Répartition Des Mollusques Dans La Lagune Ébrié (Cote D'ivoire)
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Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Hydrobiol., vol. II, no 3-4, 1968. RÉPARTITION DES MOLLUSQUES DANS LA LAGUNE ÉBRIÉ (COTE D'IVOIRE) par E. BINDER* RÉSUMÉ La lagune Ébrié, en Gâte d’ivoire, esf un exemple-fype des lagunes liliorales de l’Afrique occi- dentale, avec leur faune malacologique caractéristique. Parmi les facteurs de répartion des lUollusques, c’est principalement la salinité qui esf consid&ée ici. En saison humide, la salinité est proche de 0 dans toute la lagune, tandis que pendant la saison sèche principale elle forme un gradient irrégulier allan% de l’eau de mer à l’eau douce. On peut distin- guer 4 rkgions selon l’amplitude ei la fréquence des variations. Les espèces qui vivent en permanence dans la lagune sont exclusivement adaptées au milieu mixohalin. Elles forment 4 groupes : 10 une dizaine d’espèces occupent la région de salinité supérieure, d’où elles s’étendenf plus ou moins loin erl eau peu salée, chacune ayant sa propre limite inférieure. 20 deux espkes ne se trouvent que dans la région à salinité très basse. 3~ deux espèces sont holeuryha- lines ef se refrouvenf dans iorrte la lagune. 4~ trois espèces stènohalines ne se trouvent que dans une zone étroite & la limife de l’influence des marées. Il est probable que le calcium fourni par l’eau de mer joue un rôle déterminanb dans la présence de ces espèces dans la lagune. S UMMARY The Ebrié lagoon, on the Ivory Coast, is a lypical example of a West-African lagoon, tvith fhe kind of malacological fauna that is resiricted to the West-African estuaries. The distribufion of A~olluscs is governed by several factors, of rvhich salinify is mainly considered here. During ihe rainy season, salinity is very near 0 in the rvhole lagoon; in the main dry season it is disfributed ununiformly over the length of fhe lagoon, 2s yearly maximum values varying from sea-mater concentration at the mouihs to very near zero at the fur end. There are 4 regions mith different regimes and degrees of salinity variation. * Muséum d’Histoire naturelle. Genkve. (Chargb de cours de zoologie systématique à 1’Universit.é de Genève. Conservat.eur dt! Malacologie au Mus6um d’Histoire naturelle de Genève. 4 E. BINUER The permanent Molluscc~n inhabitants of the lagoon are exclusively brackish water species, among zvhich 4 aclaptive groups cari be distinguished. The first grorrp comprises 10 species that inhabit the higher salinity region, expanding more OP less into the regions of loruer salinify, each species having its omn limit. The second group, of turo species occupies fhe region of very ~OUI, nuiform salinity. The third is made up of tmo species that are to be forrnd in the zvhole lagoon. The fourth group, of three nearly related species, is resiricted to a narrow zone at ihe limit betrveen variable brackish rvater and tvater of uniformly very lorv salinity. Calcium of marine origin is ceriainly responsible for the existence of a rich brackish rvater Molluscan fauna and may explain the unexpected location of some of bhe species. INTRODUCTION L’intérêt porté depuis prés de 30 ans a l’étude des eaux saumâtres cfitières vient. de ce que ce milieu n’est pas simplement. intermédiaire entre le milieu marin et le milieu fluviatile, l’un et l’aut,re assez homogénes, mais que, par suite du mélange incomplet. des eaux de ces deux origines, des mouvements de marée et des courants fluviaux, il présente une structure c.omplese, où les facteurs physiques et chimiques s’enchevêtrent et se combinent, t,out. en laissant prise & l’analyse. Au point de vue écologique, le milieu saumâtre est un milieu où les conditions de vie sont sévères, auquel une minorité d’espèces seulement se sont adaptées, et cela avec un succès inégal. Pourt,ant c’est la zone de passage que doivent traverser, au cours de leur Evolution, les organismes marins qui s’adaptent ti l’eau douce et inversément. Les étendues d’eau saunGtre correspondent a des types très divers selon la forme de leur c.uvett,e, le débit d’eau fluviale, le climat. La limnologie et l’hydrobiologie des lagunes littorales ont été et sont encore bien étudiées dans les régions tempérées, notamment sur les côtes de la Méditerranée, tandis que les lagunes de l’Ouest africain sont mal connues. Si elles obéissent aux mémes lois que les précédentes, le climat t,ropical leur donne pourt,ant un aut.re caractère, et leur faune est entièrement différente. Cetke faune d’eaux saumàtres ouest-africaine a été étudiée dans l’estuaire du Congo (PILSBRY et BEQUAERT, 1927, DARTEVELLE 1950), en ce qui concerne les Mollusques. La plupart des espkes du Congo se retrouvent jusqu’au Sénégal, les lagunes n’appor- tent rien de nouveau du point. de vue faunistique. Mais la répartition cles espèces dans un est,uaire est, influencée par l’action du courant, beaucoup plus important que dans les lagunes. Celles-ci, qui présentent des conditions plus stables, méritent donc une étude écologique particuliére. La lagune Ébrié a l’avantage d’être vast,e, facilement accessible, et de présenter une grande variété d’aspects. Elle a été étudiée par WINOGRADSKI et APPERT (1931) et par DEBYSER (1952, 1955) en ce qui concerne les microorganismes et la sédimentation, par RAHM (1964) en ce qui concerne le plancton. C’est CI l’occasion d’une étude d’ensemble des Mollusques aquatiques de Côte d’ivoire que j’ai été amené & m’occuper de la faune malacologique de cette lagune. Mes observations m’ont montré des l’abord que la répartition des espèces de Mollusques y est remar- quablement claire et présente avec la salinité des corrélations qu’il valait la peine de préciser, d’autant plus que ces animaux y représentent l’essentiel de la faune non pélagique. Ce travail a été rendu possible par une subvention du FONDS NATIONAL SUISSE DE LA RECHER- CHE SCIENTIFIQUE (no 2SS4). C’est au Centre suisse de Recherche scientifique en COte d’ivoire, auprès de l’ORSTOM, que j’ai travaillé d’octobre 1954 à janvier 1955 et de février g mai 1964. Les pêches et dragages ont été faits principalement à bord du bateau a moteur le (( Coryphène 11, aimablement mis B ma disposition en février 1964 par le Centre de Recherc.he Océanographique de l’ORSTOM, a Abidjan. J’ai aussi pu utiliser d’autres embarcations grâc.e a l’amabilité du directeur de 1’IFAN d’Abidjan, RI. J.L. TOURNIER ; du servic.e des Eaux et Fo&s de Cbte d’ivoire et du département d’Hydrologie de 1’ORSTOM Les dosages de chlore ont été faits par moi au labo- RÉPARTITION DES MOLLUSQUES DANS LA LAGUNE ÉBRIE (COTE D'IVOIRE) 5 ratoire du C.N.O. et, en outre, M. le Professeur MANGIN m’a permis de faire quelques mesures de salinité et de pH, sur place, au salinomètre portatif, avec l’aide de son assistant M. MONNET. RI. ROU~ERIE, de l’IFAN, a eu l’amabilitb, de faire pour moi une vingtaine de dosages de calcium. LE hIILIEU BIOLOGIQUE DE LA LAGUNE gBRIÉ TOPOGRAPHIE. La lagune Ébrié est la plus grande des lagunes de Côte d’ivoire ; elle mesure environ 110 km de long, sur une largeur qui varie entre 0,5 et 8 km. Le cordon litt,oral de 2 à 8 km de large qui la &Pare du rivage du Golfe de Guinée ne permet pas les infiltrations d’eau de mer. La profondeur est au maximum de 25 m devant. le canal de Vridi et de 16 m au Port d’Abidjan ; elle varie autour de 5 m dans la part,ie orientale jusque vers Eloka et entre 6 et 8 m dans la Part>ie ouest, avec un seuil à la haut.eur de l’île Leydet, à l’est de Dabou, oh le fond monte presque partout Q moins d’un métre, sauf dans un chenal étroit oit il atteint 2,5 m. La lagune Ouladiné, près de I’embou- chure, est un diverticule peu profond (1 m) séparé de la mer par un cordon littoral d’une centaine de métres seulement. Les lagunes Aguien et Potou, avec le long chenal qui y mène, constituent un diverticule pIus important qui s’enfonce dans les terres vers le nord. Trois fleuves d’importance très inégale se jettent dans la lagune Ébrié. La Corno&, qui débou- che à I’ext,rémité orientale, a de loin le plus fort débit ; son courant creuse une fosse de 14 m au sud de Moossou et entretient l’ouverture de Grand Bassam. L’Agnébi, à l’est de Dabou, constitue le principal apport d’eau douce de la partie occidentale et amène une quantité considérable de sédiments. La Mé, beaucoup plus faible, n’influence que les lagunes Aguien et Potou. De petits cours d’eau se jett,ent de place en place, au fond de baies : Banco, Adiopodoumé, Mopoyen, Cosrou. La lagune communique avec Ia mer par deux ouvertures : Ie canal de Vridi, ouvert en 1951, est actuellement la plus importante. L’anc.ienne embouc.hure, à Grand Bassam, varie d’année en année en largeur et en position, car elle est continuellement remaniée par l’apport de sable marin et par les crues de la Comoé. SUBSTRATUM. Le terrain est constitué, à l’origine, de sable qui a formé, en certains endroits, des blocs de grès (îlot 58, baie de 1\Iopoyen, baie de Dabou). A ce sable sont venues se superposer des matières d’origine sédimentaire ou organique. Les premières c.onstituent des dépôts de boue ou de glaise amenées par les cours d’eau, surt.out par 1’Agnébi.