Adrien Guyot
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L’Amérique, un ailleurs partagé by Adrien Guyot A thesis submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of Doctor of Philosophy In French Language, Literature and Linguistics Department of Modern Languages and Cultural Studies University of Alberta © Adrien Guyot, 2016 Abstract/Résumé While the cultural identities of Latin-American countries, Québec and the Antilles have long been forged around a single reference, namely their European past, they have been recently showing signs of rupture and heterogeneity. Thinkers from Québec (Sherry Simon, Pierre Nepveu, Gérard Bouchard), the Caribbean (Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Maximilien Laroche) or Latin America (Isidro Morales, Néstor García Canclini, Zilá Bernd) have been revisiting the concepts of origin and space from a completely different perspective. No longer would Europe be the anchor of their cultural identity; the roots and origins of their respective identity construction would have to be found elsewhere, in a new environment perhaps, embracing the modernity and diversity that are celebrated in the concepts of hybridity, transculturalism, creolization, which all slowly lead to a mythical crossroads: America. However, the establishment of a symbolic relation with the American territory remains somewhat problematic as the concept of Americanity relies on diverse discourses, which can be contradictory at times. The present study aims to shed light on the trendy concept that Americanity has become, retrace its development and explain how the different perspectives in the reappropriation of the American space could lead to the establishment of America as a shared elsewhere. ii Si les identités culturelles des pays d’Amérique latine, de la Caraïbe ou du Québec ont longtemps été forgées autour d’une seule et unique référence totalisante, tournée vers l’Europe, ces régions montrent depuis quelques décennies de profonds signes de rupture et d’hétérogénéité. Depuis les années 1980, un grand nombre de penseurs du Québec (Sherry Simon, Pierre Nepveu, Gérard Bouchard), de la Caraïbe (Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Maximilien Laroche) d’Amérique Latine (Isidro Morales, Néstor García Canclini, Zilá Bernd) ont à cet égard pris pour tâche de revisiter les notions d’origine et d’espace avec en point de mire un idéal de diversité. L’Europe ne serait désormais plus l’ancre à laquelle attacher tous les liens identitaires et culturels ; les racines se devraient dès lors d’être trouvées également ailleurs, dans un nouvel environnement plus apte à tenir compte des réalités structurantes du quotidien, embrassant par là même la modernité et la diversité prônées dans les concepts d’hybridité culturelle, de transculturalisme et de créolisation. Cette quête les mènera lentement vers un carrefour mythique : l’Amérique. Néanmoins, l’établissement d’une relation symbolique avec le continent n’est pas une tâche aisée. Le concept d’américanité, bâti sur une multitude de discours plus ou moins contradictoires demeure problématique. La présente étude se propose de saisir la complexité de l’idéologème, retracer son évolution et de cerner en quoi ses différentes variantes pourraient mener à l’établissement de l’Amérique comme d’un ailleurs partagé. iii Remerciements Je tiens à remercier en premier lieu ma directrice de recherche, Dr. Anne Malena, pour ses commentaires éclairés et éclairants, ses encouragements hebdomadaires et un soutien indéfectible. Dr. Marie Carrière, Dr. Daniel Laforest et Dr. Paul Dubé méritent également ma reconnaissance. Leur fascinante passion pour la littérature est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu poursuivre cette aventure intellectuelle. J’aimerais remercier également le département de Modern Languages and Cultural Studies, pour l’opportunité qui m’a été offerte d’enseigner à l’université pendant ma recherche. À Alexandra, merci du fond du cœur d’avoir été là au quotidien, à travers les joies et les peines, durant ces dernières années. À papa, pour ta générosité sans pareille et tes encouragements infinis ; à Antoine, pour les éclats de rire et ces doux rappels que la vie dépasse les réflexions littéraires… merci. C’est dans ces moments que tu me manques le plus, maman. J’aurais tant voulu partager mon travail avec toi, discuter de ces romans que tu dévorais la nuit venue, te savoir fière de moi. Ce travail t’est dédié. iv TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 1 1ÈRE PARTIE : L’AMÉRICANITÉ QUÉBÉCOISE 15 CHAPITRE I : UNE AMÉRIQUE EN FILIGRANE 16 CHAPITRE II: REVISITER L’AMÉRIQUE, REVISITER L’ALTÉRITÉ 42 CHAPITRE III: L’AMÉRIQUE DANS LES DÉDALES DE LA LANGUE 69 2ÈME PARTIE : LES ANTILLES, L’AUTRE AMÉRIQUE 88 CHAPITRE IV : UNE AMÉRICANITÉ À DEMI-MOT 89 CHAPITRE V : MÉTISSAGES ET POÉTIQUE DE RÉSISTANCE 100 CHAPITRE VI : L’AMÉRIQUE, D’ÎLE EN ÎLE 128 3ÈME PARTIE : L’AMÉRIQUE, UN AILLEURS PARTAGÉ 165 CHAPITRE VII : MIROIRS & PROJECTIONS 166 CHAPITRE VIII : HÉTÉRODYSTOPIES 190 CONCLUSION: VERS UN NOUVEAU PARADIGME DE LA SURVIVANCE ? 233 BIBLIOGRAPHIE 243 v INTRODUCTION L’Amérique, s’il ne fallait retenir que ce seul aspect, est le creuset où tous les mythes du vaste monde se sont donné rendez-vous pour une vie nouvelle. (Maximilien Laroche, « Mythe, géographie et histoire dans les Amériques ») 1 Si les identités culturelles des pays d’Amérique latine, de la Caraïbe ou du Québec ont longtemps été forgées autour d’une seule et unique référence totalisante, tournée vers l’Europe, ces régions montrent depuis quelques décennies de profonds signes de rupture et d’hétérogénéité. Depuis les années 1980, un grand nombre de penseurs du Québec (Sherry Simon, Pierre Nepveu, Gérard Bouchard), de la Caraïbe (Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Maximilien Laroche) d’Amérique Latine (Isidro Morales pour le Mexique, Néstor García Canclini pour l’Argentine, Zilá Bernd pour le Brésil) ont à cet égard pris pour tâche de revisiter les notions d’origine et d’espace avec en point de mire un idéal de diversité. L’Europe ne serait désormais plus l’ancre à laquelle attacher tous les liens identitaires et culturels ; les racines se devraient dès lors d’être trouvées également ailleurs, dans un nouvel environnement plus apte à tenir compte des réalités structurantes du quotidien, embrassant par là même la modernité et la diversité prônées dans les concepts d’hybridité culturelle, de transculturalisme et de créolisation. Cette quête les mènera lentement vers un carrefour mythique : l’Amérique. Car l’Amérique, dans ses dénominations usuelles les plus sommaires, tient déjà du mythe. Elle dénote par son appellation la plus courante, le Nouveau Monde, un stade antérieur de l’humanité, désormais transcendé par un accès au renouvellement de l’expérience humaine. À cette image s’est greffée de nombreuses légendes et histoires, à commencer par le mythe de l’Eldorado, les navigations phéniciennes et les contacts précolombiens, la Ruée vers l’or, la conquête de l’Ouest et l’expérience de la frontière, le rêve 2 américain et la figure héroïque moderne du self-made man, les brassages infinis de populations et les grands espaces où errent autochtones en osmose avec la nature, pionniers en quête d’aventure, cowboys solitaires et vagabonds mystiques. Au demeurant, l’établissement d’une relation symbolique avec le territoire américain reste problématique, notamment car l’américanité s’avère être un concept polysémique reposant, ici et là, sur des discours parfois contradictoires. Józef Kwaterko, auteur de « L’américanité : voies du concept et voies de la fiction au Québec et dans la Caraïbe » (2003) en résume l’ampleur : Si depuis les années 1980 l’image-concept d’américanité a été l’objet d’un flou sémantique et des approximations souvent confuses […], il semble connaître aujourd’hui une crise épistémologique assez aiguë. (44) On ne saurait acquiescer davantage. Entre mythe de la découverte, sacralisation de la nouveauté, spectre de l’américanisation, traversée des grands espaces, apologie d’une urbanisation débridée, en passant par des conceptions indigénistes et ahistoriques, l’américanité s’est érigée comme un concept controversé1 aussi incontournable qu’ambigu. 1 Cette pesante indétermination a attiré sur l’idéologème bien des critiques, comme Pierre Nepveu, las de le voir répété ad nauseam : « Un néologisme québécois qui a trop souvent signifié (et signifie de moins en moins) une immense ignorance de l’Amérique et sa réduction à des valeurs stéréotypées en lesquelles je ne me reconnais guère : primitivisme, naturalisme, anti-intellectualisme, mythologie des grands espaces, sacralisation de la jeunesse et du tout- neuf ». (Intérieurs du Nouveau Monde, 1998, p.7) 3 Incontournable, pour certains, inexistant pour d’autres. En effet, évoquer l’américanité – ou americanity – en contexte anglophone laisse planer bien des doutes quant à l’existence de la notion. Et pour cause, très peu d’études y font référence. Pan-Americanism et Americanness sont utilisés, ici et là, sous des axiologies parfois similaires mais il serait erroné d’en faire des équivalences avec américanité, americanidad ou americanidade. Car la force de ces derniers concepts réside justement dans leur caractère subversif. Leur intraduisibilité vers l’anglais n’est en rien fortuite. Au contraire, par leur nature in absentia en anglais, ces concepts dérivés d’une pensée postcoloniale clament haut et fort leurs couleurs : l’américanité et ses variantes d’Amérique latine s’énoncent ainsi en premier lieu comme un contre-récit, faisant de la réappropriation symbolique du continent une entreprise réparatrice visant à redonner