Le Maître De L'ironie
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« Le cœur serré, je pense au jour où Panurge ne fera plus rire. » Milan Kundera mars 2020 REVUE MENSUELLE FONDÉE EN 1829 Président d’honneur : Marc Ladreit de Lacharrière, membre de l’Institut L’ÉTAT ET LA RELIGION par Régis Debray et Jean-François Colosimo UNE BANQUE SANS ACTIONNAIRES, MACRONISME Une domination N’A QUE SES CLIENTS sans hégémonie À SATISFAIRE. LITTÉRATURE Sylvain Prudhomme Au Crédit Mutuel, les conseillers ne sont pas commissionnés sur les produits et services qu’ils recommandent. Nos clients ont ainsi la ga- RENCONTRE rantie que seul leur intérêt est privilégié et qu’ils sont accompagnés Hélène Carrère avec des réponses adaptées à chaque étape de leur vie. d’Encausse UNE BANQUE QUI APPARTIENT À SES CLIENTS, ÇA CHANGE TOUT. MILAN KUNDERA LE MAÎTRE DE L’IRONIE MILAN LE KUNDERA Contre l’esprit de sérieux KUNDERA Le Crédit Mutuel, banque coopérative appartient à ses 7,8 millions de clients-sociétaires. LE MAÎTRE DE L’IRONIE Caisse Fédérale de Crédit Mutuel et Caisses affiliées, société coopérative à forme de société anonyme au capital de Par Alain Finkielkraut, Jean-Paul Enthoven, Teresa Cremisi, 5 458 531 008 euros, 4 rue Frédéric-Guillaume Raiffeisen, 67913 Strasbourg Cedex 9, RCS Strasbourg B 588 505 354 - N° ORIAS : 07 003 758. Banques régies par les articles L.511-1 et suivants du code monétaire et financier. MARS 2020 Antoine Gallimard, Olivier Bellamy, Florence Noiville, Jacques de Saint Victor... 47_77a 125x210 valeurs.indd 1 13/11/2018 15:26 Sommaire | mars 2020 Éditorial 4 | Pourquoi Kundera ? › Valérie Toranian Grand entretien 10 | La nation, le politique et le religieux › Jean-François Colosimo et Régis Debray Dossier | Milan Kundera le maître de l’ironie 22 | Alain Finkielkraut « Comment je suis devenu kundérien » › Valérie Toranian et Jacques de Saint Victor 36 | Quelques considérations sur l’intranquillité sereine de Kundera › Jean-Paul Enthoven 47 | Antoine Gallimard. « Il y a chez Kundera une jouissance à représenter le désordre du monde » › Valérie Toranian et Aurélie Julia 54 | Kundera et l’esprit des Lumières › Jacques de Saint Victor 63 | Milan à Milan : souvenirs d’une lectrice › Teresa Cremisi 67 | L’art de la fugue › Olivier Bellamy 76 | Petit lexique personnel et subjectif de Milan Kundera › Florence Noiville 83 | Hugues Pradier « Milan Kundera a joué un rôle dans le renouveau du roman contemporain » › Valérie Toranian et Aurélie Julia 88 | Un premier roman français › Michel Delon 95 | Un Kundera double › Martin Petras 101 | Milan Kundera, de l’autre côté de la politique › Ulysse Manhes 2 MARS 2020 Littérature 106 | Calle dei Colori › Sylvain Prudhomme 113 | Michel Serres et Clément Rosset lecteurs de L’Oreille cassée › Jean-Pierre Naugrette 119 | Priscilla n’épouse pas Juliette › Marin de Viry 126 | Le macronisme, une domination sans hégémonie › Sébastien Lapaque Études, reportages, réflexions 134 | Hélène Carrère d’Encausse. France-Russie : de l’ignorance et du mépris à l’enthousiasme et à l’alliance › Robert Kopp 145 | La dramatique américanisation du droit français › Ron Soffer 153 | Macron et l’Europe de l’Est : la fracture › Jean F. Crombois 160 | Quel avenir pour le capitalisme ? › Annick Steta Critiques 168 | LIVRES – La foi est un artisanat, la littérature aussi › Patrick Kéchichian 170 | LIVRES – Henri de Régnier : cinquante ans de critique › Jean-Baptiste Baronian 172 | LIVRES – Entretiens avec Anna Akhmatova › Frédéric Verger 175 | LIVRES – La tentation de vivre › Stéphane Guégan 178 | CINÉMA – Quentin, Martin et Todd › Richard Millet 181 | EXPOSITIONS – Barbara Hepworth, la sculpture dans le paysage › Bertrand Raison 183 | DISQUES – Pour clore l’année Berlioz › Jean-Luc Macia Les revues en revue | Notes de lecture MARS 2020 3 Éditorial Pourquoi Kundera ? arce que son ironie dévastatrice est plus que jamais un bou- clier nécessaire contre l’esprit de sérieux et les dogmes qui font de nouveau fureur. Parce que sa distance, son refus de juger, son scepticisme jamais cynique, la façon dont il sonde l’amour, le sexe, le Pkitsch, son style qui embrasse à la fois le roman, le récit et l’essai font de lui un géant de la littérature du XXe siècle. Parce qu’il décrit l’hu- mour comme « l’ivresse de la relativité des choses humaines ; le plaisir étrange issu de la certitude qu’il n’y a pas de certitude ». Parce que, enfin, il fut l’un des premiers à dénoncer notre aveugle- ment face à l’effacement de la culture européenne. Né en Moravie en 1929, il vient de récupérer sa nationalité tchèque qui lui avait été confisquée par le pouvoir communiste lorsqu’il avait trouvé refuge en France en 1975. La France le découvre en 1968, année de la publication de son roman La Plaisanterie. Année du Prin- temps de Prague, réprimé par les troupes du pacte de Varsovie, et du mai 1968 estudiantin. Le mai parisien, selon la définition de Kundera, fut une « explo- sion de lyrisme révolutionnaire », le Printemps de Prague « l’explosion d’un scepticisme postrévolutionnaire ». Alain Finkielkraut, admirateur et fin connaisseur de l’œuvre de Kun- dera, raconte : « Je pourrais résumer toute ma trajectoire intellectuelle et existentielle comme le passage d’un printemps à un autre : du printemps 4 MARS 2020 lyrique au printemps sceptique. Je suis peu à peu devenu kundérien. » Kundera le premier ose parler d’un « Occident kidnappé ». Par l’emprise russe sur l’Europe centrale. Et par l’éclipse de la culture dans l’Europe de l’ouest. « Ce mot [d’identité], poursuit le philosophe, qu’on me reproche beaucoup depuis L’Identité malheureuse, je ne suis pas allé le chercher dans la littérature d’extrême droite ! Je l’ai trouvé chez Kundera, qui montrait qu’en Hongrie, en 1956, mais aussi à Prague en 1968, puis en Pologne en 1981, les révoltés défendaient indissolublement leur appar- tenance nationale et leur appartenance européenne. » « Je suis terrifié par un monde qui perd son humour », écrivait Milan Kundera à Philip Roth. Pour Jacques de Saint Victor, la lecture de Kun- dera a répondu à une crainte qui ne cessait de grandir depuis 2010 : celle d’un monde où « l’offense morale » peu à peu rendrait le rire suspect. Aujourd’hui, des censeurs « ont commencé à défendre la répression du blasphème et bien d’autres choses. On ne peut plus rire de ce qui blesse. La démocratie serait-elle à ce prix ? Que pèse aujourd’hui le rire de Pan- tagruel face à des gens qui s’estiment offensés ? Kundera rappelle, lui, tout le prix de ce rire qui remet en question les certitudes d’époque. Son propos résonne comme une trompette salvatrice ». Kundera serait-il le dernier grand défenseur des Lumières ? Il nous replonge dans ce que « les Lumières avaient de meilleur et que nous avons fini par oublier tant ces dernières ont aussi leurs travers, ou plu- tôt une descendance fâcheuse », souligne l’historien. « Kundera répare notre propre expérience de lecteur en rappelant le legs profond du XVIIIe siècle. Il reprend à son compte un héritage d’intelligence cor- rosive ou tout simplement affûtée. » Son éditeur et ami Antoine Gallimard rappelle le rôle essentiel que l’écrivain a joué dans le renouveau du roman. Pour Kundera, « l’esprit de roman est l’esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur : les choses sont plus compliquées que tu ne le penses ». Le travail du romancier est celui de l’élucidation de l’existence. « Et cette disposi- tion, déclare Antoine Gallimard, le fait entrer dans la grande tradition de l’écrivain-critique, qui trouve probablement sa source chez Flau- bert et se prolonge avec Apollinaire, Proust, Gide, Larbaud, Camus, Blanchot, Vargas Llosa et tant d’autres. » MARS 2020 5 Milan Kundera est d’abord le grand inventeur d’une forme, rap- pelle Florence Noiville. « Un roman qui, loin d’être périmé ou mori- bond, embrasse tout et tout en même temps. Qui conjugue en son sein le passé et le présent, la poésie et la prose, la fiction et l’essai, le rêve et le réel, dans la plus admirable des fluidités. Ce roman ultra- vivant, qui peut et sait tout faire, qui se joue des frontières et des langues , c’est ce qu’il appelle “l’archi-roman”. » « Milan Kundera, précise Hugues Pradier qui l’a édité dans la Pléiade, a joué un rôle [...] dans la confiance que notre temps accorde de nouveau à la création romanesque. [...] Sa réflexion sur le roman, à travers ses essais, exerce aujourd’hui une influence croissante. » Excellent musicien, Milan Kundera compose ses romans autant qu’il les écrit. « La musique intervient souvent dans les romans de Kundera comme une digression au récit, un point d’orgue esthétique, une façon de prendre de la hauteur pour mieux révéler une loi de l’existence », explique Olivier Bellamy. « Et surtout pour rapprocher, par une vision fulgurante, ce qui semble différent et qui est de même nature. » Pour Teresa Cremisi, la lecture de Kundera est aussi une leçon de vie. L’éditrice évoque ses premières lectures de l’œuvre du romancier : « Les récits hilarants et complexes de Risibles amours, encastrés les uns dans les autres, avec leurs intrigues, malentendus, contresens amou- reux et érotiques, offraient des clés du monde qui m’entourait. » Voilà ce que nous enseigne Kundera : « Vivre et se regarder vivre, en rire, sachant qu’un oubli inévitable viendra effacer les cris et les agitations de tout ce qui nous semble si important. » Régis Debray, Jean-François Colosimo et Hélène Carrère d’En- causse sont également à l’honneur dans ce numéro de la Revue des Deux Mondes. Les deux premiers débattent autour de la France et son rap- port au religieux. Pour Jean-François Colosimo, auteur de La Religion française. Mille ans de laïcité (éditions du Cerf), la laïcité est l’abou- tissement d’une expérience millénaire entre l’État et l’Église.