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Séquences La revue de cinéma

The Band Wagon (analyse) Gisèle Montbriand

Numéro 32, février 1963

URI : https://id.erudit.org/iderudit/51955ac

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Éditeur(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique)

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Citer ce compte rendu Montbriand, G. (1963). Compte rendu de [ (analyse)]. Séquences, (32), 63–66.

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THE BAND WAGON

(Tou s en scene )

A. aocumentatio tati n

1. Générique Albert Schwartz) — Dec. : Edwin B. Wil­ lis et Keogh Gleason — Int. : Fred As­ taire (Tony Hunter), (Ga­ Film américain 1953 -— Prod. : Arthur brielle Gerard), (Ted Mar- Freed — Real. : — ton), (Lili Marton), Jack Seen. : et Buchanan (Jeffrey Cordova), James Mit­ — Phot. : Harry Jackson — Mus. : A- chell (Paul Byrd) — 116 min. — Coul. dolph Deutsch (Lyrics d' et (b & n français) — Dist. : M.G.M.

FEVRIER 1963 63 2. Résumé du scénario mier film. Cabin in the Sky (1942), est une originale fantaisie musicale a- Tony Hunter, un vétéran de la co­ vec des Noirs. Il continuera ses recher­ médie musicale cinématographique, ren­ ches sur la comédie musicale, genre au­ tre à New-York après plusieurs années quel il donnera un nouvel essor, en met­ d'absence. Ses amis, le couple Lili et tant à profit toutes les ressources tech­ Ted Marton, l'accueillent et l'entraî­ niques et esthétiques du cinéma. Tantôt nent dans un projet d'opérette, qui Minnelli dirige de fastueuses comédies sera mise en scène par le grand tragé­ dans le style ancien (Ziegfeld Follies — dien, Jeffrey Cordova. Ce dernier trans­ 1946), tantôt il crée et fignole des oeu­ forme le projet en une tragédie (mo­ vres d'une grande originalité où scéna­ derne) de et obtient les services rio et parties musicales se fondent har­ de la danseuse de ballet classique, Ga­ monieusement (An American in Pa­ brielle Gerard, comme partenaire de ris — 1950, son chef-d'oeuvre, Bells Tony Hunter. Les répétitions commen­ Are Ringing — 1958). Depuis quel­ cent. Des frictions entre les interprè­ ques années, Minnelli s'intéresse davan­ tes, les auteurs et Cordova risquent de tage à la comédie de caractère et au compromettre le spectacle. Tout s'ar­ drame psychologique. Il y manifeste un range et l'amour commence à poindre même souci de mise en scène impecca­ entre Tony et Gabrielle. Mais la pre­ ble. Lust for Life (1953), recréation mière est un four monumental. de la vie dramatique de Van Gogh, et Avec l'appui de la troupe et l'ac­ Some Came Running (1959) sont par­ cord de Cordova, Tony prend la direc­ ticulièrement remarquables. U) tion du spectacle. Commence une tournée triomphante qui aboutit fi­ 4. Les principaux interprètes nalement à New-York. Les différents numéros et surtout le ballet final "Girl a) (voir page 69). Hunt" connaissent un réel succès. Après la soirée, Tony, dans sa loge, s'étonne b) Cyd Charisse : Elle était danseu­ qu'on ne vienne pas le féliciter et se se de ballet avant de passer au cinéma prépare à célébrer seul son triomphe. et particulièrement à la comédie mu­ Mais on a préparé une fête en son sicale. Elle avait fait une brève mais honneur et la troupe au grand complet fulgurante apparition dans Singin' in l'attend sur le plateau. Gabrielle le re­ the Rain (1951, Gene Kelly et Stan­ mercie au nom de tous et lui avoue son ley Donen) avant de tenir la vedette dans The Band Wagon. Par la suite, on la retrouve dans plusieurs films mu­ 3. Le réalisateur sicaux, dont Brigadoon, de Minnelli (1954), It's Always Fair Weather, de Vincente Minnelli aborde le métier Kelly-Donen (1955). Cyd Charisse de réalisateur en 1942, après avoir été passe avec une grande aisance de l'in­ photographe, décorateur de plateau, terprétation classique à la danse popu­ metteur en scène de théâtre, puis di­ laire. Par sa beauté admirable et son recteur artistique des spectacles de mu­ grand talent, elle semble incarner l'es­ sic-hall du "Radio-City", à New-York. prit même de la danse. Minnelli allie à un goût prononcé et très sûr du spectacle une solide forma­ tion intellectuelle et artistique. Son pre­ (1) cf Séquences no 29, p. 35.

64 SÉQUENCES 1. Le sujet et sa valeur le Nanette Fabray soit une véritable chanteuse. Mais comme la plupart sont A prime abord, le scénario de The drôles et interprétées en groupe, elles Band Wagon semble conventionnel. passent très bien. "That's Entertain­ L'action se situe dans le milieu du ment" permet au quatuor Astaire, Le­ spectacle. Tony Hunter est un vétéran vant, Fabray et Buchanan de s'animer du métier. Le point de départ du film dans les coulisses du théâtre. Les "Tri­ est la préparation d'un show. En fili­ plets" (Astaire, Fabray, Buchanan) grane, se développe une intrigue sen­ présentent un excellent numéro comi­ timentale. que bien servi par les truquages. Nanet­ Sur ce canevas banal, les auteurs du te Fabray chante seule "Louisiana Hay- film vont broder à leur façon. Tout ride" qui ne la favorise vraiment pas. d'abord, sous le prétexte du show, Astaire donne le meilleur de lui-même ils ne cherchent pas à accumuler les dans "By Myself", chanson mélancoli­ numéros musicaux. que où il excelle malgré sa faible voix. De plus, sous son apparence conven­ Précisons que Cyd Charisse est dou­ tionnelle, l'intrigue se noue d'une fa­ blée pour les chants et que Oscar Le­ çon habile. Dans cette description nuan­ vant fait semblant de chanter. cée et savoureuse du monde du specta­ Dans les danses, on trouve une é- cle, on peut déceler des intentions. On quipe non spécialisée, si on excepte y trouve une satire amusante d'une cer­ Fred Astaire et Cyd Charisse. C'est taine conception du spectacle grandiose, donc ce couple qui conduit les princi­ boursoufflé, compliqué, qu'il s'agisse pales danses; pour le reste, le groupe d'une tragédie somptueuse ou d'un rythme des pas au son des chansons. musical ambitieux. Au début, Astaire exécute seul une Le film magnifie la comédie musi­ danse pleine de fantaisie et de brio, en cale. En effet, il présente habilement chantant "A Shine on Your Shoes". A- deux maîtres des arts traditionnels : la vec Cyd Charisse, il esquisse des pas tragédie (Cordova) et le ballet (Ga­ et des figures, mais la première danse brielle Gerard) qui acceptent de se véritable de ce couple naît dans le parc tourner vers la comédie musicale. Min­ après la réconciliation. Ce ballet est nelli tente ainsi de montrer que le remarquable, tant par sa qualité cho­ spectacle, quel qu'il soit, est un et régraphique que par sa puissance ex­ indivisible, s'il s'élève au niveau de la pressive. Le premier pas de Cyd Cha­ risse prolonge sa marche et crée une transition entre le réel et la poésie. 2. Musique, chansons, danses Cette danse, dans un décor idéalisé, é- voque l'éveil de l'amour entre les deux Dans l'ensemble, la musique du film personnages. est agréable et entraînante ; elle a été Le ballet final, "Girl Hunt", consti­ tirée du répertoire du music hall. tue le sommet du film. Cyd Charisse Les chansons abondent bien que seu­ est omniprésente en interprétant trois

FEVRIER 1963 65 rôles de femmes mystérieuses et Fred ment), loufoquerie (répétitions pétéra- Astaire, en détective privé inquiétant, dantes), émotion sentimentale (danse met à profit sa grâce et sa virtuosité. dans le parc), fantaisie pure (ballet Ce ballet devient une parodie des ro­ final). mans noirs américains. Le commentaire Minnelli attache une importance pri­ "off" dit par Astaire fut écrit par Min­ mordiale aux décors et aux couleurs. nelli lui-même. La musique de jazz Arrêtons-nous à quelques scènes parti­ contribue à faire de ce ballet une sé­ culièrement réussies. Astaire danse et quence exceptionnelle. chante "A Shine on your Shoes" au milieu d'une foire multicolore et ani­ Voilà l'un des plus purs ballets ci­ mée. VOedipe de Cordova baigne dans nématographiques jamais réalisés. La un décor colossal où le vert et le rouge transition de la scène au ballet opérée contrastent violemment. La rencontre de par le déchirement d'un rideau (rafa­ Hunter et de Gabrielle Gerard chez le de mitraillette), il n'y a plus au­ Cordova se déroule dans un espace fait cun rappel d'un lieu théâtral. L'action de quatre décors différents. La pièce se déroule étrangement dans un temps où se tient Gabrielle tranche par sa et des lieux stylisés. Toutes les barrières douce teinte rouge sur les décors mau­ du temps et de l'espace semblent rom­ ves, jaunes et or des autres pièces. pues. Un mouvement aérien nous en­ Hunter vit dans une chambre d'hôtel traîne de femme en femme, de ba­ toute en teintes pâles sur lesquelles écla­ garre en bagarre. tent les tableaux accrochés aux murs. Les corps des danseurs sont désarti­ Minnelli rend ainsi un hommage dis­ culés, leurs gestes syncopés comme la cret et raffiné aux peintres ainsi qu'au musique. Les danses adoptent un ryth­ bon goût du danseur. me violent et expriment des sentiments Il faut revoir The Band Wagon primitifs. L'ensemble revêt un carac­ pour apprécier à sa juste valeur le vé­ tère excessif. Mais la grande unité de ritable apport de Minnelli au cinéma : style, la perfection des gestes, des pas, à l'art de s'exprimer admirablement par des figures, et le ton parodique qui l'image, il marie avec bonheur la fer­ imprègne le ballet révèlent une grande veur du chant et la grâce de la danse. maîtrise. Thèmes de réflexion 3. La réalisation 1. Le film fait-il la part trop grande On retrouve dans The Band Wagon à "l'histoire" ? Peut-on reprocher les caractéristiques du style de Minnel­ au film un manque de rigueur ? li. L'auteur met autant de soin à dé­ 2. Appréciez les différentes séquences crire les situations dramatiques qu'à fi­ de danse aux points de vue de gnoler les numéros musicaux. Cha­ chorégraphie, interprétation et réa­ que scène importante est traitée comme lisation. un tout. C'est pourquoi, la structure 3. Le film apporte-t-il des éléments générale ressemble davantage à une sui­ nouveaux à la comédie musicale ? te de tableaux qu'à un tout bien com­ 4. Dans quelle mesure l'auteur réus­ posé. Ainsi le film peut passer d'un sit-il à rendre hommage à la co­ ton à un autre sans que l'on puisse par­ médie musicale ? ler de rupture : gaieté (That's Entertain­ Gisèle Montbriand

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