Dynamique Spatiale De L'anacarde Et Problématique De La Sécurité
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Dynamique spatiale de l’ANACARDE et problématique de la sécurité alimentaire dans la zone dense du Département de KORHOGO (Nord-CÔTE D’IVOIRE) SILUE Karna*, Doctorant-Géographie / Université Alassane OUATTARA de Bouaké (Côte d’Ivoire) GBODJE Jean-François Aristide, Assistant-Géographie / Université Peleforo Gon Coulibaly (Côte d’Ivoire) DJAKO Arsène, Professeur Titulaire-Géographie / Université Alassane OUATTARA Bouaké (Côte d’Ivoire) Résumé L’anacardier a été introduit dans le nord de la Côte d’Ivoire en 1959, avec pour objectif, la lutte contre la déforestation et la dégradation des sols. La valorisation de la commercialisation de la noix de cajou à partir des années 1968 et la détérioration du marché du coton ont constitué un contexte favorable au développement de l’anacardier. Ainsi, considérée désormais par les paysans comme la culture de tous les espoirs, les plantations d’anacardiers fleurissent dans l’espace agricole de la zone dense du département de Korhogo au détriment des cultures vivrières. Comment l’expansion spatiale de l’anacarde impacte-elle négativement la sécurité alimentaire des ménages ruraux de la zone dense du département de Korhogo ? A partir de données issues d’enquêtes sur le terrain, cet article examine l’impact de l’expansion spatiale de l’anacarde sur les rendements de la production vivrière de la zone dense du département de Korhogo. Les résultats montrent que l’engouement des paysans pour l’anacarde bouleverse non seulement les pratiques agricoles mais aussi les rapports sociaux à l’intérieur des lignages. L’anacarde s’accapare de l’espace agricole au détriment des cultures vivrières de par ses superficies et de son système de culture et de production. Cette situation compromet la sécurité alimentaire des ménages ruraux et leur capacité à approvisionner les marchés urbains en vivres. Mots clés : Dynamique spatiale, culture d’anacarde, noix de cajou, sécurité alimentaire, zone dense de Korhogo Abstract The cashew tree was introduced in the north of the Ivory Coast in 1959, with the objective of combating deforestation and soil degradation. The development of the cashew nut marketing from the years 1968 and the deterioration of the cotton market constituted a favorable context for the development of the cashew tree. Thus, now considered by farmers as the culture of all hopes, cashew plantations are flourishing in the agricultural area of the dense area of the department of Korhogo to the detriment of food crops. How does the spatial expansion of the cashew tree negatively impact the food security of rural households in the dense area of the department of Korhogo? Using data from field surveys, this article examines the impact of the spatial expansion of the cashew nut on food production yields in the dense area of the Korhogo department. The results show that farmers' craze for cashew nuts disrupts not only agricultural practices but also social relationships within the lineages. The cashew takes up agricultural space to the detriment of food crops because of its areas and its culture and production system. This situation jeopardizes the food security of rural households and their ability to supply urban markets with food. Keywords: Spatial dynamics, cashew cultivation, cashew nuts, food security, dense area of Korhogo 145 Introduction Le pays sénoufo (nord de la Côte d’Ivoire) a été pendant longtemps caractérisé par une agriculture de subsistance basée sur les cultures céréalières. Mais dès les années 1960, cette partie du pays bénéficiera de nombreux projet de développement agricole tels que le plan cotonnier et le plan anacardier, conduits par des sociétés de développement pour compenser le déséquilibre agricole entre le Nord et la zone forestière du Sud. Ce nouveau contexte agro- économiques a ainsi entraîné le développement progressif des plantations d’anacardiers et une redéfinition des stratégies d’appropriation des terres disponibles pour une sécurisation du revenu agricole dans une zone où la disponibilité des terres arables se fait de plus en plus rare à cause de la pression démographique ( Le Guen, 2004, cité par Coulibaly, 2018). Ainsi, depuis près de trois décennies, la valorisation du prix bord-champ de la noix de cajou occasionne un engouement des paysans. Celui-ci se traduit par l’augmentation des superficies dédiées à l’anacarde. Cette dynamique de la culture de l’anacarde a conduit à la réduction significative des surfaces destinées aux cultures vivrières. Cette situation compromet la production des vivriers nécessaires pour garantir une sécurité alimentaire des ménages ruraux. C’est notamment le cas de la zone dense du département de Korhogo (chef lieu de la région du Poro) au nord de la Côte d’Ivoire caractérisée par une très forte pression démographique sur l’espace. Dès lors, il est important d’analyser l’impact de la dynamique spatiale de l’anacarde sur la sécurité alimentaire dans cet espace géographique du pays. Cette contribution vise à mettre en évidence l’impact de l’expansion spatiale de l’anacarde sur les rendements de la production vivrière locale de la zone dense du département de Korhogo afin de prévenir la dégradation de la situation alimentaire des ménages ruraux. Il s’agit précisément de décrire les systèmes de cultures et de production agricole dans la zone densément peuplée du département de Korhogo, d’étudier les stratégies de conquête de l’espace par l’anacarde dans la zone de l’étude et montrer les conséquences de cette appropriation des espaces agricoles par l’anacarde sur les cultures vivrières dans la zone d’étude. 1. Données et méthodes Cette étude s’appuie sur un ensemble d’informations collectées à partir d’une recherche bibliographique soutenue d’une enquête de terrain menée du 05 février au 23 octobre 2016 et de juillet à août 2018 dans 06 sous-préfectures de la zone dense1 du département de Korhogo (figure 1). Il s’agit des sous-préfectures de Korhogo (chef-lieu de département), Karakoro, Tioroniaradougou, Dassoungboho, Lataha et Napiélodougou. Dans ces sous-préfectures, nous avons retenu 2 à 3 villages par village pour mener cette enquête. Ainsi, 3 villages ont été retenus par village pour les sous-préfectures de Korhogo, Tioroniaradougou, et Karakoro. Dans les sous-préfectures de Dassoungboho et Lataha, Napiélodougou, 2 villages sont retenus par sous- préfecture. Au total, 15 villages ont été choisis (voir tableau 1). La justification de cette démarche réside, non seulement dans notre volonté de couvrir, autant que faire se peut l’espace d’étude, mais aussi dans des critères fondamentaux bien définis. Il s’agit notamment de : - la proportion de paysans producteurs d’anacarde ; - la pression démographique sur l’espace agricole ; - l’accès facile à ces villages. 1 Selon les informations de COULIBALY S., (1978, p. 58), la zone dense de la région du Poro, anciennement appelée département de Korhogo, se situe à cheval sur les sous-préfectures de Sinématiali, Karakoro, Napiélodougou et surtout Korhogo qui ont les densités les plus élevées. 146 Pour le choix des producteurs, la méthode du choix raisonné a été privilégiée, étant donné que c’est une méthode qui n’obéit à aucune justification théorique ni à aucune rigueur statistique (Tano M., 2012, p. 95). Sur cette base, au total 150 producteurs de la noix de cajou ont été enquêtés en raison de 10 producteurs par village (voir tableau 1). Par ailleurs, un questionnaire a été administré aux paysans. Il a été orienté sur leurs systèmes d’exploitation agricole de production de l’anacarde, l’impact de l’anacarde sur la gestion de l’espace agricole et sur les rendements du vivrier du département de Korhogo. Enfin, des entretiens avec des techniciens agricoles de l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER) de la zone Korhogo et certains responsables du Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) de la direction régionale de la région du Poro, ont permis d’obtenir plus d’informations utiles, notamment en ce qui concerne certaines questions techniques à savoir : la croissance des plans d’anacardes, les rendements à l’hectare, l’impact pédologique de l’anacarde). Toutes ces informations recueillies ont contribué à l’obtention des résultats. Tableau 1 : Répartition des localités enquêtées dans la zone d’étude Producteurs Villages Département Sous-préfectures enquêtés par d’enquêtes village Nahoualakaha 10 Tioroniaradougou Tioroniaradougou 10 Katia 10 Total Tioroniaradougou 3 30 Loyérikaha 10 10 Karakoro Pangarikaha Pokaha 10 Total Karakoro 3 30 Torgokaha 10 Korhogo Fodonition 10 Bounonkaha 10 KORHOGO Total Korhogo 3 30 10 Napiélodougou Pligakaha Napielodougou 10 Total Napiélodougou 2 20 Fonavogo 10 Dassoungboho Dassoungboho 10 Total Dassoungboho 2 20 Kohotiéri 10 Lathaha Nangakaha 10 Total Lathaha 2 20 Total zone d’étude 6 15 150 Source : Nos enquêtes, février 2016 147 Figure 1 : Localisation de la zone d’étude Figure 2 : Localisation des villages d’enquête 148 2. Résultats et discussion 2.1. Systèmes culturaux et développement des cultures vivrières dans la zone dense du département de Korhogo 2.1.1. Des systèmes de culture en mutation dans le pays sénoufo Le système de culture désigne les combinaisons culturales adoptées par les agriculteurs, l’ensemble plus ou moins structuré par eux (Babouin, 1987, p. 358). Autrement dit, c’est le fait de cultiver une parcelle de terre en ayant recours à diverses techniques agricoles dans le but de produire suffisamment de végétaux destinés soit à la commercialisation, soit à l’autoconsommation (Koffi, 2008, p. 5 ; Gbodjé, 2018, p. 163). Partant de ce concept, comment se présente le système de culture dans le département de Korhogo en général et dans la zone dense dudit département en particulier ? 2.1.2. Des systèmes de cultures peu ravageurs de l’espace agricole à l’origine En pays sénoufo, l’originalité de la civilisation a su conférer à son terroir (territoire agricole du village) le caractère d’une mine inépuisable.