L’éperon barré de Château Blanc à Plumelec ()

Arrêté d’autorisation n° 2014-300

Rapport de sondage archéologique

Yann DUFAY-GAREL

Centre d’Etudes et de Recherches Archéologiques du Morbihan Service régional de l’archéologie de Bretagne Novembre 2014

é r a m C Centre d'Etudes et de Recherches Archéologiques du Morbihan

L’éperon barré de Château Blanc à Plumelec (Morbihan)

Entité archéologique n° 56 172 0012

Arrêté d’autorisation n° 2014-300

Rapport de sondage archéologique

Yann Dufay-Garel

Centre d’Etudes et de Recherches Archéologiques du Morbihan Service régional de l’archéologie de Bretagne Novembre 2014 1

Sommaire

Fiche signalétique ...... 3 Copie de l’arrêté ...... 4 1. Cadres de l’opération ...... 6 1.1. Cadre administratif ...... 6 1.2. Cadres géographique et géologique ...... 8 1.3. Etat des connaissances avant l’opération...... 10 1.3.1. Historiques des recherches ...... 10 1.3.2. La fortification de barrage ...... 12 1.3.3. La fortification de contour ...... 17 1.4. Nature et déroulement de l’opération ...... 18 2. Résultats ...... 21 2.1. Le sondage 1 ...... 21 2.1.1. La coupe 1 ...... 21 2.1.2. La coupe 2 ...... 24 2.2. Le sondage 2 ...... 25 2.2.1. La coupe 3 ...... 25 3. Conclusions ...... 27 Bibliographie...... 30 Table des figures ...... 32

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Fiche signalétique

Identité du site

Région : Bretagne Département : Morbihan (56) Commune : Plumelec N° INSEE : 56 172 Lieu-dit ou adresse : Château Blanc Cadastre (1977) : section YR – parcelles 109d et 109e Coordonnées Lambert II étendu : X : 226.963 ; Y : 2324.658 ; Z : 60 m Propriétaire du terrain : M. Daniel Gabillet

Opération archéologique

Nature de l’opération : sondage archéologique Arrêté d’autorisation : 2014-300 en date du 7 octobre 2014 Responsable de l’opération : Yann DUFAY-GAREL Organisme de rattachement : CERAM – Centre d’Etudes et de Recherches Archéologiques du Morbihan – association loi de 1901 créée en 1977 Raison de l’intervention : construction d’une stabulation Surface décapée : 1444 m² Dates d’intervention sur le terrain : du 11 au 13 octobre 2014

Résultats

Chronologie : Indéterminée Vestiges immobiliers : fossé, talus Vestiges mobiliers : - Lieu de dépôt du mobilier archéologique : -

Références bibliographiques du rapport

Année : 2014 Auteur(s) : Yann DUFAY-GAREL Titre : L’éperon barré de Château Blanc, à Plumelec (Morbihan), rapport de sondage archéologique Nombre de volume(s) : 1 ; Nombre de pages : 33 ; Nombre de figures : 21

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Copie de l’arrêté

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1. Cadres de l’opération

1.1. Cadre administratif

L’éperon barré de Château Blanc se situe sur la commune de Plumelec (n° INSEE : 56172) (fig. 1). Il est implanté sur les parcelles 109d et 109e de la section YR et sur la parcelle 18 de la section YH. Les sondages archéologiques n’ont affecté que les parcelles 109d et 109e (fig. 2).

Figure 1 : Localisation géographique de l’entité archéologique concernée par l’opération de sondages (DAO : Y. Dufay-Garel ; fond de carte : IGN, Géoportail)

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Le site de Château Blanc est enregistré dans la base PATRIARCHE sous le numéro d’EA 56 172 0012 (coordonnées Lambert II étendu : X = 226.963 Y= 2324.658).

Figure 2 : Localisation des sondages sur fond cadastral de la commune de Plumelec (DAO : Y. Dufay- Garel ; d’après cadastre.gouv.fr).

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1.2. Cadres géographique et géologique

Le site se situe à 2,5 km au sud du bourg de Plumelec, à proximité immédiate de l’exploitation agricole de Château Blanc (fig. 1).

Localisé au fond de la vallée de la Claie (fig. 3), le site est au contact de deux domaines structuraux hercyniens : au nord de la vallée, le domaine médio-armoricain, alternance de roches métamorphiques et magmatiques (massif leucogranitique de -La Villeder) ; au sud, le domaine sud-armoricain et plus particulièrement la « zone broyée » (schistes et granites), qui caractérise les Landes de Lanvaux (fig. 4)1.

Le site est implanté sur un éperon de schistes et d’arkoses, aux pentes abruptes au nord, à l’est et à l’ouest. L’éminence est délimitée, à l’est et à l’ouest, par deux ruisseaux dont le lit chemine au sein de vallons assez encaissés. Au nord, le site surplombe la Claie de 20 à 25 m, dans laquelle se jettent les deux ruisseaux. Le côté sud du site ne profite d’aucun élément remarquable du relief et n’est pas protégé naturellement, contrairement aux côtés est, ouest et nord. Le sommet de l’éperon décline légèrement du sud vers le nord, passant de 70 m à 50 m NGF. Depuis le point le plus haut, le site dispose d’une vue dégagée sur la partie ouest de la vallée de la Claie.

Figure 3 : Situation topographique de l’éperon barré de Château Blanc (DAO : Y. Dufay-Garel, d’après la carte IGN au 1/25000e).

1 COGNE, 1985, p. 9-11. 8

Figure 4 : Contexte géologique de l’éperon barré de Château Blanc (DAO : Y. Dufay-Garel, d’après la Carte géologique harmonisée du Morbihan, BRGM, 2009).

Figure 5 : Photographie satellitaire actuelle de l’éperon barré de Château Blanc (DAO : Y. Dufay- Garel ; survol IGN de 2009, Géoportail).

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Régulièrement cultivé jusqu’aux années 1970, le site est aujourd’hui laissé en praire (fig. 5 et 6). L’extrémité nord de l’éperon a été complètement déboisée à la fin des années 1950 ou au début des années 1960, au moment du remembrement. Aujourd’hui, seules les pentes de l’éperon, qui abritent les fortifications, sont préservées en sous-bois.

Figure 6 : Photographie aérienne ancienne de l’éperon barré de Château Blanc (DAO : Y. Dufay-Garel ; survol IGN de 1948, Géoportail).

1.3. Etat des connaissances avant l’opération

1.3.1. Historiques des recherches

L’abbé Mahé est le premier à mentionner le site de Château Blanc, en 18252. Il identifie la présence d’une imposante fortification de plan trapézoïdal. Les dimensions du rempart que donne l’auteur sont fortement exagérées. Selon lui, le dénivelé du rempart, entre le fond du fossé et le sommet du talus, atteindrait à certains endroits entre 8 et 9,6 m (« de 25 à 30 pieds »). L’emprise du site, remarquablement juste, est estimée à 2,73 ha. Dans son inventaire de 1847, F.-M. Cayot-Délandre propose également une description du site, alors identifié à un camp romain, sans apporter de nouveaux éléments3.

2 MAHE, 1825, p. 183-184. 3 CAYOT-DELANDRE, 1847, p. 369-370. 10

En 1938, R.E.M. Wheeler visite le site pour l’intégrer dans son ouvrage de synthèse4. La description qu’il en donne reprend celles de l’abbé Mahé et de F.-M. Cayot-Délandre, tout en précisant la morphologie du système défensif. L’auteur mentionne, en outre, la présence d’une contrescarpe monumentale, à l’est du site. Il semble qu’il faille interpréter l’étrange appendice figuré sur son plan de 1938 comme la représentation de cette contrescarpe (fig. 7). Le plan qu’il dresse, schématique et sans courbe de niveau, a induit en erreur les chercheurs suivants, qui y ont vu une enceinte de contour5 ou une enceinte quadrangulaire6.

Figure 7 : Plan et profil de l’éperon barré de Château Blanc, d’après les carnets de notes de R.E.M. Wheeler (WHEELER, 1938 ; HERVE, 1989, p. 148).

Jusqu’en 2013, aucune recherche de terrain n’avait été menée sur ce site depuis la visite de R.E.M. Wheeler. Dans le cadre de la prospection-inventaire du C.E.R.A.M. (Centre d’Etudes et de Recherches Archéologiques du Morbihan), des observations de terrain et des profils topographiques de la fortification ont été réalisés (fig. 9 à 11)7. Un plan du site a pu être dressé à partir des données de la prospection (fig. 8). Les parcelles à l’intérieur du site n’étant pas labourées, il n’a pas été possible de recueillir de mobilier.

4 WHEELER, 1938 ; WHEELER, RICHARDSON, 1957, p. 145-146. 5 BUCHSENSCHUTZ, 1984, fig. 51, p. 106. 6 MAGUER, 1995, fig. 5, p. 16. 7 DARE, DUFAY-GAREL, 2014. 11

Figure 8 : Plan de l’éperon barré de Château Blanc avant l’opération de sondage (DAO : Y. Dufay- Garel, d’après DARE, DUFAY-GAREL, 2014).

1.3.2. La fortification de barrage

Le côté sud du site, non défendu par les reliefs naturels est protégé par un vallum simple (fossé-talus), barrant l’éperon d’est en ouest de façon quasi-rectiligne (fig. 8). Il n’est conservé que sur 35 m de longueur, à son extrémité ouest. Le reste de la fortification a été détruit à la fin des années 1950 ou au début des années 19608. Le tracé d’origine, long d’environ 200 m, est restituable avec certitude grâce à l’analyse du cadastre napoléonien et des photographies aériennes anciennes (fig. 3, fig. 6). Au niveau de sa partie conservée, le talus est très affaissé et le fossé fortement comblé. Encore aujourd’hui, le sommet du talus est constamment détérioré par le bétail en pâture à l’intérieur de l’éperon. Le dénivelé de la fortification est d’environ 4 m (profil n°1, fig. 9). Le talus, à l’intérieur de l’enceinte, s’élève à 2 m pour une emprise au sol de 5,5 m environ. Le fossé, quant à lui, est large de 5 m. Aucune contrescarpe n’est visible en avant du fossé. Cependant, les aménagements liés à l’exploitation agricole, qui s’étendent jusqu’au bord du fossé, ont pu l’araser complètement.

8 ANDRE, 1963. 12

Figure 9 : Profils n°1 et 2, réalisés au niveau du rempart de barrage et de contour de l’enceinte de Château Blanc, à Plumelec (clichés et DAO : Yann Dufay-Garel, d’après DARE, DUFAY-GAREL, 2014).

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Figure 10 : Profils n°3 et 4, réalisés au niveau du rempart de contour de l’enceinte de Château Blanc, à Plumelec (clichés et DAO : Yann Dufay-Garel, d’après DARE, DUFAY-GAREL, 2014).

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Figure 11 : Profil n°5, réalisé au niveau du rempart de contour de l’enceinte de Château Blanc, à Plumelec (clichés et DAO : Yann Dufay-Garel, d’après DARE, DUFAY-GAREL, 2014).

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Figure 12 : Emprise de l’éperon barré de Château Blanc sur le cadastre « napoléonien » et microtoponymes évocateurs (DAO : Y. Dufay-Garel, d’après le cadastre de Plumelec, 1827, section R1, archives départementales du Morbihan, cote : 3 P 218/24).

L’ampleur du rempart semble augmenter en allant vers l’est, c’est-à-dire vers le point le plus haut du site mais aussi le moins protégé naturellement. C’est à cet emplacement qu’existait une interruption dans le talus, au milieu du rempart de barrage. Visible anciennement (fig. 6 et 12), elle était le seul accès au site depuis le sud avant l’arasement du rempart (information orale Mr. Gabillet9). Il est très probable qu’il s’agisse de l’accès principal à l’enceinte.

Quelques indices suggèrent la présence d’un autre rempart de barrage (non figuré sur le plan), plus modeste, à l’avant de l’éperon. Il pourrait enserrer une surface d’un demi-hectare. En effet, une parcelle, boisée pendant très longtemps (fig. 6), était limitée au sud par un talus isocline au rempart de barrage (information orale Mr. Gabillet). Le cadastre napoléonien en garde la trace sous la forme d’une limite parcellaire (fig. 12). Cette hypothèse ne peut en aucun cas être confirmée puisque le sous-bois a été défriché et le talus arasé. On ne peut donc pas déterminer s’il s’agissait d’un simple talus de champs ou du reste d’un second rempart de barrage.

9 Propriétaire de l’exploitation agricole de Château Blanc. 16

1.3.3. La fortification de contour

La fortification de barrage rejoint, sans interruption, la fortification de contour qui ceinture tout l’éperon au niveau de la rupture de pente (fig. 8). Elle amplifie de manière significative l’escarpement naturel de l’éperon.

A l’ouest, les profils n°2 et 5 sont sensiblement identiques (fig. 9 et 11). Ils montrent l’opportunisme et l’économie de moyens mis en œuvre dans la construction du rempart. Le système défensif se résume ici au décaissement des flancs de l’éperon. La pierraille extraite est rejetée en amont, au niveau de la rupture de pente et constitue un talus dont la hauteur ne dépasse pas le mètre et, la largeur, 3 m. A certains endroits, le substrat schisteux apparaît taillé au droit dans le flanc de l’éperon. Le fossé creusé est, en moyenne, large de 4 à 5 m à l’ouverture. De cette façon, et avec un minimum d’effort, le dénivelé créé artificiellement atteint environ 5 m. Celui-ci se prolonge ensuite en aval avec la pente naturelle du terrain, sans nécessiter de contrescarpe.

A l’est, les deux profils (n°3 et 4, fig. 10) diffèrent sensiblement et dénotent une adaptation différente de la fortification au relief naturel. Le profil n°4 montre une mise en œuvre et des dimensions exactement identiques à celle décrite pour les profils n°2 et 5, sur le flanc ouest de l’éperon. Le profil n°3, quant à lui, présente une imposante contrescarpe (6 m de largeur ; 2,5 m de hauteur) et un dénivelé plus important qu’ailleurs (plus de 6 m). Le talus interne n’est, par contre, pas plus imposant que sur le reste du tracé du rempart. Ces caractéristiques se retrouvent sur environ 90 m au nord-est de l’éperon, là où la pente naturelle du terrain est plus faible. Le choix a donc été fait, par les constructeurs, de mettre davantage de moyens dans le système défensif au niveau d’une partie du site moins bien défendue naturellement.

Une entrée est aménagée dans l’angle nord-est du site, à travers le rempart de contour. Il s’agit, selon l’abbé Mahé10, d’un accès ancien où aboutit un chemin visible sur le cadastre napoléonien (fig. 12). L’accès a récemment été élargi par les engins agricoles et déterminer son ancienneté est à présent impossible. L’interruption de fossé pourrait cependant permettre à l’enceinte l’accès à la rivière et à un possible gué11.

10 MAHE, 1825, p. 183-184. 11 WHEELER, RICHARDSON, 1957, p. 145-146 ; HERVE, 1989, p. 147. 17

1.4. Nature et déroulement de l’opération

La demande de sondages archéologiques a été effectuée à la suite de terrassements importants survenus immédiatement au nord des bâtiments de l’exploitation agricole de Château Blanc. L’objectif de ces terrassements était la construction d’une stabulation et l’assainissement de la cour de la ferme. Ainsi, la raison d’être de l’intervention archéologique ne réside pas dans la mise en œuvre d’un projet scientifique défini mais dans la volonté de consigner, devant une situation d’urgence, les informations archéologiques révélées par l’aménagement.

Cette situation a engendré plusieurs contraintes :

- La durée d’intervention a été très courte, du 11 au 13 octobre 2014, notamment en raison de la fragilité des relations avec le propriétaire du terrain. La qualité et la quantité des informations archéologiques auraient pu être meilleures le cas contraire12.

- L’intervention archéologique n’a concerné que l’emprise des terrassements préalablement effectués par l’aménageur (fig. 13) : un vaste décapage de 1400 m² (56 m sur 25 m), majoritairement situé à l’extérieur de l’enceinte (sondage 2 ; fig. 14 et 15) ; un petit sondage de 44 m² (8 m sur 5,5 m) engendré par la réalisation d’une brèche dans le talus conservé du rempart de barrage (sondage 1 ; fig. 16).

- En l’absence de moyens mécaniques et devant l’urgence de la situation, l’intervention a été limitée à la réalisation des relevés des structures qui apparaissaient dans les coupes du terrassement. Aucune fouille archéologique stricto sensu n’a été pratiquée.

Au niveau du sondage 1, l’opération archéologique a consisté à redresser et à relever les deux coupes du talus sectionné par la brèche (coupes 1 et 2).

Au niveau du sondage 2, la coupe du fossé de barrage a été relevée (coupe 3), dans l’angle sud-est du terrassement. Aucune structure n’a été détectée en plan ailleurs dans le sondage. La profondeur du décapage, parfois sur près d’1,5 m, a détruit les éventuelles structures. Le fossé de barrage, bien que compris dans l’emprise du terrassement, n’était pas visible en plan en raison de la médiocrité du décapage effectué.

12 Ainsi, en raison du manque de temps disponible, le raccordement des altitudes relevées au nivellement NGF n’a pas été effectué. 18

Figure 13 : Localisation des sondages et des coupes relevées (DAO : Y. Dufay-Garel).

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Figure 14 : Vue du terrassement (sondage 2) depuis le nord-ouest (cliché : Y. Dufay-Garel).

Figure 15 : Vue de l’extrémité est du talus du rempart de barrage, impacté par le terrassement (cliché : Y. Dufay-Garel).

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Figure 16 : Vue de la brèche effectuée dans le talus du rempart de barrage (sondage 1), depuis le nord (cliché : Y. Dufay-Garel).

2. Résultats

2.1. Le sondage 1

Le sondage 1 a permis d’étudier de manière partielle la structure du système défensif du rempart de barrage. En effet, seul le talus a été affecté par la brèche contemporaine ; le fossé attenant n’a donc pas été étudié.

2.1.1. La coupe 1 (fig. 17)

Au niveau de la coupe 1, le talus est relativement bien conservé sur une hauteur de 2,25 m depuis sa base (sommet du paléosol US. 14) pour une emprise au sol connue de 6,9 m. Le talus est constitué par une accumulation de matériaux extraits lors du creusement du fossé attenant, au sud-ouest. Ceux-ci ont été directement rejetés sur le paléosol (US. 14), une couche de limon organique brun foncé, assez plane, dont l’épaisseur stratigraphique atteint au moins 0,45 m. Le creusement US. 16, qui impacte le paléosol immédiatement après la base du talus, constitue probablement l’ouverture du fossé.

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L’ensemble des couches du talus présentent la même composition, faite de plaquettes et de petits blocs de schiste mélangés à un limon brun clair. La proportion de tel ou tel composant et la compacité de la matrice limoneuse distingue cependant trois types de couches :

- les couches constituées quasi-exclusivement de petites plaquettes de schiste (4 cm par 2 cm, en moyenne), liées par un limon compact : US. 02, 03, 04, 07, 11, 13, 15. Certaines couches (US. 07 et 11) présentent tout de même de rares petits blocs de schiste (< 10 cm). Une seule couche (US. 15) se distingue légèrement des autres de par la faible compacité de sa matrice. Il s’agit probablement d’une couche d’éboulement, à la base nord-est du talus.

- les couches constituées d’autant de plaquettes que de petits blocs de schiste, liés par un limon assez meuble : US. 05, 08, 10, 12.

- les couches constituées presque exclusivement de blocs de schiste (10 cm de moyenne), liés par une faible quantité de limon très meuble : US. 06 et 09.

La stratigraphie relevée atteste d’une mise en œuvre simultanée de l’ensemble des couches du talus. Un seul état de construction a été identifié. A cet emplacement, le talus ne présente aucune trace de réfection ou de surélévation.

Une technique de construction en deux temps a néanmoins été mise en évidence, correspondant à deux ensembles de couches. Dans un premier temps, les matériaux extraits du fossé ont été rejetés sur le paléosol, depuis le bord du fossé, au sud-ouest (US. 13), jusqu’à la base nord-est du talus (US. 06). L’élévation atteinte n’est alors pas importante (environ 1 m au sommet de l’US. 11). Le pendage général des couches, vers le nord-est, est fort, particulièrement pour les US. 08, 09 et 10. Il semble que l’objectif de cette technique ait été la création d’une base de talus stable, qui compense la pente naturelle du terrain vers le sud-ouest. Cette base de talus, en légère pente vers le nord-est, permet, dans un second temps, d’asseoir la partie supérieure de l’élévation (US. 02, 03, 04) et d’en limiter les éboulements. Les US supérieures sont homogènes du point de vue de leur composition (plaquettes de schiste et limon compact) et ne présentent pas de pendage dominant. Les matériaux qui les constituent ont été entassés à partir du centre de la base de talus précédemment créée, jusqu’à atteindre l’élévation souhaitée.

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Figure 17 : Cliché et relevé de la coupe 1 (cliché et DAO : Y. Dufay-Garel).

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2.1.2. La coupe 2 (fig. 18)

Immédiatement avant l’angle que forme le rempart pour ceinturer le flanc ouest de l’éperon, le talus de barrage diminue nettement en ampleur. Au niveau de la coupe 2, la base du talus n’a, en outre, pas été atteint par le terrassement. Ainsi, les dimensions connues du talus sont plus réduites qu’à l’emplacement de la coupe 1. La hauteur maximale connue du talus atteint 1,88 m, pour une emprise au sol de 4,5 m (5,75 m avec les couches d’éboulements de part et d’autre).

La constitution interne du talus présente des similitudes avec la coupe 1 mais s’en distingue par certains aspects. On retrouve, à la base de la coupe 2, comme au niveau de la coupe 1, des couches constituées de plaquettes de schiste liées par un limon clair très compact (US. 21, 22 et 23). Elles forment une base de talus à la surface plane et régulière (sommet de l’US. 21) mais assez fortement inclinée vers le nord-est.

Les couches constituant l’élévation du talus (US. 18, 19 et 20) viennent ensuite s’appuyer contre cette base. Les US. 18 et 20 se distinguent des autres couches par la présence massive de gros blocs de schiste parfois longs de 50 cm et épais de 10 cm. L’US. 18 pose question et mérite de s’y attarder. Elle est constituée presque exclusivement de gros blocs rectangulaires superposés assez grossièrement. Les alignements de pierres aux extrémités sud-ouest et nord-est de la couche pourraient faire penser à l’existence d’un parement interne et externe. Sans être catégorique, nous ne pensons pas qu’il faille les interpréter comme tel. Au niveau de la jonction entre le rempart de barrage et de contour, le substrat est diaclasé et se débite en gros blocs13. La constitution interne du talus reflète ainsi la nature du substrat environnant et donc des matériaux à disposition. La présence d’alignements ou de superpositions semble donc opportuniste et ponctuelle. Il ne s’agit en aucun cas de parements construits à visée ostentatoire. On ne retrouve, en effet, aucune trace de parement sur la coupe 1, pourtant distante de 5,5 m.

Enfin, une dernière couche en place, l’US. 17, vient recouvrir les blocs de l’US. 18 et forme le sommet du talus. Ce dernier est très érodé et a vraisemblablement pâti de l’assise étroite que fournissent les blocs de l’US. 18. C’est en tout cas ce que laisse penser les différentes couches d’éboulement localisées de part et d’autre du talus (US. 24, 25 et 26), qui représentent un volume de matériaux considérable. Ces couches sont très meubles et présentent un fort pendage, caractéristiques des couches d’éboulement.

13 Observations de terrain lors des prospections pédestres de l’hiver 2013. Dans la pente ouest de l’éperon, sur le bord du fossé, le substrat diaclasé est à nu, DARE, DUFAY-GAREL, 2014. 24

Figure 18 : Cliché et relevé de la coupe 2 (cliché et DAO : Y. Dufay-Garel).

2.2. Le sondage 2

2.2.1. La coupe 3 (fig. 19)

Le fossé de barrage traverse le sondage 2 de part en part (fig. 13). L’angle sud-est du sondage est localisé au niveau du fossé. Une coupe très partielle de son comblement supérieur a pu être relevée à cet emplacement, sur environ 1,5 m de hauteur. Précisons que la coupe n’est pas perpendiculaire à l’axe du fossé mais est légèrement de biais. La largeur du fossé, sa profondeur et son profil ne nous sont connus. Le fossé US. 34 est creusé dans le substrat diaclasé (US. 33), qui devient fortement altéré (US. 32) environ 0,50 m sous le niveau de décapage. Au niveau de son ouverture, le bord du

25 fossé présente un profil très évasé. Environ 0,30 m sous le niveau de décapage, la pente s’accentue pour atteindre environ 50°. Le comblement supérieur du fossé (US. 27), constitué d’un remblai de blocs de schiste et de limon brun compact, est à rapprocher de l’arasement du talus attenant, à la fin des années 1950 ou au début des années 1960. La fine couche de limon organique (US. 28) située sous la couche de remblai matérialise le niveau de comblement du fossé avant son remblaiement intégral. Sous ce niveau, trois couches de limon ont été identifiées (US. 29, 30 et 31). Elles résultent probablement du comblement du fossé postérieurement à son abandon. L’US. 31 pourrait toutefois constituer un niveau d’effondrement de la paroi nord-ouest.

Figure 19 : Cliché et relevé de la coupe 3 (cliché et DAO : Y. Dufay-Garel).

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3. Conclusions

L’opération de sondages archéologiques de Château Blanc est intervenue à la suite de terrassements impactant une partie des fortifications encore conservées de l’enceinte. L’objectif était de consigner l’information archéologique mise au jour et non de répondre à des problématiques scientifiques définies en amont. Les contraintes engendrées par cette situation justifient les limites de l’opération, tant sur le plan quantitatif que qualitatif : implantation insatisfaisante et mauvaise orientation de la coupe 3 ; base du talus non atteint au niveau des coupes 1 et 2…

L’opération de sondages a tout de même permis d’apporter des éléments nouveaux qui améliorent la compréhension du système de défense de l’éperon. Le rempart de barrage s’apparente à un talus massif, constitué des matériaux extraits lors du creusement du fossé. Le talus semble être construit en deux temps : d’abord, une base stable est créée, servant à compenser la pente naturelle du terrain et à soutenir la partie supérieure du talus, élevée dans un second temps. Les stratigraphies obtenues au niveau du sondage 1 (coupes 1 et 2), différentes dans leur partie supérieure, démontrent l’opportunisme et l’adaptation des moyens mis en œuvre dans la construction du rempart de barrage, face à la nature vraisemblablement changeante du substrat. Le fossé attenant au talus n’a que très peu été étudié. La coupe 3 n’apporte pas d’informations utiles à sa compréhension. Des profils de la fortification, précédemment relevés, ont été raccordés aux coupes 1 et 2 (fig. 20) et permettent d’apporter des données complémentaires concernant le fossé. Sa largeur atteint 5 m, pour une profondeur, au niveau de la coupe 1, de 1,9 m depuis la base du talus (paléosol US. 14). Aucun mobilier n’a été recueilli, tant en prospection pédestre14 que lors de l’opération de sondages. Seules quelques haches polies trouvées fortuitement par le propriétaire attestent d’une occupation néolithique sur la pointe de l’éperon15. On rapporte également que de la « poterie jaune », sans plus de précision, aurait été trouvée lors de l’arasement du rempart de barrage, à la fin des années 1950 ou au début des années 196016. La datation de l’enceinte n’est donc pas connue de manière formelle même si une attribution à l’âge du Fer est généralement proposée dans la littérature archéologique17.

Le site de Château Blanc correspond au type d’enceinte - l’éperon barré - le plus représenté dans l’ouest de la , chez les Vénètes18 et les Osismes19, par exemple, mais également à l’échelle de la France entière20. Il s’en distingue cependant par quelques traits morphologiques particuliers. Chez les Vénètes, les éperons barrés sont en majorité établis sur des promontoires de méandre ou à la confluence de rivières importantes21. Rares sont les sites,

14 DARE, DUFAY-GAREL, 2014 15 La mise en évidence d’occupations successives est fréquente sur les promontoires de l’intérieur des terres (La Rochette, , par exemple ; TINEVEZ et al., 2011) ou du littoral (Beg-en-Aud, Saint-Pierre-, par exemple ; GALLIOU et al, 2009, p. 312). 16 ANDRE, 1963. 17 WHEELER, RICHARDSON, 1957, p. 145-146 ; MAGUER, 1995, p. 45 ; NAAS, 1999, p. 84. 18 NAAS, 1999, p. 79. 19 MAGUER, 1996, p. 106. 20 BUCHSENSCHUTZ, 1984, p. 213. 21 NAAS, 1999, p. 79-80. 27

Figure 20 : Coupes-profils du rempart de barrage, réalisées au niveau du sondage 1 (DAO : Y. Dufay- Garel).

28 comme celui de Château Blanc, qui ne profitent pas directement de ces situations. On peut citer, par exemple, l’éperon de Guernevé, à Saint-Avé (Morbihan).

De même, la présence d’un rempart de contour, en plus du dispositif de barrage, n’est pas commune sur ce type d’enceinte. Il s’agit d’une caractéristique qui se retrouve essentiellement sur des sites de La Tène finale22. Chez les Osismes, seuls deux éperons en sont clairement munis : le site de Kergastel, à Clohars-Carnoët et celui de Castel-Penledan, à Ploudaniel, dont la fouille a révélé une occupation à La Tène moyenne ou finale (fig. 21)23.

Figure 21 : Comparaison des éperons barrés de Château Blanc, de Kergastel et de Castel-Penledan (d’après MAGUER, 1996, fig. 2 et 3, p. 105 et 106).

22 BUCHSENSCHUTZ, 1984, p. 213 ; FICHTL, 2005, p. 66-67. Cet argument n’est cependant pas suffisant pour, à lui seul, proposer une datation du site à La Tène finale. 23 MAGUER, 1996, p. 105-106. 29

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Table des figures

Figure 1 : Localisation géographique de l’entité archéologique concernée par l’opération de sondages ...... 6 Figure 2 : Localisation des sondages sur fond cadastral de la commune de Plumelec...... 7 Figure 3 : Situation topographique de l’éperon barré de Château Blanc...... 8 Figure 4 : Contexte géologique de l’éperon barré de Château Blanc...... 9 Figure 5 : Photographie satellitaire actuelle de l’éperon barré de Château Blanc...... 9 Figure 6 : Photographie aérienne ancienne de l’éperon barré de Château Blanc...... 10 Figure 7 : Plan et profil de l’éperon barré de Château Blanc, d’après les carnets de notes de R.E.M. Wheeler ...... 11 Figure 8 : Plan de l’éperon barré de Château Blanc...... 12 Figure 9 : Profils n°1 et 2, réalisés au niveau du rempart de barrage et de contour de l’enceinte de Château Blanc, à Plumelec ...... 13 Figure 10 : Profils n°3 et 4, réalisés au niveau du rempart de contour de l’enceinte de Château Blanc, à Plumelec...... 14 Figure 11 : Profil n°5, réalisé au niveau du rempart de contour de l’enceinte de Château Blanc, à Plumelec...... 15 Figure 12 : Emprise de l’éperon barré de Château Blanc sur le cadastre « napoléonien » et microtoponymes évocateurs...... 16 Figure 13 : Localisation des sondages et des coupes relevées...... 19 Figure 14 : Vue du terrassement (sondage 2) depuis le nord-ouest ...... 20 Figure 15 : Vue de l’extrémité est du talus du rempart de barrage, impacté par le terrassement 20 Figure 16 : Vue de la brèche effectuée dans le talus du rempart de barrage (sondage 1), depuis le nord...... 21 Figure 17 : Cliché et relevé de la coupe 1 ...... 23 Figure 18 : Cliché et relevé de la coupe 2 ...... 25 Figure 19 : Cliché et relevé de la coupe 3 ...... 26 Figure 20 : Coupes-profils du rempart de barrage, réalisées au niveau du sondage 1...... 28 Figure 21 : Comparaison des éperons barrés de Château Blanc, de Kergastel et de Castel- Penledan...... 29

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