Treizième Secousse
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Treizième ► Secousse Éditions Obsidiane SECOUSSE Revue de littérature Treizième secousse Juin 2014 Treizième ► Secousse Sommaire ► Directeur de la publication François Boddaert Conseil littéraire François Boddaert, Christine Bonduelle, Philippe Burin des Roziers, Jean-Claude Caër, Gérard Cartier, Pascal Commère, Pierre Drogi, Bruno Grégoire, Karim Haouadeg, Patrick Maury, Nimrod, Gérard Noiret, Anne Segal, Catherine Soullard, Vincent Wackenheim Responsables de rubrique Poésie Christine Bonduelle Proses Pascal Commère Lectures & entretiens Anne Segal Peinture Jean-Claude Caër Photographie Bruno Grégoire Théâtre Karim Haouadeg Cinéma Catherine Soullard Notes de lecture Patrick Maury Coordination Gérard Cartier Manifestations publiques Philippe Burin des Roziers Les textes sont à envoyer par courriel [email protected] Site de la revue http://www.revue-secousse.fr Sonothèque (lien actif) 2 Treizième ► Secousse Sommaire ► Sommaire Cliquer sur le titre pour l’atteindre Poésie Jean-Claude Caër ► Alaska 6 Bruno Germani ► Padre di famiglia in Arce (Italia) 9 Alain Lance ► Six Lance 13 Laura Marris ► Rançon 16 Angelo Maria Ripellino ► Nouvelles du déluge 20 Proses Gérard Cartier ► Du neutrino véloce ou Discours de la virgule 26 Emmanuel Moses ► Polonaise et autres textes 30 Jean-Pierre Otte ► Une reconquête poétique du monde 37 Essais Gérard Noiret ► « Voilà du biffin… » - Autres notes de chevet 41 Pierre Saint-Amand ► Paresse de Joubert 46 Aux dépens de la Compagnie Jean-Henri Fabre ► Souvenirs entomologiques 53 Carte Blanche Anthomologie ► Neuves mouches 56 Anthomologie ► Vieilles mouches 69 Pascal Commère ► P’tite mouche 80 Suzanne Doppelt ► L’herbe aux mouches 83 Jean-Marc Drouin ► Entretien avec Anne Segal et Gérard Cartier 85 Chantal Dupuy-Dunier ► Les mouches se cachent pour mourir 93 Muriel Friboulet ► Trois et plus 96 Vincent Gracy ► L’aile lissée 98 Catherine Soullard ► Faire mouche ? 101 La guillotine Philippe Burin des Roziers ► Église (im)mortelle ? 104 Zarbos Jean-Claude Caër ► Bill Viola, vidéaste mystique 108 Karim Haouadeg ► Portrait du poète en assassin 110 Jean-Marc Pillas ► Suite nocturne 114 Catherine Soullard ► Mother, there is a girl in France… 120 3 Treizième ► Secousse Sommaire ► Notes de lecture Serge Airoldi ► Adour - Histoire fleuve - par François Bordes 124 Michèle Audin ► Cent vingt et un jours - par Vincent Gracy 126 Patrick Beurard-Valdoye ► Gadjo-Migrandt - par Gérard Cartier 128 Y. Bonnefoy & G. Titus-Carmel ► Chemins ouvrants - par Fr. Bordes 130 Charles Dobzynski ► Ma mère, etc., roman - par Gérard Cartier 131 Guennadi Gor ► Blocus - par Patrick Maury 133 ► « Mais vous faites de si pitoyables méprises, à cause de ces mouches merveilleuses qui vous passent devant les yeux et bourdonnent à vos oreilles !... Vous voici de nouveau chez des pauvres gens à qui vous réclamez les droits de l'idéal. Sachez donc qu'il n'y a personne de solvable dans cette maison. » Henrik Ibsen (Le canard sauvage, Acte V) ► 4 Treizième ► Secousse Poésie 5 Treizième ► Secousse Jean-Claude Caër Alaska (extraits) De minces vaisseaux ont éclaté pendant que je dormais Il fait un sale temps et j’ai un œil ensanglanté. Un crachin qui colle aux vêtements. Un vent amer. Je pose devant le totem pole de Nathan Jackson. Il fait un sale temps Et j’ai un œil ensanglanté Le temps s’annonce très incertain Jusqu’à mon départ pour Sitka. Mais ce soir, par bonheur, je mangerai des fajitas d’ours Et je boirai un Chardonnay Bonterra. * Mercredi 4 septembre La météo à 12 jours n’annonce que de la pluie. Que vais-je faire de toute cette eau Qui va mouiller mes épaules, mon visage, mes cheveux, Qui va glisser dans les rivières, vers la mer, Vers les phoques, les otaries, les loutres de mer Et les multitudes de poissons qui frayent dans les eaux glacées ? La pluie tombée du ciel Qui nous rend toute chose étrange, intime. * Il pleut sur Juneau. Je prends quelques photos de mon amie Dee Longenbaugh Fumant une cigarette devant sa librairie The Observatory. Son nom de jeune fille est Montgomery, 6 Treizième ► Secousse Jean-Claude Caër ► Alaska « Comme le général », ajoute-t-elle. Elle doit avoir près de 90 ans. Elle me montre le livre du lieutenant Zagoskin Sur l’Amérique russe et la première carte de l’Alaska établie en 1844. Il pleut sur les totem poles de Juneau. Allongé sur mon lit, j’attends Jessica Glass. Le sèche-cheveux lumineux ressemble à un masque tlingit. Heureusement que je suis invité à manger des fajitas d’ours. J’écoute ton message. Tu te promènes en ce moment dans les jardins du musée Rodin Et je te fais rentrer dans mon poème. « C’est l’obscurité. Je suis près d’un très joli bassin éclairé par des spots. Pas mal d’arbustes, de fleurs et aussi des petits bosquets. Des voix qui murmurent, des soupirs. Il est 22 h 20. Il fait très doux. » * Ursus arctos middendorffi Je vois le glacier Mendenhall. Je sens sa fraîcheur. Les reflets bleutés sous la bande des nuages. Un aigle au sommet d’un pin semble posé là pour les touristes. Les saumons rouges (Sockeye) remontent la rivière. Pas d’ours à l’horizon. Un jeune porc-épic mange des feuilles Sur une branche qui se balance au vent. * À Juneau Poser devant l’église orthodoxe En bois d’un bleu céleste. Poser devant le totem pole De Nathan Jackson, Mon œil en sang. À l’Evergreen Cemetery, Je découvre la tombe des pionniers Juneau et Harris Deux prospecteurs d’or. Je m’incline devant la tombe de Chief Kowie, Tlingit du clan du Corbeau Mort en 1888. Je photographie Dylan, un petit homme Qui tond le gazon recouvrant les tombes. 7 Treizième ► Secousse Jean-Claude Caër ► Alaska Je m’arrête devant la sépulture d’un homonyme de Charles Olson, Charles Olson enterrés à Gloucester (Massachussetts) Et à Juneau (Alaska). * Ma solitude est immense ici au Rookery Cafe Bien que les serveuses soient jeunes et jolies. L’une d’entre elles porte un huipil mexicain blanc Laissant apparaître de petits seins. Autour de moi les gens assis devant leurs portables Prennent un cappuccino ou mangent de petits sandwichs au saumon, Se saluent, s’embrassent avec chaleur. Les hommes portent casquettes, bonnets Ou chapeaux larges à plumes. La pluie vient de commencer à tomber. Que vais-je faire pendant ces deux jours ? Prendre le téléphérique pour aller voir le Mount Robert ? Aller photographier les baleines sous la pluie ? Ce soir Jessica vient me chercher Pour dîner dans sa maison au bord de l’eau. Je vais manger l’ours avant de l’avoir vu. Jean-Claude Caër est né en 1952 à Plounévez Lochrist, dans le Nord-Finistère. Il fut longtemps correcteur au Journal officiel. Quoiqu’enraciné dans sa Bretagne natale, il est un poète du voyage et de la flânerie, toujours près des hommes et de leur vie. Derniers livres : Sépulture du souffle (Obsidiane 2005, Prix du Petit Gaillon) ; En route pour Haida Gwaii (Obsidiane, 2011). 8 Treizième ► Secousse Bruno Germani Padre di famiglia in Arce (Italia) Bientôt, après qu’on eut entraperçu le visage de son père Pâli dans le linceul, Il n’y a plus de journées une à une Mais des demi-années entières, été et hiver. Printemps et automne ont déserté avec lui. En perdant le père qu’on n’avait pas vraiment trouvé Les jours s’indiffèrent, Est-ce lundi ou mardi ? Peu importe, le temps fait ses affaires. Je suis dans n’importe quel jour, Je sais son nom mais je ne le retiens pas Car il ne me retient pas plus que ça. Les oies sauvages n’ont pas plus d’espace Que ce temps qui ne porte pas de nom. L’hiver elles passent au-dessus des fleuves du nord Et reviennent l’été par-dessus les fleuves, au sud. Les gens sont des oies qui jacassent Avec de magnifiques plumages. Le nom du temps est le temps, N’est pas lundi qui veut. Nous a-t-il pris notre temps ? On ne l’a pas senti, Mais quelque chose nous a échappé Parce que le monde qu’on trouve N’est pas identique à celui qu’on cherchait. Les visages brouillons, heureusement, Ne se souviennent pas de ce qu’ils cherchaient. Je n’ai jamais cherché mon père car il était là Sous son visage tout trouvé que je n’apercevais pas. Des bleus de travail lui étaient atours Avec un mètre pliant, un marteau, un fil de maçon. Je mesure le temps qu’on n’a plus. Je tape la mesure du temps qu’on n’a plus. Le lundi était en équilibre sur un fil Duquel il a versé Dans le fleuve avec des oies semblables à hier. 9 Treizième ► Secousse Bruno Germani ► Padre di famiglia in Arce... Les hommes se ressemblent. Lundi passé, aucun n’a plus visage qu’un autre Hors mon père qui a le visage absent d’un père. Nous prônions ensemble une révolution politique finale Qui n’est pas arrivée, Mais la révolution du temps nous a ramenés Et aussi délaissés, Quand même nous avons gouté ses heures Jusqu’à se brûler au soleil, Heureux sous les orages, le printemps et les jours. Je suis rassasié, J’ai vu mon père mourir Ramener ses proches au monde commun Auquel j’ai pu aspirer sottement. On y est, il ne va plus en finir car le temps le prend dans ses bras. Cœurs serrés, on y est, sur la terre mère que le temps ensemence. Il y a un cerisier dans le jardin sous lequel on s’allonge Admirer l’étendue du ciel Et la longue course rapide des nuages. Lundi déjà, on était les uns sur les autres, Les mains épatées et calleuses des pères passant tendrement Dans les chevelures d’enfants.