Le Musée Des Beaux-Arts De Lille
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LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE LILLE Hervé Oursel Conservateur en Chef LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE LILLE Ouvrage illustré de 295 reproductions édité avec le concours de la Ville de Lille et de la Direction des Musées de France Dessain et Tolra 10, rue Cassette, Paris 6 Couverture : Hubert Robert, Terrasse d'un palais à Rome (détail). © 1984 Dessain et Tolra, Paris. Dépôt légal : mars 1984. Imprimé en France par Maury Imprimeur S.A., 45330 MALESHERBES. ISBN 2-249-27664-1 Naissance et développement du Musée Considéré à juste titre comme l'un des plus collection de tableaux prélevés sur ceux du Louvre importants, sinon le premier des musées de province et de Versailles, en stipulant toutefois que « les en France par la richesse et la diversité de ses tableaux ne seront envoyés qu'après qu'il aura été collections — mais sur quels critères établir un disposé, aux frais de la commune, une galerie classement rigoureux et objectif, car comment convenable pour les recevoir ». Lille est du nombre. comparer vraiment des entités fondamentalement La municipalité se préoccupe donc de satisfaire aux différentes dans leur essence ? (ainsi, qui l'em- conditions requises et vote un crédit de 20 000 porte : Goya ou Sluter ?) — le Musée des Beaux- francs pour l'aménagement de l'ancienne église du Arts de Lille est aussi l'un des plus anciens. couvent des Récollets, dont elle souhaite pouvoir En effet, dès le 17 février 1792, le peintre Louis disposer à cette fin. Pourtant, ce n'est que le 15 Watteau, dit de Lille, le plus notable des artistes août 1809 que le musée y sera inauguré au premier locaux du XVIII siècle, propose aux administrateurs étage. Entre-temps, il a été installé provisoirement du District l'ouverture d'un musée « pour l'instruc- dans un local de cet établissement, au printemps tion du public », en choisissant parmi les tableaux 1803, non sans que l'on ait pris soin de placer saisis dans les églises. La réponse est conciliante : une balustrade en avant des tableaux « pour en « On doit encourager la peinture et favoriser le assurer la conservation ». Alors que, du temps de projet », mais ne prend aucun engagement puisque, Watteau, le public n'était admis que du 30 août seul, le Corps législatif peut adopter définitivement au 6 septembre à l'occasion du salon annuel, le celui-ci. Watteau ne se décourage pas et on le reste de l'année étant réservé aux élèves des cours voit déclarer le 9 décembre 1793 qu'il « a fait de dessin et de peinture, il peut désormais accéder transporter et déposer à l'École gratuite des Arts, aux collections toute l'année le jeudi et le dimanche, avec permission des citoyens administrateurs, cinq mais le but pédagogique n'est pas oublié puisque tableaux de l'église de la Magdeleine (réquisitionnée les autres jours sont destinés aux études. le 2 décembre pour le battage des grains) et vingt- trois autres pris au chapitre des ci-devant Récollets, Provenant des collections royales, des églises de provenant de diverses maisons et ci-devant ab- Paris ou de Belgique, des saisies effectuées chez bayes ». Ces oeuvres religieuses sont rassemblées les émigrés ou même de biens conquis par les dans le grand salon de l'Académie des Arts où armées révolutionnaires chez des princes étrangers étaient déjà présentés en permanence les morceaux — ainsi La Lecture du petit maître hollandais Michiel de réception des académiciens. Des accroissements Versteeg appartenant autrefois au Stadthouder de successifs au gré des circonstances (fermeture Hollande — les tableaux envoyés par l'État, au d'église, expulsion de couvent, saisies chez les nombre de quarante-six, appartiennent aux écoles émigrés, inventaire du dépôt des Récollets en 1795) française, flamande, hollandaise et italienne, attes- portent à une soixantaine le nombre des tableaux tant de la sorte une volonté encyclopédique de la ainsi réunis en 1797, quelques mois avant la mort part des auteurs du choix : Le Martyre de saint de Louis Watteau, qui mérite bien d'être considéré Georges de Véronèse (v. 15) et le Portrait d'un comme le créateur du musée, même si l'institution sénateur vénitien de Tintoret (fig. 29) y côtoient qu'il a fondée n'a jamais porté ce titre. Les Quatre Couronnés de Crayer et la Sainte Les choses en restent là jusqu'à l'arrêté du Madeleine en extase de Rubens (n° 14), ainsi que Premier Consul en date du 14 fructidor an IX La Nativité de Philippe de Champaigne (fig. 34) (1 septembre 1801), connu sous le nom de décret et La Fortune de Mignard (v. 69). Un lot de seize Chaptal, qui décide d'attribuer à quinze villes une tableaux du fonds lillois complète cet ensemble. A l'exception du Portrait du peintre Sauvage par Donvé, morceau de réception à l'Académie de Lille de ce peintre du pays, tous sont dus à des artistes flamands. On y trouve notamment Le Martyre de sainte Catherine (v. 26) et La Descente de Croix de Rubens (n° 13) ainsi que Le Christ en Croix (n° 15) et Le Miracle de la mule de Van Dyck (v. 29), sans oublier le Portrait d'un architecte (fig. 1), figure d'une vigueur saisissante qui a été attribuée successivement à Sébastien Bourdon, Louis Le Nain et même Vélasquez, mais qui semble bien être finalement du peintre liégeois Jean- Guillaume Carlier (1638-1675). Au cours des années suivantes, d'autres tableaux parmi ceux réunis jadis par Watteau ou entreposés au dépôt des Récollets viennent augmenter les collections, la section flamande surtout, si bien que l'on dénombre cent dix-sept œuvres en 1810 et cent quarante-neuf en 1814. Cependant, la vente, en 1813, des 354 tableaux se trouvant encore aux Récollets devait priver le musée d'une source importante d'enrichissement de ses collections. De plus, en 1816, plusieurs tableaux sont rendus ou cédés aux églises de la ville et des environs. La Fig. 1. Carlier, Portrait d'un architecte. situation se stabilise alors, d'autant que les moyens manquent pour acquérir de nouvelles œuvres. On peut noter toutefois l'achat en 1828 de La Proces- sion de Lille par François Watteau (au Musée de l'Hospice Comtesse aujourd'hui) et, en 1837, celui de l' Étude de vaches par Jordaens (fig. 9), l'une des œuvres célèbres du musée, de beaucoup supérieure aux cinq autres peintures, presque toutes italiennes, acquises la même année. Pour timide qu'elle soit, cette politique n'en contribue pas moins à l'accroissement des collections, parallèlement à la dizaine de tableaux d'artistes contemporains donnés par l'État au cours de cette période et aux quelques dons provenant de la générosité privée. La fortune du musée fut alors assurée par la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille fondée en 1802. C'est elle, en effet, qui crée en 1824 le musée d'archéologie et Le renvoi aux illustrations se fait de la manière suivante : de numismatique qui va regrouper la sculpture pl. indique qu'il s'agit d'une planche en couleur dans la première partie de l'ouvrage ; médiévale, les objets d'art, la céramique, avant fig. d'une reproduction en noir et blanc dans le texte de la que celle-ci ne devienne une section indépendante même partie ; en 1869 en raison de l'importance des collections n° d'une œuvre reproduite en couleur et commentée dans la seconde partie ; rassemblées, et, bien sûr, les monnaies et les v. d'une vignette en fin de volume. médailles, dont le nombre augmente rapidement grâce à des achats réguliers et à des dons fréquents, qui enrichissent substantiellement cette section. Par parmi lesquels on remarquera ceux de Charles X sa richesse et la qualité de certains objets comme et de Louis-Philippe, si bien que Charles Verly le Vase en ivoire africain (fig. 2), elle compte dénombre plus de quatre mille pièces grecques, aujourd'hui parmi les plus importantes qui soient romaines, médiévales et modernes lorsqu'il en en la matière. dresse le catalogue en 1860. Plus fondamental encore devait être le legs que A cette époque, le musée est dirigé par Edouard lui consent, en 1834, le chevalier Wicar de sa Reynart, homme de grande envergure, qui préside prestigieuse collection composée de plusieurs centai- à ses destinées de 1841 à 1879. C'est la période nes de dessins, italiens à de rares exceptions près, la plus brillante de son histoire et celle où il de quelques reliefs dont celui, célèbre, du Festin acquiert l'importance qui assure son prestige et d'Hérode par Donatello (n° 4) et du buste de jeune son rayonnement aujourd'hui encore. D'abord ad- fille connu sous le nom de La Tête de cire et qui joint de son oncle Bonnier de Layens, en fonction fut l'une des vedettes du musée jusqu'en 1914. depuis 1829, Reynart pourrait bien avoir joué Né à Lille, ancien élève de David, fixé à Rome tout de suite un rôle important et il n'est pas après avoir fait partie de la commission chargée déraisonnable de penser qu'il est à l'origine de de choisir les oeuvres d'art prélevées en Italie pour l'achat par l'État, pour le Musée de Lille, de la le Louvre à la suite des conquêtes françaises, ce Médée furieuse de Delacroix en 1838 (n° 39). En peintre mécène avait été très flatté de son élection, tout cas, sous son administration, les collections quelques années plus tôt, en qualité de membre de peinture vont augmenter dans des proportions correspondant de la Société des Sciences. Celle-ci considérables : alors que le catalogue de 1841 doit céder aussitôt à la ville la nue-propriété de la énumère cent quatre-vingt-huit tableaux, celui de collection, mais elle en garde l'usufruit qu'elle 1875 en étudie sept cent quinze, avant que abandonnera finalement en 1865.