Du Droit Pénal
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BIBLIOTHHQFE, * DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE PHILOSOPHIE DU DROIT PÉNAL An. FRANCK Membip ili l'Insliliit profiteur .m ColIi-p< ili Tïnn'i»- DEUXIÈME EDITION PARIS LIBRAIRIE GERMER BAILLI ÈRE ET C 1 (I S , BOTU.KV U!l) S,1IS1-I>)'.I.'.I4IN. 1 II X 1880 PHILOSOPHIE DU DROIT PÉNAL PHILOSOPHIE OUVRAGES DU MÊME AUTEUR : DU DROIT PE LA PHILOSOPHIE'MYSTIQUE AU XVIIP SIÈCLE, in-18 (Ger- mer Baillière et Gie). PHILOSOPHIE DU DROIT ECCLÉSIASTIQUE , in-18 (Germer Baillière et Ci0). DICTIONNAIRE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES, publié avec le concours d'une Société de savants. 1 fort volume AD. FRANCK grand in-8", 2° édition. (Hachette et Gie). Membre de l'Institut, professeur au Collège de France. LA KABBALE OU LA PHILOSOPHIE RELIGIEUSE DES HÉ- BREUX, 1 vol. in-8° (Hachette et C'°). DE LA CERTITUDE, in-8° (Ladrange). ESQUISSE D'UNE HISTOIRE DE LA LOGIQUE, in-8° (Hachette et Cie). ÉTUDES ORIENTALES, 1 vol. in-8" (Calmann Lévy). RÉFORMATEURS ET PUBLICISTES DE L'EUROPE, 1 VOl. in-8° DEUXIÈME ÉDITION (Calmann Lévy). PHILOSOPHIE ET RELIGION, 1 vol. in-8» et in-12 (Didier et C10). MORALISTES ET PHILOSOPHES, 1 vol. in-8° et in-12 (Didier et C>°). i0 LA MORALE POUR TOUS, in-12 (Hachette et G ). PHILOSOPHES MODERNES, ÉTRANGERS ET FRANÇAIS, 1 vol. in-12 (Didier et Ci0). PARIS LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET G 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1880 3300-79. SAI\T-H'E\ SMNE). — IMPRIMERIE JOLEP nnïBR. Tous droits xéservés 3^ <J Ht PHILOSOPHIE DU DROIT PÉNAL INTRODUCTION Le but qu'on se propose ici n'est pas le même que celui des savants jurisconsultes qui ont commenté ou expliqué le code pénal. Je ne veux toucher à la loi pénale écrite que pour la soumettre au contrôle de cette loi éternelle dont parle Cicéron, de cette loi qui est la même à Athènes qu'à Rome, et dont le texte ne se trouve nulle part, sinon dans la raison divine et dans la conscience du genre hu- main. Je n'ai pas non plus l'intention de recueillir et de comparer entre elles les lois pénales qui ont existé chez les différents peuples de la terre; caT ce travail d'érudition et de patience, s'il n'est pas subordonné à une fin plus élevée, s'il n'est pas destiné à rendre sensibles les triom- phes du droit sur la force, de la raison sur la passion, de la justice sur la vengeance et les instincts féroces de la bête, de la civilisation sur la barbarie, ne peut offrir aux yeux qu'un tissu d'horreurs, de cruautés, de violences, de crimes plus odieux que ceux qu'on voulait punir, et qui, faisant l'opprobre de l'humanité, devraient être effaces de sa mémoire avec autant de soin qu'on en met à les pro- duire au jour. Il ne peut pas être question enfin de subs- A. FRANCK, DROIT ri'ïXAL. 1 2 PHILOSOPHIE DU DROIT PÉiS'AI, INTRODUCTION 3 tituer aux législations positives actuellement en vigueur au lieu de citoyens, il n'y a plus que des esclaves ; la loi un code idéal, où toutes les peines et tous les délits de- n'est plus qu'un instrument d'oppression et le juge se vraient trouver leur place dans un ordre plus ou moins confond avec le bourreau. Sans aller aussi loin, admettez rigoureux. Il s'agit de trouver les principes sur lesquels seulement que la justice pénale, au lieu de borner sa tâche repose ou sur lesquels devrait reposer la justice criminelle à la répression des crimes qui attaquent l'ordre social, se et les règles qu'elle est tenue de suivre dans l'accomplis- propose de poursuivre l'immoralité sous toutes ses formes, sement de sa douloureuse mission. Il s'agit de réunir les jusqu'au péché, ou ce qui est considéré comme tel, par éléments de ce qu'on pourrait appeler la philosophie du une religion déterminée, jusqu'aux erreurs de la pensée, droit pénal. ou ce qui est qualifié ainsi par une certaine science, vous Cette branche delà philosophie n'intéresse pas seulement verrez renaître aussitôt les procès d'hérésie et de sorcelle- le publiciste et le philosophe, portés, par la pente de leur rie, vous verrez reparaitre l'inquisilion avec tous ses ins- esprit et l'objet propre de leurs méditations, à chercher truments de torture, vous entendrez proclamer des édits dans la conscience de l'homme et dans la nature des choses comme ceux qui proscrivaient autrefois la circulation du les fondements invariables des institutions et des lois ; elle sang, qui défendaient « sous peine de la hart » d'enseigner n'intéresse pas seulement le jurisconsulte, pour qui la loi, toute autre logique que celle d'Aristote, ou qui ordonnaient, lorsqu'il en ignore la raison, c'est-à-dire l'esprit, ne peut sous peine du bûcher, de faire tourner le soleil autour de être qu'une lettre morte, tandis qu'il descend lui-même au la terre; vous aurez livré la liberté de votre conscience, la rang d'un instrument sans conscience ou d'un sophiste liberté de votre intelligence, la paix et l'honneur de votre sans conviction, prêt à servir également toutes les causes. foyer. Elle intéresse, j'ose le dire, tous les esprits cultivés ; car il Si vous n'avez point de principes en matière de droit n'existe aucune partie des connaissances humaines où pénal, vous passerez facilement de l'excès de la rigueur à soient engagés d'une manière plus directe les droits de celui de l'indulgence. Attendri par une pitié trompeuse, l'individu, la conservation, la paix, la dignité de la société qui n'est au fond que de la cruauté ; séduit par une phi- et la morale elle-même, ou du moins la conscience publi- lanthropie romanesque, qui n'est souvent que le plus haut que, sans laquelle la morale n'est dans ce monde qu'une degré de personnalité, vous voudrez enlever à la société exilée et une étrangère, que personne n'écoute, que per- tous ses moyens de défense, vous voudrez désarmer la jus- sonne ne comprend. tice et énerver la loi ; toujours prêt à verser des larmes sur Imaginez, en effet, une législation pénale sans principes, le sort du coupable, vous serez sans entrailles pour les qui ne se propose, comme cela est arrivé souvent, que le honnêtes gens. L'ordre social, sous cette influence dissol- triomphe ou la domination d'une secte, d'un parti, d'une vante, n'existera plus bientôt que de nom. Le vice et le forme de gouvernement, d'une classe plus ou moins nom- crime, assurés de trouver partout indulgence et protection, breuse de la société, à l'exclusion de toutes les autres, que marcheront le front levé. Il faudra, comme naguère à New- deviendront alors les formes protectrices de la justice, York, des associations privées pour remplacer l'autorité l'intégrité et l'indépendance des juges, la sécurité des ac- avilie et les tribunaux impuissants; ou l'on en viendra à cusés, les droits de la défense? La fortune, la liberté, marcher en armes, comme les aristocraties féodales du 'honneur, la vie des particuliers, tout sera sacrifié au but moyen âge ; on rentrera dans la servitude par l'anarchie et que l'on pouisuit, parce que ce but, au lieu d'être général, par la faiblesse. au lieu d'être celui de la société elle-même et de la société Mais ce n'est pas seulement la liberté individuelle, ce tout entière, ne sera que la satisfaction d un intérêt égoïste, n'est pas seulement l'ordre social, c'est la moralité elle- d'un préjugé intolérant ou d'un orgueil intraitable. Alors, même, c'est la conscience publique qui se trouve mena- INTRODUCTION 5 4 PHILOSOPHIE DU DROIT PÉNAL sait notre vieux droit, la non-révélation de certains atten- cée, corrompue et étouffée par une justice pénale sans tats, quand elle oblige la femme à dénoncer son mari, les principes, ou guidée par des principes faux. Lorsque la enfants à trahir leur père, ou bien quand elle dissout vio- justice veut embrasser le domaine entier de la morale, elle lemment, à titre de châtiment, les lois que la conscience finit par effacer toute différence entre la loi pénale et la naturelle aussi bien que la religion déclarent indissolubles. loi du devoir. Or, comme la loi pénale ne peut jamais sai- Telle était la conséquence de la mort civile, prononcée par sir que l'apparence, la moralité consistera à ne pas se lais- notre Code, et heureusement abolie, il y a quelques années, ser prendre, l'honnête homme sera celui qui n'aura jamais par une de nos assemblées républicaines. Quand la répu- été touché par la justice, l'hypocrisie tiendra lieu de reli- blique de 1848 n'aurait fait autre chose qu'abolir la peine gion et de vertu. D'un autre côté, l'étendue de la peine de mort en matière politique et la mort civile, ce serait un deviendra naturellement la mesure de la moralité des actes. motii suffisant pour l'histoire de lui être indulgente. Ajou- L'action la plus punie sera la plus criminelle ; celle qui tons que c'est à un des martyrs les plus illustres de la n-'est frappée que d'un châtiment léger ne sera qu'un péché libej ' 3 italienne, c'est à M. Rossi que revient l'honneur véniel, et le silence ou l'omission de la loi sera un signe d'avoir, le premier, dans son Traité de droit pénal, réclamé d'innocence. C'est ainsi que, dans notre société, dérober à cette réforme en même temps que l'abolition de la marque un millionnaire une légère pièce d'argent quand on est à et du carcan.