L'air Et Les Peintres
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L’AIR ET LES PEINTRES Pour ce X X e Salon de Montrouge — et cette date marque la vitalité de notre institution -— Pierrette Cour qui avait pris tant de part à l’animation des Salons pré cédents avait choisi comme thème de la présente expo sition « l’Air et les Peintres ». C’était entre toutes sa grande œuvre, sa réussite exemplaire, mais elle ne pourra plus, hélas! nous seconder. Fille d’aviateur elle avait senti avec une très sûre intuition artistique ce que tant d’artistes — des encyclopédistes et des esprits bril lants du XVIII' siècle jusqu’aux plus subtils et aux plus raffinés cubistes des grandes années — doivent à la fabuleuse conquête du plus lourd que l’air. On sera surpris des nombreuses trouvailles artis tiques de l’exposition, quantité d’œuvres étant restées connues des seuls spécialistes de Vaéronautique. Il nous faut ici saluer Vexceptionnel dévouement et l’efficace compétence du général Lissarague, nouveau directeur du musée de F Air à Paris et Meudon, qui, dès sa nomi nation, s’est donné pour tâche de mieux faire connaître un étonnant musée aux richesses trop souvent oubliées. Il fut fondé en 1919 par le commandant Caquot. Lui succédèrent M. Hirschauer et M. Dollfus à qui nous devons pour la présente manifestation un appui cons tant, des conseils si sagaces, des indications si érudites que cette exposition est aussi un hommage à ce grand aéronaute et historien de l’air. L’an passé, Pierrette Cour et le général Lissarague jetaient ainsi les bases du Salon 1975. Je ne saurais oublier enfin le souvenir d’un illustre enfant de Montrouge, l’aviateur Maurice Arnoux, héros des deux guerres mondiales dont le général Lissarague évoque la belle carrière dans ce catalogue. Mais ce X X e anniversaire sera aussi marqué par une innovation qu’avait voulue Pierrette Cour : les artis tes contemporains conviés à notre Salon, ont dû impro viser sur un thème imposé, celui même de l’exposition. Ainsi assisterons-nous, à la plus suggestive confronta tion entre les artistes du passé et ceux d’aujourd’hui, sur le merveilleux thème indéfiniment poétique et renou velé, de l’air et de l’espace : les avions, machines à rêver. H. GINOUX Député-Maire de Montrouge L’AIR ET LES PEINTRES 1783 -1945 La France et l'histoire de l'aviation (1783-1945) De la montgolfière de Pilatre de Rozier et du marquis d’Arlandes, au LEM des premiers hommes sur la lune — Armstrong et Aldrin — ou au Concorde de Turcat, quelle pas sionnante histoire, riche en événements extraordinaires autant qu’en personnages prestigieux! 11 est très remarquable que dans cette conquête de l’air, la France ait joué un rôle tout à fait privilégié dans le monde, pen dant un siècle et demi, depuis les origines jusqu’en 1925 envi ron; encore, après cette date, n’a-t-elle jamais été totalement absente de la scène aéronautique; mais l’aéronautique exigeait toujours plus de moyens financiers, techniques et industriels; la France, sortie épuisée de la guerre 1914-1918 et dépassée sur le plan de la puissance économique par plusieurs grands pays, n’a pu conserver la première place qui avait toujours été la sienne jusque-là. Elle n’a cependant pas cessé de proposer des inventions, de battre des records et de construire des proto types de la plus haute classe; sa position dans l’industrie aéro nautique mondiale est restée meilleure que ne le laissait espé rer son potentiel économique général. Il n’est peut-être pas trop audacieux de parler d’une voca tion aéronautique de la France... Ce qui a permis la naissance puis le développement de l’aviation c’est : l’avancement des études scientifiques, l’art des ingénieurs, le mépris du danger chez les pilotes... et un brin d’utopie, soutenu par un grand élan populaire. Ne retrouve-t-on pas là tous les éléments moteurs des progrès de la France des xvm e et xixe siècles dans les domaines techniques et scientifiques? Ce n’est pas le hasard qui a fait naître en 1783 la montgol fière et le ballon à hydrogène dans le pays de la première Ency clopédie des Arts et des Sciences. Ce n’est pas davantage un hasard qui préside en 1793, en pleine Révolution, à la création des deux premières compagnies d’aérostiers militaires qui s’illustreront à Fleurus : deux savants — Guyton de Morveau et Lavoisier — seront les inventeurs d’un procédé de production d’hydrogène qui rendra possible l’utilisation des ballons en campagne au profit des armées de la Première République. Un physicien, Coutelle, aidé de Conté, un de ces hommes de génie dont l’époque avait le secret, à la fois ingénieur, physicien et artiste, fabrique les premiers ballons militaires. Napoléon dissoudra le corps des aérostiers en 1799. Il faut attendre 1866 pour voir un autre pays reprendre l’idée : l’Armée des Fédérés américains crée à son tour une compagnie d’aérostiers sur le modèle de celles de la Révolution. Les plus légers que l’air — ballons et dirigeables — sont un peu oubliés de nos jours, balayés par les exploits des avions. Quelle belle épopée pourtant! L’envol au 21 novembre 1783 des deux premiers aéro- nautes de l’humanité, suivi à huit jours d’intervalle du voyage de Charles et Robert dans le premier ballon à hydrogène du monde est apparu aux contemporains comme un double pro dige; c’est que du premier coup il s’agissait de véritables voyages, la montgolfière parcourant environ 10 Km et le ballon près de 40, l’altitude atteinte dépassait 3 000 mètres! L’émotion suscitée dans le monde par l’exploit des deux premiers astronautes posant le pied sur la lune, nous permet d’imaginer l’enthousiasme soulevé par les premiers aéronautes. Il en reste encore le témoignage de la « mode au ballon »; pendant deux années au moins, la montgolfière et surtout le bal lon de Charles et Robert ont servi de motif décoratif essentiel à toute sorte d’objets : éventails, boîtes à mouches, assiettes, pen dules, mobiliers, papiers peints, étoffes, tout sera bon pour satis faire le goût du public... et combler d’aise les futurs collec tionneurs. Le ballon va très vite se répandre à travers le monde; d’abord objet de curiosité présenté à un public avide d’émotions et de fêtes. Blanchard s’illustre en effectuant de nombreuses pre mières dans plusieurs pays : il a la gloire d’être le premier en janvier 1875 à traverser la Manche, accompagné de Jeffries un médecin américain qui servait dans l’armée britannique. L’Italien Lunardi, conseiller d’ambassade à Londres, va s’enthousiasmer pour l’aérostation au point d’abandonner sa carrière diplomati que : le premier à ascensionner en Angleterre, il trouve ensuite une juste gloire dans son pays. C’est encore un Français, Garnerin, qui le premier en 1797 effectue des sauts en parachute à partir d’un ballon. Le ballon est aussi l’occasion de nombreux exploits spor tifs; il permet, dès l’orée du xixe siècle, d’explorer l’atmosphère, en Angleterre dès 1802, en France dès 1804 avec Biot et Gay- Lussac; on ne tarde pas à découvrir les effets dangereux de la raréfaction de l’oxygène en altitude. Mais le ballon souffre d’une infirmité : il reste le jouet des vents. Pourtant, à peine les premiers envols accomplis, bien des esprits s’appliquent à trouver le moyen de « diriger » les ballons; ainsi Lavoisier soumet une communication à l’Académie des Sciences dès le 27 décembre 1783. Les moyens préconisés par une multitude d’inventeurs sont des plus variés et montrent le plus souvent le manque de culture scientifique de leurs auteurs : rames, voiles, hélices, roues à palettes, tout est proposé... sur le papier tout au moins. Le ballon dirigeable que l’on appellera très vite le « diri geable » ne sera réalisé que bien plus tard; car les premiers essais démontrent à l’évidence la faiblesse des seuls muscles humains pour animer les vaisseaux aériens; l’un des plus réussis de l’espèce — le Dupuy de Lôme, construit entre 1870 et 1872 — utilise la force de huit matelots pour entraîner une lourde manivelle porte-hélice : la vitesse atteinte est trop faible pour prétendre échapper à la force du vent. Il s’agit donc de trouver le moteur mécanique assez puis sant pour propulser le dirigeable et point trop lourd pour ne pas accabler le ballon. Giffard, le premier, a l’audace d’atteler un moteur à vapeur et sa chaudière à feu sous un globe gonflé d’hy drogène, en 1852; les trois chevaux-vapeur fournis par l’engin permettent d’effectuer des virages mais pas de remonter le vent. En 1883 les frères Tissandier pensent au moteur électrique; mais leur équipement trop lourd manque de puissance et c’est l’échec. Au capitaine Renard, aidé de son ami Krebs, tous deux polytechniciens, revient l’honneur d’accomplir le premier vol au monde en circuit fermé avec un dirigeable qu’ils appellent La France. Ils répéteront sept fois le même exploit effectuant des voyages de 5 à 10 Km avec départ de Chalais-Meudon, grâce au moteur électrique de 8 ch que Krebs a dessiné et à un nou veau type de piles légères inventé par Renard; mais celui-ci juge l’expérience suffisamment concluante; pour progresser il faut inventer un nouveau moteur léger nettement plus puissant qui pourrait servir également à équiper les hélicoptères ou les avions auxquels Renard pense déjà. Ce moteur apparaît tout à fait à la fin du xixe siècle; c’est le moteur à essence qui a déjà permis l’essor de l’automobile.