Jean Thomas, Mon Ami
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BULLETIN TRIMESTRIEL DE LIAISON DE L’AMICALE DU CAMP DE CONCENTRATION DE DACHAU ENTRE LES SURVIVANTS ET LEURS FAMILLES 2, Rue Chauchat 75009 Paris (métro Richelieu-Drouot) - Tél . : 01 45 23 39 99 - Email : [email protected] - C..C.P. 5113-71 U Paris N° 743 72e année Septembre Octobre Novembre Décembre 2017 Jean Thomas, mon Ami Il n'y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans sonnier, tu t'évades à deux reprises. Début 1942, dès courage. ton retour en France, tu rentres dans la résistance et C'est le message que tu as écrit dans ton livre jusqu'au signes ton engagement prouvant ton appartenance doux petit ruisseau aux Forces Françaises Libres. Tu as rédigé pour témoigner, en souvenir de tous Dans les premiers jours d'avril 1944, le 18 avril, à tes proches et amis morts pour la France. Et de ces la demande d'un de tes amis, qui a besoin d'urgence 1800 déportés découverts à la libération dans la fosse de fausses cartes d'alimentation, tu te rends, 159, rue de ce camp de Vahingen, tu dis vouloir leur rendre Montmatre à Paris, tu penses les retrouver. Arrivé hommage. Avec à l'esprit ce commandement exi- au 5e étage, tu sonnes, tu entends du bruit derrière geant, inscrit en exergue sur la porte qui s'ouvre la crypte des déportés de l'Ile brusquement. Un type de la Cité à Paris : te mets une mitraillette sur le ventre en criant : " Pardonne, n'oublie " Police allemande, haut pas " les mains". La Gestapo est là ou Ton destin t'a placé dans des plus précisément les circonstances assez excep- auxilliaires français de tionnelles : la sinistre bande Bonny- - L'écrasement de ton régi- Lafont. ment, ouvrant une brèche Tu seras déporté au devant Rommel le 14 mai camp de Dachau le 2 1940. juillet 1944 par le train de la mort. Enfermés à 100 - Le refus de subir la captivité d'une poignée de pri- prisonniers dans chaque wagon, serrés les uns contre sonniers rebelles. les autres, quand le train est parti, ils sont devenus - L'engagement dans la résistance au sein du réseau fous, ils se sont battus, ils sont morts. Charette, dirigé par le neveau du Général de Gaulle - Le convoi du train de la mort le 2 juillet 1944 536 morts à l'arrivée de Dachau - Et enfin le mouroir inconnu de Vahingen à Klein- glattbach, au bord du doux petit ruisseau. Jean, tu as connu Dachau et ses Kommandos. Tu as Tu t'engages à 18 ans, à l'approche de la guerre. Pri- connu le camp de Neckargerach. Arrivés devant les miradors, nous avons longtemps Après des journées de travail épuisantes, le seul re- attendu immobiles. Nous avons observé les bagnards, fuge, c'est le sommeil. A ce rythme de travail, sept nous avons été supris par leurs visages couverts d'une jours sur sept, nous sommes rapidement épuisés. poussière grise, et par la saleté de leurs vêtements. En décembre, tu ressens une douleur dans le genou Nous qui sommes encore propres. et tu seras admis au revir au bout de quelques jours. Le comité d'accueil était là, avec les Kapos, les obe- Tu recevras un billet de 15 jours de schonung (exem rkapos et le Lagerälteste, le doyen et chef de camp. -plaire de travail au revier). Nous sommes repartis dans les barraques, des pail- On annonce une évacuation de malades vers un autre lasses au sol et sur un bat-flanc. On nous distribue des camp et tu seras sur la liste des partants. gamelles. Vaihingen, c'est un lieu sinistre, une morgue de vi- L'appel va durer toute la matinée. L'initiation du Mut- vants. Ne travaillant pas, ils deviennent des bouches zen va commencer, tout doit être exécuté dans un inutiles. 1570 cadavres furent recensés dans la car- mouvement d'ensemble parfait : rière de Vaihingen. Ce camp a fonctionné pendant en- - 4 h 15, coup de sifflet, reveil. Il faut s'habiller, sortir viron 7 mois. Il y a eu 33 morts dans la seule journée du local, en prenant au passage une louche de jus. du 3 mars. Pour les 1200 détenus, il y a 5 lavabos. L'effectif du camp était de 1200 hommes qui mour- - 5 heures - En colonne par 5, nous gagnons la gare et raient en 5 mois. nous montons dans les wagons Le 18 mai, tu seras appelé au Comité de Libération, - Le train part vers Neckarelz à une quinzaine de kilo- présidé par Edmond Michelet. Le colonnel Lalande te métres. reconnaitra et demandera à Edmond Michelet l'auto- - On nous distribue des pelles et des pioches, et nous risation de t'emmener immédiatement. Et par heureux entrons dans l'ancienne mine de gypse d'Obrigheim, concours de circonstance, Odile, la fille du colonnel transformée en usine souterraine pour la fabrication Lalande, deviendra ta fidèle épouse. de moteurs d'avions. Dévoué à tes amis, tu as fait partie depuis toujours de - Le travail consiste à dégager des galeries à la pioche, l'Amicale de Dachau à évacuer les pierres en les chargeant sur des wagon- nets et à les basculer sur le terre plein d'entrée. Jean SAMUEL A Dieu Dad et merci Le commissaire colonel (h) Jean THOMAS nous a et le docteur Gilles MEYER. quittés le 4 octobre 2017. Le commissaire général (2s) Jean-Michel THO- Pour l'inhumation de son dernier vice-président dé- MAS, a bien voulu nous communiquer l'adieu qu'il a porté, une importante délégation de l'Amicale de Da- fait à son père lors de la cérémonie religieuse : chau était présente au bord de la Seine, à La Bouille, "Merci pour ce que tu nous as apporté et pour le village dont il a été maire. l’exemple que tu nous laisses. C’est le message plein Les hommages funèbres militaires ont été rendus à ce d’affection et de reconnaissance que t’adressent toute dignitaire de l'Ordre national du Mérite. Son cercueil ta famille attristée, tes enfants et leurs conjoints, tes et ses décorations étaient portés par ses petits-fils, dont 12 petits-enfants et tes 21 arrière-petits-enfants. trois saint-cyriens. Avant que ne retentisse le Chant Ta vie a été dense et bien remplie avant de des Partisans, Jean SAMUEL et Yves MEYER ont t’endormir à 97 ans, après un dernier combat, contre dit un mot émouvant à leur camarade avec lequel ils la maladie celui-là, et en ayant conservé presque ont partagé le même parcours, à savoir, la Résistance jusqu’au bout tes facultés intellectuelles et une mé- en Normandie avec Yves, le Train de la mort du 2 moire étonnante. juillet 1944, Dachau, Neckargerach, puis les activités Non loin de cette église de la Bouille où tu communes au sein de l'Amicale. t’es marié en 1946 et qui est malheureusement indis- L'émotion était vive quand les drapeaux se sont incli- ponible aujourd’hui, nous associons à nos pensées nés pour saluer ce soldat, avec en particulier celui de vers toi notre mère, avec son amour, sa foi et l’aide l'Amicale et celui de l'Amicale normande, portés res- affectueuse qu’elle t’a apportée avant de nous quitter pectivement par l'adjudant-chef Wilfried QUENTIN il y a déjà 10 ans. Sous un aspect sérieux et réservé tu aimais les plaisanteries et, très pince sans rire, tu - La médaille des évadés rappelle ton courage pour étais toujours prêt pour une formule en finesse mais avoir rapidement tenté une première évasion puis, bien tranchée. Fidèle en amitié tu étais bien seul après ayant été repris et puni, en avoir retenté une seconde, les départs successifs de tes proches compagnons. Et également malchanceuse, te valant à nouveau le ca- tu nous as montré jusqu’au bout ton courage et ta vo- chot et six mois d’hôpital. Elle reflète ta détermina- lonté en acceptant ta souffrance. tion à ne pas subir, ton refus de la résignation et du Respectant ta pudeur je n’évoquerai pas da- déshonneur, elle prouve ta force de caractère et ta vantage l’homme privé, avec ses qualités et ses dé- ténacité ; fauts. - La médaille de la Résistance témoigne de ta flamme, Mais ton décès n’affecte pas que notre famille. de ta capacité à dire non, de ton engagement et de Il attriste de nombreux Bouillais aux messages tou- tes responsabilités, à 22 ans, dès ton retour en France chants. Il représente aussi, pour beaucoup, la dispa- occupée, comme jeune chef régional d’un réseau de rition d’une figure reconnue du monde combattant et Résistance, pleinement conscient des risques que tu d’une personnalité au destin exceptionnel. prenais. Et au-delà du père, je veux donc saluer le sol- - La grandeur du soldat c’est le sacrifice accepté dat. d’avance pour son pays. Mais le propre des héros de En tentant toutefois de ne pas trahir ta discré- la Résistance fût de choisir courageusement leur des- tion, toi qui récitais encore la Mort du Loup, le poème tin, le combat volontaire dans la clandestinité, avec de Vigny où « Seul le silence est grand ». une parfaite lucidité face aux risques encourus. La Pour rappeler les points forts de ta vie comme croix de Lorraine, gravée sur cette médaille, évoque de ta personnalité et retracer ton passé, à la fois dou- ton combat et ta fidélité envers le chef de la France loureux, exemplaire et prestigieux, j’évoquerai sim- libre ; plement les symboles qui t’entourent aujourd’hui - Enfin, la médaille, « d’interné pour faits de Résis- car, à eux seuls, ils nous en disent long.Les premiers tance » exprime le dénouement, que tu pressentais d’entre eux sont d’abord ces drapeaux, venus s’incli- parfaitement.