01 Combelle Jazz Story
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Combelle, Jazz Story extraits d’un texte de Pierre Lafargue La dynastie des Combelle a affirmé de bonne heure ses prérogatives sur le développement du jazz en France: - François, le père, saxophoniste alto, - Alix, le fils, saxophoniste ténor - et Philippe, le petit-fils, batteur toujours en exercice. Il est d’ailleurs curieux de constater qu’Alix Combelle démarra dans la musique tout gamin, en jouant de la batterie -dont il avait étudié la technique avec un musicien de la Garde Républicaine, Delfosse, confrère de François - avant de se consacrer au saxophone. Au contraire, son fils Philippe débuta dans l’orchestre paternel aux saxophones (ténor et baryton) et n’adopta qu’ultérieurement la batterie, qu’il travailla sous la tutelle de Félix Passerone, timbalier de l’Opéra. François Combelle (ci-dessus chez Selmer), disparu en 1953, était l’un des plus éminents solistes de la célèbre Musique de la Garde Républicaine, dont il assuma même la direction lors de l’enregistrement de plusieurs disques chez Pathé vers la fin des années vingt. À titre indicatif, mentionnons Mon Paris (one-step) et Savez-Vous (fox-trot) chez Pathé (ref. saphir 6889). Le saxophoniste des Mitchell’s Jazz Kings étant tombé malade, c’est François Combelle qui est chargé de le remplacer au pied levé dans cet orchestre vedette du “Casino de Paris” (Cf. “Le Jazz en France” Vol. I - Pathé 1727251). En dépit de son manque d’expérience du jazz, il est jugé seul capable d’exécuter certaines interprétations ardues. Ce seront les premiers contacts de la famille Combelle avec la “musique populaire des nègres d’Amérique’’, comme on l’écrivait dans les catalogues de disques de l’époque. Éducation complétée avec l’audition de cires qui ne présentaient souvent du jazz- hot que des succédanés, pourtant point toujours dénués d’intérêt (Paul Whiteman, Benson orchestra, Ted Lewis, AbeLyman) . François Combelle fut un précieux auxilliaire technique pour la maison Selmer, dont les saxophones tiennenet toujours le haut du pavé. Alix naît à Paris le 15 juin 1912. C’est une douzaine d’années plus tard qu’il commence à se familiariser avec le saxophone alto, tenté par l’exemple paternel. Il ambitionnait de devenir ingénieur, mais la musique fera définitivement sa conquête. Au faite de sa carrière, Alix arrivera quand même comme son père à prodiguer ses conseils, techniques quant au perfectionnement de l’instrument pour une importante marque de saxophones Les plus belles se barraient! Le fils Combelle ne tarde pas à délaisser les drums au profit du saxophone ténor. Peut-être pour des raisons identiques à celles de Lester Young. qui débuta lui aussi comme drummer à peu près a la même époque : « Mon vieux, le temps que tu remballes tout ton matériel à la fin de la soirée, les plus belles pépées se barraient avec les mecs qui jouaient de la trompette ou du saxo , alors la batterie, tu comprends… » Par des qualités de swinger et de puncher qui ne feront que s’affirmer au fil des ans, Alix s’impose bientôt dans le peloton de tête des jazzmen français, ayant vite compris ce que la musique négro-américaine apportait de neuf et de vivant. En cette première moitié des années trente, le jeune Combelle, mêlé à ses compagnons d’aventure, participe aux multiples expériences de ces explorateurs musicaux lancés à la découverte d’un nouvel univers sonore. Dans l’orchestre de Bruno Coquatrix. chez Gregor. au sein des petites et grandes formations de Michel Warlop, Patrick et son Jazz, Guy Paquinet (Le jazz en France Vol. 4, 5 et 9). Ami fidèle d’Alix Combelle et esprit clairvoyant, le pianiste et chef d’orchestre Freddy Johnson lui fait écouter nombre d’excellents disques, connaître des improvisateurs, lui enseigne les recettes du métier, décelant chez ce débutant prometteur un superbe avenir. Combelle joue fréquemment avec Freddy Johnson et les musiciens négro-américains séjournant à Paris et acquière à leur contact cette empreinte typiquement noire, cette manière quasiment indéfinissable de jouer décontracté tout en maintenant rigueur et logique dans le déroulement du discours, ce swing lancinant qui marqueront à tout jamais son style. Le 28 juin 1939, Alix Combelle était du reste le seul Français d’un groupement “coloré” enregistrant pour la marque Swing, dirigé par Freddy Johnson et comprenant quelques membres notoires de la colonie négro-américaine du Paris d’avant-guerre : L. Bacon. J. Mitchell. W. Myers. T. Benford… Alix Combelle jouait “comme un noir” et cette négritude de l’expression fut l’une des composantes essentielles de son langage jazzique. Et même un critère de haute qualité pour les critiques et amateurs de jazz aux oreilles dressées à l’ancienne, en un temps où les musiciens blancs qui osaient assumer leur “blanchitude” étaient considérés comme des minables. Depuis, Stan Getz, Zoot Sims, Chet Baker, Gerry Mulligan, Bob Brookmeyer, Lee Konitz, Lenny Tristano… ont abattu ces préjugés. Un relax digne des Noirs ! Inspiré au départ par Coleman Hawkins, admirateur de Ben Webster et d’Arnett Cobb, Alix Combelle a su se forger très tôt son propre style, reconnaissable entre cent, performance remarquable qui lui permet d’affronter les géants américains d’égal à égal. Naguère, Gérard Pochonet, à propos de Combelle, notait déjà: « ses phrases, équilibrées, plutôt courtes, sont ponctuées avec un relax digne des meilleurs musiciens noirs ». Ses impros « sont construites avec un irréprochable sens rythmique qui leur donne toute l’efficacité désirable » (Jazz Hot n° 76 . Avril 1953). On a encore souligné « la rondeur de sa sonorité claire et bien timbrée », son jeu « vigoureux, son style direct et impétueux », son « sens du blues, du riff et du tempo », son attaque franche, son volume peu commun, « son punchimplacable, son vibrato mordant », « l’emploi d’un growl rageur » et surtout l’intensité de « son swing qui met en valeur tout le reste ». Un bel éventail des différents éléments qui caractérisent la brillante manière de s’exprimer librement d’un soliste exceptionnel, d’un extraordinaire improvisateur cultivant “l’art de la fougue’’. Alix Combelle eut de talentueux émules dans son pays: Guy Lafitte, l’un des plus personnels parmi les ténors européens qui se révéla dans les années d’après- guerre, Harry Perret, Armand Conrad, Dominique Chanson (qui fit partie du dernier big band de Combelle), Gérard Badini, Pierre Gossez, Charles Barrié, André Villeger, Nicolas Montier... Combelle et Lafitte eurent au moins une fois l’occasion d’enregistrer côte à côte avec André Persiany et les All Stars le 17 octobre 1952, pour un disque devenu mythique (Good Time Eko LV J). Il est intéressant de remarquer incidemment que, grâce à l’ascendant exercé par Coleman Hawkins présent en Europe dès 1934, plusieurs adeptes du saxophone ténor de l’ancien continent se hissèrent au premier plan dans leur pays, à l’instar de Combelle en France et contribuèrent ainsi à élever le niveau du jazz européen: Buddy Featherstonhaugh en Grande- Bretagne, Fud Candrix en Belgique, Eddie Brunner en Suisse, TulIio Mobiglia en Italie, Carl-Henrik Norin en Suède... Le 2 mars 1935, à Paris, Alix Combelle et la fine fleur du jazz hexagonal rassemblée par Michel arlop se faisaient les accompagnateurs de Coleman Hawkins pour une séance Gramophone. Combelle côtoya à maintes reprises le Bean pendant ses séjours dans la capitale: Hawkins venait souvent jouer au Stage B, une boite de Montparnasse où se produisait l’orchestre d’Arthur Briggs dont Django Reinhardt, Stéphane Grappelli et Alix Combelle étaient des habitués. « Nous étions camarades, mais pas amis précisera Alix, car il est difficile de devenir ami avec Hawkins qui est un être très personnel et assez renfermé ». En revanche. Combelle se lie avec deux autres Parisiens d’adoption, Benny Carter et Bill Coleman, amitié qui ne se démentira jamais au long des années et que viendront oncrétiser quelques précieuses gravures pour Swing : Grégor et ses Grégoriens, le Quintette du Hot Club de France, la formation d’André Ekyan (featuring Combclle), Frank Big Boy Goodie figurent déjà au catalogue de la firme Ultraphone qui enregistre de temps en temps du jazz depuis 1933. Crazy Rhythm ! Le ler septembre 1935. c’est au tour d’Alix Combelle d’enregistrer le premier disque sous son nom (au ténor et à la clarinette) Crazy Rhythm et The Sheik 0f Araby. ses amis du Hot Club de France, les frères Reinhardt, Stef Grappelli (au piano) et Louis Vola, sont également de la fête. Le 28 avril 1937 se déroule un grand événement dans le domaine du saxophone de jazz, page d’histoire dont on retrouve encore des ramifications contemporaines. Dans un studio d’enregistrement de l’avenue de la Grande-Armée, tout vibrant des échos du Quintette du HCdF qui s’y ébattait les jours précédents, un quatuor de saxophones est réuni en compagnie seulement d’une section rythmique et sans le concours du moindre cuivre. Sur une idée de Charles Delaunay, André Ekyan et Alix Combelle rencontrent Benny Carter et Coleman Hawkins. C’est la première fois que l’on enregistre une section de saxophones indépendamment de tout autre instrument mélodique. Honeysuckle Rose, un solo d’Hawkins encadré par des ensembles de saxes dus à Benny Carter (sa spécialité) et Crazy Rhythm, où improvisent avec brio les quatre saxophonistes, sont gravés ce soir-là; ce sera le fameux disque Swing n°1. Le disque du quatuor, avec sa réunion de sommités eut un retentissement mondial et se classa septième des meilleures ventes de disques aux Etats-Unis. Si cette harmonieuse collaboration franco-américaine accrut le prestige des jazzmen hexagonaux, elle ne les enrichit guère, car Combelle confia que si Hawkins avait touché un cachet de 2000 F (1937) et Carter un de 1600F, lui n’avait reçu en tout et pour tout que 100 F.