotaka (soit 39-40%) et 87 sur 171 (soit un peu plus de 50%) à r1ahavelona. Considérant ces deux faits, on est fondé à dire que la population du marais forme un groupe presque clos. Ceci ne vient pas d'exclusives qui ne semblent, exister que pour 1a, caste (].aria) des Antevolo,' dont on re­ fuserait égal'ement de manger lés ltsombil,:!;,lt, animaux tués pour la table. Bien que la règle soit de se marie~ entre Temoro, les mariages sont tlpossibles" avec les Tesaka, Te­ rasi, Betsimisaraka, Tanala, Betsileo et Herina. Seraient

"difficilestl les unions avec des Bara, Sakalava~ Hasikoro, - Tanos!, réputés comme ne sachant pas travailler la terre. En fait, endogamie stricte, locale, dans les limi­ tes du bassin moyen de la Manaflano.

+ + +

Il existe entre ces villages des rapports d'ordre plus géographique concrétisés par le réseau dense de routes et' de pistes. Le grand axe reste la rivière l1anaftano sur laquelle circulent des pirogues de bois monoxyles (deux ou trois par village~~ propulsées à la pagaie pour la descente et à la perche pour la remontée. E1Jes transportent-sur­ tout du café, du riz, du manioc vers Ambila et aussi vers l~nakara. Pendant les crues, elJes permettent la traversée

1 42 de la rivière et des parties inondées. Il sera facile de les faire circuler sur les canaux si les ponts et ponceaux sont suffisamment surélevés. Il n'y a pas de charrettes, et l'on ne voit que quelques très rares bicyclettes.

Autant les relations avec les villages de la Mana­ nano sont normaux et fréquents, autant les contacts avec l'extérieur sont rares, accidentels, p~esque toujours subis et.ne sont qu'exceptionnellement recherchés. ·1 A Mideboka, la moitié des femmes n'est pas allée à Manakara, ville distante de 15 km, depuis des années, parfois plus de 10 ans. Certaines jeunes femmes n'y sont jamais al­ lées. "Qu'est-ce que j'irais faire à Manakara?1l nous a-t-on répondu maintes fois. Il leur suffit d'aller au canton, Am­ bila, où se trouve le bureau administratif et où sont grou­ pés les commerçants qui achètent et vendent les produits les plus courants (café, etc.). Ilya aussi à cela d'autres raisons inavouées: on a une certaine appréhension à sortir de chez soi et on ne sait comment il faudrait se comporter: Aller en ville signifie toujours des dépen~es, aussi minimes soient-elles, et ces gens n'ont pas un sou à dépenser. Seuls les hommes s'y risquent une fois par an en moyenne pour ven­ dre du café à un mei11eur prix qu'? Ambila et acheter moins cher quelques effets ou objets indispensables. En fait, hommes et femmes ne sortent que très rarement de J. eur village ou du marais. Cette constatation est vraie pour l'ensemble des villages avec les nuances suivantes: la proportion des per­ son~es sortant parfois du marais est un peu plus grande vers l'Est et le Sud-Est, par suite de la plus grande proximité de la ville. Elle diminue au fur et à mesure qu'on s'en éloigne!' En fait, pour voirdu'pays, on va vers Je Nord ou vers l'Ouest, c'est-à-dire la vallée du Faraony et le poste de Sahasinaka. B1.en que relativement loin de chez soi, on n'est cependant pas dépaysé. Certains hommes pourtant ont dépassé les limites du canton et du district et ont voyagé, qui à Fianarantsoa, qui à Mananjary, qui à Vohipeno. Certains mAme ont été ap­ pelés sous les drapeaux e't ont vu Horamanga. D'autres sont allés "dans }'Ou.est" et ont vu Ma,junga au cours d'un voyage pour aller acheter des boeufs. Ces exceptions ne comptent guère plus que 1 à 2% des hommes, et moins de 1% de l'en- . semble des adultes. Ce manque de contacts avec l'extérieur se traduit encore par ]'insignificiance du trafic postal, dont l'es­ sentiel est destiné aux fonctionnaires ou en émane. stéréotypes

Bien que vivant repliée sur elle-même, cette popu- , lation temoro n'ignore pas totalement le reste du monde et soit par "on dit", soit en se basant sur les quelques repré- 44 sentants des autres groupes qu'elle a pu rencontrer, elle peut formuler un jugement sur les groupes voisins. Pour les obtenir, nous sommes passés par Jes plus âgés des enfants des écoles qui reflètent valablement l'opinion commune. Evidem­ ment, les opinions individuelles sont variables et ne concor­ dent pas forcément. Ne pouvant dans notre esquisse rapide de cette population entrer dans tous les détails, nous ne donnons que les opinions les plus courantes. Pour donner plus de relief à certaines appréciations, nous citons en mê­ me temps le jugement des Temoro sur eux-mêmes et sur les Va­ zaha. Les Temora sont, à leurs propres yeux, des cultiva­ teurs durs au travail, forts, avisés et sachant se bien te­ nir. Pas voleurs, ils sont des gens simples et faciles à mener. Les Tesaka leur apparaissent tout d'abord COlllŒe des· gens ne respectant pas J.e f.ê.Q.i du hérisson et de l'anguille. De pJus, ils parlent vite. Enfin, ils sont batailleu.rs, vo­ lontiers voleurs. Ils n'aiment pas à rester au même endroit et se placent facilement chez des Vazaha. Les Tefas1, bien que parfois jugés voleurs, sont bien considérés, travaiJleurs et respectant autrui. Les Tanala, dans Je marais proprement dit, ont la réputation d'être musiciens, jouant du tambo~T et de la flû­ te, un peu fous, un peu voleurs, sales, galeux et remplis de puces. Ils sont évidemment mieux connus des villages pro­ ches de la forêt qui les tiennent pour d'incorrigibles fai- 45 seurs de "~I, riches, gr§ce à leur café, propres et capa­ bles. Les lLetsileo sont réputés très travailleurs, forts, un peu gourmands, com~erçants avisés et braves gens. Les Vazaha sont des gens à la peau blanche, riches, propres, instruits, distants et ne sachant pas le malgache, ayant l'autorité et la disposition de moyens matériels puis­ sants, autos, bulldozers et avions. En conclusion, les Temoro, comme chacun, ont très bonne opinion d'eux-mêmes. Ils respectent les Vazaha, déten­ teurs du pouvoir, ont de la considération pour les Betsileo, s'entendent bien avec les Tefasi, se moquent un peu de Tana­ la et se méfient des Tesaka. Garçons comme filles n'envisa­ gent jamais de rester célibataires ni de se marier en dehors du groupe temoro. Ils épouseront si possible quelqu'un du marais et de préférence quelqu'un qu'ils connaissent de~,is l'enfance. En envisageant l'avenir, garçons et filles désirent avoir de 5 à 8 enfants, si possible un peu plus de garçons que de filles.

Le mond~ extérieur

La connaissance du monde ·de ces enfants est tr~s limitée. Ceci ressort des hommes célèbres qu'ils peuvent citer; tantôt c'est l'ombias1, voisin réputé pour ses char­ mes contre la foudre, tantôt c'est M. Car1et, le colon pro­ che. Ce peut être aussi le chef de canton ou le gouverneur , '.

46 général, parfois l'au~Gur de livres de classe, Claude Augé, ou M. Carle ••• Souvent aussi le nom des héros de contes malgaches appris en classe et dont on dit qu'ils étaient cé­ lèbres (Ikotofets~ et Imahaka). Jamais, il n'est fait men­ tion d'un homme politique, d'une vedette sportive ou d'un inventeur génial. Les plus jeunes, pleins d'ingénuité, citent leur père "célèbre pour les avoir mis au monde" ••• Les rapports avec l'extérieur sont donc réduits et sont surtout centripètes plutôt que centrifuges. Ceux qui sont le plus profondémen.t ressentis sont les rapports "admi­ nistratifs", l'obligation de payer Jes impôts pour des com­ pensations jugées parfois insuffisantes: taxe annuelle de D.D.T., alors que le traitement des cases n'a pas eu lieu depuis deux ans et que lèS parasites (puces) pullulent.

Le Village

Le village est d'abord une unité administrative qui peut grouper plusieurs localités. Exemple: Nosia1a qui grou­ pe 5 sous-villages. Chaque localité a un foyer mystique, le fatrange, symbolisé ou non par quelques pierres et parfois, poussant entre elles, quelques plantes: Qetoetr~ (Liliacée), goya­ vier. C'est le nombril du village où se déroulent les sa­ crifices, collectifs ou non, et où sont invoqués, en dehors des ~bori, les ancêtres. La place libre autour du Fatrange (kianja) est commun à toutes les familles, lignages ou clans, • $ a • 5 5 5

DJ Cèlse '--1 C.<)~ 1-l'-1 li! en con.s truchon.

°1°o 0 Grenier ;, di:> q LH2.5

01q 0 • Q 0 GrenIer Sèns df'sques

CD fi

4 I----l m

_e ~__ ~~ -- . m:\: rn . 'Ji, 1 ' MO L.J , Co..se·....n con.st I~v~ 010 . .' rMction A-, 0\0 , (> O' ûrent'e.r ~ J' DJ :\:DJ ~I~ ,'.. qoes o.00 00000 . :1: [I] 1 0 r .sèh,s d' , ru ...... o 6renie , ./. '$9Lt~S ' ,". :1: .0: DJ l ,Vo him~r F F~~r~nJfe.::> OL4 Ii~.:.. ~~cre~ , :/:" ,'[] , y

o pL'o"e~~ &solé . []] DJ Li~i~ (TI 0 0 DJ __ ,de Iî nè- e...... rum CO J. DJ :1: DJ 1 m· '., s g :__m_~...... ' OJ J :1: rn m .q]][)' lI: CD mm I;:~ rn DJ ITJ . m. .•.... '.' " m :1:•• 01" 1~~omm OJ.. CD (\:ill ' o. ' ',,' ", '. [Drn .'om r 0 [] ::: ru FCD :1: []] ru 0 LU 'm '. m' [TI , [] [] 1 CD [Dm [TI ·o\~ CO) ru.. CD Ulm ' m _ DJ rn -\. l' dg rn :-~." 1 OJ 1010" fi [TI ( ITJ' 1 J t '," - ~vÔJ m-~ _~ ,CD 't CD JD_l CD ,// m*liJfQ jtl_, hO [] A ~lg hO om CD" " OJ ml..•• [DI . f _ I·[IJ A I~v!l.." m·:1 01o 0 010 0 ,-co,0 .- -m"'-1, 1 - DJ .- ".:' 0 rn rn ,.\ __[D l,' [TI /ol~ _ F· ... '' 0 - ;-;, _L:::: rn-I r\\ ·S. \' 10] / Lrn- --A n~~I~k;-' : , 010 ['l'l _/ .. 1••\. UJ.. <.'ff\ 1- -/ m [] : [0. ," .. "• "\" _ __ ). LU\ 1 []] rJ:I- DJ ~OJ · , 010 /'-W i llJ 0 0 DJ"'I. \\'-.:: rn\JJ rn 1\-.,:;-" /- ---rn-il: - i '[Dm ~~.. m m III rn.. ~~L! ~. . DJ CD.' "'

...... no A - l~v~ Vohim~ry ,' ...... ,dT!,// (\\\.D <.c: 111) / . " .... c'est un terrain neutre. Le reste du-village est réparti ent~e les clans et les lignages. Le terrain leur appartient en propre et chaque groupe ou sous-groupe ne peut empiéter sur le territoire d'~n autre groupe sans son consentement ex­ primé '(~. 5). Bordant le kianja ou cherchant à s'en rap­ procher le plus possible, sé trouvent les maisons communes (trano~~J de chaque clan ou lignage. Ces petits territoires ont leur vie collective propre mais par les échanges de fem~ mes leurs populations marquent un intérôt considérable pour ,tout ce qui se passe chez les voisins. , Sur le territoire du lignage, chaque famille a Sa maison plus ou moins grande selon son importance sociale. En annexe de la maison, se dresse le grenier dont la présence (ou l'abSence) et la forme indiquertt ,encore un certain rang social et économique. On a ainsi urie matérialisatiort des situations; les jeunes ge~S dé1ibata1res v1~ent dans lâ maison du chef de fa­ mille et aVê6 l'accorà de ceiui~ci comM~ncent la const~uction d'une case. Ils la te~~irlbnt pour se ~at1er .et abriter leur foyer. Ils n'ont enCOre qu'un silo à grain intérieur (hQm­ ...... bona) dans le 601n Sud-Est de leur case. Au bout d'une di- zaine d'années, leur situation est suffisamment assise et à _ cause de lèurs nombreux enfants, ils envisagent la constru­ ction d'un grenier extérieur à six pieds, peu surélevé (tranambq hombona). Dix ans plus tard encore, devenus pos­ sesseurs de nombreuses rizières et disposant de nombreux fils pour cette construction, ils pourront édifier un magni- 48 tique greniersu~ quatre épais pilots, protégés contre les rats par des disques. C'est la tranambo satr~. On a ainsi à Hideboka: 14 tranambo sa,traha, 12 lli­ nambo... hombona.- A Ambotaka, on a 24 tranambo satraha et 25 tranambo hombona.... • Ces solides constructions aux piliers massifs peu­ vent durer au moins deux générations, en remplaçant le toit toutes 10s fois que de besoin. Ceci explique qu'elles soient en relativement si grand nombre. Il faut toutefois ne pas se méprendre et se 1aisser abuser par l'aspect impos~nt de ces constructions de bois, cases ou greniers. La plupart du temps, elles sont vides. De même, un homme mûr, devenu chef de famille, semble jouir d'une situation sociale enviable et bien supérieure à celle qu'il avait étant jeune homme. En réalité, les différences sociales ne sont guère ressenties sur Je plan matériel. Le jeune homme doit son travail et son salaire à son chef de famille, puis il vit pour sa femme et ses enfants et quand il accède à son tour au rang de chef de famille, s'il béné­ ficie du travail des jeunes hommes et des grandes filles célibataires, il doit les nourrir et nourrir en outre les vieillards et recevoir les hôtes. Il est astreint à moins de travail physique mais a plus de re"sponsabilités, celle en particulier de procurer assez à manger à tous. 49

Organisation La population de chaque village, scindée en lignages comprend des hommes et des femmes. Les hommes se partagent en classes d'§ges corres­ pondant aux grands §ges de la vie. Sans entrer dans le dé­ tail des 8 termes désignant les étapes de J'enfance, on dis­ tingue: les enf3nts zazakeli, jusqu'à 6 ans ~beminonQ, jusqu'à 16-18 ans ~alahi ou mpanompo, jusqu'à 22-25 ans andriambavent1, jusqu'à 40 ans g,ara,g~, jusqu'à 50 ans ~arag~~a fotsi~9~, jusqu'à 55-60 ans gar'a,g,eha ankopdonë!Q, vieillards chenus. Deux classes sont spécialement organisées. Ce sont les mpanompo qui élisent leur chef et Jeur secrétaire. Ils exécutent leurs tâches en corps constitué ou sur ordre indi­ viduel. Ils se réunissent presque chaq11e soir sur ]a convo­ cation d'un crieur qui a un refrain bien connu: "Ohl mpa­ nompo". Ce même crieur transmet à la foule les avis et an­ nonces, "mandraraka rohonQ", qui émanent des autorités du village ou passent par leur intermédiaire. Ils sont les exécuteurs 'habituels des corvées, mais J.eur fonction so­ ciale fondamentale est de transporter les corps des décédés aux kibor.i. . Leur groupe d'~ge relativement homogène incorpore un à un les "beminono" quand ils en ont l'âge - en fait quand ils commencent à payer l'impôt - et éliminent progres- 50 sivement les jeunes hommes au fur et à mesure qu'ils sont pris par leur foyer et leurs responsabilités familiales •. Les beminono ~nt tendance à les imiter mais restent en petits groupes inorganis~s.

L'autre groupe dynamique est celui des andriamb~­ venti ou hommes faits qui sont mariés et ont deS enfants. Ils ont le devoir de nourrir et conduire leur famille et de participer aux travaux collectifs pour lesquels il f~ut un grand concours de forces et pOlIT lesquels les mpanompo se­ raient insuffisants. Ils sont convoqués spécialement et nourris par celui qui requiert leur aide: érection ou cou­ verture d'une case, piétinage ou défrichement d'une très grande rizière. Ils représentent le village lorsque des dé­ cisions collectives doivent être prises. En principe, ils' expriment les opinions qui leur ont été soufflées ou suggé­ rées par les garageha qui ne se dérangent plus mais ont pour prérogative d'ôtre les conseillers expérimentés. Les femmes suivent de très loin ces mômes divisions, mais dès leur mariage, risquent de se trouver, pour 45% des cas en moyenne, hors de leur village d'origine. Venant nor­ malement de villages fort différents, il leur est difficile de s'organiser. Seules les vieilles femmes depuis longtemps intégrées dans un village peuvent constituer une opinion so­ lide avec laquelle on peut compter. Elle ne touche guère que des domaines d'ordre féminin, mais de ce fait devrait pouvoir jouer un rôle dans la promotion du bien-être et cer­ taines questions d'hygiène, de cuisine, de confort. La fem- 51 me qui, en principe, mène les autres est l'épouse du mpanjaka en fonction. Le mpanjaka. Ce titre correspond à une institution strictement tomoro. Il s'agit d'un chef de famille, choisi parmi les garageha ou les andriambaventi et qui, pour un temps variable, est investi de pouvoirs plus honorifiques que réels, mais dont la réalité dépend beaucoup du caractère de celui qui a été élu. Il peut être un vrai chef ou seule­ ment un llpieu-monarque 1t décoratif. La présence d'un mpanja~ ne supprime pas la fonction de chef de village nommé par ailleurs et que connaît, seule, l'Administration. Il peut réduire son rôle à n'être qu'un simple collecteur d'impôts. Selon les personnalités en p~ésonce les rôles varient. En principe, le chef assure les rapports avec les divers rouages administratifs, et le mpanjaka n'a qu'un rôle tout tradition­ nel de gardien de certaines traditions. Nous traitons à part et en détail de la cérémonie d'intronisation (fanabe­ ~) et de son importance sociale et économique.

Territoire du village

Autour de la localité s'étendent les terres du village. Los limites, même non matérialisées, sont connues et peuvent correspondre à un cours d'eau ou une ligne de hauteurs. lfais les terres appartenant aux habitants des villages ne coincident pas forcément avec ceux-ci. On peut avoir des terres distribuées sur le territoire de plusieurs villages. Des habitants de Hideboka ont des rizières à Am- botaka, des caféiers à Androrangavo~a ou à Amboanjo. La si­ tuation foncière est fort complexe, mais bien que ~'immatri­ culation ne soit intervenue que pour un petit nombre de par­ cel~es possédées par des indigènes, chaque famille connait parfaitement la situation et la consistance de ses terres. C'est à propos des terres que les querelles sont les plus vi­ ves. Les différends et les contestations sont généralement examinés et tranchés par les autorités villageoises elles­ mêmes, assistées du Président de la Collectivité. Il arrive cependant que des querelles paraissent insolubles (cas d'une parcelle revendiquée par des cohéritiers) et dégénèrent en rixe, comme le cas s'est produit en Novembre 1957 à Nosiala~

La famille == Il

Dans chaque village, qu'il comprenne des clans ou des lignages, on compte plusieurs familles nettement struc­ turées à partir de la parenté des hommes. Les yieillards n'ayant plus de force ont laissé la charge des responsabi­ lités à l'un de leurs descendants, normalement un garageha ou un andriambaventi jouissant d'une réelle autorité et ayant déjà fait ses preuves. C'est lui qui occupe la tranobe. Ensuite viennent ses pairs par l'age ou la naissance. Les préséances sont réglées sur la primogéniture. Les femmes suivent le rang de leur mari. Chacun occupe une maison en rapport avec sa situation sans que l'orientation respective des constructions joue un rôle quelconque même si l'Est est 53 plus honorable que l'Ouest? et le Nord que le Sud. En effet, tout le côt~ Est de la maison est place d'honneur. Les pré­ mices du riz sont accrochées vors le Sud-Est dans le toit non loin du pilier Nord-Est du séchoir monumental (~raf~~~), qui surmonte les foyers. Le pied de ce pilier est la place attribuée de la maîtresse de maison. Il porte un manchon de

J vannerie (saronondrik~) servant de fourreau aux cuillers à long manche, louches, chalumeau, d'usage courant pour la cuisine. C'est également de CG côté qu'est suspendue la van­ nerie contenant le sel (~aron~tAir~). En suivant l'ordre de naissance des hommes, du chef de maison (lohatr%llQ) aux enfants en bas âge, en passant par les vieillards, les hommes faits, les jeunes hommes et les garçonnets, chacun a une place précise que nul ne lui dis­ pute. Pour employer des expressions sociologiques, on est en présence d'une société de type endogamique, patrIlocale et patrilinéaire. La parenté se transmet par les hommes qui, en se mariant avec des femmes appartenant au môme gro~pe ethnique, fondent leur foyer dnn.s leu!' village d'origine auquel leurs femmes se trouvent du moins jusqu'à leur mort. Elles sont en offet enterrées dans 10 k;i.12C?r..:i.. de leur clan d'origine. Les enfants appartieru1ent nu p8re et à son clan. Normalement, les familIes croisse11.t sur place et savent où est chacun de leurs membres. Dans de raros cas (quatre dont une femme), on a perdu le contact avec quel­ ques individus partis au Ioin pou:.... 0.08 1~8isons diverses (ap­ pelés sous les drepeaux) (2), partis en émig1:'at.~;_m~ (yf~tll}l~n.Ka) , .

,,'

(1), ~riée avec un fonctionnaire (1). La parenté est classificat

AUx liens de parenté et d'alliance par mariage peu­ vent s'ajouter les liens de fraternité de sang (m~anat~­ dr'a ou mifanangen.a). Cette alliance joue pour les parents des alliés à tous les degrés; elle joue également pour léS femmes m~e après répudiation éventuelle et, quant aux des­ cendants, crée un emp~chement au mariage qui ne joue pl~ à deux générations. Dans le cas de la parenté naturelle, la prohibition de l'inceste interdit le mariage entre cousins (croisés ou parallèles) jusqu'à la quatrième génération. A la troisième génération, le mariage est possible, mais nécessité un sacri­ fice pour lever l'interdit.

Vie guotidienne

Le chef de famille (loha-trano), qui appartient très généralement à la classe des ga~ageha, a pour attribu­ tion principale la répartition quotidienne des t~ches et des travaux entre les hommes de la famille. Il tient évidemment compte des annonces criées la veille et émanant du chef du

v1llage~ des travaux normaux de la saison et des forces de chacun. Enfin, il contrÔle et vérifie l'exécution de ses ordres. Quand certains jeunes hommes vont travailler contre salaire, ils remettent l'argent au loha-trano qui en dis­ pose. En contrepartie, ils sont nourris, logés, et reçoi• vent de temps à autre une rabane ou une étoffe pour en faire un vêtement ou un drap. Soins et remèdes en cas de maladie incombent au loha-trano. L'entraide est normale surtout à l'intérieur des lignages, des clans ou du village. ECONOMIE j

Pour essayer de préciser le niveau de vie de cette population, après avoir dit quelques mots du commerce, nous donnerons quelques exemples de l'équipement de quelques fa­ milles pris à 11ideboka et ailleurs. Nous dirons un mot de l'alimentation·et citerons quelques budget~. Nous conclue­ rons l'ensemble par des réflexions d'enfants. Le commerce dans les marais d'Ambila est extr~mement réduit. Quelques commerçants, groupés au chef-lieu de can- , ton, sont presque" les seuls intermédiaires entre les magasins de gros de Manakara et la population. Outre leur ravitaillement personnel quotidien en lait, légumes, fruits, oeufs, volailles, poissons, ees bou­ tiquiers achètent le riz ct le café aux personnes qui vien­ nent leur en proposer. Ces achats se font en principe au poids, mais peuvent porter sur un double décalitre comme sur le contenu d'une ou deux p8tites boîtes de conserve. Ln fem­ me apporte un ou deux hectogrammes de café et avec l'argent qu'elle reçoit, achète aussitôt le filou le gobelet de pé­ trole dont c11e a besoin. L'unité de transaction est la pièce de 5 F. Portant sur de minimes quantités, les prix de détail sont forcément gonflés, toujours au bénéfice du commerçant. Il y a, à Ambila, deux débits de boissons alcooli­ ques et trois magasins-bazars vendant aussi des denrées ali- 57

mentaires et des étoffes•. On trouve de ces "boutiques" à

'. Ifaho (prix très bas, sans but "commercial"), à Marianina t à Ambotaka, à J{ahazoarivo et surtout dans les villages situés le long de la route en remontant la Hananano: Androrangavo1a, Amboanjo, , etc. Dans de gros villages comme }fuhavelo, on peut égale­ ment se procurer dans des cases qu'il est difficile d'appe­ ler boutiques, du sel, du sucre, du savon, du pétrole, des bonbons à la menthe, du tabac à chiquer et du paddy. Ces produits achetés par petites quantités chez un commerçant d'Ambi1a ou à Tfaho, sont revendus à prix fort par 5 F ou 10 F. Les inventaires- sont approximatifs et ne donnent que des indications.

Famille N°l - ménage, 8 enfants Animaux: 5 boeufs 3 volailles Terres : 3 ha de rizières 150 pieds de café 1/2 ha de patates 1/2 ha de manioc

Famille NQ 2 ­ ménage, 4. enfants Animaux: Pas de boeui's Volailles: 1 coq, 2 poules, 15 poulets Terres : l 5 ha de riz l~O pieds de café patates et manioc Outils ,etc: l couteau-hache 1 angady 1 couteau à riz 3 marmites 5'8

Famille NQ 3 .. ménag~, 7 enfants Animaux: Pas de boeufs 2 coqs, l poule, poussins

Terres J l ha de rizière (obtient 25-30 vata de riz) Pas de manioc Patates Café 50 pieds, d'autres petits Outils: 1 angady 1 ansi - pas de hache, ni pelle. Vaisselle:2 marmites 1 cuvette, diam: 60 cm 2 assiettes " 30 cm 2 Il II 20 cm l bol fi 25 cm

Ces exemples suffisent, car d'autres ne feraient que les répéter. Nous avons déjà nentionné l'absence de linge et le très petit nombre de vêtements. Si nous prenons l'ensemble du village, voici un in­ ventaire significatif: Mideboka, village de 337 habitants. (exception faite de l'instituteur) Bicyclette: 0 Fer à repasser à braise: 2 Machines à coudre : 3 Pendule, horloge, montre: 0 Pirogues · 3 dont l au village Lit ·• 1 (sans matelas, ni paillasse) Moustiquaire • o Niroirs ·• quelques-uns petits, mobiles. Chaussures • 4 paires Phonographe ·• O. 59

Aocordéon • l - collectif, appartient à l'en­ · semble des jeunes, garçons et filles, acheté il y a 4 ans. Lampes à pétrole : 12 dont 2 avec verre • les au­ tres sont des lumignons, le reste des cases est éclairé par le feu du foyer. L'instituteur, compté à part, possède lit et mousti- quaire, chaussures, révoil et bicyclette. En fait vit en dehors de l'agglomération. Dans le village d'Ambotaka (732 habitants), l'inven-­ taire est sensiblement le m~me.

Machines à coudre • 4 - pirogues: 4 Fer à braise ·• 1 Lit, moustiquaire • a

Bicyclette, phono • 0

Accordéon • 1 (aux jeunes, collectif)

Chaussures • 4 paires Un commerçant Betsileo possède cependant: lit et moustiquaire, un réveil et des chaussures.

Alimentation

Nous avons donné plus haut le calendrier alimen­ taire- et, pour être irréprochable, notre enquête, aurait dû porter sur le déroulement d'une année complète. N'ayant pu réaliser cette condition, nous ne pouvons donner que des probabilités que nous jugeons valables. Des menus que nous avons pu noter, des questions posées aux villageois, de diverses constatations, nous pou- \ ", 60 vons tirer les conclusions suivantes: Viande, poisson. La consommation de viande est très faible: le boucher d'Ambila ne tue en moyenne qu'u~ boeuf ot tUl porc par semaine le jour du marché, ce qui représente 300 à 350 kg de viande. La clientèle théorique est non seulement la population du village, mais aussi l'ensemble des habitants des villages voisins, lrideboka, Ambotaka, Tanambao, Vohipana­ ny, Tamboro-Est et Tamboro-Ouest, Beanana, Mnrofarihy, soit au total près de 5 000 personnes. Or, il reste encore des morceaux à vendre à 4 h de l'après-midi. Il n'y a guère d'abattage dans les villages, sauf pour les cérémoniesd'en­ terrement ct celles dites fanabezana ou intronisation des mwnjaka locaux,. qui peuvent comporter le sacrifice de 1 à 4 boeufs. Les troupeaux comptent si peu dG têtes que la mise à mort d'un animal représente une très grosse perte pour son propriétaire. Il arrive que, quand on a des hôtes, on mange une volaille, mais le fait reste exceptionnel. De plus ces vo­ lai11es étiques, qui pondent des oeufs minuscu.les, quand elles sont partagées entre une dizaine ou une douzaine de convives, donnent du goût au b01J.illon mais font un tout pe- tit morceau pour chacun. Il n'y a à peu près pas de chnsse. On ne mange de PQi.son qu'à partir de Novembre. Anguilles ou petits poissons attrapés dans les mares. La con­ sommation passe par un maximum vers Février pour tomber en­ suite à presque rien. 61

Insectes. Les sauterelles sont consommées quand elles sont en vols nombreux. On monge auss~ les cigales, certains coléoptères (voangaratra), les larves de libellules. Qraisses. Absence presque totale de graisse dans cette alimentation presque exclusivement végétale. Pas de noix de coco, très peu d'arachides achetées chez un commer­ çant. Riz. La majorité de la population ne mange du riz que pendant une moitié de l'année, sept à huit mois en moyenne. En offet, si l'on admet un rendement moyen de 1 000 kg de paddy par hectare de rizière, la famille N°l n'obtient que 2 000 kg de paddy, soit environ l 300 kg de riz par an pour la bouches à nourrir. Ce qui donne une ration quoti­ dienne de 350 g de riz. La capacité des greniers donne des indications du môme ordre: 2,5 kg de riz par jour pour une famille de 8 per -sonnes. Pour évaluer ces rations, on doit tenir compte non seulement des surfnces cultivées ou de la capacité des gre­ niers, mais encore du fait que ces villageois vendent volon­ tiers 8 à la vata de riz pour se procurer de l'argent, ce qui vient en diminution de la quantité consommable. Nous considérons que la ration de 350 g de riz par jour et par personne est la ration vitale minima. Elle peut néanmoins, dans d'autres populations, être tenue pour suffisante quand il y a abondance de plantes d'appoint. A Ambila, ce n'est pas le cas. Nous aVOns mentionné l'absence de mais, de ha- 62 ~

ricots, de pommes de terre. Il n'y a pour compléter ou pour constituer le fond des repas que le manioc, les patates et dans une certaine mesure les bananes. On consomme aussi, cc 41 qui est une preuve flagrante de déficit alimentaire, les fruits de ~ (Typhonodorum Lyndleianum. Schott. Aracée).

F~lits. sucr_~. A part les bananes, le marais a peu de frUits sucrés: letchis, mangues, coeurs-de-boeufs, pôches, jaques que les enfants rapinent. Très peu de canne. Pas de .~ miel. Considérant l'ensemble, on peut dire que la popula-

'. tion n'est pas en état de famine mais, sous réserve d'enquê- tes de nutrition échelonnées sur l'année tout entière, que les rations absorbées sont justes suffisantes pOtIT subsister. A notre avis, elles sont trop faibles pour permettre un tra­ vail intense ou continu pendant toute la jovrnée. Nous estimons que la durée moyenne du travail mas­ culin par jour est de 4 à 5 heures. Avec la ration alimen­ taire actuelle, il paraît difficile de l'augmenter. Il convient de mentionner ici et'dès maintenant que les conditions d'équipement et de nutrition que nous venons de décrire sont celles du marais. En remontant la l~naflano, la situation s'améliore un peu. Ceci ressortira de l'étude des budgets.

1,, 1 63 Budgets annuels (approximatifs),

Cas N°l - R••• , célibataire Recettes : Salaire 75 F par jour (manoeuvre) Travaille en moyenne 14 jours par mois Soit un gain de 1 050 F par mois ou 12 600 F par an. Dépenses: Impôts 2 780 F Tabac à chiquer 520 Un couteau-hache ­ 100 Savon 150 3 550 F

N'a pas acheté de linge, car drap et culotte durent 2 à 3 ans. Le reste est de fabrication familiale. Remet son salaire à son chef de famille.

Cas N°2 - T•••• , marié, 6 enfants. Dépenses Recettes Vêtements 3 825 F Riz : 7 doubles décalitres Couverture 600 à 15'0 F = 1 050 F Sel 520 Café: 70 kg à Ta ba c à chiquer 1 825 120 F = 8 400 Savon 1 240 9 450 F Cahiers écoliers 480 Bonbons 45 (a probablement vendu quel­ Impôts 1 750 ques kilos de café de plus) 10 805' F

Cas N°3 - Ménage, 4 enfants. Dépenses Recettes Vaisselle 300 F Café:, 4 doubles décalitres Capote militaire soit 72 kg à 130 F friperie 600 = 9 360 F Etoffes 480 Impôts 3 970 Outils 200 Sel 260 Allumettes 60 Savon 180 Pétrole 480 Fil 40 Tabac à chiquer 520 7 090 F 64 Pas de dépenses pour le sucre, ni pour les remèdes, car ce ménag~ est entretenu par le chef de famille. ' Ces chiffres, comme on s'en doute, sont des approxi­ mations, car si les gens de Mideboka se souviennent du prix d'achat d'une chemise à 350 F ou d'une robe à la friperie à 200 F, ils savent seulement qu'ils achètent pour 1 F de sel ou pour 2,5 ou 5 F, que leur sachet de tabac leur dure 1 jour, 2 jours ou une semaine, qu'un savon de 5 F ou de 10 F fait un lavage ou lave un couverture; mais ils n'ont aucune idée de l'ensemble de leurs dépenses, ni môme de leurs recettes faites en plusieurs ventes. Ils savent qu'à chaque fois ils ont porté 20 à 25 kg de café vert, soit une charge d'homme répartie en 2 ~ (doubles décalitres). Dans certains villages proches de concessions (ex: Anivoranovola), les dépenses sont légèrement plus fortes, ce que permet la perception d'un salaire occasionnel de 60 F par jour, gagné 4 à la jours par mois, soit une recette de 240 à 400 F mensuels, venant améliorer un budget tout o~t1er Dl1- .- .~. ," menté par la vente du café. i/ ~ J. '.• ' D~ns ce cas, le budget moyen,tourncrait'a:utour'de 13 à 16 000 F par an. En fait, la récolte du café est plus abondante que dans le marais et pout être double et les budgets doivent, dans la moyenne-Manaaano, osciller entre 20 et 24 000 F annuels (cas N°4). 65 pas No4 - Marié, l grand fils, 2 enfants. Dépense§. Recettes Un boeuf 8 000 F Café: ?3 kg Moustiquaire 800 (120 à 130 F Etoffe p/vôtements 450 le Kg) . 9 095 F Couverture 850 Vendu un boeuf 6 500 Imp~ts (2 hommes) 6 775 Salaire à la tâ':re 5 500 Outil (antsy) 190 Riz paddy 750 21 095 F Pétrole 480 Sel 240 (a été aidé par des parents Sucre 4·800 pour les imp8ts, doit rem­ Allumettes 100 bourser (prêt sans inté­ Savon 480 r~t). Couture 25 Cérémonies 100 24 à+o F

Ehfin, nous arrivons à la claSse riche de cette vallée: les notables des villages de la Haute-Manaflano où ceux qui travaillent sur la concession Carlet. Cas N°5 - Harié 1 grande fille, 4 enfants (pi anteur et charpentier) Dépenses 2 boeufs 11 7~0 F Il 750 F Vêtements homme 2 710 Chaussures l 200 Vêtements femme 1 570 Vetements enfants 1 050 Fil, couture 100 Couvertures 3 850 7480 Outils (antsy) 250 Haches 450 Angady 350 Pelles 200 Scie 175 Rabot droit 15:0 1 575

• ••• • • •• • 66

Nourriture - Riz 5 400 Manioe 1 250 beaucoup de Sel 240 denrées ont été Sucre 3 950 oubliées (pé­ Conserves 495 trole, savon, Allumettes 120 etc.) Tabac 3 650 Vin 10 000 25 105 F Impôts 13 122 13 12, VOy8ge train 140 frais 200 640 Cérémonies 250 250 Salaires: canal 5 000 bêchage café 6 5..00 11 500

51 425 F

Recettes Salaire de charpentier (250 F par jour) 10 000 F Vente de café: 1,5 T à 120 F le kg 172 5'00 182 500 F

Cas N°6. - Narié ~ 1:. enfants (Tanala) D.épenses Machine à coudre (occasion) 5 0QQ.. 5 000 F Impôts (pour mémoire) V~tenents, chaussures l 500 Pontalon, veste l 250 Lamba 300 Vêtements femme 1 550 Couverture 650 Vêtements enfants 2 265 Fil, couture 200 7 715 Outils: antsy 180 hache 180 couteau de p_o~ch_e_l:::.;O;..;O~ _ 460

• • •• • • • • •• 67 Nourriture ménage Riz 6 520 (supplément Savon 2 080 à la ration) Sucre 1 56.0 Pétrole 3 600 Allumettes 520 Huile t graisse 320 Vin 700 Conserves 13 000 Légumes 1 d+o Bonbons l 822 31 165 Voyages train 140. frais 300 Cérémonies 5'00 cjro 45 280

Recettes Impôts (pour mémoire) Salaire 2 250 x 12 27 000 Riz (pour mémoire)· . Prime d'assiduité (minima) 6 000 Vente de café (non chiffré)

Cas N°l - Marié, 4 enfants (Tandroy) Dépense...§. Rizière (à ~havelo) 5 000 Bracelet homme argent 3 000 8 000 Ménage Marmite, assiettes 860 Lampe 475 Fer à repasser 600 Nappe 700 Louche, cuillers 130 2 765 Vêtements 1 600 ChaussUres femme 700 Fil, couture 520 2 820 Nourriture TIénage Riz (complément) 6 520 Graisse (conserve) 1 040 Conserve 420 Pain 360 Légumes 520 Vin zoo 9 560

••••• ~alaireA

Ces deux ô.crn1crs cas, salariés chez H. Carlet, amènent à parler des salaires. Concession Castcllani. Pas de personnel permanent, ~auf les commandeurs - Les journaliers sont payés 60 F par jour et reçoivent 1 kg de riz pilé. Les femmes (cousent les sacs) ont 40 F par jour et le riz. Le gardien, permanent, est payé 60 F par jour, re­ çoit le riz et est logé. 69

Concession Carlek Salaire célibataire 75 F par jour plus 0,9 kg de riz pilé par jour plus 0,25 kg de sel par semaine plus 0,25 kg de brisures de café par semaine. Ration du dimanche pour 6 jours de travail (prime d'assiduité). Une prime d'assiduité est de plus versée en fin do campagne solon le rendement de la concession et qui est d'au moins 20 F par jour de travail, soit au minimum 6 000 F par an. Après un an d'ancienneté, la taxe personnelle des hommGs est payée par l'employeur (2 492 F). Des primes d'ancienneté sont versées de 250 F par an par année d'ancienneté. La ration quotidienne de riz également est portée à 1,2 kg pour les hommes ~ariés, augmentée de 0,15 kg par enfant. L'ensemble du salaire et des diverses primes repré­ sentait en" fin 1955 une somme de 136,70 F par jOt~ pour un célibataire, et 160 à 170 F pour les pères de famille. Les salaires officiels payés par l'Administration pour des travaux fatigants, loin des villages, n'intéressent pas los hommes.

$l&ir;.ipBs d:'8pfant:1: Pour conclure ces quelques pages touchant l'écono­ mie, nous citerons des mots d'enfants. Nous avohs demandé 70 aUX'grands écoliers (13-15 ans), comment plus tard, s'ils étaiont riches, ils dépenseraient leur argent. Sur 57 ré­ ponses reçues, nous avons la répartition suivante: Acheter des boeufs ...... 12 Acheter de la nourriture ••••••••• 10 Payer leur taxe personnelle •••••• 9

Acheter des vêtements • •• • • • • • •••• 8 Acheter dos terres (à riz ou à café) ? Aider leur famille (ascendants ou descendants) ••••• 5 Acheter des meubles, livres, ma- chine à coudre •••••••••••••••••• 5 "Promouvoir le Règne de Dieu"..... 1

Les deux dernières catégories ne comptent que des Betsileo ou des Merina dont 3 filles. Sans attribuer plus de valeur qu'il ne faut à ces réponses d'écoliers, nous pensons qu'elles reflètent les préoccupations essentielles des familles. 27 sur 57 concer­ nent la vie 8atérielle ct les dépenses quotidiennes: nourri­ ture, vêtements, impôts. Acheter des boeufs ou des terres (19/57) sont déjà des idées moins immédiates, c'est capita­ liser. Hever de livres, de machine à coudre, montre que la faim, le besoin de vêtements, le souci d'acquitter les impôts ne sont plus ressentis au niveau des enfants. On ne pout extrapoler tels quels ces chiffres pour en déduire l'importance des strates sociales, car les éco­ liers ne correspondent pas à l'ehsemble de la population. Fonctionnaires, commerçants envoient tous leurs enfants à 71 l'école et les proportions sont faussées en let~ faveur. Parmi le reste de la population, les plus pauvres préfèrent envoyer garçons et filles garder le riz contre les moineaux plutôt qu'à l'école. Il est arrivé qu'un père de famille d~t renoncer à envoyer son garçon en classe, faute de pou­ voir lui acheter vne culotte. Un élève de l'école de Mideboka, plus brillant que les autres, était admissible dans un cours complémentaire de Fianarantsoa. Il dut renoncer à entrer, son père n'ayant pu payer 10 voyage et le trousseau.

Conclusion générale. Tableau d'ensemble == :: =;;= P7

h~ population des Marais d'Ambi1a et de la vallée de la Ha!1ân&nb appartient on presque totalité à la caste Ampanabà~~ du groupe Temoro. Dà~ allogènes sotlt groupés dans des villages récents ou disséminés dans le~ villages où ils sont fonctionnaires ou commerçants. Les villages agglomérés sont d'importance variable. Leur organisation sociale, appuyée à la fois sur les clans et lignages et aussi sur les classes d'âges, est forte et cohérente. L'horizon de la population ne s'étend guère au­ delà des limites du pays et le réseau matrimonial," très peu ouvert vers l'extérieur, l'est davantage vers le Nord que vers le Sud. Parmi les groupes voisins, Betsi1eo et Tefasi bénéficient des meilleurs stéréotypes. Du point de vue technologique, cette population est à un stade très inférieur par comparaison avec le reste des populations malgaches: techniques archa!ques et primiti­ ves presque sans outils ni machines; élevage et cultures à un niveau également très bas. Considérant l'aspect économique, on peut dire que le niveau de vie oscille entre 9 000 et 25 000 F par an et par famille, quant au numéraire. La nourriture, qui n'entre pas en compte dans ce calcul, reste cependant dans le m~me ordre de valeur. La situation s'améliore progressivement en approchant du pays tanala où la culture du café, la possibi­ lité occasionnelle de travail salarié, augmentent de façon variable les ressources. Ce rapide examen nous amène à notre seconde partie. Nous pouvons regrouper nos constatations, en chercher les causes et suggérer dos ·solutions.

, ?3 11° PARTIE

...... CONSTATATIONS1= , C' - SUGGESTIONS

Nous allons formuler maintenant cinq constatations qui nous paraissent essentielles et dont nous chercherons les raisons et les explications. Celles-ci, mises en lu­ mière, permettront de suggérer les solutions appropriées. Bien que ces constatations soient prése~tées sépa­ rément, elles se rapportent à une meme réalité et les rew~r­ ques faites à propos de l'une d'elles sont souvent valables pour toutes. De mame les diverses actions proposées sont plus ou r' moins solidaires les unes des autres, et chacune, bonne en ~ ,1 i soi, ne prendra sa p:J,.eine efficacité que dans l'application de l'ensemble.

Chacune également pose des questions pour sa réa­ lisation. Sans en méconna1tre le nombre ni la comp1ex1t~t nous les ignorons délibérément comme n'étant plus de notre domaine.

Rremière constatation.: Misère physiologique

Ce qui frappe le plus, en étudiant de près la po­ pulation du marais, c'est son extr~me misère. Malgré des maisons imposantes, pas de meubles, pas de linge, pas de matériel, pas d'outils digne de ces noms. Des troupeaux Chétifs, des volailles étiques, pas de jardins, des champs insignifiants, du riz en quantité insuffisante. Comment pourrait-il en ~tre autrement quand la journée de travail des

" hommes n'est que de 4 à 5 heures et qu'il y a en plus un ou deux jours chômés par semaine? Mais, si continuant l'examen, on en arrive à l'ali­

mentation, on voit qu'elle ne comporte pas de viande, ni d~ lait, du poisson~'ou des insectes 3 mois sur 12, qu'elle ne • comporte presque pas de sucre, ni de légumes. La base n'en est pas le riz, mais le manioc, les patates, complétés par les fruits de vih$. On doit conclure que cette population a faim. Non pas la faim hidèuse ct décharnée, mais la faim insidieuse et épuisante. Ces Temoro ont une ration quoti- . dienne quantitativement suffisante, mais déficiente en qua­ lité. La tuberculose fréquente en témoigne. On a une preuve supplémentaire de cet état de mal­ nutrition dans ce goût des orgies qui se retrouve chez tous les peuples mal nourris (1) et qui chez les Temoro sc man1- feste lors des fanabezana. Un autre argument encore est le fait que les éco- ,. liers ont pour projet, s'ils deviennent riches, de manger à leur. faim. Comment travailler fort, assidllment, aller s'embau­ cher sur des chantiers lointains, aller cultiver des champs nouveaux, quand ce qu'on mange suffit juste pour ne pas dé-

(1) Cépède (M.) et Lingellé (H.).- Economie alimentaire du globe, p. 253. 75 faillir. Comment travailler plus de 4 à 5 heures par jour, 5 jours par semaine, quand on est dans cet état de sous-ali­ mentation chronique. Il semblé bien là qu'on soit en présence d'un cercle vicieux: mal nourris, ces gens travaillent peu, travaillant péu ils n'ont pas assez à manger. Il faut donc briser ce cercle. Il y a deux solu­ tions: ou bien obliger les hommes à travailler davantage pour pouvoir se mieux nourrir, ou bien commencer par nourrir les hommes pour qu'ils puissent travailler plus fort et plus longtemps. Nous proposons une troisième solution tenant compte des deux précédentes ainsi que de la coutume locale: inviter les hommes mnanompo et andriambavent~, c'est-à-dire la fra­ ction active de la population masculine, à travailler par courtes périodes de temps, quatre jours sur des chantiers où ils seront bien nourris, c'est-à-dire recevront des ra­ tionsfort~~ de riz, de viande, de légumes et de sucre (café au lait). Leur salaire entrera dans l'économie du groupe familial qui, en ,même temps, fera l'économie de leurs rations. L'obligation de consommer sur place ragaillardira los hommes en leur donnant progressivement l'habitude du travail efficace. La fraction de la population qui aurait également

o • le plus besoin'd'un appoint de nourriture doit également âtro la population d'âge scolaire et la fraction suivante. Il serait souhaitable d'envisager dans les écoles une dis­ tribution quotidienne de lait sucré, voire même le fonction- 76 noment de cantines scola1res~ surtout pour les élèves d'éven­ tuels'ateliers pour l'enseignement du travail du bois, du fer, et de l'agriculture, recevant les garçons de 15 à 18 ans. Enfin, le reste. de la population pourrait aussi manger mieux par l'introduction de plantes nouvelJes et un élevage amélioré. Il serait. relativement facile de créer dans chaque village et dans ses alentours immédiats des petits jardins enclos où pousseraient du mals, des haricots, des pois, des courges, des brèdes, des to~ates, des aubergines, des oi­ gnons, etc••• L'impulsion pourrait être donnée à partir des écoles et des jardins scolaires qui produiraient pour lBS cantines. On y apprendrait ainsi non seulement à utiliser le fumier, à semer et cultiver les légumes, mais à les accommo­

der et à les manger. On n'attendrait pas que les radis ou les carottes soient devenus arborescents pour les proposer à un hôte européen de passage. Des instructions simples, appropriées, pourraient &tre données dans ce sens aux insti­ tuteurs qui souvent ignorent tout de ce genre d'enseignement. Certains arbres fruitiers pourraient également ~tre introduits, tout spécialement les orangers et mandariniqrs. , Benucoup de citronniers poussent spontanément sur certains sols (Ambodivoamboana). Il ne peut être question de dire à une population affamée de nourrir des porcs ou des'vol~illcs. On peut le 77 fa.ire dès que la ration qualitative est devenue suffisante. Si la consommation de riz devient continue toute l'année, on pourra envisager l'élevage des oies avec le son de riz. Ces oiseaux savent eux-m~mes trouver au p§turage les compléments nécessaires. Les pigeons; les canards pourraient également trouver place dans le village. Enfin, dans des toits faciles à confectionner, l'élevage des lapins ne pose pas de gros problème. L'herbe nécessaire à leur nourriture peut ~tre trouvée facilement dans les friches aux alentours des villages. Pourquoi ne lancerait-on pas une campagne pour l'élevage des lapins comme on l'a fait, avec succès, pour celui des tilapias? L'élevage du porc, fad! il est vrai, pour un petit nombre, pourrait 5tro encouragé, mais le problème reste de . les nourrir. Pédologues et agronomes devraient dire également si l'on pout envisager la culture des arachides sur les parties non irriguables des terres cultivables. Cette plante, en m~me temps qu'elle améliorerait la qualité de la ration ali­ mentaire, pourrait fournir un appoint de ressources fort intéressant. Sa culture, si elle est possible, implique l'usage de la charrue et du semoir, ,mais poso aussi la ques­ tion de l'érosion et de l'appauvrissement des sols qui a été résolue de façon satisfaisante dans la région d'Ambatondra- zaka. ,F ' -~---~ , 1

78

Un autre fait frappant est la stagnation technolo­ gique: absence d'outils, de machines, d'artisans. Les techniques temoro, sauf la charpente, sont d'un très faible rendement, du fait de l'absence d'outils ou de l'emploi d'outils faibles, insuffisants ou qui devraient être mis au rebut. Ces bêches en tôle, ces pelles réduites à la virole sont adaptées au niveau actuel: elles coûtent très bon mar­ ché ct ne pesant pas lourd, restent maniables pour des gens mal alimentés. Dès que les gens seront mieux nourris, on pourra penser à introduire des outils solides, durables, pe­ sants et efficaces. Sauf également le métier à tisser et quelques ma­ chines à coudre, on ne remarque aucune machine. Parmi cel­ les qu'on pourrait penser à introduire figurent la charrette et la charrue. Il conviendrait d'introduire d'abord la charrette. Nous pensons à des charrettes légères à timon droit et joug de col, tirées par deux boeufs, à roues basses, dont le pla­ teau repose directement sur l'essieu. Ces charrettes très maniables auraient l'avantage de permettre le dressage des boeufs sans les surmener. (Les boeufs en effet, faute de nourriture convenable, ne sont guère plus brillants que leurs propriétaires, eux aussi devraient recevoir des ra­ tions supplémentaires sinon de riz, du moins de manioc). 79 Ces charrettes.très mobiles, passant partout, permettraient également aux hommes de se familiariser avec la conduite ct le soin des animaux. Pratiquement, on peut introduire les charrettes, ' en fournissant roues et essieux métalliques ct en faisant fabriquer timon et plateau par les ateliers scolaires. Un an ou deux après l'introduction de ces charret­ tes, on peut penser à introduire les charrues. Hommes et b8tes y seront préparés et pourront les employer efficace­ ment. Il est probable' que les premières charrues seront lé­ gères, à un seul soo, à reille et'tirées par deux boeufs.

On ne p~ut penser introduire trop vite les brabants doubles tirés par trois couples de boeufs en flèche. Mais il faut s'~n remettre aux spécialistes du Service de l'Agriculture, qui détermineront,' en fonction des sols et des labours à obtenir (1), les types et les poids de ces charrues. Enfin, dans ce pays plat, dès que les gens pour­

ront les payer, il faudra introduire des bicyclE~ttes. En t~oisième lieu, on ne trouve à peu 'près pas d'artisans. S'il y a quelques menuisiers-charpentiers, 11 n'y a, à notre connaissance, que deUx forgerons travaillant à leur compte, dans le canton d'Ambila (Ambila et t~havelo). Et cc sont des "forgerons du diU!anche ll dont l'occupation principale est de cultiver leurs rizières. En tant que for- .geron, 1ls ne font guère que de retravailler les haches

(1) Cf Haudricourt (G.) et Jean~Brunhes Delamarre (M.).­ L'homme et la charrue à travers le monde.- Paris, Galli­ mard, 1955, 506 p. 80 usées et de modifier la forme des couteaux-haches. La création de quelques ateliers scolaires (fer et bois) répandrait l'usage de la scie, dos clous ot de quelquœ outils simples, et provoquerait la confection de lits, de tables, de caisses, d'abris pour les pigeons ou les lapins, etc •••

+ + +

La stagnation technologique ne sera cependant pas vaincue par la seule introduction d'outils et de machines, ni même la création d'ateliers scolaires. Il faut expliquer l'usage, le fonctionnement et l'entretien des outils et des machines. De môme qu'il faut montrer comment b~cher, fumer, sarcler un jardin, dire à quelle époque il faut semer les oignons ou le mals, quelles plantes il convient de donner aux lapins, comment protéger les pigeonniers des rats. Des conseils prodigués 'depuis Manakara par dos fonctionnair'es qui ignorent tout do la vie au vi] laga et ne parlent pas la langue des habitants sont à peu près inopé­ rants. Il faudrait sur place, un Français et sa femme, qui soit Un conseiller rural, polyvaleht qui, mÔme 'sans diplôme, sache expliquer aux gens, dans leur langue, le pourquoi et

\ 10 comment de l'amélioration de leur niveau de vie. Ses attributions seraient celles d'un agent technique, mais son action déborderait forcément le cadre du travail manuel. D'ores et déjà, nous savons qu'il aurait à intervenir dans des différents au sujet de parcelles de terre, qu'il aurait à évacuer à l'hÔpital un malade ou un blessé, qu'il pour- 81

rait organiser des rencontres sportives et des bals, et mon­ trer à démonter un essieu de charrette. Pour mener à bien cette tâche exténuante qui impli­ que de vivre dans .le marais (Station de l1arofarihy), il de­ vrait ~tro secondé par des moniteurs égal'ement "polyvalents", qui seraient chargés chacun d'un groupe de villages rappro­ chés. Il serait également souhaitable que les femmes de ces moniteurs puissent donner des conseils de cuisine, d'hygiène, de puériculture, de couture, toutes choses qui devraient pénétrer également par l'enseignement scolaire. Alors que des moniteurs merina auraient beaucoup de peine. à "s'accli­

mater tt , des Betsileo ou des Tanala pourraient très bien fai­ re l'affaire. Cette action ne pourrait évidemment pas s'exorcer d'emblée sur la masse. Il faudrait détecter dans chaque ,. village los. familles "pilotes" plus receptives que les au- tres qui seraient le truchement par lequel l'enseignement pénétrerait dans les villages. En conclusion, pour vaincre la stagnation économi­ que, il faut introduire cc qu'on appelle parfois l'éducation de base qui ne néglige aucun aspec~ de la vic rurale. Pour cette action, les qualités humaines des moniteurs sont plus importantes que tout le reste.

'1 \ \ 82

Corrélative a la stagnation technologique, apparaît la stagnation économique •. L'économie de troc est dépassée, puisqu'on apporte chez le commerçant une petite mesure de café à vendre ct avec les piécettes obtenues on achète aussi­ t8t du sel et du tabac. Bar ces denrées, la région parti­ cipe donc à des échanges commerciaux avec l'extérieur. Mais oes échanges commerciaux sont si faibles qu'il s'agit pre~uc d'une économie autarcique dans laquelle, pour ôtre satis­ faits, les besoins sont réduits à l'extrême, presque à rien, en tendant vors la limite: Rien à vendre donc ne rien ache- tore En réalité, la stagnation économique nous semble venir de deux causes: d'une part, un évident manque de res­ sources; d'autre part, certains gaspillages lors de fêtes qui en quelques jours anéantissent un potentiel économique qui pourrait être mieux employé. Le manque de ressources n'ost que trop évident: quelques litros de lait, quelques poissons, quelques maigres volailles, quelques mesures de riz, quelques fruits ou quel­ ques racines de manioc ou de patate sont tout. ce qu'on trou- ve au marohe~ d'Ambila. Nous. savons que ces aliments sont prélevés sur l'indispensable,. afin. de se procurer d'autres choses encore plus indispensables: sel, savon, pétrole,ta- bac. Le seul remède qu'on achète est l'aspirine. Quelques kilos de café fournissent des disponibilités, mais il-faut 83

d'abord payer les impôts, et le reste passe à la fr1pe~1e ou à la quincaillerie. Los marchands ambulants perdent leur temps à exposer leur bimbeloterie que personne ne peut nche­ ter. Actuellement, les Temoro d'Ambila n'ont rien à ven­ dre qu'un peu do café. Il faut donc, pour susciter un mou­ ,vernant commercial en augmentant les disponibilités d'achat, trouver quelque chose à vendre. La réponse est facile: le riz. L'extension de la culture du riz devrait permettre à cette popula.tion non seulement de se mieux nourrir, mais de . vendre et du riz ct des volnilles. Grâce à une consom~ation accrue de riz, du manioc, des patates deviendraient disponibles pour des bestiaux: , ' porcs et boeufs. La culture en grand du riz, peut-etrc des arachides amenera sans doute la création d'une rizër1e et d'une huilerie. Ces perspectives n'ont rien d'invrnisembla­ ble ni d'utopique. L'actuelle stagnation économique tient aussi, selon nous, au système actuel des fêtes, particulièrement les fan~­ bczana. Nous savons bien que dans les populations affamées, cesr~pas mo~stres, ces orgies de'nourriture et de boisson, ces "gueuletons", sont normaux. Comme d'autre part, ces f~tes font partie'intégrante du système social et lui don­ nent une certaine forme de stabilité, il ne peut ~tre ques­ tion de les interdire. Néanmoins, nous pensons qu'il serait possible de les réglementer. Nous renvoyons sur ce sujet"à notre étude donnée en annexe.

\ \. ~~~tri!~~ cons\atati~~ : Repliement sur soi

Comme nous l'avons remarqué tant à propos du réseau matrimonial que de la connaissance du monde extérieur, la population de~ marais d'Ambila. vit repliée sur elle-même • ,Ce manque d'horizon, cette absence de contacts sont probable- ment la conséquence de la pauvreté et la cause de la stagna­ tion technologique et économique. Nous venons de voir que par la production accrue de riz, de volailles, éventuellement d'arachides, la population pourrait sortir de sa misère et se tourner davantage vers l'extérieur. Nous pensons qu'il faudrait l'y encourager.

La commercialisation des produits n'est pas neutre. Il n'e~ pas indifférent qu'elle se, produise sur place ou à Manakara, que les sacs soient enlevés par camion ou que la récolte soit portée par les producteurs à un comice agricole. Il conviendrait (quand les villageois auront quelque chose à vendre) d'organiser des marchés, des foires, d'abord dans le marais, ensuite hors du marais. Pour empêcher que les sommes réalisées par la vente des produits locaux ne soient utilisées (et gaspillées) dans les fêtes dont nous avons signalé l'inconvénient, ces foires devraient se placer dans l'année assez loin des mois de Septembre et Octobre, avec cependant Une date compatible avec les calendriers agricole et climatique. Pour élargir les contacts, éveiller la curiosité, stimuler l'imagination, il faut faire voyager les gens. Les foires, les fêtes, les kermesses, les réunions sportives 85

sont des bons prétextes. Pour que les voyages forment la jeunesse, et la forment de façon durable, il convient de les organiser. C'est dans ce sens que nous préconiserions des stages de quelques mois (3 ou 4) pour les jeunes gens, sur des stations agricoles où ils pourraient apprendre, juger et adopter cer­ tains procédés. Il s'agirait évidemment de stages pratiques pour apprendre à b~cher, labourer avec des attelages nombreux, utiliser des semoirs et des herses, apprendre à greffer les arbres, soigner les bêtes. Pourraient participer à ces stages les mpanompo, dans une proportion telle que la vie villageoise ne soit pas perturbée, soit 10 à 12%, chacun amenant son baluchon, mais ramenant en souvenir du stage un outil autre qu'une hache ou un couteau.

\ \ 86

1 \ 1 Dans cette société close, solidement structurée, la coutume, la tradition, en même temps qu'elles sont un gage de cohésion et de solidité, ont une action paralysante. Des exemples nous 'ont été cités d'anciens militaires revenus pleins de bonnes intentions, décidés à sortir des ornières

et à améliorer leurs conditions d'existence. N'ayant pu se­ couer l'apathie de leurs 'parents, ni celle de leurs voisins, ils ont vite renoncé et sont redevenus semblables à ceux qu'ils avaient retrouvés. La coutume les a ressaisis et ils savent qu'ils ne pourront avoir une maison couverte en tôle dans le village tant que les tombeaux ne seront pas préala­ blement couverts en tôle. Si vraiment ils veulent sortir des ornières, ils doivent ne pas revenir au v~]lage. Cette attitude de résignation, nous parait avoir deux causes distinctes, l'une sur laquelJe nous n'avons plus à nous étendre l'ayant déjà traitée ailleurs, c'est la mal­ nutrition qui fait assez vite sentir ses effets et enlève le courage, mine la persévérance pour essayer de modifier quoi que ce soit. L'autre c'est effectivement la force de la coutume. Elle tient en grande partie au manque d,' imagination et au manque de comparaison, au fait de se sentir incapable d'être autrement ou de pouvoir imiter un exemple. Les solutions que nous avons suggérées à propos des quatre constatations précédentes devraient aussi porter 87 leurs fruits en ce domaine: meilleure alimentation, ressour­ ces pécunières accrues, outils plus efficaces, procédés mieux appropriés, contacts fréquen~s et prolongés avec l'extérieur devraient, sans aucun bouleversement touchant à l'organisa­ tion de la société, amener cependant des changements inté­ rieurs sensibles. L'action concrète, répétée, inlassable des moniteurs polyvalents porterait à la fois sur le travail des mnano~ et des andriambaventi et sur les idées figées des garageha dont il est indispensable d'obtenir l'appUi pour avoir autorité sur les deux autres classes. Les réus­ sites feront le reste. Les femmes des moniteurs, si elles en sont capables, pourraient avoir une action parallèle sur les femmes des villages par des démonstrations, sans éclat, de cUisine ou de couture.

En concluflion, pour que cette population sorte de sa misère, il faut l'aider. D'abord la nourrir, ensuite lui apprendre à travailler plus efficacement., la relier de son plein gré au reste du monde pour qu'elle y trouve sa place. C'est une oeuvre de longue haleine, qui ne peut être menée à bien sans la présence constante, effective, acceptée de la population, d'un moniteur polyvalent et de ses aides. De grands travaux ont été entrepris pour doter cette région des rizières qui lui manquent. La population est bien dé­ cidée à cultiver ces rizières, mais la force et les techni­ ques lui manquent. L'Administration qui a financé les tra­ vaux magnifiques du Génie Rural, devenue consciente de ce 88 problème, saura trouver, dans nos suggestions ou ailleurs, \ les solutions à ces problèmes. \,

Migrations

Avant de terminer cette brève étude qui a surtout cherché à ~tre un diagnostic porté sur ces populations, nOus devons dire un mot d'éventuels mouvements de population. Nous avons délibérément laissé de c8té, ~omme nos instructions nous l'enjoignaient, tout "l'aspect démographi­ que de cette étude de population. Néanmoins, nous avons l'impression que la population cro1t rapidement, et que dans un avenir assez proche les terres actuellement cultivées par les villages seront toutes mises en valeur, et que la population cherchera d'autres terres. Dans le périmètre d'Ambila ces terres sont prêtes~ Combien faudra-t-il atten­ dre d'années pour qu'elles soient à leur tour occupées et cultivées convenabl~ment, les démographes le diront. Au cas où leS sbrfaces disponibles seraient telles que la population ne puisse les prendre en charge avant de trop nombreuses années, après avoir réservé la part de l'ex­ pansion démographique, on pourrait penser à inviter des gens extérieurs au marais à venir s'y fixer. Actuellement l'ex­ cédent de population tend à quitter le marais pour remonter la Manambaroa et peuplant de nouveaux villages, cherche sa subsistance par la culture du café qui seule est rémunéra- trice. Ceci n'est pas sans risque pour les lambeaux de fo­ rêt. On pourrait espérer que si la culture du riz devient payante, des gros villages comme Ambila essaiment vers les 89 nouvelles rizières. Si oe' T11ov.vanont ne se produit pas ou trop lentement, \ \ on pourrait penser à attirer des populations venus d'ailleurs: Betsileo, Tefasi, Tesaka et Temoro. Il serait très souhaita­ ble de voir s'installer des peuplements betsileo de queique importance car, beaucoup plus évoltiés technologiquement; à la fois éleveurs et cUltivateurs, excellents riziculteurs, ils seraient tin élément de progrès. Ceci ne serait possible qu'à .. la périph~rie des nouvelles rizières ou par l'implantation de familles isolées s'agrégeant à des villages. Les Tesaka, les plus mobiles des habitants du Sud­ Est ~algache, pourraient aussi fournir leur contingent. Politiquement ce serait plutôt à déconseiller a cause de l'opinion courante à leur sujet dans le Marais et bien qu'ils constituent quelques rares villages à proximité de Manakara. A capacités égales, les Tefasi seraient mieux tolérés. Ceux que les Temoro des Marais d'Ambila verraient venir avec le ·moins d'appréhension et à qui ils reconnaitraiert volontiers des droits sur les terres sont les Temoro d'autres régions. Des liens et des courants existent déjà avec le bas­ Faraony et la région d'Ampasiman jeva. Pourtant, tenant compte de la situation des terres de ce bassin et des possi­ bilités d'avenir qu'il présente (sous réserve de travaux d'hydrauliques nécessaires), nous ferions porter notre choix ailleurs. C'est en effet vers la basse-Matatana que pour­ raient ~tre dirigés les appels. La population y est trop dense et l'équilibre population-ressources très précaire. 90 Plus évolués en général que les Temoro de Manakara, ceux de Vohipeno s'agrégeraient facilement à la population et per­ ,. mettraient un certain progrès. L'opération serait facile à organiser et à mener, mais comporterait le danger possible de l'influence musulmane rétrograde et hostile aux porcs. Des essais pourraient être tentés sur les terrains primitivement attribués à Beanana, mais auxquels ce village renonce, les trouvant trop éloignés.

Louis MOLET

Ts1mbazaza, le 28 Novembre 1957 't

1 ANNEXE

LE FIBEZANA OU FANABEZANA Fête temoro ()

Tous les clans et presque tous les villages temoro connaissent à des intervalles plus ou moins rapprochés une

ll fête dite "Fibezana ou Fanabezana , que l'on peut traduire par "exaltation" ou intronisation,et qui est célébrée en l'honneur du chef coutumier local. A l'origine et encore maintenant dans la caste royale, la. f~te n'a guère lieu qu'après le décès du roi régnant quand on installe son successeur à sa place. C'est donc dans ce cas une intronisation pure et simple. De même, chaque clan noble devant avoir son repré­ sentant attitré auprès du roi, cannait, au moins·théorique­ ment, une installation périodique de ce dignitaire élu par ses pairs (randriamb~). Cette cérémonie peut avoir lieu, en principe, tous les cinq ans. Après cette fête, le nouveau promu se baigne puis, en allant reconna1tre son allégeance au roi en reçoit en retour l'équivalent d'une investiture qui, en quelque sorte, valide et entérine sa nomination. Dans la caste roturière, les intronisations sont plus fréquentes encore puisqu'elles ont lieu environ tous les deux ans. Dans chaque village, chaque clan élit son "mpanjaka", son roi. Il y a ainsi en pays temoro, presque chaque année, en Septembre-Octobre, des quantités de fêtes 2 dites fJbezana ou fanabezana.

"Schémé!...t.héorigue de la fête Bien que dans ce groupe, le déroulement des années soit organisé en semaines d'années et qu'il y ait l'année du lundi, l'ànnée du mardi, etc., la cérémonie peut être célé­ brée toutes les années, mais toujours pendant la lune d'Al­ mizan que l'on fait correspondre aV.mois d'Octobre•.. Dans" les fractions de ce moi~ lunaire, coïncidant avec des des­ tins divers, on a le choix entre Alakarabo, Almizan, Alaha­ sati et Asimbola, toutes jugées favorables. Ceci permet, s'il y a plusieurs "mpanjaka" à introniser dan"s le même vil­ lage, d'échelonner les fêtes. sur les quatre semaines, bien qu'elles puissent être simultanées. L'impétrant se prépare des années à l'avance pour rassembler à temps les ressources indispensables pour la fête. Quelques semaines avant celle-ci, sa famille se réu­ nit et, par des cotisations proportionnées aux ressources de chacun, complète la somme dont il faudra disposer pour acheter les boeufs à abattre aux différents moments prévus, pour acheter le rhum et le vin qu'il faudra distribuer aux participants, afin que la fête soit animée. Une partie de la cérémonie se déroule dans l'im­ mense maison commune, la tr~nobe, que chaque clan érige dans ses villages. Ses dimensions sont suffisantes pour qu'une foule de plusieurs centaines de personnes puisse s'y tenir assise.' Comme toutes les autres maisons temoro, elle est surélevée"de 60 à 80 cm au-dessus du sol, rectangulaire, 3

orientée Nord-Sud avec une porte principale constituée d'un panneau coulissant le long de la paroi sur le côté Ouest au premiers tiers depuis le Nord. Une porte semblable se trouve en face sur la cloison Est. Des petites portes étroites sur les cloisons Nord et Sud sont en principe inusitées (celle du coin Sua-Ouest sert à sortir, éventuellement le corps du maître de maison,s'il m~urt). Celles du côté Sud-Est per­ mettent, surtout aux femmes, d'accéder à l'intérieur sans toujours passer par la porte de l'Ouest. Le toit à deux pen­ tes est très aigu et s'élève souv~nt à plus de 8 à 10 mètres, parfois à 12 mètres. Il est fait de feuilles de ravinala (Husacéa) juxtaposées horizontalement et, très épais, dure des années. L'absence de plafond permet l'évacuation aisée Ode la fumée, facilitée par des ovvertures ménagées en haut des pignons. Il y a en effet dans cette maison, presque en permanence, du feu dans les foyer~. Un vaste carré de 2,5 m de côté est prévu sur le côté Sud à cet effet. Haintenue par des planches, une masse de terre assise sur le sol, re­ joint le plancher de la case. Su~ sa surface sont disposées des pierres supportant les màrmites. Ce foyer est surmonté d'un séchoir monumental à trois étages. Le sol de la case est rrcouvert de nattes. Pour la

circonstance, on y met des natte~ neuves et la tranobe s'ap­ pelle lapa, palais. Sur une immonse perche horizontale pla- , cée le long de la cloison orientale sont suspendus des nattes finement tressées, des éto~fes d€ valeur comme des pièces de -soie de genres divers (arindr~12, ~akilandi) achetées au pays betsileo; des oreillers o::-nés de broderies de cou- 4

leur. Des "nattes parlantes" (pari miteni), vanneries dont certains brins colorés sont disposés en lettres portent avec une orthographe très approximative des maximes ou des con­ seils: "En vain on fait le mal, ne vous lassez pas de faire

le. bien" , "Respectez vos père et mère et vous vivrez long- temps sur la terre", "Paix sur les ma1tres de maison", "Ayez du respect mutuel, cohabitants. du même vilJage". Au pied de cette même cloison une rangée de poufs en vannerie, plus ou ·moins écrasés, servent de sièges. Un pouf neuf, de grandes dimensions, est destiné au futur mpanjaka et placé au pied du chambranle Sud de la porte orientale. C'est dans une case voisine, sorte d'antichambre nommée sai-trano, que le futur mpanjaka et sa suite revê­ tent leurs tenues de gala: chemise longue à deux pans égaux en duvetine imprimée, généralement rose, vaste toge de soie épaisse décorée de bandes longitudinales multicolores où do­ minent le vert et le brun. Sur la tête, le personnage prin­ cipal porte un long bonnet pointu blanc et rouge dont la mè­ che tombe en arrière~ C'est Son signe distinctif. Sa femme dans une case voisine revêt également ainsi que seS suivantes ses atours d'apparat: robe rouge à col montant et à manches longues, serrée à la taille, décorée de soutaches blanches formant un empiècement carré. Sur la tête, au lieu du chapeau de vannerie habituel, elle porte un large bandeau rouge. Naturellement, elle exhibe pour l'occasion tous ses colliers ou chaînes d'argent, ses nom­ breux bracelets dont certains maintenant sont en aluminium. Quand lè.mpanjaka et sa fem~e sont prêts, ils en- -" . :. . , . ~". : trent en cort~ge d~ns'le lapa, les' hommes d'abord, les femmes

• ..' . 1" • ensuite.•: On crie par'trois fois:" "'Dieu, dria, dria, driaIf , .., '7" • .' ... ée à 'quoi les femmes répondent par "Ahl hé!", puis chacun ,- prend plaae',' lë 'mpanjaka sur le 'siège préparé pour lui. Sa

... ' . . .'. ~:'. femme s'aeèroupit au: pïed du poteau Nord-Est du séchoir

• :. '. • 1 ••'~'1 , "' , (far~far,g,J, à sa p;1ace habit,uelle, la, ,ou sont rassembles .dans'~îJ.ii:'fourrea:U: dé' '~annEà'ie ènt~~rant la base du pilier, . ~ '.' , . . ~ .. ". . . l~s'cûillers à:long manhhe, les louches et le chalumeau pour ~'ï:ttf1ser''re feu. .. .' ...·.1 ...

C' "Après une invocation. à, la divinité (Zanahàri), pt'lis aux ancêtres': ~uccessifs dont on· fait une soigneuse énuméra­ tion, un hom~e (t6ha-v~ho) fait des libations et ~uspend en

"r ,~:; "", ,offrande au-dessus de la porte orientale trois godets de , '" ': feuille cOlltenant de :'1' alcool. L'un des gob~lets est des- tiné à Dieu, ,les deux autres aux ancôtres. Ces godets sont encore d'usage courant comme cuillers ou comme gobelets

. pour les re~as. On'partage le restè' de J'alcool entre les partici­ pants. ' Un se~ibe ou:uri notable fait boire en premier le m.l?anj ak..ê;. ,, en' portant l~ verre à: s'es lèvres, tout en pronon-

. ." , , çant dGS extraits, du Coran ou au moins des benedictions...... d~ . ' .. Chacun boit'ensuite Selon l'ordre préséance (dian-toaka) • Les ,réjouisSanc,es comniencont par des dansesexé- .;.,~ ',"; ....':'~~'" .' ~ .\. . . ., mitées par les vi~illes f:emmes,., puis ,d'8~ femmes redevenues . . . , céiibataires, 'a~' son 'soit d'un 'a,céèrdéon, soit des chants .. s'oandés par d-es coup, frap~és avec des bâtonnets sur deux 6 bambous (tsipctrika) de 2 m environ, posés à terre dans le sens de la longueur et qui finissent par se fendre. Les hommes et les femmes qui n'ont pu entrer, chantent à l'ex­ térieur sur le côté Est. La cérémonie commence vers deux heures de l'après­ midi et dure jusqu'à six heures du matin, sans que personne puisse dormir. On bavarde pour passer le temps, mais le per­ sonnage principal doit observer une discipline spéciale: il n'a pas le droit de dire une parole, car il doit être réser­ vé. ;11 ne doit ni manger ni boire, pour manifester sa so­ briété. Il ne doit pas tourner la tête, ni m8me bouger, pour montrer que non seulement il n'est pas curieux; mais qu'il est patient. Sa femme suit les mêmes règles. Dans le courant de l'après-midi, on a tué un ou deux boeufs et leur viande a. été mise à cuire, ainsi que du riz. D'immenses marmites sont mises sur le feu dans le ~. Quand les mets sont cuits, on les distribue aux notables, aux anciens et aux femmes. Les jeunes et les chanteurs ne sont pas oubliés. Mais le mpanjaka et sa femme ne prennent pas cette nourriture. Ce n'est que quand la seconde série de boeufs a été abattue et cUite, le lendemain matin, qu'ils recommencent à manger. Ces boeufs sont principalement des­ tinés à nourrir les visiteurs. Invités à rehausser par leur présence et leurs chants et danses l'éclat de la cérémonie, I1s sont traités aussi bien que possible. Leur grand nombre manifeste l~étendue des relations du randriambe et sa capa­ cité à nourrir une foule nombreuse. Ce repas à base"de 7 boeuf, de riz et d'alcool offert aux invités s'appelle "velatsihilava", "action d'étendre une grande natte". Il est le gage du renouvellement des liens d'amitié entre mpa--· njaka invitant et invités et des liens de subordination du menu peuple au dignitaire nouvellement installé. Les in­ vités peuvent se retirer dès leur repas pris et sont rempla­ cés par d'autres dont la venue peut se produire toute la journée et même le lendemain. Pour répondre aux salutations et aux voeux pronon­ cés pour lui, le mpanjaka, obligé au silence pendant toute la cérémonie, est remplacé par un vice-roi lefitrx mganjaka ou parfois toha-voho. Ce substitut exprime les paroles que le Iêndriambe prononcerait lui-m~me s'il le pouvait. En principe, c'est par son truchement indispensable que le roi devrait s'adresser à tous ses interlocuteurs, particulière­ ment pendant les réunions où sont agitées les questions gé­ nérales touchant l'un des membres du clan ou le clan dans son ensemble. Le vice-roi est le successible désigné du mpanjaka en cas de décès de celui-ci pendant la période où il est en fonction et il exerce l'intérim jusqu'à l'intronisation d'un autre mpanja~ ou la sienne propre. Il n'est valide­ ment titulaire de sa charge qu'à la condition d'avoir offert à boire trois bouteilles au moins d'alcool. On dit alors qu'il a payé la porte "nangala varan,g,arana". Désormais, le nouveau randriambe remplira les fon­ ctions de représentant de'son clan en toutes occasions. Il 8 a pour obligation de recevoir officiellement les h8tes de marque qui viennent en'visite dans son village et spéciale­ ment dans son groupe. Pour ce faire, il occupera la tranobe et pourra participer ainsi à toutes les conversations que les hommes viendront tenir et trancher les différends qu'on viendra lui soumettre.

Variantes de la cérémonie

Le cérémonial, bien que commun à l'ensemble des groupes Temoro, comporte cependant selon les castes et se­ lon les clans des variantes notables. Ainsi, l'entrée en fonction, l'intronisation peut être conséquence soit de l'investiture proprement dite, soit de la séance sur le siège élevé. Dans ce cas, l'impétrant est assis dans la tranobe à même la natte, il quitte ses vê­ tements ordinaires qui sont immédiatement enfilés et portés par un de ses cadets, de ses fils ou neveux et il revêt les vêtements préparés pour lui, coiffe le sodia, le bonnet blanc et rouge et va s'asseoir sur le pouf du chambranle Sud de la porte orientale. Dans l'autre, il s'habille à l'exté­ rieur et entre en cortège dans la tranobe où il ne s'asseoit qu'après la bénédiction. De même, sa femme peut soit entrer en cortège dans la'tranobe pour s'asseoir à sa place réservée, soit suivre un autre cérémonial. Dans ce dernier cas, elle quitte mo­ mentanément le toit conjugal et va s'installer dans une au­ tre case. C'est là qu'on vient la chercher et qu'on lui 9 demande non seulement de réintégrer la maison de son époux, mais d'accepter de partager la charge dont il vient d'être investi. Si elle accepte - ce qui est de règle - elle quitte ses anciens habits et revêt la robe rouge préparée pour l'occurrence. Enfin, si en règle générale; l'usage est de commen­ cer la cérémonie vers 2 heures de l'après-midi, dans cer­ tains clans cependant elle débute vers 8 heures du matin. Des procédures plus expéditives peuvent aussi être suivies, en cas de décès d'un membre du clan. Dans tous les cas, on n'élit à cette charge qu'un homme ayant atteint ou dépassé la quarantaine, qui a exercé les fonctions de chef de famille, dont la vie ne soit pas scandaleuse et qui puisse faire face aux dépenses de la fête.

Aspect économique de la fête

Cette dernière condition en effet est essentielle, car la fête est très coûteuse.

• • • • • • • • • • 10 ..," 2 boeufs coupés •••••'••••••••••• 20 000 3 dames-jeannes de rhum •••••••• 18 000 ~ dames-jeannes de vin ••••••••• 10 000 ~ caisses d'apéritifs •••••••••• 20 000 144 bouteilles de bière •••••••••• 17 000 ~o bouteilles de limonade ••••••• 1 ~OO 50 bouteilles d'eau gazeuze ••••• 1 500 50 paquets de cigarettes •••••••• 2 200 50 kg de riz blanc •••••••••••••• 1 500 10 kg de café ••••••••••••••••••• 1 200 30 kg de sucre ••••••••••••••.••• 2 250 20 boites de lait concentré ••••• 1 000 96 150 FCFA sans parler des costumeS d'apparat. Toutes les fêtes ne provoquent pas les mêmes dépen­ ses, puisque dans la région d'Ambi1a-Manakara, elles sont réduites à: 3 boeufs •...... •.. 22 ~OO 2 dames-jeannes de vin ••• ~ •••••• 1+ 000 1 dame-jeanne de rhum ••••••••••• 6000 ~o kg de riz blanc ••••••••••••••• 1 500 10 kg de café •••••••••••. ~ ••••••• l 200 10 kg de sucre ••••••••••••••••.••--..-...,;;---750 35 950 F CFA

Ces 36 000 F qui montent parfois jusqu'à 50 ou 60 000 F, dans des villages de la moyenne-}1ananano repré­ sentent, compte tenu du niveau de vie moyen, des dépenses exorbitantes, dont la charge est supportée pour deux tiers 11 par l'intéressé et pour un tiers par sa famille. Il ne peut être question de s'endetter 'pour y faire fac~ et les intéres­ sés sont la plupart du temps contraints d'amputer sur leur patrimoine soit en vendant une grande partie de leurs boeufs, de leurs terres à café, voire parfois de leurs rizières. En fait, après la cérémonie, s'ils ont été comblés de compli­ ments sur leur générosité et ont ét~ installés à la place d'honneur pour une période, somme toute, relativement courte, de 2 à 4 ou 5' ans, ils sont ruinés pour des années.

lnt,erprétation.sociolo.e;i9..ue

Sans nier ou minimiser l'i.1térêt que présenterait l'étude de l'intronisation d'un nouveau prince temoro de caste royale ou d'un ,randriambe de "::aste noble, nous ferons porter nos reflexions sur les cérém)nies célétrées par les clans de caste roturière qui plus f~équentes, très coûteuses, nous paraissent avoir une impor~ance sociologique beaucoup

plus considérable. Nous y voyons ton système empirique d'équilibre soèial dont la conséqu(mce la plus grave est la stagnation économique. Ces fates, ces Lanabezana, plus ou mo~ns calquées sur les cérémonies de l'intronisation royale dont elles s'inspirent, sont d'origine récente. En effet, quand en 1891, après une lutte durant depuis quanante ans, les roturiers temoro révoltés contre leurs seigneurs décidèrent de s'émanciper, ils refusèrent de reconnaître les privilèges des castes nobles ou relig:1e';!S33

\ 12 et l'autorité du roi d'Ivato. Ils s'organisèrent sans ce dernier. 11ais par habitude, leur société, qui se voulait démocratique, prit une allure sinon monarchique, du ,moins féodale, et chacun des innombrables clans, dans chaque vil­ lage, élit son "mpan.1aka", son roi, dont les fonctions assez vagues 'se confolident parfois avec celles de "chef de sépul­ ture t lebe.nakibori". La désintégration sociale que consti­ tua le rejet de la monarchie aboutit à la prolifération de tout petits chefs sans réelle autorité, nommés pour la pure gloire. Ainsi, la société retrouvait une structure qui lui rappelait celle qu'elle repoussait et en m~me temps emp~­ chait toute velléité de domination d'une fami11e sur les autres par le système ,du pouvoir à temps, du remplacement périodique et par la fête très on~reuse qui accompagne cha­ que nomination. 10:; mpanials§. jouit du privilège de se v~tir de rou­ ge. 8'il a une personnalité affirmée, il peut pendant son règne exercer une réelle autorité dans les affaires, les li­ tiges, les tâches et travaux du clan. Bien qu'il ne puisse porter plainte contre un de ses sujets, ni ne puisse entre­ prendre seul une déma.rche officielle ou un déplacement d'une certaine durée" il a un pouvoir de décision et un poids moral qui, s'ils duraient, pourraient encourager l'ambition, le goût du pouvoir personnel et la tentation de rendre ce pouvoir héréditaire. La courte durée des fon­ ctions, le terme obligatoire du pouvoir après trois ou quatre ans au maximum, deux ans en général, réduisent ces ..

13 risques au minimum, si même ils les laissent subsister. De plus, une précaution supplémentaire est prise par l'obligation pour le nouveau roi de se ruiner, lui et sa famille, en entrant en charge. Les écrasantes dépenses, pu~ rement ostentatoires, de la cérémonie réduisent à rien la puissance économique du nouveau mpanjaka. En devenant "roi", il anéantit toutes ses virtualités d'ascension sociale. Un nouveau mpanjaka est toujours un homme qui par ses biens était en train de dépasser la situation commune et acquérait ainsi une prééminence sociale. Le clan et le vil­ lage l'en félicitent et l'en récompensent en le choisissant, mais en m~me temps le ramènent dans le rang en le .ruinant aussi complètement que possible, car il doit offrir une fête

en rappor~ avec l'importance de ses biens qu'il ne peut dis­ simuler. Tout le monde connait la règle et nul ne songe à l'esquiver. Les anciens mpanjaka qui ont dû s'y plier veil­ lent à ce qu'elle soit très exactement appliquée au nouvel élu. Le menu peuple· souhaite également que la f~te soit joyeu!e, animée, et tient - c'est si rare - à manger et boi­ re à satiété aussi longtemps que possible. Enf.in,.la vanité n'est pas étrangère à ces folles dépenses par lesquelles le nrnan,iaka et sa famille veulent éclipser la renommée des anciens ou des contemporains. Car l'émulation joue entre villages et entre clans. Il y a ainsi au moyen de ces cérémonies un nivelle­ ment périodique par le bas de la société temoro. Tout homme

qui pourrait p~endre un ascendant personnel tant par une si-

'. , ,

tuat10n matérielle assise sur de nombreux biens que par un caractère affirmé et des dons de commandement, est ramené dans le rang après une courte période pendant laquelle il a joui d'un simulacre de pouvoir dont l'exercice l'a totalement ruiné.

Si l'on souhaite que la société temoro puisse sor­ tir de sa médiocrité, à la suite de quelques personnalités dont l'autorité pourrait s'exercer efficacement pendant des années, il conviendrait d'intervenir. Il ne peut être ques­ tion de supprimer du jour au lendemain ces fêtes devenues traditionnelles et sur lesquelles est assise une certaine structure sociale. ~~is il conviendrait de les réglementer sur le plan économique et faire en sorte que, si le caractè­ re joyeux de la f~te comprenant un repas copieux servi à la multitude puisse ~tre maintenu, ces dépenses restent dans ,

1 des proportions telles qu'elles ne puissent ruiner le héros de la cérémonie.

+ + + ... , .. "\

15 Plus pratiquement, nous pourrions suggérer les in­ terventions suivantes: Ne permettre ces fêtes dans un village que quand tous les impôts sont acquittés. - Taxe pour les oeuvres sociales - (Croix Rouge, Gout­ te de Lait). - Ne permettre qu'une seule f~tede ce genre par an dans un village, quel que soit le nombre de clans représen- tés. - Ne permettre l'abattage que d'un boeuf et la con­ sommation que de trois dames-jeannes de vin. - Obligation d'inviter un représentant de l'Adminis­ tration qui devra témoigner de l'observation ou non des rè­ gleS touchant les quantités consommées. - Le charger d'un message à lire en public expliquant que la gloire c'est moins de dépenser de la nourriture que de produire pour le pays en possédant des charrettes, des char-. rues, en couchant sur des lits et en vêtant convenablement ses enfants, etc••• - Iles sanctions les plus redoutées dans ce pays sont l'obligation de s'éloigner, aussi, les contrevenants aux dispositions ci-dessus pourraient être contraints de quitter le pays pour un ou deux ans. (Questions politiques, juridi­ ques à résoudre préalablement).

=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=

1