Bulletin De L'association De Géographes Français, 95-2
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Bulletin de l’association de géographes français Géographies 95-2 | 2018 L’Afrique, du Sahel et du Sahara à la Méditerranée : intégrations, circulations et fragmentations Africa,from the Sahel and The Sahara to the Mediterranean Sea. Integrations, circulations and fragmentations Catherine Fournet-Guérin et Géraud Magrin (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/bagf/2953 DOI : 10.4000/bagf.2953 ISSN : 2275-5195 Éditeur Association AGF Édition imprimée Date de publication : 27 juillet 2018 ISSN : 0004-5322 Référence électronique Catherine Fournet-Guérin et Géraud Magrin (dir.), Bulletin de l’association de géographes français, 95-2 | 2018, « L’Afrique, du Sahel et du Sahara à la Méditerranée : intégrations, circulations et fragmentations » [En ligne], mis en ligne le 27 juillet 2019, consulté le 03 octobre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/bagf/2953 ; DOI : https://doi.org/10.4000/bagf.2953 Ce document a été généré automatiquement le 3 octobre 2020. Bulletin de l’association de géographes français 1 SOMMAIRE L’Afrique, du Sahel et du Sahara à la Méditerranée : intégrations, circulations et fragmentations Catherine Fournet-Guérin et Géraud Magrin Le foncier pastoral au Sahel, des mobilités fragilisées Alexis Gonin La Grande muraille verte au Sahel : entre ambitions globales et ancrage local Ronan Mugelé La région du lac Tchad face à la crise Boko Haram : interdépendances et vulnérabilités d’une charnière sahélienne Géraud Magrin et Christine Raimond Les places marchandes du made in China au Caire et à Oran : mondialisation et transformations des espaces et des pratiques de consommation Anne Bouhali Entre Afrique du Nord et de l’Ouest, les relations transsahariennes à un moment charnière Nora Mareï et Olivier Ninot L’échec de la partition d’un État à la charnière entre monde arabe et Afrique subsaharienne : le cas du Soudan Alice Franck Ruées vers l’or au Soudan, au Tchad et au Sahel : logiques étatiques, mobilités et contrôle territorial Raphaëlle Chevrillon-Guibert et Géraud Magrin Marginalité, spécificités et instabilité du tourisme saharien Laurent Gagnol Du kif au haschich : évolution de l’industrie du cannabis au Maroc Pierre-Arnaud Chouvy Bulletin de l’association de géographes français, 95-2 | 2018 2 L’Afrique, du Sahel et du Sahara à la Méditerranée : intégrations, circulations et fragmentations Africa, from the Sahel and the Sahara to the Mediterranean Sea. Integrations, circulations and fragmentations Catherine Fournet-Guérin et Géraud Magrin 1. L’Afrique du Sahel et du Sahara à la Méditerranée : intérêt et limites d’un cadre géographique d’analyse 1 Le cadre géographique de la question sur l’Afrique proposée aux concours de l’enseignement secondaire (2017-2018 et 2018-2019) mérite d’être considéré à la lumière, d’une part, de l’organisation des champs scientifiques qui étudient les espaces en question, et d’autre part de leur fonctionnement. Il reflète une avancée et un impensé. 2 L’avancée tient au dépassement des frontières des mondes scientifiques qui séparent d’une manière artificielle l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Si l’on sait depuis longtemps que le Sahara n’est pas une barrière, la recherche continue assez largement de refléter l’organisation ancienne de mondes cloisonnés. Depuis une dizaine d’années, les travaux de géographes sur les circulations transsahariennes se sont multipliés [par exemple Brachet 2009, Choplin & Pliez 2018], mais ils demeurent peu nombreux au regard de sphères scientifiques établies de longue date et qui ne dialoguent guère. De manière révélatrice, les textes réunis dans ce numéro sont le reflet de cette césure : seuls deux textes portent sur l’Afrique du Nord, tandis que la majorité d’entre eux (au moins cinq) a pour cadre l’Afrique sahélienne, plus précisément encore l’Afrique de l’Ouest. Cette dissymétrie illustre le poids ancien dans les études géographiques francophones de cet espace, héritage direct des liens coloniaux, tandis que les études portant sur le Maghreb ont fortement décliné à la suite des indépendances dans les années 1950 et surtout 1960 pour l’Algérie. Ces champs Bulletin de l’association de géographes français, 95-2 | 2018 3 géographiques et scientifiques (Afrique du Nord / Afrique sahélienne et au-delà) se sont structurés au fil des décennies de manière relativement séparée, donnant lieu à des réseaux d’universitaires et de chercheurs différents, à des sphères bibliographiques parfois éloignées, à une vie scientifique fragmentée. Dans ces conditions, l’invitation du programme des concours à s’intéresser aux logiques de mobilités et de circulations de différents ordres (humaines, économiques, de modèles, etc.) à plusieurs échelles, et à ne pas restreindre les raisonnements aux frontières étatiques, est en phase avec les dynamiques scientifiques contemporaines. En témoignent les textes portant sur les échanges transsahariens. 3 L’impensé tient aux limites méridionales et orientales de la zone au programme. 4 À l’est, les textes de présentation du programme demeurent vagues : les pays de la Corne de l’Afrique sont-ils inclus dans l’espace d’étude ? L’Éthiopie constitue un monde en soi et ne relève guère que par un lointain effet de voisinage des enjeux sahélo- sahariens. Les Éthiopisants en sont d’ailleurs bien convaincus. Que l’Érythrée et surtout le monde somali partagent certains enjeux de l’Afrique sèche sahélo-saharienne – dynamiques environnementales, stress climatique, crises de sociétés pastorales travaillées par la radicalité islamiste – ne suffit pas à convaincre d’une unité fonctionnelle. Le flou relève de ces indéterminations soumises à l’habileté des candidats, à qui il appartient, en fonction du sujet, de proposer ou non des incursions timides sur ces terres est-africaines périphériques à la question. 5 Le problème est autrement sérieux s’agissant des franges méridionales de l’aire au programme. Le Sahel et le Sahara ont été victimes d’un retournement de territoire [Côte 1988 , Retaillé 1995] à partir des premières phases de la mondialisation, mouvement qui s’est amplifié durant le XXe siècle. En effet, les flux économiques de l’extraversion qui connectaient les empires sahéliens au monde méditerranéen à travers le Sahara ont été progressivement détournés vers le littoral du Golfe de Guinée, qui a polarisé le peuplement, l’urbanisation et l’économie moderne, laissant la charnière sahélienne en déshérence sur son versant nord [Retaillé 2014]. En outre, le découpage étatique colonial qui forme encore aujourd’hui l’ossature politique de l’Afrique a fait en sorte d’associer des portions d’espaces relevant de plusieurs domaines climatiques (deux, trois, voire davantage). Le Sahel appartient à des territoires d’État qui ont une composante saharienne (Mauritanie, Soudan), mais aussi une composante soudanienne (Tchad, Mali, Sénégal, Burkina Faso), voire guinéenne (Nigeria, Cameroun), et celle-ci pèse souvent très lourd : l’organisation des infrastructures et des axes de transport, les économies de rente, les mobilités de travail, les échanges agricoles régionaux (produits de l’agriculture et de l’élevage), les transhumances, obéissent bien davantage à un tropisme méridional que nord sahélien et saharien. La découverte récente de l’importance des flux commerciaux informels à travers le Sahara, l’émergence de la fonction de transit migratoire des pays de l’Afrique du Nord pour les Sub-sahariens, ou encore les progrès de l’intégration régionale… ne doivent pas occulter un fonctionnement de l’espace géographique dépendant avant tout de structures économiques et démographiques construites à travers les dernières étapes de la mondialisation, elles-mêmes trouvant leurs origines dans les colonisations européennes. 6 Comment interpréter alors la césure sahélo-guinéenne proposée par le programme ? Ne procède-t-elle pas, d’une manière plus ou moins consciente, d’un resserrement de la focale sur deux des obsessions européennes contemporaines : les flux migratoires et le Bulletin de l’association de géographes français, 95-2 | 2018 4 terrorisme ? Aurait-on choisi pareil découpage il y a dix ans ? La réponse est d’ailleurs non, puisqu’en 2003 c’était l’ensemble du continent africain qui avait été mis au programme. 7 Le numéro ici établi comporte, outre des déséquilibres géographiques précédemment évoqués, des déséquilibres thématiques. Plusieurs des aspects importants de l’étude de la région ne sont pas représentés – ce qui est normal car un numéro de revue ne saurait prétendre à l’exhaustivité. Il s’agit notamment des questions, majeures, des différences de niveau de développement économique et surtout humain entre les territoires ; de celles des politiques de développement, qui renvoient à l’importance de l’échelon national, qu’il serait maladroit de sous-estimer, voire d’escamoter, comme le souligne fort justement Alice Franck dans son étude sur la partition soudanaise ; ou bien encore des enjeux démographiques. D’un point de vue plus général en géographie des territoires, des thématiques telles que la diversité de l’espace régional, l’étude des espaces urbains et ruraux, ainsi que leurs relations, les dimensions liées au cadre physique stricto sensu (avec pour corollaire des thématiques comme celles de l’eau) sont bien sûr à prendre en considération. On pourra se référer au Bulletin de l’association de géographes français (BAGF) paru en 2010 [Pourtier 2010] portant sur les cinquante ans des indépendances africaines, qui fournit des synthèses utiles, par exemple sur les villes, la santé, les transports ou les dynamiques