Troisième Partie
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Troisième partie UNE NOUVELLE STRATÉGIE POUR L’ACTION CHAPITRE 7 QUELS ENGAGEMENTS ? La stratégie de sécurité nationale organise et met en œuvre les moyens de prévenir toute atteinte à la vie du pays, à défaut de limiter une telle atteinte au plus bas niveau de gravité possible, et d’en atté- nuer les conséquences. Elle a pour ambition d’élever la capacité d’anti- cipation, de réaction et de résilience du pays. Elle fonde une doctrine nationale destinée à harmoniser en toutes circonstances l’emploi des ressources de l’État et à favoriser le dialogue et la cohérence de l’ensemble des intervenants : collectivités locales, entreprises, institu- tions internationales, organisations non gouvernementales. Le dimensionnement de nos moyens doit répondre d’une part au nouvel équilibre des fonctions stratégiques qui a été défini, d’autre part aux exigences des opérations dans lesquelles les armées et les moyens de sécurité intérieure et de sécurité civile seront engagés. Les conséquences du nouvel équilibre des fonctions stratégiques En ce qui concerne les armées, les moyens que décrivait le modèle 2015 adopté en 1996 ne correspondent pas à cet équilibre nouveau, ni aux orientations à long terme qui ont été exposées. Un effort majeur doit, comme on l’a vu, être accompli dans le domaine de la connaissance et de l’anticipation. Des programmes nou- veaux et une organisation nouvelle sont nécessaires, pour faire fran- chir un seuil à nos capacités. Ces capacités seront l’une des clés de la réactivité de l’État, des forces armées et des dispositifs de sécurité. 128 DÉFENSE ET SÉCURITÉ NATIONALE Les moyens de dissuasion seront maintenus au niveau strictement suffisant pour la crédibilité des forces nucléaires et la capacité de celles-ci à répondre aux situations diverses auxquelles le pays peut se trouver confronté. Ces objectifs supposent des efforts considérables pour la préparation des hommes, la qualité des équipements et la sûreté de leur fonctionnement. La protection, qui reçoit une nouvelle définition, appelle un déve- loppement à la mesure des vulnérabilités qui affectent directement la France et l’Europe. Cette orientation doit se traduire notamment par la définition d’objectifs opérationnels précis pour les forces, une adapta- tion urgente de nos capacités de gestion des crises et une coordination renforcée entre les différents responsables sur le territoire, comme entre les acteurs civils et militaires. Les capacités d’intervention seront adaptées au nouvel équilibre d’ensemble qui est recherché et aux priorités qui ont été décrites. Leur niveau maximum n’est plus attaché à une participation massive à une opération de défense collective de l’espace aéroterrestre en Europe, dans le cadre de l’Alliance Atlantique, comme c’était encore le cas dans les « contrats opérationnels » issus du modèle d’armée 2015. Il doit résulter de l’analyse des situations de conflit les plus vraisemblables dans lesquelles la France risque d’être impliquée directement au cours des prochaines années, ainsi que des axes géostratégiques qui parais- sent les plus importants pour notre sécurité. C’est en fonction de ces axes que nos moyens seront orientés et que notre dispositif prépositionné, qui contribue également à la fonction de prévention, sera revu. La concentration dans l’espace et dans le temps sera la clé de la stratégie et du succès dans l’emploi des forces. Davantage encore que dans le passé, notre effort sur les moyens devra en effet tenir compte du fait majeur qui s’est imposé ces derniè- res années : l’emploi presque incessant de nos capacités, militaires et civiles, dans des situations de plus en plus diverses. Logique de concentration et logique d’emploi doivent donc dominer la doctrine, l’organisation, l’entraînement et l’équipement de nos forces conventionnelles comme des moyens d’action civils. Les hypothèses d’engagement opérationnel Pour obtenir la résolution d’une crise, que ce soit sur le territoire national ou à l’étranger, l’action cohérente d’acteurs divers, civils ou militaires, étatiques ou privés, nationaux ou internationaux, nécessite une coordination nouvelle. QUELS ENGAGEMENTS ? 129 LES OPÉRATIONS CONDUITES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL Dans les cas de crise grave (catastrophe naturelle, accident techno- logique de grande ampleur, attentat massif, etc.), l’État et l’ensemble des pouvoirs publics organisent et mettent en œuvre les moyens néces- saires pour secourir les victimes, enrayer les séquelles d’un événement déstabilisant (crise sanitaire résultant d’une catastrophe par exemple), garantir la continuité de l’action des pouvoirs publics et assurer le retour à la normale, poursuivre les responsables si l’événement résulte d’un acte intentionnel. L’État doit alors fédérer tous les acteurs – publics et privés – de la société dans son ensemble. Au même titre que tous les organismes relevant de l’autorité de l’État, la force militaire est appelée à agir en soutien, en accompagne- ment ou en complément des forces et moyens civils spécialisés. Le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile doit se pré- parer aux formes d’agression ou de crise qui peuvent toucher grave- ment le territoire national. En conséquence, les moyens civils et les moyens militaires développeront de nouvelles formes de coopération. À cet effet, la stratégie de sécurité nationale pose les fondements d’une doctrine, s’appliquant à toutes ses composantes, organisant la coopération avant, pendant et après l’événement. Outre les mesures d’organisation que cela implique – au sein même de l’État –, cette stra- tégie conduit à la mise en place de procédures connues et appliquées à tous les niveaux, testées par des exercices interministériels. La planifi- cation de crise et l’organisation des pouvoirs publics en temps de crise devront connaître une progression qualitative majeure pour assurer la résilience du pays. LES OPÉRATIONS MILITAIRES Des opérations strictement militaires sur le territoire national sont exclues à l’horizon prévisible, en dehors de l’appui à des opérations de gestion de crise consécutives, par exemple, à des attaques terroristes, ou à une catastrophe naturelle ou technologique. C’est donc à distance du territoire national que les forces armées continueront à mener des opérations en défense de nos intérêts de sécurité et en soutien de l’action politique et diplomatique de la nation. Selon toute vraisemblance, ces opérations continueront à relever de deux grandes catégories. Les opérations de stabilisation sont très différenciées : opérations d’interposition entre belligérants, opérations de stabilisation consécuti- ves à des conflits internes, opérations de sécurisation de pays ou de 130 DÉFENSE ET SÉCURITÉ NATIONALE régions, interventions relevant de la responsabilité de protéger. La France devrait rester un contributeur très sollicité. Sa participation aux opérations devra respecter les principes directeurs énoncés précé- demment (chapitre 3). Elle impliquera généralement des contingents relativement limités (de l’ordre de 1 000 à 5 000 militaires, sans comp- ter les moyens navals et aériens). Les forces armées auront à déployer et entretenir des contingents de ce type sur plusieurs théâtres, dans des zones géographiques lointaines, souvent peu accessibles, aux caracté- ristiques physiques, humaines et économiques difficiles. Ces opéra- tions s’inscrivent dans un temps long et connaissent de fortes évo- lutions, qui nécessitent sur place une adaptation permanente du dispositif, et, par contrecoup, une adaptation dans l’économie générale des déploiements français. Deux risques devront être sans cesse cir- conscrits : le recours à des unités combattantes en dehors de leur cadre d’emploi (par exemple dans des missions de police ou de maintien de l’ordre) et la dispersion excessive des moyens sur plusieurs théâtres. Les opérations de force de grande ampleur ne doivent pas être exclues, comme en témoigne l’analyse des risques de conflit où la France pourrait se trouver engagée. Le recours à une force militaire dans une guerre nécessite un délai de préparation et de déploiement de plusieurs mois. L’opération elle-même comporte généralement une phase aiguë, de coercition, suivie d’une phase de stabilisation progres- sive qui peut s’étendre sur des années. Il n’y a pas de césure stricte entre ces deux types d’opérations. Une opération majeure peut être suivie d’une opération de stabilisation ou une opération de stabilisation connaître une flambée de violence. Quel que soit le type d’opération, la force déployée à terre, en mer ou dans les airs doit rester en mesure d’adapter sa posture au contexte et de mener simultanément des actions ponctuelles de combat de haute intensité, de sécurisation de zone, ou de secours aux populations. Cette capacité d’adaptation permanente explique pourquoi la France ne fait pas le choix de la spécialisation de ses forces, mais vise la polyvalence. Le critère du nombre – effectifs et équipements – demeure pertinent et ne peut être entièrement compensé par la qualité. Rapproché du constat du durcissement des conflits, accroissant les ris- ques pesant sur les forces au contact, il nécessite de poursuivre l’effort sur la protection et la capacité offensive des forces françaises – notam- ment à distance – afin qu’elles conservent leur liberté d’action. L’aptitude à durer dans les engagements découle de la faculté d’adaptation des moyens disponibles – ainsi que d’une redondance rai- sonnable –, de leur adaptation aux contextes prévisibles et, en défini- tive, de la qualité des hommes et des femmes au combat ainsi que de leur entraînement. QUELS ENGAGEMENTS ? 131 LES OPÉRATIONS MIXTES, CIVILES ET MILITAIRES, HORS DU TERRITOIRE NATIONAL Le cas le plus courant est celui d’opérations qui précèdent, accom- pagnent ou prolongent une action militaire, notamment pour la reconstruction ou la consolidation de la paix. Jusqu’à la fin de la guerre froide, la coupure était nette entre les opérations militaires, les guerres et les opérations civiles et civilo- militaires. Cette séparation s’est estompée, au point qu’il n’est plus guère possible de concevoir une opération militaire qui ne serait pas accompagnée d’une action civile.