LA VIE POLITIQUE EN

DURANT LA 1ère MOITIE DU XXème SIECLE

Encyclopedie Sociale Abbassi

Edition ACAFI

Volume 50

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

1ère PARTIE : LA PREMIERE EPOQUE DE LA PENSEE REVOLUTIONNAIRE EN IRAN (1905-1940) Chapitre premier : La révolution constitutionnelle I – L’ère de l’abandon 1 – Le règne de NASSER OD DINE SCHAH 2 – Le règne de MOZAFFAR OD DINE SCHAH II – La révolution russe de 1905 et la révolution persane 1 – La révolution russe de 1905 2 – La révolution persane 3 – La fin de la monarchie absolutiste Chapitre deuxième : L’organisation politique de la Perse et le Madjlesse I – Le deuxième Madjlesse 1 – Les groupes politiques 2 – Les actions du deuxième Madjlesse II – L’occupation anglo russe et la première guerre mondiale 1 – L’influence anglo-russe 2 – La première guerre mondiale 3 – L’Iran et la Révolution de 1917 4 – La situation politique entre 1917 et 1920 Chapitre troisième : La république du Guilan et le soulèvement en Azerbaïdjan I – Le soulèvement de KHIABANI en Azerbaïdjan 1 – Les origines du mouvement 2 – Le manifeste de 3 – Quand l’Azerbaïdjan devient Azadistan 4 – La poursuite de la rébellion 5 – Les influences étrangères et le mouvement de Tabriz 6 – Victoire et chute des démocrates de Tabriz 7 - Epilogue II – La république de Guilan 1 – Le mouvement Jangali 2 – La république et le « front uni ». 3 – Le congrès du Parti Communiste Perse 4 – Le pouvoir communiste au Guilan 5 – Le congrès des « peuples de l’Orient »

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6 – La fin de la République du Guilan 7 – Le traité du 26 février 1921 8 – Epilogue II ème PARTIE : LA CHUTE DE LA DYNASTIE DES GHADJARS ET LE REGNE DE REZA SCHAH (1921 – 1941) Chapitre premier : La chute de la dynastie des Ghadjars et l’avènement des Pahlavi I – Le coup d’état de REZA KHAN 1 – Les britanniques et les changements politiques 2 – Les hommes nouveaux 3 – Le coup d’état 4 – Le gouvernement TABATABAI II – La destitution des Ghadjars 1 – La vie politique après Tabatabai 2 – L’avènement des Pahlavi Chapitre deuxième : Les changements économiques et sociaux I – La modernisation de l’Economie 1 – La réforme des finances 2 – La réforme de l’agriculture 3 – La réforme de l’industrie 4 – La réforme du commerce extérieur 5 – La modernisation des moyens de communication 6 – La modernisation des villes 11- Les changements sociaux 1 – Les réformes pour l’hygiène et la santé publiques 2 – La réforme du système éducatif 111- Les réformes de l’administration, de la justice et des armées 1 – La réforme administrative 2 – La réforme du système juridique 3 – L’unification de l’Armée Chapitre troisième : La vie politique et le déclin de l’activité Communiste I – Considérations générales sur le règne de REZA SCHAH 1 – Une dictature 2 – Le pouvoir personnel 3 – En guise de bilan II – Le parti communiste persan (P.C.P.) 1 – La doctrine du Communisme international sous le règne de REZA SCHAH 2 – Le déclin du Parti Communiste Persan

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3 – Le deuxième congrès du Parti Communiste Persan 4 – Les derniers jours du Parti Communiste Persan III – Le cercle marxiste du docteur ERANI 1 – Le renouveau du communisme en Iran 2 – La naissance du parti TOUDEH III ème PARTIE : LA RESTAURATION DE LA DEMOCRATIE ET LA POLITIQUE NATIONALISTE (1941-1953) Chapitre premier : L’avènement de Mohammed REZA SCHAH PAHLAVI I – Mohammed REZA SCHAH PAHLAVI et la démocratie 1 – La libération du régime 2 – La nouvelle politique étrangère 3 – Le 13ème madjlesse II – La politique du pays 1 – La situation en 1941 2 – Les partis politiques 3 – Les relations entre le madjlesse et les gouvernements Chapitre deuxième : Les partis politiques et la crise du pétrole I – Le parti TOUDEH 1 – Rappel sur la situation socio-politique en 1941 2 – L’organisation du parti TOUDEH 3 – La lutte contre le fascisme 4 – La La réorganisations des syndicats 5 – La première conférence provinciale 6 – Le rayonnement du Parti TOUDEH 7 – Le front des libertés 8 – Les élections au quatorzième Madjlesse 9 – Le premier congrès du parti Toudeh 10 – Le parti Toudeh et le Madjlesse 11 – Le parti ERADEH-MELLI 1- Les origines du parti ERADEH MELLI 2- L’organisation du parti Eradeh-melli 3- Les démarches du parti Eradeh-Melli 4- Le programme du Parti Eradeh-Melli 5- La fin du parti Eradeh-Melli III – La crise du Pétrole 1 – Les concessions demandées par les Occidentaux 2 – Les concessions demandées par les Soviétiques 3 – La campagne de presse soviétique ; l’action Toudeh

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4 – Le gouvernement Bayat et le Toudeh 5 – Les explications du parti Toudeh Chapitre troisième : Les mouvements autonomistes du Kurdistan et d’Azerbaïdjan I – L’affaire d’Azerbaïdjan 1 – Le parti démocrate d’Azarbaïdjan 2 – Les institutions de la république autonome d’Azerbaïdjan 3 – L’affaire d’Azarbaïdjan et le madjlesse d’Iran II- Les évènements du Kurdistan 1 – Le contexte politique et le « Kumleh » 2 – Le parti démocrate du Kurdistan 3 – Le premier gouvernement autonome du Kurdistan III – Le dénouement de la crise 1 – La recommandation du Conseil de sécurité 2 – Le premier gouver,nement GHAVAM 3 – L’accord du 13 juin 1946 4 – L’entrée des leaders du Toudeh dans le gouvernement 5 – Les explications du parti Toudeh Chapitre quatrième : la guerre du pétrole et l’apparition d’un Nouvelle ère dans l’histoire de l’Iran I – La naissance du front national 1 – La vie politique sous le 15ème Madjlesse 2 – Le Front national et les autres partis 3 – La volonté de réforme du Schah 4 – Le gouvernement Ali RAZMARA II – La planification de l’économie et le temps des nationalisations 1 – L’appel de Mossadegh 2 – La renaissance du parti Toudeh 3 – La crise pétrolière III – Le coup d’Etat, puis la chute de Mossadegh 1 – Le coup d’état 2 – La chute de Mossadegh Conclusion

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LA VIE POLITIQUE

EN IRAN

DURANT LA PREMIERE

MOITIE DU XX SIECLE

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INTRODUCTION

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Il est assez paradoxal de constater combien les facteurs qui ont régi la vie politique et sociale en Iran au cours de la première moitié du présent siècle se sont affirmés selon une permanence que l’on retrouve, pour certains à des degrés moindres encore aujourd’hui.

D’ordre physique, économique, religieux ou social, ces facteurs ont été à l’origine de tous les bouleversements internes et de tous les conflits internationaux dans lesquels l’Iran était parti prenante.

Les facteurs d’ordre physique ou géopolitique résultent des frontières même du pays. Bordé au Nord par L’U.R.S.S. et à l’est par les Indes, l’Iran n’a pu que subir les affrontements russo-britanniques qui visaient pour les britanniques à couper aux russes la route des Indes et pour les Russes, à maintenir une séparation avec les anglais.

Cette rivalité aboutit à un partage de l’Iran en zones d’influence, zones d’où furent extraites durant des décennies et à peu de frais, les richesses naturelles du pays. Cette entreprise de pillage systématique se déroula bien souvent avec l’accord des gouvernements successifs et est à l’origine des facteurs économiques.

Le pillage ainsi réalisé priva le pays des ressources élémentaires indispensables à son développement, l’abandonnant de ce fait, dans une prédominance agricole archaïque peuplée dans sa majeure partie d’analphabètes.

Le paysage socio-économique était enfin quadrillé par une classe dirigeante puissante constituée de gros propriétaires fonciers et de marchand régnant en véritables féodaux sur le peuple de paysans laborieux.

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Ajoutons à ces nombreux facteurs l’emprise considérable dont disposait ou dispose encore sur l’ensemble des activités du pays le monde religieux. Tout ne fut pas changé par REZA SCHAH qui marqua pourtant profondément de son empreinte les vingt années de sa vie consacrées à la tête de l’Iran. Avec lui naquirent l’industrialisation et l’organisation administrative du pays ; l’armée fut unifiée et le système éducatif repensé ; des routes et des voies ferrées furent construites et les femmes libérées de leur voile…. La seconde guerre mondiale vint mettre fin à cette vaste entreprise de rénovation, l’Iran de par sa position géographique et le sous-équipement de son armée devenant la proie des exigences stratégiques du conflit. Avec l’avènement de MOHAMMAD REZA SCHAH s’annonça une ère résolument tournée vers le monde moderne où humanisme, développement et progrès social définissaient la Révolution à faire. Le nouveau SCHAH, peu expérimenté au départ, dut se débattre au milieu de la classe politique désormais organisée en « partis », le plus important étant le TOUDEH dont l’appartenance au bloc communiste n’était un secret pour personne. Les divers événements qui ont constitué l’histoire de l’Iran au cours de la première moitié de ce siècle ont été longuement évoqués dans cette étude. La méthode d’analyse utilisée est chronologique ; nous avons associé les divers schahs à l’actualité historique, insistant sur tel ou tel moment fondamental pour l’évolution du pays. C’est ainsi qu’une part importante de notre travail est consacrée à

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l’évolution de la pensée révolutionnaire dont le rôle a été très souvent déterminant du fait du voisinage soviétique. La démarche qui a dominé notre étude résulte de trois questions que nous nous sommes dès le départ posées. Tout d’abord, quelles ont été les conditions qu’ont permis à des provinces iraniennes de se transformer à deux reprises en Républiques soviétiques (Azerbaïdjan et Guilan, puis Azerbaïdjan et Kurdistan) ? Cette question suppose une deuxième question, à savoir, comment se fait-il qu’un pays, tel que défini ci-dessus, a pu résister aux assauts des communistes voisins ? Au-delà de ces questions sur les conditions d’établissement de la pensée et de l’organisation communiste, il convenait de se demander dans quelles mesures les religions, les traditions et les coutumes peuvent constituer un moyen d’assurer le nationalisme ou un rempart devant les nouvelles idéologies ? C’est ce que nous nous sommes proposé. La documentation nécessaire à notre étude s’est avérée très riche et nous n’avons pas manqué de l’utiliser largement, notamment par l’inclusion dans notre texte de nombreuses citations sélectionnées dans les œuvres des auteurs les plus remarquables. Nos vifs remerciements s’adressent avant tout à Monsieur le Professeur Jacques VERNANT qui a bien voulu accepter de diriger notre travail. Nous remercions également Monsieur R. ABBASSI qui a relu notre manuscrit et nous a conseillés fort utilement.

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J’exprime enfin ma profonde gratitude pour tous ceux qui m’ont encouragé à conduire jusqu’à son terme ce travail.

PREMIERE PARTIE

LA PREMIERE EPOQUE DE LA PENSEE

REVOLUTIONNAIRE EN IRAN

( 1905 – 1940 )

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CHAPITRE PREMIER

LA REVOLUTION CONSTITUTIONNELLE

(1905 –1909)

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Il est particulièrement intéressant de constater que des « mouvements révolutionnaires iraniens » se sont produits a chaque fois que la Russie a connu de l’agitation. La première explication de ce phénomène résulte bien sûre de la proximité des deux Etats qui ont aujourd’hui encore 2 500 kilomètres de frontière commune. Cette frontière constitue un élément intangible, une donnée permanente et très conséquente puisqu’elle permet d’expliquer le rôle joué par les Russes au cours des grandes époques de l’histoire récente de l’Iran.

Les Russes se sont en effet continuellement disputés le rôle de maître de l’assistance technique et financière avec les britanniques.1 Le comportement de ces deux puissances était on ne peut plus colonialiste voir envahissant. Les premiers, trop enclavés, ont toujours considéré la Perse comme un avant poste, ouvert sur la Mer Caspienne, le Golfe Persique et par-là même les Indes.2 Les seconds, désireux de préserver leurs intérêts économiques en Iran et aux Indes s’opposaient fermement à toute pénétration des russes dans la région.

Cette lutte fut évoquée en 1924 par René GROUSSET3 avec une excellente clarté : « Du seizième au dix-huitième siècle, sous les Chah Abbâs et Nadir, la Perse avait joué auprès de l’Europe un rôle analogue à celui que joue actuellement le Japon : c’était la Grande Puissance asiatique que sa haute civilisation et son aptitude à s’européaniser avaient fait admettre dans le concert des Etats d’Occident. Cette situation changea au dix-neuvième siècle par suite de la fondation, aux frontières de l’Iran, de deux grands empires coloniaux dont la Perse finit par être un simple satellite : l’empire russe et l’empire anglo-indien. » Cette situation se perpétua durant tout le XIXème siècle, à l’exception toutefois d’une courte période durant laquelle les français accordèrent leur aide technique à l’Iran.4 (5.1807 – 2/1809) Cette aide résultait du traité d’alliance signé le 4 mai 1807 à Einkenstein par Napoléon 1er ; elle consistait surtout en l’envoi de techniciens chargé de réorganiser l’armée iranienne et d’installer l’arsenal d’Ispahan.

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« … An important military misssion, composed of general Gardanne and seventy commisionned and non-commissioned officers, appeared in Persia and set to train the Persian army on European lines. The French general was undoubtedly instructed to organize the army of the Shah with a view to its employment as an auxiliary to a French army in an invasion of India.… Meanwhile the covention of Tilsit has been signed almost at the same time, and it is generally believed that the partition of the East was discussed by Napoleon and Tsar Alexander at their historical meeting, the fact that the French emperor intented to appoint his brother Lucien to represent him at Teheran proves that he, at any rate, seriously intended to contest British supremacy in India. »5 C’est ainsi que, durant un siècle, s’appuyant sur l’une ou l’autre des puissances étrangères coloniales, l’Iran n’a pu que subir leurs affrontements, leur lutte d’influence, qui, sous ses formes économiques et politiques s’est avérée des plus néfastes pour le pays dont l’affaiblissement s’est accentué.

I – L’ERE DE L’ABANDON Par ère d’abandon, nous entendons la longue période durant laquelle l’ensemble des richesses naturelles et potentielles du pays furent concédées à des puissances étrangères sur la base de contrats dont le contenu était à la limite de la raison. Cette ère d’abandon s’est déroulée sous les règnes de Nasser-od-Dine Schah et des Mozaffar-od-Dine Schah qui lui succéda en 1896. 1 1. Le règne de NASSER-OD-DINE SCHAH Ce règne marque réellement le début de la course à la pénétration économique - c’est à dire aux concessions - que la Russie Tsariste et la Grande Bretagne se sont livrée sur le territoire iranien. Nasser-od-Dine Schah voyageait beaucoup, surtout en Europe, et ces voyages l’obligeaient à engager de fortes dépenses. Les moyens de financement étaient tout trouvés : il suffisait d’octroyer généreusement aux puissances demanderesses les concessions qu’elles souhaiteraient.

Les concessions aux britanniques Les Anglais obtinrent la concession de l’établissement en Iran de « lignes télégraphiques qui devaient s’avérer très favorables à la consolidation de la situation anglaise dans le pays. » La pénétration

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pacifique et économique anglaise s’accentua avec l’installation des lignes télégraphiques en Iran. D’abord en 1864, les Anglais jetèrent les premiers câbles sous- marins qui devaient relier les côtes à celle des Indes, et installèrent des bureaux dans les ports. Ces stations télégraphiques possédaient leurs personnels et leurs propres moyens de défense. Ensuite, le « Indo-European Telegraph Department » et le « Indo European Telegraph Company » firent rayonner en Perse quelques lignes de télégraphe, établissant des communications rapides entre les grandes villes commerçantes. Une ligne transpersane relia d’autre part l’Europe en Inde. Ces lignes télégraphiques furent extrêmement favorables, non seulement au commerce anglo-indien, mais aussi à la propagation de l’influence anglaise en Perse. Comment ne pas citer ici ces paroles prononcées par le Général De GAULLE à la fin de la dernière guerre mondiale6 : « …Les grands Etats agissent d’après leurs intérêts et d’après les conditions géographiques et politiques dans lesquelles ils sont placés… » À l’instar des russes, les anglais aussi, pour favoriser leur commerce se firent concéder l’amélioration de quelques routes, entre autres « the Arabistan road », ou la route Bakhtiary, aménagée par les Lynch Brothers.…7 Les bureaux de télégraphe devinrent même, comme les légations et les consulats étrangers, des lieux de refuge pour toutes sortes de mécontents, car, de là, les réfugiés pouvaient se mettre en communication directe avec la capitale : « During the Indian Mutiny the need for direct telegraphic communication was seriously felt in England, and in 1859 an attempt was made to lay a cable down the Red Sea in correspondence with wires which stretched from Marseilles to Alexandria. This attempt completely failed. At that period Turkey had realized the advantage of the telegraph for the control of her wide-spreading empire. For her own ends she decided to construct a line from Constantinople across Asia Minor to Baghdad. It was proposed that it should be continued thence to India by the British Government; and, in view of the

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failure in the Red Sea, this scheme was gladly adopted. Some years were consumed in negotiations and surveys, but in 1863 the Overland Telegraph Convention was concluded at Constantinople. Owing to the feeble control exercised by Turkey over the tribes to the south of Baghdad and the malarious climate (although these obstacles proved to be less serious than had been anticipated), it was decided to provide an alternative line through Persia to connect at Bushire with the cable to be laid down the Persian Gulf. »8 Autre concession particulièrement exceptionnelle, la Concession Reuter. Une description détaillée fut publiée en 1946 par la Documentation Française dans la série Notes documentaires et Etudes.9 En 1872, le baron Julius de Reuter, un juif allemand naturalisé anglais, obtint du Schah une concession d’envergure surprenante. Il recevait : le monopole de la construction de toutes les voies ferrées et des tramways pendant soixante-dix ans, la concession de toutes les mines sauf celles de métaux précieux et de pierres précieuses, le monopole des forêts et de toutes les terres en friche, le privilège de la construction de tous les travaux publics, ainsi la régie des douanes pour vingt-quatre ans, etc…. Nasser-od-Dine Schah recevait en contre partie une somme fixe pendant six ans plus une redevance de 60 % du revenu net, plus 20 % de la recette des chemins de fer. Cette concession constituait « … le plus extraordinaire et complet abandon de toutes les ressources industrielles d’un Etat entre les mains de l’étranger ». Elle suscita un tel mécontentement - tant en Iran que dans les capitales des puissances économiques mondiales - que le Schah l’annula. Le baron Reuter obtint toutefois en 1889 la concession de la « Imperial Bank of Persia » pour une période de soixante ans et avec le droit exclusif d’émission de billets de banque. Les anglais construisirent la route du Khouzistan et obtinrent la régie des tabacs pour une période de cinquante ans. Le peuple iranien fut vivement irrité par cette dernière concession. Le clergé prit également position en interdisant l’usage du tabac jusqu’à l’annulation de la dite concession. La population se révolta violemment à Tabriz, Ispahan, Téhéran et Yazd … et le Schah annula la concession !10

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Les concessions aux russes Dans les mêmes temps les russes agissaient dans les régions du nord du pays en véritable puissance coloniale. C’est en 1879 que Nasser-od-din Schah créa une « brigade de cosaques iraniens » destinée à assurer sa garde. L’instruction de cette brigade fut confiée à des officiers russes ... et l’instrument ainsi constitué devint un atout important entre les mains des russes pour leur politique en Iran.11 Ils obtinrent en 1888 la concession de la pêcherie de la Mer Caspienne et en 1891 ils fondèrent une « Banque de Prêts » destiné à concurrencer la « Imperial Bank of Persia » concédée aux britanniques. Les Russes construisirent enfin la route d’Enzéli Bandar Pahlavi à Téhéran et le chemin de fer Djolfa-Tabriz. Ils consolidèrent ainsi leur position dans le nord pendant que les anglais renforçaient la leur dans le sud, le tout, au dépens total des intérêts de l’Iran.

2. Le règne de MOZZAFFAR-OD-DINE SCHAH

C’est en 1896 que Nasser-od-Dine Shah fut assassiné. Son fils Mozaffar-od-dine Schah lui succéda en poursuivant la politique de distribution de concessions conduite par son père et en prenant recours d’autre part auprès une nouvelle source de financement : l’emprunt. Les concessions aux britanniques C’est en 1901 que fut attribuée à un australien une concession sur tout le pétrole contenu dans sous-sol du territoire iranien, sauf dans les provinces du nord (AZERBAIDJAN, MAZANDERAN, ASTRABAD et KHORASSAN).12 C’est cette concession pétrolière qui donna naissance à l’A.I.O.C., organisation qui connut une véritable prospérité.13 Les concessions aux russes Les Russes jouèrent surtout le rôle de pourvoyeurs de fonds. En effet, en 1900 Mozaffar-od-Dine Schah eut recours à un premier emprunt de 22 millions et demi de roubles au taux de 5 %. Il s’engagea à rembourser ses dettes à la banque anglaise (Imperial Bank of Persia) et à n’emprunter désormais qu’à la Russie et ce, jusqu’à l’extinction complète de la dette. En 1902, le Schah eut à nouveau recours à l’emprunt pour un montant de 10 millions de roubles.

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L’année suivante c’est à dire en 1903, la Russie fut récompensée pour sa politique amicale de crédit quand la Banque Russe d’escompte14 fût autorisée à construire un chemin de fer de la mer Caspienne au Golfe Persique, devant relier Recht à Bandar-Abbas, via Téhéran ; ainsi Ispahan et Chiraz. C’était là un succès important pour les objectifs russes poursuivis en Iran depuis Pierre le grand…. Mais … ce chemin de fer ne fut pas réalisé. II – LA REVOLUTION RUSSE DE 1905 ET LA REVOLUTION PERSANE

Ces deux révolutions eurent lieu durant les années 1905-1907. La première venait de loin et dans ses œuvres - antérieures à cette période - Lénine parla de son imminence : « … La Russie, marche vers la révolution populaire… » La deuxième, c’est à dire la révolution persane, résultait de la convergence de divers paramètres comme la misère des classes paysannes, le mécontentement des commerçants, l’importance accordée aux puissances coloniales, l’abandon de l’économie, les revendications nationalistes des régions, etc.… La révolution bolchévique de 1905 15 Les origines Cette révolution débuta en janvier 1905 à Saint Petersbourg où se déroulait une importante grève conduite par Japone. Cette grève fut réprimée par les troupes russes qui tirèrent sur la foule. Ce fait mit le pays en éruption et ce fut le début d’une tempête révolutionnaire qui fit rage en Russie pendant plus de deux ans. Lénine et la révolution bolchévique Lénine estima que dans les conditions concrètes de cette révolution, seule une insurrection armée de tout le peuple pouvait aboutir à la chute du tsarisme. Il analysa et argumenta, la nécessité de former des luttes telles que les grèves politiques de masse et les manifestations politiques et étudia pour la première fois les liens qui unissent la grève et l’insurrection armée. La révolution victorienne La révolution prit de l’ampleur de mois en mois et une grève politique se déclencha en octobre. Le Tsar publia alors un manifeste dans lequel il proclama des libertés politiques et évoqua la création d’un Parlement, « … une DOUMA dotée de fonctions législatives ».

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L’échec de la révolution bolchévique L’insurrection armée de décembre à Moscou fut le point culminant de la révolution mais les forces s’avérèrent largement inégales. En effet, n’ayant pas été soutenue par des manifestations révolutionnaires dans d’autres villes, l’action des moscovites subit un violent échec et la révolution recula … pour déboucher sur un échec en 1906. Cette année-là éclata en Iran une révolution non sanglante contre la monarchie absolutiste. La révolution persane 16 2-1 Les origines17

TAVALLALI décrit parfaitement les origines profondes de cette révolution. Il l’explique comme « un mouvement à la fois libéral, démocratique, et nationaliste issu de l’arbitraire des souverains incapables, insouciants, égoïstes et prodigues ; et de la mauvaise situation financière du pays ; de l’ingérence ouverte et blessante des puissances impérialistes dans les affaires intérieures du pays ; de l’introduction en Iran d’idées neuves au contact de l’occident … » Nous avons déjà évoqué le mécanisme élémentaire qui permit aux puissances colonialistes de s’accaparer les richesses du pays. La situation intérieure qui en découla fut telle que la population ne se trouva finalement composée que de l’élément féodal, c’est à dire de seigneurs KHANS, et de serfs « … taillables et convenables à merci … » (paysans et ouvriers misérables et analphabètes). En raison des oppressions de plus en plus en plus fortes qu’ils subissaient, de nombreux commerçants18 et miséreux furent contraints de quitter la Perse pour la Caucase où l’on pouvait gagner sa vie. Les marchands persans y faisaient le commerce de l’industrie nationale et les ouvriers y travaillaient dans les usines ou fabriques russes. Les uns et les autres perpétuèrent les relations avec leur patrie. En Transcaucasie et en Russie, les Persans s’assimilèrent aux nouvelles mœurs et s’initièrent à un régime politique différent ; ils s’approprièrent de nouvelles idées une nouvelle culture et de nouvelles conceptions.19 Dans les mêmes temps, la bourgeoisie persane, également lasse des diverses formes d’oppression du Schah envoya ses enfants s’instruire à l’étranger. Elle préparait ainsi les premiers représentants

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de sa classe capable de faire de la propagande et de mener une campagne en faveur d’un régime politique répondant mieux à ses buts. Des cercles clandestins commercèrent à se former en Perse et des proclamations furent lancées ; des hommes, silencieux jusqu’alors prirent la défense du droit du peuple contre l’arbitraire du Schah et les pillages des Khans. 2-2 Les événements de Téhéran Le premier ministre Ayn-od-Dowleh s’était rendu très impopulaire et les premières agitations qui éclatèrent à Téhéran au début de 1906 furent surtout dirigées contre lui. Les « révolutionnaires réclamaient un Palais de Justice (Edabat-Khaneh) et le renvoi du conseiller du Schah, de nationalité belge et d’obédience pro-russe. Le Schah s’engagea à leur donner satisfaction dans un délai déterminé, si bien qu’en juillet 1906, éclata à Téhéran un nouveau soulèvement. Le Schah n’avait tenu aucune de ses promesses, et, pour marquer leur profond mécontentement, les dignitaires ecclésiastiques quittèrent la capitale pour la ville sainte de QUM. Un mouvement de protestation naquit alors chez les artisans et les commerçants dont près de quinze mille se placèrent sous la légation d’Angleterre à Téhéran. Les « révolutionnaires » réclamèrent au Schah une constitution et la Convocation d’une assemblée, qu’ils obtinrent sans que soit versé une goutte de sang et sans violence civile. Le rescrit 20 du 5 août 1906 ordonna la convocation d’une Assemblée (le Madjlesse).

2-3 Le premier Madjlesse Cette assemblée groupait le représentants de la famille royale, du clergé, des nobles, des commerçants, des propriétaires fonciers et des corporations de métiers. Elle élabora les cinquante et une lois du 30 décembre 1906 qui comprenaient notamment : Article 1 – L’assemblée consultative nationale (Madjlesse) est établie et Constituée selon l’ordonnance pleine de justice du 14 Djamadi Ol- Akhar, 1324 ( 5 août 1906) Article 2 – L’assemblée nationale représente tous les habitants du Royaume de la Perse associés dans les affaires politiques et économiques de leur patrie. Article 4 – Le nombres de députés à élire d’après une loi spéciale est Actuellement fixé à 162

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Article 15 – L’assemblée nationale a le droit de discuter et d’examiner avec Franchise et bonne foi tout ce qu’elle croit utile pour le pays et le Peuple, de prendre des décisions à la majorité des voix en toute Indépendance et garantie Ses décisions, après avoir été approuvées par le sénat, seront présentées par le chef du gouvernement à sa majesté ; elles seront promulguées par elle et mises à exécution. Article 16 – Toutes les lois … doivent être approuvées par l’assemblée Nationale. Article 22 – L’approbation de l’assemblée nationale est nécessaire pour toute aliénation ou toute vente des revenus ou des biens de l’Etat ou du pays, et pour toute modification apportée aux frontières du pays. Article 23 – Sans approbation de l’assemblée nationale, aucune concession pour la création d’aucune sorte de compagnie ou de société ne sera accordée par le gouvernement. Article 24 – La conclusion des traités et des conventions et l’octroi des concessions (monopoles) commerciales, industrielles, agricoles ou autres, doivent être autorisés par l’assemblée nationale. Article 25 – Aucun emprunt public à l’intérieur du pays ou à l’étranger ne peut être conclu sans l’approbation de l’assemblée nationale…. Article 43 – Il sera formé une autre assemblée appelée Sénat et composée de 60 membres….

Ces Lois reflétaient le souci qu’exprimaient les députés de mettre un terme à l’appauvrissement du pays. La situation financière était en effet déplorable et le gouvernement tenta cette année-là d’emprunter encore une fois à l’étranger 400 000 livres sterling ; l’Angleterre et la Russie devaient fournir chacune la moitié de la somme. L’assemblée nationale s’opposa à cet emprunt en invoquant l’article 25 des lois constitutionnelles nouvellement promulguées. Les députés proposèrent la création d’une banque nationale dont le capital serait constitué des apports de la population et plus particulièrement des commerçants. Le projet fut adopté mais les caisses demeurèrent vide du fait de la faible participation des iraniens les plus nantis…. Les Députés s’attaquèrent ensuite à la fiscalité et décidèrent de diminuer les dépenses de l’Etat et d’équilibrer le budget. Une

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commission fut chargée de ces travaux et le premier budget fut adopté par le ‘ Madjlesse’ le 9 novembre 1907.

E. G. BROWNE21 explique que jusqu’alors, les dépenses s’élevaient à 2 000 000 Livres ; il en résultait donc un déficit annuel de 570 000 livres. C’est en réduisant les dépenses, spécialement la pension des princes et des courtisans, qu’on arrive à équilibrer le budget, qui se solda même par un excédent d’actif de 230 000 livres. De cette somme, 120 000 livres furent attribuées au Schah pour sa liste civile (somme un peu plus élevée que la moitié de ce qu’il recevait précédemment) et le reste fut consacré à des travaux d’intérêt public. Les revenus de l’Etat n’étaient donc plus considérés comme la propriété du Schah. 2-4 Le règne de MOHAMED ALI SCHAH Or, le 9 janvier 1907, Mozaffar-od-Dine Schah mourut. C’est son fils Mohamed Ali Schah qui lui succéda. Victor Berard22 racontait en 1910 que c’était ‘… un gros garçon balourd et sot, toujours digérant et sommeillant, presque incapable de rien comprendre et de rien vouloir. Il confirma d’abord cette promesse de constitution et laissa une apparente liberté aux discoureurs de l’assemblée … les troubles et les souffrances des provinces, l’insécurité des routes et des villes, l’appui donné par le Kadjar et ses fonctionnaires à tous les fauteurs de troubles alarmèrent bientôt les intérêts du public et déconsidérèrent l’Assemblée’. La ‘Madjlesse’ commença ainsi à s’affaiblir. Victor Berard décrivit également l’ambiance qui régnait entre les députés ; c’était ‘… un champs de bataille entre les castes qui n’avaient fait alliance que pour défendre leurs privilèges respectifs contre le Roi…. Les bourgeois et les aristocrates ne voulaient que restaurer leur ancienne association avec le Roi, mais en être les gérants et administrateurs délégués…. Seuls quelques politiciens et quelque jeunes réformistes entendaient gouverner sur le modèle de l’Europe Occidentale et non sur les traditions iraniennes ou musulmanes. Aucun des partis n’avait une conception très nette de son idéal de gouvernement’. Mohamed Ali Schah exploita à fond la situation en exprimant ouvertement, par la parole et les actes, son aversion profonde pour le ‘Madjlesse’ mais il signa tout de même le 7 octobre 1907 un

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supplément aux « lois Fondamentales » de 1906 élaboré par cette assemblée. 2-5 L’accord anglo-russe de Saint Petersbourg Or, c’est durant la période 1906-1907 qu’un nouveau venu dans la lutte d’influence en Iran accentua son action : l’Allemagne. Cette intrusion était très mal vue de l’Angleterre qui tenta immédiatement un rapprochement avec la Russie. L’accord du 31 août 1907 ou accord de St Petersbourg déclarait le respect de l’intégrité et de l’indépendance de la Perse mais partageait le territoire iranien en trois zones : • zone d’influence russe qui comprenait les provinces les plus riches et les plus peuplées. • la zone d’influence anglaise qui comprenait le Seistan, le Belonchistan iranien et la province de Kerman. • la zone neutre qui couvrait le reste du pays. Par cet accord, les anglais et les russes s’engageaient à ne point tenter d’obtenir de concession de Mohamed Ali Schah dans une autre zone que celle qui leur était affectée. Les anglais étaient les grands gagnants puisqu’ils avaient obtenu un rapprochement anglo-russe contre l’Allemagne, et en même temps une conciliation des intérêts anglo-russes en Iran et endiguement de la Russie dans sa course vers les Indes. 2-6 Les relations entre MOHAMED ALI SCHAH et le MADJLESSE en 1908 ‘La lune de miel’ anglo-russe fut brève du fait d’événements internes propre à l’Iran. Le 28 février 1908, un attentat à la bombe fut perpétré contre Mohamed Ali Schah qui en réchappa. Ce n’est que quelques années plus tard que l’on en découvrit les auteurs : il s’agissait du ‘Comité de la Révolution’, composé de leaders libéraux et constitutionnels ; c’est HIDAR AMOU OGHLI, membre du parti social démocrate de BAKOU qui fut l’exécuteur en liaison avec les sociétés politiques de Téhéran. Les anglais et les russes trouvèrent alors que le peuple iranien ‘… se précipitait sur la voie dangereuse de l’anarchie…’23 TAVALLALI24 rapporte qu’en juillet 1907 (environ un an auparavant), Sir C. Spring-Rice, dans une lettre adressée à un ami, dévoilait l’arrière pensée des Russes et du Schah et prévoyait la suppression de la ‘Madjlesse’ ; il écrivait :

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‘Mon impression est que maintenant que la Russie a modifié avec bonheur sa Constitution, et qu’elle s’est débarrassée de sa Douma, elle ne tiendra pas à voir une autre Douma à sa porte, et elle prendra des mesures pour l’éliminer. Comme le Schah partage cette opinion, ils sont par conséquent liés en cette affaire et ils agiront ensemble. Ceci donnera à la Russie le contrôle absolu du gouvernement persan ce qui était impossible jusqu’à maintenant, le gouvernement du Schah ayant été soucieux de maintenir la balance entre l’Angleterre et la Russie’ C’est bien ainsi que les évènements se déroulèrent. Le 4 juin 1908, Mohamed Ali Schah publia un rescrit 25 intitulé « Voie de Salut et de l’Espoir du peuple » déclarant que « … l’Iran était un pays constitutionnel ; … les députés exerceraient leur fonction en parfaite sûreté, mais ne toléreraient plus qu’agissent des semeurs de discorde et des personnes mal intentionnées ». 26La population et les représentants des conseils locaux (andjomans) manifestèrent alors leur indignation. L’escalade dans les mauvaises relations entre l’assemblée et le Schah prit une nouvelle et dramatique tournure. Ce dernier menaça même d’utiliser la force pour obtenir la dispersion des conjurés. On retrouve à la lecture de documents relatant les débats de l’Assemblée nationale la lettre qu’envoyèrent les députés au Schah le 15 juin 1908 :

« Alors que l’indépendance du pays n’était retenue que par une corde fragile : la volonté du souverain, la Voix Invisible réveilla le peuple et le dirigea vers le chemin de la raison. C’est à ce moment que l’ensemble des habitants du pays, comprenant que le pouvoirs de l’Etat émanent du peuple, et que la royauté est un dépôt confié au Schah par la nation, demanda un changement de régime, ce qui fut fait lors de la signature de la constitution. Or, tandis qu’on s’attendait à un accord réel entre le Schah et le peuple, les semeurs de discorde organisèrent les manifestations récentes, et violèrent les articles 9, 10, 12, 14 et 23 du complément des lois constitutionnelles, articles qui en constituent l’âme. Les causes de cet état de fait sont, selon les sages : 1) La suggestion faite par les personnes mal intentionnées, empêchant Sa Majesté d’ajouter foi qu principe de la légalité

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et de mettre en exécution les articles 44, 45, 57 et 64 du complément des lois constitutionnelles ; 2) la mauvaise intention de ces mêmes personnes qui ont fait croire à Sa Majesté que l’obéissance aux lois serait indigne de la Majesté Impériale. Or, aussi longtemps que les violations des lois constitutionnelles ne seront pas punies, que le principe de légalité ne sera pas institué et que les députés ne seront pas certains de pouvoir protéger les droits du peuple ; les représentants du peuple se verront dans l’obligation d’annoncer à leur mandant l’impossibilité d’assumer la lourde responsabilité de toute une nation. »27 La réponse du Schah, qui arriva le 20 juin spécifiait qu ‘… le Schah avait hérité du trône grâce au sabre de ses ancêtres, que son affection paternelle pour le Peuple l’avait poussé à déclarer la constitutionnalité du gouvernement iranien ; mais que le corps représentatif et le peuple ignorant avaient violé la Constitution à chaque occasion et qu’ils avaient généralisé le désordre’. Il ajoutait enfin ‘qu’il ne supporterait pas la calomnie des députés qui l’ont qualifié d’adversaire du régime constitutionnel, et qu’il n’abandonnerait point le soin des affaires du pays qui lui avait été confié par Dieu.’28 2-7 La fin du ‘MADJLESSE’ Le Schah, sur le conseil des russes, poursuivit sa politique de provocation et exigeant des députés ‘… des pouvoirs aussi étendus que ceux de l’empereur d’Allemagne, une armée de 10 000 soldats, …’ Ces exigences lui furent refusées et le 23 juin 1908, les cosaques prirent position autour de la chambre pour arrêter – disait le colonel LIAKHOFF : « Les huit chefs libéraux. » Les russes bombardèrent en fait le bâtiment et les députés et les chefs libéraux furent soit exilés, soit emprisonnés, soit mis à mort. L’Iran était brusquement retombé dans l’ancien régime absolutiste … mais ce régime ne plaisait ni aux anglais ni aux libéraux, ces derniers se soulevèrent un peu partout dans le pays. 2-8 Les événements de TABRIZ L’insurrection débuta dans la ville de Tabriz où, sous le commandement de Sattar Khan et de Bagher Khan, les nationaux

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libéraux, encouragés par le consulat général britannique, organisèrent une résistance qui dura un an…. En juillet 1908, la Révolution éclata en Turquie29 et les jeunes révolutionnaires turcs manifestèrent leurs encouragement aux iraniens de Tabriz. Parallèlement les sociaux démocrates du Caucase envoyèrent des troupes levées parmi les volontaires pour renforcer les forces iraniennes de résistance. Le Schah répondit immédiatement en envoyant ses troupes qui furent écrasées à deux reprises. De Tabriz l’insurrection gagna Recht où le gouverneur Sepahdar Azam prit la tête de la résistance. Ce fut, en janvier 1909, le tour d’Ispahan, de s’insurger avec l’aide de la tribu BAKHTYARI , commandée par Sardar Assad. 2-9 La victoire des insurgés L’armée des insurgés de Recht et d’Ispahan marcha sur Téhéran. Le 13 juillet 1909, la capitale fut prise et le Schah, réfugié à la légation russe, fut détrôné le 16 juillet par un ‘Conseil National Extraordinaire’ comprenant ‘les Ulémas, les chefs nationalistes, les princes, les hauts dignitaires et les anciens députés du Madjlesse dissous…’ 3 La fin de la monarchie absolutiste Le ‘Conseil National Extraordinaire’ désigna un gouvernement provisoire dirigé par les chefs de la résistance : Sepahdar Azam et Sardar Assad. Ce gouvernement signa dès le 25 août 1909 un protocole avec les gouvernements de l’Angleterre et de la Russie visant à exiler en Crimée … moyennant une rente annuelle et un engagement à ne plus intriguer contre la Perse – l’ex Schah Mohamed Ali. C’est ainsi que prit fin en Iran la monarchie absolutiste des Kadjars…. Mohamed Ali s’étant retiré chez le Tzar, en Crimée, son fils Ahmed lui succéda sur le trône de Perse. Le jeune roi n’était âgé que de onze ans, donc inapte à régner. Il fût décidé de confier la régence du royaume au chef de la tribu GHADJAR, Aze ol Molk. I – LE DEUXIEME MADJLESSE C’est le 15 novembre 1909 que s’ouvrit solennellement la séance du deuxième Madjlesse en présence du jeune Schah accompagné du régent Azed-ol-Molk. 1-1 Les groupes politiques

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Le Madjlesse comprenait deux groupes politiques importants : les Démocrates et les Modérés, deux groupes marginaux, l’Union et les Progressistes, et quelques petits groupes personnels inconséquents. 1-2 Le groupe des Démocrates Les démocrates étaient essentiellement jeunes et vantaient le modèle en vigueur dans les démocraties européennes. Leur programme politique visait à partager les grandes propriétés foncières en obligeant leurs possesseurs à les vendre aux paysans. Ils souhaitaient constituer une banque agricole pour financer le développement du monde rural. Ils avançaient une ligne de conduite sur la réforme nécessaire du système fiscal : augmentation des impôts directs, réduction des impôts indirects. Leur préoccupation essentielle était de réduire coûte que coûte les inégalités sociales. C’est ainsi qu’ils proposèrent une loi contre ‘l’accaparement’. Ils préconisaient également la séparation des pouvoirs religieux et politiques, l’instruction publique obligatoire. Ils refusaient enfin l’institution d’une haute chambre. 1-3 Le groupe des Modérés Les Modérés ou Eetedaliouns étaient constitué de religieux (Ulémas)30, de nobles, de riches et de politiciens de droite. Ils dénonçaient les Démocrates comme des hérétiques et des révolutionnaires. Les Modérés souhaitaient accomplir des réformes 31 mais progressivement. Ils avaient trente six élus dans le deuxième Madjlesse. 1-4 – Les autres groupes politiques

Les autres groupes étaient de très faible importance. Ils s’étaient formés soit par intérêt personnel, soit pour ménager les chefs des deux principaux groupes parlementaires ci-dessous évoqués. Leur forme d’expression était de s’allier tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre.

Parmi eux, l’ « Union et Progrès » comptaient quatre députés et le groupe ‘Progressistes’ en comptait six.

2 Les actions du deuxième Madjlesse

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Le deuxième Madjlesse entreprit d’organiser et de réformer le pays. La situation politique se résumait en trois points : - les régions du nord étaient occupées par les Russes. - les ports du sud étaient sous domination anglaise - ça et là dans le reste du pays, régnaient des agitations Des difficultés étaient donc importantes. Il convient d’ajouter à ces problèmes la situation financière du pays qui était loin d’être florissante. 2-1 La réorganisation des finances C’est en 1910 que la chambre approuva le recrutement d’un expert américain, M. Morgan Shuster, chargé de réorganiser les finances de l’Iran. Celui-ci se rendit dans le pays en mai 1911 accompagné de ses collaborateurs. Le Madjlesse lui accorde le droit d’inspection et les pleins pouvoirs dans toutes les affaires financières. Morgan Shuster fut un ami dévoué et loyal de l’Iran. Il procéda à une série de réformes efficaces et judicieuses. Ses efforts améliorèrent progressivement la situation socio-économique ; il ne prit en considération les intérêts russes et tâcha de conseiller utilement le gouvernement iranien face aux influences et pressions étrangères 32. Il mécontenta ainsi non seulement les russes mais aussi les anglais qui préféraient vivre en bonne intelligence avec eux dans le cadre de l’accord de Saint Petersbourg signé en 1907 et divisant le territoire iranien en zones d’influence. Le premier emprunt, comme nous l’avons déjà dit, de vingt deux millions et demi de roubles (60 millions de francs) fut conclu par l’intermédiaire de la Banque russe des Prêts, au taux de 5 % et au cours de 85 francs, à amortir en 75 versements annuels de 800 000 francs. Un nouvel emprunt de 10 millions de roubles fut négocier en 1901 ; gagé également sur les douanes de l’Empire. Pour la seconde fois, la Perse s’engageait à ne contracter aucun emprunt auprès d’une autre puissance avant 1912. A la fin de 1902, la dette persane s’alourdit encore du fait d’un troisième emprunt à court terme, consenti par la Banque russe des Prêts, devenue Banque d’Escompte de Perse. Nul doute qu’un quatrième emprunt n’eut suivi si des Anglais effrayés de ces opérations financières russes et des progrès de la pénétration moscovite en Perse, n’avait décidé de contribuer, par tous les moyens au succès du mouvement révolutionnaire. 2-2 Le gouvernement Sepahard

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Le 24 septembre 1910 vit le décès du régent Azad-ol Molk. Le Madjlesse lui désigna, pour successeur Nasser-ol-Molk qui déclara immédiatement son intention de choisir un premier ministre soutenu par une véritable majorité à la chambre. Sépahard fut nommé président du Conseil après le 4 mars 1911. Il était soutenu par une coalition composée du groupe des ‘Modérés’ (Eetadiliouns) ; et des groupes de l’Union et Progrès’ et des ‘Progressistes’. La politique conduite par le gouvernement Sépahard était très modérée ce qui lui attira les critiques constantes du groupe des Démocrates. Un événement important compliqua la situation interne ; il s’agissait de la tentative de retour de l’ex-Schah Mohamed Ali. 2-3 La tentative de retour de Mohamed Ali Le 18 juillet 1911, l’ex-Schah Mohamed Ali débarqua d’un bateau russe dans la province d’Astrabad. Parallèlement, en Kurdistan, son frère Salar-od-Dauleh, revint également avec des forces. Sépahard démissionna de ses fonctions de Président du Conseil et fut alors remplacé par Samsam-o-Saltaneh, frère du constitutionnaliste Sardar Assad, chef de la tribu des Bakthyaris. L’Armée levée par Mohamed Ali fut défaite à proximité de Téhéran, début septembre 1911 par les troupes gouvernementales notamment composées de la vaillante tribu des Bakthyaris. L’ex- Schah regagna alors la Russie. La Revue du Monde Musulman écrivait justement dans son numéro 9 de septembre 1911, que la révolution persane ‘a eu pour premières conséquences d’affaiblir l’influence anglaise, de provoquer le départ du ministre Belge des douanes M. Naus, véritable agent politique russe, et de décider la création d’une banque nationale ‘Bank-i-Melli’. Le parti nationaliste espérait, grâce à cette banque, délivrer promptement le pays de la tutelle russe, dans le domaine économique’. 2-4 La nouvelle offensive russe En novembre 1911, les russes devinrent très agressifs face aux iraniens. Cette modification de comportement résultait surtout de nouveaux appétits économiques qu’ils ne pouvaient satisfaire librement du fait du redressement économique et politique du pays. Les Russes avaient signé le 19 août 1911 avec les allemands un accord par lequel ces derniers reconnaissaient la zone d’influence

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russe définie à Saint Petersbourg en 1907. La Russie s’engageaient pour sa part à construire un chemin de fer en allant de Téhéran à Khanékine en direction de Bagdad. Elle avait difficilement admis l’échec enregistré par Mohamed Ali et trouva un prétexte pour obscurcir ses relations diplomatiques avec l’Iran. Après un premier ultimatum sommant le gouvernement iranien de lui présenter des excuses parce que des gendarmes avaient injurié deux agents de son consulat la Russie envoya le 29 novembre 1911 un nouvel ultimatum et exigea : . le renvoi de M. Morgan Shuster et de ses collègues. . l’engagement du gouvernement iranien de demander désormais le consentement des légations russes et anglaises pour toute nouvelle nomination d’experts étrangers. . le paiement des frais de stationnement des troupes russes en Azerbaïdjan (troupes dont les iraniens n’avaient jamais souhaité la présence). Cet ultimatum fut rejeté par le Madjlesse et la population, suivant cela le vote de ses représentants s’insurgea à Tabriz et à Recht contre les troupes russes qui procédèrent alors à des bombardements et des massacres. Les troupes russes marchant sur Téhéran, le gouvernement décida le 24 décembre 1911 de répondre favorablement à l’ultimatum du Tsar et la dissolution du Madjlesse fut prononcé. Le pays resta sans parlement, les institutions libérales et les partis politiques furent dissous et leurs leaders, surtout ceux du groupe des ‘Démocrates’, emprisonnés ou exilés de Téhéran. II – L’OCCUPATION ANGLO RUSSE ET LA PREMIERE GUERRE MONDIALE 1 L’influence anglo-russe Tant qu’un nouveau Majdlesse n’était pas élu (cette période dura trois années), l’indépendance du pays n’était qu’apparente ; les gouvernements étaient de véritables jouets entre les mains des légations russes et anglaises. Racontant en 1923 cette période, le colonel STOKES33 écrivait que : ‘…depuis l’acceptation de l’ultimatum russe en décembre 1911, jusqu’au commencement de la guerre en 1914, tous les cabinets

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persans furent formés en accord avec les listes fournies par les légations russe et britannique…’ Par une note commune datée du 18 février 1912, la Russie et l’Angleterre forcèrent le gouvernement iranien à reconnaître le funeste accord de Saint Petersburg de 1907 partageant le pays en zones d’influence. La même année, sous prétexte de procéder à des opérations de maintien de l’ordre, les troupes russes détruisirent Recht et bombardèrent le sanctuaire d’Ima Reza à Mechet. Les anglais expliqueraient alors que leur présence dans les régions méridionales résultait de leur désir de ‘pacifier’ les populations…. Et la politique d’exploitation des ressources économiques de l’Iran reprit de plus belle. 2 La première guerre mondiale

Lorsque la Première guerre Mondiale se déclencha en 1914 en Europe, le gouvernement décida de rester neutre. En dépit de cette neutralité, l’Azerbaïdjan fut envahi au nord ouest par les turcs ottomans, qui incendièrent Tabriz et repoussèrent les occupants russes qui se retirèrent en position forte à Mianeh et Savojbalagh. La province fut alors partagée en deux et pillée par les deux occupants. C’est alors que commença tout un jeu d’influences visant à affaiblir soit les uns, soit les autres. Dans le seul but de d’affaiblir les anglais, les allemands intriguèrent auprès des chefs des tribus nationalistes pour favoriser leur union et leur soulèvement. Cette épopée est particulièrement bien contée par Christopher SYKES34 qui baptise le Consul allemand Wasmus, ‘la Laurence allemande’. Les Britanniques mirent sur pied en 1916 un corps d’armes appelé les Carabiniers du Sud de la Perse ; ces carabiniers occupèrent chaque ville méridionale de l’Iran. Au printemps 1917, les Turcs de Kermanschah furent refoulés en Mésopotamie par les Russes et les troupes anglaises entrèrent alors à Bagdad. C’est alors que se déclencha la Révolution de 1917 en Russie. Cette Révolution devait rapidement changer la face des choses mais nous verrons qu’en fait, les espoirs de libération économique qu’elle suscita chez les Iraniens se révélèrent superflus.

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Ajoutons pour conclure cette page d’histoire, que les turcs, profitant de la retraite des russes occupèrent à nouveau en 1918 les villes de Kermânchâh, Hamedan, Qazvine et Tabriz en Azerbaïdjan. Les troupes anglaises, sur le chemin du retour de Bagdad, les chassèrent définitivement avant d’occuper la Caspienne. Cette même année 1918, les Anglais envahirent la partie orientale de l’Iran. À la fin de la Première Guerre mondiale, les occupants russes et turcs avaient disparu, l’influence allemande était étouffée mais l’Iran demeurait sous l’influence exclusive de l’Angleterre. 3 L’Iran et la Révolution de 1917 À l’annonce de la Révolution qui venait de se dérouler dans leur pays, les troupes russes se mirent à pactiser avec les populations qu’elles occupaient : HOMAYOUNPOUR35 écrit qu’en Azerbaïdjan : ‘… les troupes russes acclament la révolution et défilent en chantant et en souriant à la population. Leurs commandants déplorent leur attitude passée, imposée par la politique impérialiste du Tsar … ils distribuent les Isvetia et commémorent la mort des martyrs iraniens’. Les iraniens, dans la joie assistèrent au départ des troupes russes et pendant que les libéraux tentaient de structurer un grand parti autour d’eux, Cheik Mohammad Khiabi s’organisait avec ses amis en parti démocrate. Dans les même temps, des agriculteurs se groupèrent en ‘felâh’. La grande euphorie fût brève et le malheur s’abattit encore une fois sur l’Iran. KASSRAVI AHMAD raconte36 que l’espoir dissipa bien vite ‘… les troupes russes n’obéissent plus à leurs commandants et se déchaînent. Pressés de retourner en Russie, les soldats pillent, sur le chemin des villes de Khoy, Salmasse, Rezaïeh et Charafkhaneh et quelques-unes encore. La famine, qui éclate en Azerbaïdjan, aggrave la situation…’ C’est ainsi que les troupes russes et la fin de la première guerre mondiale concordent avec une époque de famine, de désordre et d’anarchie en Iran. 4 La situation politique entre 1917 et 1920 La période couverte par les années 1917-1920 a été riche en évènements politiques importants. Nous aborderons longuement ces évènements dans la suite de notre étude. Ils ne seront donc cités ici que pour mémoire ; il s’agit en fait de les situer par rapport au comportement britannique en Iran.

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Citons tout d’abord le soulèvement dans la province de Guilan des ‘Jangalians’ ou ‘hommes de la forêt’. Ces hommes du nord, dirigés par Mirza KHOUCHEK KHAN, s’insurgèrent dès 1917 contre l’incompétence du gouvernement central et l’influence étrangère en Iran.

Au Kurdistan, Esmaïl Agha SIMGHON exige l’indépendance de la province. Il étend sa domination sur toute une partie de l’Azerbaïdjan où il fait régner le pillage et l’anarchie. Profitant du climat d’insécurité ainsi créé dans le pays et de l’instabilité gouvernementale qui en résultait, les Anglais37 firent signer au premier ministre en exercice VOSSOUGH–od-Doleh un traité en six articles consacrant le protectorat de l’Iran par l’Angleterre.

Par ce traité38, les Anglais s’assuraient le contrôle de l’ensemble des administrations iraniennes et plus particulièrement de l’armée ; ils s’engageaient à accorder à l’Iran des emprunts qui devaient être couverts par le revenu des douanes du pays.

Bien qu’étant introduit en son article premier par un rappel du ‘…respect de l’indépendance et de l’intégrité de l’Iran …’ le traité mettait la direction du pays sous le contrôle d’agents britanniques qui devaient être engagés comme fonctionnaires par le gouvernement iranien et munis de pouvoirs spéciaux. Sa signature provoqua la surprise et l’indignation dans le monde ( notamment en France et aux U.S.A.) et les leaders politiques iraniens s’élevèrent avec véhémence contre son contenu.

En effet, le mouvement séparatiste se poursuivait eu Guilan quand un soulèvement de même importance débuta en Azerbaïdjan sous la direction du leader démocrate Khiabani.

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5 Le congrès des ‘peuples de l’Orient’ (1)

5-1 – L’organisation du Congrès Le congrès des ‘peuples de l’Orient’ se tint à Bakou en septembre 1920. Il fut suivi par 1 891 délégués dont 192 pour la Perse, représentant surtout les provinces du nord. (235 pour la Turquie, 157 pour l’Arménie, 14 pour l’Inde et 8 pour la Chine). La délégation perse comprenait entre autres personnes d’anciens libéraux anti- britanniques de la Révolution constitutionnelle de 1905, peu partisans de la formule communiste d’une R évolution sociale. On y retrouvait Haydar Khan ; Alioff, Javad Zadeh, Lahuti, Zarreh, et bien sûr, Ehsanollah Khan et Sultan Zadeh. 5-2 Les interventions au congrès (37) Zinoniev prononça le discours d’ouverture du congrès. Il demande une ‘guerre sainte’ contre l’impérialisme britannique et pour l’instauration du régime soviétique dans tout l’Est. Il proposa deux objectifs immédiats : - lutter contre les impérialistes étrangers ; - lutter pour l’éducation des masses dans l’hostilité envers les riches. ‘Camarades, le congrès de Moscou à débattu le problème suivant : une révolution sociale peut-elle se produire dans les pays orientaux, avant qu’ils aient traversé le stade du développement capitaliste ? Vous savez qu’on soutient depuis longtemps que tout pays doit passer d’abord par le stade capitaliste, caractérisé par la création d’une grande industrie, la concentration de la propriété, la formation de grands centres ouvriers et ne peut poser qu’ensuite la question du socialisme. Nous pensons maintenant que ce n’est que ce n’est pas tout à fait exact. Aussitôt qu’un pays a brisé les chaînes du capitalisme, comme l’a fait la Russie, aussitôt que les ouvriers ont posé la question de la révolution prolétarienne, nous pouvons dire que la Chine, l’Inde, la Turquie, la Perse et l’Arménie peuvent et doivent aussi engager la lutte en vue de l’établissement du régime soviétique. Il va de soi que les ouvriers d’Europe ne prennent pas le pouvoir dans le but de spolier la Turquie, la Perse ou les autres pays, et ne feront au contraire, que leur venir en aide. Mais puisqu’il en est ainsi, ces pays peuvent et doivent se préparer, dés maintenant, à la révolution soviétique, à la suppression du régime social, qui permet qu’il y a des

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pauvres et des riches, à la création d’Etats fondés sur le travail, à l’union étroite avec les travailleurs organisés du monde entier’. ‘Il y a des mouvements : l’un rapide, houleux et puissant mouvement ouvrier, prolétarien et communiste, que l’on voit en Russie et en Allemagne, en France et en Italie, et qui s’élargit de plus en plus. L’autre est moins fort et fait assez souvent des zigzags ; c’est celui des nationalités opprimées qui n’ont pas encore choisi leur chemin, qui ne savent pas encore exactement ce qu’elles veulent ; mais qui souffrent sous le joug du capitalisme anglais et français. ‘ Nous voulons que ces deux mouvements se rapprochent de plus en plus et que le second se débarrasse de ses préjugés nationalistes ; nous voulons que ces deux courants n’en fassent qu’un dont l’impétuosité et la puissance emportera tous les obstacles et purifiera la terre des maux dont nous avons si longtemps souffert…’ ‘La révolution qui commence en Orient ne consiste point à chasser de la table où ils festoient messieurs les impérialistes anglais, pour leur substituer les riches musulmans. Nous, nous voulons prier poliment tous les riches de quitter la table ; nous ne voulons plus voir leur luxe arrogant, leur hypocrisie, insulter constamment aux souffrances du peuple ; nous voulons que le monde soit gouverné par les mains calleuses des ouvriers.

Aussi disons-nous franchement à tous les sans partis qui sont ici : ‘Le panislamisme et les autres tendances nationalistes ne sont pas les nôtres’. Nous avons une toute autre politique…’ Camarades, quand l’Orient bougera vraiment, la Russie et toute l’Europe avec elle ne représenteront qu’un petit coin de ce grand tableau. La vraie révolution s’allumera seulement le jour où nous aurons à nos côtés les 800 millions d’habitants de l’Asie et du continent africain. Nous ne vous cachons rien. Nous précisons avec franchise et droiture ce qui nous sépare des représentants du mouvement national actuel et ce qui nous lie à eux. Le but de ce mouvement est d’aider l’Orient à se débarrasser de l’impérialisme anglais. Mais nous avons une autre tâche non moins grande qui est d’aider les travailleurs et d’Orient dans leur lutte contre les riches, de leur faciliter, dès maintenant, la constitution des organisations communistes, de leur expliquer ce que c’est le communisme, de leur

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préparer à une véritable révolution ouvrière, à une véritable égalité, à l’émancipation de l’homme de tout joug et de toute oppression…’ Trois membres de la délégation persane prirent la parole au congrès, mais l’intervention qui démontrait le plus l’état d’esprit des perses fut celle de Haydar Kahn. Son discours fut celui d’un chef nationaliste disposé à utiliser la voie communiste sans sincère conviction ; il demanda aux russes leur soutien pour mettre sur pied une armée internationale et parla d’une société sans classes qui s’appuierait sur l’armée soviétique pour résister à l’hostilité occidentale.38

Ces dispositions inquiétèrent vivement les porte-paroles du COMITERN qui mirent le congrès en garde contre les limites du nationalisme et ZINOVIEV précisa même que le caractère de la lutte était déterminé non par les buts nationaux mais par la classe contre laquelle la lutte était menée ; il ajouta que l’Orient ne semblait pas mûr pour le communisme mais qu’il était du devoir du COMINTERN de collaborer à la lutte menée par les démocrates nationalistes et les éléments révolutionnaires, tout en poursuivant l’aide particulière concédée au mouvement commithe encore faible39. __ ‘The war against us is a war against an idea, out of Russia and out of the East, the most persecuted of all the civilized lands for many centuries, has emerged an attempt to apply an idea actually to a political institution. What is that ideal ? Roughly this : the divisions of humanity are not represented by the occidental boundaries of race, nor by the frequently arbitrary frontiers of nationality or political dominions. These divisions are artificial and mutable. The true division is class. Humanity is divided into two classes, the propertied and the non-propertied. The former’s command of capital enables it to control the world’s economy and to use the non-propertied class as mere slaves and machines for increasing capital, and as raw material for wars the purpose of which is to add still further to capitaal through the axquisition of fresh territory for expoitation. The mass of the people in Russia and other countries has decided first to destroy the propertied class and then to exercise alike the spirit of nationalism and the economic conditions which are the true generators of war. With the destruction of the bourgeoisie,and of imperialism, mankind as a

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whole will then perceive that there are not many peoples but only one people : and the fundamental cause of war will have vanished from the face of the earth. The capitalist exploiters are trying to innihilate Word Communism and keep millions of toilers and workers in bond. Neither the idea itself nor the forces behind it can be annihilate capitalist violence. To suppose so is an absurdity. ‘The World Revolution is hat hand. Every colonial country has rejected the claim of the Anglo-American imperialists and demands that its independance shall be recognized. Italian workers and peasants have rebelled against the tyranny of their rulling class. French sailors have mutinied in Russian Ports and decided to fraternize with the proletariat army. Germany isss on the verge of revolution. The days of the despots and reactionaries in Central Europe and the Middle East are numbered. The industrial unrest in England and America has been exacerbated. A great part of Asia is convulsed by new revolutions, and the Soviet regime of northern Iran is planning for a march on Teheran.’ 5-3 Les résolutions du Congrès Le congrès de Bakou adopta deux manifestes et un certain nombre de résolutions citées par CARR (40) et par Eudin et North(41): • ‘Les masses paysannes opprimées’ sont invitées à s’appuyer sur les travailleurs révolutionnaires de l’ouest, sur le COMINTERN et sur les états soviétiques présents et à venir, et d’entreprendre une lutte déterminée pour établir le pouvoir soviétique en Iran. • La création du gouvernement soviétique en Orient doit être l’objectif de la révolution contre les oppresseurs étrangers et domestiques. • La solution du problème agraire est liée à la création d’un gouvernement soviétique qui seul peut atteindre la libération de la paysannerie. • Ce n’est qu’après la destination complète du capitalisme mondial et avec l’aide des classes laborieuses que les paysans d’Orient pourront recourir à un régime communiste. Résolution sur la question d’Orient42 : 1. Le congrès estime que l’on ne peut résoudre le problème de la révolution socialiste mondiale sans la participation de l’Orient, force sociale et économique incontestable.

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2. Le P. C. (b) russe qui occupe actuellement, de par sa situation internationale, la place de dirigeant du mouvement communiste mondial, doit prendre des mesures concrètes pour étendre la révolution en Orient. 3. Le travail révolutionnaire du parti communiste en Orient doit se faire dans deux directions : l’une découle du programme révolutionnaire de classe du parti, qui lui recommande de fonder dans les pays d’Orient des partis communistes – sections de la III e Internationale communiste ; l’autre, de la situation politique, historique, sociale et économique de l’Orient, qui l’oblige à soutenir un certain temps les mouvements nationaux anti-impérialistes à direction bourgeoise, à condition toutefois que ces mouvements ne s’opposent pas à la volonté révolutionnaire du prolétariat international. 4. Pour atteindre ces objectifs, il faut organiser la propagande anti- impérialiste et se préoccuper sérieusement de l’édification communiste en Orient. 5. Ce travail doit être dirigé par l’organe central des organisations communistes des peuples d’Orient qui créera des sections territoriales et des organisations placées sous l’autorité du Comité Central du P. C. russe. 6. Pour grouper les forces qui donneront l’éveil à l’instinct révolutionnaire de l’Orient, il faut centraliser le travail révolutionnaire dans les républiques soviétiques orientales déjà crées ou qui le seront prochainement (Turkestan, Kirghizie et autres). 7. Pour atteindre ces objectifs, il faut élaborer immédiatement les formes concrètes du travail et fixer les rapports entre ces républiques, futurs foyers révolutionnaires de l’Orient. Le congrès estime en premier lieu qu’il faut adopter les mesures suivantes : ƒ accélérer des travailleurs du parti et des soviets pour l’Orient ;la préparation ƒ Former des orientalistes soviétiques ; ƒ Créer une armée rouge prolétarienne orientale, faisant partie de l’armée rouge internatinale ; ƒ Intensifier la préparation des chefs de l’armée Rouge…

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Les divers témoignages disponibles sur ce congrès s’entendent pour reconnaître l’inadéquation qui existait entre les résolutions prises par le congrès et les dispositions réelles des congressistes. Les résolutions étaient en effet rigoureusement conformes à la ligne traditionnelle communiste mais les délégués étaient très divisés. Hans KOHN43 rappelle les deux grandes tendances qui se dégageaient de deux groupes bien distincts : les communistes qui étaient peu nombreux et les délégués hors parti, de loin les plus important. À l’issue du Congrès de Bakou, les bolcheviques furent encore plus désorientés qu’avant le congrès, quant à l’attitude à adopter face aux luttes menées par les nationalistes… Ils préférèrent espérer encore en la transformation de ces luttes en mouvements révolutionnaires capables d’instaurer le régime soviétique en Orient. 6 - La fin de la République de Guilan 6-1 Le Parti Communiste Persan et le nouveau « Front Uni » Fin octobre 1920, le P.C.P. procéda à l’élection d’un nouveau comité central chargé de reconstruire le « Front Uni » entre nationalistes et révolutionnaires. C’est HAYDAR KHAN qui fut choisi comme secrétaire à cause du prestige dont il jouissait. Il fit adopter au Comité Central une nouvelle thèse sur les conditions sociales et économiques de la Perse ainsi qu’un programme d’action. Le 6 novembre 1921, les IZVZSTIA publiaient la nouvelle thèse du P.C.P. et indiquaient la révolution en Perse devait se faire avec la bourgeoisie parce que l’expérience du Guilan avait prouvé la futilité de vouloir installer un régime bolchevique dans ce pays. HAYDAR KHAN considérait en effet que la Perse ne pouvait sauter le stade de la bourgeoisie dans sa marche vers la Révolution ; pour lui, le meilleur espoir devait sortir d’une nouvelle tentative pour réorganiser un large front national d’alliance dans lequel les communistes pourraient accélérer le processus révolutionnaire. Il s’agissait, en fait, de ressusciter l’ancien « Front Uni ». Des contacts furent immédiatement établi avec les dirigeants « jangalis » et le 8 mai 1921, un accord fut signé entre le Comité Centra du P.C.P., le Comité Révolutionnaire d’EHSANOLLAH à RECHT et la fraction de KHOUCHEK KHAN du mouvement « jangali ». Cet accord prévoyait une action commune entre les Britanniques et le gouvernement central du Schah.

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6-2 L’organisation du P.C.P. en 1921 Le Parti Communiste Perse avait signé l’accord du nouveau « Front Uni », mais continuait à s’organiser. C’est ainsi qu’une résolution décidée par le Comité Central en mars 1921, sous la signature de HAYDAR KHAN, (44) contenait des instructions détaillées pour les comités du parti à travers tout le pays. Tout en accentuant l’importance du travail indigène, la résolution hâtait la formation immédiate de cellules communistes locales dans le but d’accroître l’étendue des activités du parti. Les cellules locales devaient se tenir prêtes en permanence à renverser le gouvernement actuel et à préparer le soulèvement armé. Dans l’immédiat, il s’agissait de créer un comité central composé des membres des cellules locales de chaque district, de préparer de nouvelles sections de membres du parti, l’éveil des forces révolutionnaires et leur organisation sous l’égide du comité central et mettre en place des groupes locaux capables de renforcer la lutte révolutionnaire. Ces buts devaient être poursuivis par l’impérialisme anglais et le gouvernement central. La propagande pour la réorganisation des coopératives professionnelles créées en 1908 et 1909 par les travailleurs de diverses professions, l’organisation de clubs de jeunes et la création d’un service d’échange régulier avec les autres organes du Parti étaient également des moyens à utiliser. Voici le texte des instructions paru dans la Revue du Monde musulman ; ‘ le progrès de la révolution dépendant en Perse de la constitution des comités communistes locaux « Justice », il est nécessaire de s’occuper le plus tôt possible de les organiser en vue d’accroître l’action du parti communiste persan dans les provinces et dans les villes. I – Voici les buts des comités locaux du parti communiste : a) Adhésion à la révolution politique : guerre à l’impérialisme colonial anglais. Renversement du gouvernement actuel. Etablissement d’un gouvernement ; b) Préparation du soulèvement armé des organisations et groupes du Parti pour réaliser la Révolution.

II – Préparation du soulèvement armé des organisations et groupes de Parti pour réaliser la Révolution.

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a) Création dans la sphère d’action des comités locaux des comités locaux d’un comité central composé des membres les plus fervents, les plus disciplinés, respectés et aimés de ces comités ; b) Préparation de nouvelles sections de membres du Parti ; c) Réveiller les forces révolutionnaires et les organiser sous l’égide du Comité Central ; d) Préparer le groupes locaux en vue de la lutte révolutionnaire et pour un soulèvement immédiat sur l’ordre du Comité Central. III – Tactique du Comité local pour réaliser les objets précités : a) Dans les journaux, les discussions, le réunions ou les cercles, faire la propagande pour sauver l’Orient des griffes de l’impérialisme anglais et contre le gouvernement actuel qui est l’un des principaux obstacles au salut de la Perse ; b) Faire immédiatement de la propagande pour réorganiser les corps de métiers créés en 1908 et 1909 par les ouvriers de même profession et dont l’importance est considérable pour les groupements des travailleurs réveiller le sentiment de classe chez les ouvriers et propager l’agitation parmi eux dans le pays ; c) Préparer l’union de la jeunesse qui est un des auxiliaires importants de toute action révolutionnaire ; d) Organiser un service régulier de renseignements et de liaison avec les autres groupements du Parti dans la zone d’action ; e) Les Comités locaux doivent envoyer chaque mois des rapports sur leur activité et sur la situation politique et économique de leur circonscription par l’entremise du Comité provincial ; f) Le Comité local doit être composé d’un secrétaire et de deux membres directeurs qui provoqueront des réunions partielles. Un certain nombre de membres intelligents seront désignés pour organiser dans la région d’autres groupes ; g) L’organisation de ces sections dans la région sera analogue à celle des groupes urbains. Signé HAYDAR KHAN Cachet : Comité Central du Parti Communiste de Perse « Justice ». 63 – Les luttes au sein du « Front Uni » L’espérance de vie du nouveau « Front Uni » se révéla rapidement éphémère car certains leaders- notamment ceux des Comités Révolutionnaires – souhaitaient s’emparer de la direction.

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C’est ainsi qu’EHSANOLLAH était accusé de vouloir organiser une nouvelle « marche triomphale » sur Téhéran pendant qu’HAYDAR KHAN était soupçonné de vouloir s’emparer du contrôle du domaine Jangali de KHOUCHEK KHAN. Dans les même temps les communistes présentaient KHOUCHEK comme étant en rapport avec les ennemis de « Front Uni », c’est à dire le gouvernement du Schah et les anglais. Ils décidèrent de le piéger en envoyant vers lui une ‘mission de paix et de réconciliation’ conduite par HAYDAR KHAN et comprenant EHSANOLLAH, KHALU GORBAN, ZARRAH et HESABI. Selon les R2CITS Persans, KHOUCHEK fut renseigné sur le complot et ordonna à ses partisans d’attaquer et de mettre le feu à la Maison de PESI KHAN où les émissaires de paix s’étaient assemblés pour l’attendre. HAYDAR KHAN fut tué mais les autres en sortirent indemnes. La rupture était à présent au grand jour, et KHOUCHEK KHAN ordonna à ses adeptes d’assassiner les dirigeants de la région.(45) Les sources communistes donnent une version différentes elles accusent KHOUCHEK KHAN de trahison et déclarent que c’est au cours d’une conspiration contre révolutionnaire que HAYDAR fut tué le 29 septembre 1921. Elles affirment que les partisans de KHOUCHEK marchèrent su RECHT et détruisirent l’organisation et la quartier général du Parti Communiste … mais étant incapables de tenir la ville se retirèrent dans les forêts, permettant ainsi aux communistes de revenir après 4 jours. Pendant que se déroulait la lutte entre les leaders du « Front Uni » le gouvernement central décida de récupérer militairement la province du Guilan. 64 – La reconquête du Guilan par les forces du Gouvernement Central Durant l’été 1921, les forces du gouvernement central se préparèrent à marcher sur RECHT et ENZELI et vers la fin du mois d’août sous les ordres du colonel REZA KHAN, elles exécutèrent un assaut final sur le Guilan. Fin octobre, les troupes communistes d’EHSANOLLAH furent complètement décimées ; il s’embarqua à ENZELI le 22 octobre pour la Russie. MANSHUR (46) rapporte qu’avant de partir il promit de

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revenir ‘… pour lever une fois encore la bannière de la Révolution Rouge, qui cette fois-ci s’étendrait à tout le pays.’

KHOUCHEK KHAN se replia pour sa part dans les forêts pour attendre la suite des évènements. 7- Le traité du 26 février 1921 Article I – La Russie soviétique affirme formellement qu ‘elle renonce définitivement à la politique tyrannique poursuivie par les gouvernements colonisateurs de Russie, renversés par la volonté des ouvriers et des paysans de ce pays. Partant de ce principe et désireuse de voir le peuple persan heureux et indépendant et pour lui permettre d disposer librement de son patrimoine, la république de Russie déclare nul et non avenu l’ensemble des traités et conventions conclu avec la Perse par le gouvernement tsariste, traités et conventions qui opprimaient les droits du peuple persan. Article 5 – Les deux hautes parties contractantes s’engagent à s’opposer à la formation et au séjour sur leurs territoires respectifs des organisations et des groupements sous d’importe quelle appellation d’individus ayant pour dessein d’entreprendre des actes hostiles contre la Perse ou la Russie ou contre les alliés de la Russie. Article 6 – Dans le cas où une tierce puissance tenterait de poursuivre une politique d’usurpation par une intervention armée en Perse ou voudrait se servir du territoire persan comme base d’opérations contre la Russie et dans le cas où un étranger menacerait les frontières de la Russie Fédérative ou celles de ses alliés, menace que le gouvernement persan ne pourrait conjurer après une première sommation de la Russie , celle-ci aurait le droit de faire avancer ses troupes dans l’intérieur du pays en vue d’opérations militaires nécessitées pour sa défense. Toutefois, la Russie s’engage à retirer ses troupes du territoire persan aussitôt que le péril serait conjuré. Article 8 – La Russie soviétique renonce à ses droits concernant les emprunts consentis à la Perse par les gouvernements consentis à la Perse par les gouvernements tsaristes. Article 9, 10 et 12 – La Russie soviétique renonce à toutes les concessions obtenues en Iran par les gouvernements tsaristes, et cède au gouvernement persan les fonds et tous les bien de la Banque d’escompte, ainsi que les installations russes sur le territoire de l’Iran.

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Article 11 – Les deux Hautes Parties contractantes jouiront du droit égal de libre navigation sur la Mer Caspienne. Article 13 – Le gouvernement persan promet de ne pas céder à une tierce puissance ou à ses sujets les concessions et les biens restitués à la Perse en vertu du présent traité. Article 14 – Le gouvernement persan reconnaissant l’importance du service de pêcheries de la Caspienne pour l’alimentation de la Russie promet de conclure avec le Service de l’Alimentation de la R.S.F.S. (république Socialiste Fédérative des Soviets) de la Russie, aussitôt après l’expiration du délai légal de ses engagements actuels un contrat au sujet de la pêche des poissons portant des clauses appropriées. Article 16 – La Russie soviétique renonce à la juridiction consulaire dont les ressortissants russes jouissaient en Iran. Signalons afin la lettre expédiée le 12 décembre 1921, au ministre des Affaires Etrangères de l’Iran par le représentant du gouvernement soviétique à Téhéran, sur la demande du gouvernement iranien, précisant que : ‘… Les articles 5 et 6 visent seulement les cas où il aurait été fait des préparatifs pour entreprendre une lutte armée et efficace contre la Russie ou les Républiques soviétiques, ses alliés, de la part des partisans du régime renversé ou de ceux qui les soutiennent parmi les Puissances étrangères.… Ainsi les articles précités ne visent aucunement les luttes verbales ou par écrit menées contre le régime soviétique par les différents groupes persans ou même par les émigrés russes en Perse, quels qu’ils soient, et cela dans la mesure où ces menées son tolérées habituellement entre puissances voisines animées des sentiments amicaux réciproques. (47) 8 – Epilogue Après l’arrivée des forces gouvernementales conduites par REZA KHAN à RESHT et à Enzeli, ANDREW ROTHSTEIN, l’Ambassadeur soviétique à Téhéran fut convaincu d’intervenir entre le gouvernement ventral et KHOUCHEK KHAN, une étude des messages échangés éclaire l’attitude des communistes. Dans sa lettre à KHOUCHEK KHAN, l’Ambassadeur soviétique l’exhortait à la reddition. Il critiquait l’attitude de la fraction dd’EHSANOLLAH et affirmait que son gouvernement considérait – à cette époque – toute action révolutionnaire comme inutile et dangeureuse et avait pour cela modéré sa politique face à la Perse. La réponse de KHOUCHEK

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KHAN remise à M. KALANTAROV émissaire de l’Ambassadeur soviétique, rappelait qu’il avait salué la revue de l’Armée Soviétique, et que des communistes autochtones, qui profitaient de l’appui de l’Armée Rouge, avait dévié les buts et le contenu social de la Révolution.(48) De nombreux autres documents confirment ce changement d’orientation de la diplomatie soviétique qui jugeait que les expériences utilisant à la fois les communistes persans et les mouvements séparatistes avaient été trop précipitamment faites et sans tenir suffisamment compte des conditions et possibilités locales. Les expériences devaient être abandonnées en faveur de relations sûres avec le gouvernement persan, atteignant leur apogée par le traité du 26 février 1921. ‘Après la signature du traité soviéto-persan du 26 février 1921, et l’arrivée deux mois après ROTHSTEIN en qualité de représentant soviétique à Téhéran la lutte reprit, plus active et obstinée que jamais, entre influence soviétique et britannique. Mais, ici aussi la politique soviétique se vida rapidement de tout contenu révolutionnaire. Les soviétiques entretinrent de bonne relations avec le gouvernement persan, en montrèrent de la sympathie pour le RIZA KHAN, le pouvoir militaire qui formenta le coup de février 1921. La poigne de REZA KHAN, comme celle de Kemal en Turquie semblait, aux yeux des observateurs russes, incarner les forces du nationalisme persan et représenter les meilleurs chances de voir une Perse indépendante résister à la domination britannique’. (49) Deux ans plus tard KARL RADER écrivit : ‘Pour le gouvernement soviétique il n’est absolument pas nécessaire de créer en Perse des républiques soviétiques artificielles. Son réel intérêt en perse consiste dans le fait que la Perse ne doit pas devenir une base pour attaque sur Bakou. Si le gouvernement persan adopte une ligne d’action conforme avec le Traité de 1921, alors la forme du gouvernement en Perse, la solution agraire en Perse (le problème du travail y existe peu) sera exclusivement l’affaire du peuple persan, de l’influence spirituelle des communistes persans, dont la majorité des leaders responsables comprennent très bien qu’un mouvement révolutionnaire en Perse ne sera pendant longtemps possible que sous la forme d’un mouvement paysans et que le communisme pourra alors parcourir une courte distance en compagnie de la démocratie’.

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Il y a même quelques preuves que les représentants de la diplomatie soviétique à Téhéran étaient devenus impatient face aux délais apportés à la destruction de la rébellion Jangali et avaient pressé LENINE d’agir (50) ‘L’intérêt direct ( de la Russie soviétique )’ écrivait à l’époque un commentateur soviétique, ‘est que la Perse soit un Etat fort et centralisé, capable de se défendre contre toute ingérence dans ces affaires de la part d’une tierce puissance, et, bien sûr, particulièrement de l’Angleterre. Une telle position garantirait la Russie contre toute utilisation du territoire persan par des forces anglaises en vue d’une attaque contre la Russie. Un pouvoir d’Etat fortement centralisé s’appuyant sur une seule armée nationale garantira également le développement commercial et culturel de la Perse et son passage de formes féodales à des formes modernes d’existences économique et politique.’…(51) Cette rébellion (52) avait pourtant fournit aux bolcheviques les conditions objectives qui pouvaient être utilisées avec succès par un facteur subjectif ! Mais le contenu social du mouvement jangali s’opposa à l’implantation des doctrines communistes et contribua à la transformation de la Révolution en une lutte militante anti- britannique. Dans le même temps, l’appareil du Parti Communiste Perse s’avéra trop faible pour prendre le contrôle de la rébellion, ce qui le plaça forcement, à l’avant garde des forces révolutionnaire. Sur le plan international il faut constater que : ‘C’est un élément positif de la politique soviétique en Asie à cette période qu’elle continue à considérer le développement d’Etats nationaux puissants comme reprocher à la Grande Bretagne de favoriser les souverains faibles et les petits chefs locaux semi- indépendants qui vivaient à l’ombre de l’aide et de la protection britannique. La politique soviétique traversa cependant une crise sérieuse avant de se stabiliser sur une ligne nouvelle ; c’est un exemple remarquable du manque de coordination que faisait qu’à cette époque des autorités soviétiques différentes pouvaient encore poursuivre des politiques indépendantes et incompatibles. L’ambition immédiate du gouvernement persan était d’obtenir le retrait total des troupes étrangères qui se trouvaient encore en Perse. Le gouvernement

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soviétique avait subordonné le retrait de ses troupes à celui des troupes britanniques. En mai 1921,les dernières troupes britanniques quittèrent le sol persan. C’est alors que les partisans soviétiques de Koutchik et de sa république indépendante du Guilan, qui étaient totalement opposés à la politique d’apaisement d’un gouvernement national persan, tentèrent leur dernière chance. En été 1921, Koutchik entama une marche sur Téhéran, tentative pour laquelle il reçut non seulement l’approbation de ses conseillers soviétiques, mais des renforts venus à travers la Caspienne de la R.S.S. d’Azerbaïdjan. La tentative se solda par un échec, elle fut désavouée par Tchitcherine à Moscou et par Rothstein à Téhéran ; on dit que ce dernier protesta personnellement auprès de Lénine. La politique du soutien à Kochek fut enfin abandonnée. Le retrait des forces soviétiques se fit comme prévu et se termina en en septembre 1921. L’effondrement total de la république de Guilan suivit logiquement ; en octobre 1921, les forces persanes réoccupèrent Guilan avec l’approbation des Soviétiques et Kouchek fut pendu comme rebelle. D’autres mouvements, menés par des chefs semi-indépendants dans d’autres régions-frontières, furent étouffés peu après…’(53) ...... 1. Il faut noter que ‘La première Ambassade russe en Perse, date de 1561. L’Ambassadeur représentait à la fois Jean IV et la Reine Élisabeth d’Angleterre. C’est la première action commune anglo-russe en Perse.’ Dr. M. AFSCHAR - La politique européenne en Perse. P. 21, Berlin, 1921. 2) Cf. Paragraphe 9 du prétendu testament de Pierre le Grand: ‘Approcher le plus possible de Constantinople et des Indes. Celui qui y régnera, c’est le vrai souverain du monde. En conséquence susciter des guerres continuelles, tantôt aux Turcs, tantôt à la Perse ; établir des chantiers sur la Mer Noire ; s’emparer peu à peu de cette mer, ainsi que de la Baltique, ce qui est un double point nécessaire à la réussite du projet ; hâter la décadence de la Perse ; pénétrer jusqu’au golfe Persique ; rétablir si c’est possible par la Syrie, l’ancien commerce du devant, et avancer jusqu’aux Indes, qui sont l’entrepôt du monde. Une fois-là on pourra se passer de l’or de l’Angleterre.’

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Jules THIEURY La Perse et la Normandie, (documents pour servir l’histoire des relations entre la France et la Perse, suivis des traités de commerce conclus entre ces deux pays). Édité à Evreux 1866. Cité par Dr. M. AFSHAR in : La politique européenne en Perse, p. 23. 3) René GROUSSET - Le réveil de l’Asie, l’Impérialisme britannique et la révolte des peuples, Paris 1924. 4) Dès 1805, Napoléon envoya Jaubert et Romieu en Perse par deux routes différentes. Romieu arriva le premier par Alep et Mossoul à Téhéran, en octobre de la même année ; mais il mourut peu après. Jaubert passa par Trébizonde et Bayazid, où il fut retenu longtemps par les Turcs, à qui ne plaisaient pas les relations d’amitié qui s’établissaient entre la Perse et la France. Enfin, il arriva à Téhéran en été 1806. Lui aussi tomba malade. De peur qu’il ne mourut comme l’autre, le Shah le renvoya à Napoléon en le faisant accompagner d’un médecin et d’un surveillant chargé de tué le médecin s’il laissait mourir Jaubert. Celui ci était porteur d’une lettre de Napoléon pour le Shah datée du 16 février 1805 : ‘ ... J’ai partout des agents qui m’informent de tout ce qu’il m’importe de connaître. Par eux, je sais en quels lieux et dans quels temps je puis envoyer aux princes, aux peuples que j’affectionne, les conseils de mon amitié et les secours de ma puissance... La Perse est un noble contrée que le ciel a comblée de ses dons ; elle est habitée par des hommes spirituels et il faut que, depuis un siècle , le plus grand nombre de tes prédécesseurs n’aient pas été dignes de commander à ce peuple, puisqu’ils l’ont laissé se tourmenter et se détruire dans les fureurs des dissensions civiles. Nadir Chah fut un grand guerrier ; il sut conquérir un grand pouvoir ; il se rendit terrible aux séditieux et redoutable de ses voisins, il triompha de ses ennemis et régna avec gloire ; mais il n’eut pas cette sagesse qui pense à la fois au présent et à l’avenir ; sa postérité ne lui a pas succédé... Tu te défieras des conseils d’une nation de marchands qui dans l’Inde, trafique de la vie et des couronnes des souverains, et tu opposeras la valeur de ton peuple aux incursions que la Russie tente et renouvelle souvent sur la patrie de ton empire qui est voisine de son territoire ... Tous le peuples ont besoin les uns des autres ; les hommes de l’Orient ont du courage et du génie ; mais l’ignorance de certains arts et la négligence d’une certaine discipline qui multiplie la force et l’activité

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des armées, leur donnent un grand désavantage dans la guerre contre les hommes du Nord et de l’Occident... Nous travaillons de concert à rendre nos peuple plus puissant, plus riches et plus heureux! ... Le Shah de son côté, envoya Mirza-Réza-Khan en qualité d’ambassadeur extraordinaire en Pologne, auprès de Napoléon. Dans son passage à Vienne, l’envoyé persan fut ténté par l’ambassadeur de France. Andréossy, et le « Moniteur » vantait « la justesse de ses observations, la vivacité de ses réponses et surtout la grâce et la politesse de ses manières. » L’Ambassadeur du Shah arriva à Finkenstein, où il fut reçu par l’Empereur avec les honneurs militaires. Dans une nouvelle et très longue audience, il entretint entre autres des antiquités de la Perse, de l’expédition d’Alexandre dans les Indes et des guerres des Parthes contre les Romains... Un traité d’alliance y fut signé, le 4 mai 1807. Les ratifications devaient s’échanger à Téhéran dans un délai de 4 mois. Le lendemain de la signature, l’empereur écrivit au Shah pour lui annoncer l’heureuse conclusion de cette alliance. Le Shah, non moins satisfait , répondit: ‘L’on eut dit que chaque caractère sur ces nobles feuilles était goutte d’ambre sur du camphre pur ou des cheveux bouclés et odorants sur les joues roses d’une amante au sein de lys. L’odeur ambrée de cet écrit aimable a embaumé l’alcôve de notre âme sensible de l’amitié et parfumé de musc le cabinet de notre coeur plein de constance et de droiture.’ La politique européenne en Perse par Dr M. AFSCHAR, Berlin, 1921, pp. 175-177. Cependant le traité de Tilsit qui faisait de Napoléon l’allié de la Russie, devait tout compromettre. Fath Ali was deeply chagrined by the convention of Tilsit. The restoration of georgia, for with he had hoped, was not even mentioned in it, and since France had by its terms made peace with Russia frienby offices had to take the place of a friend army. Nevertherless Napoleon, teddy hoped to conclude an offensive and depensive alliance with Persia. 5) PERCY SYKES, A HISTORY OF PERSIA, vol. 11, page 304-305, London, 1930. 6) Conférence de Presse au Ministère de la Guerre, 25 octobre 194 7) Cf. Dr M. AFSCHAR- op. Cit. Pp. 195-196 8) PERCY SYKES, A History of Persian, vol. 11 pp. 367-368.

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9) Documentation française, notes documentaires et Etudes, 10 avril 1946, n° 280 (série asiatique III) la question d’Iran à l’époque moderne et contemporain. 10) Il faut ajouter à ces concessions la navigation du Golfe Persique et du Karoun. En 1898 ce fleuve fut ouvert à la navigation commerciale sur initiative anglaise. ‘En 1900, sur un total de 2 873 000 livres sterling représentant la valeur des importations du Golfe Persique, 366 000 livres sterling seulement représentaient la part des autres pays. La part de l’Allemagne ne s’est pas élevée qu’à 23 000 livres, celle de la Russie qu’à 572 livres sterling d’après les rapports du consul anglais. La proportion est à peu près la même pour le chiffre des exportations qui se sont élevées à 2 087 000 livres sterling et qui ont eu pour destination surtout Londres et Bombay ... Cinq agents politiques ayant leur résidence à Mascate, à Koweït, aux Îles Bahreïn, à Bouchire et depuis 1901 à BenderAbbas, veillent aux intérêts anglais. Le plus élevé entre eux, ayant rang de consul général, et le résident de Bouchire ; au dessus de lui, les quatre autres constituent comme un état major. Le résident de Bouchire est considéré comme le véritable maître des ces parages ; c’est « le roi du Golfe Persique », comme le nomment depuis vingt ans les riverains. Une flotte de trois avions est à sa disposition et transmet ses ordres et ses instructions sur tous les points du littoral. A la moindre émotion, sur les côtes arabiques ou persanes, leurs canons apparaissent. Une garde spéciale, tirée de l’armée des Indes rehausse son prestige...’ cf. Afschar op. Cit. 196-197. 11) ‘La brigades des cosaques avait été créée en Perse... après le voyage du Chah Nasser-Od-Dine en Russie. En 1878, lors de son deuxième voyage en Europe, le Chah traversant le gouvernement d’Erivan fut escorté par des détachements successifs de troupes cosaques, qui après la guerre avec la Turquie de 1877 avaient été établis dans divers endroits de ce gouvernement. L’apparence extérieure de ces régiments de cosaques, leurs uniformes superbes et étincelants, leur équipement éclatant avait attiré l’attention du Chah. La réorganisation de toutes les forces militaires de Perse était depuis quelques temps, décidée définitivement, le souverain avait déjà entamé des pourparlers avec le gouvernement autrichien qui devait envoyer à Téhéran une mission composée des représentants de toutes les troupes, sauf de la cavalerie. Mais jamais la décision définitive ne fut prise... En 1879, le

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gouvernement du Tsar obtient du Chah le Firman qui créait une brigade de cosaques persans dont le chef et les instructeurs seraient envoyés de Saint Petersbourg. A son arrivée à Titlis, Le Chah s’adressa officiellement au vice-roi du Caucase, le grand duc Michel Pavlovitch, en exprimant le désir de faire venir de Perse des officiers russes, pour organiser, à l’exemple des cosaques, une troupe de cavalerie et pour l’instruire. Sa Majesté impériale le Tsar donna bientôt son approbation à ce projet ... C’est en 1880 que fut formée cette brigade composée de deux régiments. Elle reçut en don du gouvernement russe une batterie d’artillerie montée, modèle 1877, provenant de l’usine russe d’Anouchoff ... Le commandant en chef a, comme son chef en Perse, le Chah lui-même ; il ne doit obéir ni au ministre de la Guerre persan ni à aucun d’autres fonctionnaire. Au point de vue politique et diplomatique, il doit prendre les avis de l’Ambassade russe à Téhéran. Ainsi le commandant en chef de la brigade des cosaques persans est nommé par Saint Petersbourg, payé au guichet de la Banque russe en Perse. Il n’est pas dans ce pays, qu’un instrument aveugle au inconscient de la volonté du gouvernement de Saint Petersbourg. Cette fameuse brigade était à la veille de la Révolution de 1905, sous le commandement du Colonel V.P.Liskoff, de l’État Major russe. Elle comptait deux régiments de cavalerie à quatre escadrons, un bataillon d’infanterie de quatre compagnies, deux batteries à cheval de quatre pièces, au total quinze cents hommes. Le Colonel Liakoff avait sous ses ordres les officiers russes, le capitaine Perebinosoff, comme instructeur de l’infanterie, Essaoul (capitaine des Cosaques), A. G. Ouchakoff comme instructeur de l’artillerie. En outre, un médecin militaire russe, M. Voitchuscko, et un aide chirurgien vétérinaire M. Pliss. Comme sous-officier russes, cinq ouriadniks : Bondarenko, Kravzoff, Kolesnikoff, Safranov et Neribinski... Comme les officiers de l’armée régulière ils ne reçoivent aucun salaire et meurent souvent de faim, les officiers persans de la brigade des cosaques du Chah se trouvaient relativement dans une situation privilégiée et sont satisfaite de leur sort, malgré le traitement misérable. Les simples cosaques ont comme solde 3 à 5 tomans, c’est à dire de 15 à 25 francs par mois. A l’origine, la plupart de ceux-ci étaient des Chahsevens,

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des Kurdes, etc... on trouve même quelques turcomans, des Afghans etc... On comprend facilement que tous ces soldats sont très heureux de leur situation, qui leur permet de s’occuper de leur métier habituel, car dès maintenant, ils ont de nombreuses occasions pour pratiquer impunément, sous la protection du Chah, le pillage, le vol et autres méfaits et crimes. Les habitants de Téhéran ne sont admis dans la brigade qu’avec beaucoup de circonspection et dans une proportion très restreinte, sur la recommandation particulière et la garantie de leurs parents et des officiers... Nous pouvons donc constater que la brigade des cosaques du Chah, par son origine et par son organisation financière, politique et militaire, par sa situation privilégiée, constitue à Téhéran comme l’avant garde de la pénétration russe en Perse, étant un instrument merveilleux aux mains du cabinet de Saint Petersbourg. C’est en même temps, le seul soutien sérieux du régime despotique et du trône du Colonel Liakoff, après le bombardement du Mejlis. Après le coup d’État du 23 juin 1908, la brigade fut augmentée de 250 volontaires, l’artillerie pourvue de pièces à tir rapide de modèle français et armée de 4 mitrailleuses’. La brigade russe en Perse, rev. Du M. M. N° 9 septembre 1911. 12) Wie aus der Konzession hervorgeht, nahm das englische Finanz kapitak das Monopolrech für die Erdölförderung und den Aufbau der Erdölindustrie auf ein Gebiet, das vielfach grösser als das territorium Grossbritanniens war, für sich in Ansprunch. Das d’Arcy-Abkommen zeigt anschaulich, wie es der englischen Regierung gelungen ist, eine grosse profitbringende Konzesseion abzuschliessen, die es den britischen Magnaten erlaubte, fast alle Erdölschätze des Iran su rauben. NAZARI Hassan, Der okonourische und politische Kampf um das iranische Erdöl p. 29, 1971. Pahl-Pugenstein Verlag. 13) DJAMCHID TAVALLALI - Le parlement Iranien Lausanne 1954. 14) Raymond FURON - l’Iran, Perse et Afghanistan, Paris, 1951. 15) Voici les conditions de la Perse avant la révolution constitutionnelle tirées du mémorandum de la British Légation : ‘The condition of Persia had for some time growing more and more intolerable. The Shah was entirely in the hands of a corrupt ring of courtiers who were living on the spoils of the Government and country. He had parted with the treasures inherited from his father, and with most of the Imperial and national domain. He had thus been obliged to have

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recourse to foreign loans, the proceeds of which he had spent in foreign travel or had lavished on his courtiers. There was a yearly deficit, and the debt of the country was growing daily...... A new Grand Vizier had been apponted whose moving principle was believed to be independence of foreign control. His first act was to attempt somme sort of financial reform, the object of which was to render the country independent of the government, it was apparent that his main and principle object was to make money. He made an alliance with the Shah’s chief adviser for a division of the spoil. Governments were put up for sale, grain was hoarded and sold at exstolen or sold for the benefit of the two conspirators, rich men were summoned ot and forced to disgorge large sums of money, oppression of every sort was countenanced for a consideration ; the property and even the lives of all persian subjects were at their mercy. Finally, there was every reason to believe that a conspiracy was on foot to dethrone the foolish and impotent Shah and to oust the Valand. In their place was to be put Shua-u-Saltana, the, Shah’s younger son, who was a by-word even in Persia for extortion and injustice. The policy of the Atabeg and his friends had thus aroused the opposition of all classes in Persia : of the few more or less patriotic statesmen, who knew to what a goal the country was being les ; of the priest, who felt that their old power and independence would prish with that of their country ; and of the great mass of the population and the mercantile classes, who were daily victims of the tyranny of their oppressors. Vide Blue Book, Persia n° 1 (1909) p. 2 citée par SYKES op cit. P. 400.

16) ‘In 1905 an organization of Iraniean revolutionaries was created in Tiflis. The result was that when these Iranian migratory laborers returned to their homeland, the took with the revolutionnary ideas, printed propaganda and weapons to incite strickers and disturbances there. It should occasion no surprise, therefore, that the revolution of 1905 in Iran followed also the heels of that of Russia.’ SPECTOR Ivar, The First Russian Revolution : It’s impact on Asia Englewood Cliffs, New Jersey, 1962 p. 39 cité par Abdul Hadi Hairi in : Shi’ism and Constitutionalism in Iran, pp. 20-21, E. J. BRILL, Leiden, 1977.

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17) TAVALLALI Djamchid, le parlement iranien, Lausanne, 1954, page 42 et suivantes. 18) L’étude du rôle de la bourgeoisie iranienne dans la révolution constitutionnelle est d’un grand intérêt, KIA NOURI écrit à ce sujet un article utile à lire’. Non moins inconséquente est la position de la bourgeoisie nationale sur la question de l’octroi au peuple des libertés démocratiques . Dans une période où le pouvoir se trouve entre les mains des grands propriétaires et des compradores, la bourgeoisie nationale défend les libertés, elle peut entraîner à sa suite les grandes masses laborieuses et parvenir au pouvoir par la voie légale.’ Abstraction faites des termes polémiques courants utilisés par l’auteur, certaines parties de l’article méritent d’être considérées. ‘Le rôle de la bourgeoisie nationale dans la révolution anti-impérialiste et démocratique des pays coloniaux et dépendants réside principalement dans le fait que cette bourgeoisie peut dans certaines conditions entraîner une partie considérable des forces anti-impérialiste, et en particulier les couches de la petite bourgeoisie des villes et des campagnes.’ La Bourgeoisie Nationale, son caractère et sa Politique, in :Nouv. Rev. Intern. Août 1959. 19) Selon Spring-Rice, l’Ambassadeur de l’Angleterre à Téhéran, il existe une ressemblance frappante entre la révolution russe et la révolution persane : ‘You will observe a strong family ressemblance between the reform movements in Russia and Persia - the same absence of leaders, the same instinctive hatred of the government, the same secrecy. The main difference between the countries is that the Persian Government has neither army nor money, and has no power of resistance ... You will also observe the determined attack made on the Russian Government here, on the Cossak brigade, on aggressive Russian Consuls, and also the cordial exchange of telegrams between the Russian Duma and the Persian Majlis, in the name of « Liberty, justice, and the fraternity of peoples ». The two peoples seem to have a common hatred and a common desire, and it is not to be wondered at if the two Governments should act in common against a common enemy. » F. O. 416/32 Spring-Rice’s letter to grey, Qulhak (Tehran), May 23, 1907, n° 220 (113) in : Abdul -Hadi Hairi, Shi’ism constitutionalism in Iran, E. J. BRILL, Leiden, 1977 p. 21.

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20) Voici le Rescrit de S. M. Le CHAH : SADR A’AZAM La divine providence a remis entre nos mains le bonheur et le progrès de la Perse, et notre personne auguste est le gardien de tous les droits de Persans. Comme nos sujets sont sincères et fidèles, nous voulons mettre de l’ordre dans le gouvernement, de façon à ce que le peuple soit tranquille et en sécurité, que les bases du Gouvernement soient solides et que les réformes nécessaires soient introduites dans toutes les branches de l’administration. En conséquence, nous avons décidé qu’un Conseil National serait élu parmi les princes, les savants, les Kadjars, les nobles, les propriétaires, les négociants, les artisans. Que dans chacune de ces castes on élise un certain nombre de députés et que l’assemblée se tienne à Téhéran. Qu’ils tiennent conseil avec la plus grande attention sur toutes les affaires de l’État ; qu’ils viennent en aide à nos ministres dans les réformes qui seront faites pour le plus grand bien de la terre. Ils pourront en toute tranquillité, en toute sécurité, exprimer leur croyance relative au bien de l’État et aux besoins de la population ; puis on nous fera parvenir, par l’entremise du premier personnage de l’État, les avis émis afin que nous les signions et que nous les promulguions. Conformément à ce rescrit, un règlement intérieur de cette assemblée et des conditions de son ouverture sera rédigé suivant l’avis de ces élu, et nous signerons ce règlement. Que cette assemblée que sera la gardienne de notre justice soit ouverte, et qu’elle commence à s’occuper aux réformes nécessaires et qu’elle commence à mettre à l’exécution les lois de notre sainte religion. Qu’on publie et affiche partout copie de ce rescrit, afin que chacun voit et comprenne nos désirs au sujet des progrès de l’empire et de la nation, et qu’on puisse se rendre compte de la grandeur du bienfait octroyé en ce jour. Donné au Château du Sahab Qranié, 14 Djemadi, second 1324, l’année 11 de notre règne MOZAFFER Rev. Du M.M.vol 1 1906- 1907 pp. 91-92. 21) E.G. BROWNE - The Persian constitutionnal movement, oxford, 1819, page 7. 22) Victor BERARD- Révolution de la Perse ; les provinces et les peuples et le gouvernement du roi des rois, librairie Armand Colin, Paris, 1910, page 353. 23) Victor BERARD, op. Cit. Page 354.

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24) Foreign office, papers by command. Accounts and papey 1909, Vol. CV Persia n° 1 (909), correspondance n° 175 p. 139. 25) DJANCHID TAVALLALI, op. Déjà cit. P. 71 26) KASRAVI A. -L’histoire constitutionnelle de l’Iran (en iranien) Téhéran 1940-43 pages 13 et 14. 27) Les débats du premier Madjlesse, « Mozakeraté madjlesse daureh awalé taghninyeh » éditions du J. O. Téhéran 1946 p. 579-580. 28) A. KASRAVI - op. Cit. Tome III, pages 55 à 59. 29) Le rétablissement de la constitution en Turquie donne de vives inquiétudes aux absolutistes persans. Les libéraux reprennent courage, et les mollahs réactionnaires, qui déclaraient le nouveau régime contraire au Coran, alléguant volontiers à l’appui de leurs dires, l’exemple de la Turquie, sont fort embarrassés. Revue du M. M. Vol. 5, n° 7, juillet 1908. 30) Illisible 31) Victor BERARD, op. Cit. Page 354. 32) Foreign office, papers by command. Accounts and papey 1909, Vol. CV Persia n° 1 (909), correspondance n° 175 p. 139. 33) DJANCHID TAVALLALI, op. Déjà cit. P. 71 34) KASRAVI A. -L’histoire constitutionnelle de l’Iran (en iranien) Téhéran 1940-43 pages 13 et 14. 35) Les débats du premier Madjlesse, « Mozakeraté madjlesse daureh awalé taghninyeh » éditions du J. O. Téhéran 1946 p. 579-580. 36) A. KASRAVI - op. Cit. Tome III, pages 55 à 59. 37) Le rétablissement de la constitution en Turquie donne de vives inquiétudes aux absolutistes persans. Les libéraux reprennent courage, et les mollahs réactionnaires, qui déclaraient le nouveau régime contraire au Coran, alléguant volontiers à l’appui de leurs dires, l’exemple de la Turquie, sont fort embarrassés. Revue du M. M. Vol. 5, n° 7, juillet 1908. 38) Illisible 39) ‘...It would be ... wrong to expect so high an achievement from the ulama. Their traditional preoccupations and the scholastic nature of the learning that was the basis of their entire function hardly permitted accurate comprehension of problems deriving from the Western impact. In addition, their essential lack of hierarchic organization would have been an obstacle to any active reshaping of the political structure. Most important, while the possessed no

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legitimizing authority, the ulama enjoyed only that conferred by the process of taglid, one for which no adequate machinery was ever established. Intervention in political affairs to gain permanent control thereof never appears to have been even a distant aim of the ulama. The continued occultation of the imam meant, inescapably, the absence of all legitimizing authority from wordly affairs, so that the political attitudes of the ulama could, in the final analysis, be only quietism or opposition. Any wish to reshape definitively the norms of political life and the bases of the state was foreign to the ulama on . Thus it was that the forces of renewal passed them by.’ HAMID ALGAR : Religion and State in Iran 1785-1906 p; 259; University of California Press and Los Angeles 1969. 40) C. VERGUIOL écrit dans le n° 216 de novembre du Bull. De l’Asie Française que les modérés ‘... ne demandaient de réformes que pour la forme ...’ 41) The first foreign loan for L 500 000 secured by the custom receipts of the Persian Gulf ports, and been raised in London for non development purposes in 1892. It was repaid from Russia. Two years later a further 10 million rouble loan was also obtained from Russia. Both these loans the British and Indian governments lent large sums on the security of the customs receipts of the southern ports, so that by 1920 a total foreign dept of L 7 million was outstanding. In 1921 Russia cancelled repayment of all but one of its loans and investments so that foreign depts outstanding (almost entirely to Britain and India) fell 2,4 million. Bharier Julian : Economic Development in Iran, 1900- 1970 p. 118. Le premier emprunt, comme nous l’avons d éjà dit, de vingt deux millions et demi de roubles (60 millions de francs) fut conclu par l’intermediaire de la Banque russe des Prêts, au taux de 5 % et au cours de 85 francs, à amortir en 75 versements annuels de 800 000 francs. Un nouvel emprunt de 10 millions de roubles fut négocié en 1901 ; gagé également sur les dounes de l’Empire. Pour la seconde fois, la Perse s’engageait à ne contracter aucun emprunt auprès d’une autre puissance avant 1912. A la fin de 1902, la dette persane s’alourdit encore du fait d’un troisième emprunt à court terme, consenti par la Banque russe des prêts, devenue Banque d’Escompte de Perse. Nul doute qu’un quatrième emprunt n’eut suivi si des Anglais, effrayés de ces opérations financières russes et des progrès de la pénétration

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moscovite en Perse, n’avaient décidé de contribuer, par tous les moyens au succès du mouvement révolutionnaire. Revue du Monde Musulman ; note n° 1, p. 324, n° 9 septembre 1911. 42) Cette période dura trois années. 43) ‘Great Britain and Persia’ - par colonel C. B. STOKES in the Neae East, n° 625, 3 mai 1923. 44) WASMUSS, The German Lawence, Londres 1936 cité par Parviz HOMAYOUPOUR, in l’affaire d’Azerbaïdjan, Lausanne, 1967. 45) Op. Cit. 46) Ahmad KASSRAVI - Dix huit ans de l’histoire de l’Azerbaïdjan Téhéran, 1962, 5ème édition (en langue iranienne). 47) Le gouvernement anglais était représenté par sir Percy Cox, ministre à Téhéran. 48) MARTENS, Nouveau recueil général de traité, Troisième série, Tome X, pages 110 à 114 - H. Triepel, éditeur à Leipzig. 49) Khiaban, formely deputy to the Majlis, has emigrated to the Caucasus in 1911 and there established contacts with Russian revolutionaries. In 1914 he returned to Tabriz and started undergriund activity with the aim of liberating Iran from foreign influences. Various radical elements rallied around him. His work was interrupted by the Turkish invasion of Azerbaidjan during the war, which resulted in his temporary arrest and confinement in Kars. Released he returned to Tabriz ; and after the end of the war before the authority of the iranian government was adequately restored in Azerbaidjan, he gathered together 800 armed partisans and strucks. His political organization was called the National Democratic Party. Khiaban’s forces disarmed government troops, jailing most of the Iranian officers except those who came over to his side. The Iranian Gendarmerie joined the rebels, and the revolt soon spread to the provincial cities of Azerbaïdjan. Khiaban, who had once been a mujtahid (a religious rank), possessed oratorical talents and displayed vigorous political activity. George LENSZOWSKI : Russia and the West in Iran, 1918- 1948, p. 61 Greenwood Press, Publishers, New York, 1968. 50) Il s’agit du traité signé entre Sir Percy COX et Vossangh-od-Doleh qui place la perse sous tutelle britannique. 51) Voir S. A. TAGAYEVA - The National Liberal Liberation Mouvement in Iranian Azerbaïdjan 1917-20 (en russe Bakou 1956) ; pour le texte anglais voir The Central Asian Review n° 3 Londres

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1958, p. 347 cité en partie par Günter NOLLAU et Hans Jurgen WIEHE, Russia’s South Flank, New York Londres 1963 p. 156-158.

52) Pour les sources iraniennes voir particulièrement S. ALI AZARI, le soulèvement de KHIABANI (Ghiamé Khiabani), Téhéran 1329 (1950) le magazine Iranchahr publié à Berlin 1924. A. KASSRAVI 18 ans d’histoire de la Perse p. 846-854 et 862-899. NASROLLAH SAIFPOUR-FATEMI, Diplomatic History of Persia, 1917-1923, New York 1952 p. 244-254. MAKI 20 ans de l’histoire de l’Iran (Tarikhé biste salehe Iran), 1323 (1945), vol. 1er p. 12-21.

DEUXIEME PARTIE

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LA CHUTE DE LA DYNASTIE DES GHADJARS

ET LE REGNE DE REZA SCHAH

(1921 – 1941)

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CHAPITRE PREMIER

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LA CHUTE DE LA DYNASTIE DES GHADJARS

ET L’AVENEMENT DES PAHLAVI

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I – LE COUP D’ETAT DE REZA KHAN (1) 1 – les britanniques et les changements politiques Nous avons vu, au cours du précédent chapitre que le traité anglo-iranien de 1919 était à l’origine des divers soulèvements – récupérés par ailleurs par les communistes qui se sont produit durant les années, suivant immédiatement sa signature. Après la démission de MOCHIR-OD-DOWLEH déposée le 26 octobre 1920, c’est Sepandar AZAM FATHOLALAH AKBAR qui lui succéda au poste de Premier Ministre. Il annonça les grandes lignes de la politique qu’il comptait suivre : • Pas de mise en exécution du traité de 1919 • Négociations devant déboucher sur le retrait définitif et total des troupes soviétiques stationnées en Perse. Si la deuxième orientation était faite pour plaire aux anglais il n’en était pas de même de la première qui leur faisait craindre le pire. En réaction ils décidèrent alors d’agir pour transformer le pouvoir central en un pouvoir entièrement à leur solde, suffisamment fort pour résister aux agitations intérieures et capable de s’imposer devant les soviétiques pour barrer la route des Indes… vers laquelle ces derniers avaient tendance à progresser avec assurance. Parallèlement, le nouveau Premier Ministre SEPAHDAR continuait à se débattre pour satisfaire les deux axes de sa politique. Le 8 janvier 1921, MOCHAVER-OL-MAMALEK, ministre plénipotentiaire de la Perse signa à Moscou avec Tchitcherine, commissaire des Affaire Etrangères de la Russie soviétique, le traité sovieto-perse évoqué par ailleurs. Les anglais attendaient, pour leur part, la ratification du traité de 1919 par le Parlement qui fut réuni à cet effet. TAVALLALI (2) raconte que : « … la majorité des députés présents à ce moment à Téhéran, bien que la plupart aient été favorisés dans leur élection par l’Angleterre, publièrent une déclaration dans le journal ‘RAAD’(Tonnerre) et y manifestèrent leur hostilité à la ratification de l’accord… » Le quorum de 69 députés nécessaire à la décision aurait pu être atteint si certains d’entre eux ne s’étaient comportés comme le relate J. M. BALFOUR (3) :

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« … Il est vrai que le nombre des députés présents à Téhéran était suffisant pour atteindre le but proposé (ratification de l’accord), mais une vingtaine de membres opposés à l’accord, afin d’assurer le triomphe de leur point de vue, choisirent la simple méthode de refuser de se présenter à l’Assemblée et de rendre ainsi le quorum impossible. Le reste des députés voyant que cette attitude rencontrait l’approbation populaire et désireux de ne pas être surpassés dans les enchères signèrent une déclaration de ne pas accepter l’accord »… Cette déclaration fut largement publiée dans les journaux. A la veille de sa publication se déroula une réunion entre M. NORMAN, ministre anglais à Téhéran, et une délégation des députés signataires. M. T. BAHAR (4) rapporte qu’au cours de l’entretien les délégués expliquèrent leur position en raison d’un certain nombre des faits : • L’accord de 1919 avait trop été contesté pour qu’ils puissent en voter la ratification • La reprise des relations avec la Russie soviétique rendait impossible et ‘inconcevable’ une telle ratification. L’auteur poursuit en rappelant que ces députés auraient par contre assuré les britanniques qu’ils étaient prés à appuyer ‘… un gouvernement fort qui entreprendrait des réformes financières et militaires…’ Les conditions nécessaires à un coup d’état se précisaient et E. LESUEUR (5) écrivait fin 1921 :

« …Les Anglais ont compris le danger ; ils décident donc de frapper un grand coup et de faire prendre le pouvoir à Téhéran par des hommes nouveaux, tout à leur dévotion, qui accepteront leur tutelle… » (6) 2 – Les hommes nouveaux 21 – REZA KHAN

Les britanniques fixèrent rapidement leur choix sur un puissant chef militaire dont ils avaient déjà eu l’occasion d’apprécier les mérites : REZA KHAN. REZA KHAN (7) était entré dans le métier militaire très jeune. Dès l’âge de quinze ans, il rejoignit la Brigade des Cosaques

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Persans et l’histoire officielle précise même qu’il s’y distingué par son courage et sa bravoure. Nommé Colonel, il reçut en 1917 le commandement du régiment de HAMADAN (8), régiment qui joua un rôle important après la révolution bolchevique. A cette époque, les anglais craignirent que le chef de la brigade de Cosaques KLOUDJE ait des sentiments pro soviétique et donc pro-révolutionnaires. Ils décidèrent de tout tenter pour que ce chef soit remplacé par un autre officier supérieur dont la fidélité à l’ancien régime du Tsar n’était pas à mettre en doute : STARLOWSKI. L’opération se solda par une réussite grâce à la coopération fournie par le régiment de HAMADAN qui commandait REZA KHAN. L’efficacité dont il avait fait preuve dans cette affaire lui conféra un prestige certain et encouragea les britanniques à faire à nouveau appel à lui pour réaliser le Coup d’Etat qu’ils souhaitaient.

22 – SEYEDZIA-OD-DINE TABATABAI LESUEUR dit de TABATABAI qu’il était ‘directeur du journal RAAD’ (Tonnerre) et défenseur attitré des intérêts britanniques en Perse … (9). Fridoune SAHEBBJAM le décrit comme étant ‘… un jeune journaliste de trente deux ans, compagnon de lutte ( de REZA KHAN) depuis de longues années … venu très jeune à la politique et ayant marqué un grand enthousiasme lors de la victoire des libéraux en 1906 …’ (10) Il était membre du KOMITE Yé AHAN, LE COMITE de Fer et intriquait beaucoup en Perse pour y changer la politique pendant que son ami, NOSRAT-AL-DOWLE, résidait en Europe et préparait en relation directe avec le gouvernement britannique le coup d’état. SEYED, ZIA OD DINE TABATAI était peu lié avec les forces politiques traditionnelles. Ce fait intéressait tout particulièrement les britanniques qui considéraient qu’il serait facile de l’éloigner du pouvoir si cela s’imposait. 3 – Le coup d’Etat 31 – La reprise en main des armées Le coup d’Etat ne pouvait réussir que si les diverses forces militaires étaient maîtrisées. Les britanniques pensaient qu’il allait, avant toute chose, les réunifier, les réorganiser et enfin les renforcer.

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Ils oeuvrèrent tout à fait en ce sens ce qui nécessita beaucoup de temps et de moyens tant la situation était alarmante. L’armée traditionnelle de Perse qui était à l’origine composée de forces tribales fut réorganisée sous le prince ABBAS MIRZA. TAKMIL HOMAYOUN (11) explique : ‘… Dès cette époque, l’armée fut l’instrument privilégié de la pénétration occidentale et les tentatives de restructuration de ce corps n’aboutirent qu’à accroître les disparités internes en le divisant et à faciliter l’installation des troupes étrangères, formellement sous le commandement du souverain, mais directement sous la dépendance des Russes. L’armée avait à ce moment là plus une tâche de répression interne qu’une fonction de défense nationale.’ Ces divisions furent encore plus intenses après la révolution constitutionnelle de 1905 car le gouvernement central n’était pas parvenu à récupérer le commandement de tous les corps formés sur le territoire. En fait, on assistait à une division des forces militaires en corps placés sous le contrôle de pays différents et par là même rivaux. Ces forces militaires comprenaient quatre Armés principales : Les Cosaques (12), la Gendarmerie, La Brigade Centrale, La Police du Sud (S.P.R.) ainsi que le reliquat des forces armées traditionnelles des tribus. Il convient d’y ajouter les effectifs des troupes du Palais ou des gouverneurs provinciaux qui assuraient la police à Téhéran ou dans les grandes villes régionales. Rappelons l’article 106 des lois constitutionnelles complémentaires de 1907 stimulait : ‘Article 106 – Aucune force armée étrangère ne sera admise au service de l’Etat, ne pourra résider ni traverser aucune partie du territoire que conformément à la loi .’ L’application de cet article impliquait forcement l’unification des divers corps de troupes levés en Perse. Les divers gouvernements ignorent cet article et ce n’est que durant l’année 1918-1919 (1337) qu’une ébauche de réorganisation se réalisa grâce à l’action des britanniques. Divers témoignages publiés dans les journaux de l’époque exposent l’importance qu’accordaient les anglais à cette affaire dont la réalisation apparaissait liée au succès du Coup d’Etat qu’ils fomentaient. 32 – Les préparatifs du Coup d’Etat

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La meilleurs description du contexte qui précède le coup d’Etat est celle faite vingt trois années après (7 mars 1964) par SEYED ZIA-OD-DINE TABATAI lui même au cours d’un discours prononcé devant le quatorzième Madjlesse alors qu’il venait d’être élu député. Ce discours est cité par Key-Ostowan (13) en 1949 et repris par Djamchid TAVALLALI (14) ‘… L’Iran était occupé par les troupes étrangères ; dans quelques provinces, il existait des organisations en lutte avec les gouvernement central ; le trésor était vide ; les appointements des forces armées, de la gendarmerie et de la police qui constituaient en tout 40 000 hommes n’avaient pas été payés pendant 8 mois ; des milliers d’émigrés venant du Guilan et du Mazandaran ( provinces caspiennes) étaient une surcharge pour le trésor ; ce dernier étant vide, les ministres et les premiers ministres d’Iran étaient obligés de s’adresser tous les mois à la légation anglaise et de lui demander une avance de 200 000 Tomans (près de 50 000 livres sterling d’alors)…’ TABATABAI expliqua également dans ce même discours (15) comment et qui aida financièrement les cosaques iraniens stationnés à KAZVIN : ‘ … On (allusion aux chefs des Cosaques stationnés à Kazvin) me raconta l’état déplorable des Cosaques ; on me dit que telles ou telles choses pourraient arriver. Ces choses font partie des «secrets » dont je ne suis tenu de rendre compte à personne. Bref, nous allâmes chez Séphahdar (le président du Conseil d’alors) et nous nous entretîmes avec lui . Il nous dit que les Anglais ne lui versaient pas d’argent. Je lui répondis que nous pourrions parlementer avec eux. J’allai chez M. Norman (ministre anglais) lui racontai la situation et le priai de nous verser, encore des avances pendant un ou deux mois. Il fut d’accord à la condition que la somme fut dépensée pour les administrations. Ainsi, j’arrivai à procurer 50 000 tomans pour les Cosaques dont 20 à 30 mille furent envoyés aux Cosaques de Karvin. Dans les mois qui suivirent , cette somme fut augmentée, de sorte que dans le troisième mois, c’est à dire le mois du coup d’Etat, des 200 000 Tomans que le gouvernement anglais avançait au gouvernement iranien 100 000 furent consacrés aux Cosaques et Kazvin en reçut 60 000 …’ 33 – L’exécution du Coup d’Etat

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Les préparatifs achevés, la décision d’exécuter le Coup d’Etat fut prise le 15 février 1921. Le 21 février 1921 ou plutôt dans la nuit du 20 au 21, le général REZA KHAN (16) entra dans la capitale à la tête de plus de deux mille cosaques iraniens ayant quitté la ville de KAZVIN où ils étaient stationnés. Les troupes s’emparèrent immédiatement des administrations publiques et le Coup d’Etat fut ainsi exécuté. E.LESUEUR (17) et H.T. BAHAR (18) racontent que la veille du Coup d’Etat, c’est à dire le 20 février 1921, le vice président du Conseil Iranien accompagné de délégués britanniques, rendirent visite à REZA KHAN pour lui demander de quitter la région de Téhéran. Or le chef des cosaques leur aurait répondu qu’ils demeurait totalement fidèle au Shah et que son intention visait seulement à remplacer le premier ministre en exercice (SEPAHDAR° PAR SEYED ZIA-OD-DINE TABATABAI.. Ainsi fut fait : SEPAHDAR AZAM démissionna et AHMAD SHAH nommé TABATABAI Premier Ministre ; le général REZA KHAN, fut immédiatement nommé commandant des forces armés avec le titre de ‘SARDAR SEPAH’ ce qui correspond à ‘Général en chef de l’Armés’. Deux mois après, il entra au gouvernement avec les fonctions de Ministre de la guerre. 4 – Le gouvernement TABATABAI 41 – « l’Epuration’ Durant les jours qui suivirent le coup d’Etat, le nouveau Premier Ministre procéda à une profonde épuration. Il ordonna des arrestations en masse parmi les personnages les plus influents du pays ainsi que parmi des membres de la famille royale ; au total, plus de deux cents personnes furent ainsi concernées. 42 – La déclaration du 26 février 1921 Cinq jours après le Coup d’Etat ; SEYED ZIA-OD-DINE TABATABAI adressa au peuple persan un manifeste dont on retrouve la teneur dans l’œuvre de E. LESUEUR (19) : « …Après quinze ans de régime constitutionnel, la situation de l’Empire n’a jamais été aussi désastreuse qu’aujourd’hui. … A qui en incombe la faute ? … Aux personnes qui établirent partout l’anarchie pour satisfaire leurs intérêts particuliers et appliquèrent les principes de la féodalité du Moyen Age, avec ses

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crimes et ses atrocités ; quelques centaines de grands seigneurs prennent en main, par droit d’hérédité, la direction des affaires publiques et en profitent pour sucer, comme des sangsues, le sang de la nation. Nous leur demanderons des comptes. Il faut que la maison ébranlée où les parasites ont pris logement, soit renversée… » LESUEUR poursuit sa citation par un commentaire du manifeste rappelant les paroles du ‘dictateur’ qui déclare que la Perse doit vivre en bonne intelligence avec les autres puissances, « … mais notre amitié ne doit pas servir à couvrir les profits illégaux des étrangers, elle ne saurait pas davantage autoriser le maintien du régime des capitulations qui est contraire à l’indépendance de notre nation ; je le déclare donc aboli ainsi que l’accord anglo-persan de 1919 qui était de nature à nuire à la bonne entente des deux peuples… » 43 – La fin du gouvernement TABATABAI Le gouvernement de TABATABAI fut assez éphémère puisqu’il ne dura que trois mois et trois jours. A la suite de profondes dissensions avec AHMAD SCHAH et avec REZA KHAN, SARDAR SEPAH , TABATABAI démissionna et partit en exil le 23 mai 1921. Son bref séjour aux affaires publiques lui permit d’assurer le retrait, dans une large mesure, des troupes étrangères stationnées sur le territoire persan et la conclusion du traité d’amitié signé avec les russes soviétiques le 26 février 1921, traité que nous avons par ailleurs évoqué (20). Les historiens s’entendent pour dire que l’attachement que manifestait ouvertement TABATABAI pour les britanniques lui fut fatal puisqu’il fut la cause d’absence de confiance de la part de la population du pays et surtout de la classe politique. II – LA DESTITUTION DES GHADJARS 1 – La vie politique après TABATABAI

11 – Les gouvernements successifs Entre le jour où TABATABAI démissionna, c’est à dire le 25 mai 1921, et le 28 octobre 1923 cinq premier ministre furent chargés par AHMED SCHAH de former un gouvernement. Il s’agissait respectivement de : • GHAVAM-OS-SALTANEH (Progressiste). • MOCHIR –OD-DOWLEH (Progressiste).

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• GHAVAM-OS-SALTANEH (Progressiste) • MOSTOWFI-OL-MAMALEK (Socialiste) • MOCHIR-OD-DOWLEH (Progressiste) Nous verrons plus loin que chacun de ces gouvernement étaient soutenu par une majorité au sein du Madjlesse. REZA KHAN conserva les fonctions de Ministre de la guerre dans tous les gouvernements jusqu’à la mission volontaire de MOCHIR-OD- DOWLEH qui n’accepta pas l’intervention des officiers de l’armée dans les élections du cinquième Madjlesse. Le 28 Coctobre 1923,AHMED SCHAH confia le poste de Premier Ministre à REZA KHAN qui l’accepta et le cumula avec son portefeuille de Ministre des Armées. Le SCHAH partit quelques jours après pour un long voyage en Europe dont il ne revint jamais. 12 – Le quatrième Madjlesse C’est GHAVAM-OS-SOLTANEH, Premier Ministre qui décida de convoquer le quatrième Madjlesse le 22 juin 1921. La session fut ouverte solennellement par une allocution de AHMED SCHAH qui fut acclamé par les députés lorsqu’il confirma qu’il dénonçait l’accord anglo-persan de 1919. Ce Madjlesse était formé de trois grands groupes politiques : Les Progressistes, les Socialistes et les Indépendants. Les Progressistes (ESLAH-TALABAN) constituaient la majorité de l’Assemblée Nationale tandis que les socialistes (EDJTEMAYOUN) étaient en minorité ; l’importance du groupe des députés Indépendants variait au grés des évènements. Les Progressistes étaient les héritiers des anciens modérés et les Socialistes ceux des anciens Démocrates présents dans les derniers Madjlesse. Sur les plans des options, on peut dire que les premiers souhaitaient l’économie et la sécurité du pays par le service militaire obligatoire et le recrutement de Conseillers américains (p) pour les finances. Le socialistes se battaient pour le rapprochement plus étroit avec la Russie soviétique qu’ils préconisaient avec ardeur. L’ambiance dans le Madjlesse n’était pas très agréable du fait de l’antagonisme régnant entre ces deux grands groupes qui ne reposaient pas sur de véritable partis politiques : « … le Parlement se divisait en Majorité et Opposition, dont tout le programme était de garder le pouvoir ou de s’en emparer … »(21)

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13 – Le cinquième Madjlesse et la République de Perse Les élections au cinquième Madjlesse accordèrent une large majorité aux partisans de REZA KHAN, Premier Ministre, Ministre des Armées. Le 11 février 1924, l’Assemblée Nationale fut convoquée par le prince héritier qui n’était autre que le frère de AHMED SCHAH, absent de l’empire, puisqu’en voyage en Europe. REZA KHAN souhaitait faire approuver par le Madjlesse un changement profond de régime ; se référant aux évènements de Turquie qui débouchèrent sur la transformation de la monarchie en République il caressa l’espoir d’instaurer une république en Perse. D’après la tradition de la Perse ancienne le Gouvernement temporel et spirituel de la communauté chiite appartient aux descendants d’Ali. Après l’occultation du douzième IMAM, s’ouvre une longue période d’attente jusqu’à l’apparition de Mahdi qui doit inaugurer à la fin des temps, le règne de la vie éternelle. Pendant la période d’occultation, c’est le roi qui est reconnu comme le lieutenant du prophète, il est donc le successeur des Imams (eux mêmes premiers successeurs légitimes du prophète) et le vicaire du douzième Imam. Darmesteter explique ce problème qui est d’une très grande signification politique : « Dans la théorie perse, le pouvoir appartenait au roi, fils de Dieu, investi par son origine supra-terrestre de la gloire divine, du Farri Yazdan. A la faveur des révolutions politiques, la Perse reporta su la tête de l’Arabe Ali, l’héritier légitime de Mahomet, exclu du Khalifat, toutes les splendeurs et les saintetés de la vieille royauté nationale. Celui qu’elle appelait autrefois dans ses protocoles shâhhagî minocitr, ‘le roi divin, fils du ciel’, et dans ses livres sacrés Ahu ratuca «’le Seigneur et Guide’, seigneur dans l’ordre du monde, guide dans l’ordre de l’esprit, elle l’appela à présent d’un mot arabe, Imâm, ‘le chef’, le titre le plus simple qu’il fut possible d’imaginer et en même temps le plusauguste, car toutes les souverainetés du monde et de l’esprit y étaient contenues. En regard des khalifes, élevés par la clameur aveugle des masses, par l’intrigue et le crime, elle éleva le droit héréditaire et l’Imâm Ali, infaillible et sacré de Dieu. A sa mort, elle se pressa autour de ses deux fils Hassan et Hussein, puis de leurs descendants : Hussein avait épousé une fille du dernier roi sassanide, de sorte que l’Imâmat était fixé dans son sang par double droit divin, et l’union de la Perse ancienne et de

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l’islamisme à la façon persane se trouva scellée dans le sang de Hussein aux plaines de Kerbela (22 et 23). Le groupe de la RENOVATION (40 membres) était constitué des députés élus avec le ‘soutien’ de REZA KHAN ; ils étaient de tendance nationaliste et certains d’entre eux encore jeunes avaient poursuivi des études en Europe et souhaitaient voir la Perse se moderniser. Le groupe des SOCIALISTES (14 membres) était toujours formé des vestiges des deuxièmes et troisièmes Madjlesses. Avec la RENOVATION, il constituait la majorité et étaient très fidèles à REZA KHAN SARDAR SEPAH. Le groupe de MINORITE constituait l’opposition ; il était mené par le clergé qui s’opposait fermement à l’institution d’une République de Perse de peur de subir l’abolition du Califat comme cela s’était passé en Turquie. De violents affrontements entre partisans et opposant de la République éclairèrent le Premier Ministre sur le caractère négatif d’un tel projet. REZA KHAN annonça le 23 mars 1924 qu’il renonçait à l’instauration d’un régime républicain. H. MAKKI (t) raconte que quelques jours après, il partit pour la ville sainte de QUM dans le but d’avoir un entretien avec les Modjtahéds. A la suite de cet entretien ‘… il demanda au peuple d’oublier à jamais le nom de la république…’(24) Les origines ariennes du chiisme duodécimal, reste longtemps l’objet de longues discussions et de controverses. Compte tenu de l’importance philosophique du problème, nous essaierons de donner ci-dessous un extrait de l’étude de M . HENRI CORBIN (25) : “... Très tôt dès la propagation de l’Islam, il y eut en Iran des foyers fervents de chiisme, dont la cause suscita des dévouements extraordinaires. Iraniens les principaux chercheurs qui travaillèrent à constituer le corpus des traditions des Imâms ; Iraniens des Xe et XIe siècles. Mais ce n’est qu’au début du XVI e siècle , avec l’avènement de la dynastie Safavide, que le chiisme put sortir de la clandestinité et qui reste représentative par excellence de la communauté chiite, même s’il y a des chiites ailleurs que dans l’empire perse. Il y a lieu d’aller plus en profondeur pour dégager la constance du génie spirituel iranien de l’ancienne Perse zoroastrienne à l’Iran chiites. L’œuvre d’un Sohrawardi ressuscitant, au douzième siècle, la

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philosophie des sages de l’ancienne Perse est déjà significative. Mais pour rester dans le domaine spécifiquement chiites, nous proposerons deux exemples. Celui de Fatima d’abord. La fille du Prophète et l’objet, de la part des chiites d’une vénération et d’une ferveur inconnues au reste de l’Islam. Ce culte lui est voué parce que c’est elle qui donna origine à la lignée mohammadienne des douze Imâms. Or, il est, parmi, les archanges du zoroastrisme, une figure féminine nimbée d’une gloire spécifique : Spenta Armaiti, archange de la Terre et la fille d’Ohrmazd, le personnage de Fatima d’une auréole et de prérogatives qui offrent une mystérieuse correspondance avec la foi professée par les croyants de l’anciennes Perse. Autre exemple, celui du XII e Imâm évoqué ci-dessus. Figure terminale du ‘plérôme des Douze’, son avènement, sa ‘parousie’ marquera la clôture de notre ‘Aiôn’. Les traditions dans lesquelles Muhammad l’annonce soulignent la parenté et les correspondances entre lui-même et ce héros eschatologique, issu de sa descendance. Or, le zoroastrisme connaît un héros eschatologique dont la personne et le rôle concordent de façon frappante dont l’avènement à ceux du XII e Imâm. C’est le ‘Saosshyant’ ou ‘Sauveur’, dont l’avènement doit clôturer les douze millénaires de notre aiôn, les termes du prophète de l’ancien Iran , Zorroastre (Zarathoustra), pour indiquer sa venue, coïncident de façon frappante avec ceux du prophète de l’Islam annonçant la manifestation future du XII e Imâm. La ressemblance est telle qu’un philosophe chiite iranien du XVII e siècle conclut à l’identité des deux figure… … Il semble qu’à l’Iran soroastrien revienne l’initiative d’une conception du monde répondant à une perspective authentiquement eschatologique, nécessaire au dénouement de l’antagonisme entre lumières et ténèbres. D’une part, douze millénaires « chiffrent » symboliquement les âges du monde selon le zoroastrisme. D’autre part, les douze Imâms, selon certaines traditions particulièrement initiatiques, représentent les douze millénaires chiffrant la descente et la remontée de la lumière mohammadienne. D’une part, l’ancien Iran a proposé l’idée d’une périodisation de l’histoire secrète de notre monde ; d’autre part, nous rappelions ci-dessus l’idée d’une périodisation fondamentale pour la pensée chiite : au cycle de la « descente », celui des prophètes, succède celui de la « remontée », le

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cycle des « amis de Dieu » conduisant progressivement à la fin de l’histoire…’ Ces quelques traits suffisent, nous l’espérons, pour suggérer l’originalité et la richesse spirituelle du chiisme. Si, ailleurs en Islam, la philosophie disons plutôt la métaphysique, se perpétue jusqu’à nos jours par la multiplication des penseurs chiites : au XIII e siècle, Nasiroddin Tusi ; au XIV e Haydar Amoli ; au XVI e la prestigieuse école d’Ispahan, qui compta des maîtres tels que Mir Damâd, Mollâ Sadrâ Shirâzi et d’autres dont l’influence est loin d’être épuisée de nos jours. La méconnaissance dont le chiisme a été si longtemps victime en Occident semble prendre fin. Méconnaissance qui eut sans doute, de nombreuses causes ; indifférence, préjugée, difficultés d’accès aux sources. Mais pour éviter toute méprise les obstacles ne doivent pas être perdus de vue. Il serait vain, par exemple, d’interroger d’emblée un chiite sur ce que fait l’objet de sa foi. L’impératif de la « discrétion » (ketmân), imposée par les Imâms eux mêmes, interdit que la vérité soit communiquée à quelqu’un dont on ignore s’il ne peut la profaner. C’est l’éthique du « dépôt confié » qui postule un long compagnonnage d’amitié. Le chiisme n’a rien à voir avec les pseudo- ésotérisme qui pullulent de nos jours. Il est, en revanche, rigoureusement l’ésotérisme de l’Islam comme le rappelle ce propos du VI e Imâm, Ja’far al Sâdiq (mort en 765) : ‘Notre cause est un secret qui reste voilé, un secret que peut seul enseigner un secret, un secret qui reste enveloppé dans le secret.’ 2 – L’avènement des Pahlavi (26) 21 – Les modifications constitutionnelles Le Madjlesse adopta un certain nombre de lois durant l’année qui suivit l’abandon du projet républicain. C’est ainsi que le 13 février 1925 fut adopté un article unique désignant REZA KHAN comme : ‘Administrateur général de toutes les forces destinées à la défense et à la sûreté du pays …’

Ce même article lui accordait les pleines pouvoirs pour réaliser les objectifs de son programme. Rappelons que l’article 50 des Lois Constitutionnelles Complémentaires du 7 octobre 1907 stipulait que :

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‘Le commandant suprême de toutes les forces de terre et de mer appartient à la personne du SCHAH.’ L’article unique adopté le 13 février 1925 accordait un caractère légal aux méthodes de gouvernement de REZA KHAN. Le 4 juin 1925, le Madjlesse vota une loi rendant le service militaire obligatoire. C’était là un vieux rêve de REZA KHAN qui se réalisait ; cette mesure était pour lui synonyme de force, de puissance … Pendant ce temps, des pétitions arrivaient continuellement sur le bureau du Madjlesse ; ces pétitions étaient contre la dynastie des Ghadjars. Sur le rapport de la Commission nommée pour examiner ces pétitions, soixante dix sept députés déposèrent un projet de loi d’urgence libellé comme suit : ‘… Vu que le mécontentement de la dynastie Kadjar et les plaintes contre cette famille ont atteint un degré dangereux pour le pays ; attendu que la protection des hauts intérêts du pays constitue le premier devoir de l’Assemblée Consultative nationale et qu’il faut mettre le plus tôt possible un terme à la crise actuelle, les signataires proposent que le Madjlesse prenne d’urgence cette décision : « article unique – au nom du bien être de la Nation, l’Assemblée consultative nationale déclare la déchéance de la dynastie Kadjar et confie le gouvernement provisoire, dans la limite de la constitution et des autres lois, à la personne de Monsieur REZA KHAN PAHLAVI.La détermination de la forme du gouvernement définitif sera renvoyée à la décision de l’Assemblée constituante qui sera réunie pour la modification des articles 36, 37,38 et 40 du complément des lois constitutionnelles’. Ce projet fut vivement contesté lors de la séance du 31 octobre 1925 du Madjlesse par un petit nombre de députés qui le trouvaient non conforme aux lois constitutionnelles. Sur 115 députés présents, 80 votèrent pour 5 contre et trente ne prirent pas part au vote volontairement. C’est le 12 décembre 1925 qu’après avoir confirmé la déchéance de la dynastie des Ghadjars (26), le Madjlesse vota une loi constitutionnelle selon laquelle REZA KHAN devenait chef de l’Etat et fondateur de la dynastie PAHLAVI (27). F. SAHEBBJAM (28) écrit sur ce vote :

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‘… Ainsi disparaissait la Perse, laissant la place à l’Iran, pays qui voulait désormais brûler les étapes pour rattraper ses voisins turcs ou égyptiens’. Et H. FARBOUD (29) interprétant l’événement écrivit : ‘… , grâce à ses mérites et à l’aide de la diplomatie anglaise, entra sur la scène politique de l’Iran, pour régner avec infiniment d’autorité pendant quinze ans sur un peuple dont il a su se rendre le maître absolu. Le régime politique de l’Iran, sous le règne de REZA SHAH avait tous les traits inhérents aux régimes autocratiques progressistes, traits d’autant plus marqués qu’il était né de gouvernements faibles et inefficaces, dans une société où le progrès alors inexistant, était l’objet du désir et de l’espérance de tous. Ce régime marque la transmutation brusque, superficielle et incohérente d’un Etat à structure féodale en un Etat militariste et centralisé du XX e siècle …’ 22 – Quelques réflexions sur le Coup d’Etat Quels objectifs poursuivait réellement SEYED ZIA-OD- DINE TABATABAI lorsqu’il réalisa le coup d’état du 21 février 1921 ? C’est la question que se sont posé de nombreuses mais quelques éléments permettent de conserver des doutes sur son rôle exact. Tout d’abord une citation extraite du discours qu’il prononça le 7 mars 1944 devant le Madjlesse (30) alors qu’il venait d’être élu député : ‘… des évènements qui sont aussi des secrets de Coup d’Etat survinrent, après quoi, je ne considérais plus ma présence conforme à l’intérêt du pays ; je quittais donc volontairement l’Iran …’ On ne peut que constater l’imprécision de cette explication qui ne fait qu’épaissir le voile secret qui entoure l’action de TABATABAI dans le coup d’état. Ajoutons qu’un an après l’accomplissement du Coup d’Etat et environ neuf mois après TABATABAI eut démissionné REZA KHAN homme fort du nouveau régime et Ministre de la Guerre éprouva le besoin de prononcer une déclaration relativement stupéfiante : ‘ … J’ai l’honneur de vous dire que le coup d’Etat a été effectué par moi et que je ne regrette nullement mon action. Si quelques uns prirent en apparence le pouvoir, pour un certain temps, leur intention

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ne m’était pas inconnue ; au contraire, je savais tout ; mais les besoins du moment m’obligeaient à ne pas les écarter pendant quelques temps, jusqu’à ce que mes sacrifices soient connus en Iran et que je fasse sortir les intrus de notre cercle intime. C’est bien ce que vous avez vu et entendu …’(31) Cette déclaration rendit encore plus compliquées ou simplifia à l’extrême les interprétations historiques visant à attribuer à chacun le rôle exact qu’il avait joué dans le Coup d’Etat. (1) ‘Dynasties in Persia have usualy been founded by successful soldiers, but RIZA KHAN was officer of the defeated cossack Division. After the ignominious retreat of this force before the Bolshevists to the safety of the British lines, it was encamped near Kazvin, and a British officer was appointed to restore its moral. He was evidently successful, for when Sayyid Zia-u-Din opened should march on Teheran, RIZA KHAN led 3000 Persian cossacks to the capital in february 1921 and seized the Government, as mentioned above. A British officer gives the following description of RIZA KHAN, whom he met at Kazvin in 1920 : “One of the most distinguished and handsome Persians I have seen. His manner was reticent, but when I offered to show him round my mechanical transport at me for over an hour, and I was amazed to find how quickly he grasped the most difficult points.’ Sir PERCY SYKES : A history of Persia p. 545 Macmillan and Co London, 1930. vol. II (2) ‘Although the campaign had been a failure, the qualities of bravery and leadership displayed by RIZA KHAN won him promotion to the rank of amir panji, equivalent to full general , and he was palced in command of all the Cossacks reasssembled at Qazvin. There he came into his first close contact with the British, who had maintained a garrison at Qazvin for at least two years. At the beginning of Octobre General Edmund Ironside took over command of the North Persian Force at Qazvin, with orders to drive the Bolsheviks from Iran. Donald N. WILBER : Riza Shah Pahlavi, the Ressurection and Reconstruction of Iran, 1878-1944 p. 14 ; First Edition by D. N. WILBER , 1975, U.S.A. (3) Ne pas confondre avec l’ancien Sepahdar, chef des nationalistes du Nord et président du Conseil au deuxième Majlessse qui reçut pendant la guerre mondiale, le titre de Sépahsalar Azam ( grand maréchal de

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l’armée). Le titre de Sépahdar fut alors donné à Fathollah Akbar, grand propriétaire foncier, homme influent de Recht qui dirigea aussi, pendant quelques temps le ministère de la guerre dans le cabinet de Vossough. (4) D. TAVALLALI, op. Déjà cité page 107. (5) J.M. BALFOUR Récent Happenings in Persia – Edimbourg 1922, page 86 (6) M. T. BAHAR, Tarikhé MOKHTHASSARE ahzabé Siassi ( Brève histoire des partis politiques), Téhéran, 1942-43, page 57. (7) E. LESUEUR, les Anglais en Perse, Paris 1921, page 491, cité par DJAMCHID TAVALLALI, op. déjà cité page 109. (8) ‘To me (brigadier-Geral Sir PERCY SYKES) it is clear that, unless the upper classes reform themselves and renounce their present privileges, as was done in another Asiatic country, Japan, there can be no real progress. The Turkist proverb runs, ‘Afish putrefies from the head, ‘and unless the Persian grandees cease to spoil their own country- and to and village to village with the proceeds of spoliation, unless they dismiss their hordes of idle servants and themselves work honestly for Persia, they are doomed, and justly doomed, and their country will be involved with them ; for the middle and lower classes are not competent to take the lead and save Persia by themselves. Europe in the Middle Ages was ground down by robber barons as Persia is today, and yet surely, though slowly, it progressed towards light and liberty ; and why should not Persia do as much? But the time is short.’ Sir PERCY SYKES : A History of Persia, p. 540, Macmillan and Co., London, vol. II. (9) HAROLD NICOLSON, Fridary mornings 1941 – 1944, London 1944, page 7 cité par TAVALLALI, op. Déjà cité. (10) E. LESUEUR , op. Déjà cité page 160. (11) F. SAHEBJAM ; des PAHLAVIS, Berger-Levrault, Paris, 1966, préfacé par S.M.I. Mohammed REZA PAHLAVI, Schah-en Shah de l’Iran. (l) ‘Not until two European great powers, Great Britain and Russia, took a determined interest in Persian affairs, was a peaceful siccession secured. The indisputed enthronement of Mohammed Schah, in 1834, was due to this foreign influence and his march from Tabriz, where he had been governor general, to Teheran, escorted by the British and

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Russian ministers, marked a break with the past and foreshadowed the approaching end of Persian independance.’ William s. HAAS : Iran, Columbia University Press, New York 1946, p. 96. (12) NASSER TAKMIL HOMAYOUN – Les changements politiques en Iran, à l’époque Qajar – Thèse descriptive et sans originalité, Université René DESCARTES Paris 1977. (13) ‘The Tsar Alexander II offered to establish unit in Iran on a fourty- year concession, and in 1885 the Persian Cossacks came into being as a company of infantry and a field artillery unit with the initial function of guarding the ruler and the foreign legations. Within a few years the initial element had developed into a division with 7, 886 Persian soldiers and 3, 141 cavalery, commanded by sixty-five Russian officers and 202 Persian officers and non commissioned officers. The staff headquarters were at Teheran, and there were eight or nine seperate groups, or atriads, stationed in Teheran, Isfahan, , Hamadan, Guilan, Mazanderan, Ardabil and Urmiyah. Each astriad was composed of a company of infantry, an artillery unit and a cavalry unit. The commander in chief was a Baron Moadel. Officers and men were Cossack dress, and the units were better equipped and trained than the sarbaz khanah... Deliberately, the Russian officers isolated the Persian Cossac from the mainstream of Persia life, throught, and culture. Turki and Russian were the languages used in the division, and three times daily they assembled soldiers were ordered to shout in Turki, “Hurrah Emperator,chok saghol Shah” (Hurrah Emperor, long life to the Shah”). The Persian Cossacks were impregnated with a feeling of superiority to the regular and this fact was bitterly resented by the other forces. However, they were superior in training, equipment, discipline and bravery in the field of battle, and on many occasions a few cossacks served as a stiff backbone to a much larger regular force.” Donald n. WILBER : Reza Shah Pahlavi, the Resurrection and Reconstruction of Iran, p. 7 Edition by Donald F. Wilber, 1975 U.S.A. (14) Key-OSTOWAN – La politique de l’équilibre négatif à la quatorzième législature, Téhéran, 1949, page 46. (15) D. TAVALLALI, op. Déjà cité page 110. (16) KEY-OSTOWAN , op. Déjà cité pages 75 et 76.

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(17)a) From humble origins, REZA KHAN had sprung into prominence in 1921 at the time of the Coup d’etat et Seyed Zia Din who, becomming Prime Minister, had made Reza Khan Minister of War... There was a tendancy to look upon him as a dictator, and he was regarded by all Persians with wholesome respect. He was tenacious of his power and prestige ; he naturally looked upon the army, his own personal creation, with the keenest pride and affection, and rightly considered it the first essential instrument in the unification, nationalization and reconstruction of the country... Reza Khan belongs, in many respects, to the class of statesmen of which Henry II of England and Philippe Augustus of France were the prototypes. He has supplied the personal and military forces which are necessary to establish the authority of the Central Government. A. C. MILLSPAUGH : The American Task in Persia, p. 44 et 126 by the Century Co. U.S.A. 1925. b) Et voici le témoignage d’un officier britannique F.A.C. Forber-Leith : « … Early in the year 1919 while stationed in the city of Kasvin I received a call from two officers of the Persian cossack Brigade. Oe was a Russian, Colonel Slivetski, an intimate friend of mine, and with him was one of the most distinguished and handsome Persians I have ever seen. He was introduced to me as Major Reza Khan. His manner was reticent, and I felt that he must be rather bored with our conversation, but when I offered to show him aound my mechanical transport lines his whole attitude changed. The Persian Major was in his element. He fired question after question at me for over an hour, but it was a pleasure to give him the information he asked, for it was with matters of import, and I was amazed to find how quickly he grasped the most difficult points.” William S. HAAS ; Iran p. 138 Columbia University Press, New York, 1946. (18) E. LESUEUR, op. Cité pp. 154 – 155 (19)M. T. BAHAR, op. Cité page 68 (20) E. LESUEUR, op. Déjà cité pages 162 et 163. (21)Le traité soviéto-persan est le plus détaillé des traités qui furent conclu alors, en raison de la place cruciale qu’avais la Perse dans les intérêts de la Russie soviétique à l’étranger. Le gouvernement soviétique déclara nuls tous les traités précédents conclu ‘au détriment des droits de la nation persane’ ; il exprima sa désapprobation et son

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aversion ‘pour’ l’ancienne politique du gouvernement tsariste, qui consistait à conclure des accords avec les puissances européennes, concernant les pays asiatiques, contraires au désir des nations intéressés et qui, sous le prétexte de garantir leur indépendance finissait par s’emparer du pays objet de l’accord’ ; il réitéra sa renonciation à tous les privilèges, concessions et propriété du gouvernement tsariste en territoire persan, sous condition que ces biens restent la possession du peuple persan et qu’ils ne soient transférés à aucune autre puissance étrangère. Cette satisfaction accordée aux intérêts persans et à la fierté persane, le gouvernement soviétique recevait en retour un seul droit spécial. Si une troisième puissance intervenait sur le territoire persan avec des forces armées ou tentait d’y créer un « centre d’action en vue d’attaquer la Russie », et si le gouvernement persan n’était pas assez fort pour repousser ce danger, alors le gouvernement soviétique aurait le droit d’introduire en Perse des troupes soviétiques, dans un but défensif. Cette clause n’était peut être pas tout à fait désagréable au gouvernement persan, car elle était manifestement dirigée contre la Grande Bretagne ; elle joua vingt deux ans plus tard contre l’Allemagne. EDWARD HALLET CARR : La révolution bolchevique (1917-23) p. 302. (22) Des pouvoirs spéciaux furent octroyés à un américain, le Docteur MILLSPAUGH par le Madjlesse. (23) Camille VERGNIOL – La perse et l’Europe en 1923 in ASIE FRANCAISE, n° 216 novembre 1923 page 392. (24)James DARMESTETER : Coup d’œil sur l’histoire de la Perse, pp. 40-41, Editeur Ernest LEROUX Paris, 1885. « Leçon d’ouverture du cours de langues et littératures de la Perse faite au collège de France le 16 avril 1885. » (25) a)‘… On délibéra et discuta longtemps pour savoir lequel d’entre les descendants d’Afrîdhoun et de Menoûdjehr serait apte au trône. Quelques uns proposèrent Toûs et Koustahm, que d’autres déclaraient tout à fait incapables parce qu’il leur manquait le reflet de la majesté divine. On tomba ensuite d’accord sur la personne de ZAW, fils de Tahmârf, descendant d’Afridhoûn, qui réunissait en lui le reflet de la majesté divine et les qualités d’un roi …’ Al-Tha’alibi : Histoire des Rois des Perses p. 65

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b) ‘… Après le règne de ZAW, le peuple, les chefs d’armée et les grands portèrent leurs suffrages unanimes sur KAIQOBADH, parce qu’ils trouvaient en lui l’illustration de l’origine royale, la haute moralité et la noblesse de caractère et espéraient qu’il saurait gouverner et prendrait soin avec une égale sollicitude des intérêts du peuple et des grands …’ Ibid, pages 137 et 138. (26) H. MAKKI, Vingt ans de l’histoire de l’Iran, 3 volume. Téhéran 1944-46 ; Tome II pages 304 à 344. (27)‘In march 1924 Persia, deeply influenced by the example of Turkey, evinced a strong sentiment in favour of a republic, with Riza as its first President. The Press became violently anti-monarchical, and telegrams advocating a republic poured in from the provinces, together with report of enthusiastic demonstrations. Reza Khan impressed by the apparent strength of the movement, consented to the proposal which seemed likely to be carried in the Madjlis. However, at this juncture, the Turkish Grand National Assembly not only abolished the Caliphate, but disestablished the Moslem religion, Persia was not prepared to follow this lead, and, the Mujtahids successfully using their influence with the merchants of Teheran, whose trade at the new year (21 st March) had suffered seriously from the political exitement, the movement suddenly collapsed. Reza adroitly changed his policy, and, advocating the views of the Mujtahisds, proclaimed that the establishment of a republic in Persia would be contrary to the Shia religion.’ Sir PERCY SYKES ; A history of Persia, vol II p. 546, Macmillan and Co., London 1930. (28)Henri CORBIN , le Monde 10-11 octobre 1971, p. 18 (A) ‘ … Les nuits et les jours ne se succèdent, les étoiles ne circulent dans leurs orbites au ciel, - Que pour transmettre la jouissance du pouvoir d’un roi, dont le règne est arrivé à son terme, à un autre roi. - Mais le règne du trône est éternel ! il n’est pas périssable, ni partagé !…’ Al- THA’ALIBI : Histoire des rois des Perses tr. de H. Zotenberg, Paris MDCCCC p. 65. (29)‘ The feeling in favour of the strong ruler found further expression in the deposition of the absente Shah in October 1925. A Constituent

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Assembly was then convened, which elected Reza Khan to be Shah in December 1925. Thus with due pomp and circumstance the humble peasant of Mazanderan ascended the throne of Cyrus the Great and Shah Abbas and assumed the title of Shah Reza Pahlavi. Sir PERCY SYKES : A History of Persia, vol. II p. 546, Macmillan and Co. London, 1930. (30) ‘On December 6 the Contituent Assembly held its opening session. Seated in a carriage, REZA PAHLAVI moved in splendy procession, accompanied by many of his generals on horseback to the Takiyah Dawlat building, where he was welcomed by a commitee. His brief speech, opening the assembly, reviewed the reasons for summoning that body ; it was formal and continued until December 12, when 257 of the 260 delegates approved the following bill : ‘In the name of the people : The National Contituent Assembly here with entrusts to Reza Khan, Sardar Sipah and his descendants in the male line, the constitutional monarchy of Iran, the oldest son of a Shah always to be the heir apparent. In case there is no male issue, the Shah himself shall choose his succesor, who, in turn shall be approved by the Madjlis. No member of the house of the Qajars can ever become a pretender to the throne. The Crown Prince es not to assume the reign until he is twenty one years old. In case the heir apparent is a minor, the Majlis is to elect a regent but this regent too, must not be a member of the Qajar house. The Shah, the heir apparent, and the regent must each take an oath on the constitution before the Majlis Sulayman Mirza and two other Radical Socialists abstained from voting in favor of the bill, with the former stating that they did approve of the choise but acted as they did because the concept of an hereditary monarchy was contrary to the principles of socialism. On December 15 REZA SHAH returned to the Constituent Assembly to sign the oath office, which read : ‘With God as my witness, I swear on the Qur’an and by everthing that is holy to me, that I shall dedicate all my strengh to the independanceof Iran, the integrity of the realm and the rights of the people. I shall preserve the foundations of the constitution and shall work for the country in full conformity with it. I shall worth for the propagation of our faith. Standing in the presence of Allah, who watches over all my deeds and actions, I promise to strive for the happiness and glory of Iran and the Iraaanians. To this end I emplore the assistance of Allah and the cooperation of the

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teachers of Islam.’ Then, rising from the royal chair, he picked up the Qu’ran in both hands, raised it high above his head, then lowered it and kissed it twice and placed it upon the table.

On the Following day, seated on the Marble Throne at the gulistan Palace, he received the diplomatic corps. After several members of the corps had offered their congratulations, he replied in simple, unadorned Persia, saying that he saw prospects for the dawn of a new age in Iran, that he had willingly assumed heavy burdens, and that he desired good relations with all countries and especially with those represented at the ceremony.

On December 19 Furighi was named Prime Minister. General Tahmasbi was the minister of war and some of the other cabinet posts went to younger, energetic individuals who had worked hard to bring about the elevation of the ruler, including Davar as minister of the interior and Taymurtash Minister of Court.

(31)HOMAYOUN FARBOUD, op. Déjà cité page 66.

(32)Cité par KEY-OSTWAN, op déjà cité page 49.

(33)La déclaration de REZA KHAN, ministre de la guerre est cité par BAHAR op. Déjà cité page 186.

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CHAPITRE DEUXIEME

______

LES CHANGEMENTS ECONOMIQUES ET SOCIAUX

‘ … où voit-on qu’une grande

œuvre humaine ait été jamais

réalisée sans que se soit fait

jour la passion d’agir par soit

même d’un homme de caractère ? …

Général C. de GAULE

Le Fil de L’Epée

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Certains ont qualifié la politique de rénovation conduite par REZA SCHAH de REVOLUTION. En vérité, pour réaliser une révolution il convient de disposer d’une organisation cohérente diffusant des orientations philosophiques et combattant pour une idéologie forte. Or, REZA SCHAH n’a jamais disposé d’un parti politique et à toujours manqué d’inspiration sur le plan de la cohérence philosophique. Il n’a d’ailleurs laissé aucun testament à ses adeptes et son successeur n’a pu que consulter les discours. Ce comportement résulte du contexte même qui a conduit REZA SCHAH au pouvoir. Il était en fait le produit de la « Superficialité » des mouvements révolutionnaires en Iran ; Ces mouvements n’enregistrèrent que des échecs et les hommes les composaient, excédés, se replièrent vers REZA SCHAH en qui ils voyaient l’homme fort, capable de diriger efficacement le pays et d’entreprendre les réformes nécessaires. Nous pouvons dire aujourd’hui que REZA SCHAH adopta une politique basée sur trois principales préoccupations (1) : - Le culte du nationalisme d’Etat, - La réalisation d’objectifs précis visant à donner au pays un visage occidentalisé… (transformer la Perse en Iran). - Le rejet du pouvoir religieux (2) très traditionnel est une tendance toujours plus affirmée au sécularisme. Cette préoccupation résultait des deux premiers. Il faut garder à l’esprit le nationalisme dont REZA SCHAH faisait preuve. Ce nationalisme était réellement partagé par le peuple, il était la réaction normale, la révolte face au retard enregistré par l’économie et les populations de la Perse dont les potentialités étaient complètement soumises - comme nous l’avons vu par ailleurs – à des puissances étrangères. On a pu qualifier REZA SHAH de ‘… médiocre disciple de KEMAL ATARURK, il le fit dans un contexte totalement différent. L’héritage culturel de la Turquie n’était pas brillant, ce qui poussa ATTATURK à rompre avec le passé. A l’opposé, REZA SCHAH s’inspira toujours du passé glorieux de la Perse, ce en quoi il fut soutenu par le peuple qui acceptait cette référence au passé pré- islamique. Les réformes qu’il entreprit portèrent principalement sur l’organisation économique du pays, l’humanisation de la vie des

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populations, la réorganisation des administrations et l’unification des Armées. I – LA MODERNISATION DE L’ECONOMIE

Durant plus d’un siècle, l’Iran avait subi l’exploitation économique et l’intrusion politique de deux grandes puissances de l’époque. La Russie et la Grande Bretagne. Ajoutons à cela divers comportements de la dynastie des Ghadjars, qui, comme nous l’avons déjà vus, ne songea qu’à dilapider les richesses nationales créées. La situation dont héritait REZA SCHAH était des plus catastrophiques. Dès les premières journée de son règne, il entreprit de réformer le fonctionnement de l’économie du pays. Il s’attacha tout d’abord à résoudre les problèmes d’ordre purement financier auxquels étaient liées toutes les réformes à venir au niveau de l’agriculture, de l’industrie, du commerce extérieur, des communications et de l’infrastructure des villes. 1 - La reforme des finances La croissance économique recherchée nécessitait des finances publiques saines issues d’un revenu d’Etat régulier en expansion constante. Le problème immédiat n’était pas celui de l’accroissement global du revenu national mais plutôt celui d’une mise en ordre des ressources existantes. A la fin du règne des Ghadjars, les ressources de l’Etat avaient trois origines : - Le loyer des terres dont l’Etat était propriétaire - Les taxes internes - Les droits des douanes II – La vente des terres Les terres de l’Etat étaient louées par villages entiers à des particuliers qui les exploitaient – comme des propriétaires – et versaient une faible redevance. Dès 1924, REZA SHAH s’informa de la situation dans d’autre pays plus évolués et décida de mettre en vente une grande partie de ces terres dont les plus gros propriétaires terriens (3) se portèrent immédiatement acquéreurs. Quelques années plus tard, en 1934, fut fondée la Banque de l’Industrie et de l’Agriculture mais le capital nécessaire à ses activités manquait. Le Madjlesse décida alors

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d’autoriser la vente des meilleurs terres, qui étaient toujours la propriété de l’Etat dans la proche région de Téhéran. 12 – Les impositions Il convient de garder à l’esprit que la propriété était essentiellement foncière et la puissance de ses propriétaires s’opposait en permanence à l’instauration d’un véritable impôt sur les superficies et sur les revenus. Les recettes fiscales étaient alors constituées d’un certain nombre de taxes prélevées sur les produits de consommation courante. Le régime instaurée à la suite du coup d’Etat de 1921 porta ses efforts sur une meilleure organisation de la fiscalité. Il engagea à cet effet une douzaine d’experts financiers américains conduits par MILLSPAUGH (4) qui arrivèrent à Téhéran durant l’automne 1922 et en partirent en 1927. Leur mission ne se solda que par un succès relatif puisqu’elle ne réussit qu’à développer le potentiel d’honnêteté des persans et à former quelques fonctionnaires zélés et scrupuleux qui furent par ailleurs sévèrement critiqués par le pouvoir. On rapporte en effet, qu’un proche de REZA SCHAH (5) expliqua : ‘… on ne peut contrarier toutes les coutumes locales d’un seul coup. L’autre jour nous avons du réprimer une rébellion parce que les américains refusent au Khuzistan, la permission aux chefs arabes de prendre leur part dans les taxes qu’ils collectent auprès des leurs… coutume qui est très ancienne…’ En 1930, lors de sa septième session, le Madjlese prit quelques décisions en matière de fiscalité. Il mit en place une taxe corporative – qui fut abrogée en 1933 – et décida que les impôts ne seraient plus payés en espèces. Il créa enfin une taxe d’Etat, non rurale, dont le montant était perçu par les municipalités. Ajoutons enfin que l’impôt sur le revenu ne fut mise en place qu’après l’abdication de REZA SCHAH. 13 – Les droits de douanes La taxe sur le commerce était, de loin, la plus lucrative ; il était facile de la percevoir et l’organisation qui la régissait était composée d’officiers de nationalité belge. Rappelons qu’après la défaite persane de 1827, la Russie Tsariste, par le traité de TURKMANCHAI renforçait son privilège d’exportateur vers l’Iran à des taux de taxation assez dérisoires : 5 à 8 %.

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La Grande Bretagne ainsi que d’autres nations européennes bénéficièrent d’avantages identiques. REZA SCHAH souhaitait conserver les administrateurs belges qui donnaient entière satisfaction ; il s’étaient toutefois fixé comme objectif de rétablir une autonomie propre à l’Iran des tarifs douaniers, ce à quoi, il parvint dès 1928. 14 – La réorganisation du secteur bancaire et la crise économique de 1920 La réforme des finances concerna également le secteur bancaire (6). Jusqu’en 1927 – année de fondation de la Banque Melli- Iran- les établissements financiers étaient des concessions étrangères (russes et britanniques). La nouvelle banque iranienne était une banque d’Etat et une banque commerciale. Elle avait la mission de mettre en circulation l’argent et d gérer la politique fiscales (7). Sous la direction de conseilles allemands, elle devint l’un des premiers facteurs de capitalisation et d’investissement dans l’optique du développement. En 1939, la Banque MELLI IRAN lança un plan d’épargne dont le taux d’intérêt était inversement proportionnel à la taille du compte bancaire. Elle encouragea ainsi l’épargne des classes pauvres et l’ouverture de comptes pour les enfants. Si cette politique de l’épargne fut une réussite, il n’en fut pas de même dans la préservation de la monnaie nationale : le rial. La valeur d’échange du rial par rapport au prix de l’or déclina en effet rapidement (8) durant la crise économiques des années vingt. Parallèlement la balance de paiement de l’Iran sur les marchés étrangers était défavorable. Le 19 mars 1930 fut décidé l’ « ACTE DE STANDARDISATION DE L’OR » visant à arrêter la dépréciation du rial. Cet acte ne fut qu’une résolution du fait de l’insuffisance des ressources monétaires nécessaires à l’achat de l’or. 2 – La reforme de l’agriculture Au lendemain de la Révolution Constitutionnelle, le Premier Madjlesse décida de créer une commission chargée de proposer des mesures visant à réformer les finances étroitement liées, comme nous l’avons déjà dit à la propriété foncière et au revenu foncier. La commission proposa quatre mesures : - Abolition des pensions et avantages accordés aux « gens de bien »

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- Création de trésors pour les administrations locales ; ces trésors étaient composés à partir du cumul des sommes perçues par les gouverneurs et des revenus réguliers (9) - Abolition du système des « tuyul » qui étaient des terrains ou des domaines agricoles dont l’usufruit était confié, en récompense, aux autorités proches de la Couronne. - Abolition des grilles d’échange . elles dataient de plusieurs années et pendant la valeur des récoltes s’étaient accrue, le montant de l’impôt demeurait faible du fait de l’application de taux sans commune mesure avec la réalité.

21 – Les taxes sur le foncier et la production En 1922, l’Assemblée promulgua un décret établissant une surveillance de toutes les propriétés et fixant une taxes équitable sur les biens fonciers. Le 20 dalv 1300 (1922) une loi sur l’enregistrement des propriétés et autres documents fut votées. L’impôt foncier était alors de 10% sur la récolte à venir, mais les querelles à ce sujet étaient nombreuses. Le Conseil des Ministres créa une commission chargée d’examiner la validité des documents. Cette commission avait établi que tout village ayant appartenu à un même individu, pendant plus de 30 ans, était sa propriété privée. Un cadastre fut institué en 1926. La loi du 20 Day 1304 (janvier 1926) décréta une taxe foncière uniforme pour tout le pays, basée sur les récoltes et soutenue par les novelles mesures : - Les terres irriguées et non irriguées devaient 3 % de leurs récoltes - les patûres et foret devaient 10 % du bénéfice de leur propriétaire et les moulins 5 % - pour l’eau servant à irriguer la taxe était de 5 % sur le revenu du propriétaire - une taxe fut imposée sur les animaux. Dans les dernières années du régime, un grand changement survint dans l’administration du revenu foncier, par la loi du 24 Azar 1313 (décembre 1934) qui abolissait la loi du 20 day 1304. A la place de toutes ces taxes, tout produit agricole ou animal devait 3 % en nature, lors de son arrivée en ville ou de leur exportation. La taxe n’était percevable qu’une seule fois et la valeur de chaque article fixée chaque année.

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La loi du Mihr 1308 (1929) rendit l’enregistrement des propriétés obligatoire. A ce sujet remarquons que depuis le Moyen âge la Perse est en retard dans le domaine des enregistrements cadastraux. Plusieurs essais ont échoué et de nos jours encore, bien des régions n’ont pas était cadastrées. Dans tous les litiges ouverts sur les propriétés qui opposaient propriétaires et paysans, ou Etat et paysans. Ces derniers étaient défavorisés car ils ne disposaient guère de moyens financiers ou intellectuels suffisants pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Le 20 Azar 1314 (décembre 1935) fut votée une loi concernant les « Khakuda » ou chefs de village. Selon cette loi, le Khakuda était le représentant des propriétaires fonciers et était responsable de la bonne exécution des lois et règlements. Les qualités requises pour être Khakuda étaient ; la nationalité persane, un passé vierge, une réputation d’honnêteté, fiabilité et capacité, résider dans la région et y cultiver quelque chose. 22 – La protection de l’exploitation agricole D’autres lois furent votées mais ne furent jamais mises en application, malgré toutes les bonnes intentions qui avaient présidées à leur préparation. Accroissement de production signifie accroissement du revenu ; REZA SCHAH fit voter le 25 Aban 1316 (novembre 1937) une loi pour le développement agricole. L’article I stipulait que le propriétaire des terres devait cultiver. L’objectif de la loi était de favoriser le développement optimum de l’agriculture grâce à la création et à la préparation des qanâts (canaux souterrains, typiquement persans utilisés pour l’irrigation, la culture des terres en friche, l’amélioration de l’habitat rural pour une meilleure hygiène, la création de routes entre les villages, la création de dispensaires, le drainage des marais, etc… Notons que cette loi prévoyait que l’amélioration de l’habitat du paysan était désormais à la charge du propriétaire. L’article 4 n’a jamais été appliqué ; il proclamait que les terres mal gérées par leur propriétaire, seraient prises en charge par l’administration de l’Etat à travers l’une des compagnies agricoles. L’Iran, comme beaucoup de ses voisins du Moyen Orient avait une économie essentiellement agricole ; mais le secteur ne fut

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guère réformé malgré les efforts de modernisation entrepris par REZA SCHAH. Dès 1924, une commission d’étude fut chargée de préparer un rapport sur la possibilité de procéder à une réforme agraire et à une modernisation de l’agriculture. Voici ce qu’on trouve écrit dans le rapport de cette commission qui appelait à : ‘… des préparatifs pour attirer les techniciens étrangers et surtout les experts agricoles et des fermiers en Iran ; tout comme la formulation d’un plan avec une attention portée aux considérations politiques et raciales, pour encourager des travailleurs et des fermiers à s’installer en Iran…’ On ne peut saisir le problème agraire en Iran sans un bref aperçu de ce qu’étaient les propriétaires terriens, leurs locataires et leurs relations. Il y avait trois types de propriété foncier en Iran : privée, étatisée et waqf (ou religieuse). Les terres d’Etat et les terres waqf étaient administrées par les Ministères des Finances et de l’Education. Les terres waqf étaient en général voisines des chasses ; elles étaient surtout concentrées dans le Khorâsan. Les propriétés privées étaient réparties en trois catégories liées à leurs tailles ; les grands propriétaires avaient un ou plusieurs villages qui leur étaient attitrés ; les propriétaires moyens n’avaient droit qu’à une partie de village, et les petits propriétaires qui dépendaient entièrement du rendement de leurs terres dont ils avaient étroitement avec leur famille. Dans les grandes propriétés, le propriétaire possédait en plus de la terre et de l’eau, les pâturages, et ce qui en découlait. Le type et la location du terrain, déterminant en grande partie le type de son propriétaire. Les grandes propriétés se situaient dans les vallées ouvertes et communicant entre elles, là ou le rapport terre-eau est favorable à la terre. Dans ces propriétés les couches sociales étaient souvent très rigides et il y avait une dichotomie parfaite entre les paysans et le propriétaire « aristocratique » qui ne résidait pas sur ses terres. Les petites et moyennes propriétés se situaient généralement dans les régions montagneuses où la proportion terre-eau est favorable à l’eau. On les trouvaient aussi là où il y le plus de récoltes et où les

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activités agricoles sont très diversifiées avec la sylviculture, l’élevage, l’apiculture et le filage du coton etc… La proximité des villes et des marchés encourageait aussi la présence de ces petites propriétés. La stratification sociale y était moins sévère. De plus, dans ce type de propriété les différents droits de pâture, d’irrigation et autres, étaient distribués entre des intervenants différents, ce qui permettait des activités multiples. Vers la fin des années 30, parallèlement à l’industrialisation, le gouvernement commença à se préoccuper des caractéristiques économiquement inefficaces et archaïques de l’agriculture. Mais l’on peut sans problème affirmer que rien ne fut entrepris en vue d’abolir le système féodal ; ajoutons enfin les quelques mesures tendant à améliorer l’économie rurale qui furent décidées dès 1925. C’est à cette époque que les droits de douane furent supprimés pour l’importation des machines agricoles. Cinq années plus tard, en 1930, le département ministériel de l’agriculture décida des efforts exceptionnels nouveaux pour les forêts, l’amélioration des races de bétail et le contrôle sanitaire (paraphylaxie). La même année fut fondée la Banque Agricole. A partir de 1932 débuta un programme fort utile de reboisement. En effet, le bois était l’une des seules sources d’énergie avec le charbon et les forêts étaient en voie de disparition, surtout dans le Centre et l’Ouest de l’Iran. En 1929, fût créé un collège d’agriculture à Karaj et dix années après en 1939 un institut de recherche vétérinaire fut inauguré près de Hesarak ; ces deux institutions visaient à favoriser l’instruction de méthodes modernes en agriculture : les races de bétail furent améliorées, la production des arbres fruitiers fut mieux élaborée et des progrès furent accomplis dans la production de la betterave à sucre, du tabac, de la soie et du thé. Ces trois dernières productions se localisaient sur le littoral de la Mer Caspienne, ce qui s’explique par le fait que REZA SCHAH contrôlait les régions du Mazandaran, du Guilan et du Gorgan. Certains auteurs ont été très critiqués à l’égard des mesures agro-économiques décidés sous REZA SCHAH : ‘… pratiquement aucun des bienfaits de la modernisation, du changement et de la croissance économique n’ont touché le paysan,

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mais il a dû partager le coût à travers les taxations directes et indirectes…’(10) Nous serons moins sévères en affirmant que ces mesures ont eu le mérite de reconnaître le problème et , bien ou mal, le poser. REZA SCHAH se proposait comme objectif principal -en ce qui concerne la vie rurale- de rénover la vie paysanne et la face des villages (11).

3– La réforme de l’industrie Avant l’avènement de REZA SCHAH, l’industrie iranienne était presque inexistante et le tissage des tapis et des toiles de soie était uniquement réalisé manuellement, dans le cadre d’ateliers artisanaux. Les rares fabriques qui existaient dans le pays –dont les plus importantes étaient une raffinerie de sucre et une fabrique d’allumettes- fermèrent leurs portes à la veille de la Première Guerre Mondiale. Les artisans étaient organisés en corporations puissantes REZA SCHAH souhaita rompre le pouvoir artificiel de ces corporations et le remplacer par une réelle puissance du gouvernement central. Il tenta d’imposer à cet effet une politique industrielle orientée vers un développement rationnel des activités de transformation et encouragea grâce à des hardies les investissements. L’histoire économique du pays nous à démontré combien les raisons qui militaient contre le succès des entreprises privées étaient nombreuses. Ces raisons étaient à la fois d’ordre financier et d’ordre politique : - manque de capitaux - manque d’esprit d’entreprise chez les propriétaires fonciers – forcement riches- mais qui ne souhaitaient pas modifier le cycle de leur vie ; - propension des épargnants à amasser leurs économies en métal précieux (ou en argent) ou à investir dans l’immobilier ; - Manque de confiance dans la stabilité politique - Méfiance quant à la capacité du gouvernement à protéger efficacement les investissement privés.

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La liste des facteurs limitant à l’expansion de l’industrialisation à partir de capitaux privés est très vaste et nous n’en n’avons cité qu’un nombre restreint. REZA SCHAH comprit rapidement que s’il voulait satisfaire ses orientations économiques, il devait faire intervenir les capitaux d’Etat. Précisons que quelle que soit la forme qu’ait revêtu l’activité de l’Etat dans les affaires économiques de l’Iran on ne peut en aucun cas le qualifier de socialistes… Disons qu’elles correspondaient assez parfaitement à la notion de «capitalisme d’Etat ». Il suffit de se référer aux règlements concernant les relations industrielles promulgués en 1936 par les services de l’Industrie et des Mines pour comprendre cette analyse. Ces règlements ne favorisaient ni les patrons, ni les travailleurs, car ils attribuaient aux seconds une partie des bénéfices prélevés chez les premiers… En contre partie, les salariés voyaient leur droit de grève supprimé. Malgré l’attrait psychologique contenu dans l’industrie lourde (être une grande puissance !) La politique industrielle accorda une priorité aux industries légères avec comme objectif réduire les importations et accroître les exportations. Les activités industrielles qui furent ainsi créées visaient le sucre, les textiles de coton, les allumettes, le ciment, ainsi que des transformations de plus faible importance liées à la chimie, aux textiles, au savon, aux huiles, au verre, à la minoterie (moulin à céréales), au cuir, au riz, au thé, etc… 31 – Les décisions économiques Dès 1924, le gouvernement décida d’engager des experts (techniciens et ingénieurs) de nationalité germanique auxquels il demanda des conseils en vue de développer la formation professionnelle dans le pays. C’est ainsi que des initiatives importantes furent prises, débouchant sur la création d’écoles techniques spécialisées et la promotion de l’apprentissage. Entre 1925 et 1930, le gouvernement de REZA SCHAH décida d’exempter des droits de douane les matières premières importées (1925) et d’encourager coûte que coûte les initiatives privées visant à créer des entreprises. Dans ce cadre, les capitalistes qui avaient accumulé des richesses hors du pays furent autorisés en 1930 à les rapatrier sous forme de :

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‘… machines productives pouvant accroître les liens d’exportation iraniens ou réduire les besoins d’importations. Ces machines sont exemptées des contingences de l’importation et auront droit à un tarif préférentiel pour les droits de douane…’ Par la suite, une loi garantissant cinq années d’exonération des taxes et impôts pour tout entreprise créée à partir de fonds privés. Cette politique s’avéra particulièrement coûteuse, mais quelques résultats se firent tout de même sentir, surtout durant la période couvrant les années 1934 à 1938 où un indicateur économique –les emplois effectivement créés- permet d’en apprécier l’efficacité. En effet, durant ces quatre années le nombre de travailleurs employés progressa de 250 %. Après 1938 ; les choses changèrent et la croissance des firmes et du secteur industriel en général amorça un net ralentissement. Certains observateurs économiques expliquent cette modification par la crainte qu’avaient les investisseurs de surproduire ; d’autres accusent le virage contenu dans la politique gouvernementale qui tentait de limiter les profits. Ajoutons que la plupart des fabriques créées durant les années 30 appartenaient à l’Etat qui consacra à la fin de la période 20 % du budget national à l’industrialisation. 32 – L’industrie du sucre Entre 1932 et 1938, huit raffineries de sucre de betteraves furent ouvertes… elles appartenaient toutes à l’Etat. Elles étaient approvisionnées en matière première par les exploitations agricoles immédiatement proches de la fabrique dont les propriétaires étaient ‘…vivement encouragés à cultiver la betterave à sucre…’ Ces créations industrielles étaient décidées à la suite d’études statistiques expliquant le niveau de la consommation des ménages qui était élevé et la croissance rapide à attendre de cette consommation. Les archives disponibles ne font jamais état d’un quelconque bilan de profits de ces raffineries mais l’examen des budgets de l’Etat de l’époque nous donnent quelques chiffres qui mettent en évidence leur déficit… 33 – L’industrie des allumettes La production artisanales des allumettes était une industrie déjà bien établie, mais la compétition avec les fournisseurs étrangers affectait les bénéfices. Les deux premiers établissements iraniens,

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créés à Tabriz et à Khoy en 1918 et 1921, devaient faire face à de considérables difficultés financières. C’est pour cela que le gouvernement accorda un statut spécial à l’établissement de Khoy (en Azerbaïdjan) concession qui exemptait des droits de douane et de transport ; tout l’équipement qui lui était indispensable. Mais on ne lui accorda aucun tarif préférentiel qui aurait pu le protéger contre l’importation d’allumettes. Le résultat fut la fermeture de l’établissement de Tabriz pendant 7 ans (1931-38). Jusqu’en 1938 le prix des allumettes domestiques fut malgré tout, moins élevé que celui des allumettes importées de Russie, mais après 1939, ce prix augmenta considérablement. Cette augmentation était due à l’effet de la guerre sur le tarif des transports et par conséquence sur l’importation de toutes les matières chimiques brutes. Le résultat fut qu’il devint à nouveau rentable de manufacturer artisanalement les allumettes pour les vendre localement. 34 – L’industrie du ciment Après 1928, il y eut une augmentation du volume et du prix du ciment importé ; cette situation résultait de la construction du chemin de fer trans-iranien. Sept années après en 1935, les importations de ciment représentaient plus de 4 % des importations totales et l’Iran devint aussi le troisième importateur mondial de ciment après la Hollande et la Malaisie. Comme la chaux et l’argile, nécessaires à la création d’une industrie du ciment, se trouvaient à bon marché et en quantité près de Téhéran, l’Etat iranien importa carrément une installation danoise, qui pouvait fournir 100 tonnes par jour, pour le prix de 15 millions de rials. En 1934, elle fonctionnait et 2 ans plus tard sa capacité était doublée. L’année suivante une seconde industrie fut créée. La simplicité du procédé de fabrication et la grandeur du rapport capital/travail investi (cinq fois plus important que dans l’industrie textile du coton) étaient d’un grand avantage aux yeux du gouvernement. 35 – L’industrie cotonnière L’industrie textile cotonnière fut pendant longtemps l’industrie la plus importante de l’Iran tant en termes de valeurs de production que de force totale du travail. A l’origine cette industrie bénéficiait d’un tarif de protection et de dispenses spéciales concernant l’importation de l’équipement de base.

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Grâce à ces dispositions, elle put réaliser des bénéfices nets raisonnables et ce malgré les responsables techniques qui manquaient d’esprit d’entreprise, et achetaient trop de terrains par rapport à l’importance des fabriques. Cette politique avait une incidence sur les coûts de production du fil de coton qui était plus élevé que dans d’autres pays. A la suite une étude faite sur douze industries de filage et tissage en 1936, on découvrit que le nombre de travailleurs mâles dans cette industrie décroissait de façon similaire aux pays producteurs, mais qu’au lieu d’être remplacés par des femmes, leur place était prise par des enfants. Le salaire moyen était de deux rials pour une journée de dix heures. Le but de cette industrie était d’utilisé les ressources de la production domestique de coton. En 1936, il y avait environ cent fabriques d’égrenage du coton, dont la moitié privées. Dans un soucis d’équilibre de la balance commerciale il fut décidé d’enrayer les importations de textiles et des campagnes furent lancées pour encourager la consommation des produits locaux : Les uniformes de l’armée, des écoles et autres institutions furent tous fabriqués à partir de ces textiles. Dans les mêmes temps, l’importation de la soie fut carrément interdite. 36 – L’industrie du pétrole et des mines Des concessions autorisant l’exploitation des ressources minérales furent confiées à des compagnies purement iraniennes où à des filiales iraniennes de firmes étrangères, ce fut le cas du charbon, du manganèse, de l’antimoine, de l’oxyde de fer et du sel. La principale ressource du sous-sol iranien était déjà le pétrole, et comme nous l’avons exposé au début de notre étude ce fut un sujet britannique qui obtint la première concession de recherches pétrolières dès 1872. Rappelons que c’est le 25 juillet 1872, que le baron JULIUS de REUTER obtint les plus extraordinaires privilèges pour la recherche exclusive des ressources minérales de l’ensemble de l’Iran. Cette concession fut cependant annulée en 1899. Le 28 mai 1901, WILLIAM KNOX d’ARCY, enrichi par la « ruée vers l’or » en Australie, obtint à son tour une concession exclusive pour l’exploitation des hydrocarbures iraniens pendant une durée de 60 ans. Sa compagnie « L’Anglo-Persian », qui deviendra par la suite « L’Anglo-Iranian Oil Company », devint rapidement l’une des plus

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formidables entreprises du monde capitaliste. Les anglais profitant des énormes besoins d’argent qu’avait le SCHAH, de l’époque, achetèrent un droit de contrôle absolu sur tout le sud de l’Iran riverain du Golfe Persique. L’accord anglo-russe de 1907 transforma ce privilège en droit international. L’Anglo-iranien Oil Company fut l’instrument qui favorisa le processus d’occidentalisation, car, elle payait ses « royalties » en devises étrangères, elle procurait des combustibles bon marché aux autres industries iraniennes, elle employait une main d’œuvre iranienne et elle formait quelques citoyens iraniens en vue de leur faire occuper les postes de contrôle et de direction. Toutefois, du point de vue psychologique, cette présence étrangère, trop fortement implantée, contrecarrait la politique nationaliste de REZA SCHAH qui dénonça le 22 novembre 1932 la vieille concession d’Arcy. Dès 1912, cette concession avait une production locale dépassant 40 000 tonnes et lorsque la marine remplaça le charbon par le pétrole, le gouvernement britannique acheta de l’ « Anglo-Persian Oil Company ». En fait dès 1913, WINSTON CHURCHILL, premier Lord de l’Amirauté déclarait : ‘Le but final de notre politique est de faire de l’Amirauté le propriétaire et producteur indépendant du pétrole dont elle a besoin.’ En 1922, la production atteignait 2 millions de tonnes. Le gouvernement iranien s’éveille au problème, lorsqu’il eut besoin d’un revenu plus élevé nécessaire à l’importation des machines pour l’industrie. L’Iran prit appui sur le fait que l’Anglo-Iranien Oil Company avez tenter d’abaisser la redevance qui lui était due et que, de plus cette concession néfaste aux intérêts du pays, n’avait jamais été ratifiée par le Madjlesse. L’Angleterre protesta, envoyant en guise de menace sa flotte mouiller à proximité des côtes iraniennes. L’affaire fut soumise à la Sociétés des Nations. Celle-ci chargea le Dr. Bénés, délégué tchécoslovaque, d’étudier le problème et d’élaborer une solution acceptable pour les deux pays. Les négociations aboutirent le 29 avril 1933, par l’octroi d’une nouvelle concession d’une durée de 60 ans, limitant son champ d’action à 16% du territoire national. L’Anglo- Iranien Co devenait ainsi, et très rapidement, le 4ème producteur

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mondial après les U.S.A. Le Venezuela et l’U.R.S.S. (avec 10 millions de tonnes en 1937). REZA SCHAH ne fut pas satisfait de cette prolongation (qui remontait jusqu’en 1993) mais devant le risque que présentait un conflit ouvert, il ne peut que l’accepter. En 1939, il fit adopter par le Madjlesse un texte qui classifiait les ressources minérales, établissait les droits de Concession et d’enregistrement, et autorisait la propriété privée de toutes les ressources minérales à l’exception du pétrole et des métaux précieux. 4 – LA REFORME DU COMMERCE EXTERIEUR Dès le début du 16ème siècle, le commerce extérieur servit de chemin aux influences européennes en Perse. Après l’avènement de la révolution industrielle et de l’impérialisme économique du XIXéme Siècle, l’importation des produits étrangers s’accentua en Iran. La part la plus importante de ces marchandises était constituée de sucre, de thé et de textiles de coton. RAYMOND FURON (11) résuma la politique commerciale iranienne en vigueur avant 1918 dans ces termes : ‘… En Iran, jusqu’à la première guerre mondiale, tout ce qui est à vendre est vendu deux fois plutôt qu’une…’ L’examen de cette politique commerciale entre les deux guerres mondiales met en évidence deux phases. La première de ces phases va de 1919 à 1929 inclus, elle se caractérise par une continuité du commerce libre et de ce fait par une politique passive face à la présence des produits étrangers sur le marché intérieur. La seconde s’étend de 1930 à 1940 ; elle est marquée par l’introduction du contrôle gouvernemental et malgré un bref répit en 1934-1935, par un protectionnisme en continuelle. Les raisons qui justifient cette dernière phase s’expliquent à partir de causes externes. Comme la balance des changes favorable à l’Iran, la dépréciation du Rial, et le réajustement de la nouvelle politique commerciale soviétique face à l’Iran. 41 – Le monopole du commerce et le contrôle des changes Afin d’apprécier l’influence du commerce soviétique sur l’Iran, il convient de rappeler la proximité géographique des deux Etats qui fait de l’U.R.S.S. le partenaire naturel du commerce iranien. Bien que la Révolution de 1917 et les évènements qui s’en suivirent aient disloqué le commerce russo-iranien, dès 1927 la Russie

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ressurgissait comme le meilleur acheteur de l’Iran. Les riches provinces agricoles du nord de l’Iran dépendaient du marché russe pour vendre leur surplus de grains, riz, tabac, coton, laine, peaux et fruits. Ces provinces eurent un accès relativement facile auprès des marchés russes, tant que la Russie ne décida pas d’appliquer les termes de son monopole du commerce d’Etat extérieur à l’Iran.(12) Lorsque ce privilège fut en partie retiré en 1928 puis complètement renié en 1930, l’Iran eut recours à la création de son propre monopole d’Etat du commerce extérieur en 1931, afin de résoudre ses nouveaux problèmes. REZA SCHAH décida en février 1930 d’instaurer un contrôle des changes. L’objectif à courte échéance de ce contrôle était l’arrêt de la baisse du rial et le redressement du déficit iranien. (13) 42 – Les conditions de la nouvelle politique commerciale Nous avons déjà vu que dès 1930, le gouvernement entreprit activement de stimuler la croissance économique du pays. Le commerce extérieur fut mobilisé dans ce but. REZA SCHAH espérait par le contrôle d’Etat du change et du commerce extérieur, atteindre l’autarcie économique de l’Iran. Par le contrôle d’Etat il espérait une balance du commerce favorable, maintenir la position du rial, étendre les exportations aider l’industrialisation, stimuler l’efficacité et dégager l’auto - approvisionnement. La création de ce monopole du commerce extérieur se concrétisa par des contrôles quantitatifs. (14) Le contrôle des champs fut supprimé entre 1934-35 mais rétabli avec plus de restrictions en 1936. La première Chambre de Commerce fut créée en 1937, et la même année eut lieu l’installation d’un Ministère du Commerce. Les réalisations des gouvernements de REZA SCHAH, en créant un « Capital » pour satisfaire sa politique de croissance économique à travers le développement du commerce extérieur, furent impressionnantes.

Toutefois il nous faut mentionner des résultats néfastes découlant du contrôle des changes en Iran : - Les exportations agricoles du pays souffrirent de la surestimation du rial, - Grâce à cette politique des changes, l’Iran était inévitablement poussée vers un marché bilatéral, notamment l’Allemagne et l’Union

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Soviétique. Ces deux pays dominèrent ce marché iranien pendant les années 1930. A première vue, ce fait peut apparaître comme bénéfique pour l’Iran, mais en fait, le pays importait ses marchandises d’Allemagne et d’U.R.S.S. tandis que ses deux Etats avaient d’autres marchés mondiaux pour s’approvisionner. On peut finalement affirmer que l’interférence du gouvernement de REZA SCHAH souvent trop vigoureuse dans les activités commerciales, entraîna un certain déséquilibre dans l’économie du pays, ce qui causa une hausse de prix. Mais cette hausse d’était pas suivie par une augmentation du revenu, et le consommateur qui en souffrait était mécontent. 5 – La modernisation des moyens de communication En raison de l’étendue de son territoire et de l’inégalité de son terrain, l’Iran avait besoin d’un système de transport et de communication moderne. Des récoltes étaient perdues, en certaines régions, à cause du manque de transports ; notons que les conséquences culturelles de cette isolation étaient encore plus importantes que les conséquences économiques. Lorsque REZA SCHAH apparut en 1921, les quelques efforts qui avaient déjà été faits dépendaient des puissances étrangères. Parmi ces réalisations il y avait les voies ferrées : Fulf a Tabriz, la Rasht- Pilé-Bazar et le Quette Zahedan ; les routes : Khosrowi-Casvin et le Busshaiar-Shiraz, le systèmes de canalisation d’eau de Baku-Enzeli et Karun ; la construction de lignes télégraphiques avait été entreprise dans la seconde moitié de XIX ème siècle (15). Mais dès 1924, le gouvernement de REZA SCHAH fit réaliser une étude générale sur le problème des transports dans les pays et une liste des priorités fut alors établie. 51 – Le Trans – Iranien (16) La construction du chemin de fer « Trans-Iranien » fut l’œuvre maîtresse du programme des priorités. Elle allait au-delà d’une simple mesure économique, et l’Etat dans l’incapacité de financer un tel projet fit appel à des capitaux extérieurs. Cet appel ne fut pas entendu et REZA SCHAH dut s’appuyer sur les propres ressources du pays. Un impôt sur le revenu étant impossible, il eut recours au commerce extérieur et les produits du monopoles instauré furent en grande partie utilisés à la construction du chemin de fer.

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Le gouvernement utilisa l’aide d’experts étrangers pour la construction de Trans-Iranien. REZA SCHAH, lors de la sélection des techniciens, eut soin de n’engager que des occidentaux n’ayant eu ou n’ayant aucun intérêt en Iran. Les premières opérations furent accomplies par une firme américain et une firme allemande et la construction fut achevée par des Scandinaves. En tout 200 ingénieurs et experts étrangers furent amenés à participer à la construction de ce chemin de fer. Ce fut aussi l’occasion d’envoyer des étudiants iraniens en Europe afin qu’ils y étudient les problème se rapportant aux chemins de fer. La tâche fut achevée en 1938 au milieu des réjouissances nationales et pendant des mois les journaux en firent état. Le coût global fut de 2 552 7000 000 rials pour 1 394 kilomètres. Cette réussite eût une grande importance psychologique pour le règne de REZA SCHAH et la philosophie étatique qui était la sienne. Toutefois, on accordait trop d’importance aux considérations stratégiques aux dépens des considérations économiques. Le chemin de fer ne reliait l’Iran à aucun autre système international de voies ferrées. Il ne reliait pas le Golfe aux ports les plus fréquentés de la Mer Caspienne. 52 – Le réseau routier Les routes furent améliorées et leur réseau étendu. En 1926, fut introduit l’immatriculation des véhicules et le permis de conduire ; le montant des taxes qui découlaient de ces mesures était affecté à la construction des routes. C’est en 1930 que fut créé le Ministère des Ponts et Chaussées. 53 – Les voies fluviales Mis à part quelques bateaux sur la Mer Caspienne, sur le lac RZZA’IYE (Uramien) et sur la partie basse de la rivière KARUN, l’Iran n’avait aucun transport fluvial. Les bateaux, quais et autres facilités laissés par les russes et les anglais furent maintenus, mais la plus grande action de l’époque fut la construction et la mise à flot d’une grande dans le port de PAHLAVI (ENZELI) sur la Mer Caspienne en 1940. Ceci fut accompli par une firme allemande. 54 – Les transports aériens Les transports aériens relativement tôt en Iran. En février 1926 la firme aérienne allemande des Junkers acquit les droits de

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transporter des passagers et du courrier entre l’Europe ; L’Iran et d’autres points plus éloignés d’Asie. Les junkers eurent aussi le droit d’accomplir un service inter-villes en Iran tant pour les passagers que pour le courrier. Ces contrats impliquaient la création ‘bases de réparation’ en Iran ; ils prévoyaient également une aide des junkers à l’administration iranienne pour établir ses cartes aériennes. Dès 1929, les Junkers desservaient Téhéran et Pahlavi, Qask Shirin, Bushehr et Mashed. Dans les années 30, la ligne allemande actionnée par Lufthansa, restait la seule ligne aérienne étrangère desservant l’Iran. Mais en 1937 l’Iran acquit trois avions pour le courrier et les passagers et établit une correspondance hebdomadaire entre Téhéran et Bagdad. Ce service était géré par le Ministère des Postes et Télégraphes et les avions étaient pilotés par des officiers de l’armée iranienne. 55 – Les postes et télégraphes Les postes furent réformés avec l’aide d’experts belges en 1923. De même, la radio et le télégraphe furent améliorés et développés avec l’aide d’experts français et suisses . L’Iran n’eut pas de station de radio-diffusion avant 1940 mais dans les années 1930, les iraniens pouvaient écouter Berlin et Ankara. Téhéran était reliée au réseau de téléphone automatique, en province les officiers gouvernementaux et les citoyens ‘de bien’, étaient également reliés au téléphone. On peut dire qu’à la fin de règne de REZA SCHAH, en 1941, les facilités de communication et de transport s’étaient considérablement transformées et ce, grâce à une bonne politique de réforme des voies et moyens de communications. 6 – La modernisation des villes L’aspect visuel le plus spectaculaire de l’occidentalisation des villes fut la transformation ‘physique’ de Téhéran, et à moindre échelle, des autres grandes métropoles (17). Au début, rien ne fut fait pour changer l’aspect des vieux quartiers. On construisit, simplement, une nouvelle ville au nord de l’ancienne. Un entre croisement des rues à angle droit, des rues asphaltées, des maisons européanisées et surtout les bâtiments publics, à inspiration Achémide ou Sassanide, métamorphosaient Téhéran, en une ville moderne.

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Cependant le mélange de styles et la confrontation du passé et du présent, rendaient cette ville semblable à un tableau inachevé, où maints artistes auraient travaillé tous à la fois. 61 – L’amélioration de confort En 1921, l’électricité n’était réelle pour ceux disposant de leur propre génératrice. L’éclairage des rues commença en 1925 et en 1929 les maisons furent électrifiées. Mais rien ne fut fait pour améliorer le système d’adduction d’eau, le système existant, pittoresque sans doute, consistait à amener l’eau par des canaux ouverts et étaient profondément malsains. Les efforts faits pour rénover certains quartiers se buttèrent à l’opposition du clergé et l’amélioration des villes provinciales fut retardée par la concentration de pouvoir au sein du Ministère de l’Intérieur à Téhéran. 62 – Les constructions nouvelles L’année 1935 témoigne d’une effervescence dans le domaine de la construction : 48 Millions de rials furent dépensés à la modernisation de plusieurs villes. Les traits dominant de cette construction était la formation d’un angle droit (parfait) par deux avenues larges et infiniment longues, qui avec une originalité hors pair portaient invariablement l’appellation d’Avenue Pahlavie et Avenue du Schah. Pour l’iranien qui se souvenait des conditions antérieures à REZA SCHAH, les changements physiques de son environnement et la rapidité de ceux-ci, tenaient presque du miracle. Mais pour l’occidental, qui visitait l’Iran pour la première fois en 1941, c’était un pays à cheval entre l’Orient misérable et l’Occident riche et capitaliste. (18) Mais les iraniens se déplaçaient de plus en plus fréquemment dans le monde occidental. Il en était ainsi surtout pour les étudiants qui vivaient quelques années de leur formation en Europe où sur le continent américain. A leur retour en Iran, ils ne pouvaient que constater l’abîme qui persistait entre les progrès matériels de l’Occident et l’état de faible développement de leur pays. Cela constituait une source de frustration et de défaitisme qui ne fut pas toujours étrangère à leur comportement politique. II – LES CHANGEMENTS SOCIAUX

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REZA SCHAH s’employa activement à « libérer » les citoyens iraniens en essayant de leur donner deux choses importantes qui leur manquaient : la santé et l’éducation. (19) 1 – Les réformes pour l’hygiène et la Santé Publique Avant l’avènement de REZA SCHAH, la Perse était dans un état d’insalubrité total. Rappelons que les premiers hôpitaux et furent construits en 1830 par les envoyés des organisations missionnaires européennes ou américaines. Elwell SUTTON (20) écrivit à ce sujet : ‘… Au début, la superstition et le conservatisme rendirent ces hôpitaux étrangers suspects ; mais les résultats firent leur effet et il fut démontré que les classes les plus défavorisées n’étaient que trop prêtes à accueillir les bienfaits d’une bonne médecine et de bonne médecine et de bons soins…’ 11 – La politique sanitaire sous les Ghadjars Les gouvernements en place sous la dynastie des ghadjars s’étaient préoccupés de la santé des citoyens. En 1907 une loi fut votée, demandant aux gouverneurs provinciaux de ‘prêter une grande attention à … la Santé Publique et aux conditions sanitaires … et d’agir avec la plus grande célébrité en cas d’épidémies… Des médecins, des infirmières des médicaments et tout l’équipement nécessaire devaient être envoyés par le gouverneur dans les zones d’épidémies ! (21). En 1910, le gouvernement fit le premier pas en matière de vaccinations lorsqu’il alloua, 10 % de la taxe sur les transports… aux améliorations dans le domaine de la santé publique et surtout pour une vaccination généralisée contre la variole et la diphtérie’ (22). En 1911, Madjlesse prit la première mesure contre l’emploi de l’opium en surtaxant cette drogue (23). En 1914, les bains publics furent exemptés de l’impôt foncier afin d’encourager la propreté. Telles furent les mesures prises avant le régime Pahlavi. Elles rencontrèrent une forte opposition, en particulier celle du clergé, qui s’élevait contre les vaccinations ayant des sources humaines. Un portrait exact des conditions en Iran, et des difficultés à les améliorer, est contenu dans un rapport de la Ligues des Nations, daté de 1925 : ‘Les croyances du peuple et les enseignements des instructeurs religieux ou Mullas, ainsi qu’on les nomme, n’ont pas seulement un effet sur le caractère des gens mais empêchent aussi l’introduction de

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réformes sanitaires ou autres. L’opinion des chefs de la pensée musulmane sont un facteur important dans toutes les affaires d’Etat… Plusieurs des coutumes populaires sont des interprétations du Coran. La façon de tuer les animaux dans les abattoirs, le lavage des morts et leur enterrement, se déroulent tous de la façon prescrite par les lois religieuses. La croyance selon laquelle toute eau courante exposée à l’air est bonne à boire est aussi enseignée par la religion. La dissection ou l’autopsie post-mortem des corps est interdite’ (24). 12 – La politique sanitaire sous REZA SCHAH En 1922, sur 4 287 morts à Téhéran, seuls 30 l’étaient de vieillesse. En 1923, le chiffre était de 41 pour 4 588 et dans ce total, 1 113 des enfants de moins d’un an étaient inclus. En 1924, l’Iran ne comptait que 905 médecins dont seulement 253 avaient un diplôme reconnu. La moyenne était d’un docteur pour 11 000 habitants ; mais cette moyenne était fausse puisque parmi ces 905 médecins 323 exerçaient à Téhéran même. Vers les années 1927-1930, se créa une école de Médecine à Téhéran. Celle-ci employait une majorité de professeurs français, obligeant donc les étudiants à connaître cette langue. Ce n’est qu’en 1930 que l’anatomie put être librement apprise. En 1935 la moyenne des docteurs en Iran était passée à 1 pour 4 000 personnes. En 1939, un essai de recensement, entrepris par le Ministre de l’Intérieur, se solda par un échec ; il est toutefois à peu près certain que la population n’avait pas augmenté car la mortalité n’était pas encore en baisse et le niveau de vie très élevé, freinait la croissance démographique que REZA SCHAH désirait très forte. Tout laisse supposer que par la suite, grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène qui abaissa la mortalité l’équilibre démographique se réalise. La médecine moderne en Iran permit une prophylaxie bien étudiée et les épidémies furent évitées ainsi la malaria et autres affections intestinal étaient des maladies endémiques en Iran. Mais la création de l’institut Pasteur aida dans ce domaine à mener une lutte active contre le virus (25). Le 1er juin 1941, le Madjlesse approuva une loi sur la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses. Cette loi obligeait les citoyens à se faire soigner des maladies vénériennes ; elle rendit gratuit les médicaments pour les pauvres et punit sévèrement

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toute propagation de ces maladies ; Cette loi instituait également l’inspection régulière des ‘maisons clauses’. Elle obligeait la vaccination anti-variolique à l’âge de 2 mois, 7, 13 et 21 ans une revaccination en temps d’épidémie. Les écoliers et les demandeurs d’emploi devaient présenter les certificats de vaccination. Les docteurs devaient avertir le Ministère de la Santé Publique en cas de maladies infectieuses ; tous les lieux publics, écoles et usines devaient être inspectés et désinfectés à intervalles réguliers. Jusqu’en 1940, le service de la Santé Publique dépend du Ministère de l’Intérieur, bien que ses activités aient été régulièrement élargies pendant tout le règne de REZA SCHAH. La construction des hôpitaux allait bon train. Le ‘REZA SCHAH HOSPITAL’ de Mashad était géré par des docteurs allemands et devint un hôpital municipal modèle. La faculté de Médecine se chargeait de former des infirmières et ouvrait des centres de prévention maternelle et infantile à travers tout le pays. De plus, mis à part les villes qui géraient leurs propres hôpitaux, asiles, etc.…, certaines organisations gouvernementales, tels que les ‘chemins de Fer’ les Mines et le Ministère de l’Industrie avaient leurs propres services de santé. Le département de la Santé Publique, aidé par les mass média, avait pour mission d’informer les gens et de les convaincre de la nécessité d’une hygiène rigoureuse. Mais tous les articles de journaux et l’information en milieu scolaire ne pouvaient grand chose contre le manque d’eau, vital pour l’Iran dont nous avons vu que l’acheminement, la purification et la redistribution ne furent jamais organisés. 13 – L’émancipation des femmes Il semble inutile de faire le constat des lacunes et des erreurs commises sous le règne de REZA SCHAH, car le problème était si vaste et les efforts faits si grands que nous pouvons seulement regretter un manque de lucidité quant au caractère des persans en général. Toutefois en parlant de REZA SCHAH et de ses désirs de voir surgir un nouvel état d’esprit, nous mentionnerons son attitude face au problème de la femme, qui semble être l’un des aspects les plus réussis de son régime.

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Les mots prononcés par REZA SCHAH LE 8 JANVIER 1936, à l’Ecole Normale concernant l’émancipation des femmes sont significatifs. ‘I am exceeedingly pleased to observe, that as a result of knowledge and learning, women have come alive to their condition, rights and privileges. As Khanum Tarbiyat has just stated, the women of this country, previously isolate from society,were unable to demonstrate their intrinsic abilities, and to display their inherent capabilities. I should say that they were unable to do their part and render their proper share of service and sacrifice to their dear homeland. Now, however, they are going to enjoy social advantages other than of their outstanding privilege of maternity. We should not forget that up to this time one-half of the population of the country was not taken into account. No statistics of the femele population were taken. It seemed as though women were some other type of individuals who did not form a part of the population of Iran. It is indeed regrettable that there was only one occasion on which a census of women could be taken ; when the country was in sore straights for food enough to feed its people. Then, and only then, a census of the female population would be made for the purpose of estimating the supply of food required. I do not like ostentation and I have no wish to express pleasure about the mesures which have be taken. I am not trying to point out contrasts between today and the old days but you ladies should consider this as a grat day. You should avail yourselves of the opportunities which you now have to improve your country. It is my firm beleif that in order to bring progress and prosperity to our own country we should all work and work wholeheartedly. We must work on behalf of education. Although education is improving as a result of the efforts of government officials, you must never be neglectful of the dire need of the country for activity and work. Better and longer strides should be taken every day for the haouness and well-being of the people. (26) L’émancipation de la femme, entreprise par lui sera la transformation sociale la plus remarquable en Iran. La femme entrant dans le système économique et culturel du pays, signifiait l’agonie de la famille patriarcale. Toutefois, bien que les lois sur le mariage aient été améliorées et revues, et que la discrimination sociale face à la polygamie soit devenue une arme presque aussi efficace, des

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mesures plus concrètes durent être mises en œuvre. Il en fut ainsi que les droits de la femme à hériter à et à divorcer, et l’âge du mariage fut strictement réglementé. D’autres facteurs, ont eu leur rôle à jouer et différentes réformes sociales en furent les conséquences. 3 – La réforme du système éducatif Sous REZA SCHAH, l’éducation de la jeunesse iranienne était totalement coiffée par le Ministère de l’Education qui contrôlait, dirigeait et gérait tous les établissements existants. L’Iran émergeait d’une civilisation mystique et philosophique et lui fallait pénétrer dans un monde scientifique et hautement technique. C’est dire combien vaste était le chemin à parcourir. 21 – La réforme de l’enseignement Cette réforme contenait un grand nombre de mesures dont : - l’envoi des centaines d’étudiants à l’étranger - l’amélioration et la généralisation des écoles élémentaires et secondaires - la création de l’Université de Téhéran - l’introduction de l’éducation physique - la construction de locaux, stades et terrains de jeux - la création « d’écoles normales » dans la Capitale et en Province - l’introduction de l’enseignement technique et des cours du soir pour adultes (27). ‘Une dernière mesure et non pas de moins importantes est le choix de la France, malgré toutes les campagnes défavorables, comme le pays où les boursiers du gouvernement doivent aller parfaire leurs études. Le discours du SCHAH lors du départ, en 1928, du premier groupe de ces boursiers, au nombre de 110 est tout à fait significatif à ce sujet. Après avoir exprimé sa satisfaction du départ en Europe et de ces jeunes gens, il leur dit : ‘Vous êtes envoyés dans une République comme la France. C’est un pays où le patriotisme est très en honneur ; vous aurez à suivre l’exemple des Français et à aimer votre pays autant qu’ils aiment le leur.’(28) La part du budget consacrée à l’éducation était importante et elle manquait profondément le désir qu’avait REZA SCHAH d’en faire un élément important du nationalisme iranien.

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22 – Les établissements créés et les diplômes délivrés En 1922, il y avait en tout et pour tout 612 écoles en Iran (privées ou d’état). Dès 1936, il y avait 4 901 écoles, 257 051 étudiants et 11 370 enseignants. Quatre années plus tard, en 1940, le nombre des écoles était passé à 8 237, celui des élèves à 496 960 et celui des enseignants à 13 646 ; la même année, 12 847 garçons et 4 905 filles obtinrent leur certificat de fin d’études primaire et 645 garçons et 451 filles, leur diplôme de fin d’études secondaires ; 506 étudiants achevèrent leur formation à l’Ecole Normale et 411 jeunes gens furent diplômés de l’Université de Téhéran. En 1922, il n’y avait eu que 15 étudiants diplômés du Dar ul Fanoum. COMPARAISON DE LA CROISSANCE DES ECOLES ELEMENTAIRES EN 1925 ET 1940

Année Nombre Inscriptions Garçons filles Total Enseignan D’écoles totales 1924/25 3 285 108 959 1 496 380 1876 6 089

1939/40 8 281 457 236 10 442 3 367 13 809 13 078

Accroissement 2,5 4 7 9 8 2 (en fois)

Cité par REZA ARATEH – Education and Social awakening in Iran 1850 – 1968 Leiden – E. J. Brill (1969) Source : Statistiques du Ministère de l’Education ‘Statistical Yearbook Téhéran 1940 p. 1 23 – Les objectifs de la réforme du système éducatif Nous pouvons dire que la réforme de l’éducation tendait avant tout à faciliter les buts que s’était fixé REZA SCHAH : Rendre l’Iran forte et indépendante afin de préserver son intégrité nationale ; y promouvoir la prospérité par le développement scientifique de ses ressources naturelles et cultiver ses échanges internationaux ; chasser la pauvreté, la maladie et la misère afin qu’une saine nation aryenne, descendra d’ancêtres héroïques, puisse un jour être à la hauteur des

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vestiges du passé ; occuper une place d’honneur parmi les nations du monde et contribuer au mieux à la culture mondiale. Il devint alors évident combien les traditions et les mœurs de l’Islam traditionnel étaient incompatibles avec les nouveaux objectifs que s’était donné le pays. Voici à ce sujet les mots d’un ancien ministre de l’éducation : ‘… N’importe quel schéma de l’éducation qui ne vise pas à la réussite de ces buts est voué à l’échec, échec qui devient essentiel puisque les voisins de l’Iran, la Russie, avec son plan quinquennal, la Turquie, avec ses méthodes radicales d’occidentalisation, l’Inde, continuellement en marche, vivent des changements rapides et font d’énormes progrès, chose qui peut exercer une influence considérable sur la terre ‘du lion et du soleil’…’ Sadiq expliquait (29) en 1931 que le programme éducatif devant être construit d’après les « désirs » suivants : - créer dans l’esprit des gens une conscience vivante du passé, en leur montrant les grandes entreprises de la race… - former les garçons et les filles à être de bons citoyens pour la Perse moderne. - Apprendre aux tribus et aux gens de la terre comment vivre… faire une maison… préparer la nourriture et les vêtements,… prévenir les épidémies. - Dans les écoles secondaires et … dans les universités il faut préparer les gens doués a devenir des dirigeants et des serviteurs de l’Etat. ‘…Il faut qu’on leur donne une vision de la place de l’Iran, passée et présente, dans le monde, avec l’idéal de mener le pays, par sa culture, sa science, ses techniques, ses affaires et son gouvernement à des niveaux conformes à un Etat progressiste…’ 24 – Les leçons de la réforme REZA SCHAH oublia que son effort devait s’exercer également sur la classe paysanne et qu’en multipliant ses moyens d’instruction et en améliorant son niveau de vie, il eut accru l’essor économique, à vocation essentiellement agricole, de son pays. Huit ans après l’abdication de REZA SCHAH, un groupe d’observateurs américains évaluait le système éducatif en Iran, en ces termes :

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‘La base de son échec a été sa philosophie de l’éducation. Nous pensons que le système scolaire actuel a atteint avec assez de succès, les buts qui motivaient, consciemment ou non ses fondateurs… Celui de produire une élite d’intellectuels, et celui d’instaurer qui pourrait efficacement guider les gens dans leurs actes et pensées. Et cet échec est dû, non pas tant à une déficience technique des écoles, mais plutôt à un changement de philosophie sociale qui rend le système existant anachronique et insatisfaisant. La philosophie de l’éducation, et les détails techniques dans le système scolaire, sont une copie du système traditionnel français caractérisé par : une centralisation totale de l’administration, une méthode autoritaire, des études plutôt théoriques que pratiques, des programmes stéréotypés et surchargés, et une politique de sélection plutôt que de récupération des élèves qui ne concordent pas aux standards arbitraires et plutôt artificiels, des niveaux académiques’. III – La réforme administrative

En application des Lois Constitutionnelles, REZA SCHAH consulta le Madjlesse pour accomplir les réformes administratives qu’il souhaitait. 11 – La fonctionnarisation Le 12 décembre 1922, la Quatrième Madjlesse prépara la première loi régissant le « Fonctionnariat » ou « Service Civil » basée sur des modèles occidentaux, cette loi établissait l’âge, la nationalité, le niveau d’études et les qualifications nécessaires aux divers emplois de fonctionnaire. Cette loi exigeait le passage de concours de recrutement et établissait la hiérarchie ainsi que l’échelle de promotions. Elle édictait enfin, les peines encourues pour des pratiques corrompues ainsi que la réforme des fonctionnaires reconnus inaptes. Ajoutons que les articles 43 à 70 de cette loi établissaient le régime des retraites. 12 – La division du territoire Le pays était divisé – géographiquement et administrativement – en quatre « AYALATS » et en de nombreux « VALAYATS ». Cette division se révéla inadaptée sur les plans économiques et administratifs. REZA SCHAH fit adopter par le parlement les lois du 7 novembre 1937 et du 9 janvier 1938.

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Par ces lois, on abolissait la division en « AYALATS » que l’on remplaçait par une division en dix « OSTANS » économiquement et géographiquement unifiés. Ces « OSTANS » étaient divisés en « SCHAH RESTANTS » qui étaient eux mêmes subdivisés en « BAKHSH ». Des fonctionnaires responsables furent nommés dans chacune des régions ; ils furent directement rattachés au Ministère de l’Intérieur à Téhéran. 13 – Les finances locales Le 20 mai 1930 vit l’adoption de la loi sur les Municipalités, et sept jours après le 27 mai 1930 fut publiée la Charte des Conseils Municipaux. Ces deux textes visaient à réformer l’administration des Municipalités provinciales. Ils prévoyaient que l’ensemble des revenus d’une ville devaient être affectés aux dépenses découlant des améliorations locales . C’était là une concession extraordinaire de la part du gouvernement central. 2 – La reforme du système juridique REZA SCHAH se voua à la réforme du système juridique dès qu’il devint Premier Ministre. Son intérêt pour ces réformes était avant tout motivé par des considérations nationalistes car il désirait abolir le système des capitulations (30). Mais sensible aux critiques étrangères, et ne voulant pas se faire une mauvaise publicité en Europe, il voulait pas se faire une mauvaise publicité en Europe, il entreprit de moderniser, à l’occidentale la jurisprudence. Le 26 avril 1927, de nouveaux hommes, ayant reçu leur instruction en Europe, furent chargés de l’administration du Ministère de la Justice dont la mission était de préparer des codes législatifs. En cette occasion, devant une assemblée des juges et d’avocats réunie au Palais du Gulistan, REZA SCHAH prononça une courte allocution : ‘le prestige d’une nation dépend de la qualité de sa justice. J’attends de vous une conduite honorable qui amènera de suite Justice et Prestige à notre Pays’ (31) 21 – Le code civil Début 1928, une commission du Ministère de la Justice présenta au Madjlesse le premier volume du Code Civil, ainsi qu’un projet de loi concernant la hiérarchie des cours de justice. Le 8 mai 1928, ce code fut approuvé. Il était une laïcisation du Shari’ah sauf pour quelques articles copiés sur le Code Civil français . Le 5 novembre 1928, le 30 avril et le 3 novembre 1929 et le 17 avril et 3

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novembre 1930, le Madjlesse passa un décret donnant tout pouvoir au Ministère de la Justice pour mettre ces nouvelles en pratique ; ceci pour une période d’essai. Après correction ce ministère devait à nouveau les soumettre au Madjlesse pour une législation définitive. En 1929, le Ministère de la Justice présenta les deux autres codes composant la totalité du Code Civil, au Madjlesse, mais celui ci n’étant plus motivé par le problème des « Capitulations » se montra réticent et ce n’est que le 26 janvier et le 30 octobre 1935 que fut approuvée la totalité de Code Civil en trois volumes. 22 – La nomination des magistrats et leurs fonctions En 1936, il y eut un nouveau changement au sein de ces réformes juridiques. En effet une loi passée le 27 décembre 1936, affirmait le laïcisme et l’aspect occidental du système juridique, et concernait, outre la réorganisation de la jurisprudence, le choix des juges. En exigeant certaines qualités précises pour nommer les juges, elle éliminait ainsi nombre de membres du clergé de la fonction juridique. Ces qualités étaient les suivantes : a) Les juges devaient avoir un diplôme de la faculté de Droit de Téhéran ou d’une université étrangère, attestant trois ans ou plus d’études de Droit. b) Les anciens juges du Ministère de la Justice qui ne possédaient pas de tels degrés devaient passer un examen spécial, en droit iranien et étranger de façon à rester au service du ministère et ne pourraient en aucun cas s’élever au dessus du 6ème rang dans une échelle de promotion en ayant II (32) Bien que ce fut inévitable, étant donné l’expansion des cours, l’exclusion d’un grand nombre de praticiens du droit eut de graves résultats. Le Premier Ministre, dans les dernières années du régime de REZA SCHAH a affirmé que : ‘en 1936, s’éleva une crise dans le système juridique de l’Iran, car il n’y avait pas assez de personnel qualifié et instruit pour remplir la grande et nouvelle organisation’ (33) La version finale du Code Pénal, provisoirement promulguée en 1926, fut approuvée en 1940 lors de la 12ème session du Madjlesse. Le nouveau code avait été révisé de façon draconienne, prenant pour modèle le Code Pénal de l’Italie fascistes. Le Code Civil et le Code Pénal reflétaient tous deux l’influence des systèmes

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juridiques européens. L’organisation la juridiction du Tribunal de Première Instance y étaient modelées sur les institutions françaises de 1790. De même les pouvoirs et lieux d’action du Procureur Général étaient l’imitation pure et simple de leurs correspondants français. D’autres exemples de la similitude avec le système français se trouvaient dans les qualifications et rangs prescrits pour les procureurs, experts légaux dans les lois sur l’expropriation et dans toute la procédure de la défense, de la sentence et la demande d’appel. (34) 23 – la laïcisation pu la sécularisation de la loi Le conflit entre l’ancien et le nouveau système législatif fut résolu de manière arbitraire. Le clergé tout puissant ne pouvait être « délogé » que par des mesures puissantes prises par un gouvernement totalitaire. Il est à souligner qu’un seul article de la constitution fut modifié lors des réformes judiciaires, c’étaient afin de donner plus de liberté qu gouvernement quant à la notation et au retrait des juges. Les considérations protégeant le Shari’at demeuraient, mais à présent on les ignorait. A la fin du règne de REZA SCHAH l’influence des lois occidentalisées état considérable, mais toutefois, si les schémas sociaux et culturels changeaient dans les milieux urbains, dans les villages les pratiques ancestrales ne donnaient aucun signe de disparition. 4 – L’unification de l’Armée L’idée d’une modernisation de l’armée avait déjà été soulevée lors des défaites dans les guerres contre les russes. ‘Abbas Mirza avait essayé d’introduire quelques réformes militaires, mais des complots l’empêchèrent d’y donner suite. Sous le règne de Nasser ed- Din Shah (1848-96) quelques autrichien furent employés pour réformer l’infanterie et l’artillerie. 31 – La création d’une armée nationale REZA SCHAH fut le premier à reconnaître la puissance d’une armée unifiée. Instinctivement il comprit la leçon donnée par l’histoire européenne en se souvenant qu’un Etat National unifié coïncide avec le développement d’une armée national stable. Lorsqu’il devint ministre de la Guerre en 1921, il prononça la dissolution de toutes les unités militaires indépendantes et créa ka première armée

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nationale stable unifiée et en uniforme, d l’Iran. La première de ses tâches fut la création d’un corps d’officiers compétents. Il attribua aux officiers de la gendarmerie, ainsi qu’à ses amis de la Brigade Cosaque les divers postes de commandements. 32 – La formation de l’encadrement Dès le début REZA SCHAH était déterminé à préserver l’armée de toute influence étrangère. Malgré le nombre de conseillers étrangers qui vinrent en Iran, seule une poignée d’officiers suédois furent conservés dans l’armée ceci n’implique absolument pas que REZA SCHAH ignorait le besoin d’une assistance occidentale. Pour cela, des officiers tsaristes furent priés d’adopter la nationalité iranienne. De même, il reconnut la nécessité d’envoyer des cadets en Europe et c’est ainsi que le 10 juin 1922, le Madjlesse approuva la demande du ministère de la guerre et consacra 671 600 francs français à l’envoi de 60 candidats dans des académies militaires françaises. Pendant les dix années suivantes, des groupes de jeunes hommes furent envoyés en Europe suivre un entraînement afin de devenir officiers. 33 Le service militaire obligatoire Dès que REZA SCHAH fut certain d’avoir un certain nombre d’officiers, il proposa la légalisation d’un programme universel d’entraînement militaire. Le 6 juin 1925, le Madjlesse vota la loi sur le service militaire obligatoire. Cette loi énonçait que tout citoyen mâle devait être recruté à l’âge de 21 ans pour 25 ans de service militaire. Cette période se subdivisait ainsi : - 2 années de service actif, en uniforme et sous les armes - 4 années de réserve active - 6 années dans la réserve principale - 7 années dans la réserve secondaire - et finalement 6 années en ayant le statut de garde. Cette loi amenait avec elle de nombreux changements sociaux. Durant les deux années de service actif, avaient lieu des cours d’alphabétisation, et d’instruction rudimentaire dans le domaine commercial. L’influence de la vie urbaine était si grande chez les recrues du monde rural ou tribal, qu’il n’était pas rare qu’ils s’installent dans les villes. Il ne fait aucun de doute que le service militaire obligatoire ait faciliter la cohésion de la société. Le 15 février 1936, une nouvelle loi sur la réorganisation de l’armée fut établie. Elle

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donnait de nouveaux noms persans aux divers grades et rangs, revoyait l’ordre de bataille, et établissait maintes autres commodités concernant le monde militaire. La loi sur le service national de 1925 fut remplacée le 19 juin 1938 par une loi révisée. Celle – ci réduisait le temps du service et accordait une promotion plus rapide aux titulaires de diplômes universitaires ou d’écoles secondaires. Selon l’article 16 de l’ancienne loi , les juges des cours Shari’at (cours religieux), les « Ulamas » et étudiants des écoles de théologie, ainsi que le clergé zoroastrien, chrétien et juif étaient exemptés du service militaire. Aux termes de la nouvelle loi, article 62, tous les clergés était soumis à 2 ans de service obligatoire, mais étaient exemptés des autres devoirs de réservistes. Le 26 juin 1938, l’échelle de promotion fut révisée en faveur des officiers ayant des degrés universitaires. 34 – L’équipement de l’Armée Dans ses campagnes contre les tribus rebelles, REZA SCHAH avait appris à apprécier deux armes modernes : les blindés et les avions. Des blindés furent achetés et quelques allemands pilotant des Tunkers furent employés. En 1928, les premiers iraniens furent envoyés en Russie pour apprendre à piloter. Plus tard, on en envoya en France. Des avions furent d’abord achetés aux russes puis aux anglais. La Marine Iranienne du Golfe Persique, naquît après l’achat aux italiens de deux destroyers et de quatre croiseurs de bataille. Des marins iraniens furent envoyés dans les académies navales italiennes de Gênes et Livourne. Les munitions de l’armée provenaient de Tchécoslovaquie, de Suède et d’Allemagne. Selon les statistiques du budget entre 1921 et 1941, 33,5 % du revenu total fut alloué à l’armée. Le résultat des efforts de REZA SCHAH s’avérèrent positifs, car dès 1941, une armée occidentalisée de 400 000 hommes pouvait être mobilisée (35). 1) « REZA SCHAH did respect men who had the courage of their convictions and xere capable, and these individuals were independents, not related in their outlook to the old-line officials, to the flatterers, and to the opportunists. He was also anxious to win over such individuals. If he put them aside from the political scene ; if he was successful, he managed to shackle their initiative. Of these individuals Mustawfi became prime minister a few months later, and ‘Ala’ held diplomatic and cabinet post throughout the regime.

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Taqizadeh became governor-general of Khurasan for a few months, refused the post of minister of foreign affairs and retired from public life for a few years. Mu’t al-Mulk held no other posts. Dr. Muhammad Mussaddiq, one of the most consistently stubborn and determined men to appear on any political scene, remained in opposition until he was exiled to one of his villages.’ D. N. WILBER : REZA SCHAH PAHLAVI : The Resurrection and Reconstruction of Iran, by Donald N. WILBER, 1975, USA p.119 2) Les couches moyennes du clergé ne s’entendaient pas souvent avec l’Etat. « Tout le XIX ème siècle est caractérisé par l’antagonisme de ces deux pouvoirs, religieux et civil, celui ci représenté par la Cour, celui-là par le clergé ou les Mollahs. Bien que ces derniers méritassent beaucoup de reproches pour avoir atteint de corruption et avoir maintenu le peuple dans l’ignorance, on ne saurait nier l’aide efficace qu’ils lui prêtèrent en maintes occasions contre le gouvernement autocrate et tyrannique qui le présurait. En effet, chaque fois que les exactions d’un gouverneur devenaient excessives, le peuple prenait refuge auprès d’un grand Modjtéhéd, seule autorité de taille à se mesurer avec l’oppresseur et même à avoir parfois raison de lui. Le procédé habituel employé par le peuple en cas de protestation contre l’autorité civile était la grève générale. Il fermait le bazar et, sous la conduite du clergé, se rassemblait dans les mosquée ou cherchait asile, bast, dans un sanctuaire. Ce procédé était infaillible ; il faisait tomber des gouverneurs, voire des gouvernements. On comprend aisément quel instrument terrible devenait ainsi le peuple entre les mains des Mollahs. Pendant les vingt premières années du siècle actuel, ils s’en servirent souvent de façon abusive, pour des visées politiques ou des intérêts particuliers. Des notabilités persanes et étrangères se servirent également de cette force, à l’insu du clergé ou même parfois avec la complicité consciente de quelques uns de ses membres, achetés à prix d’or. Ainsi, une mesure gouvernementale, déplaisant à telle légation étrangère, pouvait-elle provoquer, comme par enchantement, la fermeture du bazar et, en conséquence, être rapportée. Le souverain actuel, dès don entrée, en 1921, dans la vie politique, eut à lutter contre le pouvoir des Mollahs. Bien que ces derniers eussent perdu leur prestige, même après du peuple, il semblait représenter encore une force digne d’être combattue. Cette lutte, avec

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ses différentes phases de ménagements, de violence et d’accalmie, est l’une des plus curieuses que l’on ait connues depuis un demi-siècle en Perse. Le souverain finit par remporter un succès définitif : l’arrestation et l’exil de Modarrès, le plus fameux de ces Mollahs – Politiciens, et l’échec de la dernière fermeture du bazar (1927) en signe de protestation contre le service militaire obligatoire et le port du kolah Pahlavi, marquèrent la fin de l’hégémonie des Mollahs et la mort du pouvoir religieux » (Nous avons cité SIASSI malgré quelques réserves) Ali Akbar SIASSI : la Perse qu contact de l’Occident, librairie Ernest LOROUX, Paris 1931, pp. 199-200. 3) Le Madjlessse était essentiellement composé de propriétaires terriens. 4) Nous avons vu précédemment qu’en 1911, l’américain SCHUSTER avait été engagé pour une mission similaire. Il avait été nommé Trésorier Général Chargé de réorganiser le Trésor qui n’était que « Chaos » dans un système archaïque. Voici comment SCHUSTER décrit l’administration des finances dans la province de AZERBAÏDJAN : ‘Pendant mon service en Iran, il y avait un « chef » percepteur d’impôts, ou « Piskhan »à Tabriz … la province elle-même est divisée en un certain nombre de subdivisions sont à leur tour divisées en portions plus petites, entre les mains d’agents percepteurs. Dans la 3ème subdivision les taxes sont perçues par le Chef de village. Le percepteur en chef de Tabriz, par exemple, est amené à collecter et à porter au crédit du gouvernement central à Téhéran une certaine somme d’argent et une certaine somme de blé, de paille et d’autres produits agricoles, et ce , chaque année. Mais mis à part une idée très approximative quant aux proportions que devrait verser chaque district de la région, le gouvernement central ne sait rien quant aux sources des revenus qu’il est supposé recevoir. Son seul lien avec les contribuables est le percepteur en chef de Tabriz. Ce dernier, en retour, sait ce que lui doivent ses agents-percepteurs, mais n’a lui non plus aucune connaissance officielle des sources … L’un des défauts les plus évidents du système des impôts en Perse est que même les ‘Kibabcha’ ne sont pas à jour et ne peuvent servir de base à une égalisation des perceptions’.

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KIBABCHA – c’étaient des livres écrits en un style très particulier composés de feuilles volantes, et dont le contenu n’était clair que pour un percepteur. Chacun d’entre eux, en possédait un correspondant à son district et qu’il considérait comme sien et non comme propriété gouvernementale. 5) TIMURTASH, cité par SHHEAN – The New Persia , New York, 1927, page 138. 6) La création de la Bank MELLI était le premier pas accompli dans la voie du développement économique. ‘The National k was put in the charge of a new team, with Hussayn ‘Ala’ as président. Husayn ‘ala’ had just returned from the post of minister to Fance when he was summoned by REZA SCHAH. The ruler said to him : ‘You are back from Paris Go to the bank and put things in order as the Germans have upset it and public confidence has been harmed in this Bank which I started and in which I am so interested’, “Ala” replied, “Your Majesty, my object has always been to serve my country, but this is a role for which I am not fitted. I have no special qualifications for Banking.” “Qualified”, said the ruler, “who qualified me to become Schah?” Somewhat later,REZA SCHAH laid the cornerstone for a new building of the National Bank. He said : “you know that this establishment, the National Bank of Iran, is a center of the nation’s prestige and honor. It was organized to that end. The slightest shortcoming in this bank would be a great blow to the prestige of the country.” “Today the attention of all friends and foes is centered on this bank. We must be proud if it successful. You must, therefore, exert every effort in the legal performance of your duties. You must, therefore , act as soldiers. A soldier gives his life for his country on the battlefield. You should to the same thing. You must sacrifice yourselves for the prestige of your country. You must realize that I exercise immediate supervision over the work of this establishment and you must consider me as your moral chief. Should I make a precise division of my working hours, I can assure you that half of them are spent on affairs with which this establishment is concerned. I am particularly happy that, in the recent unfortunate incidents in the bank’s affairs, the Iranian heads and employees had no part, and only

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certain Germans were delinquent. I shall continue to pay special attention to all the affairs of the Bank.” Donald N. WILBER : REZA SCHAH PAHLAVI : the ressurection and Reconstruction of Iran, by D. N. WILBER, 1975, U.S.A. pp. 153- 156. 7) A. KERMAN, le revenu habituel voisinait 44 000 Tomans et il passa à 170 000 Tomans. Au BA il était de 18 000 Tomans et il passe à 40 000 Tomans. 8) HADARY ‘The agrarian reform problems in Iran’ – The middle Est Journal printemps 1951 p. 181. 9) Il entreprenait une série de voyages dans les diverses villes de l’Iran. ‘Il en baptisait certaines, changeant leurs anciens noms d’origine étrangère, contre des noms rappelant quelques souvenirs historiques, une légende nationale, ou destinés à immortaliser son nom et celui de sa dynastie. Voici quelques villes de Perse dont les noms ont été ainsi changée : PAHLAVI, au lieu d’ENZELI, sur la Mer Caspienne. REZAÏEH, au lieu d’OURMIEH , ville de l’Azerbaïdjan (Rézaïeh de Réza prénom du souverain actuel). SCHAH-REZA, au lieu de GHOMECHEH, entre Ispahan et Shiraz SCHAHPOUR, au lieu de SALMAS, ville d’Azerbaïdjan ; détruite par des secousses sismiques au début de 1930 et reconstruite suivant un plan nouveau (SCHAHPOUR signifie : fils du SCHAH. C’est ainsi qu’on appelle actuellement le Prince Héritier dont le nom, sous les Kadjars, était VALIAND. Zabol, au lieu de Nostratabad, capital du Sistan. La province du Sistan s’appelait autrefois Zabolestân et sa capitale, Zabol, Rostame, le fameuex héros légendaire persan dont les exploits sont racontés dans le Schahnameh (livres des Rois), l’œuvre épique de Ferdôcy, était originaire de Zabol. Aussi l’appelle-t-on parfois Rostamé-Zaboli. Zahédan, au lieu de Dozdab (Duzdab). Au cours d’un de ses derniers voyages, le SCHAH, mécontent qu’une de ses villes s’appelât « voleur d’eau » ce que Dozdab, en effet, signifie littéralement, ordonna qu’à l’avenir elle porterait le nom de Zahédan, en souvenir d’une ancienne ville, située près de Dozdab et détruite par Tamerlan. Iranschahr, au lieu de FAHRADJE, dans le Baloutchestan.

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Bandar-Schah ou port du SCHAH, sur la mer Caspienne, récemment fondé et devant servir de terminus Nord au chemin de fer transpersan. BANDAR-SCHAHPOUR – ou port du fils du Schah, sur le Golfe Persique près de Mohammerah, également de fondation récente et devant seeeeervir de terminus Sud au chemin de fer transpersan. Aali Akbar SIASSI – La Perse au contact de l’Occident, librairie Ernest LEROUX, Paris 1931, pp. 206-207. 10) Raymond FURON, l’Iran-Perse et Afghanistan, Paris 1951, page 114, cité par J.J. BERREDY in ‘Golfe Persique’, Paris CASTERMAN, 1959. 11) Les difficultés majeures surgirent aussi des programmes commerciaux soviétiques. En partie à cause du coût en temps et en argent, des transports en Iran et en partie à cause de la nature complémentaire de leurs exportations, l’économie de l’Iran du nord a été dépendante du commerce avec la Russie ‘- J. UPTON – The history of Modern Iran (an interprétation) p.61 – Harvard Middle Eastern Monograph Series 1960. 12) ‘Une loi concernant le contrôle des changes fut décrétée : les commerçants devaient obtenir une permission spéciale pour importer des « articles de luxe », et les exportateurs devaient rendre 90% de leur monnaie étrangère au gouvernement au cours d’une période d’un an après son obtention’ – Simmonds – Economic conditions in Iran (Persia) cité par Bharier 13) Dans de nombreux cas, l’Etat transmit ses pouvoirs à des sociétés spécialisées dans le commerce des produits concernés. C’est le cas pour le sucre, le thé, l’opium, la soie , le coton, l’avoine, les fruits secs, le caoutchouc… Dans ces monopoles les produits étaient achetés à prix fixes. Le paysan en bénéficie car c’était pour lui l’assurance d’un marché à taux connu, bénéfice contre balancé par l’accroissement du nombre de visiteurs gouvernementaux. Le prix des biens importés était fixé au-dessus du niveau mondial en cours, et le gouvernement en tirait des bénéfices substentiels. Les bénéfices de ces monopoles et le revenu des taxes normales et spéciales fournirent les fonds nécessaires à la création d’industries d’Etat. 14) Cf. G. Fuerstenan, Das Verkehrs Wesen Iran (non publié 1935) 15) “On October16, 1927, REZA SCHAH broke ground for the Trans Iranian railroad with a silver pick and a silver shovel, and at that

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moment orders were flashed by wire for construction to begin at Ahwaz and Bandar Gaz. Then REZA SCHAH spoke ; “Today, sith the aid of Allah the exalted, another step toward carrying out one of my dearest desires is accomplished . This desire is fulfilled as I dedicate the site of the railroad station at Teheran and as I order construction begun today on the Transiranian railroad both in the north and the south, that is, at Ahwaz and Bandat Gaz. “Inasmuch as all my wishes and thoughts are directed toward the progress, properity, and happiness of my country and people, the railroad construction is, I beleive, an important factor in bringing prosperity to the country. I have always thought that the construction of the railroad must go forward. The first step was taken when the fifth Majlis approved the proposal tahat all funds from taxes on sugar and tea should go to the cost of the Transiranian line. Therefore, I sy that the fifth Majlis acted according to my wishes and that is has a place in my heart. The fifth Majlis has left a commendable record in Iranian history. The sixth Majlis also shares its honors in History for its efforts to carry ahead with the construction of the Transiranian railroad. My expectations regarding this line call for speedy action in all its phases, and I have emphatically expressed my desire that all activity connected with the railroad must go forward rapidly. “I can scarecely express my joy as I take part in this celebration and inaugurate the construction. As we carry out this vital plan a plan, on which national hapiness and prosperity depend, we seek divine assistance for us all.” Donald N. WILBER : REZA SCHAH PAHLAVI : The resurrection and reconstruction of Iran, by D.N. WILBER, 1975, U.S.A. p. 125. 16) cf Laurence Lockart ‘Famous Cities of Iran (Brentford England 1939) pp. 11-13. 17) “Avec brutalité, maladresse parfois, REZA a quand même réveillé un vieux peuple qui se mourait. Il était violent, « terrifiant », même, c’est son fils Mohammed REZA SCHAH qui nous le dit. Il avait des colères si brutales que durant ces crises il brisait tout en rossait ses ministres. Il méprisait les courtisans écrasés devant lui et avait le goût de la « moquerie sauvage ». Le Parlement n’avait qu’une existence factice, le Chah nommant les députés comme les simples fonctionnaires. La police était toute-puissante et le Chah faisait arrêter ou disparaître ses adversaires sans le moindre scrupule.

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Son âme damnée était un médecin qui faisait aux « indésirables » une piqûre d’air dans les veines, ce qui provoquait des embolies. Mais il n’en reste pas moins que l’ancien cosaque a accompli une œuvre bénéfique, nécessaire, que dans un pays aussi désordonné, anarchique et bavard aucune démocratie n’aurait pu réaliser. Un ami, qui appartenait , en 1937, à l’entourage de REZA SCHH, me raconta cet entretien auquel il avait assisté : ‘REZA SCHAH convoqua un jour un colonel du génie pour lui donner l’ordre de construire un bâtiment . Le colonel était figé dans un garde-à-vous impeccable, la main à la visière de la casquette, le ventre effacé, raide comme un piquet. ‘Le vieux Schah, courbant un peu sa haute taille, passait et repassait devant lui, les mains derrière le dos. ‘- Tu m’entends, lui disait-il, je veux que tu me bâtisses ce bâtiment de telle et telle manière. Tu m’as demandé entre douze et seize milles tomans. Je t’accorde seize mille tomans, mais je tiens à ce qu’il soit construit de la façon que je t’ai indiquée. ‘Trois fois REZA SCHAH répéta la même chose, et trois fois le colonel répondit : ‘- aux ordres de Votre Majesté. Quand il fut sorti, le Schah se tourna vers mon ami. C’était alors un jeune étudiant revenant d’Europe. ‘- Tu crois que je suis gâteux, n’est-ce pas ? non, je ne le suis pas, mais il fallait que je répète trois fois la même chose à ce colonel pour qu’il veuille bien comprendre ce que je désire. Il ne m’écoutait pas, mais réfléchissait à la façon dont il pourrait s’y prendre pour gagner le plus d’argent possible. Je pense qu’il pourra s’arranger pour mettre dix huit mille tomans dans sa poche. Je veux bien, mais au moins qu’il exécute mes ordres. Comme le jeune écarquillait les yeux, le roi daigna lui expliquer : ‘- Pour construire ce bâtiment , il va avoir à sa disposition un régiment du génie de Téhéran, donc la main-œuvre ne lui coûtera rien. Dans ce régiment font leur service la plupart des fils des gros entrepreneurs de la capitale. Sous le prétexte les plus variés, il va les mettre en prison. Il préviendra ensuite leurs parents et leur fera savoir que s’ils veulent un jour les en voir sortir, ils devront fournir, l’un tant de briques l’autre du ciment, un troisième des poutres, etc.… les parents

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s’exécuteront. N’ayant déjà pas à payer de main d’œuvre, il n’aura pas non plus à payer des matériaux. ‘ – Cela fait seize mille tomans, Votre Majesté. ‘ – Non, dix huit mille. Comme il aura demandé plus de matériaux qu’il n’en est nécessaire, notre colonel pourra encore revendre le reste, ce qui lui rapportera au moins deux mille tomans. Fais le compte. Mais moi, j’aurais mon bâtiment. Jean LARTEGUY : Visa pour l’Iran, Editions Gallimard, 1962, pp. 137-39. 18) On abandonnait le costume traditionnel pour s’habiller à l’européenne. a) C’était le premier pas vers l’occidentalisation. ‘le problème social constituait dans l’européanisation du Persan, on estima que l’imitation de la tenue extérieure ne manquerait pas d’aider à l’adoption des idées ; que le Persan en abonnant sa longue robe, son aba, son bonnet qui semblaient servir d’emblème et de refuge au traditionalisme, capitulerait définitivement devant la poussée de la civilisation occidentale à laquelle il se livrerait désormais sans honte et sans contrainte. Et de fait, habillé d’un veston court et d’une coiffure à visière, il paraît moins gêne dans la marche vers le progrès moderne.’ Ali Akbar SIASSI : La Perse au Contact de l’Occident, librairie Ernest LEROUX, Paris 1931, pp. 205-206 b) ‘ On December 28, 1928 the uniform dress law was passed by the Majlis.’Uiform clothing’ was not defined by the law. However, the Persians were to wear Western clothing and the Pahlavi cap. Although the law was not to become effective for some time the police began at once , in Teheran and elsewhere, to enforce its terms. Several legations complained that their messengers, clad in traditional costumes, had been assaulted and abused as they went about their normal business. Donald N. WILBER : REZA SCHAH PAHLAVI : The Resurrection and Reconstruction of Iran, by D. N. WILBER, 1975 USA p. 130. 19) E. SUTTON – Modern Iran, Londres, Téhéran, 1949, pages 127- 128 20) Et (3) Cf Modernization of Iran 1921-1941 Amin Banani 21) Si un paysan tombait malade, les seuls remèdes dont il disposait, étaient de fabrication domestique. En tête de ces médicaments

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venaient l’opium qui était en fait le seul moyen pour ces hommes de soulager leurs souffrances physique dues à la maladie, aux accidents à la faim et au froid. C’est pour cela que l’opium était si répandu en Ian et que son déracinement est si difficile. 22) Cf Ligue des Nations – Report on an Investigation into the sanitary condition in Persia – Genève 1925 p. 12. 23) En 1925, La Ligue des Nations jugeait cet institut comme étant ‘la section la plus efficace de l’administration sanitaire persane’. 24) ‘My sisters and daughter , now that you have entered society and moved ahead for your own happiness and the welfare of your homeland, you must bear in mind that it is your duty to work. The future happiness of the country is in your hands. You are to be the educators of the next generation. Be good teacher so that you may educate good pupils. ‘I expect you learned women who are now becomming aware of your rights, privileges and duties to serve your motherland, to be content and economical, and to become accustomed to saving and to avoiding luxuries and extravagance.’ Donald N. WILBER – Reza Schah Pahlavi – The Resurrrection and Reconstruction of Iran, 1878-1944, by D. N. WILBER, 1975, USA ; p. 173-74. 25) Malgré tous ses efforts le pays n’atteint pas son but. La Constitution de 1906 et l’article 33 de la loi Fondamentale pour l’extension de l’éducation stipulaient la gratuité et l’uniformité pour tous les enfants entre 7 et 13 ans. Ce but ne fut jamais atteint car le nombre total des enfants inscrits ne dépassa jamais 15 % des enfants en âge d’aller à l’école : ceci est du en grande partie aux structures sociales inchangées (surtout dans les campagnes) localisant ainsi l’éducation aux classes moyennes des zones urbaines. Il faut noter aussi l’importance du facteur géographique, le manque de transports et une mauvaise économie qui empêchaient un bon enseignement rural. 26) a)Ali Akbar SIASSI : La Perse au contact de l’Occident, Librairie Ernest LEROUX , Paris 1931, p. 207. b) ‘In September, 1930 the SCHAH addressed one hundred students , who were about to leave for study abroad, in these words : ‘Our chief aim in sending you to Europe is that you should receive a moral education, for we note that Western countries have acquired a high standing as a result of their thorough moral education. Were it merely

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for scientific instruction it would not have been necessary to send you abroad. We could have engaged foreign instructors.” Turning to the minister of education he went on, “You should take care to select the countries which pay proper attention to moral education and you should send the students there. Certain foreign countries are poor in this respect. In so far as scientific instruction is concerned all are alike but some are exedingly strong and advanced in moral education. I hope that I shall send my son with the mission next year. I have thought about it a great deal and have come to the conclusion that I have to send him. Unfortunatly, the means available abroad are unhappily lacking here. We are obliged to admit that we are one people and they are a different people.’ His viewws on education and other subjects were given at this time to a journalist and author, Rosita Forbes. In answer to a question as to whether it was advisable to educate the best young men in Europe, the expanded on the theme of his talk to the students. ‘It would be much better to educate them here in the country where they are going to live, and with whose progress they must inevitably be concerned,’ said the Schah, ‘But we have not yet the necessary machinery. We need aall sorts of technical experts, end these must, for the moment, be trained in Europe, but I hope the young men we send every country. I don’t want to turn the Persian into a bad copy of a European. That is not necessary, for he has mighty traditions behind him. I mean to make out of my countrymen the best pssible Persians. They need not be particularly Western or particulartly Eastern. Each country has a mold of its own, which should be developed and improved until it turns out a citizan who is not a replica of anyone else, but an individual sure of himself and proud af his nationality.’ He went on to say, ‘The Persian character has got to be hardened. For too long my countrymen have relied on others. I want to teach them their own value, so that they may be independent in mind and action.’ Donald N. WILBER – REZA SCHAH PAHLAVI : The Resurrection and Reconstruction of Iran, by D. N. WILBER, 1975, U.S.A. pp. 135- 136. 27) Sadiq – modern Persia and her educational system (New york 1931) pp. 83-85. 28) Capitulations : conventions réglant jadis le statut des étrangers principalement dans l’Empire Ottoman.

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29) Cité par Daftari – la suppression des Capitulations en Perse (Paris 1930) pp. 179-80. 30) Cf. Amin Banani – Modernisation of Iran, pp. 77-80 (Standford University Press 1961) 31) Matin Daftari – La procédure des Tribunaux p. 12. 32) Matin Daftari – La procédures des Tribunaux pp. 194-244, 296- 301, 3199-20,459, 509. 33) Il faut noter aussi la sédentarisation des tribus qui devrait changer profondément la société iranienne ; ‘… Il s’attaque aux grandes tribus toujours remuantes, toujours prêtes à se soulever et à accepter l’aide de l’étranger. Les tribus forment près du tiers de la population totale de la Perse. Habitant généralement le long des frontières, ayant souvent leurs pâturages dans un pays voisin, elles sont très facilement accessibles à la propagande étrangère. Tant que ces tribus armées existeront en Perse, aucun gouvernement ne pourra se dire vraiment maître du pays, car ces tribus versatiles, aimant la guerre et le pillage, seront toujours prêtes à brûler de la poudre et à servir les intérêts de ceux qui leur en donneront. Aussi REZA SCHAH décide d’en finir avec elles. Mais il n’y arrivera pas complètement puisque quatre ans après avoir perdu son trône, en 1945, elles prenaient une sanglante revanche. Les Kashgïs, à Semeroun, à côté d’Ispahan, mettaient en déroute l’armée iranienne, tuant les officiers, et renvoyant les hommes presque nus. Les tribus ne demeureront que pour peu de temps encore un facteur important de la politique iranienne. Le monde moderne les a condamnés comme tous les nomades, et la dernière intervention des chefs Kashgaïs en faveur du docteur Mossadegh ne servit à rien … qu’à les envoyer en exil…’ Jean LARTEGUY – Visa pour l’Iran, Editions Gallimard, Paris 1962, pp. 118-119.

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CHAPITRE TROISIEME

____ LA VIE POLITIQUE ET LE DECLIN DE L’ACTIVITE COMMUNISTE

I - CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE REGNE DE REZA SCHAH 1 – Une dictature Le régime politique de l’Iran, sous le règne de REZA SCHAH peut aujourd’hui se définir comme un régime autocratique progressiste né de l’action inefficace des gouvernements faibles, à une époque où le progrès inexistant était souhaité par tous. Feidonne SAHEBJAM écrit que : ‘… Ce régime marque la transmutation brusque et nécessaire d’un Etat féodale, la Perse, en un Etat militariste et centralisé du XX ème siècle, l’Iran. …’ (1) Il poursuit sa description (2) des conditions socio-politiques en insistant sur les caractéristiques particulières mises en place par REZA SCHAH pour conserver, voire consolider le régime nouvellement instauré : ‘… Un système policier particulièrement efficace – trop même au goût de certains – fut mis sur pied, qui devint l’organe le plus puissant du pays et avait pratiquement à sa merci la vie et la fortune de tous : désormais la vie en Iran devait se pratiquer au grand jour, à la vue de tous, dans la probité et les respects d’autrui. ..’(3) Quant à la constitution démocratique parlementaire qui était celle de l’Iran avant : l’avènement de REZA SCHAH, elle fut pratiquement vidée de son sens. Feidonne SAHEBJAM (4) écrit à ce sujet : « … Les libertés individuelles supprimée, il n’existait en fait ni élections libres, ni journaux libres, ni partis politiques, institutions indispensables au fonctionnement des régimes démocratiques.. .

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L’auteur poursuit son exposé en ajoutant que cette semi- dictature fut assez positive dans la mesure où le pays avait besoin d’un homme fort pour le sortir de la torpeur et de la nonchalance dans laquelle il était noyé. 2 – Le pouvoir personnel REZA SCHAH entreprit toutes les réformes que nous avons exposées en s’attaquant au régime féodal, aux ecclésiastiques, à l’administration et aux hommes d’Etat. Il écarta de son chemin tous ceux qui n’avaient pas abandonné les idées qui n’étaient pas les siennes. Nombreux sont les témoignages qui rappellent la crainte qu’il inspirait à ses ministres et à ses collaborateurs . Il élimina ainsi de la scène politique un certain nombre d’hommes de valeurs. Parmi ces hommes on note : MODARESSE, homme politico-religieux et ancien député ; TEYMOUR-TACHE, ancien député et ministre de la cour ; le prince FIROUZ, ministre des Affaires Etrangères puis des Finances ; SARDAR ASSAD BAKHTIARI, chef de la tribu des Bakhtiari et ministre de la Guerre ; SARDAR ACHAYER, député et chef de la tribu des Ghashghais ; DAVAR, ministre de la justice puis des finances, etc… 3 – En guise de bilan A force d’éliminer ses collaborateurs, ses serviteurs et ses amis, REZA SCHAH se trouva peu à peu dans l’obligation de tout surveiller et diriger seul … comme un dictateur. Sa dictateur a complètement paralysé l’évolution de l’Iran vers une véritable démocratie et nous verrons dans le courant de ce chapitre comme seuls les communistes, au moyen d’artifices divers, tentèrent de lutter contre le gouvernement central. REZA SCHAH (5) fut un monarque dynamique et énergique ; il réorganisa le pays et éleva le niveau de l’instruction ‘… conditions indispensables à tout régime qui se veut démocratique…’. Son régime dictatorial permit au peuple iranien de réagir sainement puisqu’il fut à même de comparer le système en vigueur sous REZA SCHAH, avec par la suite, le système démocratique et libéral auquel il demeure encore aujourd’hui attaché. II – LE PARTI COMMUNISTE PERSAN (P.C.P.) 1 – La doctrine du Communisme international sous le règne de REZA SCHAH

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II – Le deuxième congrès de l’Internationale Communiste Le Second Congrès de l’Internationale Communiste se réunit en 1920. Au cours de ce congrès, Lénine exposa la doctrine révolutionnaire officielle ; qui reconnaissait la nécessité d’assister les mouvements de libération démocratique bourgeois dans les pays colonialistes et arriérés. Il déclara également qu’il fallait assister la paysannerie contre les gros propriétaires terriens et les survivances diverses de la féodalité. Cette position souleva un certain nombre de controverses, notamment de la part des communistes asiatiques représentés par le Persan SULTAN ZADEH et l’Indien ROY. La position de Lénine fut malgré ce maintenue puisqu’elle demeura le guide des Partis Communistes Orientaux jusqu’en 1927. Durant toute la période 1920-1927, on peut dire que le COMINTERN, sous estima le rôle joué par les intellectuels sous les divers mouvements nationaux. Leur volonté de changer les choses était flagrante mais les organes communistes – qui ne les reconnaissaient pas comme étant des leurs – les considéraient forcement comme suspects. C’est ainsi que pour imager ce comportement, WALTER Z. LAQUEUR (6) explique qu’au cours du quatrième Congrès du COMINTERN ; le dénommé SAFAREV se plaignit de la force des mouvements nationaux et de la prédominance de l’intelligentia dans leur direction ; il exprima ainsi le souhait qu’après ce stade initial, les Partis communistes soient ‘capables de progresser’ c’est à dire de se substituer à ces directions. Le même auteur expose les positions de STALINE et les réponses qu’apportaient BOUKARINE. STALINE pensait qu’il était temps pour les Partis Communistes des pays orientaux de passer du stade des Fronts Unis Nationaux à celui d’un bloc révolutionnaire composé de travailleurs et de petits bourgeois. Mais en 1926, BOUKARINE mit l’appareil en garde contre la tentative de vouloir prédire la forme précise que prendrait la révolution en Orient ; à son avis, elle serait entièrement nouvelle et ne pourrait être la répétition de ce qui s’était passé en Union Soviétique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les dirigeants communistes du COMINTERN étaient plus que confus, quant à la politique à mener en Orient et l’orientation nationaliste des mouvements qui naissent et des

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soulèvements qui en découlaient (tant en Turquie qu’en Perse ou en Chine) n’étaient pas faites pour clarifier les choses. 12 – Le sixième congrès du COMINTERN Au cours du sixième congrès du COMINTERN qui se tint en 1928, la politique communiste vis à vis des mouvements nationalistes fut complètement remise en question. La nouvelle politique décidée rejetait toute forme d’alliance entre les partis communistes et l’opposition réformiste. Le COMINTERN opta pour une indépendance totale des partis communistes et une lutte permanente contre les mouvements nationalistes bourgeois. Ce mouvement étaient réformistes et souhaitaient à vrai dire rejoindre le bloc des impérialistes après leur indépendance. L’International Press Correspondance (7) définit la position du COMINTERN et explique que les Partis communistes devaient absolument préserver leur identité et refuser d’être absorbé par d’autres mouvements de libération nationaux plus vastes. 13 – Le septième congrès du COMINTERN La politique communiste proposée en Orient se limitait surtout à la nécessité de réveiller les masses paysannes par une Révolution Agraire. Le septième Congrès du COMINTERN se tint en 1935. Il dénonça le danger contenu dans la politique nazie de l’Allemagne et déclara la nécessité d’organiser un vaste front populaire. L’absence de mouvements libéraux ou socialistes forts en Orient s’opposait à l’organisation d’un tel front constitué dans ces régions le serait sur une base anti-impérialiste. Les Communistes remettaient ainsi en cause la politique conduite depuis 1928. L’appareil du COMINTERN leur ordonna de ne plus chercher à obtenir la direction des alliances conclues avec les partis bourgeois et même d’abandonner bon nombre des objectifs révolutionnaires, y compris la réforme agraire pour laquelle ils avaient combattu durant des années. 2 – Le déclin du Parti Communiste Persan 21 – L’époque forte du P.C.P. Nous avons exposé dans la première partie de notre étude comment, après l’effondrement du mouvement Jangali et de la République du Guilan, la Perse avait été abandonnée en tant que

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terrain pour l’expansion du communisme. Après la mort de HAYDAR KHAN, le P.C.P. avait revêtu un caractère conspirationnel. Ce qui restait de son ‘comité central s’établit à BAKOU vers la fin septembre 1921, et SULTAN ZADEH, représentant de l’aile gauche, devint le chef de la section du Proche Orient au Commissariat des Affaires Etrangères à Moscou. A ce poste, il était capable d’exercer une influence considérable sur le futur développement de la diplomatie soviétique en Perse. Vers la fin 1921, le gouvernement soviétique avait exécuté un revirement dans son attitude face aux mouvements révolutionnaires puisqu’il se montra prêt à observer une attitude correcte envers le gouvernement central de Perse, avec qui il était désormais en relations diplomatiques. En fait, les soviétiques n’abandonnaient pas leur diplomatie révolutionnaire et ils continuèrent à aider le Parti révolutionnaire et ils continuèrent à aider le Parti communiste Perse sous le couvert du COMINTERN. Le P.C.P. était très actif auprès des travailleurs et des paysans ; il leur dispensait une formation politique et les aidait à créer des organisations syndicales dans les villes et des associations paysannes dans les campagnes. Cette méthode de pénétration des couches laborieuses se justifiait par le fait qu’il ne fallait pas les brusquer dans un système de recrutement car les ‘conditions objectives’ n’étaient pas favorables à une telle action. Le Parti Communiste Persan enregistre semble-t-il quelques succès puisque, d’après SULTAN ZADEH il comprenait à la fin de 1921 : - 4 comités de district - 4 500 membres (8) Le journal soviétique IZVESTIA exprima sa satisfaction pour le travail accompli par les communistes en Perse et prédit que les travailleurs Persans, solidement organisés en syndicats, étaient prêts à emprunter la même voie que la classe ouvrière russe (9). 22 – REZA KHAN et les Syndicats En 1921, la Perse comptait une dizaine d’organisations syndicales représentant diverses corporations comme les boulangers, les imprimeurs, les postiers, les tailleurs, les fonctionnaires, etc… Au total, ces associations comptaient plus de dix mille membres.

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Or, en février 1922, REZA KHAN entra en conflit avec le Madjlesse et les organisations syndicales accordèrent leur soutien actif au premier contre les députés du second. L’opinion de ces syndicats était publiée dans le journal « HAQIQAT » ce qui signifie « La Vérité ». Ce journal était dirigé par un comité de rédaction comprenant des communistes comme le vétéran de la République Soviétique du Guilan : JAVAD ZADEH. La démarche politique du HAQIQAT était typique des groupes démocratiques et libéraux ; elle comprenait des revendications par la levée de la loi martiale, l’amnistie de tous les prisonniers politiques, la confiscation et la redistribution des terres de ceux qui avaient abusé des paysans, ainsi que la distribution des terres d’Etat aux paysans (10). 23 – Le quatrième congrès du COMINTERN Pendant que le pouvoir de REZA SCHAH se confirmait, les activités communistes commencèrent à décliner en Perse. Au cours du quatrième Congrès du COMINTERN qui se déroula en novembre et décembre 1922, un rapporteur allemand (11) annonça que les forces du Parti Communiste Perse se limitaient à moins d’un millier adhérents dont à peine la moitié était ajour de sa cotisation. Cette diminution fut confirmée par un membre de la délégation persane, NIK-BIN, qui annonça (12) que les adhérents étaient effectivement moins nombreux, mais que le P.C.P. avait privilégié , avec succès, le noyautage des organisations syndicales et de la presse. Selon NIK BIN, la principale tâche du Parti était de créer un large front anti-impérialiste où pourraient se retrouver tant les démocrates que les nationalistes, mais où les communistes de P.C.P. conserveraient un rôle de premier plan. Il pensait que les perspectives du Parti s’amélioraient grâce à la croissance latente du prolétariat industriel. 24 – Le cinquième congrès et la chute du P.C.P. Les vœux et les ambitions de NIK BIN ne se réalisèrent pas et le P.C.P. continua à décliner. Le cinquième congrès du COMINTERN se tint à Moscou du 17 juin au 8 juillet 1924. Au cours de ce congrès, le délégué russe PIATNITSKY présenta le rapport de la commission chargée d’évaluer les forces des partis membres de la Troisième Internationale. Lorsqu’il en vint au Parti Communiste Persan il rappela qu’après avoir annoncé mille membres au cours du précédent

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congrès, le parti Communiste Persan il rappela qu’après avoir annoncé mille membres au cours du précédent congrès, le Parti communiste Persan n’en avait plus que six cents ce qui ne lui accordait que deux votes décisifs (13). Le déclin du P.C.P. prend toute sa dimension lorsqu’on compare la situation en 1924 avec celle de 1921 où il obtint au cours du Troisième Congrès du COMINTERN dix votes décisifs correspondant aux quatre mille cinq cents membres qu’il annonçait. 3 – Le deuxième congrès du Parti Communiste Persan Le déclin du P.C.P. déjà critique en 1924 s’accentua jusqu’en 1927 (14). Les Communistes décidèrent de réunir leur deuxième congrès à URUMIYEH (15) en décembre 1927. Ce congrès coïncidait avec les nouvelles orientations qui alliaient être annoncées par le sixième COMINTERN que nous avons évoqué au début de ce chapitre. Le deuxième congrès du Parti Communiste Persan souhaitait répondre aux nouvelles directives internationales et définir l’attitude qu’il adopterait face à REZA SCHAH qui était maintenant installé sur le trône. 31 – Le report sur la situation de la Perse Quelques temps avant le sixième Congrès du COMINTERN un rapport sur la situation conjoncturelle de la Perse fut publié (16). Ce rapport conseillait, en fait, une ‘attitude correcte’ face à REZA SCHAH et affirmait que la Perse était encore un pays semi-colonial pratiquement dominé par les britanniques. L’A.I.O.C. (17) (Anglo-Iranian Oil Company) régnait sur le dus, exerçant sous contrôle sur REZA SCHAH qu’elle avez aidé à écraser le mouvement révolutionnaire qui avait donné naissance à la République Soviétique du Guilan. Les anglais menaçaient REZA SCHAH de l’agitation des tribus. Le rapport poursuivait une analyse en soutenant que le P.C.P. demeurait le seul groupe politique organisé, puisque l’ancien parti démocrate avait disparu et que les ultimes tentatives pour organiser des élections avaient échoué. Ce rapport déclarait également que les organisations syndicales ne constituaient pas une force politique ; il condamnait REZA SCHAH qui avait acceptait le soutien de ces organisations dans sa lutte contre la dynastie des QUADJARS, puis de les avoir éliminée après son accession au Trône.

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32 – Les conclusions du deuxième congrès du Parti Communiste Persan Lors de son deuxième congrès (18) le Parti Communiste Persan ne manqua pas de critiquer à son tour les ‘idées opportunistes de certains leaders du parti’ qui considéraient que le régime de REZA SCHAH constituait un progrès réel et qui pensaient que le Parti n’était pas assez fort pour renverser le nouveau régime. Autre conclusion du Congrès : le chemin à suivre pour instaurer en Perse une République Populaire. Le Congrès estima qu’il fallait organiser les travailleurs, les paysans et la petite bourgeoisie dans une lutte commune contre REZA SCHAH. Cette étape était considérée comme la seule voie pour assurer une République Populaire, c’est à dire : ‘… le gouvernement d’une dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie…’

SULTAN ZADEH prépara un rapport sur les conclusions de ce deuxième congrès du P.C.P. Dans ce rapport, il expliquait que le parti avait dû faire face au cours des sept dernières années, à plusieurs tentatives du gouvernement qui souhaitait en étouffer l’organisation et en interdire l’existence légale. Il rappela que le 1er congrès du P.C.P. avait concentré son attention sur la lutte contre l’impérialisme britannique et la dynastie des QUADJARS et que ce même genre de combat était encore nécessaire en 1927 contre la dynastie des PAHLAVIS. Concernant l’attitude du parti face au nouveau SCHAH, SULTAN ZADEH fit référence à certains des délégués du 1er congrès qui avaient affirmé que la fin de l’occupation britannique assurerait la libération complète de la Perse (19). Maintenant que c’était chose faite, il signala que ce ne fut qu’une pieuse pensée car le régime de REZA SCHAH représentait un surcroît de féodalisme, tout aussi dramatique pour la libération de la Perse. A son avis, le départ des troupes anglaises ne signifiait en aucune façon la capitulation mais simplement un changement de tactique dont REZA SCHAH qui n’avait entrepris aucune lutte contre l’impérialisme britannique et le féodalisme terrien était le complice. SULTAN ZADEH ajoute que (20)

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‘… le congrès du Parti avait de façon autoritaire mis fin aux futiles chamailleries nées quant au rôle libérateur de REZA SCHAH et de la nature bourgeoise de son coup d’Etat. Il démontrait également que, loin de contribuer en quoi que ce soit à la libération nationale du pays, REZA SCHAH était devenu en peu de temps un grand propriétaire terrien, resserrant ses liens avec l’aristocratie féodale dans plusieurs régions …’

4 – Les derniers jours du Parti Communiste Persan 41 – Les tactiques de l’agitation Le Parti Communiste Persan réussit à conserver une certaine influence dans les associations de professionnels et dans les organisations syndicales et fut constamment mêlé aux diverses agitations ouvrières. Dans une étude publiée (21) en 1956, MOSTAFAFATEH raconte qu’au printemps 1929, les leaders d’une grève entreprise par les ouvriers des industries pétrolières du KHUZISTAN se révélèrent être des membres du Parti Communiste Persan qui avaient déjà fait leur preuve dans d’autres affaires similaires. Dans son entreprise d’agitation, le parti utilisa une tactique qui consistait à se servir, en guise de couverture d’organisations – souvent non politique et ce dans le but de tenir cachée l’appartenance au parti des responsables- agitateurs. En 1931, nombre de ces organisations furent découvertes sous le déguisement de clubs culturels ou sportifs, comprenant notamment une organisation importante de RECHT dont les membres étaient d’anciens communistes du Guilan.

42 – L’Interdiction du Parti Communiste Persan Ces tactiques indisposèrent le gouvernement de REZA SCHAH qui soumit au Madjlesse, en juin 31, un projet de loi visant à proscrire toute organisation politique, authentique ou non, engagée dans une activité ou une propagande communiste. Ce projet de loi stimulait (22) que : ‘… toute personne en Iran qui sous quelques noms que ce soit ou prétexte constitue et dirige un groupe, une association ou une faction de cela, dont le but et la conduite s’oppose à la monarchie

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constitutionnelle Iranienne, ou contient une idéologie communiste… toute personne qui devient membre d’un groupe d’une association, ou d’une faction de cela constitué pour poursuivre l’un des deux buts sur mentionnés... Tout Iranien qui est membre d’un groupe ou association qui vise à s’opposer à la monarchie constitutionnelle iranienne ou prône une idéologie ou une conduite communiste, même si ce groupe ou association est formé à l’étranger… sera puni d’un emprisonnement allant de 3 à 10 ans …’ Ce projet de loi fut rapidement accepté ; il était la preuve évidente de l’orientation anti-communiste du régime, orientation qui aurait dû déterminer l’attitude à tenir par les communistes face à REZA SHAH. Quoiqu’il en soit, le comportement du SCHAH suffisait à déconcerter les communistes, ainsi qu’ils le prouvèrent par leurs réactions lors de l’affaire de la concession pétrolière de D’ARCY qui eu lieu fin 1932. 43 – l’affaire du pétrole La concession de d’ARCY se trouvait au KHUZISTAN, région où les communistes avaient continué à semer une agitation anti-britannique. Des éléments nationalistes de différents genre s’allièrent au SCHAH et le 27 novembre 1932, le gouvernement annula la concession comme étant injuste et contraire aux droits de souveraineté de la Perse. Les communistes accueillirent cette mesure comme une nouvelle occasion d’agir contre les Anglais, mais à telle enseigne, qu’au moins implicitement, ils furent obligés de soutenir le régime de REZA SCHAH … L’affaire du pétrole posa un rude problème au P.C.P. pour qui il s’agissait de savoir comment soutenir le gouvernement dans sa lutte contre l’impérialisme britannique sans être identifié aux attitudes politiques globales de REZA SCHAH. L. MAZYAR explique brillamment (23) les décisions prises par le Parti Communiste Persan dans cette affaire qui chercha à s’établir une ligne de conduite ‘… opportuniste et pragmatique…’ Les communistes rejetèrent l’idée que la politique pétrolière de REZA SCHAH ait pu contenir des éléments réformistes ou progressistes… et ils affirmèrent qu’elle était dictée par le but, limité, de s’assurer de meilleur paiements par la compagnie pétrolière. Ils promirent alors l’expropriation comme seul moyen pour récupérer les ressources naturelles de la Perse détenues par les britanniques. Pour appuyer ses propositions, le Parti Communiste

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Persan chercha à créer un mouvement de masse auprès de la classe laborieuse. Il s’employa à mobiliser les travailleurs de l’industrie et plus particulièrement ceux du pétrole (24) puis à élargir la lutte jusqu’à ce qu’elle débouche sur les thèses purement communistes. 44 – l’intellectualisation du mouvement Après le règlement de la controverse sur le pétrole, (en 1933), l’agitation anti-britannique se tassa et les communistes n’eurent plus l’occasion de s’infiltrer dans la classe ouvrières ni dans la petite bourgeoisie. Vers le milieu des années 1930, le point de mire de leur propagande et de leur campagne de recrutement s’était déplacé vers l’intelligentsia. Cette orientation de l’action de P.C.P. découlait des directives données lors du 6ème Congrès du Comintern (1928). Au cours de ce congrès, il avait été remarqué par plusieurs délégués la tendance des intellectuels à l’endoctrinement communiste. LAQUEUR cite l’une des résolutions de ce congrès : « un secteur important du Parti, sinon prédominant, se recrute pendant le premier stade du mouvement, au sein de la petite bourgeoisie, et en particulier au sein de l’intelligentia penchant déjà vers la révolution très fréquemment des étudiants… » Or, dans sa politique de rénovation du système éducatif, REZA SCHAH avait favorisé le départ vers l’Europe d’un certain nombre de jeunes étudiants ayant reçu la mission de s’y former avant de revenir en Iran pour y occuper des postes de responsabilité au sein des administrations. Grâce à cette politique d’occidentalisation, un noyau d’intellectuels instruits en Occident s’organisa aux environs de 1935. Ces hommes surtout issus des classes moyennes constituaient une réelle source pour le recrutement et la formation des cadres communistes. Signalons que le processus d’endoctrinement et de recrutement commençait bien souvent sur le lieu même des études, c’est à dire dans le pays où les étudiants s’étaient installés (France ou Allemagne). Ce noyau était bien sur très faible, mais il pouvait constituer la base de la renaissance d’un parti communiste fort remplaçant celui usé, inorganisé puis interdit en 1931. III – LE CERCLE MARXISTE DU DOCTEUR ERANI 1- Le renouveau du communisme en Iran

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La nouvelle activité communiste en Iran se distinguait par un certain nombre de points des expériences précédentes. C’était Tout d’abord une tentative dirigée par un groupe d’iraniens instruits en Occident pour endoctriner l’Intelligentsia à une idéologie marxiste – Léninistes et non un parti destiné à une action politique immédiate. D’autre part, ses membres étaient des autochtones persans dont les origines sociales contrastaient vivement avec celles de la majorité du Comité ADALAT et du P.C.P. ; ces derniers avaient été recrutés parmi les populations du Caucase Russe, du Turdestan et de l’Arménie et parmi les Persans expatriés depuis longtemps. Ajoutons que ces nouveaux Marxistes Persans avaient fait connaissance avec le Marxisme et le socialisme scientifique en Europe Occidentale le plutôt qu’en Russie. Ces distinctions pesèrent lourdement dans l’évolution du mouvement communiste jusqu’en 1941 et même après, lorsque la majorité du Cercle ERANI, à peine libérée de prison, s’occupa de fonder le parti Tudeh, expression organisée la plus vaste et la plus importante du mouvement Communiste en Iran, comme nous le verrons dans la troisième partie de notre étude. 12 – L’organisation du cercle ERANI Le docteur TAGUI ERANI, physicien Azerbaïdjanais diplômé à Berlin publia au cours des années 30, un journal intitulé DONYA, c’est à dire l’Univers, à obédience marxisante. A cette époque, toute activité du P.C.P. avait été interdite et ce journal fut le seul moyen de diffuser la philosophie marxiste en Iran. Malgré de nombreux risques liés à la loi de juin 1931 le groupe d’ERANI se lança dans l’endoctrinement des intellectuels dont le nombre augmentait au fur et à mesure que les étudiants ayant achevé leur instruction rentraient d’Europe. Le journal DONYA diffusa une philosophie ante-idéaliste et anti-métaphysique ainsi qu’une interprétation marxiste de l’histoire et de la doctrine politique. ERANI expliquait souvent ses points de vues sur l’Etat et les intérêts de classe et leurs contradictions étaient typiques. L’Etat, écrivait-il (26), est un appareil organisé par la classe la plus puissante afin de s’assurer le pouvoir sur les classes les plus faibles. ERANI expliquait (27) que le système législatif et le système juridique , tout comme les institutions d’éducation et des Arts, étaient

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sous le contrôle de l’Etat, et pour cela donc , dans une société de classe, chaque aspect de la vie politique et social était hiérarchisé et organisé en fonction de la classe dominante. Ainsi donc, il était déraisonnable de croire qu’une telle organisation pourrait jamais apporter joie et prospérité à tous. Les disciples d’ERANI, qui se regroupaient souvent pour discuter ses idées, avaient été recrutés parmi les professeurs, les étudiants, les juristes, les juges et les dirigeants des syndicats, dont certains avaient des antécédents dans les activités politiques du milieu des années 1920 (28). Plus de 65 % du cercle était issu de la classe moyenne, 15 % du haut de la classe moyenne, et 20 % de la petite bourgeoisie. Professionnellement, le groupe était composé de 35 % de professeurs, de 15 % d’étudiants, de 25 % de juristes et d’employés gouvernementaux comprenant les juges, de 15 % de travailleurs et de 10 % d’origine diverse. 2 – La naissance du parti TUDEH 21 – Le procès de Téhéran En avril 1937, le Dr ERANI et 52 des plus éminents membres de son groupe furent arrêtés et accusés de conspirer et violer la loi Anticommuniste de 1931. Début janvier 1936, des actes d’accusation plus formalistes furent lancés par le Procureur Général du Téhéran, et un procès public eut lieu du 2 novembre au 13 novembre de cette même année. Durant le procès des articles de DONYA furent cités pour prouver l’engagement du groupe dans la propagande communiste en violation de l’acte. Quoiqu’il en soit, aucun des 53 n’avait mentionné le communisme comme tel pendant son contre-interrogatoire et sa défense, et chacun déclara qu’il s’était simplement instruit sur le matérialisme dialectique et sur les théories sociales modernes en étudiant le journal et en lisant d’autres livres s’y rapportant. Dans un long discours, le Dr ERANI parla vigoureusement pour sa propre défense, soutenant que la loi de 1931 violait tous les principes de la Justice, et était nettement anti-constitutionnelle, qu’il avait tout juste soutenu le matérialisme dialectique ; que la Cour était : incompétente pour les jugés, car elle était un instrument de l’Etat et conspirait avec la police, et qu’il était illégal de se servir de la Loi pour l’étendre aux prisonniers de RECHT, soi disant communistes qui étaient déjà en prison lorsque la loi fut promulguée (28).

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Son attaque sur la constitutionalité de la Loi de 1931 était basée sur sa prohibition globale de toute liberté d’expression, pas simplement celle de nature communiste. Tout le long de sa défense il insista sur le caractère scientifique de la doctrine Marxiste. Comment, demanda t il à la cour, aucun Etat pouvait-il supprimer des opinions dont les bases scientifiques remontaient au tout début de la société humaine, et qui examinait tous les aspects de la vie individuelle et sociale en termes de principes entièrement scientifique et logique ? De façon évidente, une loi ne pouvait rejeter ces pensées sans une étude complète de sa vaste littérature (29). 22 – Les origines du part TUDEH A l’issue du procès, les 53 inculpés furent déclarés coupables à des degrés divers et condamnés à des peines de prison ferme. Dix des dirigeants reçurent la peine maximum de dix ans prévue par la loi de 1931. Les autres furent incarcérés pour des périodes allant de 3 à 7 ans. Le Dr ERANI mourut à l’hôpital de la prison le 4 février 1940. Lorsque ses amis furent relâches, en 1941, ils formèrent la base du Parti TUDEH. (29) 1) Feidonne SAHEBJAM, op. Déjà cité page 80. 2) Ibid, page 81 3) “On the anniversary of the coup d’Etat REZA SCHAH a new campaign, that of purging the of words of Arabic or other foreign origin, when he called the officers present afsar, in place of the familiar Arabic word,Sahimansab. Soon a Society of the National Language of Iran was founded, wile within the armed forces a committee was set up to review the entire military vocabulary and to replace terms of foreign origin with new Persian words constructed from familiar roots. At Noruz the ruler was not in a happy frame of mind. During the reception he spoke harshly to the journalists who were present, telling them of his contempt for their lack of ability, and scolding them for not expunging Arabic words from the editorials in their papers. He called in the editor of one paper and expressed his displeasure over the pro-German bias fo some of the articles, stating that it was not necessary to glorify Hitler when Iran had its own outstanding historical figures. Particularly displeased with Zayh al-‘Abaadin

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Rahnama, editor of Iran, and Ali Dashti, editor of Shafaq-i Surkh, he ordered that neither of them should be reelected to the Majlis.” Donald N. WILBER : REZA SCHAH PAHLAVI : the Ressurrection and Reconstruction of Iran, by D. N. WILBER, 1975, U.S.A. pp. 163-164. 4) F. SAHEBJAM, op déjà cité page 82. 5) ‘On November 27, 1935, the car of the Iranian minister to Washington, Ghaffar Khan Jalal, was stopped for exeeding the speed limit in Elkton, Maryland. As the policemen was talking to the driver, the minister began to protest, claiming diplomatic immunity. Communication was difficult ; the local office could not understand what kind of a minister this was because he looked unlike any churchman he had ever seen. Both the policeman, and in the end the Iranian minister was handcuffed and taken to the office of the sheriff. From case was finally dismissed. An hour and forty-five minutes after the car was stopped he was permitted to call the Department of State. Officials at Washington were very much concerned and on the sixth of December the secretary the apologies of the governor of Maryland, as well as the personal regrets of the secretary himself. At the same time the two arresting officers were put on trial, fined and dismissed from the force. The American press displayed a lack of understanginf of the principle of diplomatic immunity and handled the affair rather lightly, if not insulting to the Iranian sensitivity. Letters to the department and to the papers protested the punishment given to the police on behalf of some foreigner or other. Soon the Tehran papers contained bitter attacks on the government for its failure to obtain retracktions from newspapers in the United Staates that had published allegedly false information relations with the United States unless Iran’s demands were met, and Minister Jalal was recalled from Washington.’ Donaldn ; wilber : REZA SCHAH PAHLAVI / The Ressurection and reconstruction of Iran, by D. N. WILBER, 1975, U.S.A. pp. 169-170. 6) WALTER Z. LAQUEUR – The and The Middle East (New York 1959) p. 79. 7) Texte dans l’INTERNATIONAL PRESS CORRESPONDENCE, Vol. VIII (décembre 1928) pp. 1659-1676, cité par A. NADRI in IMPRECOR, vol. XV, 1935. 8) Ce nombre était inférieur à celui de l’année précédente, lorsque le Parti était allié aux révolutionnaires jangali. La scission dans la

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direction, qui eut lieu pendant la 3ème phase de la révolution du Guilan, fut reconnue comme étant la raison de ce déclin. SULTAN ZADEH lui-même, en admettant ceci dénonça que même les parutions du journal du Comité Central, KOMINIST, étaient discontinues à RESHT. Malgré un déclin dans le nombre d’adhérents et un changement de stratégie, le parti revendiquait l’importance de sa campagne pour les syndicats pour plus de 4 000 travailleurs. Grâce à cette campagne, le Parti espérait bâtir « une armée de mécontents, organisée en syndicats professionnels, prêts à se mettre en grève à la demande des communistes lorsque l’occasion se présenterait’. PRAVDA, le 16 juillet 1921, tel que cité par Georges DUCROQUE dans « la politique du gouvernement des soviets en Perse ». Revue du monde Musulman. Vol. III (décembre 1922) p. 148. 8) Ibid, page 149. 9) PRAVDA, le 17 septembre 1922, cité par E. PALMIERI POLITICA ASIATICA DEI BOLSCEVICI (Bologna 1924) vol. I page 240. 10) PROTOKOLL DES VIERTEN KONGRESSES DER KOMMUNISCHEN INTERNATIONALE PETROGRAD- MOSKAW (5 novembre 5 décembre 1922) (Hambourg 1923) pages 366 à 368. 11) Ibid pages 626 et 627 12) Le parti communiste de Grande Bretagne. The fifth congress of the communist international (London 1924) pp. 269-270). 13) ‘In july, 1927, the Irani No, or New Iran, party appeared with a motto of “loyalty to the Shah and devotion to progress.” Its founding members included Taymurtash, Firuz, Davar, General Murtiza Yazdanpanah and Farj Allah Bahrami, the private secretary of REZA SCHAH. Other parties include the Taraqqi, or progressive, which included respected individuals, such as Taqizadeh, Husayn’Ala’, Hakim al-Mushir al Dawlah, and Pakrivan, who had not been enthusiastic supporters of the ruler, and Irani Javan, or Young Iran, started by individuals with French education and devoted to Western ideals of progress and reform. These parties were expected to support the government and to stimulate progressive legislation and administrative action through a friendly rivalry, but it seemed fairly clear that REZA SCHAH had in mind building up the Irani. No party

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qs the majority party of the government along the lines of the turkish model. The Tajaddud, was also active.’ D. N WILBER : REZA SCHAH PAHLAVI: the Resurrection and Reconstruction of Iran, by D. N. WILBER, 1975, U.S.A. p. 123. 14) URUMIYEH fut rebaptisée en 1930 REZAIYEH 15) Ce rapport est analysé dans The Communist International between the fifth and Sixth World Congress (London 1928) pp. 406- 410. 16) “The first great clash over oil between the British and the Iranians occurend in the depression year 1932. AIOC’s royalties and consequently the Iranian government’s returns were falling off. Many Iranians, for whom the facts of economics have always been obscure, saw the decline in AIOC’s payment as a plot. The press of this period, by now tightly controlled, was filled with such assertions. On December 27, 1932, at the climax of a violent press campaign, REZA SCHAH cancelled the AIOC concession. For a time it appeared that the British would ressort to direct action, but on May 28, 1933, they signed a new contract valid for sixty years and far more favorable to Iran. Henceforth Iran was ton receive 20 per cent of the dividends on ordinary shares and four shillings for each ton sold or exported, with a minimum annual quarantee of livre sterling 1 050 000. The area of the concession was reduced important positions in the company. In 1944 AIOC voluntary raised the minimum annual quarantee to four million pounds sterling.” Richard W. COTTAM, Nationalism in Iran, p. 204, copyright University of Pittsburgh Press, 1964. 17) Pour une analyse détaillée du travail de ce congrès cf DONYA, vol. II, n° 4 (Allemagne de l’Est Mars 1959), 108 120. DONYA était le journal théorique du Parti TUDEH après qu’il soit réclamé comme successeur du P.C.P. 18) A. SULTAN ZADEH – DIEKOMMUNISTISCHE INTERNATIIONALE, n° 51 (Berlin 1927) page 2517-2523 19) IBID page 2 519. 20) MOSTAFAFATEH, PANJAH SAL NAFTE IRAN (50 années de pétrole iranien) (Téhéran 1956) page 487. 21) MORTEZA RAVANDI, TAFSIR QANUNE ASSISSIYE IRAN (Interprétation de la constitution d’Iran) Téhéran 1944, p. 56.

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22) L. MAZYAR ‘Struggle for Persian Oil and the tash of the communist party of Iran’ INPRECOR Vol. XV n° 1 (1932) p. 488. 23) Ibid page 489. 24) TAGHI ERANI, BASHAR az nazare maddi (l’homme selon une optique matérialiste) 4ème édition Téhéran 1945- p. 38. 25) TAGHI ERANI, op. déjà cité page 39. 26) Basé sur les informations bibliographiques contenues dans les annales du procès publié dans ETTELAAT (Téhéran Novembre 1938) cité par ZABIH op. cité. 27) TAGHI ERANI, MATNE DEFA (rapport de défense) Téhéran 1945 28) RVANDI, TAFSIR QUANUNE ASSAIYE IRAN pp. 57-58 29) ‘A survey of the social make-up of the (T.P.I.) Tudeh Party Iran indicates that the party fully appreciated these objective conditions of Iranian Society. Thus for instance its concentration on the urban population rather than on the peasantry reflected recognition that the peasants were still to a large extent integrated in their traditional social units, while the semi-skilled or unskilled laborers in the cities, uprooted from their accustomed system of social relationships, were in an unfamiliar setting and consequently more susceptible to Communist radicalism. In fact, the Iranian experience shows that, although the TPI had an essentially middle-class intellectual social basis, these segments of the labor force were especially responsive to the party’s initial recruitement efforts. Skilled workers, on the other hand, frequently defected from the movement when trade unions organized by rival agencies, including the government, offered more attractive rewards. The communist movement on Iran naturally derived a major part of its appeal from the fact that it constituted the most radical challenge to the existing political system and the social conditions long perpetuated by that system. In Iran as elsewhere, various types of alienation produced different types of susceptibility to the Communist appeal, depending on the particular needs and interests of individual adherents to the movement, whether these needs and interests were personal, group related or ideological. Besides general political alienation from the system, which produced a susceptibility dependent on all these needs social alienation, real or imaginary, was also an important factor ...

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Recruitement into the TPI appears to have heaviest in the following three kinds of situation : 1) When the party appearedto have immediate prospects of achieving controlling political power, as was the case during the peak period of Soviet Political intervention in Iran in 1945-46 ; 2) When the movement seemed to be gaining a legitimate place in the fabric of Iranian politics as in early World War II, or when conditions of serious social breakdown made the party’s radicalism more attractive, as was at least partially true in the period immediately proceding the outlawing of the TPI in 1949 and again during the last few months of the Mossadegh government in 1953 ; 3) When the party was protectively colored by formal or tacit co- operation with non-communist parties, as during the latter part of the allied wartime occupation and the initial phase of the ghavam government culminating in the formation of a coalition cabinet in the summer of 1946. 4) Each of the situations described above was followed by the emergence of a contrary set of circumstances which had a reserve effect on the partyn prompting defections from its ranks. These contrary circumstances were as follows : 1) The diminution or disappearance of the party’s prospects of attaining power, causing widespread disillusionnement among its adherents – as happened following the sudden change in Soviet tactics in Iran in 1949; 2) A reversal of government policy from accomodation to svere repression of the party, as occured with the illegalization of the movement in 1949; 3) A decline in party morale resulting from doctrinal misconceptions or inability to accept compromise solutions, such as developed in the wake of the dissolution of the coalition cabinet at the end of the summer of 1946.’ SEPEHR ZABIH : Communism In Iran in Problems of communism (Washington D.C. U.S.A.) Sept – Oct. 1965.

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TROISIEME PARTIE

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LA RESTAURATION DE LA DEMOCRATIE ET LA POLITIQUE

NATIONALISTE

(1942 – 1953)

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CHAPITRE PREMIER

____

L’AVENEMENT DE MOHAMMED REZA SCHAH PAHLAVI

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I – MOHAMMED REZA SCHAH PAHLAVI ET LA DEMOCRATIE Le 16 septembre, jour de l’abdication de REZA SCHAH (1), FAROUGHI, Premier Ministre du moment exposa devant le Madjlesse les orientations politiques du Prince Héritier, MOHAMMED REZA SCHAH PAHLAVI. Ces orientations générales comprenaient trois points fondamentaux : • Régime constitutionnel • Respect des Lois Fondamentales du pays • Respect des droits individuels du peuple Le lendemain, le 17 septembre, le nouveau Schah prêta le serment requis par la Constitution, devant l’Assemblée Nationale. 1 – La libération du régime Dès son accession au trône, MOHAMMED REZA SCHAH ordonna un certain nombre de mesures visant à libéraliser le régime. C’est ainsi que de nombreux prisonniers politiques – victimes du régime précédent - furent remisent en liberté et amnistiés. Dans les mêmes temps le Schah se dessaisit d’une grande quantité de propriétés foncières et d’immeubles, jusqu’alors propriétés du Royaume, au profit du gouvernement de l’Etat et du peuple. Il décida de fonder des œuvres de bienfaisance qu’il dota largement dans le but de soulager la misère des plus défavorisés. Ces mesures, bien que fort louable et nécessaire, ne parvinrent pas à apaiser les esprits ; Le peuple savait que quelque chose avait changé mais continuait à supporter l’administration mise en place antérieurement. Les fonctionnaires de cette administration s’étaient constitués en véritable caste et n’avaient jamais manqué de prolonger le sens des directives du gouvernement Central de REZA KHAN par des abus destinés à conforter leur position. MOHAMMED REZA SCHAH fit procéder à l’arrestation de bon nombre de ces fonctionnaires qui avaient exagérément profité de leur situation, tant dans la police que dans l’armée et la gendarmerie ; les coupables furent régulièrement jugés et sévèrement condamnés. Djamchid TAVALLALI (2) écrit que : ‘… La transformation du régime dictatorial en régime « démocratique » ne fut pas accueillie sans enthousiasme dans le pays ; Le régime policier venait de disparaître et la population se

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réjouissait de pouvoir respirer l’air de la liberté. La novelle intelligentsia, en particulier, était désireuse de voir dans le Parlement l’organe suprême qui se ferait l’écho de ses aspirations en poursuivant et en complétant, d’une part l’entreprise de rénovation de REZA SCHAH et en éliminant, d’autre part, sa terreur et son régime d’inquisition. Espoir vain ! Les nouveaux dirigeants du pays étaient tous des hommes d’hier qui avaient simplement changé d’apparence pour l’occasion…’ Ces hommes ne pouvaient agir qu’en hommes du passé, avec tout ce que cela comporte au niveau des changements nécessaires pour accéder à la liberté et au progrès ; ce qui explique le désenchantement du peuple malgré la bonne volonté manifestée par MOHAMMED REZA SCHAH. 2 – La nouvelle politique étrangère 21 – L’invasion de Téhéran En forçant REZA SCHAH à abdiquer, l’Angleterre avait vu sa politique en Iran récompensée. Mais Russes et Britanniques échouèrent dans leur volonté de remettre en cause le régime monarchique.

L’époque où REZA KHAN marcha sur Téhéran avec sa brigade de Cosaques (1921) et en expulsa les occupants étrangers était révolue du fait même du changement des conditions nationales et internationales, le monde entier étant en guerre. Souhaitant éviter un renforcement du régime du jeune Schah, les Anglais et les Russes envahirent à nouveau la Capitale et s’immiscent ouvertement dans la politique intérieure. F. SAHEBJAM (3) expose que le Ministre anglais BULLARD intervenait auprès de Mohammed REZA SCHAH en lui demandant de changer de Premier Ministre, de dissoudre la chambre, de libérer tel prisonnier ou de faire arrêter telle autre personne’…ce a quoi Mohammed REZA PAHLAVI devait se refuser systématiquement…’ En septembre 1941, le Premier Ministre FAROUGHI et le Schah jugèrent utile de modifier la politique étrangère qui avait été celle de REZA SCHAH durant des années. Cette volonté fut confirmée par Mohammed REZA SCHAH qui écrit dans ses mémoires (4) :

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‘… Je montais donc sur le trône à près de vingt ans, au milieu de toutes sortes de troubles et de difficultés, dans un pays meurtri, humilié, résigné. Une première exigence s’imposait alors : modifier radicalement notre politique étrangère…’ Les grands principes de cette nouvelle diplomatie devaient déboucher sur un profond changement d’attitude à l’égard des anglo- russes en guerre contre les Allemands. Il fallait se montrer plus souple et plus compréhensif. Une telle politique relâcherait les dispositions des Alliés qui diminueraient l’intensité de leurs ingérences ce qui laisserait le champ libre au gouvernement de l’Iran pour remettre de l’ordre dans les affaires de l’Etat. Les anglo-russes expliquaient leur présence à Téhéran non comme une invasion mais comme une mission de protection des biens et des personnes. Leur détermination à demeurer dans la Capitale était à mettre hors de doute. Il convenait donc de rechercher une base juridique à cette « occupation étrangère », c’est ce à quoi s’employèrent FOROUGHI et le jeune Schah. 22 – Le traité d’alliance tripartite du 29 janvier 1942. La base juridique à l’occupation fut trouvée après des semaines de négociation ; elle se concrétiser dans le traité signé le 29 janvier 1942 par la Grande Bretagne, la Russie Soviétique et l’Iran. Nous n’en donnerons ici que les passages les plus importants (5). Les différents points abordés concernent soit l’Iran, soit les Alliés. Aux termes des articles 2, 3, 4, 6 de ce traité, l’Iran : - Reconnaissait l’existence d’une alliance entre les Allés d’une part et l’Iran d’autre part (Art. 2) - S’engageait à coopérer avec les Alliés par tous les moyens à sa disposition ; toutefois, il était entendu que l’assistance militaire de l’Iran serait limitée au maintien de l’ordre et de la sécurité à l’intérieur du pays. (Art. 3) ; - Reconnaissait en faveur des alliés, pour le passage et le transport des troupes et du ravitaillement, le droit sans condition d’employer, de maintenir et, en cas de nécessité militaire, de contrôler, comme bon leur semble, tous les moyens de communication de l’Iran, à savoir : chemins de fer, routes, rivières, aérodromes, ports, pipe-lines, téléphone, télégraphe, installations de radio (Art. 3) ;

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- S’engageait à fournir toute assistance possible afin de procurer le matériel et de faciliter le recrutement de la main-d’œuvre nécessaire au maintien et à l’amélioration des moyens de communication sus- indiqué (Art. 3) ; - S’engageait à prendre et maintenir, en collaboration avec les Alliés, des mesures de censure que les Alliés pourraient demander sur tous les moyens de communication sus-indiqués ; - Reconnaissait pour les Alliés le droit de maintenir, sur le territoire iranien, leurs forces terrestres, navales et aériennes. Toutefois, la présence de ces troupes ne devait pas être considérée comme une occupation militaire (Art. 4) ; - S’engageait à ne pas adopter, dans ses relations avec les autres Etats, une attitude incompatible avec cette alliance, ni conclure des traités contradictoires au présent traité (Art. 6) ; De leur côté, le Royaume-Uni, et l’U.R.S.S. (les Alliés), aux termes des articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 : - S’engageait à respecter solidairement et individuellement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique de l’Iran (Art. 1) ; - Reconnaissait solidairement et individuellement à défendre l’Iran, avec tous les moyens en leur pouvoir, contre toute agression provenant de l’Allemagne ou d’un autre pays (Art. 3) ; - Reconnaissaient l’existence d’une alliance entre les Alliés d’une part et l’Iran d’autre part (Art. 2) ; - S’engageaient à évacuer le territoire iranien de leurs troupes au plus tard six lois après la suspension des hostilités consacrée par un Armistice entre les Alliés et l’Allemagne et ses associés, et à évacuer ce territoire au moment de la conclusion de la paix si celle-ci se produisait avant l’expiration des six mois sus-stipulés. Par « associés) de l’Allemagne, on entendait les Etats qui étaient engagés ou qui auraient été ultérieurement engagés dans les hostilités contre l’un des Etats alliés. (Art. 5) ; - S’engageaient à ne pas adopter dans leurs relations avec les autres Etats une attitude qui fût préjudiciable à l’intégrité territoriale, à la souveraineté ou à l’indépendance politique de l’Iran, ni conclure des traités qui fussent incompatibles avec les dispositions de ce traité. Ils s’engageaient à consulter le gouvernement iranien sur tous les sujets affectant les intérêts directs de l’Iran (Art. 6) ;

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- S’engageaient à prêter leurs meilleurs efforts en vue de sauvegarder la vie économique du peuple iranien contre les privations et les difficultés résultant de la guerre (Art. 7) ; - Les parties contractantes prévoyaient de conclure, immédiatement après l’entrée en vigueur de ce traité, un ou plusieurs traités relatifs aux obligations financières des Allés, découlant de leurs opérations en Iran (Art. 4) ; Cette convention avait force d’exécution jusqu’à l’évacuation du territoire iranien par les troupes alliées. A ce traité s’ajoutaient trois lettres d’annexe, apportant des éclaircissements sur les articles 6, 3, 4. En vertu de l’annexe II, le gouvernement de l’Iran, en se référant à l’article 6, s’engageait à ne pas maintenir des relations diplomatiques avec les Etats qui n’étaient pas en relations diplomatiques avec aucun des Etats alliés. Aux termes de l’annexe I, les Alliés, en se référant à l’article 6, précisaient qu’ils n’adoptaient, dans les conférences de paix, aucune attitude préjudiciable à l’intégrité territoriale, à la souveraineté ou à l’indépendance politique de l’Iran. Ils promettaient de faire de leur mieux afin que l’Iran participe sur un même pied d’égalité aux négociations de paix affectant directement ses intérêts. Aux termes de l’annexe III, les Alliés, en se référant à l’article 3, précisaient qu’ils n’allaient pas demander à l’Iran la participation de ses forces armées dans la guerre contre un pays. En se référant à l’article 4, ils précisaient, en outre, qu’il n’y aurait aucune disposition dans ce traité mettant à la charge du gouvernement de l’Iran les frais des travaux fournis par les Alliés pour leur but militaire, travaux qui n’auraient pas été nécessaires pour les besoins de l’Iran. 3) Le troisième Madjlesse La démocratisation du régime engagée par le nouveau Schah rendit au Madjlesse sa véritable souveraineté ; il devint, en fait, le centre réel du pays et le gardien des libertés individuelles et sociales ; LENCZOWSKI (6) écrivit en 1949 : ‘ … Au point de vu des problèmes internes et externe de l’Iran, le Madjlesse devint une force avec laquelle on fut obligé de compter …’ Les députés composant ce treizième madjlesse furent toutefois vivement contestés par les jeunes partisans du régime

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parlementaire qui étaient surtout de jeunes intellectuels ayant reçu une formation supérieure en Iran ou en Europe. Très au courant du fonctionnement des démocraties parlementaires occidentales, ils considéraient que les élections devaient être annulées puisqu’elles s’étaient déroulées sous le régime de REZA SCHAH avec « l’appui » des militaires. Ce groupe de partisans envoya des pétitions ainsi qu’une lettre su Secrétariat de la Cour Impériale réclamant de nouvelles élections. C’est le Premier Ministre, FAROUGHI (7) qui répondit en ces termes : ‘… Je ne veux pas m’engager dans une discussion pour savoir si les élections qui viennent d’être terminées one été, oui ou non, absolument correctes. Ces élections, qu’elles soient fausses ou correctes, sont maintenant en dehors du pouvoir du gouvernement ; car, conformément à la loi électorale, une fois les élections annoncées et les conseils de surveillance électoraux constitués, le gouvernement n’a plus le droit d’intervenir et c’est à ces Conseils que revient tout le pouvoir. Si le gouvernement annule les élections, il transgresse la loi …’ Cette décision entraîna un profond mécontentement dont la presse se fit largement l’écho. (8) On peut se demander quelles préoccupations poussèrent le gouvernement à répondre par la négative à ces pétitions. Nous pensons qu’elles étaient de trois ordres : • La grande majorité du douzième Madjlesse était opposée à de nouvelles élections car les nouveaux élus du treizième Madjlesse étaient les sortants (du douzième). • Le gouvernement souhaitait disposer d’une majorité forte pour pouvoir promouvoir les réformes démocratiques et surmonter la crise. Or, il n’était pas sûr de retrouver cette majorité à l’issue de nouvelles élections. • Le déroulement de nouvelle élections nécessitait des délais fort longs, or le temps pressait, et le pays ne pouvait demeurer sans madjlesse, le douzième ayant expiré ses pouvoirs. Sociologiquement parlant, les élus du treizième madjlesse étaient donc les mêmes que ceux du douzième : les mêmes

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propriétaires fonciers, les mêmes commerçants, les mêmes favoris du gouvernement. TAVALLALI écrit : ‘…Les privilégiés du régime dictatorial restèrent également les maîtres de la nouvelle ère « démocratique ». Si les hommes étaient les mêmes, les comportements différaient. A l’ère de crainte inspirée par REZAS CHAH succédait une ère des abus personnels durant laquelle une grande partie des élus profitèrent de l’influence que leur conférait le mandat qu ‘ils détenaient pour obtenir ou faire obtenir à leurs proches, toute sorte de privilèges. Cette situation fut décrite par le Docteur MILLSPAUGH (9) américain qui connaissait les hommes et le pays puisqu’il assura déjà en 1927 la réorganisation des finances du pays : ‘… Les membres du madjlesse ne recevant plus d’ordres (sous-entendu de REZA SCHAH), semblaient envisager leurs devoirs législatifs avec une sorte d’irresponsabilité enfantine ou cynique…’ Quant aux groupes parlementaires ils n’existaient que par la réunion d’intérêts particuliers, et ce qui était vrai un jour ne l’était plus forcément le lendemain. Les députés, quelle que soit leur obédience, se portaient en véritables champions de la liberté et de la justice. L’étude des discours prononcés au madjlesse après l’avènement du nouveau Schah met en évidence la mobilité des comportements. Quant aux groupes, parlementaires ils n’existaient que par la réunion d’intérêts particuliers, et ce qui était vrai un jour ne l’étaient plus forcément le lendemain. Le 6 octobre 1941, un ancien journaliste, le député DACHTI, s’éleva avec violence contre les méfaits de la dictature de REZA SCHAH en déclarant que durant vingt années le pays fut dirigé par un homme qui rendit des services mais que les torts qu’il causa étaient considérables : abolition des libertés et injustices. ‘ …Le but suprême de tous les philosophes, de tous les prophètes et de tous les gouvernements a, depuis toujours consisté à ce que le droit et l’équité règnent dans la société. L’homme ne devient patriote que lorsqu’il constate que sa dignité est respectée dans sa patrie. Malheureusement, dans le gouvernement précédent, la place accordée à ces valeurs spirituelles et humaines n’était que fort restreinte… Le premier devoir du jeune roi, du Madjlesse et du

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gouvernement est de réédifier les ruines du passé dont les plus désastreuses sont la violation des libertés, des droits et du principe de la propriété…’ Le 11 décembre 1941, le député NOWBAKHTE (10) intervint dans le débat sur le programme du gouvernement. Il s’éleva contre l’obscurité profonde dans laquelle le régime de REZA SCHAH plongea les droits légitimes des populations des provinces qui étaient complètement oubliées qu profit de Téhéran et exhorta le courage et le patriotisme des tribus assimilées à tort à des bandes de brigands. Le 19 avril 1942, ce fut le tour du député de CHIRAZ (11), MOADEL qui prit la parole dans la discussion des crédits du Ministère de la Guerre ; il s’éleva contre les dépenses prévues qui étaient superbement exagérées et … sans grande utilité et termina en exposant que les officiers des armées étaient : ‘… Les fléaux des provinces qui se plaçaient au-dessus des lois…’ En s’exprimant ainsi, les députés ne faisaient qu’user de la liberté rétablie et leur sévérité s’adressaient plus à l’ancien régime de REZA SCHAH qu’au nouveau régime démocratique instauré par le prince héritier. II – LA POLITISATION DU PAYS 1 - La situation en 1941 Avant la révolution Constitutionnelle de 1906, l’Iran ou plutôt la Perse vivait sous une monarchie absolue et les partis politiques n’existaient pas. Lorsque la première assemblée fut élue, les députés qui la composaient agirent en véritables représentants du peuple ; ils intervinrent dans la gestion du pays en application des Lois fondamentales de 1906 et des Lois Complémentaires de 1907 qui leur en remettaient le pouvoir. A travers ces élus, c’est donc le peuple qui participait – tout à fait théoriquement- à la détermination de son sort. Les députés s’organisèrent au sein du Madjlesse en groupes politiques que les représentants de la presse identifièrent à des partis politiques. Au cours des chapitres précédents, chaque fois que nous avons abordé la vie des Madjlesse, nous avons mis en évidence la cassure qui existait. Deux grandes tendances s’en dégageaient

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régulièrement ; les modérés qui étaient plutôt conservateurs et les démocrates qui étaient progressistes. Nous avons également exposé l’évolution des idées politiques sous REZA SCHAH où la puissance extraordinaire de l’homme étouffa les mouvements et les tendances qui ne reparurent, comme nous allons le voir, qu’avec l’arrivée de Mohammed REZA SCHAH à la tête du pays. 2) – Les partis politiques – Ce n’est qu’à partir de 1941 que la notion de ‘parti politique’ fut remise à la mode. Les partis se multiplièrent et l’histoire contemporaine nous enseigne qu’ils étaient quinze dès 1943. Il convient de conserver à l’esprit que ces partis obtenaient des succès très variables qui les condamnaient souvent dès leur naissance. Dans les nations démocratiques traditionnelles, notamment en Europe Occidentale, les partis politiques sont structurés et obtiennent des victoires aux élections débouchant sur la présence d’élus au sein des Assemblées. En Iran les choses se passaient différemment et la plupart des partis n’avaient aucun élu à la chambre pour les représenter. C’est ainsi que dans la treizième Madjlesse, aucun parti politique n’était représenté ; De même dans le quatorzième Madjlesse, à l’exception du parti TUDEH qui s’était assuré huit sièges grâce sur l’initiative du Premier Ministre GHAVAM, aucun autre parti n’était également représenté. Certains députés entreprirent dès 1944 de créer leur propre parti destiné, la plupart du temps, à consolider leur position personnelle. C’est ainsi que SEYED–OD-DINE-TABATAI co-auteur du Coup d’Etat de 1921, rentré d’exil et élu député de sa province natale fonda le Parti de la Volonté National : ERADEH MELLI. La même année trois autres partis furent constitués : • Iran dirigé par FARIVAR • MARDOM (peuple) dirigé par Mohammed Sadegh TABATABATAI, Président du Madjlesse et le Docteur Aghayan auxquels s’étaient adjoints ZAND et ARDALAN respectivement Ministres de la Guerre et de l’Industrie.

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• EDALAT (Justice) animé par DJAMAL EMAMI et le vice- Président du Conseil, E. KHADJE Nourri. Ajoutons à cette liste les paris issus de groupes politiques au Madjlesse dont l’existence fut on ne peut plus éphémère : MIHAN (Patrie), ETTEHAD (Union), ETTGHADE-MELLI (Union Nationale), SAADATE-IRAN (Bonheur de l’Iran), ESTEGHLAL (Indépendance), AZADI (liberté),etc. … Les différents leaders de ces partis ou groupes politiques manifestèrent une bonne volonté certaine et travaillèrent souvent beaucoup pour édifier une organisation durable. Mais les handicaps étaient importants et lourds à surmonter et le manque d’expérience constitua un frein à leur réussite. Ces partis n’avaient pas ou peu de cadres véritablement formés et la ligne politique qu’ils défendaient était trop souvent mal définie. Au-delà de ces défauts d’organisation interne, d’autres raisons constituèrent également un frein à leur réussite. Il est indéniable que collectives et libres car l’individualisme, la méfiance et l’égoïsme régnaient encore dans les diverses couches sociales du pays. Ce comportement résultait de la structure économique encore très traditionnelle malgré l’effort d’industrialisation consenti par la Nation sous le règne de REZA SCHAH. Ces partis se livrèrent une lutte acharnée, peu propice à la renaissance économique et sociale du pays explique F. SAHEBJAM qui écrit (12) : ‘… Il n’est pas exagéré de dire que tous ces partis, quels qu’ils fussent, de quelque tendance et de quelque origine, furent néfastes à l’Iran pendant la guerre ; ils ne se contentèrent pas d’enregistrer et de mettre en relief les opposition, mais bien plus, ils portèrent atteinte à l’unité spirituelle de la nation en entretenant et aggravant ces oppositions, pour le seul profit de leur politique, souvent d’inspiration étrangère. On doit admettre aujourd’hui que ce sont, dans une large mesure, eux, ces créateurs et dirigeants de l’opinion publique, qui transportèrent fâcheusement sur le plan intérieur et dans l’opinion publique la dualité qui séparait les grandes puissances en Iran…’ 3 – Les relations entre le Madjlessse et les gouvernements Nous avons expliqué que les députés ne représentaient pas, dans leur grande majorité, un parti politique, et leur organisation en groupe ne correspondait nullement à un programme politique très

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étudié et hardi comme la situation le nécessitait. De ce fait, ils ne s’entendaient pas longtemps pour soutenir un gouvernement, ce qui créa forcément un climat d’instabilité gouvernementale.

Les gouvernements n’avaient pas plus de tendance politique affirmée avec les députés et leurs programmes étaient toujours semblables et tout à fait sommaire ; ils annonçaient des améliorations pour tout mais ne précisaient jamais les objectifs recherchés et les moyens mis en place pour les réaliser. La valse permanente des gouvernements était sûrement pour une grande part dans ce comportement car les ministres n’avaient pas rarement le temps de prendre connaissance des dossiers et de bâtir une politique continue.

Ajoutons enfin que les pressions exercées en permanence par les puissances étrangères n’étaient pas faites pour améliorer leur tâche.

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1) –Thus Riza Shah’s rule, which begun withe promises of democratic policy, gradually assumed the guise of absolutism. Critics of the regime and personal opponents of the Shah were seldom able to escape unscathed. The press was muzzled ; political parties dissapeared. The Majlis consisted of appointees, rather than elected representatives of the people, who automatically passes every mesure dictated by the souvereign. H. KAMSHAD, Modern Persian Prose Literature, Cambridge University Press 1966, p. 56 2) D. TAVALLALI, op. Dep. Cit. – Page 133. 3) Freidonne SAHEBJAM , Mohammed Reza Pahlavi Schah d’Iran, Berger-Lewault, Paris, 1971, page 85. 4) Mohammed Reza Pahlavi Aryamehr, Chahinchah de l’Iran, 5) Mémoires du Chah d’Iran, Gallimard, Paris 1961, cité par F. SAHEBJAM, op. dep. Cit. , page 85. 6) Le texte intégral de ce Traité est reproduit dans les annexes de notre étude. 7) G. LENCZOWSKI, op. Dep. Cit. Page 185 8) Le contenu de cette lettre est cité par MASSOUDI in ETTELAAT pendant un quart de siècle, Téhéran, 1950, page 219. 9) KOUHI-KERMANI rappelle que le journal modéré « ETTELAAT » écrivit à cette occasion : ‘… Ce Madjlesse est ces députés méconnaissent les besoins réels de la Nation et de l’Etat et ne pourront jamais, en ce moment critique, sauvegarder le pays et assurer la tranquillité et le bonheur du peuple…’ Cité in : ‘De Chahrivar 1320 aux évènements d’Azerbaïdjan’, Téhéran, 1950, Tome II page 441. 10) Procès verbaux du Madjlessse du 20 Aza 1320 11) Ibid. du 30 Farvardine 1321. 12) F. SAHEBJAM, op. Déjà cité page 135.

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CHAPITRE DEUXIEME

___

LES PARTIS POLITIQUES ET LA CRISE

DU PETROLE

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Nous avons vu au cours du précédent chapitre comment MOHAMMED REZA PAHLAVI libéralisa la vie socio-politique et comment naquirent les partis politiques à l’intérieur ou à l’extérieur du Madjlesse. Ces partis se constituèrent autour de programmes opposés sur le fond, mais se référant à un nationalisme évident qui ne manqua pas d’être avancé lors des grandes discussions économiques au sein de l’assemblée. Ces positions rencontrèrent d’ailleurs en écho très favorable au sein de la population qui n’avait jamais eu à connaître des affaires publiques sous REZA SCHAH. Les deux grands partis que nous allons étudier ici sont le TOUDEH ou parti de la masse (pro-communiste), et le ERADEH- MELLI ou parti de la Volonté Nationale (pro-anglais). Ces deux organisations s’adonnèrent à une lutte très rude que Freidonne SAHEBJAN (1) décrit dans ces termes : ‘ … Ces partis se livrèrent à une lutte sans merci dans un pays occupé et meurtri sous l’impulsion d’une poignée d’hommes avides de prestige et au détriment d’un peuple pauvre et nécessiteux…’ Parallèlement une organisation rationnelle en syndicat des diverses catégories de travailleurs fut mise en place. Le B. I. T. publia en 1951 une étude exposant l’historique des organisations syndicales en Iran. D’après cette étude, bien qu’un premier syndicat, celui des imprimeurs, ait été créé à Téhéran dès 1918 et suivi en 1920 par les associations des forgerons et des ouvriers du textile, ces premières manifestations du mouvement syndical, revêtant souvent un caractère plus religieux que professionnel, étaient de peu d’importance ; on peut dire que le véritable syndicalisme, dans le sens occidental de ce terme, est d’introduction récente en Iran. Il a été consécutif à l’industrialisation et ne date, en fait que des premières années de la deuxième guerre mondiale, qui virent, avec l’abdication de REZA SCHAH PAHLAVI en 1941, le développement rapide du parti politique TOUDEH, à tendance communiste, auquel on peut dire que le syndicalisme en Iran doit sa naissance. Malheureusement, dés son origine, le mouvement n’a pu échapper aux influences politiques et l’intervention directe ou indirecte des autorités soucieuses de soustraire les organisations ouvrières à l’action d’influence étrangères, ne pouvaient qu’entraver l’épanouissement libre et fructueux du

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syndicalisme. Dès octobre et novembre 1944, sous l’action des organisations syndicales, des grèves de caractère plutôt politique éclatèrent dans plusieurs centres industriels. Pour la première fois, en 1945 ; nous voyons les syndicats ouvriers iraniens faire leur apparition sur la scène internationale ; au premier congrès de la nouvelle Fédération syndicale mondiale qui se tint à Paris en septembre, à la 27e session de la Conférence Internationale du Travail, réunie en octobre-novembre. A cette époque, les organisations syndicales les plus importantes en Iran étaient en novembre de quatre : 1) Le conseil central des syndicats unifiés des travailleurs iraniens, qui déclarait représenter 200 000 membres et qui, en vertu d’un accord conclu le 1er mai 1943 par un certain nombre de syndicats, dirigeait la fédération des syndicats des travailleurs iraniens, créée par le même accord. C’est cette fédération qui, au congrès de Paris en septembre 1945, obtint son affiliation à la fédération syndicale mondiale ; 2) Le conseil central des travailleurs et des ouvriers agricoles d’Iran ; 3) Le syndicat des ouvriers et artisans, dirigé par le parti politique nationaliste Wahdat-i-Melli (unité nationale) et enfin 4) Le syndicat des ouvriers et paysans. La protestation présentée en 1945 à la Conférence internationale du Travail par les syndicats unifiés de l’Iran au sujet de la validité des pouvoirs du représentant ouvrier iranien montrent la confusion qui régnait à l’époque au sein du mouvement syndical et les difficultés avec lesquelles il était aux prises. Dans son rapport à la Conférence, la Commission de vérifications des pouvoirs exposa les faits et précisa que le Conseil Central des syndicats unifiés des travailleurs iraniens semblait être la seule organisation de caractère national qui eut obtenu la reconnaissance officielle de la Fédération syndicale mondiale ; elle ajoutait que les quatre organisations considérées avaient apparemment des tendances politiques marquées, qui différaient beaucoup les unes des autres, et que l’organisation syndicale en Iran était certainement très rudimentaire. Lorsqu’en 1946, le parti TOUDEH fut interdit et que la plupart de ses dirigeants, les dé organisation du parti entraîna celle du Conseil Central des Syndicats unifiés qui, toutefois, bien qu’affaibli et ayant perdu beaucoup de son importance, n’a pas cessé de poursuivre, dans une mesure bien restreinte, son activité. C’est pour contrecarrer l’influence du parti TOUDEH et du conseil central des syndicats

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unifiés que le gouvernement a encouragé la création d’une nouvelle organisation dite Fédération des syndicats des travailleurs iraniens, connue sous les initiales de son nom persan : E. S. K.I. C’est à cette organisation qu’ont appartenu, à partir de 1947, les représentants des travailleurs à la Conférence internationale du Travail. L’E. S. K. I. a obtenu, à la fin de 1949, son affiliation à la Fédération internationale des syndicats libres. Le rapporteur du B. I. T. poursuit en ces termes : ‘ … A l’heure actuelle, en plus de l’E. S. K. I. , les plus importantes organisations syndicales ouvrier existant en Iran sont le Conseil central des syndicats de travailleurs et de paysans (E. M. K. A.) lequel comme l’E. S. K. I. comprends des syndicats de diverses branches de l’industrie, les syndicats de l’industrie pétrolière et enfin, un certain nombre de petit syndicats indépendants. La situation juridique des syndicats en Iran est réglementée, en attendant que le nouveau projet de loi sur le travail déposé au parlement en date du 12 septembre 1950 soit adopté, par l’article 12 de la loi sur le travail du 7 juin 1949. Aux termes de cette loi, les ouvriers et les employés exerçant la même profession ou appartenant à une même entreprise peuvent constituer des syndicats et, en outre, les syndicats de la même profession peuvent constituer des unions syndicales. Le règlement relatif à la constitution des syndicats établit en vertu de la loi sur le travail provisoire de 1946 et adopté par le Conseil des ministres iraniens le 3 mars 1946 demeure aussi en vigueur jusqu’à nouvel avis. Ce règlement stipule les conditions auxquelles les syndicats peuvent être créés, enregistrés, suspendus ou dissous. Tout récemment encore, le ministre iranien du travail, M.G. H. Frouhar a, au cours de la réunion du Conseil supérieur du travail tenue à Téhéran en date du 11 septembre 1950, déclaré officiellement que le gouvernement iranien était partisan de la liberté absolue des syndicats et que tout ouvrier avait la pleine liberté de faire partie d’un syndicat. Les ouvriers iraniens ont pris l’habitude de se réunir chaque année en congrès. Le premier de ces congrès ; réunissant les représentants des syndicats ouvriers les plus important, s’est tenu à Téhéran le 24 mai 1947, et le second, le 20 novembre 1948.

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Les employeurs iraniens possèdent aussi, depuis le 4 avril 1946, un syndicat connu sous le nom de l’Association des employeurs industriels de l’Iran, qui à son siège à Téhéran. Le développement du mouvement syndical en Iran a été et est encore lent et pénible. En effet, il est avant tout subordonné à la diffusion suffisante de l’instruction publique, à la formation syndicale et à l’esprit de solidarité des travailleurs mettant les intérêts de la collectivité au-dessus des considérations individuelles et enfin aux conceptions démocratiques fondées sur le respect de la personne humaine et de ses droits, conditions qui n’en sont pas encore parfaitement réalisées en Iran…’(2)

I - LE PARTI TOUDEH 1 – Rappel sur la situation socio-politique en 1941 Nous avons exposé le nombreuses réformes entreprise par REZA SCHAH, entre 1921 et 1941, destinées à moderniser la vie sociale et économique de l’Iran. Nous avons également évoqué la loi de 1931 interdisant l’existence des organisations communistes et des oppositions au système et au régime. Sur le plan socio-économique, la politique ainsi conduite déboucha sur trois aspects qui jouèrent un rôle éminent lors de la renaissance du mouvement communiste, amorcée dès le début du régime de Mohammed REZA SCHAH. Ces aspects étaient liés à la constitution de nouvelles classes sociales et à l’intellectualisation des cadres du pays. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la politique de REZA SCHAH facilita finalement aux communistes la renaissance de leur mouvement. II – La constitution d’une classe moyenne Les profondes réformes conduites par REZA SCHAH touchèrent entre autres secteurs, à l’armée qui fut rénovée et unifiée, à l’administration qui fut structurée à l’occidentale, au commerce qui fut mieux organisé et devint plus florissant du fait de l’augmentation du niveau de vie de la population et des nouveaux moyens de communication. La prospérité s’étendit également à toutes les institutions directement concernées par le processus de modernisation engagé.

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Le nouvel ordre ainsi établi donna naissance à une puissante classe moyenne bien représentée dans le commerce, le fonctionnariat et l’armée. 12- La constitution d’une classe ouvrière La politique d’industrialisation du pays déboucha sur la création d’entreprise privée et d’usines montées, dans leur majeure partie, avec des capitaux d’Etat. Ce fut là un des plus importants buts voulus et réalisés par le régime de REZA SCHAH. Cette industrialisation donna naissance à une puissante classe ouvrière puisque entre 1921 et 1941, la population ouvrière de ce secteur doubla en passant à plus de six cent milles. ‘C’était la classe socialement et idéologiquement la plus avancée…’, dit ESKANDARI (3) qui poursuit : ‘ … Les travailleurs industriels ne recevaient pas plus de cinq rials par jour… alors que le pain se vendait trois rials le kilo. Le problème qui se posait devant la classe ouvrière de l’Iran était donc l’obtention d’un salaire minimum en rapport avec le coût de la vie et un ravitaillement régulier en pain. D’autres revendications non moins importantes venaient s’ajouter aux problèmes immédiats, à savoir diminution de la journée de travail de 12 à 8 heures, congés payés, reconnaissance officielle des organisations syndicales et légalité du droit de grève…’ 13 – L’intellectualisation des cadres (4) La nouvelle politique de l’éducation favorisa la création d’une classe intellectuelle détenant les postes clés de l’administration. Comme nous l’avons exposé lors de l’étude du Cercle Marxiste du Docteur ERANI, cette nouvelle classe constitua une masse à récupérer pour les communistes ; elle devint en fait, l’objectif essentiel de l’offensive du mouvement ressuscité au lendemain de la restauration des libertés publiques. 14 – La stratégie des communistes iraniens On considère généralement deux phases dans la stratégie des communistes iraniens entre 1941 et 1946. La première de ses phases présente les caractéristiques d’un front démocratique voué à atteindre légalement ses buts politiques. Durant cette phase, le mouvement communiste a indéniablement joué le rôle d’instrument servile de la diplomatie soviétique.

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La seconde phase se caractérise par la renaissance d’une action communiste dure dans toutes les régions du pays action visant à récupérer le pouvoir par des moyens constitutionnels, puis par la révolution et la force. Nous analyserons cette seconde phase de l’étude du soulèvement en Azerbaïdjan. 2 – L’organisation du parti TOUDEH 21 - La fondation du parti

Le parti TOUDEH d’Iran fut formé au début du mois d’octobre 1941 par le noyau dur du cercle Marxiste ERANI. Les hommes qui composaient ce noyau avaient été emprisonnés par REZA SCHAH ainsi que nous l’avons évoqué dans un précédent chapitre. Ils furent libéré à la suite d’une amnistie de tous les prisonniers politiques décidés dès le début du règne par Mohammed REZA SCHAH (5). Parmi les fondateurs et dirigeants de ce parti figuraient les noms de : ABOL-GHASSEM ASSADI, Dr. MOSTEZA YAZDI, Dr BAHRAMI, BOZORGUE ALAVI, EHSAN TABARI, ZIAEDDINE et NOURREDDINE ALAMOUTI, ABDOL-HOSSEIN NOUCHINE, etc. …

22 – La tactique du parti En raison d’un certain nombre de raisons tactiques ; l’affiliation communiste du nouveau parti fut volontairement cachée. La loi de 1931 interdisant toute activité communisante n’était pas abrogée (6). Ajoutons à cela l’intérêt des russes soviétiques qui souhaitaient, pour la bonne marche de leur diplomatie, éviter toute identification de ce parti iranien avec leur système idéologique. Souvenons-nous à cet égard, que le cercle Marxiste du Dr ERANI avait toujours affirmé son attachement qu Marxisme mais s’était refusé à être associé au Communisme.

REZA RADMANESH (7) précise sur cette tactique : ‘ … Si elle voulait élargir ses bases d’appui, la nouvelle organisation ne pouvait pas embrasser ouvertement l’idéologie communiste, puisque celle-ci ne serait intelligible que pour le groupe étroit de l’intelligentsia…’ Les fondateurs du parti TOUDEH exploitèrent par contre le prestige encore vivant dans la population des vieux leaders politiques

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et parlementaires qui furent particulièrement actifs avant le coup d’Etat de 1921, c’est à dire durant l’époque antérieure au règne de REZA SCHAH. Ils élirent SOLEIMAN MOHSEN ESKANDERI (8) qui était un véritable vétéran de l’ancien parti social démocrate au poste de président du « Comité Provisoire des Quinze ». Ce comité comprenait deux neveux du premier Président : IRADJ et ABBAS ESKANDARI ainsi que quelques éminents membres du cercle ERANI. La nouvelle organisation avait adopté un statut provisoire la définissant comme un mouvement de masse basé sur une union des travailleurs, des paysans, des artisans et des intellectuels démocrates. Elle désirait de profondes réformes structurelles et axait son combat sur la démocratisation de l’économie et des institutions politiques. IRADJ ESKANDARI (9) a expliqué que c’était : ‘… une organisation anti-impérialiste combattant toute intervention étrangère et colonialiste…’ Dans un souci de mieux asseoir son implantation et d’éviter que sa légalité soit remise en cause, le statut provisoire exagéra volontairement son adhésion aux lois constitutionnelles de l’Iran, et affirma que ses objectifs politiques ne pouvaient se concevoir que dans le cadre d’une garantie parfaite des libertés démocratiques (10). 3 – La lutte contre le fascisme Selon le parti TOUDEH, le fascisme avait pénétré les classes dirigeantes ainsi qu’une bonne fraction de la classe moyenne lettrée. Il se donna pour première tache l’élimination de l’influence du fascisme. Pour ce faire, il décida de créer vers la fin 1941, un journal (11) ouvertement anti-fasciste qui fut baptisé ‘MARDM’ c’est à dire ‘Le Peuple’. Parallèlement, des comités anti-fascistes furent mis en place dans de nombreuses provinces et plus particulièrement dans celles du nord (occupées par les russes soviétiques. Ces comités orientaient leur propagande vers les intellectuels qui affichaient une haine prononcée contre les impérialistes britanniques et qui voyaient une issue possible dans le socialisme nationaliste avec son organisation et ses moyens. ZABIH (12) explique que le parti : ‘… Cherchait à dévier l’élément anglophone dans le Nationalisme Iranien d’une orientation pro-germanique en une orientation anti- fasciste. Ceci n’était pas une tâche aisée, surtout pendant les années où

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les Nazis étaient victorieux sur les fronts orientaux et Nord Africains. Mais tandis que la guerre progressait, la conversation politique devint plus facile, de telle sorte que vers le début de 1944 de nombreux sympathisants NAZIS de la classe moyenne et l’intelligentsia n’étaient que trop heureux de rallier la bannière du parti, (13) particulièrement depuis qu’il avait réussi à se donner une image de marque considérablement nationale…’ 4 – La réorganisation des syndicats Dans le même temps, le ‘Comité Provisoire des Quinze publia SIYASSAT (politique) ; ce journal avait pour mission de diffuser dans tout le pays les nouvelles du parti. Rappelons que les syndicats avaient été interdits sous REZA SCHAH ; leur réorganisation fut immédiatement entreprise (14) avec les anciens dirigeants qui avaient rejoint le parti et en association avec quelques ouvriers de Téhéran formèrent un nouveau syndicat, le Conseil Central des syndicats d’Iran. 5 – La Première Conférence Provinciale En juin 1942 fut convoquée à Téhéran la ‘Première Conférence Provinciale’ du parti TOUDEH. Cent vingt délégués participèrent à ses travaux qui devaient résoudre les problèmes d’organisation et de politique générale du parti, ratifier par un vote les statuts provisoires et élire les organismes directeurs. Cette conférence confirma la politique anti-fasciste conduite par le Comité Provisoire des Quinze et stigmatisa le gouvernement qui essayait de ménager les partis en guerre dans le conflit mondial. I - ESKANDARI (15) expose les revendications formulées par les délégués : 1. – Constitution d’un gouvernement démocratique représentant de larges couches de la population. 2. – Application intégrale des dispositions de la Constitution de l’Iran relatives aux libertés politiques des citoyens et aux droits de l’homme. Abolition des lois et règlements anti-démocratique du gouvernement dictatorial de REZA SCHAH et, notamment, abrogation de la loi du 22 khordad 1310 (5). Réforme de la loi électorale et reconnaissance des droits politiques aux femmes. 3. – Distribution aux paysans des terres appartenant aux domaines privés de l’Etat ainsi qu’aux anciens domaines de REZA

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SCHAH. Expropriation des grands propriétaires fonciers au profit des paysans moyennant une indemnité payée par l’Etat. 4. – Etablissement de la journée de travail de 8 heures et élaboration d’une législation du travail. Reconnaissance officielle des syndicats ouvriers et du droit de grève etc….’ Un statut provisoire du parti basé sur les principes du centralisme démocratique fut adopté par la conférence et la hiérarchie de l’organisation fut déterminée. Au niveau le plus bas, les recrues du parti étaient organisés en cellules ou HOWZEH (16). Après venait le Comité local élu annuellement par l’assemblée des représentants des cellules et jouant le rôle d’organe exécutif du parti dans une ville ou une localité. Au- dessus des comités locaux se trouvaient les comités régionaux ou provinciaux, qui étaient désignés lors des assemblées régionales ou provinciales et subordonnées à leur autorité. Il y avait enfin le Congrès du Parti, organe suprême de la hiérarchie, qui était composé de représentants élus par des assemblées locales. Le Congrès était responsable de l’élection des membres du Comité Central dont le nombre et la composition étaient laissés à son entière appréciation. La conférence, dans sa décision finale chargea le Comité Provincial de Téhéran de procéder à l’organisation du parti sur la base des décisions prises, de préparer la convocation du Premier Congrès et d’assurer jusqu’à cette date les missions normalement dévolues au comité Central du Parti. Nous pouvons dire avec ESKANDARI que pour la première fois l’histoire politique de l’Iran fut modifié dans la mesure ou : ‘… pour la première fois un parti d’un type nouveau, une organisation combative s’appuyant sur les classes laborieuses dotées d’une théorie de combat d’avant garde et répondant aux exigences nationales est définitivement créé…(17) 6 – Le rayonnement du Parti TOUDEH (18) Les cadres du parti furent alors formés à Téhéran et envoyés dans les régions industrielles pour canaliser le mécontentement ouvrier. Leur action fut surtout centrée dans les provinces du nord où l’occupation par l’Armée Rouge constituait une réelle couverture vis à vis du gouvernement Central. L’activité du parti ne se confirma pas à cette seule zone et dès 1943, le territoire national était couvert. Le

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parti était alors devenu un véritable parti de masse essentiellement concentré sur la classe ouvrière. Il eut un succès tout particulier à ISFAHAN, capitale de l’industrie textile, où il intervint avec force et détermination en faveur des ouvriers pour qu’une augmentation des salaires et une diminution des horaires de travail interviennent. La tactique visait à démontrer aux travailleurs que sans une action de masse organisée ils n’obtiendraient rien de la classe dirigeante : ‘… Avec le parti, les travailleurs pourraient non seulement obtenir satisfaction à leurs réclamations immédiates mais aussi devenir une extraordinaire force politique devant être reconnue par les autorités gouvernementales. Les grèves, les manifestations et autres tactiques semblables furent fréquentes, entre 1942 et 1943, pour gagner le soutien des travailleurs …’ (19) C’est ainsi que l’intérêt pour le parti TOUDEH grandit de jour en jour. Il est vrai que son orientation anti fasciste attirait de moins en moins les intellectuels, qui avaient une analyse plus sophistique quant aux développements internationaux et leur impact sur la situation intérieure, mais les classes moyennes et ouvrières, étaient par contre de plus en plus attirées par ses slogans pleins d’espoir ‘Pain, santé et éducation pour tous’ devint le cri de ralliement du parti. (20) 7 – Le front des Libertés Les sympathisants furent très nombreux à se manifester. Ils constituaient en fait une réserve pour une expansion future mais n’étaient pas encore assez politisés pour participer activement au mouvement. Dans le but de mieux les sensibiliser et à terme, se les attacher, le parti décida de former un ‘Front Unique’ ‘… afin d’empêcher le retour de la dictature et d’unir toutes les forces démocratiques dans le combat pour la conquête des libertés constitutionnelles…’(21) Puisqu’il n’existait pas de partis libéraux ou démocrates ayant de but commun, il était guère possible de prendre pour modèle l’expérience européenne du Front Populaire de 1936. Le parti TOUDEH rencontre les responsables des journaux de gauche et libéraux publiés en Iran et décida d’embrasser leurs ‘buts’. Début 1943 plus de 20 publications furent contactées suivant une ligne

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libérale et démocratique, avec l’idée d’aboutir à une politique éditorialiste commune. Cette organisation revêtirait la forme d’un ‘front des Libertés’ qui se vouerait essentiellement à deux combats : - Contre la restauration d’une dictature et de ses collaborateurs ; - Contre le fascisme. L’idée accrocha rapidement, et le ‘Front des libertés’ s’étendit aux principales provinces, embrassant au total 35 journaux et marquant l’apparition d’une polarisation politique qui allait durer jusqu’à la crise d’Azerbaïdjan en 1945-1946, crise que nous évoquerons par ailleurs. 8 – Les élections au quatorzième Madjlesse (22) Aux élections de 1943-1944, le Parti TOUDEH présenta 15 candidats repartis entre les provinces du nord et la ville industrielle d’ISFAHAN. Neuf d’entre eux furent élus en obtenant 120 000 voix des 150 000 votants ; au total, les voix obtenues par le parti représentèrent un peu moins du quinzième du total des voix, ce qui le mit en tête par rapport au plus grand bloc de voix pour un seul parti. Le parti TOUDEH réussit à former une tentative d’alliances électorales avec d’autres candidats opposés à la droite dans les provinces du Nord. Le Comité Central constatant qu’il pourrait difficilement renverser la droite avec ses propres candidats dans ses provinces décida de soutenir les candidats qui satisferaient à au moins deux conditions préalables : - L’opposition à l’ancien régime et à la classe dirigeante à Téhéran ; - Une réputation de défenseur de l’amitié avec l’Union Soviétique. Si l’ont tient compte des candidats alliés qui réussirent, on constate le caractère impressionnant des résultats enregistrés par le parti puisque environ 50 % de l’ensemble des candidats épaulés obtinrent une majorité de voix dans leurs circonscriptions. Le Madjlesse refusa l’élection de l’élection de JAVAD ZADEH appelé JAAFAR PISHERAVI (23) pour son passé communiste ce qui ramena à huit le nombre de députés officiellement inscrits au groupe parlementaire TOUDEH. Ajoutons que ce groupe comptait en permanence sur le soutien de trois autres députés et qu’il avait la sympathie d’une

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trentaine d’élus de l’opposition au Madjlesse. Il était enfin le seul (24) à exprimer une cohésion et une discipline parfaite ; de tous les groupes du Madjlesse, il était le seul à être épaulé par un parti politique de masse le mieux organisé de tout l’Iran moderne. Il est évident qu’en participant ouvertement aux élections parlementaires et en continuant une dure politique de parti au sein du Madjlesse – d’où les communistes avaient été absents pendants plus de vingt ans – le parti TOUDEH se donnait les moyens de faire progresser ses propres orientations. De façon non moins importante, il insistait sur sa requête à être légalisé, déguisant ainsi d’une certaine façon son idéologie communiste. C’était enfin une occasion pour lui de participer à un processus gouvernemental, ce qui se révéla de la plus haute importance lorsqu’il s’identifia aux buts diplomatiques soviétiques. 9- Le Premier Congrès du Parti TOUDEH (25)

Dès qu’il s’avéra que des bases suffisantes avaient été jetées pour justifier un congrès du parti dont l’objet viserait à consolider l’organisation et à réajuster la doctrine. La décision de le convoquer fut prise. Le 1er août 1944, 168 délégués se réunirent à cet effet à Téhéran. Ils représentaient 25 000 adhérents organisés en 8 comités locaux et 12 comités régionaux. L’un des objectifs primordiaux du Congrès était l’approbation finale du statut (26) du parti et de son programme d’action : - Le principe I du premier programme du parti le définissait comme étant « le Parti des classes opprimées, des travailleurs, des paysans, de l’Intelligentsia en quête de liberté, et des artisans » : - Le principe II énonçait que le parti prônait l’indépendance de l’Iran et sa souveraineté et luttait contre les politiques colonialistes qui s’y opposaient. - Le principe III prônait la coopération amicale avec tous les pays respectueux de la liberté, sur la notion de base de l’égalité de toutes les nations et la préservation de la Paix mondiale ; - Le principe IV réclamait la création d’un régime national authentiquement démocratique ;

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- Le principe V faisait savoir que le parti avait combattu les manifestations économiques de l’ancien ordre social, tel que le féodalisme et l’économie paysanne, et luttait de toutes ses forces pour un système économique centralisé et progressiste, basé sur la protection des intérêts de la totalité de la nation. Le programme législatif du parti (27) fut soumis à l’appellation des congressistes. Il prévoyait un certain nombre de lois et de mesures à présenter devant le quatorzième Madjlesse : - Une loi sur le travail afin de régulariser les relations employeurs – employés. - Une loi visant à remodeler le service Civil selon le système du mérite, et à salaire égal travail égal. - Une législation ayant pour objectif la modernisation du code civil et du code pénal et la garantie d’une justice indépendante. - La distribution immédiate des domaines gouvernementaux l’achat et la redistribution des grandes propriétés privées ; une loi sur le partage plus équitable des récoltes. - De nouvelles lois visant à diminuer les impôts pour les groupes à faible revenu et à consolider le monopole d’Etat sur le Commerce et l’Industrie. - La formation de gouvernements régionaux par des élections primaires. - La mise en pratique de la loi existante sur le droit universel à l’éducation gratuite. - Des lois pour réformer les forces armées. - De nouvelles lois concernant la gratuité des services médicaux pour les pauvres et pour la population rurale. I. ESKANDARI (28) rapporte l’incident provoqué par un délégué, KHALIL MALEKI, porte-parole de la fraction critique qui était surtout opposé à la participation du parti aux élections : ‘…Malgré le grand nombre des représentants intellectuels, l’élément ouvrier prédominait. Néanmoins les discussions ne se déroulèrent pas sans heurts. En effet, un professeur de lycée, Khalil MALEKI, soutenu par un certain nombre d’intellectuels, prit une attitude nettement hostile au Comité Central et au nom d’une prétendue tactique, plus révolutionnaire, attaque vivement la politique générale du Parti, qu’il qualifia d’ « opportuniste ». Khalil MALEKI critiquait notamment la participation du Parti aux élections qui,

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déclarait-il, ‘ayant un caractère anti-démocratique ne pouvaient que tromper le peuple et affaiblir l’élan révolutionnaire des masses’. Demandant que le Parti fut épuré des éléments opportunistes, il alla jusqu’à soutenir que seuls devraient être admis qu Parti ceux qui par leur origine familiale présentaient des garanties suffisantes. Ce qui signifiait l’exclusion des fils de propriétaires fonciers et tous ceux qui avaient des parents réactionnaires. Il accusait d’autre part, le Comité Central d’un certain suivisme et d’un manque de vigilance révolutionnaire. Bien qu’une partie des critiques, notamment celles qui concernaient les vices d’organisation, fussent fondée – le comité central n’avait pas manqué de relever ceux-ci dans son rapport – les déclarations bruyantes de MALEKI, loin d’avoir un caractère constructif visaient à saper le Parti en disqualifiant ses dirigeants les plus dévoués. Le congrès accepta le concept d’une direction collective. Plutôt que d’élire un président pour remplacer SOLEIMAN MOHSEN ESKANDARI, mort en février 1944, trois secrétaires généraux furent élus parmi les 11 membres du Comité Central. De plus une commission de contrôle fut composée de 9 membres, un bureau politique composé de cinq membres où le groupe parlementaire était largement représenté et assurait ainsi une unité d’action entre les organes directeurs et leurs représentants au Madjlesse fut installée. Le Congrès (29) décida enfin de se réunir chaque année dans le but d’élire les membres composant les principaux organes de la hiérarchie et d’y apporter les modifications qui pourraient s’avérer nécessaires. Parlant de ce congrès, ZABIH écrit qu’en vertu d’un certain nombre de raisons que nous avons personnellement évoquées : ‘… aucune tentative ne fut faite pour révéler l’orientation Marxiste-Léniniste du parti, mais en acceptant des principes tels que le centralisme démocratique, la soumission de la minorité à la majorité, la direction collective, et une discipline de parti très stricte, le parti reflétait au moins les expressions organisationnelles de cette orientation …’ 10 – Le parti TOUDEH et le MADJLESSE L’étude des registres parlementaires, surtout pendant la dernière époque du quatorzième Madjlesse met en évidence la

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soumission croissante du parti TOUDEH à la diplomatie soviétique, si bien que début 1945, le groupe TOUDEH s’était transformé en porte- parole soviétique. Pendant le débat sur la procédure concernant le mandat des membres, le groupe TOUDEH s’aligna avec les éléments anti-britanniques et progressistes afin de s’opposer à la présence de TABATABAI, qu’ils considéraient comme le symbole de la réaction et l’avocat de la restauration du régime précédent, bien que TABATABAI et son parti soutenassent la cause alliée et critique l’ancien SCHAH. Dans leur opposition à TABATABAI les membres du parti TOUDEH étaient soutenus par la plupart des députés récemment élus d’obédience nationaliste, menés par le Dr. MOHAMMAD MOSSADEGH et représentant la faction centre gauche du Majlis. Le groupe parlementaire TOUDEH s’opposa à tous les gouvernements formés et ce, jusqu’au printemps 1945 où un cabinet fut mis sur pied par MORTEZABAYAT puis AHMAD GHAVAM avec l’accord des soviétiques. Le Comité Central décida d’accorder son soutien à ce gouvernement. L’un des aspects de ce problème fut l’abandon de la ligue radicale du parti, qui jusque là l’avait empêché de soutenir un cabinet dont le programme ne contenait pas les demandes minimums du parti. L’abandon de cette ligue provoqua une crise, surtout au sein de l’aile avait déjà exprimé ses craintes quant à la participation aux élections qu’elle considérait comme non démocratiques et incompatibles avec la plate forme du parti. Nous avons déjà vu, que les discussions à ce sujet faillirent provoquer une rupture dans la direction du parti au moment du 1er congrès. Or, moins d’une année plus tard, le groupe parlementaire du parti proposa de faire un autre pas en avant et de rejoindre les indépendants les progressistes et même les éléments de la droite pour épauler un gouvernement qui ne différait pas tellement de ses prédécesseurs… Mais ce changement de tactique était de toute évidence utile à la diplomatie soviétique. II – LE PARTI ERADEH-MELLI 1 - Les origines du parti ERADEH-MELLI Le parti ERADEH-MELLI ou parti de la « Volonté du Peuple » fut formé autour de SEYED ZIA ED DINE TABATABAI en 1943. Rappelons que TABATABAI avait dirigé le coup d’Etat de 1921 aux côtés du Colonel REZA KHAN devenu par la suite REZA

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SCHAH. Il exerça les fonctions de Premier Ministre durant les mois qui suivirent immédiatement le coup d’Etat, puis à la suite d’un désaccord, il démissionna et quitta l’Iran pour la Syrie où il vécut en exil à HAIFA sous la surveillance des britanniques. Durant le deuxième conflit mondial et plus particulièrement entre 1942 et 1943, une instabilité politique intérieure se concrétisa par la succession de gouvernements qui s’avèraient faibles et incapables de résoudre les problèmes politiques découlant de l’occupation anglo-soviétique et de la présence économique des allemands. Au gouvernement FOROUGHI avait succédé celui de ALI SOHEILY qui céda à son tour la place à GHAVAM-é-SULTANEH. Ce dernier fut renversé et remplacé par le deuxième cabinet ALI SOHEILY. I.ESKANDARI (30) écrit à ce sujet : ‘… Ce n’était pas encore l’homme qu’il fallait à la création en Iran… L’homme fort était à trouver…’

L’auteur poursuit plus loin son explication en ces termes : ‘… Entre temps le Foreign Office découvrait un « homme à poigne » en la personne de SEYED ZIAED DINE, auteur du coup d’Etat de 1921, qui avait amené REZA SCHAH au pouvoir. Dès l’été 1943, la presse réactionnaire entreprit de préparer l’opinion publique au retour de SEYED ZIAED DINE, qui vivait en exil en Syrie. Cette propagande timide au début devint bientôt le thème central de toute la presse de droite et le leitmotiv des milieux réactionnaires de l’Iran…’ FREIDONNE SAHEBJAM (31) donne une version semblable des faits puisqu’elle met également les Britanniques en cause : ‘… Mis à l’ombre par les Anglais à Haïfa, puis ramené en Iran par ces mêmes anglais…’ TABATABAI rentra à Téhéran en septembre 1943 et fut élu député de YAZD, sa ville natale dès les élections pour le quatorzième Madjlesse. La validité de son mandat fut mise en cause par le parti TOUDEH et le Dr MOSSADEGH qui lui reprochèrent d’avoir illégalement arrêté des citoyens iraniens lors du coup d’Etat de 1921

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avec l’aide et dans l’intérêt des anglais, d’avoir ainsi porté atteinte au gouvernement national et à l’indépendance de l’Iran. La validité de son mandat fut mise au voix et reconnue par une large majorité du Madjlesse. TABATABAI obtint le soutien inconditionnel des britanniques pour une lutte contre le TOUDEH et le communisme en Iran. Les capitalistes et les marchands se joignirent à lui pour créer le parti ERADEH-MELLI qui fut officiellement créé en janvier 1945.

2 – L’organisation du parti ERADEH-MELLI (32) Le parti ERADEH-MELLI fut structuré par une organisation fortement hiérarchisée : - A la base se trouvait le HALGHEH ou « cercle » comprenant neuf membres sous l’autorité d’un chef. - Les HALGHEH étaient groupés par neuf pour former un RABET ou « groupe de liaison » présidé par un chef. Ce dernier était nommé par le Secrétaire Général du Parti. Le parti tint son premier congrès en mars 1945 ; il porta à sa présidence l’ancien ministre REZA GHOLI HEDAYAT et confia le poste clé de Secrétaire Général à TABATABAI. Le nouveau parti fut séduit par l’organisation des marxistes en « Front de la Liberté ». Suivant le même schéma, il parvint à jouer une coalition d’organes de presse qui se groupèrent dans le « Front National » qui devint ensuite le « Front de l’Indépendance » . Vingt deux journaux adhérèrent à cette coalition. F. SAHEBJAM (33) explique la personnalité de TABATABAI et la force qu’il réussit à insuffler à son organisation : ‘… Seul député de son parti au madjlesse, la personnalité de TABATABAI suffit à inspirer et guider bon nombre de ses collègues. Si le nombre des adhérents à l’ERADEH-MELLI est inconnu, on peut cependant dire qu’il tirait sa force essentielle de son alliance avec les éléments conservateurs du pays, tels que les grands propriétaires, les commerçants, les chefs de tribus, le clergé, qui avaient tous fait front commun pour combattre le TOUDEH …’ 3 –Les comportements du ERADEH-MELLI Le parti de SEYED ZIA ED-DINE TABATABAI se déclarait en communion idéologique avec les « populistes » russes auxquels il avait en fait emprunté le nom : ‘NARODNAÏA VOLIA’ . Sa

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composition excluait toutefois toute ressemblance avec les populistes ; il était en effet surtout composé de grands propriétaires fonciers, de chefs de tribus, de gros commerçants et industriels et la lutte qu’il engageait était ouvertement dirigée vers les organisations marxistes et non contre le système autocratique et dictatorial. I. ESKANDARI déclare : ‘… Lié intimement au Docteur MILLSPAUGH conseiller américain aux finances qui conformément à une loi passée par la treizième législature, exerçait des pouvoirs illimités sur l’économie iranienne, SEYED ZIA ED DINE contrôlait en fait le gouvernement de l’Iran …’ Il est évident que la naissance de ce parti, l’organisation qu’il réussit à mettre en place et les énormes moyens dont il disposait n’était pas fait pour plaire aux communistes de TOUDEH. Cette naissance concorda avec toute une série d’attentats et agitations diverses et les membres du parti TOUDEH ne manquèrent pas de les mettre sur le dos des amis de TABATABAI. ESKANDARI (34) raconte que : ‘… Toute une série de provocations contre les organisations du Parti TOUDEH marqua les débuts de ce nouveau parti. Des bandes terroristes armées, à la solde de cette organisation, de concert avec la police, l’état major et la gendarmerie dirigées par le colonel américain SCHWARZKOPT et financées par les libéralités bienveillantes du conseiller américain aux finances Millspaugh, attaquaient les locaux du Parti TOUDEH et des syndicats, et cherchaient par leurs provocations continues à semer la panique parmi la population et à créer des troubles dans les provinces du nord où l’armée soviétique stationnait. Les provocations et les attaques contre les membres du parti dans les provinces au Nord se combinaient avec une série d’actes répressifs contre les membres du Parti et des syndicats dans les régions du sud et surtout dans la grande ville industrielle d’Ispahan où les syndicats et le Parti avaient une grande influence…’ On ne peut toutefois affirmer la responsabilité totale des amis de TABATABAI dans ces affaires. Certains des actes décrits par ESKANDARI ont été sûrement commis par les ERADEH-MELLI mais si l’on garde à l’esprit la volonté affirmée par les communistes de discréditer aux yeux de l’opinion publique l’idéologie du parti de TABATABAI on ne peut qu’émettre quelques réserves sur la part des

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responsabilités active du TOUDEH était en effet capable de fomenter elle-même des agitations violentes pour ensuite les faire supporter à TABATABAI. 4 – Le programme du parti ERADEH-MELLI Le programme du parti ERADEH MELLI comprenait huit points importants : 1. Tout d’abord la consolidation de l’indépendance politique et économique de l’Iran et le maintien du principe du régime constitutionnel ; 2. Le respect du droit de chacun aux libertés individuelles ; 3. La lutte contre la pauvreté et la mendicité ; 4. La diffusion des prescriptions de la religion et le développement de l’éducation au profit de tous les citoyens ; 5. La sauvegarde de la famille ; 6. L’amélioration de la gestion des biens de main morte ; 7. La révision du statut des fonctionnaires ; 8. Enfin, la réalisation de réformes et de progrès dans les administrations, dans les rapports entre travailleurs et employeurs, dans les diverses sphères de la population iranienne laborieuse. Les grandes lignes de ce programme pouvaient paraître proches de celles des autres partis politiques mais quelques traits essentiels les faisaient complètement différer du programme avancé par les formations de gauche. La première de ces différences se retrouvait dans l’appréciation quant au rôle des tribus. L’ERADEH MELLI proposait la création d’un Conseil Supérieur des Tribus et d’un service des Tribus au sein du Ministère de l’Intérieur. Il s’agissait pour lui d’améliorer les relations inter-tribales qui étaient très souvent tendues. Cette proposition s’opposait totalement au TOUDEH qui critiquait le féodalisme des tribus. De même, à l’opposé des propositions du TUDEH le parti ERADEH MELLI mettait la religion à l’honneur, préconisait un rôle plus accru à l’agriculture par rapport à celui à donner à l’industrie, le développement des entreprises privées, l’annulation du service militaire obligatoire etc.… Il estimait enfin que l’Iran devait observer une neutralité permanente, à la manière de la Suisse. 5 – La fin du parti ERADEH MELLI

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Le parti ERADEH MELLI et son secrétaire général TABATABAI furent continuellement agressés par la Russie soviétique et par le parti TOUDEH. Ils résistèrent avec vigueur jusqu’au 21 mars 1946… Ce jour là TABATABAI fut arrêté sur l’ordre de GHAVAM SALTANEH, Premier Ministre qui avait succédé le 14 février 1946 à HAKIMI ; il fut emprisonné et libéré un an après. L’explication officieuse de cette affaire affirme que l’arrestation fut étroitement liée au rapprochement irano-soviétique ardemment recherché par le gouvernement iranien. Nous verrons que c’est à cette époque que le drame d’Azerbaïdjan se termina au détriment de la Russie soviétique et les historiens s’entendent pour reconnaître que l’arrestation de TABATABAI constituait une sorte de compensation. III – LA CRISE DU PETROLE 1 - Les concessions demandées par les occidentaux A la fin de l’année 1943 et au début de 1944, plusieurs sociétés capitalistes occidentales sollicitèrent des iraniens de nouvelles concessions pétrolières. Ces sociétés étaient : BRITISH SHELL COMPANY, STANDARD VACCUM OIL COMPANY (formée par standard Oil of New Jersey et Socony Vaccum Oil company) et Sinclair Oil Company. Jusqu’à cette époque, les champs pétroliféres du sud étaient exploités par l’A.O.I.C. (Anglo Iranien Oil Company) et ceux du nord (région de Kavir Hourian, près de SEMNAN) l’étaient par un groupe irano soviétique de faible importance. Les nouvelles demandes de concessions furent étudiées par le gouvernement et discutées au cours de négociations secrètes entre les parties intéressées ; au mois de mai 1944, le madjlesse fut informé de ces négociations… La nouvelle se répandit au sein des populations qui manifestèrent leur opposition formelle au projet. Les députés réagirent de la même façon et au cours des débats du 10 août (35) le Docteur RADMANECHE, s’exprimant au nom du groupe TOUDEH, affirma que le peuple iranien était entièrement capable d’exploiter les ressources pétrolières du pays et s’opposa à l’octroi de toute concession à des étrangers. Les députés nationalistes exprimèrent une opinion semblable et demandèrent avec insistance au gouvernement de refuser ces concessions aux sociétés étrangères. L’argument qu’ils développaient

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tenait essentiellement au fait que le conflit mondial n’était pas terminé ; ils se déclaraient prêts à étudier la question dès que la guerre serait terminée. 2 – Les concessions demandées par les Soviétiques Alors que la discussion sur les concessions pétrolières était considérée comme close, un fait nouveau se déroula, relançant âprement le débat. Le 17 septembre 1944 arriva à Téhéran le vice- commissaire du peuple aux affaires étrangères soviétiques KAVTARADZE à la tête d’une délégation comprenant des diplomates et des techniciens. KAVTARADZE exposa que son gouvernement souhaitait obtenir une exclusivité des concessions pétrolières pour toutes les provinces septentrionales de l’Iran. LENCZOWSKI (36) rapporte que la population interpréta diversement cette demande. Certains soutenaient que les Soviétiques voulaient ainsi empêcher tout accord de concession aux sociétés anglo-américaines ; d’autres affirmaient qu’ils recherchaient une concession pétrolière favorable tant à leurs intérêts économiques qu’à leur influence en Iran. Le 16 octobre, le Premier Ministre SAED annonça que le gouvernement, conformément au vœux exprimés par le Madjlesse rejetait toute demande de concession jusqu’à la fin des hostilités. Cette décision ne fut suivie d’aucune réaction de la part des occidentaux mais provoqua une violente campagne de presse soviétique contre le gouvernement de l’Iran. 3 – La campagne de presse soviétique et l’action du TOUDEH Cette campagne débuta par un article (37) publié dans ‘TROUD’, organe des syndicats soviétiques sous le titre ‘Les paroles et les actes de M. SAED’. Cet article attaquait avec la violence la politique du premier ministre et accusait le gouvernement iranien de n’avoir pas puni ‘… L’action nuisible de certains éléments mal intentionnés…’ qui avaient saboté la voie du ravitaillement vers la Russie. Le même article reprochait à SAED de ne pas s’être opposé au ‘renforcement des activités subversives des éléments pro fascistes…’ Le procès d’intention ainsi ouvert relevait de la simple provocation car les Iraniens, et l’histoire en fait preuve, s’efforcèrent toujours de satisfaire au mieux les intérêts des alliés.

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Le 24 octobre 1944, le soviétique KAVTARADZE donna une conférence de presse et déclara que le refus de la concession pétrolière : ‘… a été accueilli dans les milieux soviétiques d’une manière absolument négative… L’attitude déloyale et inamicale du premier ministre iranien à l’égard de l’Union Soviétique exclut toute possibilité d’une collaboration ultérieure avec lui…’ Les organisations communistes en Iran entendirent la sentence prononcée par le commissariat soviétique et ne demeurèrent pas inactives, reniant en cela les positions exprimées quelques mois avant au nom du TOUDEH par le Dr RADMANECHE devant le Madjlesse. Les journaux du ‘Front des Libertés’ et plus particulièrement l’organe du parti TOUDEH ‘RAHBAR’ attaquèrent que le même ton que les Soviétiques le gouvernement qui fut ainsi qualifié de fasciste et de réactionnaire : ‘… Chaque gouvernement qui agit contre l’U.R.S.S. est fasciste …’ (38) Les actions intérieures furent couronnées par un meeting convoqué devant le madjlesse le 27 octobre 1944. L’ordre du jour de ce meeting comprend deux points : - POUR une concession pétrolière aux soviétiques - CONTRE la politique gouvernementale. La manifestation est suivie par les troupes soviétiques qui s’opposent à une intervention des forces gouvernementales visant à disperser les participants. C’est alors qu’une déclaration du gouvernement prononcée devant la presse par le Premier Ministre SAED le 29 octobre 1944 expose que la décision iranienne n’a nullement été prise contre l’Union Soviétique… qu’il s’est seulement agit de retarder l’octroi des concessions à l’ensemble des puissances étrangères candidates… ; Ce raisonnement fut justifié par quatre raisons fondamentales a) La présence des troupes étrangères en Iran et le fait qu’en de telles circonstances l’opinion publique pourrait douter de l’indépendance de la décision du gouvernement. b) La situation incertaine de l’économie mondiale ; c) Le fait que certaines questions pétrolières n’ont pas été résolues par la dernière conférence anglo-américaine à Washington ;

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d) Le fait que les représentants diplomatiques iraniens à l’étranger conseillent au gouvernement de Téhéran de ne pas accorder de concession jusqu’à la fin de la guerre. Les communistes soviétiques et iraniens poursuivirent leurs attaques contre le gouvernement si bien que SAED, découragé bien que soutenu par une majorité au sein du madjlesse démissionna le 10 novembre 1944. 4 – Le gouvernement BAYAT et le TOUDEH SAED fut remplacé par BAYAT au poste de Premier Ministre. Son gouvernement était soutenu par les députés du TOUDEH qui définissaient comme une nécessité infligée par la droite. Selon eux, la droite projetait de former un nouveau gouvernement sous la présidence de TABATABAI, qui était reconnu comme le leader des attitudes anti-soviétiques : ‘… Le ministère BAYAT, qui remplaça SAED devait nécessairement tenir compte des aspirations populaires. Pour la première fois une majorité parlementaire appuyée sur l’aile gauche de la Chambre fut formée. Le groupe TOUDEH vota la confiance pour la première fois depuis sa participation au Parlement, au gouvernement BAYAT qui se déclarait nettement hostile à la politique ziaïste. Le parti TOUDEH et le groupe progressiste de l’assemblée demandaient l’annulation des pouvoirs exceptionnels conférés au conseiller américain aux finances. Sous la poussée de l’opinion publique, l’abrogation de la loi conférant des pouvoirs économiques illimités au Dr MILLSPAUGH fut votée à une forte majorité, ce qui amena la démission du conseiller américain. Ainsi l’espoir des britanniques de voir SEYED ZIAED-DINE au pouvoir était perdu ; la majorité parlementaire abandonna ce dernier à son sort propre parti. « ERADEH MELLI » se disloqua bientôt…’(39) Ce n’était en secret pour personne que le gouvernement BAYAT jouissait de l’appui soviétique. Pendant la crise qui suivit la démission de SAED, l’attitude officielle du gouvernement soviétique envers l’Iran devint de plus en plus agressive ; les propagandistes soviétiques travaillaient à amener l’idée que l’ère de l’orientation pro- occidentale dans la politique iranienne touchait à sa fin. Au plus fort de la crise du pétrole, le parti TOUDEH exposa la thèse (40) du ‘Périmètre de sécurité de l’Union soviétique’ selon laquelle la région Nord de l’Iran devait être considérée comme

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indispensable à la sécurité de l’U.R.S.S. et libérée de toute influence britannique. Une concession pétrolière, surtout si elle pouvait se comparer à celle de la ‘British-Iranian Oil Company’ dans le sud, ne ferait que consolider cette région en tant que périmètre de sécurité. En outre, le parti TOUDEH soutenait que cela aiderait à l’industrialisation d’une bonne partie du pays et amènerait l’émancipation économique du peuple. De nombreux porte-parole justifièrent cette orientation pro- soviétique en expliquant qu’elle résultait de la seconde guerre mondiale. L’un des membres imminents du Comité Central du Parti et du groupe parlementaire, REZA RADMANESH (41) se plaignit de ce que, sous l’ancien régime, son pays n’était pas au courant de l’important mouvement socio-politique Russe parce que les gouvernements ne voulaient pas que le peuple connaisse les réalisations de la Russie. Il fit remarquer, que puisque l’Union soviétique était devenue l’une des grandes puissances du monde depuis sa lutte contre le fascisme, cette politique ne pouvait plus durer. A la place, il proposa une politique équilibrée. ‘… Je me fais l’avocat d’un équilibre des pouvoirs politiques, qui diffère considérablement de la politique pratiquée actuellement et qui contraste totalement avec celle pratiquée pendant la période d’avant 1941. Nous devions être un agent d’équilibre entre les deux grandes puissances ; nous devions renforcer cet équilibre plutôt que de la troubler. Parallèlement à ceci, nous devrions créer un équilibre social à l’intérieur du pays grâce à des sérieuses réformes et à d’importantes tentatives pour éliminer le système des privilèges. Si nous échouons dans ces tentatives, notre pays s’avancera vers une révolution qui causera la perte des défenseurs des politiques actuelles…’ Ce raisonnement correspondait exactement aux thèses du parti TOUDEH quelques temps avant la chute du gouvernement BAYAT. Rappelons que ce cabinet avait été installé en grande partie pour apaiser les Russes soviétiques et pour tenter d’effacer les malentendus réels nés pendant la crise du pétrole. C’est à la suite d’un vote de défiance du madjlesse que BAYAT fut renversé à la mi-avril 1945. Le parti TOUDEH déclara (42) à cette occasion qu’il reconnaissait dans cette affaire la raison de la coalition de droite. 5 – L’action menée par le Docteur MOSSADEGH

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Le Docteur MOSSADEGH leader de la minorité mais de tendance nationaliste, se prononça contre l’octroi de toute concession pétrolière ; sa position devint plus ferme à mesure que les soviétiques intensifiaient leurs pressions avec la complicité de l’appareil TOUDEH. Le 2 décembre 1944, il déposa devant le Madjlesse une proposition de loi (43) interdisant au gouvernement de négocier ou d’accorder des concessions pétrolières aux sociétés ou aux Etats Etrangers, sans le consentement préalable du parlement. L’article 3 stipulait qu’en cas de dérogation à cette loi, des peines de prison et d’exclusion à vie de toute fonction publique seraient infligées. Les soviétiques exercent des pressions sur les députés et encore une fois ceux du groupe TOUDEH manifestèrent leur opposition au projet, confirmant, en cela leur attachement pour la cause soviétique plutôt que pour la cause iranienne. Malgré ce, le projet du Docteur MOSSADEGH fut voté et adopté par une large majorité ce qui mécontenta le vice-commissaire soviétique KAVTARADZE (44) qui décida de repartir pour Moscou. Avant son départ, il déclara que la nouvelle loi était ‘illogique’, qu’elle constituait une ‘erreur’ et que le madjlesse devait ‘corriger cette erreur’. 6 – Les explications du parti TOUDEH Après la chute du cabinet BAYAT une longue crise politique s’enclencha. Le parti TOUDEH entreprit alors une vaste campagne d’explication quant à sa position pro-soviétique, et ce, dans le but d’apaiser les craintes populaires. Le théâtre de cette campagne d’explication fut le madjlesse où le parti délégua chacun de ses orateurs. C’est ainsi qu’il justifia le soutien global qu’il accordait à tous les mouvements de gauche repartis dans le monde en prétendant que le bien de l’Iran ne pouvait se réaliser qu’avec le soutien des divers mouvements de libération nationale. (45) Les orateurs poursuivaient leurs explications en rappelant que le socialisme n’était pas le monopole de l’Union Soviétique où il n’était même pas né. ‘… C’est un credo national et international qui offre l’espoir et la foi à de nombreux pays. Mais là n’est pas la question, car notre parti n’est en aucune façon socialiste. Il est plutôt une organisation politique

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démocratique qui s’est développée en Iran par nécessité historique…’ (46)

Ils affirmèrent ensuite que le parti TOUDEH n’était pas communiste :

‘… Nos méthodes ont pour bases l’intérêt des masses. Nous voulons des relations amicales avec tous les alliés, surtout avec l’Union Soviétique et la Grande Bretagne …’ (47)

Ils avancèrent un argument - considéré par eux comme décisif pour la défense de l’Union Soviétique – exposant qu’aucun état socialiste ne pouvait, de par sa nature, conduire une politique colonialiste :

‘… Le gouvernement soviétique ne peut et ne veut défendre le colonialisme, car la Russie est une société sans classe où l’exploitation de l’homme par l’homme ou par l’Etat n’existe pas. Nous devrions mieux connaître notre voisin, de façon à adopter une politique correcte face à son gouvernement…’ (48)

Cet argument n’était nullement accepté par l’opinion publique et posait des problèmes au sein des instances même du parti, problèmes qui débouchèrent sur une dissidence.

La nouvelle fraction de dissidents démontra quelques années plus tard (49) que l’U.R.S.S. était ‘… loin d’être vierge de toute tendance colonialiste ou impérialiste !…’ elle ajouta que l’étiquette d’une société sans classe n’empêchait pas les soviétiques de se conduire comme toute autre grande puissance ayant un système social différent.

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1) F. SAHEBJAM, op. Cité page 135. 2) M. A. DJAMALZADEH : Aperçus sur la situation sociale et économique de l’Iran, B.I.T. février 1951, in R.I.D.T. 3) – ‘Histoire du parti TOUDEH’ Moyen Orient n°5 (novembre 1949) 7. 4) ‘... Although a labor movement had existed in Iran as early as 1916, the real founder of the party was one Dr ARANI who absorbed his political views with his medical studies in Berlin immediately after World War 1. On his return to Iran in the early 1930’s he gathered around him a group of young students and professionnal men whose common ground was a hatred of dictatorship and a sympathy with Marxiste ideas. There is little evidence to show that they had active Russian support at this period. In 1933 the group began publication of Danya (The World), an intellectual monthly magazine. Its influence was small, but it seems to have been feared by the authorities, for in the early part of 1937 Dr ARANI and 52 of his followers were arrested and tried under an Act of 1931 prohibiting communist activities. All of the ‘53’ were sentenced to long terms of imprisonment, and Dr ARANI himself died in prison – he is generally held to have been murdered. Two was remaining members of his group that formed the nucleus of the TOUDEH Party on their releases in September 1941. The group’s first public activity was a demonstration at the grave of Dr ARANI on february 2 1942, when they claimed as their leader Suleyman Mohsen Iskandari, a prince of the Gajar family with a long standing tradition of liberal politics dating from the constitutionnal movement of 1906. He personally had had no contact with Dr ERANI’S group, though his nephew, Iraj Iskandari, was one of those imprisoned. His name lent the party an air of respectability, which was further enhanced by the absence of any reference to communism in its program and propaganda. This reticence was indeed forced upon the party members by the still valid ban on communist activities, and by the prevale distrust of Russia. Nevertherless, there is no doubt that there was then, and still is, a considerable group within the party’s ranks whose left-wing views are not tainted with any subservience to Soviet policy, though they have rarely been able to exert much influence in its councils.

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The TOUDEH Party in addition to forming its own subsidiary organizations for workers, peasants, women, students, and so on, collaborated on communist United Front lines with other political groups, always with the effect of bringing them ultimately under TOUDEH control. One notable example was the Anti-Fascist Society, founded by Mostafa Fateh, a high official of the Anglo- Iranian Oil Company. Fateh left the society when extremist element began to get the upper hand, but its newspaper Mardom (People) subsequently became a TOUDEH Party organ. Again, in august 1942 the official TOUDEH organ, Siyasat (Politics), joined the newly formed Press Union, and continued to support it when it became merged with the leftist press asssociation known as ‘Freedom Front’ in july 1943. It was not until the summer of 1944 that this latter group came wholly under TOUDEH Party control.

The party was naturally strongest in the northern zone occupied by the Russians, but this need not be attributed wholly to Soviet influence. Industrialization had gone further in Guilan and Mazanderan than in most other arear owing to the policy of REZA SCHAH ;the peasant population, too was less scattered and therefore more easily organized. But important branches were also formed in the industrial center of Isfahan, and the Anglo Iranian Oil Company’s area in the south west, as well as in provincial towns like Meshed, Kermanshah, and Hamadan.

In Azerbaïdjan, the TOUDEH Party faced a somewhat different case. Theinhabitants of this populous and fertile province, speaking a different language from their compatriots, had been systematically neglected by the central government ; and they were always ready to listen to any group that urged them to defy its authority – particularly with the prosperous example of Soviet Azerbaïdjan just across the frontier. Yet even here the TOUDEH Party did not make marked progress ; the Soviet authorities seemed content to facilitate, without encouraging, its activaties, and party propaganda took as elsewhere a moderate line. The is some reason to think that Russianpaid more attention at first, at any rate, to actively separist movements movements, such as Kave Group formed by Ja’far Pishevari, a Soviet-trained labor agitator. It is certainly true that these extremist elements were contemptuous of the official TOUDEH Party,

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which the USSR presumably regarded as of little value so long as the maintenance of security in Iran was the primary consideration...’ POLITICAL PARTIES IN IRAN – 1941-1948 – L.P. Elwell –Satton, in the Middle East Journal, sept. Oct. Nov. 1948. 5) ‘... Les dirigeants communistes iraniens n’ont jamais tenu compte des fondements profonds de la pensée marxiste qu’il convenait en fait d’appliquer au contexte socio-économique du pays. L’erreur continuellement répétée fut d’élément externe plutôt que sur les contradictions internes delà société…dont le système de production est entièrement différent dont le système de production est entièrement différent de celui observé par KARL MARX en Europe…’ R. ABBASSI 6) C. STEINER ‘DER IRANISMUS’, Ost probleme 30 septembre 1955 p. 1497. 7) ‘On May Day, 1929, REZA SCHAH took action against the “freedom lovers” of Iran. Most of those individduals who proudly bore this title wer communists, and a number had been trained in Russia. Promoting the cause of “Freedom” was a very unrewarding enterprise and most of them did not emerge while he was on the threone. The drive the activity of the secret police. But there were several high points when mass action against special groups was taken. This particular action was directed against the promoters of union activity. The worker’s unions in Iran dated from about 1920, when a first meeting was held at Teheran of delegates from unions of bakery workers, shoemakers, drugstore workers, teachers, government employees, construction workeers, weavers, porters and others. The movement grew to number some seven thousand members. In 1924 its leader, Sayyid Muhammad Dihgan, went to Moscow to attend the fourth session of the Third International and on his return gave his report in the newspaper Haqiqat at Teheran. However, the paper was soon suppressed, and police and soldiers, acting on orders of REZA SCHAH, wreckled and llote the meeting places of the unions. REZA SCHAH was opposed to ang celebration of May Day and in 1926 and 1927 the occasion was marked only by the issuance of statements and appropriate poetry. However, great advance preparations were made for May 1,1929, with some two thousand workers attending all-day meetings in the Bagh-i Mui’nis at Teheran.

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As a direct result some fifty workers were arrested and about the same number of others took flight or hid from the police, but the leaders were sought out and jailed over a period of months. Many of the Iranians who were to emerge in the TOUDEH Party in 1942 and in the autonomous regime in Azerbaïdjan in 1945 were among those arrested between 1928 and 1931. These individuals, such as Baqir Imami, Abd al Samad Kambaksh, and Reza Rusta, were agents of the Soviet Union prior to their arrest and in the jears following their release from detention. Also the following were jailed between 1928 and1931 ; Sayyid Murtiza Hijzazi, Sayyid Muhammad Dihgan, Muhammad Biriya. H. Tarbiat and G. Simonian (both trained in the USSR), Ya’qub Zabigar and Dr. Salam Allah Javid.’ Donald N. WIBER : REZA SCHAH PAHLAVI – The resurrection and reconstruction of Iran, by D.N.WILBER, 1975 USA pp. 131-132. 8) REZA RADMANESH – ‘HEZBE TUDEHE IRAN, HEZBE TARAZE NOVINE TABAGHEME KARGAR’ (le parti TOUDEH en Iran, le type moderne d’un parti de classe ouvrière). DONYA – Vol. II n° 2 (été 1961) 1, 9) SOLEIMAN M. ESKANDARI était un prince de l’ancienne dynastie des QADJARS. Sa nomination à la tête du Comité provisoire confera au TOUDEH un prestige certain… 10) ASSASSNAMEHS MOVAGHAT HEZBE TOUDEH ( le statut provisoire du parti TOUDEH) (Teheran 1942) cité par I.ESKANDARI ‘dans l’histoire du Parti TOUDEH’ Moyen Orient n° 6 (décembre 1949), 9. 11) Le gouvernement militaire de Téhéran, SEYRE KOMONISH DAR IRAN (l’évolution du communisme en Iran) (Téhéran 1958) page 61. 12) La direction du journal ‘MARDOM’ fut confiée à un ancien SAFAR NOWII. 13) ZABI H, The Communist movement in Iran. 14) BOZORG ALAVI KAMFEN DES IRAN (Berlin 1955) est l’un des exemples de littérature communiste admettant les antécédent pro- nazi des premières recrues du parti. 15) A. MOHAMMAD ZADEH ‘Report on the trade Union Movement in Iran’ World Trade Union Movement (décembre 1949) pp. 30-31.

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16) I. ESKANDARI op. Déjà cité Moyen Orient n° 6 page 10. 17) Ces cellules étaient organisées dans des entreprises ou les quartiers. 18) I. ESKANDAARI , op. Déjà cité page 10. 19) ‘... Many other parties were announced during 1941 and 1942 but none of these had an organization comparable with that of the TOUDEH whatever they may have claimed on paper. For the most part they were formed from above – a few people grouping themselves around some prominent personality or publishing a newspaper with funds provided by an anonymous capitalist. Their program were virtually interchargeable and were confined to a series of pious platitudes of which the ‘intergrity and independence of Iran’ was usually the first. Their names gave even less indication of their policy ; some were new some were sentimental revivals from the constitutional period. Parties of this type seldom spread their influence beyond their own circle of intellectuals and professionnal men ; and their fortunes being dependant on the whims of individuals, fluctuated widely. One of the most promising of these was the Hamrahan (Comrades), formed in October 1942 by Mostafa fateh, after his break with the Anti-Fascist society. It professed a socialist policy. Indeed, it was more orthodox than the TOUDEH Party in advocating the nationalization of the means of production, as well as social insurance free medical facilities and education, and family allowances. In April 1943, it began the publication of a newspaper Imruz va Fardo (Today and Tomorrow). Asecond group was the Adalat (, formed in december 1941 by the majlis deputy Ali Dashti a prominent journalist of the post-world War 1 period. For a time it had the support of the influenctial newspaper Mehr-i-Iran (sun of Iran), representing the mercantile and bazar interests ; later it published its own organ, Bahram (January 1944), followed by Neda-Yi-Adalat (Cry of Justice). Its program was worded vaguely enough to attract the support of quite a number of deputies and other notables ; one of its most active members was the lawyer Ibrahim Khajeh Nuri, Director of Press and Propaganda in the autumn of 1943 and again in 1948. The Mihan Parastan (Patriots) had a very similar program, though leaning more to the left ; its members seem mostly to have been officials and technical men. It ran a newspaper of the same name.

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Closely connected with it was the Paykar (Battle) Party, whose membership had a somewhat more intellectual cast ; among those interested in it at one time or another were M. Husayn ala (subsequently Iranian Ambassador to the United states) and the lawyer Dr. Isa Sadiq Khosro Iqbal, another lawyer, edited its paper, Bahar (spring), which later became Nabard (struggle). In June 1943, the party was joined by the independent left-winf daily Iran-i-Ma (Our Iran) which continued to be prominent in the press world long after the Paykar Party had ceased to exist. Brief mention might be made of the Mard-i-Kar (Men of Work) Party, a group of educated men led by Amir Ibrahimi ; the Millat (Nation Party, a reformist party founded by Mohammad Dadag Tabatabai in january 1942 ; the Milli (National) Party, founded by Mohammad Tadayyon, one time Minister of Education, in October 1941 ; and the jangal (forest) Party in Resht, a watered down edition of the revolutionary movement of twenty-five years before...’ ELWELL SUTTON, op. Déjà cité. 20) ZABIH, Op. déjà cité. 21) Cité par George LENCZOWSKI ‘The communist movement in Iran’ Middle east Journal, Vol. I, n° 1 (1947), 31. 22) IRADJ ESKANDARI, op. Déj. Cit. III page 10. 23) ‘… There was a little party organization in the 14th Majlis which began to function in 1944. About 40 per cent of the old deputies survived, but among the new ones sere several leading personalities, such as Dr. Mossadeq, who had succeded without the aid of any party backing. The TOUDEH Party did the best, particularly in the northern provinces but even in the Russian – occupied zone they secured only eight out of over fifty seats. The TOUDEH also gave its support to Ja’far Pishevari, though not a party member. He was duly elected for Tabriz, but was subsequently rejected on his credentials. In Isfahan Taqi Fedakar, a socialist labor leader, was successful ; but he probably would not have been elected if the British authorities had decided to oppose him. The TOUDEH was the only group to carry tis organization into the majlis ; the other deputies formed themselves into ‘fractions’ as they had done previously. Many of the smaller groups disappeared, having achieved, or failed in their objective of electing their leading figure. The Hamrahan Party split, the rebel group carrying with it the party newspaper to form a rival Iran

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Socialist Party. Paykar and Mihan Parastan amalgas mated with some other small societies to constitute the Mihan (nation) Party. Two new parties appeared which were destined to last for a considerable time. The Iran Party was a group of left-wing idealists, led by Engineer Fariva formerly a member of the comity of the Hamaran. In November 1944 et started the newspaper Shafaq (dawn). Secondly, the Mardom Party seems to have been a successor to the Millat, and was also led by Mohammad Sadaq Tabatabai. Its tritely worded program included mention of the word ‘socialism’, but nothing else that could be associated with that doctrine. Its members were mainly merchants, landowners and offficials. Another sincere but ineffectual group was the Kar (Work) Party, formed by the economist Moshaffaf Nafisi, whose central principle was that’work should be the foundation of the future social and economic organization of the country’. There was also political activity among the women of Iran. The Kanun-i-Banuvan (Women’s Club), formed in 1935 as a stage inthe emancipation encouraged by REZA SHAH, had always been non- political and was now regarded as inadequate. In july 1943, the TOUDEH Party set up its own womens branch (Tashkila-i-zanan-i- Iran), with proposals for women’s rights, education, working conditions,and welfare on the lines of the general party policy. In October some of the more active membeers of the older Women’s clubs reacted by forming a Women’s Party (Hisb-i-Zanan), with similar aims but less extremist membership. Neither of these group went so far as to demand the vote ; without this political weapon their activities remained ineffectual except from the point of view of education...’ ELWELL SUTTON op. Déjà cité. 24) JAAFAR PISHEVARI, en tant que JAVAD ZADEH, avait bien sûr été l’un des membres actifs du mouvement révolutionnaire du Guilan. Une coalition de l’ail droite rejeta ses états de service, en dépit d’u soi disant accord pour le contraire entre les leaders de la Majorité et le Premier Ministre Ali SOHEILI, qui était responsable du déroulement des élections. 25) L.P. ELXELL-SUTTON, ‘Political Parties in Iran 1941-1948’, Middle East Journal, vol. III, n°1 –1949 page 45 à 62.

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26) Cf M. V. POPOV, AMERIKANSKI Y IMPERIALIZM v IRAME v GOY VTORO MIROVOY VOYNY (Moscou 1956) Chapitre 3 pour un compte rendu du premier congrès du parti TOUDEH. 27) ASSASSNAMEHE HEZBE TUDEHE IRAN MOSSAVABE KONGERENE AVVAL (le statut du parti TOUDEH d’Iran adopté par le 1er congrès du parti) (Téhéran 1944). 28) Cf . Dr FREYDOUN KESHAVARZ, ‘MOZAKERAT MAJLIS’, ROOZNAMEHE RASMI KESHVARE SHAHAN-SHAHI (le débat parlementaire, la gazette officielle du gouvernement impérial d’Iran) vol. I, n° 81 septembre 1945) 322 29) I. ESKANDARI, op déjà cité chapitre IV, page 10. 30) Les trois hommes qui gardèrent leur poste jusqu’à la réorganisation du parti en 1946 étaient le Dr MOHAMMED BAHRAMI, NUREDDIN ALAMUTI et IRAJ ESKANDARI. Les autres membres étaient : PARVIN CONABADI, EHSAN TABARI, ARDESHIR OVANESSIIAN, ALI AMIR KHIZI, le Dr FREYDOUN KESHAVARZ. La commission de contrôle était composée de : DR PORTEZA YAZDI, Dr HOSSEIN JOWDAT, ABDOLHODDEIN NUSHIN, ALI OLOVVI, REZA RUSTA, AHAMD GHASSEMI, le Dr MOHAMMAD HOSSSSEIN KIYANURI ZIAEDDIN ALAMUTI et KHALIL MALEKI ; En tout le congrès élu 7 comités qui, mis à part ceux mentionnés, incluait un comité chargé des finances et un autre chargé de l’éducation politique. 31) I. ESKANDARI, op. Cit. IV, page 9. 32) Freidonne SAHEBJAM, op. Déjà cité page 139. 33) Voir annexe 34) Freidoune SAHEBJAM, op. déjà cité page 140. 35) I. ESKANDARI, op. Cit. V, page 9. 36) Journal de Téhéran, 11 août 1944, cité par G. LENCZOWSKI, op. déjà cité page 216. 37) G. LENCZOWSKI, op. Déjà cité pages 217 et 218. 38) A- The New York Times du 23 octobre 1944, cité par G. LCZOWSKI, op. Déjà cité page 212 B – H. FARBOUD, op déjà cité pages 134 et 135. 39) RAHBAR, 19 novembre 1944, cité par H. FARBOUD, op déjà cit. page 136

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40) I. ESKANDARI, op. Cit. VI page 10.

41) Ces points de vues furent avancés dans une éditorial de l’officiel du parti. Cf RAHBAR, le 11 octobre 1945. Aussi cité dans Lambton, op cit. p. 264.

42) RADMANESH ROOZNAMEHE RASMI, vol. I n° 77 (mai 1945) pages 300 et 301.

43) IBID, page 302

44) DJAMCHID TAVALLALI – op. déjà cité page 145.

45) Pour le séjour de KAVTARADZE en Iran, et les évènements de cette période, voir : sir CLARMONT SKRINE, World War in Iran, Londres, 1962, pages 206 à 218.

46) Ces propos furent prononcés par KAVTARADZE le 8 décembre 1944 au cours d’une réception à l’ambassade soviétique, en présence de BAYAT ? NOUVEAU PREMIER MINISTRE. Ils sont rapportés par : a) H. FARBOUD op. déjà cité page 13

b)G. LENCZOWSKI, op. Déjà cité pages 222 et

223.

47) ARDESHIR OVANESSIAN, cité dans Ibid Vol. I n° 79 (mai 1945) p. 310.

48) New York Times du 17 mars 1945, cité par G. LENCZOWSKI op. déj. Cit. page 220.

49) OVANESSIAN, cité dans ‘ROOZNAMEHE RASMI’ op. cit. Vol. I n° 79 p. 310.

50) KHALIL MELEKI in ‘ELM VAZENDEGI’ (science et vie) n° 1 Téhéran 1947, Editorial page 3.

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CHAPITRE TROISIEME

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LES MOVEMENTS AUTONOMISTES

DU KURDISTAN ET D’AZERBAÏDJAN

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Les Soviétiques retinrent de l’échec qu’ils avaient essuyé lors de leur demande de concessions pétrolières que quelle que soit l’orientation politique du gouvernement en place, il ne leur serait jamais facile d’obtenir des privilèges politiques ou économiques. Le Cabinet BAYAT qu’ils avaient soutenu se révéla en effet incapable de modifier quoi que ce soit en ce domaine. Il fut donc renversé en avril 1945 et remplacé par un gouvernement de droite conduit par MOHSER SADR, ce qui obligea les formations de gauche à se définir dans un nouveau programme plus extrémiste. Parallèlement, les Russes Soviétique prirent un certain nombre de mesures très radicale face à L’Iran. Le nouveau cabinet gouverna durant les premiers mois sans la confiance du madjlesse, ce qui souleva pour la première fois une question de droit constitutionnel en Iran. Ce problème résultait du fait qu’une minorité de députés de gauche se complut dans l’usage de la technique ‘d’obstruction parlementaire’ très efficace pour obtenir l’ajournement du vote de confiance… mais nuisible au bon fonctionnement des institutions et même de l’Etat. Ce n’est que le 25 septembre 1945 que le Cabinet MOHSEN SADR reçut un vote de confiance (1) de la part de quarante députés sur 69 présents. La majeure partie de la minorité qui pratiquait ‘l’obstruction’ comprenait près d’un tiers des députés du madjlesse et était conduite par le Docteur MOSSADEGH. Bien que plus à droite que le groupe TOUDEH, elle soit en accord avec lui sur le fait qu’un gouvernement de droite ne serait jamais en mesure d’apaiser les tensions créées entre l’Iran et l’Union soviétique. Mais le véritable problème, pour MOSSADEGH, résidait dans la crainte qu’il avait de voir les Russes soviétiques se refuser à respecter les obligations du traité d’occupation qui prévoyait leur départ du territoire iranien avant le 2 mars 1946. Cette crainte s’avéra par la suite justifiée. Pendant que la droite et les nationalistes étaient de plus en plus en désaccord, les communistes iraniens décidèrent de reprendre une politique d’offensive permanente. Le Parti TOUDEH se déploya activement aux quatre coins du pays, prenant pour cible le nouveau Premier Ministre et son chef d’Etat Major, le Général HASSAN ARJAA. Ce dernier fut accusé (2) de dresser des plans pour la suppression systématique du parti et des organisations syndicales.

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En août 1945, les troupes du gouvernement central occupèrent les locaux du parti TOUDEH à Téhéran et diverses mesures visant à interdire les organes de presse communistes furent décidées. Le Parti TOUDEH réagit vivement à cette action gouvernementale dans la capitale par des actions vigoureuses dans les provinces du Nord (MAZANDERAN, GORGAN) où des groupes de militants occupèrent les grandes villes, les usines et les chemins de fer, ‘… En face de cette nouvelle attitude de la réaction, la riposte populaire fut à la fois prompte et énergique. Alors qu’à Téhéran, Isfahan et d’autres grandes villes des manifestations monstres s’organisaient pour demander la démission du gouvernement SADR et l’abrogation des mesures anti-démocratiques… les travailleurs du MAZANDERAN … occupèrent les grandes villes des provinces du Mazanderan et de Gorgan. Devant la carence des autorités gouvernementales, les services d’auto-défense ouvriers avaient pris en main le contrôle des routes, des chemins de fer et de la sécurité…’ (3) Le gouvernement central tente vainement de reprendre la situation en main en envoyant des forces dans les zones en insurrection. Ces forces furent bloquées par les Soviétiques qui s’opposèrent au mouvement de troupes iraniennes. De ce fait, durant l’automne 1945, le nord du pays était fermement tenu par les militants révolutionnaires du parti TOUDEH qui exigeaient des élections générales. Cette revendication s’explique amplement par le fait que les instances des zones occupées par les Soviétiques et les Britanniques prévues pour début mars 1946, le pouvoir du parti ne fut affaiblit, voir en déclin au niveau de la représentation parlementaire. Cette préoccupation fut d’ailleurs ouvertement confirmée par SHAHABE FERDOSE (4) lors de la séance d’ouverture du madjlesse le 2 février 1946. I – l’AFFAIRE D’AZERBAÏDJAN (5) Divers facteurs avaient déterminé le choix des provinces du nord pour une offensive communiste ouverte : • Leurs minorités ethniques déclarées, • Les griefs qu’elles exprimaient face au gouvernement central et notamment leur faible représentativité au sein du Madjlesse

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• Leur pénétration efficace par des éléments de l’Azerbaïdjan soviétique qui parlaient la même langue (Azaïr –Turc) • Leur virginité politique par rapport au Toudeh compromis dans le reste du pays • Le refus du siège de PISHERAVI régulièrement élu mais invalidé par une majorité du Madjlesse. Comme nous le voyons les raisons du choix de l’Azerbaïdjan et des régions voisines étaient particulièrement étudiées ! 1 – Le parti démocrate d’Azerbaïdjan 11 – La formation du parti démocrate Les Soviétiques trouvèrent en la personne de PISHERAVI, non seulement un chef révolutionnaire expérimenté, mais aussi un Azerbaïdjanais à la volonté sûre qui avait fermement refusé d’être absorbé par le mouvement communiste renouvelé, qu’il ne trouvait ni assez révolutionnaire ni assez représentatif de l’AZERBAÏDJAN. (6) Il affichait en effet un mépris profond pour le parti Toudeh dont il provoqua la dissolution de la branche provinciale (7) qu’il regroupa dans son parti démocrate comme nous le verrons ci-dessous. Le nouveau parti démocrate de PISHEVARI, fût formé vers la fin de l’été 1945, et un communiqué contenant les 10 articles de ses buts fut publié le 3 septembre 1945. Il demandait d’adoption de l’AZARI-TURC comme langue officielle de la province, et l’autonomie au sein des structures de la souveraineté de l’IRAN. D’autres objectifs faisaient appel à des réformes libérales de caractère économique et social, typiques de partis organisés pendant l’après guerre en Iran. Le 11 septembre, le Président Principal du Conseil Uni des Syndicats, AHMAD BIRIYA, annonça que son conseil rejoindrait le parti démocrate ; le comité provincial du parti TOUDEH prit une mesure semblable le même jour. Fort de ces ralliements, PISHEVARI réunit fin septembre le premier congrès du parti ; ‘… Ce parti fut un carrefour de presque toutes les couches de la population, y compris des membres du clergé, des chefs de tribus, des intellectuels des commerçants, des communistes et des petits bourgeois… La décision la plus importante fut la création d’une milice paysanne : les Fedayims…’(8)

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Cette milice constitue en fait l’armée de libération ; elle développa ses interventions avec le soutien et sous la protection de l’Armée Rouge d’occupation. (9) C’est le 4 novembre que la tentative de prise du pouvoir par les armes commença à travers la province. PESSIAN raconte que le même schéma fut suivi avec succès dans plusieurs villes : ‘… D’abord la milice encerclait le poste militaire et lançait un ultimatum au commandant local pour qu’il se rende, lorsque la garnison encerclée demandait des renforts, ils étaient soit bloqués par la milice, soit par la garnison soviétique, finalement, coupés des renforts, on donnait une chance à la garnison de se disperser et de choisir soit de se joindre à la milice, soit de retourner à Téhéran…’(10) Successivement les grandes villes de l’Azerbaïdjan furent ainsi prises par les troupes de PISHERAVI. 12 – Le ‘Congrès National Constituant’ Le 29 aban 1324 (20 novembre 1945), le parti démocrate convoqua à TABRIZ, centre administratif de l’AzerbaÏdjan un « Congrès National constituant » auquel participèrent 744 délégués représentant 150 000 habitants des quatre coins de la province. Le congrès informa le Schah et le Madjlesse ainsi que les gouvernements des U.S.A. , de la Grande Bretagne, de l’Union Soviétique, de la Chine et de la France de ses options et de ses exigences sous forme d’une motion rédigée en sept articles (11) et adoptée à l’unanimité par les délégués. PROCLAMATION DU CONGRES DE L’AZERBAÏDJAN DU 29 ABAN 1324 (20 novembre 1945 ) (42 b) Article Premier : conformément au pacte Atlantique, le peuple de l’Azerbaïdjan, respectant l’indépendance et l’intégrité de l’Iran, a le droit, comme toute autre nation, de se gouverner lui – même. Article 2 : Le Congrès national constituant exige son autonomie nationale. Cette autonomie ne va pas à l’encontre de l’intégrité territoriale de l’Iran et elle ne porte aucun préjudice aux relations économiques, culturelles et politiques de l’Azerbaïdjan avec les autres provinces iraniennes. L’Azerbaïdjan avec les autres provinces iraniennes. L’Azerbaïdjan ayant une position privilégiée dans

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l’histoire constitutionnelle et dans les luttes pour l’indépendance de l’Iran, se reconnaît le droit d’exiger cette forme d’autonomie. Article 3 : L’Azerbaïdjan soutient les principes du régime constitutionnel en Iran et envoie ses représentants au Madjlesse. Il payera des taxes conformément aux lois du pays. Article 4 : Le peuple de l’Azerbaïdjan institue son gouvernement national afin qu’il gère toutes les affaires intérieures de l’Azerbaïdjan. Il constituera un régime véritablement démocratique en respectant l’indépendance et l’intégrité iranienne. Article 5 : En accord avec l’Assemblée constituante et conformément à la loi électorale que cette dernière édictera, on procédera à l’élection d’un Madjlesse régional. Le gouvernement qui sera constitué en vue de la gérance des affaires intérieures de l’Azerbaïdjan sera responsable devant ce Madjlesse provincial. Article 6 : Le Congrès constituant ordonne au gouvernement national (Comité Provincial) de traduire au plus vite dans la langue de l’Azerbaïdjan tous les documents officiels et tous les recueils de lois. Article 7 : Le Congrès constituant élit 30 personnes qui, en tant que « comité national », gèreront les affaires intérieures de l’Azerbaïdjan et prépareront l’élection de son Madjlesse. Ce comité aura le pouvoir d’engager des pourparlers avec le gouvernement central iranien afin d’obtenir son accord sur les principes énoncés. Ces démarches doivent se dérouler dans une atmosphère détendue et n’entraîner aucune action qui ne soit pas pacifique. Ce que le gouvernement prendra également en considération. 2) – Les institutions de la République Autonome d’AZEBAÏDJAN 21- Les élections générales pour le Madjlesse d’Azerbaïdjan Conformément aux résolutions adoptées par le Congrès, le Parti Démocrate organisa immédiatement des élections générales pour un Madjlesse D’Azerbaïdjan. Elles se déroulèrent du 27 novembre au 3 décembre 1945 à travers toute la province, y compris dans les zones sous contrôle du gouvernement de Téhéran. ‘… Pour la première fois dans l’histoire de la Perse, le suffrage universel fut employé et comme il n’y avait aucun autre parti organisé la liste présentée par le parti démocrate obtint une majorité absolue …’ (12)

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Le conformément central envoya une mission de paix conduite par l’ancien Premier Ministre – dont le gouvernement fut soutenu par le parti TOUDEH – MORTEZA BAYAT. Cette mission n’aboutit pas à grand chose, les uns restant sur les positions adoptées par le Congrès, les autres ne pouvant en aucun cas reconnaître l’autonomie d’Azerbaïdjan et tomber ainsi dans un système fédéral qui n’aurait pas manqué de s’étendre aux autres provinces. Les élections fournirent au parti démocrate un statut légal dont il pouvait se servir pour soutenir la demande populaire d’une représentation correcte au madjlesse de TEHERAN. Le 12 décembre, une trêve fut conclue avec la garnison de l’armée stationnée à TABRIZ, ce qui assura son évacuation mais consolida le pouvoir des Feddayin sur la ville. Le même jour, le « Madjlesse national de l’Azerbaïdjan » fut officiellement inauguré sous la présidence d’honneur de RAFI-I (Nezam-od-Doleh) et en présence d’une délégation de cinq membres du Parti Démocrate du KURDISTAN. Composé de cent un députés – presque tous Démocrates – ce madjlesse porta à sa présidence CHABESTARI et proclama solennellement la ‘République Autonome de l’Azerbaïdjan’. PISHEVARI, fut ce jour là investi pour informer un gouvernement, le premier de la République autonome. 22 – Le gouvernement PISHEVARI et l’organisation de la République autonome. Le 12 décembre PISHEVARI présente son cabinet au ‘Madjlesse National’. Il était composé comme suit : Premier Ministre : PISHEVARI ; Ministre de l’Intérieur :Jafar KAVIANI ; Ministre de l’Education : Mohammad BYRIA ; Ministre de la Santé : Dr OURANGHI ; Ministres des Finances : Gholam-Réza ELHAMI ; Ministre des P.T.T. : KABIRI ; Ministre du Commerce et de l’Economie : Reza RASSOULI ; Ministre du Travail : PISHEVARI, jusqu’à la désignation d’un ministre. Les principaux leaders du parti démocrate étaient présents dans ce cabinet, mais le pouvoir était concentré entre les mains du comité directeur du parti et de la milice. Le schéma hiérarchique du

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parti était semblable à celui du parti TOUDEH : des cellules locales, des comités de districts, des comités provinciaux et finalement un comité central à TABRIZ. La suprématie civile était assurée par la nomination d’un officier politique qui devait assister le commandant militaire de chaque unité. Cette tâche fut confiée à GHOMAM DANESHIYAN, un ancien agitateur communiste venu l’Azerbaïdjan soviétique, dont le titre officiel était député politique, Ministre de la guerre. Afin d’accroître le nombre des cadres militaires, le régime établit immédiatement des écoles militaires, ainsi que des collèges militaires et de police. La force militaire du régime résidait dans la milice, composée des membres du parti qui avaient été les premiers volontaires pour une rébellion armée (nombre d’entre eux avaient choisi cette voie dès le congrès de Septembre). Sa direction était composée des membres les plus militants du parti, qui formaient une sorte d’élite militaire exerçant un grand pouvoir sur la conduite du régime. 23 – Le programme du gouvernement PISHEVARI et la consolidation de l’autonomie. Le programme présenté par PISHERAVI fut adopté à l’unanimité par le « Madjlesse national ». Il contenait les principaux points de la résolution du Grand Congrès ainsi qu’un certain nombres de réformes à entreprendre dans l’immédiat et visant à consolider l’autonomie de la République d’AZERBAÏDJAN. M.S. IVANOV présente une liste exhaustive des propositions de réforme présentées par le premier cabinet. (13) ‘…L’élection d’assemblées locales, la réorganisation de la milice en une armée du peuple, l’introduction de l’AZARI-TURC en tant que langue officielle, l’éducation gratuite et obligatoire dans leur langue maternelle pour tous les enfants d’âge scolaire, la création d’une université nationale, le développement de l’industrie et du commerce, la proclamation d’une loi sur le travail et d’une loi réglementant les rapports paysans/propriétaires terriens, la confiscation et la redistribution des terres appartenant à des propriétaires terriens réactionnaires, la garantie de liberté de conscience et d’enseignement religieux pour tous les citoyens, et, finalement, la protection de l’égalité des droits et des devoirs de tous les habitants de la province, y compris des minorités…’

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La consolidation du régime autonome passait également par la constitution d’une armée régulière, solidement organisée. Le gouvernement de PISHEVARI constitua cette armée à partir de conscrits ; il la baptisa GHEZELBASH et la forma grâce à la collaboration de quelques officiers de l’armée du pouvoir central iranien qui était passés en Azerbaïdjan. A la fin de la première années d’exercice, la GHEZELBASH comprenait 18 000 soldats et 950 officiers et les FEDDAYIMS regroupaient 8 000 hommes et 87 officiers. 3 - L’affaire d’Azerbaïdjan et le Madjlessse d’Iran. 3-1 – Le gouvernement HAKIMI Alors que le mouvement Azerbaïdjan se développait, un cabinet centre modéré fut mis en place sous la direction d’EBRAHIM HAKIMI fin octobre 1945. ce cabinet devait annuler certaines mesures anticommunistes promulguées par le cabinet précédant… mais les évènements prouvèrent qu’il n’y parvint pas. Dans un discours, remarquable par sa franchise, un représentant du groupe TOUDEH, ABDOLSAMAD KAMBAXHSH, informa le madjlesse que les forces d’occupation ne se retireraient pas tant que la discrimination contre l’un des voisins de l’Iran serait maintenu. Il prévint que l’Iran approchait d’une dictature fasciste étant donné la suppression de quarante journaux et l’occupation des quartiers généraux du parti TOUDEH. Il expliqua que ceci, était contraire à l’engagement de l’Iran dans la charte des NATIONS UNIES, qui interdisait aux gouvernements membres d’établir un régime fasciste sur le territoire. (14) La confiance fut accordée au nouveau cabinet par le madjlesse par 88 voix sur 94 députés présents. Le fait que les voix des députés du TOUDEH manquent, permettait déjà de penser que le cabinet HAKIMI aurait quelques ennuis tant avec le parti qu’avec les Soviétiques. 3-2 – Les positions politiques A la lecture des débats qu’eurent lieu sue les évènements en Azerbaïdjan il est facile d’apprécier les diverses tendances exprimées par les fractions politiques représentées au Madjlesse face à ce problème.

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La droite se déclarait franchement opposer à l’insurrection en azerbaïdjan. Elle chercha l’aide des Nations-Unies pour obliger les Soviétiques à ne pas s’en mêler. Les éléments progressistes nationalistes, conduits par le Docteur MOSSADEGH (15) étaient conscients des griefs développés à juste raison contre le gouvernement central par le peuple azerbaïdjanais. Ils conseillèrent la conciliation et le compromis mais s’opposèrent aux revendications autonomistes exprimées par le Parti Démocrate. Le Centre Gauche critiqua pour sa part les gouvernements successifs qui ne parvenaient pas à signer un accord avec l’Union soviétique et qui avaient pendant trop longtemps ignoré les revendications économiques, sociales et politiques du peuple d’Azerbaïdjan. (16) Le groupe TOUDEH, représentant l’extrême gauche, soutint inconditionnellement le parti démocrate, malgré le mépris avec lequel PISHEVARI l’avait traité. Après la prise du pouvoir en AZERBAÏDJAN, ce groupe devint le porte-parole officiel de l’insurrection au parlement de la Capitale. RADMANESH, (17) secrétaire général du parti, fit savoir au madjlesse que les problèmes de l’AZERBAÏDJAN ne pouvaient être considérés hors du contexte de la politique générale, ils devaient être examinés à partir du passé et en conséquence de l’attitude gouvernementale. Se référant à l’appui soviétique au parti démocrate, il déclara : ‘… Tout mouvement révolutionnaire cherche à utiliser et à tirer avantage des circonstances de l’endroit et du mouvement ainsi que le démontrent les expériences françaises, américaines et même la notre dans notre révolution constitutionnelle…’ RADMANESH proposa également un certain nombre de mesures visant à régler les problèmes des provinces du Nord ; Parmi les plus importantes on trouvait : la purge de la classe dirigeante, le renforcement des réformes domestiques, la restauration des libertés démocratiques, la restauration des libertés démocratiques, l’adoption de nouvelles lois électorales pour les assemblées régionales et locales, la fin de l’offensive anti- soviétique, l’amendement de la constitution pour parvenir à un compromis avec le parti démocrate. Quant à SHAHABE FERDOSE (18), député du groupe TOUDEH, il soutint avec RAMADESH l’insurrection. Il préconisa

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‘une politique d’équilibre’ visant à faire disparaître les craintes qu’exprimaient les nations soviétiques et britanniques de voir l’IRAN devenir une base tournée contre l’une d’entre elle. II – LES EVENEMENTS DU KURDISTAN (19) 1 – Le contexte politique et le ‘KUMLEH’

Au Kurdistan se reproduit le même contexte politique qu’en Azerbaïdjan ; l’anarchie et l’instabilité régnant dans le pays y trouve n terrain particulièrement favorable. L’autorité du gouvernement central y fait défaut et les forces soviétiques dominent la province. Dès 1942, les tribus kurdes occupèrent les régions situées le long des frontières de l’Iran avec l’Irak et la Turquie. Dans le même temps les autonomistes se constituèrent en parti politique surtout dans les principales villes et notamment à MAHABAD. Leur but affirmé découlait de leur volonté de sauvegarder ‘les valeurs nationales Kurdes’. C’est en août 1943 que se constitua un mouvement secret dont les membres d’un nombre volontairement limité étaient choisis parmi des hommes d’ascendance entièrement Kurde. Une exception fut toutefois faite pour les Kurdes Une exception fut toutefois faite pour les Kurdes de mère assyrienne. (20) Ce mouvement prit le nom de ‘KUMLEH’ ce qui peut se traduire ‘Comité de la Ressurection’. Le succès obtenu par le ‘KUMLEH’ fut considérable tant dans les villes que dans les tribus et des sections se formèrent au Kurdistan turc et iranien. La population vit son vieux rêve d’autonomie proche de la réalisation. Les Anglais n’osèrent pas entretenir des relations avec ce mouvement ni soutenir ses partisans ; Ils craignaient en fait de mécompter les Etats arabes qui se refusaient à tenir compte des revendications kurdes. Face au désintéressement manifesté par les Britanniques les Russes ne manquèrent pas d’exploiter la situation et des rapports étroits furent établis. Durant les années 1943 et 1944 des contacts fréquents avec l’Azerbaïdjan soviétique (21) furent pris ; ils débouchèrent sur la constitution d’une ‘association culturelle kurdo- soviétique’ où les thèmes patriotiques étaient constamment évoqués. Cette association provoqua en fait le noyautage du 4kumleh’ qui,

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nationaliste à l’origine, en vint à subir progressivement l’influence des agents soviétiques. Et c’est ainsi que dès le début de l’année 1945, on ne peut que constater la politique conduite par les Soviétiques au Kurdistan : Elle était identique à celle en vigueur en Azerbaïdjan et répondait aux même préoccupations. 2 – Le Parti Démocrate de Kurdistan (22) L’une des personnalités les plus influente et les plus éminentes du Kurdistan iranien fut GAAZI – MOHAMMAD ; il avait rejoint le ‘Kumleh’ dont il devint rapidement le premier leader. Une délégation des principaux chefs kurdes conduite par GHAZI MOHAMMAD fut invitée en septembre 1945 à visiter BAKOU et à discuter de l’avenir du Kurdistan avec les représentants des soviétiques. Au cours de l’entrevue, le président de l’Azerbaïdjan soviétique, BAGHERAV confirma l’aide que les russes étaient disposé à apporter au mouvement ‘KUMLEH’ qu’il souhaitait voir se transformer en un parti politique plus ‘énergique’. Au mois de novembre de la même année, le ‘KUMLEH’ devint le ‘Parti Démocrate du Kurdistan’. (23) Ce parti se fixa immédiatement des objectifs précis contenus dans un programme politique. Ce programme affirmait que le peuple du KURDISTAN devait jouir des droits que la Charte Atlantique reconnaissait à toute nation. L’essentiel des mesures contenues était semblable à celles du programme du Parti Démocrate d’Azerbaïdjan : - Autonomie dans les cadres de l’Etat iranien, - Enseignement de la langue kurde dans les écoles, - Election d’une assemblée provinciale, - Recrutement sur place des fonctionnaires, - Développement de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, de l’hygiène et des ressources naturelles. Mais au cours d’une conférence de presse (24) donnée le 31 décembre 1945 – quinze jours après la constitution officielle du gouvernement autonome du Kurdistan – GHAZI MOHAMMAD précisa que son mouvement : ‘… n’était pas spécialement communiste, mais qu’il était pour la constitution…’

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et conclut son propos en signalant que la conception kurde de l’autonomie se rapprochait de celle généralement admise aux Etats Unis ou en Union soviétique : ‘… Ces régions constituent une véritable démocratie dans laquelle on trouve l’organisation que nous désirions établir …’ Les historiens ont accepté cette déclaration du GHAZI présentant le mouvement du Kurdistan comme non communiste, mais ils n’ont pas manqué de relever que des très nombreux éléments de l’Armée Rouge, et même des civils parlant un langage turco man, se trouvaient très fréquemment mêlés aux troupes kurdes ce qui explique la récupération du mouvement autonomiste par les communistes. 3 – le premier gouvernement autonome du KURDISTAN Le 15 décembre 1946 au cours d’une manifestation groupant les chefs des tribus kurdes et ceux du Parti Démocrate GHAZI MOHAMMAD que le drapeau de l’Iran soit remplacé par le drapeau du KURDISTAN. Cinq semaines après, le 22 janvier 1946, un ‘Parlement National’ composé de trente membres fut formé. Ce même jour ,GHAZI fut porté à la Présidence de la ‘République Autonome du KURDISTAN’ et son propre cousin HOSSEIN SELF GHAZI devint Ministre de la Guerre. Plusieurs chefs de tribus kurdes qui avaient prouvé leur fidélité au mouvement et démontré leur capacité dans les combats reçurent le titre de général et furent chargés de l’encadrement supérieur des forces kurdes. Parmi les nouveaux promue figuraient MOLLA MUSTAFA et OMAR CHAKAK. Le nouveau gouvernement autonome comme nous le verrons plus loin, noua des relations très étroites avec le gouvernement autonome d’Azerbaïdjan. De ce fait, tout le nord de l’Iran passa sous le contrôle de deux partis démocrates bénéficiant du soutien matériel et de la protection soviétique. Ces deux partis réclamaient l’autonomie, ils avaient constitué avec succès leur propre administration et leur propre armée. Leurs actions et leur union représentaient désormais pour l’Unité de l’Iran une véritable menace. A cette prise de pouvoir dans les deux provinces la ‘diplomatie ‘ soviétique atteignait le but qu’elle recherchait dans l’immédiat. Elle détenait un extraordinaire moyen de pression sur le gouvernement iranien dont elle pouvait user à volonté pour faire aboutir ses revendications économiques ou politiques sur l’Iran.

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Grâce à ce moyen de pression, les Soviétiques se révelaient prêts à propulser au pouvoir à Téhéran un gouvernement qui accepterait de négocier la concession pétrolière qui leur avaient été refusée quelques mois plus avant. Le Parti TOUDEH était également préparé à jouer un rôle dans ce schéma. (25) III LE DENOUEMENT DE LA CRISE 1 – La recommandation du Conseil de Sécurité Les actions politiques conduites par la droite du madjlesse provoquèrent finalement une intervention auprès des Nations Unies. Le 19 janvier 1946, HASSAN TAGHIZADEH (26) adressa une lettre au Conseil de Sécurité dans laquelle il accusait l’Union Soviétique d’intervenir dans les affaires intérieures de l’Iran. Il demandait que le Conseil examine, conformément aux termes de l’article 35, paragraphe premier de la Charte, la situation en Azerbaïdjan et recommande un règlement approprié. (27) Le chef de la délégation soviétique VYCHINSKI répond que l’accusation était dénuée de tout fondement puisque les troupes soviétiques étaient installées en Iran en vertu de l’accord soviéto- iraniens du 26 février 1921, et du traité soviéto-anglo-iranien. (28) Le problème fut abordé au cours de diverses séances du conseil de sécurité (29) qui recommanda finalement une négociation ‘dans un délai rapproché’ entre les deux gouvernements qui seraient tenus de l’informer de l’avancement des négociations. (30) Cette décision ne répondit pas aux vœux des iraniens qui étaient convaincus que les négociations directes ne pouvaient aboutir à aucun résultat sans l’intervention personnelle de l’O.N.U. Avant que le Conseil de sécurité eut rendu sa décision, les nationalistes obligèrent le Premier Ministre HAKIMI à démissionner. L’appareil TOUDEH se réjouit de cette chute ; IRADJ ESKANDARI (31) déclara à cet effet : ‘… La chute du gouvernement HAKIMI survenu moins de deux mois après celle de SADR, prouvait une fois de plus l’impossibilité pour un gouvernement de poursuivre une politique anti-populaire c’est à dire de lutte contre le parti TOUDEH sur le plan intérieur, et d’hostilité à l’égard de l’U.R.S.S. sur le plan extérieur…’ Ce n’est là qu’une interprétation de l’événement. Les véritables raisons qui poussèrent le nationalistes à renverser HAKIMI résultaient d’une analyse dynamique :

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- Les attaques soviétiques contre son gouvernement ne lui laissaient aucun espoir d’être un interlocuteur valable dans les négociations bilatérales à venir ; - HAKIMI avait tenté de se rendre à Moscou pour négocier avec les Soviétiques mais son voyage se solda par un échec du fait qu’il ne détenait pas leur confiance. 2 – Le premier gouvernement GHAVAM

21 – Le soutien du parti TOUDEH Une coalition de centre gauche fut alors organisée pour amener GHAVAM au pouvoir fin janvier 1946. Pour la deuxième fois, le groupe parlementaire TOUDEH se joignit à un vote de confiance pour un nouveau cabinet comme lors du soutien de BAYAT, le parti fut conduit à voter pour un candidat soutenu par les Soviétiques, sans tenir compte de ses origines sociales et de la nature de la coalition qui l’élisait. Ce soutien ‘contre nature’ obligea le comité central du parti à justifier sa position ; il chercha à démontrer qu’à la veille de la formation du cabinet, le parti n’avait que deux alternatives : - Soit soutenir le gouvernement présidé par un homme qui avait avoué sa compréhension à l’égard de l’UNION SOVIETIQUE et de l’AZERBAÏDJAN ; - Soit risquer une dictature militaire qui aurait débouché sur un retour à une politique d’extrême droite. IRADJ ESKANDARI (31) explique dans son histoire du ‘Parti TOUDEH’ ‘… Le comité central du Parti TOUDEH estima que dans les conditions nationales et internationales d’alors, le mouvement populaire n’avait pas encore la possibilité de prendre et de garder le pouvoir en mains ; il décida d’appuyer GHAVAM et de faciliter son avènement afin de gagner du temps pour consolider les victoires déjà acquises par le peuple…’ 22 – L’accord irano-soviétique du 4 avril 1946 Le nouveau Premier Ministre entra immédiatement en pourparlers pour que les Soviétiques évacuent la zone occupée le 2 mars 1946 comme le prévoyait le traité triparti. L’Union soviétique ignora la date limite et bien que GHAVAM en personne fut à Moscou le 2 mars, les unités de l’Armée Ruge restèrent en occupation dans le

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Nord y compris dans la province en insurrection d’AZERBAÏDJAN. (32) Comme nous l’avons déjà expliqué l’échec d’une telle négociation était tout à fait prévisible ! Il était en effet clair que l’Union soviétique utilisait tous les atouts dont elle disposait (occupation militaire, soutien aux mouvements autonomes, utilisation du parti TOUDEH) pour obtenir de l’Iran une concession pétrolière dans les provinces du nord. Or, le refus essuyé par GHAVAM confirmait que les Soviétiques ne quitteraient pas l’Iran avant d’avoir obtenu satisfaction. Un projet d’accord (33) fut enfin signé le 4 avril 1946 entre GHAVAM et IVAN SADCHIKOF Ambassadeur soviétique en Iran. Par cet accord, les soviétiques s’engageaient à quitter le territoire iranien avant le 9 mai 1946 ; de leur côté les iraniens s’engageaient à établir à titre d’essai, une concession pétrolière sous forme d’une compagnie mixte irano-soviétique et garantissaient que l’affaire d’Azerbaïdjan serait résolue pacifiquement ‘avec toutes les considérations dues aux griefs légitimes du peuple de la province’. Rappelons qu’une clause propre à la loi iranienne obligeait le gouvernement à faire ratifier cet accord par le Madjlesse (34) un délai de sept mois fut retenu à cet effet. L’intérêt de l’Union soviétique devint alors évident : la situation dans l’ensemble du pays devait se normaliser afin que les élections puissent rapidement se dérouler et que le quinzième madjlesse ratifie l’accord de concession. L’Armée Rouge évacua l’Iran (35) le 9 mai 1946, ainsi qu’il était prévu. 23 – Les réactions politiques et les premières conséquences de l’accord Cet accord réjouit les démocrates de Tabriz et les TOUDEH de Téhéran car il était conforme à ce qu’ils souhaitaient depuis bien longtemps. Les clauses qu’il contenait furent comparées aux concessions pétrolières irano-anglaises du KHUZISTAN. IRADJ ESKANDARI (36) explique : ‘… La conclusion de l’accord du 4 avril 1946 concernant la création d’une société mixte irano-soviétique d’exploitation du pétrole dans cinq provinces du nord de l’Iran démontrait une fois de plus les réels avantages que pouvait tirer le peuple iranien d’une politique d’amitié sincère avec son grand voisin du Nord, l’U.R.S.S. …’

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GHAVAM multiplia son offensive de charme en allant au devant de ce que voulaient les Soviétiques ; il élimina tous les politiciens et journalistes anti-soviétiques (dont TABABTABAI et le général ARFA) de la vie publique et fit preuve de la plus grande bonne volonté pour remplir les obligations auxquelles il s’était engagé. 24 – le premier mai 1946 Le printemps et l’été 1946 marquèrent le sommet de l’influence et du pouvoir du mouvement communiste. Le 1er mai fut célébré par de grandes démonstrations cautionnées par le Parti TOUDEH et ses amis syndicalistes, auxquelles participèrent 500 000 personnes (syndicalistes ou sympathisants) Le Parti TOUDEH et les syndicats étaient à présent des mouvements d’envergure nationale ayant réussi à organiser les travailleurs du pétrole dans le KHUZISTAN. Lors d’une série de grèves symboliques vers la fin 1945, ces travailleurs avaient obtenu d’importantes concessions de la part de l’Anglo Iranian Oil Company. Durant ces manifestations, modestes ou grandioses, les ouvriers demandaient une législation du travail et une augmentation des salaires ; les paysans réclamaient pour leur part des terres : ‘la Terre aux paysans !’ ESKANDARI (37) rapporte que les manifestations de 1er mai 1946 eurent une portée politique considérable : ‘… Pour la première fois dans l’histoire de l’Iran un nombre aussi imposant de personnes, appartenant aux diverses classes sociales descendait dans les rues … et s’unissait par des mots d’ordre tels que : ‘L’Iran aux Iraniens.’ ‘Le peuple aux pouvoirs’ ‘A bas le colonialisme’ ‘Annulez la concession britannique du pétrole, source de la misère du peuple’ ‘Vive le Parti TOUDEH, guide du peuple iranien vers l’indépendance et la démocratie’ etc. …’ 3 – L’accord du 13 juin 1946 31 – L’échec des négociations de Téhéran Entre temps, GHAVAM –os –SALTANEH, libéré des pressions soviétiques décida d’agir en Azerbaïdjan selon l’engagement qu’il avait pris. Afin de préparer des contacts efficaces avec le Parti Démocrate il publia le 22 avril un programme en sept points. Ce programme stipulait entre autres choses que :

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- PISHEVARI serait nommé gouverneur général de l’Azerbaïdjan, - Les bureaux gouvernementaux seraient confiés aux ministres actuels du gouvernement démocrates, - Le turc AZARI serait la langue des cinq premières années d’école, - Les Azerbaïdjanais obtiendrait : • Des avantages fiscaux • Un nombre plus élevé de députés au madjlesse GHAVAM rejeta par contre la revendication avancée par le parti démocrate visant à laisser disposer la province d’une armée propre et, bien sur, d’une autonomie totale. IPIKCHIAN (38) fut chargé de présenter ce projet aux Démocrates et d’organiser leur venue à Téhéran en vue d’une négociation. Les discussions se poursuivirent durant deux semaines, mais chacun restant sur ces positions, elles se soldèrent par un échec tout à fait relatif puisque la rencontre des deux délégations présentait en soi un aspect extrêmement positif et favorable à la détente. GHAVAM expliqua aux iraniens les principales divergences qui étaient à l’origine de la suspension de la négociation : ‘… a) Chacun revendique le droit de désigner le gouverneur de l’Azerbaïdjan ; b) Chacun revendique le droit de nommer les commandants de l’armée et de la gendarmerie de l’Azerbaïdjan de l’Azerbaïdjan. On s’était mis d’accord pour que cette armée soit incorporée dans l’armée iranienne. Mais le choix des commandants demeure capitale. c) Selon le gouvernement iranien , la question de la distribution des terres entre les paysans ne pourrait être résolue légalement que par le Madjlesse. Or, les démocrates voulaient obtenir du gouvernement central qu’il reconnaisse la validité de ces distributions. GHAVAM déclare qu’il espère arriver à une entente et invite les démocrates à aider son gouvernement dans ses efforts de conciliation …’ (39) 32 – l’atmosphère à nouveau tendue L’échec des négociations de Téhéran provoqua une nouvelle tension dans le pays. Les autonomistes kurdes, dont GHAVAM faisait peu de cas, accusèrent son gouvernement de négliger leurs intérêts et de n’avoir fait aucune proposition à GHAZI MOHAMMAD, leur représentant officiel.

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Ces mêmes kurdes exprimaient un mécontentement profond envers les démocrates d’Azerbaïdjan qui n’avaient pas fait preuve de fermeté quant à l’accord kurdo Azerbaïdjanais conclu en avril 1946. Dans les mêmes temps la presse et la radio annoncèrent des nouvelles contradictoires quant aux relations entre le gouvernement central de Téhéran et le peuple azerbaïdjanais. C’est ainsi que le 16 mai 1946, Radio TABRIZ (40) diffusa des nouvelles relatant que l’armée gouvernementale avait attaqué des positions démocrates… mais précisant que le Premier ministre GHAVAM n’était pas responsable de ces opérations. D’après le speaker, la responsabilité incombait aux autorités militaires qui les avaient déclenchées, autorités qui avaient déjà fait échouer les négociations de Téhéran. Les démocrates azerbaïdjanais démontrèrent alors leur détermination à résister, même la force. Cet état d’esprit confirma à GHAVAM que la seule issue résidait dans une solution politique négociée. 33 – La détente et l’accord du 13 juin 1946 GHAVAM envoya une délégation à TABRIZ. Conduite par le vice Premier Ministre MOZAFAR FIROUZE, cette délégation arriva le 23 mai pour négocier la paix civile. Ce dernier était considéré comme pro-démocrate et russophile et sa nomination comme chef de la délégation démontra la volonté qu’avec GHAVAM d’aboutir positivement. (41) Les discussions se déroulèrent dans le plus parfait climat de détente et avec succès puisqu’elles aboutirent le 13 juin à l’accord suivant. (42) Article 1 : Le chef des finances de la province sera nommé sur proposition du Conseil provincial et avec l’approbation du gouvernement central. Article 2 : Le gouverneur de la province sera nommé par le Ministre de l’Intérieur et choisi parmi quatre candidats présentés par le conseil provincial. Article 3 : Considérant les changements récents intervenus en Azerbaïdjan, l’organe actuellement élu sous le nom du ‘Madjlesse national de l’Azerbaïdjan’ sera reconnu par le gouvernement en tant que Conseil Provincial de l’Azerbaïdjan. Article 4 : Conformément à l’accord présent, les troupes locales et leurs commandants, à savoir les éléments militaires ayant servi dans l’armée démocrate, seront incorporés dans l’armée iranienne. Une

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commission sera constituée sur place par les représentants du gouvernement central et ceux du conseil provincial. Elle proposera dans les plus brefs délais, un règlement du problème. Article 5 : Soixante quinze pour cent des revenus de l’Azerbaïdjan seront consacrés aux dépenses locales et vingt cinq pour cent seront envoyés dans la capitale pour subvenir aux dépenses de l’Iran tout entier.

L’administration financière des Postes de la Douane des Chemins de fer et de la Compagnie de Navigation du lac d’Ouroumiéh seront exclusivement du ressort de l’Etat central. Les télégrammes des Conseils locaux et provinciaux et des bureaux gouvernementaux de l’Azerbaïdjan seront câblés gratuitement. En reconnaissance des grands service rendus par la population azerbaïdjanaise au régime constitutionnel iranien et appréciant les sacrifices du peuple azerbaïdjanais pour la réalisation de la démocratie et de la liberté, le gouvernement accepte de consacrer vingt cinq pour cent des revenus de la douane de l’Azerbaïdjan au budget de l’Université de Tabriz. Article 6 : L’état central s’engage à prolonger le plutôt possible la ligne de chemin de fer Mianéh à Tabriz. Il va de soi que les ouvriers et les spécialistes azerbaïdjanais jouiront du droit de priorité dans la composition des équipements qui réaliseront ce projet. Article 7 : Les forces volontaires qui, en plus des éléments militaires se constituèrent sous le nom de Fédaïnes seront incorporées dans la gendarmerie. Une commission composée de représentants de Ghavam-os-Saltaneb et du conseil provincial de l’Azerbaïdjan se constituera sur place pour proposer le plutôt possible une solution conformément à cet article et pour désigner les commandants des dites forces. Article 8 : Comme le gouvernement approuve la distribution des domaines de l’Etat aux cultivateurs dans le pays tout entier, il n’élève aucune objection à la répartition des terres déjà accomplie par le mouvement démocrate de l’Azerbaïdjan. Son projet de loi sera présenté au Madjlesse national délibérant à la première occasion. Quant aux propriétaires des domaines privés distribués aux paysans à la suite des évènements récents de l’Azerbaïdjan, ils seront dédommagés. Une commission formée de représentants du gouvernement GHAVAM-os-

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SALTANEH et du conseil provincial proposera un règlement d’application. Article 9 : Le gouvernement accepte de présenter pendant la 15ème législature du Madjlesse un projet de loi électorale fondé sur les principes de liberté et de démocratie, et de promulguer le suffrage universel, secret et direct avec la participation des femmes au scrutin. Le gouvernement demandera l’approbation immédiate du projet. Le gouvernement accepte également de présenter un projet de loi au cours de la 15ème législature du Madjlessse en vue d’augmenter le nombre des députés de l’Azerbaïdjan et des autres parties du pays, proportionnellement à leur population. Le gouvernement demandera l’approbation de ce projet. Article 10 : La province d’Azerbaïdjan sera formée des 3e et 4e Ostans. Article 11 : Pour contrôler le bon fonctionnement de l’administration de l’Azerbaïdjan, un Conseil administratif sera constitué. Il sera composé du gouverneur, des directeurs de bureaux et du comité du Conseil provincial. Article 12 : La langue persane et le turc Azari seront reconnus comme langues officielles de la province. Ils seront enseignés dans les écoles primaires et secondaires. Article 13 : Le gouvernement consent à ce que les kurdes résidant en Azerbaïdjan jouissent des avantages du présent accord. Ils seront instruits dans leur propre langue jusqu’à la cinquième année scolaire. Article 14 : Le Madjlesse, dans la 15ème législature approuvera une nouvelle loi électorale sur les conseils de mairie, loi basée sur des principes démocratiques et sur le suffrage universel. Les actuels conseillers de mairie resteront en fonction jusqu’à l’instruction du nouveau système. Article 15 : Cet accord, établi en deux exemplaires ; sera applicable dès son approbation par le gouvernement central et par le conseil provincial de l’Azerbaïdjan. Signé : MOZAFFAR FIROUZE ET PICHEVARI (43) Par cet accord, le gouvernement central chercha à satisfaire la demande du régime de TABRIZ dans le cadre de la constitution. Notons qu’au moins deux des quinze points contenus dans l’accord appellent des commentaires ; il s’agit des articles 3 et 8. Par l’article 3, Téhéran reconnaissait le Madjlesse National d’Azerbaïdjan en tant qu’assemblée provinciale acceptée par la

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constitution iranienne. Il ne fut jamais appliqué car cela aurait remis en cause le système politique en vigueur hautement centralisée. Par l’article 8, le gouvernement central accepta le programme de distribution des terres instauré par le régime révolutionnaire de TABRIZ. Mais il fut stipulé que les propriétaires dépossédés seraient indemnisés d’après un règlement d’application à élaborer au sein d’une commission composée de représentants du gouvernement de Téhéran et de l’assemblée provinciale prévue à l’article 3 de l’accord. 34 – Les réactions politiques à l’accord du 13 juin 1946 Globalement, l’accord fut salué avec enthousiasme par la presse extrême gauche qui fit l’éloge de la bonne volonté de GHAVAM et de l’esprit conciliant des démocrates de TABRIZ. Les journaux affirmèrent que le danger d’une guerre civile était définitivement écarté et que l’avenir du libéralisme et la démocratie était assurée en Iran. De leur côté, le milieu de droite, du centre et quelques nationalistes critiquèrent cet accord qu’ils déclarèrent incompatible avec la Constitution iranienne et avec l’intégrité du territoire. Le Parti TOUDEH déclara après le 13 juin 1946 que les transformations intervenues en Azerbaïdjan devaient être étendues à chacune des provinces iraniennes. Il invita avec succès les ouvriers et les paysans à se grouper contre l’autorité et la tyrannie de la classe gouvernante. 4 – L’entrée des leaders du TOUDEH dans le gouvernement L’influence du parti se développa à nouveau un peu partout dans le pays et surtout auprès des ouvriers de l’A.O.I.C. ce qui provoqua quelques inquiétudes aux britanniques qui ne manquèrent pas de réagir. Dès la fin juin, le major JEACOK organisa des agitations auprès des tribus arabes du KHUZISTAN qui réclamèrent l’autonomie de leur province et son rattachement en Irak. Les chefs de ces tribus se constituèrent en ‘Association des Tribus’ qui perpétra des actes souvent sanglants contre les populations civiles et les ouvriers affichant quelque sympathie communiste. Le 14 juillet le parti TOUDEH donna l’ordre aux ouvriers de l’A.O.I.C. de déclencher une grève générale (44) qui fut suivie par plus de cent mille ouvriers. Les membres armés des tribus arabes furent rapidement mis en déroute par les grévistes qu’ils attaquèrent.

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42 – Le remaniement ministériel Fin juillet 1946, devant l’ampleur des manifestations populaires, le Premier ministre GHAVAM décida subitement de procéder à un remaniement de son cabinet. Il offrit trois portefeuilles aux leaders du parti TOUDEH : - IRADJ ESKANDARI au commerce et à l’industrie ; - Docteur FEREYDOUN KECHAWARZ, à l’éducation - Docteur MORTEZA YAZDI, à la santé. Cette décision découlait d’une stratégie décidée quelques temps auparavant dont la première pièce fut la création par le Premier Ministre, du Parti Démocrate d’Iran. (45) Ce parti disposait de moyens importants, il eut un rapide succès et constitua un danger pour le parti TOUDEH et le parti Démocrate d’Azerbaïdjan. Malgré un défi évident dans le choix du nom du nouveau parti, les membres du TOUDEH, nommés dans le gouvernement affirmèrent leur soutien au programme de gouvernement du parti de GHAVAM. Quelques années plus tard, le Comité Central du parti tenta de justifier cette décision hâtive. (46) Il expliqua que c’était une opportunité pour non seulement sauvegarder les avantages acquis mais aussi pour empêcher un revirement dans la politique étrangère du gouvernement ; de plus, le parti pouvait ainsi renforcer la tendance gauchisante du cabinet et neutraliser les pressions de la Cour. Le Comité Central proclama aussi que cette participation n’avait pas été conditionnelle et avait été dépendante de l’acceptation d’un programme démocratique sur la réforme agraire, la solution finale de la question azerbaïdjanaise et des élections libres. 43 – La stratégie de GHAVAM En acceptant de participer au gouvernement de l’Iran le parti TOUDEH s’éloigna du concept de ‘front populaire’ et compromit finalement sa position : - L’alliance des quatre parts sur lesquels se basait au moins théoriquement le cabinet de coalition, ne permettait pas au TOUDEH d’avoir une position d’avant garde, car le parti gouvernemental représentait l’aristocratie terrienne et la haute bourgeoisie. Ce n’était donc pas un parti apte – bien que démocrate de nom – à former une alliance conçue sur le modèle du Front Populaire de

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France de 1936. Il était au contraire anti-soviétique et oeuvrant bien sûr pour chasser de l’Iran l’influence des soviétiques. - GHAVAM souhaitait utiliser l’emprise dont disposait le parti TOUDEH sur les organisations syndicales. Il comptait ainsi contrôler l’agitation ouvrière qui régnait notamment dans les champs pétroliers de l’A.O.I.C.(47) D’après toutes les indications (48) sur sa force numérique (le rassemblant du 1er mai, le nombre de grévistes le 14 juillet et les masses rassemblées le 4 août fête de la constitution, ajouté au fait que le parti démocrate contrôlait complètement l’Azerbaïdjan, le mouvement communiste était en droit d’espérer prendre la majorité des sièges au quinzième madjlesse. En participant au gouvernement, le parti TOUDEH perdait ses caractéristiques révolutionnaires ce qui détournait de la gauche radicale l’Intelligentsia) mais il comptait les forces dont il disposait pour prendre le pouvoir selon les méthodes constitutionnelles et de ce fait non révolutionnaire. Cette perspective en elle-même avait un grand impact psychologique, ainsi que le démontrent les manifestations organisées par le Parti. 44 – L’éviction des ministres TOUDEH Subitement, GHAVAM modifia sa politique en procédant à un nouveau coup de théâtre. Les raisons lui en furent données par une révolte tribale qui éclata le 24 septembre 1946 dans la province de FARS où les tribus de la région (notamment les GHASHGHAIS et les BAKTIARI° levèrent leurs armes contre le gouvernement de Téhéran en exigeant leur autonomie et l’expulsion des ministres TOUDEH du gouvernement. Des histoires posent à tort ou à raison la question de la spontanéité de cette révolte que les communistes nient. (49) Mais quel que soit le degré de complicité gouvernementale dans cette révolte, le Premier ministre l’exploita en faveur d’un retour à la normalisation politique. Il savait l’intérêt manifesté par les Soviétiques pour les élections devant se dérouler ; il s’était entendu avec eux pour procéder à une mise en ordre au sein du pays ; c’était là une condition nécessaire au bon déroulement des élections. Du même coup, ne pré supposant aucune opposition réelle de leur part et mit fin à la coalition gouvernementale expliquant que cette décision constituait une mesure susceptible de restaurer l’ordre.

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GHAVAM démissionna officiellement le 17 octobre ; il forma un nouveau cabinet avec des nationalistes et des indépendants centristes qui se présenta comme un gouvernement d’ordre. Le parti TOUDEH fut vivement surpris de cette décision. Il tenta de sauver la face au cours de son Comité Central du 16 octobre où il fut déclaré que les conditions qui avaient conduit le parti à se joindre à la coalition gouvernementale n’existant plus, les membres ministres avaient démissionné. Relatant ces évènements IRADJ ESKANDARI (50) écrivit : ‘… Il semble que si le Parti TOUDEH et les organisations démocratiques avaient pu, en profitant des conditions favorables du début de l’année 1946, imposer à GHAVAM de procéder aux élections législatives, l’échec aurait pu être évité. En se laissant bercer par l’illusion que GHAVAM par ses engagements internationaux et conformément aux clauses de l’accord irano- soviétique du 4 avril était tenu de procéder à des élections dans le plus bref délai et en exagérant l’importance des divergences personnelles entre GHAVAM et le Schah, le mouvement démocratiques de l’Iran a laissé s’écouler un temps précieux au cours duquel la réaction réussit avec l’appui de l’étranger, à se regrouper et à constituer un front commun anti- démocratique…’ Cette déclaration, même à posteriori, révèle l’amertume dans laquelle se trouvèrent les leaders communistes. 45 – La fin du soulèvement en Azerbaïdjan et au Kurdistan Le nouveau gouvernement ne toléra aucune agitation. Une grève patronnée par un syndicat émanant du parti TOUDEH fut sévèrement réprimée le 12 novembre 1946. Des arrestations furent effectuées en nombre. Le gouvernement appliqua rapidement les techniques de pénétration communiste. (51) Il mobilisa avec succès les travailleurs dans un syndicat qu’il fonda à leur intention. ZABIH (52) écrit quant à l’application de cette technique : ‘… Non seulement elle réussit à diviser les rangs du mouvement ouvrier, mais elle enlevait ainsi la principale prérogative du parti TOUDEH, à savoir sa composition ouvrière. A la suite de ceci un Ministère du Travail fut crée et un code du Travail édité, donnant ainsi au gouvernement l’occasion de montrer aux travailleurs que pour la première fois il était de leur côté…’

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Autre élément de la nouvelle politique gouvernementale, la décision de récupérer militairement la province d’Azerbaïdjan. GHAVAM pensait une nouvelle fois que les Soviétiques ne réagiraient pas. Il décida de faire de la présence des unités officielles de l’Armée iranienne en Azerbaïdjan l’une des conditions préalables à la réalisation des élections au quinzième madjlesse, qui, rappelons le, devait ratifier l’accord irano-soviétique créant une compagnie mixte chargée d’exploiter les pétroles du nord du pays. Début décembre 1946, l’armée iranienne marcha sur le nord (53) dans le but officiel de ‘superviser des élections calmes’. Mis à part une tentative de résistance à la limite de la province, (aux environs de MIYANEH) le régime révolutionnaire échoua à mettre sur pied la lutte à laquelle sa propagande s’était engagée à recourir en cas de nécessité. (54) Un an jour pour jour, après la célébration de la ‘République Autonome d’Azerbaïdjan’, le 12 décembre, l’armée iranienne entra dans TABRIZ et en quelques jours les insurrections en Azerbaïdjan et du Kurdistan prit fin. Les principaux leaders y compris PISHEVARI et ses proches lieutenants, réussirent à traverser la rivière ARAS et à entrer en Azerbaïdjan soviétique, mais la plupart des autres furent capturés. Certains des leaders actifs, et quelques officiers rebelles de l’armée centrale, payèrent l’insurrection de leur vie. (55) L’opération de reprise militaire de l’Azerbaïdjan marqua en fait une nouvelle étape dans le mouvement communiste. La mort du parti démocrate provincial laissa la parti TOUDEH comme unique organisme politique du mouvement. Mais l’effondrement de cette deuxième expérience révolutionnaire communiste déboucha sur une profonde crise idéologique qui frappa de plein fouet le parti TOUDEH. 1) L’opposition avait temporairement abandonné sa technique d’obstruction parlementaire après avoir obtenu l’accord du Premier Ministre sur le fait qu’il démissionnerait si au moins 40 membres du Madjlesse ne le soutenaient pas… ROOZNAMEHE RASMI, Volume I, septembre 1945 – page 596. 2) I. ESKANDARI op. Dep. Cit. VII, page 10. 3) IRADJ ESKANDARI, op. Dep. Cit. , VII, page 10. 4) ROOZNAMEHE RASMI, vol. II, n° 294 (février 1946) p. 1061.

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5) “... Unlike the Arabic-speaking Khuzistani, the Turki-speaking Azerbaijani adheres to the same sect of Islam as does the Persian- speaking element and shares with latter common culture, traditions, and history- a history, by the way, which includes many ferocious battles with the Turkey. As the province to suffer most from contact with the Trurks, Azerbaijan has a vivid memory of Turkish depredations. If ever pan-Turanism was to triumph in Iranian Azerbaijan, the period of World War I was the propitious time. The young Turks in command in Turkey were advocates of a Turkish-speaking empire stretching from the Aegean Sea to the Great Wall of China. Furthermore, pro-tur-long an bitterly resented occupation by Russian Troops, the Azerbaijani looked to the arrival of the Tukish army as a liberation? The Ira-Many Turkish agents argued that Azerbaijan should first declare its independence from Iran and then unite with Turkey. The sweetness of this siren Tabriz. Their behavior, in no sense that of liberating brothers, restrored dim memories of past molundering and looting by Turkish invaders. Apparently very few Azerbaijani were persueded to support pan-Turanism,and, as mentioned earlier, the most powerful and popular of Azerbaijani leaders led the fight against the Turkish plan. An effort to attract the Turkoman tribes of Khorasan to the pan-Turanism banner was even more of a failure. These people were far too tribal-oriented to feel any attraction for pan-turanism. After Ataturk seized control, there was a reaction in Turkey against the cosmopolitanism of the Ottoman Empire and the pan- Turanism of the young Turks. Pan-Turanist leaders were dropped, and the teaching of pan-Turanism as forbidden. These were wise moves. The feebleness of pan-Turanim outside of a small Turkish intellectual circle was manifest, and Attaturk had more than enough of a challenge within Turkish boundaries. With the passing of interest in pan- Turanism, the movement died. It is unlikely to be revived in Azerbaijan. In World War II the Germans made some half-hearted exploratory proddings of pan-Turanist sentiment in Azerbaijan but were rebuffet there and violently denounced in the Iranian press. Logic would argue that Iranian Azerbaijanis should be more attracted by suggestions for union with the inhabitants of Soviet Azerbaijan. The language is identical and the culture still very similar.

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Yet even when Azerbaijan declared its independance of Russia after Brest Litovsk Baijani during World War II included many soviet Azerbaijani,but sponsored separation. When the Tabriz residents interviewed in 1952, were asked about sentiment for union with Azerbaijanis now in their unanimous response wase one of incredulity...” Richaard W. COTTAM, NATIONALISM IN IRAN, pp. 132-133, copyright University of Pttsburg Presse, 1964. 6) Certains auteurs occidentaux ont attribué le choix de PISHEVARI à sa prétendue réputation de religiosité, probablement en vue de son plaidoyer en faveur de l’ace du front uni dans la province, qui lui rallia une partie considérable du clergé, cf. VON ALFRED JOACKIM FISCHER ‘HAT DER LOMMUNISMUSCHANCEN IN PERSIEN ? ‘DIE ZUKUNFT (WIEN) n° 3 (Mars 1954) p. 63 7) Cette absorption fut présentée comme ‚un fait accompli’ sans négociation préalable avec le Comité Central du parti TUDEH à Téhéran qui critiqua sévèrement le Comité Provincial pour avoir accepté sa dissolution sur sa propre initiative. Dans ses mémoires, PISHERAVI décrit le parti TOUDEH en Azerbaïdjan, comme étant une organisation usée et louche dont les nombreuses armées de lutte avaient échoué et donné des résultats tangibles. NAJAFGHOLI PESYAN, Marg. Bud Bazkasht Ham Bud (il y eut les deux, mort et retraité) (TEHERAN 1947) page 21 8) ZABIH, the commist movment in Iran, op. dep. Cit. 9) Le 19 novembre une colonne de l’armée iranienne, qui avait quitté la capitale pour l’Azerbaïdjan, fut arrêtée par l ‘armée Rouge à SHARIF-ABAD aux abords de KAZVIN. Le colonel SMIRNOV, représentant le commandement soviétique dans la région, informa le colonel AMJADI, le commandement des forces expéditionnaires iraniennes, que tout manquement à se conformer à la requête soviétique serait considéré comme un acte hostile contre l’Armée Rouge. Extrait d’un télégramme du 3ème Corps d’armée de l’Azerbaïdjan cité par PESSIAN in ‘Marg boud bazgachte ham boud’ Téhéran 1950 – page 30 10) PESSIAN, op. dep. Cit. , page 31 11) Le texte de cette motion fut publié par les journaux du Parti Démocrate et repris par la presse de Téhéran.

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12) Congrès des Etats unis, House Foreign Affairs Committee, strategy anal tactics of World Communism, 81ème congrès, 1ère cession 1949 House Doc. 158, supp. 3, cité par THABIZ, op. dep. Cit . 13) M. S. IVANOV, OCHERK ISTORII IRANA, vol. IV n° 3 (1956) p. 319 14) ABDOLSAMAD KAMBAKHSH, discours à la cession d’ouverture du Majlis, ROOZNAMEHE RASMI, vol. I, n° 215 (janvier 1946) p.707 ; 15) MOSSADEGH, ROOZ NAMEHE RASMI, Vol. I n° 231 (février 1946), p. 870 16) Les discours de SADEGHI (de Tabriz) et de MOZAFFAR ZADEH (du Guilan) sont typiques de cette attitude. ROOZNAMEHE RASMI, I, n° 258 (février 1946), pp. 943-944 17) RADMANES, ROOZNAMEHE RASMI, Vol. I n° 253 (février 1946) p. 900 18) SHAHA BE FERDOSE, Ibid, vol. I n° 294 (mars 1946) p. 1061 19) Les sources principales traitant de ce mouvement sont : a) WILLIAM EAGLOETON – The Turkish Republic of 1946, Royal institute of International Affairs. Oxford University Press, Londres 1963. b) ARCHIE ROOSEVELT JUNIOR- ‘The Kurdistan Republic of Mahabad’ extrait de ‘The Middle East Journal’, juillet 1947, n° 3 pafes 247 à 249. c) N. G. PESSIAN, - ‘AZ MAHABADE KHOUNINE... ta... KARAMEHAJ ARAS’ (De Mahabad ensanglanté... jusqu’aux côtes d’Araxe), Téhéran 1949. d) Pierre Rondot –‘l’Union soviétique et les conflits Irano-Kurdes du Moyen Orint’. Politique étrangère, vol. X, n° 3 (1945) et ARCHIE ROOSEVELT, ‘Kurdish Republic of Mahabad’, Middle East Jounal Vol. I n° 3 (juillet 1947) 20) Une minorité assyrienne vit dans le Kurdistan iranien. 21) Ces contacts furent solide grâce au rôle joué par le capitaine JAFAROV qui était issu de la minorité Kurde résident en Union Soviétique. 22) Le Parti Démocrate du Kurdistan, né au milieu de 1945 à Mahabad en Iran, est à l’origine de la formation d’un gouvernement autonome kurde. Ce parti a exercé une grande influence sur

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l’évolution du mouvement national kurde, en Irak. Coiffé d’une direction tribale, il n’a pas été à même d’effectuer une sérieuse réforme agraire. Son action a été néanmoins efficace dans le domaine des droits nationaux et culturels kurdes. De nombreux Barzaniens, patriotes et officiers kurdes irakiens avaient participé activement à son mouvement révolutionnaire, lequel est cependant écrasé vers la fin de 1946 à la suite de violents combats contre les forces iraniennes. Ses dirigeants sont tous exécutés. Dr. GHASSEMBO attribue cette défaite au colonialisme américain qui, ‘s’appuyant sur le monopole de l’arme nucléaire, pousse le gouvernement iranien à effectuer la première provocation à la frontière soviétique, ouvrant ainsi l’ère de ce qu’on devait appeler ‘la guerre froide’. Ghassembo impute le silence soviétique, violemment critiqué par les kurdes, à une estimation irréaliste de la situation en Iran du temps de Staline. Aziz el Hajj, ‘L’Irak nouveau et le problème kurde’ Edition Khayat, 25, rue de Berne Paris 1977, page 54. 23) Ce parti fut fondé en présence de plus de soixante tribus kurdes et des chefs du ‘KUMLEH’. The other party (also used as the vehicle of rebellio) was the democratic party of Kurdistan. This party was formed in september 1945 by QAZI MUHAMMAD, hereditary judge and religious leader of Mahabad and a member of its most respected family. He announced the formation of the party shortly after his return from a brief trip to Baku, arranged by the Soviet Union. This Soviet-sponsored party was created at the expense of a kurdish nationalist party know as Komala(Commitee), which had been in existence, although secretly, since 1943. Although it was organized by kurdish nationalists and inspired to Western liberal democratic models in party organization and function, its extremely small base of social support and its organizational weaknesses proved conductive to its replacement by the Democratic party, led single-hand-edly by the Qazi, who proved, it seems, far more amenable to Soviet manipulation. Both the Azeri Kurdish Parties sought to attain autonomy within the Iranian state. They based their claims to autonomy on similar grounds. The kurdish party’s manifesto, signed by the Qazi and other leading kurs, complained of REZA SCHAH denial of their human and constitutional rights ; and declared kurdish as the official language. The democratic party of Azerbaijan also stresses and distinctive Azeri

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linguistic and cultural heritage. Of the two parties, however the great share of Soviet support went to the Azeris from the beginning. Their first manifesto received generous soviet press coverage on september 14, 1945. In reporting this, George F. Kennan, the American chargé in Moscow, saw parallels between the proble of nationality in Azerbaidjan and Eastern Poland, Sinkiang, Turkish Armenia, and other areas, beleiving that in Azerbaidjan, as ‘in these areas soviet fissionist technic seems to be based on racial affinities transcending (the) Soviet border.’ RANAZANI : Iran’s Foreign Policy The University Press of Virginia, 1975, page 113. 23) Citée par Freidonne SAHEBJAM, op déjà cité page 184. 24) Besides the infiltration of the parties, the soviets employ two other major methods in assisting the seizure of power by the Azeri and Kurdish rebels. These were interception of central government forces and protection of the local rebels. The hands of the Red Army and Soviet consular officers and agents were clearly visible in the use of these methods. The fissionist technique, to borrow Kennan’s words, was put into effect in Azerbaijan by the soviet consul general in Tabriz, who mastermined the rebellion. The military aarmy of the rebellion was streng tened by the import of a large number of refugees from soviet Azerbaidjan into Iran and by the wholesale distribution of arms to the rebels. The soviets also nurtured open rebellion among the ; ‘Soviet agents circulated among the tribes, told them to mobilize for the coming struggle for independence,’ and armed the ‘democrats’ of kurdistan, many of whom bailed from soviet Azerbaidjan. Despite all this soviet aid to the Azeri and kurdish parties, the rebellions, which were finally launched in mid november 1945, would have probably fallen short of the establishment of an Autonomous Republic of Azerbaidjan (december 12, 1945) and a kurdish People’s Republic (December 15) had it not been for the direct intervention of the Red Army by means of intercepting central government forces sent from Tehran and protecting the rebels against forces fo the central government stationed in Azerbaidjan. R. K. RAMAZANI, Iran’s Foreign Policy 1941-1973 pp. 113-114 The University Press of Virginia, 1975. (Nous citons cet auteur avec réserve).

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25)Ambassadeur d’Iran à Londres et chef de délégation iranienne auprès de l’O.N.U. 26)Procès Verbaux de l’office du Conseil de Sécurité, 1ère année, 1ère série, supplément n° 1, annexe 2. 27) Ibid, supplément n° 1, Document s/w/2. 28) Pour des détails sur le débat des Nations Unies en question se référer aux chapitres I et II du livre d’ABDOLHOSSEIN HAMZAVI Persia and the Powers : An account of diplomatic relations, 1941-1946 (London 1947). 29) “Greece, Turkey and Iran were the first states beyond the confines of the Red Army to feel the pressure of the Soviet Union. In the period from the end of the war to early 1947, the Russians attempted to effect a major breakthrough into the middle east. The pressure on Iran began in early 1946, when the Russians refused to withdraw their troops from the country. These troops had been there since late 1941, when Russia and Britain had invaded Iran in order to forestall increased Nazi influence and to use Iran as a corridor for the transportation of military aid shipped by the West to the Persian Gulf for transit to Russia. The Russians had occupied northern Iran, the British the central and southern sections. When the latter withdrew their troops after the war, the Soviets sought to convert Iran into a Soviet satellite. During this period, the Soviet Union also put pressure an Turkey. Indeed, the Russians had begun to do this as early as June 1945, when they suddenly demanded the cession of several Turkish districts lying on the Turkish-Russian frontier, the revision of the Montreux Convention governing the Dardenelles Straights in favor of a joint Russo-Turkish administration, Trukey’s severance of ties with Britain and the conclusion of a treaty with the Soviet Union similar to those which Russia had concluded with its Balkan satellites, and finally ; leasing to the Soviet Union of bases for naval and land forces in the Dardenelles for its “joint defense.” In august 1946, the Soviet Union renewed its demand, in a note to the United States and Britain, for a new administration fo the straights. In effect, this would have turned Turkey into Soviet satellite. In Greece, too, Communist pressure was exerted on the government through wide-scale guerilla warfare, which began in the fall of 1946. Civil war in Greeece was actually nothing new. During the War, the

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communist and anti-communist guerillas fighting the Germans had spent much of their energy battling each other. When the British landed in Greece and the Germans withdrew from the country, the Communists had attempted to take over the capital city of Athens. Only after several weeks of bitter street fighting and the landing of British reinforcements was the communist control of Athens dislogedand a truce signed in january 1945. Just over a year later in march 1946, the Greeks held a general election in which right-wing forces captured the majority of votes. The Greek situation did not improve, however. The country was exhausted from the Italian and German invasions, the four years of occupation, and the German’s scorched-earth policy as they retreaded. Moreover, Greece had always been dependent upon imports that were paid for by exports, but its traditional marked in Central Europe was now closed, while the masses lived at a bare subsistence level, the black marked flourished. The inability of any government to deal with this situation aroused a good deal of social discontent. And the large ; 100 000 man army which Greece needed to protect itself from its Communist nighbours (Albania, Yougoslavia and Bulgaria) had brough the country to nearbankruptcy. If Britain had not helped finance – as well as train and equip – the army and kept troops in the country to stabilize the situation, Greece would in all probability have collapsed. It was in these circumstances that in August 1946, the Communist forces began to squeeza Greece by renewing the guerilla warfare in the north, where the guerillas could be kept well supplied by Greece’s Communist neighbors. In all these situations, the American Government was suddenly confronted with the need for action to support Britain, the traditional guardian of this area against encroachment. In the case of Iran, the United States and Britain delivered firm statements which strongly implied that the two countries would use force to defend Iran. The Soviet reponse in late March 1946, was the announcement that the Red Army would withdraw during the next five to six weeks. In the Turkish case, the United States sent a naval task force into the Mediterranean immediately after the receipt of the Soviet note on August 7. Twelve days later, the United States replied to the note by rejecting the Russian demand to share exclusive responsability for the defense of the straights with Turkey. Britain sent a similar reply. The

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Greek situation had not yet come to a head, and the need for American action could be postponed for a while longer. But it should be pointed out that the Truman Administration’s actions in Iran and Turkey were merely swift reactions to immediate crises. They were not the product of an over-all American stategy. Such a coherent strategy came only after a new assessment of soviet foreign policy had occured.” John Spanier, American Foreign Policy since World War II pp. 30-32 Published in the united States of America in 1973 30) IRADJ ESKANDARI, op. Déjà cité VII, page 10. 31) I. ESKANDARI, op. Déj. Cit. VII, page 10. 32) Pour un rapport détaillé sur les efforts de la délégation iranienne à Moscou , cf GHASSEM MASSUDI, MOSSAFERAT BE MOSCO (Mission à Moscou) (Téhéran 1946). Pour une étude complète de l’attitude et des buts soviétiques, cf Raymond LACOSTE, la Russie Soviétique et la question d’Orient (Paris 1946) 33) Le texte en iranien fut publié le 5 avril 1946 dans ETTELAAT ; une version sommaire en langue anglaise figure dans le WASHINGTON POST du 6 avril 1946. 34) Le quatorzième madjlesse avait expiré ses pouvoirs et l’élection du quinzième ne s’était pas déroulée. 35) SATEYBERG, SOVESTO-IRANSHIYE ot nosheniya i proiski Anglo Amerikanskogo imperi alizma v irane (Moscou 1947) tel que cité dans Car, vol. n° 3 p. 323. 36) I. ESKANDARI, op. Déj. Cit. VIII, page 9. 37) I. ESKANDARI – op. Déj. Cit. VIII, page 10. 38) IPICHIAN était un commerçant influent d’Azerbaïdjan et un ami personnel de PISHERAVI. Le Times du 22 avril 1946 le présente comme un sympathisant de gauche n’étant pas en complet accord avec le mouvement démocrate. 39) PARVIZ HOMAYOUNPOUR, op. déj. Cit. page 151. 40) Cette nouvelle fut reprise par le journal iranien DAD du 27 ordibéhéchte (17 mai 1946) 41) La délégation comprenait également le général HEYDAIT, Vice ministre de la Guerre, le Général MOHAMMAD ALI ALAVI MOGHADAM, MOUSSAVI-ZADEH et l’ingénieur KHOSROW HEYDAIT.

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42) Le texte de l’accord fut diffusé par Radio Tabriz le soir du 22 Khordad 1325 (13 juin 1946) et publié par le journal Dad le 26 Khordad (16 juin). Cet accord est considéré comme un complément des 7 articles de la proposition gouvernementale du 2-2-25 (avril 1946). Cité par P.HOMAYOUNPOUR op. déj. Cit. Pages 157 et 158. 43) Conjointement à cet accord du 13 juin, d’autres pourparlers réglèrent la question technique de l’incorporation des forces démocrates dans l’armée gouvernementale iranienne. PESSIAN résume ainsi les principales exigences de TABRIZ en la matière : a) Les 160 officiers, déserteurs de l’armée iranienne devront être promus de deux grades hiérarchiques ; b) 350 Mohajers ‘Emigrés’ seront maintenus dans leur grades (il y avait parmi eux plusieurs généraux et colonels). c) 810 officiers de l’armée démocrate verront leur grade reconnu ; d) le gouvernement central versera au budget militaire de l’Azerbaïdjan une contribution annuelle de 15 millions de rials ; e) Le conseil provincial aura le droit de nommer les commandements des divisions de l’azerbaïdjan. Cité par HOMAYOUNPOUR, op. déj. Cit. page 160. 44) Cette grève fut ordonnée par REZA ROUSSTA qui était à l’époque président du ‘Conseil unifié des syndicats ouvriers iraniens’ et membre du Comité Central du Parti TOUDEH.

A la suite de la fus sillage fomentée par les tribus arabes, le nombre des victimes s’éleva à 17 morts et 150 blessés. Ces chiffres sont cités par G. LENCZOWSKI, op. déj. Cit. 45) UN sommaire du programme du parti parut dans le ‘Journal de Téhéran’ 1er Juillet 1946. 46) I. ESKANDARI, op. Déj. Cit. 47)L’importance de la coopération du parti TOUDEH fut démontrée au cours d’une grève générale dans le KHUZISTAN LE 14 JUILLET 1946. Le but extérieur de la grève était d’obliger l’Anglo Iranian Oil Company à remplir sa promesse d’augmentation des salaires, mais l’objectif avoué était de faire échouer un complot de la Compagnie visant à détruire un syndic soutenu par le part TOUDEH. Au cours de la grève de nombreuses pertes furent subies de part et d’autre et l’Iran se trouva devant une importante crise diplomatique. La Grande

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Bretagne envoya des renforts maritimes aux abords d’ABADAN et menaça d’intervenir en cas de danger pour les voies et propriétés britanniques. Sur l’initiative du Premier Ministre GHAVAM, le Dr RAMDANES secrétaire Général du parti TOUDEH, et REZA RUSTA, Premier Secrétaire du Conseil Uni des syndicats, furent envoyés à ABADAN, très rapidement ils persuadèrent les travailleurs d’arrêter la grève même si leurs demandes n’avaient pas été satisfaites. Avec la formation du cabinet de coalition une semaine plus tard, le parti entreprit de ne plus exploiter l’agitation ouvrière, engagement qui fut respecté pendant tout l’été et qui correspondait à l’espoir du Premier Ministre lorsqu’il avait invité le parti à se joindre au gouvernement. 48) L’estimation la plus valable que l’on puisse trouver évalue la force numérique du parti TOUDEH et de ses sympathisants à 50 000 personnes dans la capitale et à un chiffre presque équivalent pour le reste du pays, non compris l’Azerbaïdjan où le parti démocrate constituait la seule organisation communiste. D’après la participation aux premier et deuxième congrès du parti, pas plus de 25 000 de ces personnes n’avaient une carte de membre pouvant leur permettre d’être élu, où de participer aux élections des représentants de l’organe suprême du parti. –cf Congrès des Etats Unis, Communism in the Near East, 80ème congrès 1ère Cession 1948. 49) Les sources TOUDEH mentionnent le fait que le chef de la tribu GHASHAGHAI fut l’un des premiers à se joindre au parti du Premier Ministre, ce qui constitue un indice de la complicité de GHAVAM dans le soulèvement. Cf. ESKANDARI, Moyen Orient n° XI, page 10. 50) I. ESKANDARI, op. Déj cit. XI, page 9. 51) International labor office, labor conditions in the oil industry in Iran (Geneva 1950) pp. 46-53. 52) ZABIH- The Communist movement in Iran op. Cit. 53) Les efforts désespérés des représentants de la diplomatie soviétique pour dissuader le gouvernement de cette action ainsi que l’appel tardif de l’Ambassadeur SADCHIKEV au SCHAH échouèrent. 54) Pour des détails, cf. ROBERT ROSTOW ‘the battle cf Azerbaïdjan, 1946’ Middle East Journal, vol. IX (hiver 1946) 55) Il n’y a pas de statistiques fiables sur le nombre des victimes mais I. ESKANDARI mentionne l’exécution des officiers qui avaient déserté

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l’Armée iranienne et de Y. AZIMA membre du cabinet d’Azerbaïdjan, qui ‘avec ses 26 compagnons d’armes parut devant le peloton d’exécution en chantant l’internationale’ (ESKANDARI ‘une histoire du parti TOUDEH Moyen Orient n° XII, 8). Une source non - TOUDEH estime le total des victimes de la rébellion à 1 500 blessés et morts (PESYAN op. cit. p. 153) Une autre source annonce qu’il y avait eu 800 victimes communistes au cours d’émeutes avant l’arrivée des troupes (Strategy and tactics of World Communism) .

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CHAPITRE QUATRIEME

____

LA GUERRE DU PETROLE ET L’APPARITION

D’UNE NOUVELLE ERE DANS L’HISTOIRE

DE L’IRAN

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Le régime de sortit finalement victorieux de tous les évènements politiques qu’il dût subir, de tous les pièges qui lui furent tendus. Les défaites des communistes en Azerbaïdjan et au Kurdistan (1) achevèrent de discréditer le parti TOUDEH que l’opinion publique en général jugea comme le ‘parti de l’étranger’, le ‘parti des soviétiques’. Sur le plan politique intérieur, cette désaffection pour le communisme bénéficia surtout à GHAVAM et à son parti Démocrate. I – LA NAISSANCE DU FRONT NATIONAL 1 - La vie politique sous le quinzième Madjlesse 11 – les élections Le 20 décembre 1946 GHAVAM présenta pour la quatrième fois au SCHAH son cabinet. (2) Les élections pour le quinzième Madjlesse débutèrent dés la fin de l’année 1946 et s’achevèrent à la mi-mars 1947. Elles eurent un succès inespéré jusqu’alors puisque 77 % des inscrits y participèrent. Les démocrates obtinrent-la presque totalité des sièges ; Dirigée par MOSSADEGH l’opposition obtint 25 sièges et les communistes eurent deux élus. La séance inaugurale se tint le 15 juillet 1947 et les députés portèrent rapidement la question du pétrole à l’ordre du jour des débats. Nous avons vu l’intérêt qu’attachaient les Soviétiques à cette question qui était restée en suspens dans l’attente des élections. 12 – Le rejet de la convention irano-soviétique du 5 avril 1945 Bien que GHAVAM ait ouvertement manifesté son attachement à la ratification de l’accord irano-soviétique du 5 avril 1945, le Madjlesse s’y opposa. Le débat fut houleux ; les 25 députés de MOSSADEGH se suivirent à la tribune pour critiquer le projet dans des termes virulents : ‘… nuisible, illégale, pire traité qui ait été imaginé durant les cents dernières années de l’histoire de l’Iran…’ La presse (3) profita de ce contexte pour attaquer-elle aussi très vivement GHAVAM et son gouvernement. Il fut ainsi abandonné par tous ceux qu’il conduisit à la victoire… Le projet de traité fut rejeté par 102 voix contre deux (les deux élus du TOUDEH)

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Un autre projet fut à la place accepté. Ce projet soutenu par le député REZA ZADEH SHAFAGH reçut toutefois la garantie de GHAVAM. Il stipulait que : 1 - L’Iran assurerait la recherche de nouveaux gisements durant les cinq années à venir avec ses propres capitaux. 2 - Les négociations que le président du Conseil avait menées avec les dirigeants du Kremlin en vue de la menée avec les dirigeants du Kremlin en vue de la création d’une concession pétrolière serait déclarée nulle et non avenues. 3 - Le gouvernement iranien ne pourrait plus accorder de concessions à des puissances étrangères ou avoir des partenaires étrangers ou jouir de l’assistance étrangère dans la recherche pétrolière. 4 - Si de nouveaux gisements venaient à être découverts dans les trois prochaines années, le gouvernement pourrait négocier avec l’Union soviétique dans le but de lui vendre du pétrole. 5 - L’Iran devrait négocier avec l’Anglo-Iranian Oil Company dans le but d’obtenir une plus grande part des bénéfices. Les Soviétiques exprimèrent leur profond mécontentement en déclenchant une campagne anti-iranienne. 13 – Les relations Irano - Américaines Dans les mêmes temps l’Ian reçut le soutien des américains et l’assurance de leur protection. Par un accord signé le 6 octobre, ces derniers étaient autorisés à envoyer à Téhéran des missions militaires. Le 10 décembre 1947, GHAVAM SALTANEH se retira du pouvoir pour ‘raisons de santé’. Il fut remplacé le 27 du même mois par EBRAHIM HAKIMI, qui avait dans le temps affirmé son attachement pour le camp occidental. Sous HAKIMI l’influence américaine fut très vive en Iran. Le 17 février 1948, il fit ratifier par le Madjlesse une convention irano- américain (4) prévoyant que le gouvernement américain revendrait à un prix très bas tous les surplus des stocks militaires américains datant de la guerre et encore entreposés en Iran. (5) L’accord du 6 octobre prévoyait un prolongement jusqu’au 20 mars 1949 des missions militaires et de la gendarmerie placée respectivement sous les ordres des généraux GROW et SCHWARZKOFF qui renforcèrent dés le printemps 1948 les garnisons de l’Azerbaïdjan et des provinces du nord.

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Le Madjlesse récupéra durant cette époque tous les pouvoirs qui lui avaient conféré les lois constitutionnelles de 1906. F. SAHEBJAM (6) décrit ainsi le comportement des élus qui le composaient : ‘… Jaloux de leurs prérogatives récemment récupérées, les députés formaient en quelque sorte un monde à part dans la vie politique du pays. Les constituants de 1906 ne s’étaient pas trop souciés des profondes différences qui séparaient la Perse du début du siècle des nations occidentales, visant avant tout à construire les institutions extérieures de la démocratie parlementaires. En conséquence, un petit nombre d’hommes seulement se vit confier la charge de l’Etat. Le Madjlesse devint une sorte de club réservé à 136 politiciens vivant, pour la plupart, de revenus fonciers et du commerce. Les outsiders étaient rares au parlement, où il leur était difficile d’accéder. C’est la raison pour laquelle de vrais partis politiques ne pouvaient pas se former, à l’exception de petits groupes provisoires de députés, pour des alliances plus ou moins temporaires ; la plupart d’entre eux étaient foncièrement hostiles à la discipline de groupe, et d’ailleurs a peu près incapables de s’y soumettre. Le Madjlesse évoquait en somme à plusieurs points de vue l’image du parlement du vieux royaume de Pologne, comparaison qui souligne assez les dangers que fait courir à ces pays très exposés un individualisme exaspéré…’ MOHAMMAD REZA PAHLAVI fit voter un an plus tard une modification de la constitution instituant un sénat (7) nommé pour moitié par ses oins. Par cette réforme, le Schah détenait le pouvoir nouveau de dissoudre le madjlesse. (8) Le 13 juin 1948, HAKIMI fut remplacé à la tête du gouvernement par ABDOL HOSSEIN HAJIR jusqu’au 21 novembre de la même année. Ce jour là, MOHAMMAD SAED présente son quatrième ministère au SCHAH. Durant cette époque, la collaboration avec les Américains se renforça essentiellement dans l’optique du développement économique du pays. L’idée de plan septennal lancé en 1947 fut reprise fin 1947 (9) et dés 1948, ABDOL HOSSSEIN HAJIR embaucha l’OCI (Overseas Consultants Incorporated) organisme américain qu’il chargea de mettre en place et de gérer le plan. La loi

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autorisant cette opération et les dépenses qu’elle engageait fut votée le 15 février 1949 par le Madjlesse. 2 – Le ‘Front National’ et les autres partis 21 – L’attentat du 4 février 1949 Les changements intervenus dans la politique extérieure de l’Iran débouchèrent sur un durcissement des soviétiques à l’égard du pays. Durant cette époque tous les moyens leur furent bons pour exercer des pressions ou créer des litiges. Le parti TOUDEH essayait de reprendre l’importance qu’il avait perdue à la faveur des derniers évènements. Il constitua, pour les Soviétiques, un véritable ‘cheval de Troie’ destiné à créer un climat d’agitation en d’insécurité. Les observateurs se sont toujours entendus pour le décrire comme le ‘poste avancé de l’U.R.S.S. en Iran’ (10) Le 4 février 1949, alors qu’il rendait visite à l’Université de Téhéran, MOHAMMAD REZA SCHAH fut victime d’un attentat dont il réchappa de justesse. Freidonne SAHEBJAM donne une description très précise de cet événement. L’auteur de l’attentat fut abattu sur place. L’enquête démontra qu’il était journaliste dans une publication d’extrême gauche ‘PARCHAME –ESLAM’, c’est à dire ‘Le Drapeau de l’Islam’. Il était également membre du Parti TOUDEH parti qui réfuta toute responsabilité dans cet attentat en invoquant la position marxiste d’hostilité au terrorisme. La première conséquence de cet événement fut la mise hors la loi du parti TOUDEH et de tous mouvements pro-communistes. (11) Un certain nombre de personnes liées de près ou de loin avec ces organisations furent arrêtées. Des offensifs vers les milieux religieux fut également décidée. C’est ainsi que l’Ayatollah KASHANI fut envoyé en exil à Damas (12) Les courants de pensée ainsi visés réagirent vigoureusement dans la clandestinité provoquant de plus en plus des désordres favorisant l’instabilité du gouvernement et de sa politique. Cette situation accentua le climat d’insécurité qui régnait auparavant et les populations réagirent dans le sens recherché par les agitateurs. Les courants extrémistes se développèrent à droite et à gauche face aux modérés. William GREEN MILLER écrivait en 1969 :

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“ ... In the absence of effective political parties, the doureb system is the substitute used by Iranian politicians to discuss, organize and communicate with their followers communication ; the bazaar rumor Iranian traditionnal political organization is amorphous in structure, informal shifting and often uncertain. Dowrebs and the dowreb system are not identical. The dowreb is an upper class social habit, while the system refers to a peculiarly Persian behavior of political activity and communication. Dowreb (literally ; circle) is the persian word which has gained currency since the end of World War II to describe upper and middle class groups that meet regularly for reasons of common interest. The term dowreb has a general meaning of social circle, solon or lique. It expresses the gracious manner associated both with the past Iranian social patterns and with attitudes acquired by thosse who have been educated abroad or who have lived for considerable periods in the West. Dowrebs meet, as rule, weekly, but some way meet only once or two dourehs a week, those who are socially or politically active will go to three or four each week. The douwweb is not the only formal means that the upper classes use to meet and communicate with each other. Among the older leaders of the elite, certain days in each week or month are set aside for friends, relatives and associates ( often political associates) to call, pay their respects and discuss matters of the day over tea, cakes and nuts. This social habit is slowly dissapearing as the traditional leisurely patterns of the élite conform more and more to the busy pace of changing Iran and as extended family system breaks down. The cusom of making formal calls upon patrons or family elders on holidays such as the new year (No Ruz) or on the major national and religious holidays is still very much the rule. The number of people in any single dowreb is limited to those who can stand beside a buffet dinner table or sit along the walls of a living room. The usual membership is about 12 to 16. Since each member of a dowreb in turn will as a rule participate in at least two or three other dowrebs, ideas rumors or plans discussed in one dowreb can be transmitted to a considerably larger group in a relatively rapid and private manner. In the absence of an independant press, radio or television the doureb is one of the most persuasive and rapid means of transmission

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of political information ideas or policies to the bazaar. Bazaaaar merchants who are members of dowrebs, in the course of their business, convey news and information to bazaaar associates and customers. At this point, information becomes the bazaar ‘rumor’ which of all its shortcomings is still the most effective means of communication between the elite and the populance as a whole. Information about the religious establishment, the attitudes of the workers and the sentiment of the masses flows up to the dowreb through the same means. If required, political opinions or gossip can be transmitted from a Shimran dowreb to the mosques, caravansaries, workshops and teahouses in the remontest corners of the south Tehran bazaar within hours and to the other cities of Iran or countries outside of Iran within a day or two. The dowreb system can be compared to the ancient waterworks of Iran. In many ways the dowreb network is like a political ganat system. Like those underground channels which bring water froom remote soures to the villages and cities, doureb system politics flow relatively uperceived. When a channel is blocked or a source drys up, new channels are dug. And like the qanat system which is being replaced by new, less costly and more efficient methodes of irrigation, the dowreb system is gradually losing its central rôle. The dowreb system as a political method is not confined to, the social élite. The pattern cuts across economic and social lines and includes bazaari counterparts to the dowreh such as the maktabs, madressehs, surkaneh, kbanebgabs, qanuns, dastehs, taaziahs, hozeh elmi and hozeh dini. These bazaari counterparts fall into three categories ; religious, athletic and social. The maktabs, hozeh elmi and hozeh dini are normally religious classes or study groups that meeet in mosques, religious schools or shrines (although the maltab-i-towhid, the group of religious fanatics that planned and executed the association of Prime Minister Hasan , met in a bazaar ironmonger’s shop) to discuss religious questions. When the religious establishment becomes involved in poitical affairs, as has beeeen the case for the last few ears and on several important occasions in the past, the madresseh, maktabs and hozehs become political action groups. The khazenghahs, or meeting places of dervishes, have long been known

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for their political activities. Their, the elite and the rank and file can mingle under the mantle of Sufi simplicity. The activities of the free Masons, so much a part of Iranian political mythology from the days of the constitutional Revolution, took place and continues to take place in Khanehgahs. During the months of strong religious observance, Moharam and Ramazan, the bazaar for taaaaazieh (miracle play groups) to perform and recite tales of the martyrdom of Ali, Hossein and Hassan. In periods of political activity these martyrdom stories, so affecting to the Persian spirit acquire contemporary political content and these groups and their many listeners become religiously mativated political activists. The dasths, the black-shirted groups that are formed in each neighbourhood to chant lamentation of the cruel death of the martyrs at the hands of the caliphs and march through the streets beating themselves with chains, also have become political activists in times of political tension. The Rozehs are neighbourhood religious mourning groups. During Moharram in all the mosques and under tents set up for the purpose, the populace gather together tou mourne the martyrs. The Rozehs, too, have at times become political. The Zurkhaneh, or the houses of strengh, are not only places where martial exercises are performed, they also have long been centers of political activity. The rôle of the Zurkhamehs in the 1950’s and in the 1963 Moharram riots are two well known instances of Zurkhanehs political activity. Among the bazaari shopkeepers, artisans and laborers the dowreh system is less influenced by Western experience and follows more traditionnal patterns. Artisans and laborers will meet regularly in bazaar caravaneries, teahouses and restaurants that serve as the headquarters for those in a particular craft or trade. Very much in the pattern of the old guilds, merchants and workers – the ironmongers, rug merchants and goldsmith – will gather together over tea or kehah, to discuss business, exchange rumor and news and, inevitably, debate politics. Though no longer the main focus the bazaar still remains a center of urban religious business and political activity...! (13) 22 – Les forces extrémistes Le courant extrémiste était constitué d’une gauche et d’une droite. Ces deux composantes différaient assez profondément tant dans leur démarche que dans leur organisation.

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Les extrémités de gauche étaient constituées en bloc uni essentiellement composé des membres du parti TOUDEH. Ils défendaient une doctrine bien précise, le communisme selon des objectifs et des méthodes bien définies. A l’autre extrême, la droite se caractérisait par la diversité des courants de pensée qu’elle regroupait. Cette diversité se concrétisait surtout dans quatre mouvements à dominante nationaliste et religieuse : - Le front Populaire de MOSSADEGH - Les amis de KASHANI - Les anti fascistes - Les dévoués de l’Islam (Fédayan é Eslam). Le front Populaire était lui-même composé des amis de MOSSADEGH et des ‘Travailleurs iraniens’ du docteur BAGHAI. Les adeptes de KASHANI exprimaient les positions des religieux et des réactionnaires. Les ‘anti-fascistes’ et les ‘FEDAYAN-E-ESLAM’ étaient beaucoup moins importants en nombre mais très convaincant. Ces derniers constitués en confrérie, ne manquèrent pas de se manifester par le terrorisme et la violence gratuite, surtout en 1951. Les extrémistes de gauche et de droite, bien que très différents se retrouver dans un même objectif : leur haine violente de l’impérialisme britannique. Cet impérialisme se concrétisait en fait, dans le secteur pétrolier par l’A.O.I.C. (Anglo Iranian Oil Company) et dans le secteur bancaire par l’Impérial Bank of Iran. (14) Leur union contre nature se raffermit considérablement entre 1949 et 1952. Durant cette période, le parti TOUDEH persista dans son alliance avec les nationalistes, obéissant en ceci aux directives communistes qui prévoyaient en Asie un soutien objectif à tous les mouvements organisés luttant contre le bloc occidental. (15) 23 – Les modérés A l’inverse des extrémistes de droite ou de gauche, les modérés n’avaient aucune organisation solide. Le courant de pensée était constitué d’hommes non liés à des partis. Leurs conceptions politiques étaient fort diverses et sans objectif ni méthode ; les orientations à définir tant en politique intérieure qu’en politique extérieure ne trouvaient en fait aucun profond terrain d’accord chez les modérés. Il en était de même de la conception

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globale du pouvoir que chacun exprimait non pas en fonction du contexte mais plutôt en fonction des expériences vécues. Le ciment qui les unissait était toutefois solide ; ils étaient tous anti communistes et craignaient considérablement leur voisin soviétique dont l’Iran avaient subi les ingérences et agressions armées à diverses reprises. Autre lien solide chez les modérés, leurs tendances pro- occidentales. IL convient toutefois de remarquer la prudence dont ils firent preuves dans leurs relations avec les pays de l’ouest et notamment les Américains dont ils attendaient, avant tout engagement de leur part, des garanties sures tant politiques (pour leur sécurité) qu’économiques (pour le développement) Le courant modéré comprenait de nombreuses personnalités du monde économique et politique et notamment des hommes d’Etat comme : HAKIMI, HAJIR, SAED, ALA, MANSOUR etc… 3 – La volonté de réforme du SCHAH

31 – La fin de l’expérience de planification par l’O.C.I. et le refus de l’aide américaine La loi du 15 février 1949 avait donné tout pouvoir à l’organisation américaine OCI pour préparer un plan de développement économique de l’Iran. Trois phases furent prévues : - La première (1948) fut consacrée à l’étude de la situation économique du pays. - La deuxième (janvier – août 1949) fut consacrée à la précision du problème et à la définition des moyens. - La troisième (septembre 1949 –janvier 1951) ne fut jamais réalisée. Durant cette phase, devait se réaliser le plan … qui ne fut jamais mis en place. A l’issue de la deuxième phase (automne 1949) l’O.C.I. publia un volumineux dossier résumant la situation économique et proposant quelques orientations. Selon les accords initiaux, le Plan Septennal devait coûter 650 millions de dollars à l’Iran. Il devait être financé par trois moyens : - Les royalties de l’A.O.I.C. - Un prêt étranger - Un accroissement de la masse monétaire. (16)

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Un lien étroit existait entre les deux premières sources en fait l’Ian ne pouvait pas s’adresser aux britanniques pour l’emprunt décidé car ces derniers devaient faire face aux augmentations contenues dans les nouvelles redevances de l’A.O.I.C, ce qui limitait amplement leurs possibilités. Les Iraniens se tournèrent alors vers les Américains dont ils attendirent un prêt de 250 millions de dollars demandé à ‘l’export Import Bank of Washington’. Durant les derniers mois de 1949, MOHAMMAD REZA SCHAH entreprit un voyage aux U.S.A. dont le principal objet était un emprunt financier auprès des américains et la recherche d’un engagement précis sur la défense de l’Iran. Son voyage ses solda par un échec puisqu’il n’obtint aucun prêt. Une déclaration commune avec le Président TRUMAN fut publiée. Cette déclaration exprimait avec clarté les points d’accord politique internationale mais ne donnait aucune assurance précise quant à l’engagement attendu. SAHEBJAM (17) explique qu’à l’issue de son voyage : ‘… MOHAMMAD REZA SCHAH fut profondément déçu ; les raisons du refus de Washington d’accéder aux désirs de l’empereur ne furent pas révélées, mais il est possible… … de les deviner dans une certaine mesure…’ L’auteur poursuit sa démonstration en se référant au contexte international : ‘… L’année 1949 ayant vu la défaite du régime Kuamintang en Chine, Washington comprit que l’écroulement de la Chine était dû en très grande partie à la corruption et à l’efficacité du régime Kuamintang, et que l’aide donnée par les Etats Unis aux gouvernements asiatiques ne serait que pur gaspillage si elle ne se faisait pas sur des bases nouvelles. On comprend donc aisément pourquoi le principal sujet de conversation entre le Shah et le Président TRUMAN fut la nécessité de réformes profondes et efficaces dans la vie de l’Iran, ce qui revenait à dire que Washington n’aiderait Téhéran que dans la mesure où l’Iran consentirait à entreprendre ces réformes’ MOHAMMAD REZA SCHAH comprit cette nécessité de réformes et ne manqua pas de l’exprimer publiquement. 32 – Le seizième madjlesse et les réformes Le seizième madjlesse fut inauguré en février 1950. Lors de la séance d’ouverture, Mohammad REZA SCHAH prononça un discours

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assez audacieux dans lequel il manifesta son désir de voir le Pouvoir Parlementaire (18) achever une révision de la Loi Organique par laquelle il souhaitait obtenir le droit d’ajourner ou de suspendre les lois votées par le madjlesse.(19) Au cours de ce discours, l’empereur insista sur ‘… L’urgente nécessité de réformes selon les principes de la justice sociale… le progrès de la masse des ouvriers et des paysans… l’extermination de la corruption dans la vie publique du pays…’ MOHAMMAD REZA SCHAH mit rapidement en route les réformes annoncées. Dès janvier 1950, fut créé un département du bien être public au sein de la Fondation PAHLAVI. Ce nouveau département reçut du Schah une grande partie de ses terres afin qu’elles soient vendues pour un prix très bas aux paysans ‘… En 1950 j’ordonnais la distribution des terres privées de la Couronne. J’espérais ainsi non seulement que les paysans de mes domaines seraient complètement libérés et deviendraient des citoyens à part entière, mais encore que, suivant mon exemple, les grands propriétaires accompliraient, à leur tour, ce qui me paraissait constituer leur devoir moral, social et national. Je dois dire que mes espoirs furent vite déçus. Bien plus, le Premier Ministre de l’époque qui avait accédé au pouvoir en affichant des sentiments anti- britanniques (alors qu’il avait jadis obtenu le poste de gouverneur du Fars sur la recommandation du Ministre plénipotentiaire du royaume Uni et que, sous mon règne, il avait mis comme condition à l’acceptation de la charge de Premier Ministre que je lui offrais, l’approbation des Anglais !) S’opposa de toute sa force à l’accomplissement de mon programme de distribution des terres de la Couronne. C’est seulement après sa chute que le morcellement de mon domaine privé put reprendre…’ Le SCHAH procéda au début de cette même année 1950 à la mise en place d’une commission chargée d’étudier les origines de la corruption et de dénoncer les coupables. Une liste de cinq cents personnalités jugées indignes de remplir des fonctions officielles fut publiée et un certain nombre de hauts fonctionnaires – notamment dans la province d’AZERBAÏDJAN furent révoqués. Ces réformes furent mises en place avec les difficultés dont on peut se douter, mais la détermination du SCHAH fut, dans un sens victorieuse.

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4 – Le gouvernement ALI RAZMARA (20) 41 – L’arrivée de RAZMARA Le 26 juin 1950, le Schah confia à son chef d’état Major, le général ALI RAZMARA, la tête du gouvernement. Le nouveau Premier Ministre était considéré comme un homme foncièrement honnête et loyal capable de poursuivre la politique réformatrice du MOHAMMAD REZA SCHAH. Sa nomination fut accueillie avec intérêt par les observateurs étrangers et plus particulièrement les américains… mais encore une fois et malgré la bonne volonté manifestée par l’Empereur pour réformer le pays, le gouvernement des U.S.A. se refusa à accorder à l’Iran l’aide financière qu’il attendait. Les raisons invoquées pour ce refus sont exposées par SAHEBJAM ‘… Washington savait parfaitement que les mesures réformatrices entreprises par le Schah rencontreraient une opposition farouche et que le souverain courait un risque personnel en donnant son appui à un général accusé par nombre de personnes d’avoir des ambitions dictatoriales et dont la politique étrangère relativement modérée était désagréable aux extrémistes …’(21) Mais pressé par les nécessités économiques, par les exigences de l’opinion et déçu par le ton et le refus d’assistance des Etats-Unis, le gouvernement RAZMARA modifie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Iran le comportement politique qui avait prévalu depuis 1946. 42 – La politique intérieure de RAZMARA Tout d’abord à l’intérieur, on remarqua une accalmie soudaine dans la pression politique, accalmie qui autorisa le parti TOUDEH à se réorganiser dans une clandestinité très modulée. Ce nouveau comportement fut capital comme nous le verrons, pour la vie politique à venir. RAZMARA se lança également dans un certain nombre de réformes visant à perfectionner l’administration du pays et à décentraliser la machine gouvernementale vers les conseils de villages, de districts et de provinces. Par ces réformes, il souhaitait intéresser le peuple aux affaires publiques. Aux côtés du SCHAH, il s’appliqua à favoriser l’accroissement des pouvoirs de l’exécutif et à modifier la loi électorale. Le financement et la réalisation du Plan Septennal étaient

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également parmi ses ambitions. C’est d’ailleurs dans ce dernier but qu’il rouvrit le dossier toujours brûlant de l’A.O.I.C. Souvenons - nous que l’accord de révision de la concession pétrolière avait été rejeté le 28 juillet 1949 par le Madjlesse. RAZMARA déposa à nouveau le projet devant le Parlement qui chargea sa commission des Affaires pétrolières – commissions présidées par le Docteur MOSSADEGH – de l’étudier avec précision. 43 – La politique extérieure de RAZMARA A l’extérieur, RAZMARA reprit les discussions avec l’Union soviétique et les résultats des divers pourparlers qu’il engagea s’avérèrent positifs pour l’Iran. Lors les divers pourparlers avec l’U.R.S.S. RAZMARA donna aux soviétiques l’assurance que les avions iraniens ne survoleraient plus la frontière mais en contre partie il obtint la libération de gardes iraniens enlevés quelques lois avant. Le 4 novembre 1950, il signa avec l’U.R.S.S. un nouveau protocole commercial renouvelant le traité de 1940 ; le 10 du même mois, il entama des négociations concernant les problèmes frontaliers irano soviétiques et le 10 décembre 1950 divers litiges en suspens furent abordés. Parmi ces litiges figurait le dossier de l’or iranien. Durant l’occupation pendant la deuxième guerre mondiale, les Russes avaient ‘emporté’ d’Ian environ neuf millions de dollars – qu’aucun chef de gouvernement n’avait depuis réussi à se faire restituer : ‘… Rien ne pouvait se faire sans le consentement du Kremlin, et il est difficile de dire très exactement ce qui incita les Soviétiques à e montrer favorables envers l’Iran. Pour les uns, le Kremlin, avisé de la bonne foi de Razmara, ne pensait pas que le Premier Ministre iranien conclurait une alliance avec les Etats-Unis si eux, les Russes, faisaient quelques concessions rassurantes. Pour d’autres, le récent déclenchement du conflit coréen, considéré par Moscou comme une affaire locale ne concernant que la Corée, ne devait en rien masquer ‘les bonnes intentions des dirigeants soviétiques, hostiles à toute tension et à toute agression’. En conséquence, Moscou était obligé de prouver – avec un oeil toujours fixé sur l’opinion publique asiatique – que ses relations avec les voisins proches comme l’Iran étaient correctes et suivies …’ (22)

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Cet or ne fut en fait restitué à l’Iran qu’après la chute de MOSSADEGH. II – LA PLANIFICATION DE L’ECONOMIE ET LE TEMPS DES NATIONALISATIONS 1 – L’appel de MOSSADEGH II – La malaise socio-économique Le développement du chômage, la non résolution de la crise financière, la faiblesse des récoltes constituèrent un terrain favorable aux désordres sociaux, désordres savamment exploités par l’opposition extrémiste. Ces désordres débouchèrent hélas rapidement sur une recrudescence du terrorisme et des attentats violents furent perpétrés. (23)

Tous les espoirs du gouvernement étaient contenus dans le plan septennal (24) pour la réalisation duquel l’Iran attendait une aide financière des Etats Unis via la banque internationale de reconstruction. Or, malgré les appels présents des dirigeants et la bonne volonté des diplomates américains en poste à Téhéran (25) les U.S.A. répondirent que l’export- Import Bank était prêt à consentir à l’Iran un prêt de vingt cinq millions de dollars. Cette somme fut jugée nettement insuffisante pour le financement des objectifs contenus dans le plan. Il convient en effet de rappeler que le projet initial décidé en 1947 prévoyait un budget de 60 milliards de rials. Ce budget fut remanié vers la fin de 1949 et atteignit dans sa nouvelle formule un montant total environ trois fois inférieur, soit vingt et un milliards de rials répartis comme suit.

Affectations Montants en millions % De rials 5 250 25,0 Agriculture

Communication 500 2,4 Industrie et mines 3 000 14,3 Pétrole 1 000 4,8 Postes et Télécoms 750 3,5

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Réformes sociales et 6 000 28,5 municipales Affectations diverses 4 500 21,5 21 000 100,0 Total

Il avait été convenu que les ressources nécessaires au financement de ce plan auraient des origines diverses ; les revenus des concessions de l’Anglo Iranian Oil Company (A.O.I.C.) devait fournir 37 % de ces ressources ; 4,8 % serait obtenus à partir des investissements privés et 4,8 % de la vente de biens domaniaux et de biens de l’Etat. Le reste soit 53,4 % devait enfin être obtenu à partir d’emprunt contracté auprès de banques nationales et internationales. Montant en % Origine du financement millions de rials

Anglo Iranian Oil 7 800 37,0 Company Vente de biens domaniaux 1 000 4,8 et de biens de l’Etat Capitaux privés 1 000 4,8 Prêt de la Banque Melli 4 500 21,4 Prêt de la Banque 6 700 32,0 Internationale Total 21 000 100,0

Si l’on se réfère aux taux de change de l’époque qui était de 75 rials pour un dollars on constate combien le prêt de 25 millions de dollars consenti par la banque américaine Export Import Bank était éloigné du montant inscrit dans les ressources prévisionnelles (environ 89 millions de dollars) Faute de ressources le plan septennal de développement ne pouvait être mis en place. Pendant ce temps, chômage et problème économiques compliquaient la situation intérieure. Le refus de l’aide

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occidentale devint un argument déterminant dans les explications politiques des extrémistes de droite et de gauche. SAHEBJAM (26) décrit le contexte politique en ces termes : ‘… Ces déceptions et ces difficultés favorisèrent très certainement la position des extrémistes qui criaient à qui voulait les entendre que ‘l’Iran ne pouvait rien attendre de l’Occident, si ce n’est de l’indifférence ou de l’impérialisme’. En octobre le député SAFAI demanda au Madjlesse ce que le pays avait obtenu en jouant un jeu pro-américain et qualifié l’attitude de Washington ‘d’insulte au prestige du peuple iranien’. Les critiques contre l’OCI et contre le prix très élevé de con contrat furent désormais le sujet de conversations quotidien des couloirs du madjlesse…’ 12 – Le premier appel de MOSSADEGH C’est dans un contexte, particulièrement tendu sur les plans économique et social que le Docteur MOSSADEGH décida de s’illustrer une nouvelle fois devant le Madjlesse. Rappelons qu’il occupait le siège de Président de la Commission, de voter la nationalisation totale de l’industrie pétrolière. Les arguments invoqués relevaient essentiellement des soucis qu’il avait tant du bien être de la nation que du développement nécessaire du pays. Une vive discussion s’instaura autour de cette proposition qui fut finalement rejetée par la Commission et renvoyée devant le madjlesse. (27) Durant la séance qui étudia le rapport présenté par la Commission du Pétrole, le Premier Ministre RAZMARA s’éleva avec véhémence contre la proposition de MOSSADEGH. Les documents (28) relatant la séance en question reproduisent ses déclarations : ‘… Je déclare publiquement, dit-il notamment, que le fait de mettre en danger le capital national et les ressources de notre sous-sol, constitue la plus grande des trahisons. Nous ne devons pas permettre à des partisans politiques d’exposer ainsi à la catastrophe, la capitale de la nation tout entière…’ Le madjlesse refusa une nouvelle fois de ratifier l’accord GASS-GOLSHAYAN mais ne suivit pas MOSSADEGH dans sa motion pour la nationalisation. La Commission qu’il présidait fut chargée de poursuivre d’étude du dossier et de préparer un nouveau rapport définissant-les :

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‘… devoirs et l’attitude du gouvernement dans cette affaire …’ (29) Le premier appel pour la nationalisation du pétrole prononcé par MOSSADEGH se solda par un échec tout à fait relatif. (30) 13 – L’appel du 21 février 1951 MOSSADEGH ne se déclara pas pour autant vaincu par cette décision démocratique du madjlesse. Il poursuivit une campagne vigoureuse auprès de la population iranienne, aidé, dans son entreprise par les quelques députés de son Front National, et par les leaders religieux qui étaient très écoutés. Le 21 février 1951, il convoqua la Commission parlementaire du Pétrole devant laquelle il prononça pour la deuxième fois un réquisitoire sur la politique économique du pays, concluant par un nouvel appel à la nationalisation du secteur pétrolier. Le Premier Ministre RAZMARA (31) répondit le 3 mars suivant devant cette Commission : ‘… Le problème du pétrole est devenu une question passionnelle… Chaque patriote iranien souhaite que son pays exploite lui-même les ressources qui lui sont propres, mais ceci ne doit pas servir de prétexte à des actes qui peuvent nuire aux progrès du pays ; les questions techniques demandent passablement de connaissances … La passion seule ne peut pas aider, les intérêts supérieurs de la nation… Au contraire, laissez les experts étudier le problème, en tenant compte des seules réalités…’ Le 7 mars 1951, RAZMARA fut assassiné (32) et le 11 mars de la même année la motion de nationalisation présentée par MOSSADEGH fut cotée (33) par la commission parlementaire du Pétrole. 14 – Le gouvernement HOSSSEIN ALA Mohammad REZA SCHAH demanda à un pro-occidental, HUSSEIN ALA, diplomate de métier de former le nouveau gouvernement. Son gouvernement s’appliqua à gagner du temps dans la mise en pratique de la nationalisation ; parallèlement il s’organisa pour endiguer les manifestations et les violences dont le nombre grandissait de jours en jours dans le pays.

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Ces dispositions s’avérèrent toutefois difficiles, dans leur mise en place dès le 15 mars et 20 mars, le madjlesse et le sénat votèrent à l’unanimité la loi sur la nationalisation des pétroles qui stipulait : ‘…Pour le bonheur et la prospérité de la notion iranienne et dans le dessein d’assurer la paix au monde, il a été décidé que l’industrie pétrolière sur l’ensemble du territoire serait nationalisée ; ce qui veut dire que toute les opérations d’exploration ; d’extraction et d’exploitation seront désormais exercées par le gouvernement …’ Le Schah promulgua cette loi le 2 mai 1951. Nous avons vu combien la violence et les désordres, appuyés par les extrémistes, grandissaient dans le pays. HUSSEIN ALA entreprit une répression qui, loin de ‘calmer les esprits’, débucha sur un accroissement important du désordre qui mobilisa chaque jour un peu plus les foules urbaines. La revue Moyen Orient, (34) relatant les évènements écrit : ‘… Les interdictions de manifestations et de journaux lancés par HUSSEIN ALA deviennent de plus en plus des décisions symboliques que personne n’ose tenter d’appliquer …’ HOSSEIN ALA démissionna le 27 avril de ses fonctions de Premier Ministre au prétexte qu’il ‘… ne se sentait plus soutenu par le pouvoir législatif…’ La revue précitée (35) lie sa démission au fait qu’il se révéla incapable de dominer les désordres sociaux : ‘… C’est dans ces conditions que le Ministre HUSSEIN ALA, qui s’avère hors d’état de dominer la situation, est contraint de démissionner …’ 14 – Le gouvernement MOSSADEGH et la nationalisation du pétrole Disposant d’un vaste soutien tant au madjlesse qu’au sénat, le docteur MOSSADEGH fut chargé par MOHAMMAD REZA SCHAH de former le nouveau gouvernement le 28 avril 1951. (36) Dès les premiers jours de son ministère, il prit un certain nombres de mesures qui poussèrent certains correspondants de presse à le comparer à Robespierre. (37) Il autorisa les manifestations du 1er mai interdites par ses prédécesseurs ; il mit en pratique la nationalisation des pétroles votée par le madjlesse et promulguée par

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le SCHAH et constitua le Comité prévu pour contrôler et diriger son application dès le 15 mai. Ces décisions bien que présentées d’une manière spectaculaire dans toutes les capitales occidentales dissimulait en fait le recul déjà amorcé par MOSSADEGH. Il suffit, pour s’en rendre compte, de consulter la loi du 2 mai sur les nationalisations, et plus particulièrement ses articles 2 et 7.

L’article 2 édictait que si la compagnie tentait de retarder le transfert des installations en faisant valoir des droits à une indemnité, 25 % des recettes nettes seraient bloquées à la Banque Nationale ou à toute autre banque pour servir de garantie à son règlement éventuel. Cet article reconnaissait donc le principe de l’indemnisation contrairement à la volonté du peuple iranien exprimée dans le slogan ‘Nationalisation sans compensation !’ (38) MOSSADEGH s’expliqua à la suite des commentaires de cet article 2 : ‘… Je n’ai jamais eu l’intention de saisir les biens de l’ex compagnie pétrolière…’ Autre article particulièrement critiqué, l’article 7. Il stipulait que les anciens clients de l’A.O.I.C. des années 1948 – 1951 auraient le droit acquérir au prix mondial les mêmes quantités de pétrole que précédemment et bénéficièrent d’une priorité pour l’achat de tout excédent de production. Les Américains avaient vivement souhaité cette clause (39) et le pétrole du Moyen Orient était désormais incluant dans leur processus stratégique. Or, les courants politiques qu’avaient suivi MOSSADEGH dans son entreprise l’avaient fait dans le soucis d’établir une véritable indépendance de l’Iran qui serait ainsi retirée du dispositif stratégique des anglo-saxons. Cet article 7 de caractère apparemment commercial constitua, en fait un véritable recul par rapport à la politique de neutralité volontairement conduite par le général RAZMARA dans des soucis d’indépendance nationale et de détente au Moyen Orient. 2 – La renaissance du parti TOUDEH 21 – La stratégie globale du TOUDEH et ses relations avec l’URSS

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Durant cette époque, la stratégie en Communiste en Iran était commandée par plusieurs facteurs dont : - L’existence d’une frontière commune avec l’URSS ; - Un profond sentiment religieux ; - La prédominance d’une économie agricole et le bas niveau de l’industrialisation, - Le contraste entre l’extrême misère et l’extrême richesse ; - Le contexte entre la masse considérable des analphabètes et le poids extrêmement limité de la population instruit constituée pour sa grande majorité, en classe dirigeante ; - La clandestinité du parti depuis 1949 et les orientations de la politique xénophobe du moment. Le parti TOUDEH clandestin était demeuré le serviteur fidèle des intérêts soviétiques en Iran, ce qui lui permettait de bénéficier du concours de Moscou dont il recevait des aides financières et techniques sur le plan de la propagande et de l’organisation. Grâce à ce soutien soviétique, le parti recevait également le concours d’organisations internationales (40) pro-communistes avec lesquelles ils déterminaient des objectifs communs. L’étude du journal communiste MARDOM publié dès le début des années 50 se révèle édifiante sur ce sujet. La paix devint une ‘libération nationale’ du joug de ‘l’impérialisme’ lutte à laquelle ‘les syndicats ouvriers’, ‘les associations professionnelles’ et ‘les autres organisations démocratiques de masse’ furent invitées à s’associer. Dans les mêmes temps la propagande entreprit d’identifier les objectifs du ‘bastion pacifique de la liberté’, c’est à dire l’URSS, à ceux des nationalistes xénophobes iraniens. ‘… La liaison entre Moscou et Téhéran est directe sur certains points ; elle se fait dans des domaines particuliers par le truchement de la Fédération syndicale mondiale et d’autres organisations, dans tous les cas elle est régulière et complète. Envoi de fonds et de matériel de propagande, formation d’agitateurs, organisation de tournées d’inspection, de conférences, de réunions clandestines, envoi de rapports et d’instruction concernant l’activité syndicale, le mouvement de la ‘paix’ les organisations ‘anti-impérialistes’, autant d’aspects des relations du parti TOUDEH avec le communisme mondial, relations coordonnées et contrôlées conformément à la stratégie russe…’ (41) 22 – La réorganisation du parti TOUDEH

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Nous avons déjà vu comment le parti clandestin TOUDEH s’associa à la politique de nationalisation des pétroles poursuivie par MOSSADEGH en organisant de puissantes manifestations. Bien que le parti soit interdit depuis 1949, la direction ‘clandestine’ décida de procéder à une réorganisation destinée à la renforcer dans l’optique d’une éventuelle ‘action secrète’ c’est ainsi que le nombre ‘d’organisation de front’ qu’il contrôlait furent multipliées. - L’Association nationale pour la lutte contre les compagnies pétrolières impérialistes (NSSIOC) - Les partisans de la paix ; - L’Association de la liberté iranienne - L’Association pour la lutte contre l’alphabétisme ; - L’Organisation de la jeunesse démocratique ; - L’Association d’aide aux paysans ; - L’Association des journalistes démocrates ; - L’Association des juristes démocrates - L’Association azerbaïdjanaise. Diverses organisations étudiantes professionnelles et syndicales furent jointes à cet appareil. Il s’agissait en fait d’assurer une base légale pour les contacts entre les membres du TOUDEH pendant sa réorganisation tout en favorisant l’organisation au grand jour de manifestations (42). Dans les mêmes temps le KOMINFORM (43) annonça aux dirigeants communistes iraniens que : ‘… Les conditions objectives étaient en train de se réaliser pour la constitution d’un front anti-impérialiste capable d’unir les forces nationales progressistes …’ Cette nouvelle consigne démontre la rapidité avec laquelle si peu de temps après son interdiction, le parti TOUDEH avait pu rétablir son organisation clandestine et surtout jeter les bases d’associations déguisées nécessaires à son activité avouée. 23 – Les relations entre le parti TOUDEH et MOSSADEGH Le 8 mai 1951, les dirigeants du parti TOUDEH envoyèrent à MOSSADEGH un programme en sept points, programme établit dans la droite ligne des déclarations prononcées par les leaders du Front National lorsqu’ils étaient dans l’opposition.

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Ce programme se définissait comme suit : 1 - Liberté d’action pour les syndicats et les partis, y compris le parti TOUDEH. 2 - Libération des prisonniers politiques. 3 - Abolition des lois anticonstitutionnelles et réactionnaires du Xve Madjlesse. 4 - Interdiction du recours à la loi martiale. 5 - Liquidation complète de l’influence de l’A.O.I.C. Rétablissement de la souveraineté de l’Iran sur Bahreïn. Nationalisation des pétroles de Bahreïn. 6 - Participation du gouvernement de l’Iran à la campagne pour la paix notamment par la reconnaissance de la République chinoise et le renvoi des conseillers militaires étrangers. 7 - L’Iran ne doit pas devenir une base d’agression contre l’U.R.S.S. Or, en accédant au pouvoir MOSSADEGH présenta un programme on ne peut plus laconique en deux points : - Nationalisation des pétroles - Réforme électorale. Ce programme constitue une nouvelle fois la réponse aux propositions du TOUDEH. Nous avons vu dans quelles conditions le premier point de ce programme avait été appliqué et notamment les articles 2 et 7 de la loi sur la nationalisation. Le second point était considéré par la population et la classe politique comme le point de départ d’une vaste ‘réforme démocratique’ débouchant sur des nouvelles élections se déroulant dans un climat de liberté. Or il s’avère que MOSSADEGH, au grand mécontentement du parti TOUDEH, mit tout en œuvre pour éviter de telles élections, car il n’ignorait pas que le Madjlesse risquait de contenir une majorité communiste. Cette position fut en fait à l’origine des difficultés que connut son gouvernement. Cette position braqua vigoureusement braqua vigoureusement les Soviétiques qui sentirent, une fois de plus, que l’Iran se retournait vers le bloc occidental, à leur détriment. Décrivant ce contexte, la revue Est – Ouest (44) expose la tentative faite par les communistes pour participer au pouvoir, tentative qui se solda par un échec puisque MOSSADEGH ne les accepta pas. ‘… En 1951, le communisme international végétait sous le signe du ‘culte de la personnalité’ de STALINE, qui avait proclamé la

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division du monde en deux camps : le camp socialiste, champion de la paix et le camp impérialiste, fauteur de guerre ; pas de position intermédiaire.

Par conséquent, lorsque le Docteur MOSSADEGH s’appuyant sur les sentiments nationalistes ou xénophobes, réclama la nationalisation du pétrole, Moscou ne vint pas à son aide ni par sa diplomatie ni par le mouvement communiste local – comme devaient le faire dans une situation analogue les héritiers de Staline lors de la crise de Suez en 1956 …’ La même revue rapporte que durant l’été 1951, la radio d’Azerbaïdjan et d’autres émissions soviétiques diffusées à l’intention de l’Iran, ne cessèrent d’accuser MOSSADEGH dans des termes violents, déclarant qu’il était ‘l’instrument des impérialistes et des réactionnaires’ et qu’il avait provoqué. Les dirigeants du TOUDEH poursuivirent leur politique d’agression contre MOSSADEGH en publiant dans l’organe officiel du mouvement communiste international (45) la déclaration suivante : ‘ … Le docteur MOSSADEGH et ses partisans sont en fait, les complices du monstrueux complot des impérialistes qui s’abattent sur les richesses pétrolières de l’Iran … MOSSADEGH et ses amis ont définitivement abandonné le peuple et se sont joints aux impérialistes … Tels sont les objectifs et les méthodes du prétendu Front National et de son dirigeant MOSSADEGH …’ Les communistes iraniens poursuivirent leur tactique d’accusations contre le gouvernement MOSSADEGH et le Front National jusqu’aux élections de 1952 (46) date à laquelle leur organisation était encore interdite. 3 – La crise pétrolière Souvenons-nous que le 15 mars 1951, le Madjlesse décida à l’unanimité des 106 membres présents en séance, la nationalisation du pétrole iranien exploité jusque là par l’A.O.I.C. Par cette nationalisation, plus de 30 millions de tonnes par an étaient retirées à l’approvisionnement militaire britannique ; parallèlement la Grande Bretagne perdait les 550 millions de livres sterling investis en Iran ainsi que la disposition d’ABADAN plus grosse raffinerie de brut existant au monde.

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Ces pertes n’étaient pas pour plaire aux anglais qui invoquant l’article 22 de l’accord signé en 1933, portèrent l’affaire devant la Cour Internationale de justice de la Hayes (47) 31 – La création de la National Iranian Oil Company Le 13 juin 1951 (48) s’ouvrirent à Téhéran des négociations entre l’ex-A.O.I.C et le gouvernement iranien. Le 19, la délégation de l’A.O.I.C proposa : - Le paiement immédiat de dix millions de livres sterling - Le versement mensuel de trois millions de livres sterling - Le transfert des biens de l’A.O.I.C à une compagnie nationale iranienne, biens devant être utilisés par une nouvelle compagnie créée par l’A.O.IC. Ces propositions furent rejetées par les Iraniens qui nommèrent un directoire chargé de gérer les puits de pétrole et de poursuivre la nationalisation dans les sens de la loi. Dès le mois d’août suivant, le Madjlesse adopta une ordonnance en six points prévoyant notamment : - Point 1 : Dorénavant toutes les décisions émanant de la direction ou du directeur général de l’ancienne société A.O.I.C, si elles n’étaient pas confirmées par le Directoire iranien, seraient considérées comme nulles et non avenues ; - Point 2 : Dès à présent, le nom de la compagnie sera transformé en ‘National Iranian Oil Company’ (NIOC) ; - Point 6 : Dès à présent, tous les revenus du pétrole iranien seront virés à la Banque nationale iranienne. Ces décisions irritèrent une nouvelle fois les Anglais qui émirent une vive protestation ; Les dirigeants de l’ex A.O.I.C. donnèrent alors l’ordre à tous les pétroliers présents à ABADAN de décharger leur contenu et de quitter ce port sur-le-champ. Parallèlement, le personnel britannique, craignant pour sa sécurité, refusa de travailler sous les ordres de la nouvelle société (NIOC ou SNIP ) (49) FATEH rapporte la déclaration prononcée par MOSSADEGH à ce sujet (50) : ‘… Ces messieurs doivent savoir qu’au contraire de certaines assertions calomnieuses, il n’existe aucun motif d’inquiétude quant à la vie, la propriété privée et le bien être individuel du personnel. Si celui-ci est prêt à continuer son travail auprès de la société iranienne

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avec loyauté et bonne volonté, notre pays continuera, bien entendu à les accueillir comme auparavant afin qu’ils puissent se sentir ici comme chez eux …’ Le 3 juillet, la raffinerie d’Abadan réduisit sa production de 50 %. 32 – Les conclusions de la Cour International de justice Dès le 5 juillet 1951, les Britanniques avaient obtenu de la Cour Internationale de Justice de la Hayes, une ordonnance provisoire confirmant le statu quo et demandant au gouvernement iranien comme à celui de l’Angleterre, l’engagement d’éviter toute mesure susceptible de compromettre l’activité de l’A.O.I.C telle qu’elle s’était exercée jusqu’au 1er mai. Le 7 juillet MOSSADEGH (51) répondit en mettant fin à l’adhésion de l’Iran à la convention de la Cour Internationale de Justice. Les USA offrirent leur médiation en envoyant HARRIMAN (conseiller pour les affaires étrangères du Président TRUMAN (52) qui établit avec succès la liaison entre Londres et Téhéran. MOSSADEGH acceptait de traiter avec les Britanniques à trois conditions : 1 - Le gouvernement iranien se déclare prêt à reprendre les négociations avec la Grande Bretagne, à la condition que le gouvernement britannique, en tant que mandataire de la Compagnie reconnaisse la légalité de la nationalisation de l’industrie pétrolière par la Perse. 2 - Le gouvernement britannique devra reconnaître officiellement la nationalisation, avant l’envoi de ses négociateurs. 3 - Par nationalisation, il faut entendre les mesures votées par les Madjlesse (la chambre des députés iraniens) le 20 mars 1951 et promulguées dans la loi de nationalisation. (53) Les négociations reprirent le 8 août sur cette base mais elles se soldèrent par un nouvel échec, les Anglais persistant à vouloir placer tout le circuit de production et de vente sous la direction d’un citoyen britannique. (54)

MOSSADEGH effectua une ultime proposition à Londres le 30 septembre (55). Par cette proposition l’Iran se déclarait prêt à : 1 - A négocier sur le montant de l’indemnité à verser à la société anglaise ;

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2 - A s’engager, par des contrats à long terme, à livrer les mêmes quantités de pétrole à l’Angleterre que la société y exportait aux usuels tarifs en vigueur sur le marché international, l’autorisant en outre à retenir 50 % du montant des factures pour le pétrole livré, à titre d’indemnisation pour ses parts de la Société. 3 - A conclure des accords avec les spécialistes nécessaires sur la base des traitements et indemnités perçus par eux jusqu’à ce jour et, pour maintenir le rythme de la production, à garder en vigueur au sein de la N.I.O.C le règlement de l’ancienne compagnie, dans la mesure où celui-ci ne contrevenait pas aux dispositions des lois de nationalisation. Les chefs des différents services continueraient à jouir de la liberté d’action et de l’indépendance nécessaire à une exécution optimum de leurs missions. La direction de la partie technique serait confiée à un étranger dont la nationalité resterait à préciser et qui serait subordonné au directoire de la NIOC. Les anglais rejetèrent cette proposition et répondirent en mettant sous réquisition un chargement de 3 000 tonnes de rails et de 2 000 tonnes de sucre destiné à l’Iran. Parallèlement les avoirs iraniens auprès des banques anglaise furent gelés, ce qui provoqua l’écroulement du commerce extérieur de l’Iran. Le New York Times (56) rapportant l’ensemble de ces sanctions explique les conséquences qui en découlèrent : ‘… Par ces mesures, l’Iran perdit une bonne partie de ses clients et n’exporta plus, dans les trente mois suivants, que 103 000 tonnes de pétrole, c’est à dire moins que dans une seule journée avant la nationalisation …’ 33 – La motion du Conseil de Sécurité Convaincu que la situation était réellement inextricable (57) l’Iran ne reconnaissait pas l’ordonnance de la Cour de la Hayes, les Britanniques déposèrent une plainte devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cette plainte fut examinée à partir du 1er octobre 1951 et le 19 la thèse iranienne ayant exposé que l’Iran refusait de traiter avec l’ex A.O.I.C, le Conseil de Sécurité décida par 8 voix contre une (L’URSS ayant voté contre, l’Angleterre n’ayant pas pris part au vote et la Yougoslavie s’étant abstenue), d’ajourner sa décision (58) SAHEBJAM expose la suite des évènements : ‘… Le 23 octobre, le chef du gouvernement iranien fut l’hôte à déjeuner du Président TRUMAN. Le même jour, un des éléments de

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la raffinerie d’Abadan recommençait à fonctionner sous contrôle iranien, les pétroliers étant convoyés par des unités navales iraniennes jusqu’à leur sortie du Golfe Persique. Le 24, MOSSADEGH convoquait à Washington, où il avait eu des entretiens avec DEAN ACHESON son ministre des finances HASSIBI. Pendant ce temps, HERBERT MORRISSON, Ministre britannique des affaires étrangères, déclarait : ‘L’affaire des pétroles n’est pas close. La Grande Bretagne est prête à saisir toute chance raisonnable de négocier avec le gouvernement iranien’. Ainsi une nouvelle phase était –elle entamée dans ce conflit, le gouvernement américain usant de tout son influence pour obtenir un accord ferme sur la reprise des pourparlers…’ (59) La Cour Internationale de Justice de la Hayes se déclara incompétente quant à la question qui lui était posée le 22 juillet 1952 (60) Dans son avis, il était précisé que la nationalisation était une affaire strictement nationale. Le point de vue plaidé au départ par MOSSADGH triompha de par cet avis et il n’y eut plus d’autre débat devant le Conseil de Sécurité de l’O.N.U. Pendant ce temps, la raffinerie d’Abadan cessa quasiment son activité, sa capacité de stockage étant saturée… Cette situation se traduisit par une impossibilité, pour le gouvernement MOSSADEGH de vendre les stocks, du fait de manque de pétroliers… Le Premier Ministre tout en sauvegardant l’esprit de la loi sur les nationalisations se montra plus conciliant ce qui entraîna immédiatement une réaction de raideur de la part des britanniques (61) 34 – MOSSADEGH, le pétrole et les Anglo-saxons MOSSADEGH tenta alors, sans succès de conclure des accords économiques et des contrats de vente aux U.S.A. Il se heurta au mur de la solidarité anglo-saxonne et ses projets furent rapidement anéantis : ‘…Seule une aide financière très importante pouvait sauver l’Iran après deux ans de chaos et de marasme Elle aurait matérialisé le soutien moral et justifié des Etats unis. Mais elle aurait également provoqué, à coup sûr des récriminations de l’allié britannique, mettant en péril l’alliance atlantique vitale pour Washington. Sur le plan pétrolier, les cinq plus grandes compagnies américaines décidèrent, d’autre part, de ne pas se mêler au conflit qui opposait l’Iran à l’Anglo-Iranien et à la Grande Bretagne avec lesquelles elles

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avaient des intérêts communs dans le monde entier, particulièrement au Moyen Orient. Seules les compagnies indépendantes ; beaucoup moins importantes du reste, s’efforcèrent de prendre pied en Iran, mais avec des moyens insuffisants pour l’écoulement sur le marché mondial d’une production aussi considérable…’ (62) Le 12 décembre il exposa les raisons de l’échec de son voyage aux U.S.A devant le Madjlesse : ‘… Dans ces conditions, il vaut mieux que l’industrie pétrolière iranienne cesse toute activité et que nous fassions comme si nous n’avions pas de pétrole… En laissant le pétrole dans les gisements, nous le préservons pour nos enfants, qui l’exploiteront en bénissant leurs pères… la fermeture de l’industrie pétrolière aurait pour résultat immédiat d’imposer des restrictions aux iraniens…’(63) Résolu à agir, MOSSADEGH lança dès le 24 décembre 1951 une nouvelle politique économique déterminée par : - Un emprunt de deux milliards de rials (64) - Une restriction des importations ; - Une augmentation de 14 % de la masse monétaire. Le 24 janvier 1952, les élections pour le 17ème Madjlesse lui accordèrent une large majorité. Fort de cette confiance il reprit son offensive auprès des britanniques, reniant entre autres choses le traité anglo - iranien signé à Paris en 1857. (65) Poussé par son entourage, menacé par ses amis politiques les plus sûrs, MOSSADEGH ne manqua pas de durcir la position de l’Iran face aux anglais… Les Américains répondirent par la négative – encore une fois – à sa demande de finances. Dès le mois de juillet 1952 des tensions sur le plan intérieur s’étaient développées. Le 17ème Madjlesse procéda à l’élection de son Président et DJAMAL EMAMI opposant ouvert à MOSSADEGH fut porté à ce poste. Le Premier Ministre fut toutefois confirmé dans ses conditions mais sa politique financière fut rapidement contestée par les députés qui lui refusèrent les pleins pouvoirs qu’il avait sollicités ‘…pour six mois’. Devant cette situation, MOSSADEGH démissionna le 16 juillet (66) et Mohammad REZA SCHAH appela une nouvelle fois GHAVAM SALTANEH à la tête du gouvernement. (67)

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III – LE COUP D’ETAT, PUIS LA CHUTE DE MOSSADEGH

1 – Le Coup d’Etat 11 – Les journées de juillet GHAVAM SALTANEH ne gouverna que moins d’une semaine immédiatement il annonça qu’il tenait à mettre fin à la crise du pétrole et au contentieux anglo-iranien, lourd de conséquence pour le pays. Pour ce faire, il considéra que le calme était nécessaire dans le pays : ‘ … Il prévint en ce sens le Front National que toute manifestation contre le gouvernement serait très sévèrement réprimée, par la force et par les tribunaux d’exception s’il le fallait …’(68) Parallèlement, il s’en prit avec violence à ABOL GHASSEM KASHANI dont il qualifia l’action d’expressions (69) peu élogieuses comme : ‘…l’hypocrisie de la religion en matière politique…’(70) Des émeutes, fermentées par les amis de MOSSADEGH et de KASHANI se déclenchèrent le 19 juillet 1952 : ‘… Tout un pays se souleva en quelques heures contre le nouveau gouvernement, envahissant les édifices publics et brûlant des effigies de GHAVAM. Malgré la troupe et les chars qui stationnaient sur la place du Baharestan, une foule de plus en plus dense et fanatisée, tenta de s’emparer de force du parlement. Pendant ce temps, les bandes armées de Mossadegh pillaient et incendiaient tout sur leur passage et saccageaient notamment les locaux et l’imprimerie du plus grand quotidien d’information, l’Ettelaat, de tendance modérée. Désormais, les opinions politiques dans le peuple semblèrent s’estomper : que l’on fût pour MOSSADEGH, pour Kashani, membre du TOUDEH ou même membre d’organisations connues pour leur farouche anti- communisme, comme le groupement fasciste de pan iran et le parti national socialiste des Soumkas, tous alliés soudainement, n’avaient plus qu’une pensée : chasser GHAVAM et son équipe, à n’importe quel prix, par n’importe quel moyen, au prix de vies humaines innocentes s’il le fallait. Excitée par MOSSADEGH et KASHANI, cette foule de plusieurs centaines de milliers de manifestants, respectant les consignes de grève générale dans le pays tout entier, donna libre cours à ses instincts les 20, 21 et 22 juillet …’(71)

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GHAVAM démissionna le 22 juillet et Mohammad REZA SCHAH écrivit par la suite : ‘… Le 22 juillet 1952, la menace d’une guerre civile m’a contraint d’accepter les conditions de MOSSADEGH et de le remettre en fonctions. Par une cruelle ironie du sort. La Cour Internationale de Justice rendit le même jour son arrêt d’incompétence dans le conflit pétrolier … MOSSADEGH avait ajouté un nouveau maillon à la chaîne de ses triomphes négatifs. La population jubilait d’enthousiasme…’(72) 12 – Le temps des pleins pouvoirs Le retour (73) de MOSSADEGH à la tête des affaires fut voté par 81 députés du Madjlesse. Immédiatement il se confia le portefeuille de ministre de la Guerre et abolit le service militaire obligatoire. Il accomplit tout ce qui était en ses pouvoirs -qu’il outrepassa – pour isoler le SCHAH en ordonnant notamment l’exil des amis et d’une partie de la famille du souverain. Le 3 août (74) il obtint du madjlesse les pleins pouvoirs pour une durée de six mois ; il en exila immédiatement le Président DJAML EMAMI qu’il remplaça le 7 août par son ami et allié KASHANI ‘Durant toute sa carrière de parlementaire, MOSSADEGH s’était érigé en champion des principes constitutionnels d’un gouvernement soumis au régime parlementaire et du respect de la loi. Il s’était élevé contre la loi martiale et avait prôné le vote et la liberté d’expression à travers la presse. Mais maintenant, en quelques mois, il avait aboli le Sénat, dissoute la Cour Suprême, réclamé au peuple le droit d’éliminer l’Assemblée Nationale. Il avait musclé la presse, anéanti la liberté de vote, étendu la loi martiale et avait diminué mes pouvoirs constitutionnels. Que reste-t-il de cette constitution que nous avions eu tant de peine à obtenir en 1906 ? …’ (75) Ces mesures suffisaient pour museler l’empereur dont il allait épurer l’armée ; entre le 24 août et le 9 septembre, vingt cinq généraux furent révoqués. Il plaça ensuite à tous les postes politiques stratégiques ses amis. L’affaire du pétrole n’était plus résolue pour autant. Les rebondissements qui se déroulèrent durant cette époque nécessiteraient

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une étude toute particulière. Signalons toutefois le fait déterminant qui se produisit : la rupture des relations diplomatiques avec la Grande Bretagne le 16 octobre 1952 (76) : ‘… Ainsi, cinq années après l’avortement de l’insurrection azerbaïdjanaise, le balancier capricieux de la politique iranienne avait fait un tour complet, plaçant maintenant la Grande Bretagne sur le même plan que l’Union soviétique, comme l’ennemi public numéro un du pays. Du point de vue occidental, tout ceci était considéré comme un développement malheureux, rendu plus regrettable encore le fait qu’il eût pu être facilement évité avec un minimum de bonne volonté et de mesure. En ce qui concernait l’Iran, la dispute avec la Grande Bretagne devait porter un tort considérable aux intérêts nationaux locaux. Les Iraniens semblaient avoir développé de manière passablement exagérée l’importance qu’ils se donnaient vis-à-vis de l’occident…’ Cette décision se révéla on ne peut plus funeste pour l’économie iranienne car les Américains et les Anglais s’adressèrent aux états voisins du Golfe Persique qui se déclarèrent tout à fait heureux d’écouler leur production auprès de ces excellents clients occidentaux. Pendant que la production de l’Iran passa de 32 millions de tonnes par an en 1950 à 3,5 millions de tonnes en 1954, celle des pays du Golfe Persique enregistra une progression inespérée : Ainsi dès la fin de 1952, les conséquences d’une telle situation ne manquèrent pas de se faire sentir tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.

1950 1954 PAYS Millions de Millions de % % tonnes tonnes 32,3 36,3 3,50 2,5 IRAN

KOWEIT 17,25 19,5 47,75 34,5 ARABIE 26,65 30,3 46,50 33,6 SAOUDITE

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IRAK 6,50 7,4 30,60 22,1 QATAR 1,65 2,0 4,80 3,5 TOTAL 84,50 95,5 133,5 96,2 TOTAL 88,50 100,0 138,50 100,0 MOYEN ORIENT

Sur le plan intérieur, des rivalités entre les partisans de KASHANI et deux de MOSSADEGH naquirent avec une intensité grave. (77) Sur le plan extérieur, les pays occidentaux reconsidérèrent leurs positions du fait de l’instabilité politique qui régnait dans le pays. Cet isolement, de plus en plus affirmé dans la politique étrangère de l’Angleterre et des Etats Unis (78) ne pouvait que profiter aux soviétiques. 2 – La chute de MOSSADEGH 21 – L’opposition à MOSSADEGH Dès les premiers jours de l’année 1953, l’Iran connut les troubles politiques que nous avons vu. MOSSSADEGH annonça au cours d’une allocution radiodiffusée que le ‘Roi doit seulement régner et non gouverner’. Il se déclara toujours comme un bon constitutionaliste mais engagea une épreuve de force contre la politique du SCHAH dans le but de l’éloigner. Certains bruits qui coururent à l’époque accréditèrent l’idée que MOSSADEGH familialement lié aux qhadjars souhaitait rétablir cette dynastie mais ces informations se sont avérées non fondées. Cette mesure adoptée aux autres notamment à la prise des pleins pouvoirs déplut vivement à KASHANI et ses amis qui organisèrent le 28 février des cortèges royalistes scandant des slogans contre le Premier Ministre. Edouard SABLIER rapportant les évènements dans le journal le Monde (79) écrivit : ‘…En juillet dernier KASHANI apporta tout son appui à MOSSADEGH. Mais depuis lors de sérieuses divergences ont surgi entre les deux hommes. Le 8 janvier, le Premier Ministre demandait au Parlement la prolongation de ses pleins pouvoirs pour un an.

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Les partisans, eux mêmes sont très divisés sur l’opportunité d’une telle mesure jaloux de son influence, KASHANI prend parti contre le Premier Ministre. Une véritable épreuve de force s’institue. Elle se termine par la victoire de MOSSADEGH. Unis dans l’espoir que les pleins pouvoirs permettront de rétablir la situation financière et économique, les commerçants du ‘bazar’ et les fonctionnaires soutiennent l’initiative du chef du gouvernement. Les gros possédant eux - mêmes, qui aspirent au renouvellement des accords pétroliers et des bénéfices qu’ils procurent, semblent pour une fois soutenir le Dr MOSSADEGH…’ Devant les pressions organisées et soutenues de MOSSADEGH, le Schah accepta de partir pour l’Europe ; il constitua un conseil de Régence et informa de son départ le Président du Madjlesse qui était toujours KASHINI. Ce dernier convoqua le Parlement pour lui communiquer cette information ; une délégation de députés demanda officiellement à Mohammed REZA SCHAH de revenir sur sa décision. Devant le refus qui leur fut signifié ; KASHANI lança ses mollahs dans l’action. Edouard SABLIER (79) écrivit : ‘ …Déjà des manifestants ont pris la rue : ‘Pan iranien et membres du « SUMKA », partis fascistes pour qui le SCHAH est le symbole d’unité et d ‘autorité. Le retournement de la foule est facilité par une rumeur qui accuse MOSSADEGH de s’être réfugié à l’Ambassade américaine. Et lorsque le SSCHAH cède enfin aux instances de son peuple, du haut de son balcon, il peut entendre la coule conspirer MOSSADEGH…’ La situation générale était franchement mauvaise et l’état de la trésorerie désastreux. L’annulation de la concession soviétique des pêcheries constitua une victoire idéologique pour le Font National mais créa de nouvelles difficultés économiques pour les provinces de la Caspienne. La nature s’en mêla également et un tremblement de terre fit plus de mille victimes à TOUROUD. Dans tout le pays, les tribus, sentant le désarroi dans lequel se trouvait le pouvoir central, reprirent leurs agitations. A l’Ouest, on a dû même armer les tribus Kurdes contre les Mangours qui étaient de fermes opposantes à MOSSADEGH et bénéficiaient du soutien de l’Irak.

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Dans le sud du pays la tribu des BAKHTIARI entra également en rébellion, attaquant un détachement de l’armée et tuant une quarantaine d’hommes et deux officiers. En Azerbaïdjan, enfin, la famine et le chômage se développèrent avec la fermeture des usines de textiles et la suspension des grands travaux sur ordre du gouvernement central. Comme dans le reste du pays, les fonctionnaires ne furent pas payés et les paysans se révoltèrent en incendiant les récoltes. Parallèlement, on assista à une politisation à outrance et à une exploitation de l’ensemble de ses mécontentements qui s’exprimèrent progressivement dans des mots d’ordre d’extrême gauche. Ces mécontentements furent en fait récupérés par le Parti TOUDEH qui avait pris une nouvelle vigueur dans des conditions que nous avons déjà évoquées. Le Monde du 4 mars évoqua les manifestations organisées à Téhéran par les leaders communistes. Au cours de ces manifestations dont l’interdiction fut notifiée par le gouvernement central, deux milles personnes se dirigeant vers le madjlesse aux cris de ‘Yankee go Home’, ‘A bas, les conseillers américains !’ ‘A bas l’impérialisme !’ etc. Selon une dépêche de l’AFP, le parti TOUDEH apparut comme le seul bénéficiaire des agitations ce qui le poussa à proposer une nouvelle fois au mouvement national la constitution d’un ‘front anti impérialiste’. 22 – ZAHEDI et MOSSADEGH

La population profonde du pays se révéla sensible aux slogans scandés par les communistes et le pays progressivement tourna ses espoirs vers l’Union soviétique. Hélène CARRERE d’ENCAUSSE ( 80) écrivit : ‘… LE chef du gouvernement fait une dernière tentative pour préserver l’équilibre du pays, le maintenir à mi-chemin de l’Occident et de l’URSS qui, à ce moment, laisse entendre clairement qu’elle est prête à aider l’Iran. Malgré cela, malgré l’hostilité populaire à son initiative, c’est vers les Etats Unis que MOSSADEGH se tourne en juin 1953 pour demander secours…’ Le Président Eisenhower se refusa à fournir cette aide tant que le « conflit pétrolier » ne serait pas réglé. La situation intérieure

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complètement maîtrisé par les communistes se révéla insoluble pour MOSSADEGH,

‘MOSSADEGH est prisonnier d’un mouvement déclenché par l’intransigeance occidentale que, jusqu’à la fin il tente de freiner…(81)’

Finalement, la solitude internationale de l’Iran, la crise économique résultant essentiellement de la cessation des revenus pétroliers, et les pressions exercées par les divers groupes politiques qui drainaient les rancœurs et la misère populaire concoururent totalement à l’affaiblissement de MOSSADEGH.

Le Schah pensa une nouvelle fois que le moment était venu de remplacer MOSSADEGH. Il chargea alors le Général ZAHEDI, sénateur, de former un nouveau gouvernement. MOSSADEGH résista et Mohammad REZA SCHAH jugea opportun de quitter le pays ce qui déclencha un mouvement profond en sa faveur tant sur le plan intérieur que dans le monde.

Les évènements qui suivirent méritent à eux seuls une étude particulière, mais précisons tout de même que cette époque de l’Histoire de l’Iran se termina par la chute de MOSSADEGH, et la naissance d’une nouvelle ère volontairement baptisée par Mohammad REZA SCHAH ‘Ere du Nationalisme positif’ qui conduira l’Iran vers « La Grande Civilisation. »

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1) The political alliance between the Iraqi communistw and an influential section of the Kurds had been based between the conflicting interests of rival Middle eastern nations and foreign powers, Kurdish nationalist was scuttle by the territorial arrangements following the first World War. The four million kurds were sucked, though not assimilated, into Turkey (2 000 000), Iran (750 000), Iraq (700 000), Syria (250 000), and soviets Armenia and Azerbaïjan (100 000). What made the relatively small grouping of Iraqi Kurds more articulate than kurds in the neighbouring countries was that they comprised one-fifth of Iran’s total population. These were sporadic Kurdish uprisings in Iraq during the twenties and thirties which, however, failed to achieve any significant results. It was the creation, with soviet support, of the kurdish Republic at Mahabad soon after the end of the Second World War that gave Kurdish Nationalism a new dimension. A relatively spirited section of the Iraqi Kurds, led by the Bbarazanis saw in the drvelopment a new hope kurdish nationalism. Their youthful leader, Mulla Mustafa Barazani, was actively associated with the Mahabad Republic until its fall in 1946, wherupon he fled to Iraq and thence, in 1947, to the soviet Union.

It was also at Mahabad that a national organization called the Kurdish democratic Party (KDP) was set up in november 1945. Though actively supported by some Kurdish leaders from Turkey and Iraq, the program of the KDP was primarily concerned with the Kurdish region of Iran. In less than a year a parallel organization emerged in Iraq. The Iraq KDP was the result of the merger of sundry Kurdish groups including the relatively influential Hwa (Hope) Party. It is important to note that over years the hiwa Party had acquired a distrinctly leftist complexion and its propaganda organ frankly advocated a united front again reaction, feudalism and imperialism. The more radical elements in the Hiwa Party, therefore , resisted the call fort merger and eventually joined the Communist Party of Iraq. Not withstanding the initial alienation of some kurdish Communists, the KDP soon emerged as a broad-based organisation which attracted diverse elements such as liberals, Marxists and conservatives to its fold. As in the case of its predecessor, the KDP’s programme retained a socialist bias. This was apparently a concession to the party’s radical youth which was neutralized by the election of Mulla Mustafa Barazani - whose conservatism on socio-economic matters was sharpy

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juxtaposed by his relentless fervour for Kurdish national rights - as the party chairman. Barely two years after its formation the KDP was split into two rival groups. Hamza « Abdullah, who was leader of the marxist faction in the party, defected and formed rival organization called the progressive KDP. But ‘Abdullah’s ouverture were effectively countered by Ibrahim ahmad, a shrewd politician and a learned ideologue who had emerged as an important KDP leader during Mulla mustafa’s prolonged sojourn in the Soviet Union. Ibrahim Ahmad’s judicious manipulation of Communist shipboleths helped him stop the Communist drain upon his following. The Communist propagandists ascribed this trend to the growing influence of the bourgeois class on the KDP..’ AGWAMI M. S. - COMMUNISM in the Arab East. Asia publishing house London 1969 pp. 68-70. 2) Ce remaniement visait à remplacer trois, des amis de GHAVAM : deux candidats à la députation et un nouveau gouverneur. 3) SAHEBJAM explique que certains kournaux demandèrent ‘...L’emprisonnement et le jugement de GHAVAM pour ses menées inconstitutionnelles qui avaient pour but la signature de la convention pétrolière avec les Russes...’ in L’Iran des Pahlavis, Berger-Levrault Paris, 1966, page 209. 4) Cette convention avait été signée par GHAVAM le 20 juin 1947. 5) Voir F. SAHEBJAM, op. Déj. Cit. Page 213. 6) Ibid, page 214. 7) Ce sénat différait peu du madjlesse dans sa composition sociale, ‘... l’oligarchie capitaliste restait toute puissante et c’était là le drame de tout le parlementarisme iranien...’ 8) It is far more difficult to measure except by intuitive means the size of the politically aware. The poitically aware can be defined as those who discuss, read have opinions about basic political issues. Without double there is a gap between those who participate in elections and those who are politically aware. In the cities, this gap is narrow because mass media, the growth in literacy aware. In the cities, this gap is narrow because mass media the growth in leteracy and the presence of considerable political activity make it likely that most participants are aware of at least some of the political implications of their act of participation. However, the trasistor radio and to a lesser extent, the increase in leteracy and the accompanying diffusion of

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newspapers, periodicals and books have helped to create the basis for the growth of political awareness also in almost every village and tribe in Iran no matter how remore. The developpement of political activity, defined as taking part in the formaulation of opinion and organization of institutional support for particular points of view, has not kept pace with the economic and social changes that have the politically active been able to organize effectively the rapidly growing mass of the politically aware. The ranks of those who traditionally have been leaders in Iran have been incrased by members from those tens of thousands educated in Iranian universities and abroad. The ‘new learning’ based upon western education and technology has created a new leadership and this more than anything else in accelerating the process and quality of political change in Iran. The development toward a party system has taken place largely during the past twenty years, but it would be helpful to go back to the Persian Revolution and the Constitutional period, 1905-1921, to trace the beginnings of the evolution. At the turn of the twentieth century,a tiny minority of intellectuals, merchants and religious leadrs, through their doureb like political committees calles anjumans (it should be noted that the anjumans had far more popular appeal than the cliquish dourehs of today), were able effectively to plan and to organize almost he entire politically active populace (probably no more than a small fraction of the urban population), and at the same time, to communicate with the bazaari from Tchran, Tabriz and Osfahan and the ulama and the tribesmen throughout the country. In this way the 12 000 persons led by the small network of interlocking anjumans, that took bast (sanctuary) in the British Legation in August 1906, were enough to force the regime to establish a constitutional government. The London Times of september 14, 1906 commented prophetically on the beginnings of constitutional rule as follows : are we witnessing the Dawn of Liberty in Persia or the peuple will have any real power in the parliament. The Government will be sure to pack it so that it may but endorse the views of the Court. But I beleive that in the end the people will win. They are, of course, absolutly ignorant of the principles of government, with the exception, perhaps, of a few of their chiefs. E. G. BROWNE commented on ‘those few chiefs’ as follows :

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The Anjumans were the cause of the victory, they had drawn the peuple together and united them in one common cause, and had organized their strengh to such an extent chat in the day of trial tyranny found, to its surprise a united from against it. The reformist, but anthoritarian, régime of REZA SCHAH (1923 - 1941) marked the end of the political experiments in multimparty parliamentary democracy by the constitutionalists. REZA SCHAH made great efforts to modernize Iran. He launched programs of road and ralroad building, established factories built power plants, strengthened the security forcesn reformed the legal system, built schools and universities, sent young Iranians abroard to be trained as officers and technocrats. REZA SCHAH impact on traditionnal Persia had its effect in almost every sphere of life. Through his efforts modrn technology was beginning to make itself felt throughout the country. REA SCHAH drive for modernization went so fat as to change people’s clothes. Even the traditional veil, turba and robe were discarded by fait for the dress, peaked hat and Western style suit. But the steps made toward economic and social modernization were not accompanied by policies that would have permitted the development pf meaningful political parties. Political activity was confined to the ruling élite around the Schah. The organization required to carry out the political objectives or Reza schah’s élite did not call for anything more than a few dowrebs. WILLIAM MILLER GREEN - Political Org. In Iran : From Doveh to in the Middle East, journal 23, n° 2, (Spring - Summer) 1969, pp. 344-345.

9) Dès la fin de 1947, la Morrison Knudes c° élabora un avant projet et, l’année suivante, le gouvernement en même temps que l’expert américain Max Thonburg, qui fut chargé de recruter une équipe de spécialistes, susceptibles de jouer un rôle de conseillers dans son élaboration et son exécution « ... In the fall of 1949 Iran ned and prepared for another facically staged election - this time for the sixteenth Majlis. The minister of Court Abdol Hossein Hazhir, was beleived to be an important power behind the throne and the man charged with rigging the election. At this moment Mohammad REZA SCHAH was preparing to leave for the United States to seek that he regarded at badly needed financial assistance. There was some concern in Tehran that Washington would

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be reluctant to grand aid to a government as corruption - ridden as that of Iran was rumored to be. But there is no evidence that either Tehran or Washington was concerned because the coming election was rigged. However, on october 14, 1949, Dr Mohammad Mossadeq and agroup of followers, including many of Iran’s outstanding intellectual leaders, took sanctuary in the palace grounds in order to protest the election. Immediately the issue of the rigged election became significant, since it highligted the charge that Iran was led by a corrupt oligarchy. Five days later a deeply embarrassed Shah promised Mossadeq that if an investigation showed that the election had not been free, a next one would be held. Mossadeq and his followers dispersed, and an investigation was held. Most Iranians expected the inquiry to be a skilful whitewash ; possibly a whitewash was planned. But on november 4, 1949, Hazhir was shot and on november 5 he died. Reminiscent of earlier assassinations in Iran, the death of Hazhir forced the Ianian oligarchy to realize that the gulf separating them from the predominantly middle class opposition was dangerously wide. The oligarchy might have reacted by suppressing the opposition leadership, but instead they followed their usual pattern of retreating in the face of violence. On November 11, 1949, the Tehran elections were declared invalid and new elections were ordered. Between this date and the holding of elections, the Schah journeyed to Washington and was given to understand that significant financial aid would be forthcoming only after the Iranian house had been placed in order. Returning to Iran, he called for a program of reforms. When the new Tehran elections were held in February the Schah permitted them to be relatively free... ’ Richard W. COTTAM? Nationalis in Iran, pp. 260-261, copyright 1964 University of Pittsburg Press. 10) Hélène CARRERE D’ENCAUSSE ‘L’IRan en quête d’un équilibre’ in Revue Française de Science Politique PUF. Vol. XVII, n° 2, avril 1967, page 221. 11) Freidonne SAHEBJAM, Mohammad Reza SCHAH d’Iran, Berger- Levrault, Paris 1971, pages 105 à 108. ‘The extent of the party’s success in restoring itself to a position of prominence after more than two years came into view when a cmmemorative rally was organized at Dr ERANI’s grave on february 4, 1949. The estimated 10 000 to 30 000 party members and

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sympathizers who participated were indicative of the party’s renewed strength. Aided by the antidictatorship front, the party seemed likely to play a decisive role in the next election scheduled for the summer of 1949. However, the opportunity for that trial of strenght did not arise at for at the time of the TOUDEH rally, an attempt was made on the life of the SCHAH, while he was attending Charter Day ceremonies at Teheran University. The government at once outlawed the TOUDEH party and the United Council and prohibited Communist and antimonarchist political activity. In a lengthy statement in the Majlis, Interior Minister Dr produced documents to prove the assailant’s membership in the printer’s union affiliated with the United Council and to justify the proposed mesure tor outlawing these organizational expresions of the Communist movement. The Majlis approved the government’s policy statement, and therupon followed a proclamation of martial law, the large scale arrest, of party and union leaders, suspension of their newspapers, and occupation of their headquarters in Teheran and elsewhere. The top leaders managed to escape arrest and ultimately found their way to soviet Russia and other communist bloc countries, but eight members of the party’s central committee and most of the TOUDEH union’s central council were arrested and tried by a military tribunal. Thirteen of the fugitives were condemned to death in absentis, and others who were caught and tried drew five to ten year prison terms and banishment to islands in the Persian Gulf. These measures drove the party and its affiliates underground thus beginning a new era in the Communist movement which has continued to the present time.’ SEPEH ZABIH, The Communist movement in Iran, University of California Press Berkely and Los Angeles 1966 ; pp. 164-165. ‘In October and November, 1944, Russian demands for an oil concession in Iran and incidents connected with it caused some sensation and alarm. The Russians had been prospecting for oil before the war in northern Iran, particularly in Mazanderan. But it was the policy of REZA SCHAH to delay drilling as long as possible. After the occupation the Russians began to drill in the occupied zone, and they asked for other concessions in the Kavir region, south of the Elburz Mountains. They had good reason to do so. American and

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British oil concern were harassing theIranian government for concessions. At first the government was willing to grant the demands, against considerable opposition, and the Russians, of course, pleaded for equal rights. Later the government rovoked its decision. It may be that the argument prevailed that it was preferable not to grant any concessions under the abnormal conditions of the occupation, or perhaps the appearance on the scene of the Russians, who it seems, were not immediately informed of the change in the cabinet’s policy, held the anti-russian members of Mohammad Said’s cabinet responsible. Mass demonstrations in Tabriz, Teheran, and other towns followed, demanding the resignation of the cabinet. Quite naturally the stanging of these expressions of public opinion was laid at the door of the Russians. This may have been correct. On the other hand,the Persian leaders of the Tudeh party may have acted without help and initiative from without. They could easily see that oil concessions would mean work for thousands, and they may have suspected that any anti-soviet decision would be in the way of what they considered their interest. Meanwhile a bill was approved by parliament prohibiting the negociating or signing of any agreement concerning oil concessions during the occupation and authorizing the government to deliberate exploitation of Persian Oil. Thereupon Americans and British made representations in Moscow defending the Iranian government’s right to refuse their demands. The Russians, in view of a clear situation, withdrew their complaints and abstained from further insistence.’ William S. HAAS, Iran pp. 238-239, Columbia University Press, New York 1946. 12) Voir page suivante. 13) WILLIAM GREEN MILLER - Political organization in Iran - in the Middle East journal 23, n° 2 (spring -Summer) 1969 pages 163 - 165. 14) L’impérial Bank of Iran devint la British Bank of Iran and the Middle East. 15) Iran’s political history since the war gives credence to the view that almost any political system could take root there. Contemporary Iran is in a critical transitional political period. As traditional institutions such as the bazaar and the basic communication stucture the dowreh, change and decay, so the ground is being prepared for futur political stuctures. Iran could easily become a communist state led by a nationalist communist Tudeh party ; it is capable of sustaining a

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representative multi-party demacratie government ; the present royal benevolent rule could continue and, althugh unlikely, a right wing religious state is also conceivable. That such a range of possibilities exists is explained in part by the strength and pervasiveness of the extended family system in Iran. Political power in Iran, aside from the preeminent power of the Schah himself, lies largely with a relatively large group of families. These families number more than the usual thousand families sof often cited. These families control the largest businesses in every city and town in Iran. Correspondingly social and political power throughout Iran is concentrated among thes families as well. The wideranging influence of the great families is due to their hierarchical and economic connections with lower class families of retainers, faithful supporters and employees as well. The resulting network of mutual obligation and accomodation, which extends from top to bottomof the social structure somwhat similar to tribal structure in Ian, is almost as extensive and pervasive as the dowreh system itself. It does not strike Iranians as surprising that a former head of the Shah’s Imperial guard was a brother-in-law of the leader of the which bitterly opposed the Shah’s régime. Nor does it seem strange to Iranian’s to have an empress related to the late nationalist hero, Dr Mohammed MOSSADEQ. The present cabinet and government member who was actively opposed to the present regime in the past and undoubtedly harbors at least one diisident now. In almost any of the larger influential families, Tudeh sympathizers, constitutionalists, monarchists or religious fanatics can be found. What is remarkable to Westerners is ovrriding gamily solidarity which prevails despite the very different political views held by individual members of the family. Very seldom do brothers turn against brothers because of principle. This is not to say that Iranians are lacking in principle. On the contrary, a dominant characteristic of Iranians is the respect and devotion they have for those who have made sacifices for their beleifs. The deep and fanatical admiration of Iranians for religious martyrs, such as the Imams Hassan and Hossein, has been shown during recent history ; in their devotion to the early constitutionalists, dr MOSSADEQ ; some Tudeh leaders, student martyrs and religious leaders. But admiratioon for those who have sacrificed is not often

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supported by political action on the part of the masses. Iranian history through the centuries is replete with compelling reminders of the fragility of institutions based on principle sustained by uncertain power. In the face of such institutional fragility, the instinct for survival through accomodation is undersandably dominant. There have been too many invasions, too many instances of capricious rules, toomany changes of dynasty to put much faith in principle alone no matter how intellectually attractive and spiritually ennobling. As a rule, families in Ian do not become divided over issues . Relatives who re out of favor because of their views are usually taken care of . Jail sentences for poitical offences are sofrened through accomodations made by family influences. Those in power are well aware that in the absence of strong institutions of justice and law and in a land which has seen many great figures fall from seemingly unassailable power, a millingness to deal with the world as it is, rather than as it shuld be, is advantageous to all. It is through the seasonal emotional releases afforded by Shi’a Islam, the ordering of the spirit afforded by Sufism and the logic of passion expressed in the great body of Iranian poetry that the Iranian desire for a principled existence is expressed ; the material world is still a relative one where one must expect changing rather than permanent values. As institutions that strengthen justice through law find substance and durability and position in government is achieved through merit rather than influence, the hold that the extended family has will of necessity lessen. With the weakening of the extended family system and all of the flexibility and accomodations that such a relative systems makes possible (and this weskening is already evident harsh measures and stringent solutions will become more the rule. The potential for violence will grow because the moderating effects that the extended family system had upon radical departures from the usual patterns will be lost. If allowed to develop, the party system could offer an effective way to make the political accomodations formerly made through the extended family system. Based upon past structures such as the dowreh and the extended family system, it would seem taht a multi-party democratic representative government offfers the kind of political stucture that could most effectively make use of the Iranian genius for

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accomodation and compromise. While a multi-party system seems the most logical answer to the traditional patterns, Iran’s political situation is such that a single party government controlled either by a royal regime or by a nationalist communist party is distinctly possible. But the single party alternatives, lacking the means for accomodation and compromise that Iranians have expressed through the centuries by means of the extended family system, would undoubtedly require the continued use of repressive force to remain in power. WILLIAM GREEN MILLER- Political organization in Iran ; in the Middle East journal 23 n° 2 (Spring - Summer) 1969 pp. 166-169. 16) MOSSADEGH était très opposé à cette mesure. 17) Freidonne SAHEBJAM, op. Déj. Cit. Page 224. 18) Le pouvoir parlementaire comprenait le Madjlesse et le Sénat qui avait été créé quelques temps avant le départ de Mohammad REZA SCHAH pour les U.S.A. 19) ‘... Les paroles du souverain concernant la nécessité d’une chaine révision de la Constitution furent évidemment accueillies avec hostilités de la part des grands dirigeants du pays. GHAVAM SALTANEH, qui résidait à l’époque à Monaco adressa au Schah une lettre ouverte, dans laquelle il manifestait sa très grande opposition au pouvoir grandissant du souverain, mettant le pays en garde contre « le danger de l’absolutisme et de la dictature ». Cette lettre se terminer par ces mots menaçants : ‘cette action va rencontrer la fureur et la résistance acharnée du peuple. Le jour est proche où les baïllonnettes, les emprisonnements et la torture des défenseurs du peuple ne prévaudront plus ...’ Cité par SAHEBJAM, op. Déj. Cit. Page 226. 20) ‘... The appointment of lieutnant General ALI RAZMARA, the chief of Staff of the Iranian army, as Prime Minister late in June 1950 followed promptly the opening of the 16th Majlis and the inauguration of the senate as the upper chamber of the megislature. RAZMARA was known to favor cooperation with the West, particularly the United States, as in the best interests of his country’s security. The Prime Minister appreciated fully the trend of opinion within and outside the legislature. So as strenghten his hand with the Majlis, in the fall of 1950 ; he suggested that the AOIC make further minor amendments in the supplemental agreement, such as lawering the domestic price of oil products and promising to step up the Iranization of company personnel. AOIC turned the suggestion down; and the British Foreign

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office rejected a similar appeal from the Department of State. The oil Committee early in December recommended to the Majlis non- ratification, on the ground that the interests of the Iranian nation were not adequately safeguarded. The government, therefore, withdrew the proposed bill from the legislature on the 26 december, and on 11 january 1951, the Majlis endorsed the report of the oil committee which was now instructed to frame within two months fresh recommendations for the government’s guidance in dealing with the oil question. Meanwhile announcement had been made of the new contract between the Arabian American Oil Company (aramco) and saudi Arabia, under which the government and the company were to divide the profits (after United States taxes) equally. This developpement played into the hand of Mossadeq and his colleagues. So, too, did the studied refusal of the AOIC until the end of February 1951 when it was too late to reopen negociations for a similar considerations, for equal profit sharing ‘would not have enabled the company to claim... (the same) relief’ from British taxation as that enjoved by Aramco in the United States. When it became clear that the Majlis Oil committee favored nationalization, RAZMARA on march 4, 1951 made a final appeal to committee. He urged it to propose a negociated settlement with AOIC on the most favorable terms possible, arguing that owing to the absence of qualified Iranian technicians, nationalization of the oil industry would lead to chaos. On 7 march 1951 a religious fanatic assassinated Razmara. The events which followed brought the crisis to a head. The oil committee’s proposa ‘The nationalise the oil industry throughout the country’ was unanimously approved both by the majlis in 15 th march and the senate on the 20 th. Simultaneously, the committee’s life was extended tor two months, with instructions to draft an act of execution. Mossadeq became Prime Minister on 28 april 1951, and on the same day the majlis, and forty-eight hours later the senate, adopted a bill, establishing a joint committee of the two houses and the government to implement nationalization, retroactive to 20 march. On 2 may the law was promugated by the Schah. HUREWITZ, Middle East Dilemmas, pp. 36 - 38, printed in U.S.A. 21) F. SAHEBJAM op. Cit. Page 228. 22) SAHEBJAM, op. Cit. Page 228.

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23) Parmi ces attentats il en est un fort important perpétré le 4 août 1950 contre L’Emam de la grande mosquée de Téhéran et député de la capitale, le Docteur Hassan EMAMI, ‘... connu pour ses opinions opposées à celles du docteur MOSSADEGH’. 24) En avril 1937, le conseil du Commerce fut chargé de rassembler toutes les données disponibles pour étudier un projet de plan. Le projet fut présenté au roi en juillet 1937 sous une forme incomplète. Ainsi le roi chargea à nouveau le conseil de préparer un plan économique à long terme pour établir un programme zeptennal de développement agricole. La deuxième guerre mondiale mit dans l’oubli tout projet de développement. cf. a) l’excellente thèse de Zandi-Haghigi (Manoutchehr) : le Financement des investissements en Iran et ses problèmes Fac. De Droit et de Sciences économiques Paris 1959. b) Ebrahim Uonessi Bané : la place de l’agriculture dans l’économie iranienne 1976 (excellente thèse préparée sous la direction de M. Le Professeur A. PIATIE à l’E.H.E.S.S. 25) Notamment Henri GRADY nommés ambassadeur des USA en Iran durant l’été 1950. 26) SAHEBJAM , op. Déj. Cit. Page 230. 27) La proposition de MOSSADEGH fut rejetée par la commission et le renvoi devant le Madjlesse fut décidé à la suite du vote de dix députés contre quatre et deux abstension. 28) Procés verbaux du Madjlesse, 1950-1951. 29) Idem 30) Into the political void left by the abdication of REZA SCHAH in 1941, stemmed the USSR and Great Britain, who for the war divided the country between them. In the northern half of Iran occupied by the Soviets, as well as Abadan and Isfahan the Communist Tudeh (masses) Party emerged as a major political force. (The Tudeh Party had existed since the 1920’s. Controlled from Moscow, with a program that followed the soviet line, the Tudeh Party introduced new methods of organization into the Iranian politics. Authoritarian in direction, tightly organized with clearly defined social and economic goals, the Tudeh Party sought and gained the support of many of Iran’s most promising young intellectuals. To counter the effects of the highly disciplined soviet backed Tudeh Party, the British supported Sayyid Zia TABATABAI, who founded the National Will

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Party. Sayyid Zia’s party and the Democrat Iran Party of the aristocratic and extremely astute politician , sought to gain the support of the traditional élites as well as that of the rapidly growing intellectual group. Tabatabai and Qavam were unable to hold together anything more than a temporary alliance between these contradictory groups. Tabatabai’s and Qavam’s groups were only embryonic parties consiting of little more than relatively well disciplined dowrehs. Lacking programs of lasting appeal to a broad spectrum of the Iranan populace, the two parties collapsed after a brief period of tractical sucess. The collapse of qavam’s and Tabatabai’s parties and the outlawing of the Tudeh Party when the US and the British and late the Soviets withdrew from Iran after the war did not mean the end of party activity. On the contrary, the ensuing period from 1946 -1950 was charactarized by the appearance of additionnal splinter groups calling themselves parties, but which like the National Will Party and the Democrat Iran Party of a fex years before were again nothing more than combinations of relatively well disciplined interlocking dowrehs. Each grouping of ‘Party’ sought to influence particular segments of the populace, rather than a formulate broad national programs, or to produce a leadership responsive to the desires of the populace as a whole. Many of the ‘parties’ of this period (or their descendants) are still in exustebce today ; their goals, methods of organization and, in a few cases, their leadership have continued relatively unchanged. The concentration of these groupings upon specific segments of the population can be illustraed by many examples. Thus, the Ian party and Mardom Ian Party drew support from the intellectuals, particularly the university professors, lawyers and engineers. The toilers Party led by Mozzafar Baqai and the socialist Khalil Maleki (who later split off to form the ) worked to organize the laborers and guilds and intellectuals. The warriors of Islam and the Fedayan reflected the political desires of the religious bazaari groups including those in the provinces. The pan Party concentrated on the militantly nationalistic lower middle class high school and university students. Although ourlawed, the Tudeh Party continued to function and began to make inraods among the workers and in some rural areas, particularly near Teheran and in the Caspian provinces where Soviet infuence had recently been so evident. Taken singly, the

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‘parties’ were personal followings or small groups of dowrehs, but taken together the ‘parties’ encompassed almost all of the politically active. The National Front led by Dr MOSSADEQ, unified these disparate elements into a relatively disciplined political force which had widespread popular support. Mossadeq did this by championing a clear nationalistic objective which appealed to all Iranians : breaking the power of invidious foreign influence in Iran. Organizationally, the National Front was a mixture of the dowreh system and a primitive party structure guided by a program of broad national appeal. The burgeoning of political parties during this period 1941-1953, did not bring to Iran a lasting and stable parliamentary system. However, following upon the beginnings in party organization made by the Tudeh and Qavam and Tabatabai the National Front under the dynamic and charismatic popular leadership of Dr Mohammed MOSSADEQ during its several years of existence brought together tfor the first time in Iran a broad spectrum of political interests and enlarged the ranks of the traditionnal ruling élite with leaders from the workers, bazaari ant ‘the new intellectuals’. WILLIAM GREEN MILLER, political org. In Iran : From Dowreh to pol. Party in the Middle East, journal 23, n° 2 ‘Spring -Summer) 1969 pp. 345 -346. 31) Procès verbaux du Madjlesse, 1950-1951. 32) RAZMA fut assasiné dans la Mosquée du SCHAH par un adepte de la secte terroriste et ultra nationaliste des FEDAYANE ESLAM. 33) La décision fut votée par quinze membres de la Commission Parlementaire du Pétrole ; un député s’abstint (AMERI) et deux autres furent absents (FARAMEZI et TAGHI-ZADEH). 34) Revue Moyen Orient, 1949-1950. 35) Le Schah souhaitait un Premier Ministre modéré mais il fut contraint par les assemblées de nommer MOSSADEGH alors âgé de 73 ans. 36) Cf ‘OBSERVER’ numéro du 20 mai. Cf Rouhollah K.RAMAZANI -Iran’s foreign policy 1941-1973 p. 231 et ss. Cf Richard J. Barnet - Intervention and Revolution (New York : World Publishing co 1969 pp. 226-27. Cf Miler COPELAND - The Game of Nations (London : Weidenfeld and Nicolson 1969 p. 51. Cf Victor MARCHETTI & John D Marks : The cult of Intelligence jo

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nathan Cape thirty Bedfrd Square London pp. 23-26 -28. Cf Richard and Gladys Harkness saturday Evening Post, nov. 6, 1954 p.34. Cf Andrew TULEY - The inside story (N.Y. William MORROW, 1962 p. 96. 37) Herbert orisson, ministre britannique des Affaires Etrangères, employa souvent l’expression : ‘...Nous ne sommes pas contre la nationalisation, mais contre l’expropriation ...’... cité par revue Moyen Orient 1949-1950. 38) DEAN ACHESON déclara dès le 17 mars : ‘ Si l’IRan maintient la nationalisation, l’essentiel est que les consommateurs habituels continuent à être servis en priorité ...’ The Observer 20.3.51. 39) Conseil Mondial de la !paix, Fédération Internationale des jeunesses Communistes, Fédération internationales des femmes etc. Toutes ces organisations internationales étaient ouvertement d’inspiration soviétique. The party’s continued loyalty to the Soviet Union was demonstrated in its outright donciation of Tito’s break with the cominform and a restatement of the beleif in the non imperialistic feature of Soviet Policy which, in the words of another party spokesman, was demonstrated by Iran’s wartime occupation. ‘The behavior of the occupation forces during the war proves,’ he said , ‘ the essential difference between the Soviet and Imperialist policies in our country and underscores the continuation of the beneficial and friendly attitude which has characteized Sovit policies since the October Revolution.’ Similarly, the party credited the presence of the Red Army in the country with frustration of Britain’s alleged anti freedom activities in support of the ruling class and against the interests of the masses. The defense of Soviet policy in Iran was made considerably easier for the party in view of Russia’s more restrained attitude following the nullification of the draft oil agreement in october, 1947. Since there was no longer any obvious Soviet pressure in Iran, the party could now claim that it was an indigenous movement supporting the political ideology it considered best suited to the country’s socio political condition. This propaganda theme became more effective as it became evident that the Tudeh party was the only significant political group, working to solve the deeply rooted social and economic ills that seemed beyond the powers of the curret regime.

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SEPHER ZABIH - The communist movement in Iran, University of California Press Berkely and Los Angeles 1966, pp. 162-163. 40) B.E.I.P. 1/15/1/1955, n° 122 page 13. 41) Les emeutes d’avril 1951 à ABADAN furent le premier exemple de manifestations organisées par le TOUDEH sur une grande échelle. 42) Organe du KOMINFORM, numéro 33 du 17 août 1951. 43) Est et Ouest n° 265, octobre 1961, page 10. 44) ‘ Pour une paix durable, Pour une démocratie populaire’ Bucarest, numéro daté du 17 août 1951. 45) Lors des élections prlementaires organisées en 1952, le TOUDEH organisa une coalition nationale qui présenta ses candidats contre ceux de MOSSADEGH. ‘Descriptions of postwar Iranian leadership inWestern journals and books commonly describe the leaders of Iran’s oligarchy as ‘pro-west’, whereas Dr Mossadegh and his followers are commonly dismissed with the ‘Anti -West’label. This is a melancholy commentary on mid-twentieth-century America. Quite conceivable the dictates of realpolitik may call for a working arrangement or even alignment between the feudalistically-oriented Iranian oligarchy and the democratic West. But such cooperation, if it is necessary, should be undertaken oly after a careful and honest analysis of both the internal political situation and the consequences, within and beyond Ian’s borders, resulting from aan alliance with elements that by no stretch of the imagination can be described as sharing the ideological convictions of the West. For reasons that seem to inhere deeply in Americana, however the american public and the American leaders appear to be driven ba a neccesity for rationalizing such alliances ideologically. Thus the term ‘pro-west’ with reference to Iranian leaders may have meant at first simply a willingness to associate openly with the west in the Cold War and the trm ‘anti-west’ may have meant no more that an unwillingness to engage in such an open alliance with the West : but the meanings of both terms soon broadened until the feudalistically - oriented upper class and the increasingly totalitarian - minded schah were thought of as ideological allies, and such men as Mossadeq, whose attachmnt to liberal democracy in 1952 may well have led to this ovrthrow in 1953, were regarded as ideological ennemies. With the infintely complex Iranian political situation reduced to the ideological simplicity of a television melodrama, decision-making in Washington became easy...’

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Richard W. COTTAM, Nationalis in Iran, pp. 262-263, copyright 1964 University of Pittsburg Press. 46) La majorité des actions de l’Anglo Iranian Oil cmpany était détenu par l’Amirauté britannique. La Concession pérolière accordée par l’IRan à l’Anglo Iranian Oil Co (AOIC) a suscité de nombreux differends entre les parties. L’un a été porté devant le Conseil de la SDN et a été réglé par un accord de 1932 entre les parties. Le plus grave éclate en 1951 avec une loi iranienne nationalisant l’industrie du pétrole. Le Royaume Uni prend fait et cause pour l’AOIC et introduit une instance devant la Cour Internationale sur la base de la compétence obligatoire. De son côté l’AOIC demande au Président de la Cour de nommer un Président au tribunal arbitral prévu par l ’accord de 1932 entre les parties. Le Président sursoit à le faire jusqu’à la décision de la Cour Cf la jurisprudence de la C.I.J. N et D Document Française, n° 4433, 34, 35. Nov. 77. 47) Voir annexes 48) Ce jour là, le gouvernement iranien demanda à tous les capitaines de pétroliers faisant le plein à ABADAN de signer des reçus établis de telle façon qu’ils impliquent la reconnaissance de la nationalisation... cf SAHEBJAM op. Déj. Cit. Page 252. 49) Un grand nombre de citoyen Britanniques, employés dans l’industrie pétrolière quittèrent l’IRan dès ce moment là 50) Mostafa FATEH, Pansha sal naphte Iran, Teheran 1956, page 536. 51) ‘Le gouvernement iranien allégua que la nationalisation était une affaire strictement interne de la Perse et souleva l’incompétence de la Cour de Justice, d’autant plus que la nationalisation projetée ne prévoyait pas d’exproprier les propriétaires actuels mais était décidée à leur accorder une juste indemnisation. Comme l’on verra par la suite, la Cour Internationale se rangea en 1952 à la thèse iranienne de son incompétence...’ Bahman Niruman - L’Iran p. 65. 52) AVERRELL HARRIMAN arriva à Téhéran le 15 juillet au milieu d’une vaste manifestation du TOUDEH qui provoqua la proclamation de l’état de siège. 53) Cf FATEH, op. Déj. Cit page 537. 54) Richard STOKES Lord du Sceau privé et chef de la délégation britannique expliqua le maintien de cette condition par le refus des

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techniciens et des employés anglais de travailler sous une direction d’exploitation et leur gérance commerciale non-anglaises. 55) FATEH op déj. Cit page 564. 56) New York Times, numéro du 23 août 1953. 57) Le New York Times, du 23 juin 1951 publie une déclaration de Basil Jackson, Président intérimaire de l’AOIC’... Cela n’a pas de sens de reprendre la discussion sur le pétrole, tant que le gouvernement iranien actuel sera en fonction...’ 58) La motion adoptée par le Conseil de Sécurité précisait que ce conseil avait sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour Internationale de la Haye se soit prononcée sur la compétence de l’ONU à ce sujet 59) SAHEBJAM, op déj cit. Page 254. 60) Comme nous le verrons plus loin, MOSSADEGH n’était plus Premier Ministre à cette date là... mais il fut chargé de former un nouveau governement ce jour là. L’arrêt du 22 juillet 1952 statue sur les exceptions d’incompétence proposées par l’IRan. Il relève successivement • Que la déclaration iranienne d’acceptation de la compétence obligatoire ne vise que les différends nés de l’application de traités postérieurs à sa date ; • Que les traités contenant la clause de la nation, la plus favorisée invoqués par le Royaume Uni, sont postérieurs à cette date ; • Que l’accord de 1932 est un contrat de concession passée avec une compagnie, non un traité international passé avec un Etat ; • Qu’aucun acte aou déclaration de l’Iran n ’implique consentement à la compétence de la Cour. Il en déduit l’incompétence de la Cour pour statuer sur l’application de l’accord. Devant l’attitude iranienne , le Président de la Cour ne s’estime pas autorisé à désigner le Président d’un tribunal arbitrage. La juridiction International n’a donc pa pu connaitre de la nationalisation du pétrole par l’Ian...’ N et D, op. Déj. Cit. Page 13. 61) Cette réaction prit toute sa dimension avec les évènements qui se produisirent le 31 octobre 1951. Dans les mêmes temps, les grands propriétaires fonciers du madjlesse commencèrent à retrouver le sens de leurs intérêts... ‘Both Russia and Great Britain showed great interest in controlling Iran’s rich oil deposits after the war. When the Russians finally left the northern provinces, they did so no condition that favorable conditions

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be given to a Soviet Oil concession. When the bil establishing a joint Soviet - Iranian Oil Company was presented to the Iranian Parliament in October 1947, however , it was defeated 100 to 2. At the same time, Parliiament banned new concessions to any foreigner ot to companies in which foreigners held shares and called for re- examination of the anglo-Iranian Oil Company concession in the south. Between 1908, when Iranian oil was first produced in commercial quantities and the late 1940s, Iran had become one of the world’s largest oil. During these forty years the British-owned Anglo - Persian ( later Iranian) Oil Company had become a power within Iran, influencing the course of and the conduct of many of the tribes in the Oil producing areas of the country. Iranian nationalists consequently resented the foreign company’s presence, and the government which protected it. A rising storm of anti-British sentiment forced the government to approve a bill nationalizing the Anglo Iranian Oil Company in march 1951 ( see chapter 5). The leader of the new nationalist wave was Dr Muhammad Mossadeq, next to REZA SCHAH and his son Muhammad Pahlavi the most forceful individual who has shaped Iran’s contemporary history. In the prewar years, Mossadeq, who had been a conservative but not an important political figure, was arrested by REZA SCHAH and exiled to a quiet out-of-the-way village for his criticism of the shah’s dictatorship. Mossadeq nox returned to politics as a government official, parliamentary deputy, and cbinet minister. In Parliament he continually hammered away at the theme that Iran must free itself from foreign domination and influences. In a notable speech, lasting over two days in October 1944, he led the attack against the Anglo Iranian Oil Company. The debate culminated in rejection of the Soviet demand for a concession and instigated the investigation that led up to the 1951 nationalization of that company. Mossadeq rallied supporters from half a dozen parliamentary splinter groups into a National Front. With its backing, he became chairman of the strategic parliamentary oil committee that drafted the 1951 nationalizaation law. After the bill passed his political influence could no longer be curbed and he was made prime minister. To Iran’s masses, intellectuals, middle class and youth, he had become a messianic leader of the force of ‘good’ against the evil of foreign

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domination. During the period in which Mossadeq was prime minister between 1951 and 1953, rumors of a British invasion were frequent. When the oil issue was brought to the United Nations and the World Court, Dr Mossadeq personally present Iran’s case. President TRUMAN sent a personal representative to Iran but he too failed to effect any compromise. Mossadeq and his coalition of religious zealots and fervent nationalists were adamant. They would surrender Iran’s rights to its oil. Between 1951 and 1953, Great Britain and the West boycotted Iran’s oil and the industry was forced to shut down. Since the oil revenues were Iran’s principle source of income, the boycotte created an économic crisis and discontent in the country. By june 1953, Mossadeq’s coalition had disintegrated. The Tehran press and businessmen complained of deteriorating economic conditions caused by continued lack of oil revenues. Taking advantage of disruption in the nationalist camp, the shah attepted to dismiss Mossadeq in august. When Mossadeq refused to leave, treet mobs turned out to support him and the Shah fled from the country. It looked as though Iran might become a Republic ; even the capital street names were being changed from ‘REZA SCHAH’ to ‘Republic’ and from’PAHLAVI’ to ‘People 3.’ Mossadeq , however , had failed to win support from the army. Troops supporting the Shah took over the capital, and by the end of august an army general had deposed Mossadeq and had made himself prime minister. When the Shah returned from his six-day exile, he was greeted with a tumultuous welcome by the same Tehran street mobs, now paid by pro-shah supporters, that only a few days earlier had demanded a republic. The Mossadeq phenomenon was of more than passing significance, however. He was one of the few individuals who could rally mass support for a national cause. He symbolized the nation for all classes and for all ethnic and social groups. Although the Shah has unsuccessfully attempted to make himself the symbol of unity a strong national feeling has not been revived since the downfall of Mossadeq. Since then, the divisive elements that have so often prevented Iran from becomming a unified nation in the past have been revived. These elements include its various tribes, who - as we have already noted - resent central authority, and the nature of the country’s social organization.’

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Don Peretz, The Middle East Today, pp. 437 - 439, state University of New York, Binghampton. 62) SAHEBJAM op déj. Cité page 256. 63) Procès verbaux du Madjlesse, séance du 12 décembre 1951. 64) Cet emprunt fut contracté auprès du FMI et de la Banque MELLI : des capitaux privés furent également utilisés. 65) Le 13 janvier le gouvernement iranien faisait savoir à Londres que la Grande Bretagne avait une semaine pour fermer les neufs consulats entretenus en Iran ; le gouvernement britannique rétorqua que le traité de Paris de 1857 lui donnait le droit d’ouvrir en Iran des consulats dans toutes les régions où tous les autres pays bénéficiaient du même droit. Le 21 janvier l’Iran déclarait caduc et dénonçait le traité de 1857 et huit jours plus tard, les neufs consulats britanniques étaient fermés. Entre temps, le 22 janvier, le gouvernement de Mossadgh avait refusé la nomination d’un nouvel ambassadeur de Grande Bretagne, sous pretexte que ‘celui qui était proposé avait déjà servi en Iran’ et annoçait son intention de s’en tenir désormais à cette position refusant même d’accréditer auprès de lui ‘toute fonctionnaire ayant servi dans une colonie britanniqe’. 66) MOSSADEGH avait perdu la confiance du Madjlesse mais avait conservé celle du peuple. 67) GHAVAM forma son onzième gouvernement, le centième depuis la Révolution Constitutionnelle de 1906. ‘Mosaddeq thereupon resigned on the 17th of july, and the Shah name Qavam as Prime Minister. Qavam promptly isssued a public declaration repudiating the Mossadeq government’s ‘tactlessness’ and demagogery,’ and Kashani’s ‘hypocrisy in religious matters’ and his ‘dissemination of supertitious and retrogressive ideas.’ The Premier designate also pledged as one of his ‘prime objectives’ to seek a solution of the oil dispute, ‘in which the material and moral interests of Iran will be fully realized with the United Kingdom. The declaration served, ,temporarily to unite, in open defiance of Qavam, the Commuunist-front societies of the illegal Tudeh Party with the religious followers of Kashani and the constituent factions of Mossadeq’s National partisans aversplayed their hand by attempting to churn public sentiment against the Shah. This, plus the realization by Mossadeq and his colleagues that they enjoyed sufficient popular support to carry on by themselves, blocked the conclusion of working

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agreement between the National Front and the Toudeh Parties. Fearing civil war the Shah on 21 july withheld from qavam full powers to use the armed forces for quelling the disorders. Qavam accordingly acknowledged defeat, even before he could form a cabinet, and fled Tehran for his life. Within twenty-four hours , the shah recalled Mossadeq to the premiership and conceded his request for the War Ministry portfolio. The National Front, which had suffered a decline in influence during the general election, now returned to power stronger than ever, for the public demonstrations against QAVAM were tentamount to a fresh popular mandate. By 3 august the Majlis, and a week later the Senate, approved the bill granting Mossadeq the right to legislate by degree for the next six moths. The Majlis, in the interval, voted to confiscate Qavam’s personal estate and to pardon Razmara’s assasin, and elected Kashani as its President. Mossadeq issued his first degree on the 13th august, providing for a comprehensive rural reform program, a subject that will be considered in a later chapter. Among the basic degree which soon followed was one which created machinery for the collection from wealthy citizens of unpaid personal income taxes retroactive to the date of REZA SHAH’q abdiction, and another which called for a thoroughgoing reorganization of the judiciary. Mossadeq’s position in relation to the United states and Britain was also reinforced. For a few weeks anti-American feeling ran high since it was widely believed in Iran that the United States had been directly involved in the effort to install Qavam. Of greater significance, on 22 july the very day that Mossadeq was reinstated as Prime Ministet the International Court of Justice ruled by a vote of nine to five that it had no juridiction in the Anglo - Iranian Oil dispute. The decision was based on the finding that the 1933 agreement was ‘nothing more than a concessionary contract between a government and a foreign corporation... (which) does not regulate in any way relations between the two governments’ and that Iran’s declaration in 1932, accentive the compulsory juridiction of the court, expressly excluded ‘disputes relating to the application for all treatines and conventions accepted by... (Iran) before ratification of the declaration’. What is more , the British president of the Court voted with the majority. AOIC, for its part, announced that is ‘maintains its claim to be entitled to all crude oil and products derived from the area covered by its concession

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agreement,’ while the British government warned that it would continue to seek the detention of all tankers bearing such oil. In the circumstances, the Mossadeq government remained as inflexible as ever. The effort between 7 august and 14 october to reopen Anglo-IRanian negociations avorted. Iran turned down jointAnglo-American recommendations of 30 august to refer the question of compensation to the International Court, with due ‘regard to the legal position of the parties existing immediately prior to nationalization and to all claims and counterclaims of both parties’, as well as the United States offer of a §10 million grant, conditional on the acceptance of the proposal. The Mossadeq government, by adressing its reply to the United Kingdom an merely sending a copy for information to Washington, let it be known that it was willing to resume negociations only with Britain. By this time the United Kingdom no longer contemlated ‘a monopoly of the purchase of (Iranian) oil,’ But it categorically rejected the Iranian demand for payment ‘in advance and on an account of 49 million pounds show on the former oil compan’s balance sheet for 1950 as increases in royalty, taxes and dividends due to Iran from the reserves’ and reaffirmed its intent to claimcompensation for the termination of the concession. On 16 october Iran announced the rupture of diplomatic relations with the United Kingdom. All British consulates in the country had already been closed since january 1952. By 1st november the last personnel of the British Embassy in Tehran departed for Iraq en route to England. Anglo-Iranian, and therefore United States Iranian, relations had thus become more obscure than ever by the fall of 1952. This must, however, was clear. The URSS, in Iran as alswhere: asia, was winning a cheap victory. The soviet Union did not create the nationalization dispute but nevertherless became its principle beneficiary. A weak nextdoor neighbor was growing steadily weaker. The last British outpost was eliminated. United States prestige seemed to be sinking. Propaganda rewards were there for the taking. All the Kremlin had to do was follow a correct diplomatic policy throughout the nationalization crisis and allow the Tudeh Party, with propaganda guidance - and probable materiel support - from Moscow, to run interference. Still, the risk of the out break of direct fighting between the soviet Union and the West greater in Iran than it had been in Korea. For no Russian satellite comparable to Communist China lay

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between the USSR and Iran. The political tide in Iran traditionally has had a way of reversing itself. Whether such areversal may again occur in time to streghten Iran and restore mutual United States-IRanian confidence is a question for the future. HUREWITZ, Middle East Dilemmas, pp. 46-49 printed in U.S.A. 68) F. SAHEBJAM, op. Déj. Cit. Page 259. 69) IBID 70) Lorsque l’actuelle dynastie iranienne s’installe, dans les années 1920, les provinces du pays jouissent d’une relative autonomie fondée non pas sur les bourgeoisies locales mais sur les puissances féodales liées au pouvoir central par un rapport ambigu d’inféodation - indépendance. Ces puisances à leur tour dominent les villes qu’elles n’administrent pas à la façon bourgeoise (quoique des tendances de cet ordre parraissent bien exister) qu’elles n’administrent pas du tout. Elle s’imposent en effet nécessairement à elles puisqu’elles sont l’unique canal de prélèvement de la rente foncière, ressource principale de la collectivité urbaine. Elles dominent la bourgeoisie marchande qui vit des productions urbaines et des échanges inter- urbains et interdissant l’organisation bourgeoise des villes ; toutefois, c’est au sein de celles-ci que, dans une large mesure, se decide le destin des citoyens, de leurs groupements et de la collectivité urbaine. Les conflits et les jeux du pouvoir entre le principe régnat et les féodalités provinciales se situent, dans une large mesure , au-delà. Durant l’entre-deux guerres mondiales, la destruction par le pouvoir central des souverainités féodales sur les provinces, conséquence nécessaire des tensions internationales, de l’impérialism, ne se fait pas au profit de la bourgeoisie, mais d’un pouvoir autoritaire centralisé qui couvre le pays de ses délégués, gouverneurs provinciaux et départementaux et les assiste d’une administration ele aussi centralisée et disparait ; toute les décisions importantes sont désormais prises dans la capitale. Apparemment le monde des rapports entre le pouvoir central et nation n’est pas modifié ; le mode traditionnel de gouvernement est transposé dans la novelle organization politique l’échelon intermédiaire des féodalités provinciales éliminées, le pouvoir tend à mener ses jeux d’équilibration au sein des tensions spontanées ou provoquées des sociétés locales. L’administration en particulier, malgré sa forme ; n’est pas une bureaucratie mais un

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instrument de menace qui renvoie au pouvoir. Celui-ci, pas plus que précédemment, n’est un pouvoir bourgeois et leur seule différenciation par la position par rapport aux instruments de production. Pourtant les rapports sociaux globaux sont fondamentalement modifiés. Le pouvoir central ne pouvait, jusque là subsister sans des liens de conflit-concours avec l’ensemble de la féodalité au travers de laquelle il recevait une partie de ses revenus l’autre partie étant essentiellement constituée par la rente qu’il prélevait directement de ses propriétés. Le jeux qu’il menait pour dominer la féodalité le liait à elle. Il n’en est plus de même au moment où il est politiquement appuyé sur l’étranger. Les considérations objectives d’exercice du pouvoir tendent à l’automatiser par rapport à la nation ; elles ne contiennent plus la nécessité du compromis. Ses apparences sont pourtant maintenues (partiellement) d’abord parce qu’il est un mode culturel habituel, dans ce sens sa réalité fuit puisque toute transaction tourne finalement à l’avantage ddu pouvoir, ensuite parce qu’économiquement le pouvoir central est encore lié à la rente foncière prélevée par l’intermédiaire de la féodalité et ne peut se permettre une confrontation directe et générale avec elle. Les conditions seront différents après la restauration de 1953, non seulement les circonstances de cette restructuration réaffirmeront la subordination du pouvoir à l’étrangers mais l’accroissement consécutif des revenus pétroliers de l’etat rendra le pouvoir pratiquement autonome de la nation en le rendant totalement dépendant de l’étranger. La réforme Agraire sera alors possible et un exercice de plus en plus brutal du pouvoir. PAUL VEILLE - La féodalité et l’etat en Iran, pp. 268-269, Editions Antrhopos, Paris 1975. 71) F. SAHEBJAM, op. Déj. Cit. Page 259 et 260. 72) Mohammad REZA PAHLAVI : Mémoire du Chah d’IRan, Gallimard Paris. 73) Ce retour coincida avec : - l’arrêt rendu par la Cour de la Haye sur le conflit de la nationalisation de l’AOIC -le départ de FAROUK d’Egypte et l’instauration de la République dans ce pays. Ces deux coincidences ne manquèrent pas d’affaiblir le prestige de Mohammad REZA SCHAH.

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74) Le Sénat confirma avec quelques réticences ces pouvoirs, le 11 août 1952. 75) Cf mémoires du Chah d’Iran ed. Gallimard Paris. 76) F. SAHEBJAM, op. Déj. Cit. Page 263. 77) As the face of Iran is changing so is the importance of one of the most characteristic Iranian institutions, the bazaar in many ways is stil a microcosm of traditionnal Iranian urban life. But under the impact of Western technology, economic and financial systems and Western patterns of thought, the bazaar world is being destroyed. As a consequence, the importance of the bazaar as the focus of political action had diminished. In the heart of the older sections of tehran Isfahan, Meshed, Tabriz and every tother city and town in Iran, the bazaar with its winding covered passageways, workshops, offices meney lenders, retail stalls, schools, caracansaries, restaurants, teahouses, mosques, public baths and dwellings is a reflection of traditional Persian life. The self-contained world of the bazaar has molded a mentality at least as complex as the devious and meandering passages and diverse architecture of the bazaar itself. The bazaar is an institution that is far more than a collection of building, compromising a commercial center. In intellectual, social, political and religious terms the bazaar is the center of Persian orthodoxy. The bazaar ‘rumor’, even if it is seldom fully accurate, is a good indicator of public opinion. Politic within the bazaar range aver the entire spectrum of belief, but in general the deep religious influences, the limited commercial point oc view. Yet when nationalistic issues arise (particularly those reflecting domestic commercial interests as opposed to foreign commercial interest) the bazaar, like the religious institutions, has no occasion supported personnalities who in all other respects take positions normally opposed by the bazaar. The bazaar has its own class system as well. At the top are big merchants who still control most wholesale commerce in Iran. The merchants are the link between the elite world of shimran and the rest of the city. In the religious sphere, ranked along with the merchants are the religious leaders of the main mosques. The big bazaar merchants are relatively cosmopolitan in their outlook. Foreign trade, travel and education have necessarily broadened their point of view. To a lesser extent this is also true of the principal religious leaders who have travelled in many parts of the Muslim world are more learned and better educated

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than the majority of mullahs who make up their following. Small retail shopkeepers and manufacturers make up most of the group usually referred to as the bazaari. With a carefully cultivated three-fay growth of beard, wearing a shirt without collar or tie, the traditionnal bazaari is paochial except insofar as business with other cities, nations and people has broadened his outlook. The bazaari are the employers of the majority of laborers and artisans who make up the mass of the bazaar. It is understandable, therefore, that the bazaari and the lower echelon mullahs are the leaders to whom the workers of the bazaar look for political guidance and information. Born decated, employed, housed, fed, entertained and dying within the confines of the bazaar, the bazaari not surprisingly looks upon outsiders with suspiciaon, fear and sometimes disdain. Yet it was in the bazaeq that prices, governors, tribesmen villagers, foreigners, mullahs, poets and laborers mingled, and this intercourse inevitably engendered those changes necessary to keep the bazaar abreast of the movements of the day. But today, the bazaar, which has survived the vicissitudes of invaders indying. It is dying even though the volume of retrail trade has increased within the bazaar, for retail trade outside the bazaar has increased at even greater rate. New ideas and techniques challenge its very existence. In the past the bazaar was able to respond to new pressures by accommodating change. The bazaari put changes on his shelves, so to speak, and made them in his workshops. But in the last few years, the bazaar as a way of life has come under attack. Cheap mass - produced goods of every description to meet everry need -neds that the bazaar can no longer meet - flood the market. New ideas proclaim the baths, restaurants and shops of the bazaar merchants as unclean and unsuitable ; new beleifs call his religious behavior decadent and supertitious ; new business ethics condemn his codes as archaic and provincial ; new business methodes outside the bazaar jeopardize his profits ; and new banking procedures have broken down his system of finance ; all these new ideas and practices cast doubt on the validity of traditionnal patterns. The bazaar has made attempts to modernize ; glass roofs replaced the mudbrick covering of the passageways ; the formerly muddy allys are being paved ; neon lights have replaced the dim lamps of the past. In banking too, the bazaar has counter attacked. The highly successful private bank, the saadat Va Maaden Bank, for example, is run by a

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group of bazaari. But the very nature of the bazzar counter attack serves to underline the challenge of modernization. The decline of the bazaar can be seen not only in economic and social terms, but in political terms as well. No longer does closing of the bazaar or taking bast (sanctuary) inbazaar mosques, or boycotiing of the government monopoly goods serve as an effective means of protest. The bazaar still plays a considerable rôle in political life, but it is no longer the major political force. Why the bazaar is dwilling as a political force is important. At the turn of the century, the bazaar was the focus of political activity outside the Court. Since that time and particularly during the past twenty years the decline of the bazaar has been accelerated by the rise in importance of other institutions ; the bureaucracy the university and the working class. WILLIAM GREEN MILLER -Political organization in Iran : from dowreh to political Party in the Middle East journal 23, n° 2 (spring - Summer) 1969 pp. 161-162-163.

78) Le gouvernement Républicain des U.S.A. se rapprocha des conservateurs britanniques avec lesquels ils affirmèrent que l’Iran ne recevait aucune aide financière avant qu’un accord ne soit intervenu entre les anglais et les iraniens sur le dossier du pétrole. ‘By january 1953 Mohammad Mossadeq had been caught in a dilemma from which he could extricate himself only by compomissing drastically with the liberal democratic ideology ha had so warmly embrased. He accepted this necessity, but only with such great reluctance and hesitation that by the time he had moved decisively into the extralegal realm, the situation was beyond salvation. By january 1953 liberal, democratic nationalism was already on the road to defeat and could have been saved only by skilful leadership. That leadership was not forthcoming. In essence, foundered on the shoals of its own rationality. It had won a victory of immense proportions in March 1951, but failing to understand how near victory it was, Nationalism consumed itself in a negative struggle with forces which it had virtually defeated. Although a mass movement of the size and intensity of the National Movement will inevitaly be to a large degree based on an irrational appeal, rationality can prevail if the leaders hip rises above the emotionalism of the mass and gives sensible direction. The conclusion is inescapable in this case that Mossadeq was a much

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a pioneer of the irrationality as were many of his least literate supporters. Mossadeq’s atavistic view of British influence n Iran and the Middle East prevented him from understanding that the battle had been won when the British accepted the principle of nationalization of oil. Under either the Stokes or the world Bank proposals, there is every reason to beleive that a popular and powerful Iranian government could have neutralized any effort that might have been made by the British government to use the British oil personnel as instruments for interference. The behavior of the thousand families and the court in 1951 and 1952 demonstrated that they would have docilely accepted the transfer of political power to a middle-class-based regime. Had Mossadeq fully understood the great power which his own popularity gave him and had he concluded an oil agreement, he could have moved in the direction of progress; and the free world, with the minor exception of the colonial wing of the British Tories, would have applauded. The Oil revenue Mossadeq received would probably have been honestly invested in Iran’s future although certianly not always wisely, and the possibility of real economic and social progress would have been great. Politically, the National Front could easily have evolved into an organization resembling that of the Congress Party of India. Saddest of all,history is unlikeley to grant a liberal democratic Iranian leader another opportunity so favorable as that given Mossadeq. As the concluding chapter will indicate, the day of liberal intellectual leadership of Iranian nationalism may already have passed. RICHARD W. COTTAM, Nationalism in Iran, pp. 184-185 copyright 1964 University of Pittsburg Press.

79) Le Monde du 3 mars 1953.

80) Le Monde du 3 mars 1953.

81) H. CARRERE D’ENCAUSSE op. Déj. Cit. Page 225.

82)H. CARRERE D’ENCAUSSE op déj. Cit. Page 225.

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CONCLUSION

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‘Fais toujours en sorte que la justice bénéficie à la fois aux uns et à tous et dans cette voie, donne toujours la priorité à la satisfaction de la majorité, car le mécontentement du plus grand nombre annule la joie de la minorité, alors qu’au contraire le mécontentement de la minorité ne comporte ni perte, ni dommage en comparaison de l’allégresse de la majorité. En d’autres termes, si le plus grand nombre est heureux de toi, ceci efface le déplaisir de quelque uns, alors qu’inversement l’approbation d’une minorité ne suffit jamais a contre balancer le mécontentement de la majorité.’

Lettre de ALI, gendre du prophète, Calife de l’Islam à MALEK ACHTAR Commandant de son Armée et Gouverneur Général d’Egypte. Les comportements politiques en Iran durant la première moitié du XX ème siècle trouvent leur origine essentielle dans la géo– politique du pays. Napoléon Premier ne disait-il pas que : ‘… La politique d’un Etat est dans sa géographie…’ Situé entre l’Union soviétique et l’Océan indien, par le Golfe d’Oman, l’Iran fut durant les cinquante années étudiées ici, le théâtre d’affrontements auxquels se livraient les deux grandes puissances du moment : La Russie et la Grande Bretagne. Le Général de Gaule déclara dans ses mémoires d’espoir : ‘Il se trouve d’ailleurs que la vaste Iran recèle des ressources pétrolières et manières considérables et comporte de grandes possibilités industrielles et agricoles. Il se trouve aussi que cet empire, voisin des Russes et exposé, de tous temps aux empiètements des Anglo-Saxons, tient à s’assurer d’autres appuis que les leurs…’ C’est au cours d’un véritable ‘petit Yalta que dès le 30 août 1907 l’Iran fut partagé en trois zones. La zone neutre était celle entièrement laissé sous la direction effective du pouvoir iranien ; On peut sans hésiter affirmer que cette zone était la plus pauvre de l’Iran. Le reste du pays contenait les richesses naturelles comme les mers, les terres cultivables et le sous-sol pétrolier et minier. Les Russes tsaristes s’accaparèrent les territoires du Nord, avec les riches provinces du Guilan et d’Azerbaïdjan, ‘greniers de l’Iran’ pendant que les britanniques occupaient les régions du Golfe

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Persique et du Khouzestan où se trouvaient enfouies les richesses qui permettent de financer aujourd’hui le développement industriel du pays. Durant cette période, le gouvernement central iranien n’avait aucune possibilité d’exprimer son autorité car chacun des décisions fondamentales qu’il avait à prendre ne pouvait l’être qu’avec l’accord des puissances occupantes. La première guerre mondiale et la Révolution soviétique d’octobre 1917 modifièrent quelque peu ces données. Les Russes soviétiques, par le traité de 1921 se retirèrent dans leurs pays mais les Britanniques, fidèles à la poursuite de leur stratégie de domination des mers et d’exploitation des terres lointaines et de libre issue, maintinrent leur position en Iran, véritable verrou de leur Empire. Il s’agissait finalement pour eux comme l’écrit SCHILDER de ‘… lutter contre la progression de la Russie en Asie Centrale vers l’Inde…’. L’histoire se répéta et les Britanniques ouvrirent un nouveau ‘front’ contre cette même Russie en signant un traité avec le Japon. Mais il convient de garder à l’esprit que cette rivalité anglo- russe n’était pas continue puisqu’elle obéissait à une règle élémentaire de l’impérialisme dont LENINE énonce le processus mille fois vérifiées : ‘… Les alliances pacifiques préparent les guerres et, à leur tour naissent de la guerre ; elles se conditionnent les unes les autres, engendrant des alternatives de lutte pacifique et de lutte non pacifique sur une seule et même base, celle des lieux et des rapports impérialistes de l’économie mondiale et de la politique mondiale… Le cycle logique de ces rapports ressort parfaitement dans notre étude où les désaccords d’une époque étaient suivis des ententes du lendemain. Les gouvernements de l’Iran subissaient dans l’impuissance ces rivalités jusqu’au début des années 20. De ce fait, durant toute cette époque, la vie politique du pays fut largement influencée par les décisions successives des puissances impérialistes occupantes. Sous REZA SCHAH, le contenu de la Révolution constitutionnelle de 1906 était parfaitement entré dans les mœurs. La Révolution soviétique de 1917 avait provoqué des modifications dans la politique impérialistes de la Russie. Mais une donnée restait

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toutefois inchangée ; l’Iran demeurait ce qu’il est encore aujourd’hui, un maillon de la chaîne de sécurité qui sépare les Soviétiques du monde occidental. Dans les mêmes temps les Britanniques, quelque peu dépassés par l’évolution sociale et économique de l’Iran ne pouvaient plus compter sur les chefs des Tribus du Khozestan pour défendre les régions pétrolières ; ils souhaitaient un gouvernement central puissant capable de préserver leurs intérêts traditionnels en Iran. L’ironie du sort veut que les Soviétiques aient exprimé une même analyse dans le but avoué de maintenir un cloisonnement entre leur zone d’influence personnelle et la zone britannique. Les historiens –surtout ceux de gauche – expliquent la prise du pouvoir par REZA SCHAH comme un événement découlant d’une complicité solide des Britanniques. En fait, comme nous avons pu le démontrer dans notre étude, les Soviétiques se révélèrent des alliés objectifs de REZA SCHAH en abandonnant à leur funeste sort et à diverses reprises les révolutionnaires des provinces du nord dès le seuil des années 20. Ce comportement des Soviétiques met déjà en évidence la politique étrangère que comptait suivre la suite le nouvel état russe, remettant en cela en cause et non sans raison l’idéologie de l’internalisation alisme prolétarien. L’avènement de REZA SCHAH coïncida avec l’ouverture d’une ère profondément nationaliste en Iran. Ne peut –on pas établir un parallélisme entre cette situation et celle de la Turquie dans les mêmes temps. Le nouveau Schah s’avéra immédiatement comme un homme de progrès et se montra favorable à l’instauration d’une République identique à celle établie en Turquie par Mustafa KEMAL. Les oppositions religieuses le forcèrent à remettre en cause ce projet, mais tout le contenu progressiste de l’homme se réalisa dans les réformes économiques et sociales qu’il entreprit au service de son pays. Ces réalisations ne furent toutefois possibles que dans le cadre d’un renforcement de sa position personnelle et de la mise en place d’un centralisme politique. Il fut ainsi qualifié sans véritable fondement de despote par ses adversaires politiques. REZA SCHAH était conscient du caractère néfaste de la lutte soviéto-britannique en Iran. Il fit alors appel à une tierce puissance :

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l’Allemagne avec laquelle il entama des relations économiques suivies. Cette position le mit dans une situation difficile dès le début de la seconde guerre mondiale. Il fut alors contraint d’abandonner le pouvoir au profit de son fils avant d’avoir achevé son œuvre de reconstruction national. Ce conflit provoqua une nouvelle fois l’entrée justifiée des troupes alliées sur le territoire iranien. C’est ainsi que la présence de l’Armée Rouge dans les provinces du nord facilita la renaissance et le développement d’un nouveau mouvement communiste puissant. Ce mouvement fut la première organisation politique structurée depuis la Révolution Constitutionnelle de 1906. Il profita amplement de la renaissance des libertés individuelles voulue par le nouveau roi et des mécontentements divers dus généralement au malaise économique, mécontentements qu’il canalisa à son unique profit. C’est à cette époque, que la province d’Azerbaïdjan se déclara en République Démocratique indépendante sous la protection et avec l’aide des soviétiques. La suite des évènements à démontré l’erreur profond commise par les Soviétiques qui après avoir indirectement présidé à la création de cette république finirent par l’abandonner une nouvelle fois sous protection et ce du fait de leurs intérêts conjoncturels. Les partisans de l’Internationalisme Prolétarien pourraient se demander dans quelle mesure un peuple en révolution est de nos jours en mesure de compter sur la sincérité et l’aide de la ‘Grande Russie’ ! Mohammad REZA SCHAH qui avait étudié en Suisse au contact des démocraties européennes reprit la politique abandonné par son père et dut faire face à de graves difficultés économiques et sociales. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, le problème de la nationalisation des pétroles fut posé par le peuple d’Iran et c’est au cours de cette nouvelle lutte populaire que naquit le Front National dirigé par le Dr MOSSADEGH dont la philosophie politique résultait de son attachement à l’indépendance du pays. Durant cette époque, le parti TOUDEH se révéla particulièrement instable et se ridiculisa en proposant que soient attribués aux soviétiques les gisements pétroliers des provinces du nord de l’Iran. Ce comportement irraisonnable des dirigeants du parti, le coupa des masses populaires qui le considérèrent comme un poste

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avancé de l’URSS en Iran’. Ce même parti pro-communiste s’afficha volontiers comme le champion de la lutte contre les anglo-saxons. MOSSADEGH étant un nationaliste d’aspiration constitutionnelle ne pouvait pas être appuyé par le parti Toudeh qui au-delà des intérêts du pays ne pensait qu’à défendre les intérêts des travailleurs iraniens.

La tâche que s’était fixé le Dr MOSSADEGH était extrêmement important pour l’avenir de l’Iran et même des autres pays producteurs de pétrole. Son intransigeance sur le plan extérieur et les oppositions auxquelles il dut faire face sur le plan intérieur le mirent finalement en conflit avec Mohammad REZA SCHAH qui lui demanda de démissionner du poste de Premier Ministre. Abandonné par ceux qui l’avaient toujours contenu, MOSSADEGH fut retiré de la scène politique, rendant ainsi le pays à la haute direction de Mohammad REZA SCHAH. L’ère de la ‘Révolution du roi et du Peuple’ «était ouverte et la société iranienne, subit enfin des transformations essentielles sans que le sang soit pratiquement versé et sans que les libertés individuelles soient suspendues. Parlant de ce jeune souverain qui avait réussi, malgré les embûches là ou ces prédécesseurs avaient échoué, le Général Charles de Gaule écrivit dans ces mémoires d’espoir : ‘… Au cours du conflit mondial, je l’avais rencontré à Téhéran quand, toute jeune souverain, il hériterait d’un empire en proie aux pressions rivales des étrangers et aux complots des factions intérieures. Ayant maintenu l’unité et sauvegardé l’indépendance, REZA PAHLAVI est maintenant en train de diriger la transformation matérielle, intellectuelle et sociale de la Perse, Etat aussi ancien que l’Histoire du monde. Que de fois, l’entendant traiter de problèmes de développement, j’ai admiré sa connaissance approfondie de toutes les réalités de son pays… !

Notes cumulées de fin de document 1 Il faut noter que « la première ambassade russe en Perse, date de 1561. L’Ambassadeur représentait à la fois Jean IV et la Reine Elisabeth d’Angleterre. C’est la première action commune anglo-russe en Perse. » Dr. M. AFSCHAR, La politique européenne en Perse, Berlin 1921, p.21

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2 Cf. paragraphe 9 du prétendu testament de Pierre le Grand : « Approcher le plus possible de Constantinople et des Indes : celui qui y régnera c’est le vrai souverain du monde. En conséquence, susciter des guerres continuelles, tantôt aux Turcs tantôt à la Perse ; établir des chantiers sur la Mer Noire ; s’emparer peu à peu de cette mer, ainsi que de la Baltique, ce qui est un double point nécessaire à la réussite du projet ; hâter la décadence de la Perse ; pénétrer jusqu’au golfe persique ; rétablir si c’est possible par la Syrie, l’ancien commerce du devant, et avancer jusqu’aux Indes, qui sont l’entrepôt du monde. Une fois là, on pourra se passer de l’or de l’Angleterre. » Jules Thieury, La Perse et la Normandie (documents pour servir l’histoire des relations entre la France et la Perse, suivis des traités de commerce conclu entre ces deux pays). Edité à Evreux en 1866. Cité par Dr. M. AFSCHAR en « La politique européenne en Perse », p.23 3 René GROUSSET, Le réveil de l’Asie, l’impérialisme britannique et la révolte des peuples, Paris 1924 4 PERCY SYKES, A HISTORY OF PERSIA, vol. , p. 304-305, London, 1930. Dès 1805, Napoléon envoya Jaubert et Romieu en Perse par deux routes différentes. Romieu arriva le premier par Alep et Mossoul à Téhéran, en octobre de la même année ; mais il mourut peu après. Jaubert passa par Trébizonde et Bayazid, où il fut retenu longtemps par les Turcs, à qui ne plaisaient pas les relations d’amitié qui s’établissaient entre la Perse et la France. Enfin, il arriva à Téhéran en été 1806. Lui aussi tomba malade. De peur qu’il ne mourut comme l’autre, le Schah le renvoya à Napoléon en le faisant accompagner d'un médecin et d'un surveillant chargé de tuer le médecin s’il laissait mourir Jaubert. Celui-ci avait été porteur d’une lettre de Napoléon pour le Schah datée du16 février 1805 : « … J’ai partout des agents qui m’informent de tout ce qu’il m’importe de connaître.. Par eux, je sais en quels lieux et dans quel temps je puis envoyer aux princes, aux peuples que j’affectionne, les conseils de mon amitié et les secours de ma puissance…. …La Perse est une noble contrée que le ciel a comblée de ses dons ; elle est habitée par des hommes spirituels et il faut que, depuis un siècle, le plus grand nombre de tes prédécesseurs n’aient pas été dignes de commander à ce peuple, puisqu’ils l’ont laissé se tourmenter et se détruire dans les fureurs des dissensions civiles. Nadir Chah fut un grand guerrier ; il sut conquérir un grand pouvoir ; il se rendit terrible aux séditieux et redoutable à ses voisins, il triompha de ses ennemis et régna avec gloire ; mais il n’eut pas cette sagesse qui pense à la fois au présent et à l’avenir ; sa postérité ne lui a pas succédé…. …tu te défieras des conseils d’une nation de marchands qui dans l’Inde, trafique de la vie et des couronnes des souverains, et tu opposeras la valeur de ton peuple aux incursions que la Russie tente et renouvelle souvent sur la patrie de ton empire qui est voisine de son territoire…. Tous les peuples ont besoin les uns des autres ; les hommes de l’Orient ont du courage et du génie ; mais l’ignorance de certains arts et la négligence d’une certaine discipline qui multiplie la force et l’activité des armées, leur donnent un grand désavantage dans la guerre contre les hommes du Nord et de l’Occident…. Nous travaillons de concert à rendre nos peuples plus puissants, plus riches et plus heureux !… » Le Schah de son côté, envoya Mirza-Réza-Khan en qualité d’ambassadeur extraordinaire en Pologne, auprès de Napoléon. Dans son passage à Vienne, l’envoyé persan fut fêté par l’ambassadeur de France. Andréossy, et le « Moniteur » vantait « la justesse de ses observations, la vivacité de ses réponses et surtout la grâce et la politesse de ses manières ». L’Ambassadeur de Schah arriva à Finkenstein, où il fit reçu par l’Empereur avec les honneurs militaires. Dans une nouvelle et très longue audience, il entretint entre autres des antiquités de la Perse, de l’expédition d’Alexandre dans les Indes et des guerres des Parthes contre les Romains…. Un traité d’alliance y fut signé, le 4 mai 1807. Les ratifications devaient s’échanger à Téhéran dans un délai de 4 mois. Le lendemain de la signature, l’Empereur écrivit au Schah

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pour lui annoncer l’heureuse conclusion de cette alliance. Le Schah, non moins satisfait, répondit : « L’on eut dit que chaque caractère sur ces nobles feuilles était goutte d’ambre sur du camphre pur ou des cheveux bouclés et odorants sur les joues roses d’une amante au sein de lys. L’odeur ambrée de cet écrit aimable a embaumé l’alcôve de notre âme sensible à l’amitié et parfumé de musc le cabinet de notre cœur plein de constance et de droiture. » 5 6 Conférence de presse au ministère de la Guerre, le 25 octobre 194 7 Cf. Dr. M. AFSCHAR – op. cit. pp.195-6 8 Percy SYKES, A History of Persia, vol.II pp.367-8 9 Documentation française, notes documentaires et Etudes, 10 avril 1946, n°280 (série asiatique III) : La question d’Iran à l’époque moderne et contemporaine 10 Il faut ajouter à ces concessions la navigation du Golfe Persique et du Karoun. En 1898 ce fleuve fut ouvert à la navigation commerciale, sur initiative anglaise. « En 1900, sur un total de 2 873 000 livres sterling représentant la valeur des importations du Golfe Persique, 366 000 livres sterling seulement représentaient la part des autres pays. La part de l’Allemagne ne s’est élevée qu’à 23 000 livres, celle de la Russie qu’à 572 livres sterling d’après les rapports du Consul anglais. La proportion est à peu près la même pour les chiffres des exportations qui se sont élevées à 2 087 000 livres sterling et qui ont eu pour destination surtout Londres et Bombay…. Cinq agents politiques ayant leur résidence à Mascate, à Koweït, aux îles Bareïn, à Bouchire et depuis 1901 à Bender Abbas, veillent aux intérêts anglais. Le plus élevé entre eux, ayant rang de consul général, est le résident de Bouchire ; au-dessous de lui, les quatre autres constituent comme un état major. Le résident de Bouchire est considéré comme le véritable maître dans ces parages ; c’est « le roi du Golfe Persique », comme le nomment depuis vingt ans les riverains. Une flotte de trois avions est à sa disposition et transmet ses ordres et ses instructions sur tous les points du littoral. À la moindre émotion, sur les côtes arabiques ou persanes, leurs canons apparaissent. Une garde spéciale, tirée de l’armée des Indes rehausse son prestige… » cf. Afschar op. cit. pp.196-197 11 « La brigade de cosaques avait été créée en Perse ... après le voyage du Chah Nasser-od- Dine en Russie. En 1878, lors de son deuxième voyage en Europe, le Chah traversant le gouvernement d’Erivan fut escorté par des détachements successifs de troupes cosaques, qui après la guerre avec la Turquie de 1877 avaient été établies dans divers endroits de ce gouvernement. L’apparence extérieure de ces régiments de cosaques, leurs uniformes superbes et étincelants, leur équipement éclatant avaient attiré l’attention du Chah. La réorganisation de toutes les forces militaires de Perse était, depuis quelques temps, décidée défiitvement, le souverain avait déjà entamé à ce propos des pourparlers avec le gouvernement autrichien qui devait envoyer à Téhéran une mission composée des représentants de toutes les troupes, sauf de la cavalerie. Mais jamais la décision définitive ne fût prise.… En 1879, le gouvernement du Tsar obtient du Chah, le Firman (soit décret) qui créait une brigade de cosaques persans dont le chef et les instructeurs seraient envoyés de Saint Petersbourg. 12 « Wie aus der Konzession hervorgeht, nahm das englische Finanzkapital das Monopolrech für die Erdölförderung une den Aufbau der Erdölindustrie auf einem Gebiet, das vielfach grösser als das Territorium grossbritanniens war, für sich in Anspruch. Das d’Arcy- Abkommen zeigt anschaulich, wie es der englischen Regierung gelungen ist, eine grosse profitbringende Konzession abzuschliessen, die es den britischen Magnaten erlaubte, fast alle Erdölschätze des Iran zu rauben. NAZARI, Hassan, Der okonourische une politische Kampf um das iransiche Erdöl, 1971 p.29. Pahl-Pugenstein Verlag 13 DJAMCHID TAVALLALI – Le parlement Iranien Lausanne 1954.

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14 Raymond FURON –Iran, Perse et Afghanistan. Paris, 1951.

15 Voici les conditions de la Perse avant la révolution constitutionnelle tirées du memorandum de la British Legation : « The condition of Persia had for some time been growing more and more intolerable. The Shah was entirely in the hands of a corrupt ring of courtiers who were living on the spoils of the government anf of the country. He had parted with the treasures inhérited from his father, and with most of the Imperial and national domain. He had thus been obliged to have recourse to foreign loans, the proceeds of which he had spent in foreign travel or had lavished on his courtiers. There was a yearly deficit, and the dept of the country was growing daily. … … A new Grand Vizier had been appointed whose moving principle was believed to be independence of foreign control. His first act was to attempt some sort of financial reform, the object of which was supposedly to render the country independent of the Government, it was apparent that his main and principal object was to make money. He made an alliance with the Shah’s chief adviser for a division of the spoil. Governments were put up for sale, grain was hoarded and sold for the benefit of the two conspirators, rich men were summoned to Tehran and forced to disgorge large sum of money, oppression of every sort was countenanced for a consideration ; the property and even the lives of all Persian subjects were at their mercy. Finally, there was every reason to believe that a conspiracy was on foot to dethrone the foolish and impotent Shah and to oust the Valand. In their place was to be put Shua-u-Saltana, the shah’s younger son, who was a by-word even in Persia for extortion and injustice. The policy of the Atabeg and his friends had thus aroused the opposition of all classes in Persia : of the few more or less patriotic statesmen, who knew to what a goal the country was being led ; of the clergy, who felt that their old power and independence would clash with that of their country ; and of the great mass of the population and the mercantile classes, who were daily victimes of the tyranny of their oppressors”. Vide BLUE BOOK, Persia N°1 (1909) p.2 citée par SYKES op. cit. 400. 16 « In 1905 an organization of Iranian revolutionaries was created in Tiflis. The result was that when these Iranian migratory laborers returned to their homeland, they took along revolutionary ideas, printed propaganda and weapons, in order to incite strikes and disturbances there. It should occasion no surprise, therefore, that the revolution of 1905 in Iran followed also on the heels of that of Russia. » SPECTOR, Ivar, The First Russion Revolution : its impact on Asia. ENGLEWOOD CLIFFS, New Jersey, 1962 p.39, cité par Abdul-Hadi Hairi, en « Shi’ism and Constituionalism in Iran », pp. 20-21, E.J. BRILL, LEIDEN, 1977 17 TAVALLALI Djamchid, Le parlement iranien, Lausanne 1954, p.42 et al

18 L’étude du rôle de la bourgeoisie iranienne dans la révolution constitutionnelle est d’un grand intérêt. KIA NOURI écrit à ce sujet un article utile à lire. Non moins conséquente est la position de la bourgeoisie nationale sur la question de l’octroi au peuple, des libertés démocratiques. Dans une période où le pouvoir se trouve entre les mains des grands propriétaires et des compradores, la bourgeoisie nationale défend les libertés, elle peut entraîner à sa suite les grandes masses laborieuses et parvenir au pouvoir par la voie légale. Abstraction faite des termes polémiques courants utilisés par l’auteur, certaines parties de l’article méritent d’être considérées. « Le rôle de la bourgeoisie nationale dans la révolution anti-impérialiste et démocratique des pays coloniaux et dépendants réside principalement dans le fait que cette bourgeoisie peut dans certaines conditions entraîner une partie considérable des forces anti-impérialiste, et en particulier les couches de la petite bourgeoisie des villes et des campagnes. » La Bourgeoisie Nationale, son caractère et sa Politique, in : Rev. Intern. Août 1959.

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19 Voici le Rescrit de S.M. Le CHAH : SADR A’AZAM « La divine Providence a remis entre nos mains le bonheur et le progrès de la Perse, et notre personne auguste est la gardienne de tous les droits des Persans. Comme nos sujets sont sincères et fidèles, nous voulons mettre de l’ordre dans le gouvernement, de façon à ce que le peuple soit tranquille et en sécurité, que les bases du Gouvernement soient solides et que les réformes nécessaires soient introduites dans toutes les branches de l’administration. En conséquence , nous avons décidé qu’un Conseil National serait élu parmi les princes, les savants, les Kadjars, les nobles, les propriétaires, les négociants, les artisans. Que dans chacune de ces castes on élise un certain nombres de députés et que l’assemblée se tienne à Téhéran. Qu’ils tiennent conseil avec la plus grande attention sur toutes les affaires de l’Etat ; qu’ils viennent en aide à nos ministres dans les reformes qui seront faites pour le plus grand bien de la terre. Ils pourront en toute tranquillité, en toute sécurité, exprimer leur croyance relative au bien de l’Etat et aux besoins de la de la population ; puis on nous fera parvenir, par l’entremise du premier personnage de l’Etat, les avis émis afin que nous les signions et que nous les promulguions. Conformément à ce rescrit, un règlement intérieur de cette assemblée qui sera la gardienne de notre justice soit ouverte, et qu’elle commence à mettre à l’exécution des lois de notre sainte religion. Qu’on publie et affiche partout copie de ce rescrit, afin que chacun voit et comprenne nos désirs au sujet des progrès de l’Empire et de la nation, et qu’on puisse se rendre compte de la grandeur du bienfait octroyé en ce jour. Donné au château du Sahab Qranié, 14 Djemadi, second 1324, L’année 11 de notre règne MOZAFFER Rev. Du M.M. Vol 1 1906-1907 pp. 91-92. 21 E. G. BROWNE - The persian constitutional movement, Oxford, 1819, page 7. 22 Victor BERARD – Révolution de la Perse ; les provinces et les peuples et le gouvernement du roi des rois, librairie Armand Colin, Paris, 1910, page 353. 23 Foreign office, papers by command. Accounts and papey 1909, Vol. CV Persia n° 1 (909), correspondance n° 175 p. 139. 24 DJANCHID TAVALLALI, op. Déjà cit. p. 71 25 DASRAVI A.- L’histoire constitutionnelle de l’Iran (en iranien) Téhéran 1940- 43 pages 13 et 14. 26 Victor BERARD, op. Cit. Page 354 27 Les débats du premier Madjlesse,’Mozakeraté madjlesse daureh awalé taghninyeh’ éditions du J. O. Teheran 1946 p. 579-580. 28 A. KASRAVI – op. Cit. Tome III, pages 55 à59. 29 le rétablissement de la constitution en Turquie donne de vives inquiétudes aux absolutistes persans. Les libéraux reprennent courage, et les mollas réactionnaires, qui déclaraient le nouveau régime contraire qu Coran, alléguant volontiers à l’appui de leurs dires, l’exemple de la Turquie , sont fort embarrassées. Revue du M .M. vol. 5, n° 7, juillet 1908. 30 “ … It would be…wrong to expect so high an achievement from the ulama. Their traditional proccupations and the scholastic nature of the learning that was the basis of their entire function hardly permitted accurate comprehension of problems deriving from the Western impact. In adddition, their essential lack of hierarchic organization would have been an obstacle to any active reshaping of the political structure. Most important, while the Qajar dynasty posssessed no legitimizing authority, the Ulama enjoyed only that conferred by the process of taglid, one for which no adequate machinery was ever established. Intervertion in political affair to gain permanent control thereof never appears to have been even a distant aim of the ulama. The continued occultation of the imam meant, inescapably,

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the absence of all legitimizing authority from worldly affairs, so that the political attitudes of the ulama could, in the final analysis, be only quietism or opposition. Any wish to reshape definitely the norms of political life and the bases of the state was foreign to the ulama on Qajar Iran. Thus it was that the forces of renewal passed them by.”

Hamid ALGAR : Religion and State in Iran 1785-1906 p; 259; University of California Press and Los Angeles 1969.

31 C. VERGUIOL écrit dans le n° 216 de novembre 1923 du Bull. de l’Asie Française que les modérés « … ne demandaient de réformes que pour la forme.

32 The first foreign loan for l 500 000 secured by the custom receipts of the Persian Gulf ports, and raised in London for non develoment purposes in 1892. It was repaid from Russsia. Two years later a further 10 million rouble loan was also obtained from Russia. Both these loans the British and Indian governments lent large sums on the security of the customs receipts of the so ports, so that by 1920 a total foreign dept of L 7 million was outstanding. In 1921 Russia cancelled repayment of all but one of its loans and investments so that the foreign debts outstanding (almost entirely to Britain and India) fell to 2,4 Million.

Bharier Julian : Economic Development in Iran, 1900-1970 p. 118.

Revue du Monde Musulman ; Note n° 1 p. 324, n° 9 sept. 1911.

33 ‘Great Britain and Persia’ – par Colonel C.B. STOKES i the Neae, East, n°625, 3 mai 1923

34 WASSMUS, the German Lawence, Londres 1936 cité par Parviz HOMAYOUPOUR, in l’affaire d’Azarbaïdjan, Lausanne, 1967.

35 Op. cit.

36 Ahmad KASSRAVI – Dix huit ans de l’histoire de l’Azerbaïdjan Téhéran, 1962, 5ème édition ( en langue iranienne).

37 Le gouvernement anglais était représenté par sir Percy COX, ministre à Téhéran

38 MARTENS, nouveau recueil général de traité, Troisième série , Tome X, pages 110 à 114 – H. Triepel, éditeur à Leipzig.

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