Féeries, 13 | 2016, « Contes Et Morale(S) » [En Ligne], Mis En Ligne Le 01 Janvier 2017, Consulté Le 23 Septembre 2020
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Féeries Études sur le conte merveilleux, XVIIe-XIXe siècle 13 | 2016 Contes et morale(s) Du XVIIe siècle à aujourd’hui Jean Mainil et Jean-Paul Sermain (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/feeries/990 DOI : 10.4000/feeries.990 ISSN : 1957-7753 Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Édition imprimée Date de publication : 15 octobre 2016 ISBN : 978-2-8310-335-3 ISSN : 1766-2842 Référence électronique Jean Mainil et Jean-Paul Sermain (dir.), Féeries, 13 | 2016, « Contes et morale(s) » [En ligne], mis en ligne le 01 janvier 2017, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/feeries/ 990 ; DOI : https://doi.org/10.4000/feeries.990 Ce document a été généré automatiquement le 23 septembre 2020. © Féeries 1 Dans ce numéro de Féeries, treize spécialistes du merveilleux analysent les rapports complexes qu’entretient le conte de fées (essentiellement) avec la morale, et les morales. Pour ce qui est du domaine français (conte oriental inclus), sont considérés non seulement des contes et recueils des XVIIe et XVIII e siècles (Perrault, Lhéritier, Moncrif, Crébillon, Duclos, Voltaire, Galland, Pétis, Desjardins et divers contes en vers), mais aussi un recueil de fables et contes contemporains inspirés par La Fontaine (dont le processus d’écriture est ici commenté par l’auteur). Par ailleurs, le domaine allemand fait l’objet de plusieurs articles (sur les contes des frères Grimm). Est examiné, enfin, le devenir des Histoires ou Contes du temps passé de Perrault dans le patrimoine merveilleux russe deux siècles après leur parution. Outre le dossier critique de ce treizième numéro de Féeries portant sur Conte et morale(s), la revue propose aussi, comme chaque année, plusieurs recensions détaillées d’ouvrages critiques récents intéressant son champ d’étude. Un hommage est enfin rendu à René Démoris, grand spécialiste du XVIIIe siècle en littérature française et en esthétique, disparu début 2016, et qui a marqué deux générations de chercheurs. Plusieurs de ses travaux ont insufflé une dynamique aux études sur le conte merveilleux. Féeries, 13 | 2016 2 SOMMAIRE Avant-propos Études Conte et morale, ou Les nouveaux habits de la Moralité Jean Mainil Écrire dans la gueule du loup Hélène Merlin-Kajman Poétique du récit : vie morale et sens moral dans les Contes de Perrault Jean-Paul Sermain Reconfigurer les contes pour moraliser autrement Fuseau, quenouille de verre et pantoufle de verre Ute Heidmann L’interdit salutaire à travers deux cas merveilleux : « Cendrillon » (Perrault) et « Les six cygnes » (Grimm) Pierre-Emmanuel Moog Les persifleurs moralistes : Moncrif, Duclos et Crébillon témoins de leur temps Emmanuelle Sempère Désinvolture morale et revendications féministes dans le conte en vers des Lumières Stéphanie Bernier-Tomas La guérison par l’exemple : morale, politique et exemplarité dans les Mille et Une Nuits et leur hypertexte Dominique Jullien Les anges déchus qui font rire Aboubakr Chraïbi Critique et morale dans Le Taureau blanc de Voltaire (1774) Magali Fourgnaud La « morale expérimentale » du conte : l’exemple des Contes sages et fous d’Angélique Desjardins (1787) Françoise Gevrey Contes pour enfants ou livre d’éducation ? Albert Ludwig Grimm et les « frères Grimm » autour de S(ch)neewittchen Joëlle Légeret Une réécriture russe des contes de Charles Perrault Véronika Altachina Hommage René Démoris (1935-2016) Anne Defrance Féeries, 13 | 2016 3 Comptes rendus critiques Jean-François Perrin, L’Orientale allégorie. Le conte oriental au XVIIIe siècle en France (1704-1774) Paris, Honoré Champion, 2015, 310 p. Raymonde Robert Stéphanie Bernier-Tomas, Conter en vers au siècle des Lumières. Du divertissement mondain au genre libertin Paris, Honoré Champion, 2015, 782 p. Christelle Bahier-Porte Comptes rendus croisés : Florence Fix, Barbe-Bleue, esthétique du secret de Charles Perrault à Amélie NothombPierre Sultan, Les contes de Perrault sur le divanJacqueline Kelen, Une robe de la couleur du temps. Le sens spirituel des contes de fées Paris, Hermann, coll. « Savoirs/Lettres », 2014, 230 p.Paris, Riveneuve, 2015, 235 p.Paris, Albin Michel, 2014, 335 p. Pierre-Emmanuel Moog Féeries, 13 | 2016 4 Avant-propos Grâce à ses contributeurs et à ses lecteurs attentifs, Féeries perpétue avec ce treizième numéro, celui de la bonne chance, une tradition d’études critiques sur le conte merveilleux du XVIIe au XIXe siècle et au-delà. Les articles de ce numéro consacré à « Conte et Morale(s) » nous promettent une exploration à travers les siècles, les cultures, les pays, sous des angles dont la variété nous a séduits. Nous tenons à remercier nos collègues pour leurs textes qui nous ont permis de poursuivre notre réflexion sur cette question débattue de la morale dans les contes de fées et la dynamique qui les rend actuels. 1 Nous remercions également Anne Defrance, la directrice de la revue, pour son soutien indéfectible et Julie Ridard pour son aide précieuse dans la confection du volume. 2 Jean Mainil et Jean-Paul Sermain Féeries, 13 | 2016 5 Études Féeries, 13 | 2016 6 Conte et morale, ou Les nouveaux habits de la Moralité Tales and Morals, or Morality’s New Clothes Jean Mainil 1 Dès ses origines littéraires dans la dernière décennie du Grand Siècle, le conte de fées et la morale ont entretenu des rapports très étroits. Sans doute plus que ses consœurs, et dès la publication des tout premiers contes, Perrault a insisté sur l’importance de la morale qui légitime et justifie à elle seule le corpus moderne du conte. Certes, Perrault avait publié des contes en vers dès 1691 avec « La Marquise de Saluces ou La Patience de Griselidis », « Les Souhaits ridicules » dans Le Mercure Galant deux ans plus tard, et « Peau d’Âne » l’année suivante encore. La même année, dès 1694 donc, alors que les contes paraissent séparément, se cristallise déjà l’idée d’un corpus homogène de « contes en vers » que Perrault va rassembler dans un même recueil qui portera comme titre Grisélidis, nouvelle. Avec le conte de Peau d’Âne, et celui des Souhaits ridicules. 2 Or, en 1694, le genre du conte de fées littéraire commence à peine à s’imaginer, et à se publier, et il faudra encore attendre trois ans pour que Perrault propose ses Histoires ou contes du temps passé. Avec des Moralités, publiant entre-temps « La Belle au bois dormant » dans Le Mercure Galant de février 1696. Mais dès 1694, pour la troisième édition de ce tout premier recueil de contes en vers, alors que le conte n’a pas même encore son nom de baptême et ne l’aura que deux années plus tard1, Perrault place déjà la morale au centre de son programme et de son entreprise poétique. Dès la troisième édition du recueil qui connut un succès immédiat à en croire ses trois rééditions en un an, Perrault fait précéder ses contes d’une « Préface », texte préliminaire dont les allures théoriques contrastent avec l’adresse, plus personnelle, des Histoires ou contes du temps passé trois ans plus tard, « À Mademoiselle », Élisabeth-Charlotte d’Orléans, nièce de Louis XIV, dans lequel l’Académicien expose sa propre poétique2. 3 Dès cette « Préface » qui inaugure ce premier recueil de contes3, et ce, trois ans avant la publication des contes les plus connus aujourd’hui de Perrault et qui paraîtront Avec des Moralités, « Le Petit Chaperon rouge », « Le Petit Poucet », « Les Fées », « La Barbe bleue », « La Belle au bois dormant » sans parler de « Cendrillon », tandis que se Féeries, 13 | 2016 7 manifeste un goût du public pour ces fables modernes alors que n’ont alors paru que trois contes, c’est déjà par la moralité de ses contes que Perrault soutient l’entreprise résolument moderne qui est la sienne. 4 Cette entreprise moderne, Perrault la défend par rapport aux contes de l’antique Grèce ou Rome qui sont souvent, selon lui, immoraux quand ils ne sont pas tout simplement abscons : Je prétends même que mes Fables méritent mieux d’être racontées que la plupart des Contes anciens, et particulièrement celui de la Matrone d’Éphèse et celui de Psyché, si on les regarde du côté de la Morale, chose principale dans toute sorte de Fables, et pour laquelle elles doivent avoir été faites. Toute la moralité qu’on peut tirer de la Matrone d’Éphèse est que souvent les femmes qui semblent les plus vertueuses le sont le moins, et qu’ainsi il n’y en a presque point qui le soient véritablement4. 5 Et qui « ne voit que cette Morale est très mauvaise et qu’elle ne va qu’à corrompre les femmes par le mauvais exemple, et à leur faire croire qu’en manquant à leur devoir elles ne font que suivre la voie commune5 » ? Mieux que cette fable qui, malgré sa morale douteuse, est pour les Anciens au-dessus de tout soupçon, le premier conte du recueil de l’Académicien « tend à porter les femmes à souffrir de leurs maris, et à faire voir qu’il n’y en a point de si brutal ni de si bizarre, dont la patience d’une honnête femme ne puisse venir à bout6 ». 6 Perrault insiste sur le fait que ses propres contes proposent une morale absente du corpus classique, mais également que cette morale est claire, saisissable, évidente, surtout quand elle est comparée à la morale parfois présente dans les contes anciens mais qui se révèle bien souvent être impénétrable, telle celle de la fable de Psyché, certes « très agréable et très ingénieuse », mais où Perrault déclare y perdre son latin. 7 Outre sa défiance envers la morale absente, douteuse ou impénétrable des contes anciens, Perrault prend encore un autre parti qui lui permettra de mettre la morale au centre de son programme poétique, et idéologique, et de prouver de cette manière la supériorité de ses propres contes sur ceux qui, comme Boileau, témoignent d’un exclusif « amour des Antiquailles7 » : le mythe du conte oral, populaire, enfantin dont Perrault se serait inspiré.