UNIVERSITE DE PARIS - SORBONNE (PA R I S I V ) ENA

Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication Ecole nationale d’administration

Master Professionnel 2e année Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

« , le vol d’un Icare médiatique »

Sous la direction de Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris-Sorbonne et Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Délégué général à l’administration des ressources et des services, INRIA

Nom et Prénom(s) : MAKRYTHANASIS Nasos Promotion : Winston Churchill Option : Communication des Institutions Publiques

Soutenu le : Mention : Note du mémoire :

REMERCIEMENTS

Je remercie Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris – Sorbonne, pour le temps précieux qu’elle m’a consacré et de son disponibilité.

Je remercie Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Délégué Général de l’INRIA, qui m’a pleinement fait profiter de son dynamisme et de ses qualités professionnelles.

Je remercie Monsieur Hervé Merlin, collègue français de la promotion Winston Churchill de l’ENA, pour la relecture de ce mémoire.

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ...... 1 SOMMAIRE ...... 2 INTRODUCTION ...... 4 PREMIERE PARTIE : LE PHENOMENE YANIS VAROUFAKIS ...... 9 Introduction partielle ...... 9 I. APPRÉHENDER LA NOMINATION DE YANIS VAROUFAKIS ...... 9 A. Le contexte des élections du 25 janvier 2015 ...... 10 1. La crise économique grecque ...... 10 2. Le parti politique ...... 11 3. Un parti non homogène dans un gouvernement de coalition...... 13 B. L’homme politique Yanis Varoufakis ...... 14 1. Yanis Varoufakis avant les élections du janvier 2015 ...... 15 2. Ministre de finances du gouvernement d’ ...... 16 II. LA COMMUNICATION DE YANIS VAROUFAKIS ...... 18 A. Les canaux de communication utilisés personnellement par Yanis Varoufakis ...... 18 1. Un Twittos hyperactif ...... 19 2. Un blogueur ...... 21 3. Les phrases choc ...... 23 4. Les conférences de presse ...... 25 B. Les thématiques incontournables : ...... 26 1. Le discours anti-austérité ...... 26 2. Une autre solution pour la Grèce ...... 28 CONCLUSION PARTIELLE ...... 31 DEUXIEME PARTIE : YANIS VAROUFAKIS DANS LA PRESSE FRANÇAISE ...... 33 Introduction partielle ...... 33 I. LA PERSONA YANIS VAROUFAKIS ...... 33 A. Un ministre des finances « rock star » ...... 34 1. Un style excentrique...... 34 2. Un amateur du lifestyle ...... 38 3. L’affaire du doigt d’honneur ...... 40 B. Un économiste brillant...... 42 1. Un universitaire dans un milieu de technocrates ...... 42

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2. Un expert de la théorie des jeux ...... 44 II. YANIS VAROUFAKIS DANS LE CADRE DE SES FONCTIONS ...... 45 A. Yanis Varoufakis en négociations ...... 46 1. Un corps étranger dans l’Eurogroupe ...... 46 2. « Une attitude déplaisante » ...... 48 B. Yanis Varoufakis, le provocateur ...... 51 1. Le clash avec ses homologues...... 51 2. L’explosion à l’Eurogroupe de février...... 53 3. La fin à Riga ...... 54 III. RECOMMANDATIONS ...... 56 1. L’habit ne fait pas le moine, pourtant… ...... 57 2. Athènes doit être plus pédagogue sans être didactique ...... 59 CONCLUSION PARTIELLE ...... 61 CONCLUSION ...... 63 BIBLIOGRAPHIE ...... 67 ANNEXES ...... 73 RESUME ...... 77 MOTS-CLES ...... 78

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INTRODUCTION

Après que les élections anticipées du 25 janvier 2015 ont porté le jeune Alexis Tsipras, président du parti radical Syriza, à la tête de l’exécutif, il a fallu doter la Grèce d’un nouveau gouvernement. Une tâche difficile pour le nouveau premier ministre de 41 ans, puisque cette victoire historique pour la gauche grecque n’était pas suffisamment large pour lui assurer une majorité absolue au parlement.

C’est l’opposition à la « Troïka » qui va constituer le dénominateur commun du gouvernement de coalition formé par Alexis Tsipras avec le parti nationaliste des Grecs indépendants. Si cette coalition paraît fort surprenante, elle trouve son explication dans la réalité politique grecque actuelle. Pour les Grecs indépendants comme pour Syriza, le rejet de la « Troïka » était le cœur de la rhétorique électorale. Sont ainsi visés le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Centrale Européenne (BCE) et la Commission Européenne (CE) qui constituent le mécanisme instauré depuis 2009 dans le cadre duquel deux plans de sauvetage de l’économie grecque ont été mis en œuvre.

Avant même qu’Alexis Tsipras annonce officiellement la composition de son gouvernement de coalition, on sait que Yanis Varoufakis en sera le ministre des Finances. En effet, celui-ci faisait figure de favori puisque, économiste réputé, il avait également été élu député avec le meilleur score dans la plus grande circonscription du pays, celle d’Athènes. Surtout Yanis Varoufakis a pris l’initiative d’annoncer sa nomination par le biais d’un « tweet » sur son compte Twitter personnel, avant même d’attendre le communiqué officiel. Un premier signe de la volonté de ce ministre d’être à la pointe du jeu médiatique.

Trois mois plus tard, Yanis Varoufakis, qui est devenu le ministre le plus médiatisé de l’Eurogroupe, se voit retirer la responsabilité de conduire les négociations pour la Grèce au sein de l’Union européenne, sans toutefois perdre son portefeuille ministériel. En effet, le 27 avril 2015, après une réunion de l’Eurogroupe très tendue à Riga, le Premier ministre grec décide de changer l’équipe des négociateurs avec la Troïka. Cette manœuvre obligée d’Alexis Tsipras est destinée à relancer les négociations avec la Troïka, puisque Yanis Varoufakis est désormais complètement isolé en Europe, tout en ne perdant pas la face vis-à-vis de son électorat grec.

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Entre temps, « l’économiste rock au crâne rasé » est devenu un trending topic sur Twitter, il a fait des conférences de presse inoubliables avec le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem et le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, un photoreportage sur Paris Match qui a suscité des vives critiques et un doigt d’honneur à Berlin qui a fait fureur dans la presse européenne qui n’arrivait pas à décider si la fameuse vidéo était truquée ou non. La presse européenne, y compris française, s’affole de ce quinquagénaire qui est à l’antipode de tous ses homologues européens.

Son approche économique, tout d’abord, est anticonformiste ; il soutient que les solutions qui ont été proposées les dernières années à la Grèce ne font que plonger plus encore le pays dans la récession. Economiste renommé désireux de rompre avec les méthodes du passé, il souhaite se débarrasser de la troïka et proposer une solution différente pour permettre le retour de la croissance de l’économie grecque.

Outre ses idées en matière d’économie, son image fait aussi de lui un ministre de l’économie et des finances différent de ses homologues européens ; il ne porte pas de costume ni de cravate, auxquels il préfère en toutes circonstances les chemises déboutonnées et les tee-shirts, qu’il participe à l’Eurogroupe ou qu’il soit en visite officielle au 10, Downing Street. Il est très actif sur son compte Twitter, qu’il alimente quotidiennement et il n’hésite pas à répondre aux commentaires des autres Twittos. Déjà blogueur avant sa nomination, et malgré son programme chargé, il continue de publier des articles sur son blog, une promesse qu’il avait faite lors de son nomination.

Finalement, pourquoi la presse française s’intéresse autant à Yanis Varoufakis, qui a quasiment volé la vedette à Alexis Tsipas ? Le fait qu’il soit le ministre des Finances d’un gouvernement de gauche radicale a-t-il des répercussions sur la manière dont il est représenté dans la presse française ? Dans quelle mesure Yanis Varoufakis alimente-t-il le jeu médiatique en écrivant sur son compte Twitter et sur son blog personnel ? Est-ce sa politique économique qui intéresse le plus la presse française où un côté people que Yanis Varoufakis lui-même met en avant en cédant par exemple un entretien à Paris-Match ?

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Problématique :

L’enjeu de ce mémoire est de mettre en avant et analyser la couverture médiatique de Yanis Varoufakis par la presse française pendant la période des trois mois où il était le chef négociateur de la Grèce à l’Eurogroupe (nomination le 25 janvier 2015 – changement d’équipe des négociateurs le 27 avril 2015). Quelle image la presse française propose-t-elle de Yanis Varoufakis ?

1e hypothèse :

La presse française propose une image plutôt people de Yanis Varoufakis. Le ministre grec est surtout traité comme une star ou une célébrité par la presse. Que ce soit son style vestimentaire, son physique, ses phrases chocs, son approche didactique envers ses homologues européens ou sa vie familiale, les aspects people de Yanis Varoufakis sont mis en avant.

2e hypothèse :

La presse française propose l’image plus technique d’un économiste atypique qui, dans le cadre de ses fonctions en tant que ministre des Finances du gouvernement d’Alexis Tsipras, mène les négociations avec la Troïka. Elle décrit d’une manière objective sa politique économique et ses propositions qui visent à la sortie de la Grèce de la crise financière par des canaux non traditionnels qui vont à l’encontre des plans de sauvetage actuellement en vigueur.

3e hypothèse :

A ces hypothèses nous ajouterons une hypothèse sous-jacente selon laquelle plus les quotidiens français analysés ont une ligne éditoriale de droite ou pro- européenne, plus leur approche sera tournée vers les aspects people de l’actualité de Yanis Varoufakis. A l’inverse, plus les journaux ont une ligne éditoriale gauche ou anti-austérité, plus ils mettront en valeur les aspects politiques de la présence médiatique de Yanis Varoufakis. Par conséquent nous attendons une approche plus people de Yanis Varoufakis dans les journaux « de droite » et une approche plus technique de lui dans les journaux de « gauche ».

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Il convient de noter que notre but n’est pas de conclure que le ministre grec mérite ou ne mérite pas d’être représenté d’une certaine manière par la presse française. L’enjeu de notre travail est de uniquement de déterminer si la presse française était plutôt attirée par une approche people ou une approche technique dans une période ou la BFMisation de la vie politique prend de l’élan.

Méthodologie

Nous avons majoritairement fondé notre recherche sur les articles de la presse française parus pendant la période janvier-mai 2015. Nous les avons rassemblés sur la base des données « Europresse » qui est un agrégateur de presse offert aux étudiants de l’ENA. Le mot clé mis dans la machine de recherche était « Yanis Varoufakis » et la période de recherche remontait aux derniers 6 mois.

Parmi les centaines d’articles, nous avons opéré une sélection en fonction des journaux dans lesquels ils étaient publiés. Nous nous sommes concentrés sur cinq grands quotidiens français notamment Le Figaro, Les Échos, Le Monde, La Libération et L’Humanité. Le choix de ses journaux répond à un souci de représentativité dans le but d’étudier le traitement médiatique de Yanis Varoufakis par de grands journaux français qui reflètent tout le spectre politique.

. Le Figaro a une ligne éditoriale centre-droite conservatrice . Les Échos est un journal économique d’orientation libérale . Le Monde est considéré un journal de centre-gauche (il se veut non-partisan) . Libération est un quotidien de gauche . L’Humanité a une ligne éditoriale nettement plus à gauche

Le corpus des articles a été traité en deux temps :

1. Dans un premier temps nous avons survolé les articles, pour identifier l’approche, ainsi que l’évolution de l’approche du phénomène médiatique « Yanis Varoufakis » par la presse française. Ceci nous a également permis d’identifier les dates importantes autour desquelles le buzz médiatique concernant le ministre grec était le plus intense. 2. Dans un deuxième temps nous avons examiné les articles plus méticuleusement avec une approche linguistique. Les mots et les nuances jouent un rôle très important en journalisme. La même nouvelle peut être très

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différemment communiquée. Si chaque journaliste commente les mêmes déroulements de la négociation de la Grèce avec la « Troïka », les récits qui en sont donnés peuvent être bien différents. Les opinions personnelles modifient la narration, le choix du titre et la force des mots. Le fait qu’un journaliste s’adresse à un public précis, qui constitue la cible du journal dans lequel il publie, a aussi des implications.

Annonce de plan

Avant de rentrer dans les détails de la représentation de Yanis Varoufakis dans la presse française, il faudra appréhender sa nomination dans le contexte de la crise économique grecque. L’ascension de Syriza sur la scène politique grecque, le parcours de Yanis Varoufakis, sa relation avec Alexis Tsipras et sa décision de s’impliquer dans la vie politique seront analysés. En outre, notre étude se penchera sur les outils de communication utilisés par Yanis Varoufakis lui-même.

Ce cadre étant posé et analysé, nous pourront aborder le sujet de l’image que la presse française donne de Yanis Varoufakis. Les hypothèses présentées ci-dessus seront mises à l’épreuve : celle d’un traitement people ainsi que celle d’une approche plus technique. En outre, nous tenterons de déterminer si et comment la ligne éditoriale des quotidiens étudiés influence leur traitement du ministre des Finances grec. La fin de cette partie sera dédiée aux recommandations. La première constatation qui se fait est que la partie grecque se décrédibilise par une approche très « rock » des négociations. La deuxième est que la tendance didactique de Yanis Varoufakis ne marche pas, pourtant Athènes aurait pu être plus facilement écoutée si elle se montrait simplement plus pédagogue.

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PREMIERE PARTIE : LE PHENOMENE YANIS VAROUFAKIS

Introduction partielle

Yanis Varoufakis est apparu sur la scène politique grecque assez récemment. Avant les élections du 25 janvier 2015, il n’avait aucune expérience politique, ni parlementaire, ni ministérielle. Il a commencé à apparaître dans le paysage médiatique en 2012, gagnant en notoriété grâce à ses interventions sur le site internet protagon.gr, un de plus anciens sites d’information grecs, qui recueille les articles de journalistes grecs réputés s’inscrivant dans une mouvance de centre- gauche. Dans un premier temps, nous allons essayer d’expliquer la nomination de Yanis Varoufakis au poste du Ministre des Finances (Chapitre I). Dans un second temps, nous mettrons l’accent sur sa politique de communication (Chapitre II).

I. APPRÉHENDER LA NOMINATION DE YANIS VAROUFAKIS

La Grèce est membre de l’Union européenne (UE) depuis longtemps puisqu’elle y a adhéré le 1er janvier 1981. Malgré le fait que son économie n’avait jamais été très solide, le pays a participé à toutes les grandes étapes qui ont abouti à la création de la monnaie unique. En 2008, la crise de confiance dans les finances publiques grecque a précipité son économie dans une crise majeure. Les plans de sauvetage mise en œuvre par la troïka n’arrêtent pas le spiral de la récession. Lors des élections législatives de janvier 2015, l’électorat grec a tourné le dos aux partis politiques traditionnels et a choisi de confier le pouvoir au parti Syriza. Nous évoquerons dans une première section le contexte des élections du 25 janvier (Section A).

Yanis Varoufakis, au sein du gouvernement grec récemment nommé, occupe le poste du Ministre des Finances. Il s’agit d’un économiste brillant qui a travaillé au Royaume Uni en Australie et aux Etats unis. Sa carrière politique est très récente. C’est Alexis Tsipras qui l’a approché pour lui proposer le poste, convaincu par ses interventions publiques sur le sujet de la dette grecque. Une deuxième section sera consacrée au traitement de l’ascension de l’homme politique Yanis Varoufakis (section B).

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A. Le contexte des élections du 25 janvier 2015

Les élections législatives du 25 janvier 2015 ont amené au pouvoir Alexis Tsipras, le candidat du parti Syriza. A l’âge de 41 ans, il devient le Premier Ministre le plus jeune de la République Hellénique. Pour mieux comprendre la victoire électorale de Syriza nous aborderons le contexte de ces élections, très fortement marquées par la crise économique grecque (1). Nous verrons alors que ce contexte a permis à Syriza petit parti politique encore assez marginal quelques années plus tôt, de décoller lors des dernières élections (2). Pourtant, avec 36,34% des votes, une coalition était nécessaire pour avoir la majorité au parlement et Syriza a fait le choix critiqué de s’allier avec le petit parti de droite nationaliste des Grecs indépendants (3).

1. La crise économique grecque

L’entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001 avait donné des ailes à l’économie grecque. Si le pays avait régulièrement menti sur l’état de ses finances publiques pour donner l’illusion qu’il respectait les critères de Maastricht et pouvoir être admis dans la zone euro, l’investissement public et la demande intérieure avaient soutenu une croissance forte. Toutefois, cette politique a atteint ses limites lorsque l’économie grecque s’est trouvée fragilisée par l’entrée de l’économie mondiale dans une crise forte et durable en 2007-2008. « Papandréou, nouveau premier ministre, annonce un déficit public supérieur à 10 % et une dette publique avoisinant les 115 % du PIB. Beaucoup accuseront derrière ces chiffres une politique fiscale laxiste et l'incivisme grec. C'est le début de la crise grecque. »1

Après le premier choc, tant en Grèce que dans le reste de l’Europe, l’UE se mobilise pour éviter que la Grèce ne soit contrainte de se désolidariser de la zone euro, par peur des conséquences d’une telle sortie. « À partir de 2010, l'Union européenne (UE) prend réellement acte de la situation. En créant un fonds européen de stabilité financière (FESF), devenu le mécanisme européen de stabilisation (MES), les pays membres se dotent de moyens pour venir en aide aux pays en difficulté »2. Mais la

1 « Le gouvernement grec face à la BCE, à la troïka… », L’Humanité, 16 février 2015 2 Idem.

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solution ne vient pas uniquement de l’Europe. Le FMI est un autre acteur qui participe aux plans de sauvetage grecs.

« Il y a eu 2010, puis 2012, où la zone euro a dû trouver, dans l'urgence, des centaines de milliards d'euros pour sauver le pays de la faillite et surtout éviter qu'il n'entraîne tous les autres dans le chaos. L'euro a été préservé, mais la Grèce s'est enfoncée dans la crise économique : un jeune sur deux est au chômage, la dette publique a explosé, à 170 % du PIB »3

Après deux plans de sauvetage la dette publique grecque a explosé et la Grèce essaie en vain de rembourser ses bailleurs, les Etats membres de la zone euro, le FMI et le MES.

Quand Syriza arrive au pouvoir la cartographie de la dette grecque est la suivante : « 227 milliards d'euros sur 321 milliards sont détenus par les Etats de la zone euro (53 milliards), par le mécanisme européen de stabilité (142 milliards) et par le FMI (32 milliards). Le reste est dans les coffres des banques et des fonds de pension grecs. Il faut ajouter à ces sommes les 25 milliards de bons du Trésor grecs que la BCE a rachetés ».4 Dans ses promesses électorales Syriza annonce une renégociation de la dette et la fin de l’austérité, des promesses ambitieuses qui s’avèreront rapidement difficiles à tenir.

2. Le parti politique SYRIZA

Le 25 janvier 2015 Syriza remporte les élections nationales en Grèce. Cette victoire aurait été inconcevable il y a encore 10 ans. Syriza est dn parti politique qui, pendant plus que 25 ans, a réalisé des scores très faibles, au point, lors de certaines élections, de ne pas parvenir à obtenir de siège au Parlement grec où un minimum de 3% des voix est nécessaire pour être représenté. « Quasi anecdotique en 2009, cette formation n'est pas une nouvelle venue sur la scène politique grecque mais

3 « Le rude apprentissage européen de la Grèce », Le Monde, 30 mars 2015 4 « Abandon de l’euro par la Grèce : SOS fantasme », La Libération, 7 janvier 0215

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l'héritière d'une dizaine de mouvements issus de la gauche radicale et notamment du , un parti proche du communisme créé en 1989 »5.

Néanmoins, la crise économique change la donne et Syriza qui n’avait obtenu que 5,04% des votes lors des élections législatives de 2009, monte en puissance année après année, grâce au succès de son discours anti-austérité. En janvier 2015, la victoire de Syriza n’a donc surpris personne, en dépit des discours alarmistes de la Nouvelle Démocratie, le parti jusqu’alors au pouvoir, dont la campagne avait essentiellement cherché à inquiéter le corps électoral en brandissant l’épouvantail d’une victoire de Syriza6.

En fait, depuis 2014 et les résultats des élections européennes, l’opinion publique était persuadée que Syriza allait remporter les prochaines élections nationales. « Syriza a gagné en audience tout au long de la crise, jusqu'à devenir la première force politique du pays lors des élections européennes du 25 mai, avec 26,46 % des voix. Ce jour-là, les Grecs votaient aussi pour leurs maires et pour leurs préfets et, à la surprise générale, la plus grosse région du pays, l'Attique, qui représente près de 30 % des électeurs, a porté au pouvoir la candidate de Syriza »7.

La question principale qui doit se poser est la suivante : qui est l’électeur lambda de Syriza ? La réponse vient de la bouche du chroniqueur Nikos Xydakis du quotidien conservateur Kathimerini qui explique que : « La classe moyenne détruite se tourne en masse vers Syriza »8. En effet, en janvier 2015 la société grecque est à bout de souffle. Les six années qui précèdent ont vu les partis traditionnels du pays, notamment le Pasok (centre-gauche) et la Nouvelle Démocratie (centre-droit) échouer à apporter une solution durable au problème de la dette publique grecque. Malgré la prise de mesures lourdes de conséquences pour la population, la sortie de la crise n’est pas à l’horizon.

« Si le parti de Tsipras arrive à conquérir un électorat plus large, c'est parce qu'il incarne une rupture, après plusieurs décennies dominées par les deux mêmes partis, le Pasok socialiste et Nouvelle démocratie. Et dans l'électorat, le désir de

5 « Le théorème de Syriza », Le Monde, 31 décembre 2014 6 Idem. « Après six longues années de récession, nous avons stabilisé l'économie et nous prévoyons une croissance de 2,9 % du PIB en 2015. Syriza menace tout ce que le pays a pu faire, au prix de gros sacrifices » 7 Idem. 8 « En Grèce, la gauche radicale aux portes du pouvoir », La Croix, 20 janvier 2015

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vengeance contre ce système politique qui a mené le pays à la dérive est présent »9. La volonté de rompre avec le climat toxique des dernières années a conduit le corps électoral à donner une chance à Syriza, un parti qui n’avait encore jamais exercé le pouvoir.

Les voix qui ont porté Syriza au pouvoir provenaient surtout des électeurs déçus de la gauche traditionnelle. En effet, la Nouvelle Démocratie est partiellement sauvée du naufragé avec un score certes décevant mais qui reste élevé (27,81%). Les électeurs de la droite sont restés peu enclins à voter pour un parti de gauche. En revanche, le Pasok s’est totalement effondré. Ce parti qui a dominé la scène politique grecque pendant 40 ans et qui a gouverné seul le pays pendant 21 ans au total n’a obtenu que 4,68% des voix, se maintenant de justesse au parlement. Il s’agit d’un renversement total du rapport de force entre Syriza et le Pasok. Les électeurs de Pasok, fatigués par l’austérité, se sont livrés aux mains de Syriza dont la campagne était axée autour de la rupture avec la troika, la hausse des salaires et des retraites et la création de postes dans le secteur public.

3. Un parti non homogène dans un gouvernement de coalition

Si la victoire d’Alexis Tsipras est un grand succès pour la gauche radicale en Grèce, Syriza n’a pas obtenu la majorité absolue au parlement, ce qui l’oblige à constituer une coalition. « Moins de vingt-quatre heures seulement après la victoire de son parti aux élections législatives de dimanche, et alors qu'il avait raté la majorité absolue de deux voix seulement, Alexis Tsipras aura réussi à former une coalition avec les Grecs indépendants (ANEL) du très populiste Panos Kammenos. Aux 149 sièges de Syriza s'ajoutent donc désormais les 13 sièges remportés avec 4,7 % des suffrages par ANEL. Soit un total de 162 sièges, ce qui constitue une majorité absolue confortable au Parlement ».10

Cette coalition étonnante entre la gauche radicale et la droite populiste trouve son explication dans le but commun que les deux partis partagent. Il s’agit de la lutte

9 « Les Grecs à l'épreuve de la crise », Le Figaro, 24 janvier 2015 10 « Grèce : l'alliance détonante de Syriza avec la droite souverainiste », Le Monde, 27 janvier 2015

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contre la troïka et les mesures d’austérité. Cette coalition, qui s’annonçait difficile à tenir pour les deux partis, a en réalité posé peu de difficultés jusqu’à présent. Les Grecs indépendants ayant récupéré des ministères qui correspondent à leurs « domaines de compétences », notamment le portefeuille de la défense, ce petit parti ne s’est pas opposé à la politique économique de Syriza.

En réalité, ce sont les propres troupes de Syriza qui se sont révélées imprévisibles et difficiles à gérer. Tsipras a dû satisfaire les différentes composantes de son propre camp, qui couvrent tout le spectre de la gauche, notamment les « membres de la Plateforme de gauche, comme Panayiotis Lafazanis, Dimitris Stratoulis ou Nikos Hountis. Un courant turbulent du parti que Tsipras doit contenir et auquel il doit donner des gages... donc des portefeuilles »11. La Plateforme de gauche représente 30% de Syriza. Suivant une ligne très radicale, cette composante de Syriza souhaite la sortie de la Grèce de la zone euro. Ainsi, c’est cette partie du gouvernement qui s’avère la plus susceptible de créer des problèmes.

Dès le départ, Tsipras en est bien conscient. « Ces tensions existent depuis toujours car Syriza est le fruit d'une turbulente coalition de mouvements aux positions parfois antagonistes »12. Chaque fois qu’il négocie avec la troïka il lui faut toujours garder à l’esprit que le projet d’accord devra être validé non seulement par les autres partis représentés au parlement grec, une tache déjà difficile, mais aussi et surtout par son propre camp. Il choisit pourtant pour Ministre des Finances un homme qui, prônant un défaut de la Grèce sans aller jusqu’à souhaiter sa sortie de la zone euro, un choix violement contesté par la plateforme de gauche autant dans la presse qu’au sein du parlement.

B. L’homme politique Yanis Varoufakis

Yanis Varoufakis est un économiste brillant qui a fait sa carrière à l’étranger. Avec ses interventions dans la presse grecque, il a progressivement acquis des soutiens parmi les Grecs exaspérés après des années de récession et plusieurs trains de mesures qui, selon lui, ont pour effet d’étouffer l’économie. Depuis 2010, il s’est

11 Idem. 12 « M. Tsipras pris en tenaille entre ses créanciers et sa majorité », Le Monde, 25 mai 2015

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rapproché de Syriza (1). Dans la période mouvementée qui vient d’être décrite, Alexis Tsipras sait déjà qui sera son Ministre des Finances. Il cherche en lui un économiste réputé capable de crédibiliser un discours en rupture, un visage nouveau non lié aux échecs du passé, un animal politique qui ne soit pas un homme politique, susceptible de captiver l’électorat avec son style et son éloquence (2).

1. Yanis Varoufakis avant les élections du janvier 2015

Né en 1961, Yanis Varoufakis est le fils d’un militant de gauche qui a été déporté pendant trois ans sur l’île de Makronisos, avant de devenir président de la plus importante entreprise sidérurgique grecque, Halyvourgiki. Son fils, Yanis, sur les conseils de son père, part étudier en Angleterre dans les années ’8013 et il y reste pendant dix ans. Après la réélection de Margaret Thatcher pour un troisième mandat, il quitte le pays aux débuts des années 90, exaspéré par la situation politique au Royaume-Uni : «C'en était trop», raconte-t-il14. Il se dirige vers l’Australie où il enseigne pendant une douzaine d’années à Sydney.

« De retour en Grèce, - où il enseigne à l'université d'Athènes - il est un des premiers à dire qu'il faut assumer la faillite de la Grèce. Cela lui a valu le surnom de « Mr Catastrophe » (« Dr Doom », très exactement). Il est devenu, entre 2004 et 2006, « imprudemment mais tout à fait officiellement », conseiller de Georges Papandreou, avant d'être un de ses critiques les plus vigoureux. Pour Varoufakis, c'est lui qui, en décidant d'appeler l'Europe et le FMI à l'aide en 2009, a plongé la Grèce «dans l'enfer» »15. Ce sont les mesures d’austérité imposés par la troïka, notamment la réduction des crédits de son département à l’Université d’Athènes, qui l’obligent à quitter la Grèce une nouvelle fois16. Cette fois-ci il part enseigner à Austin, au Texas (Etats-Unis).

13 « Grèce : Yanis Varoufakis, l'économiste devenu ministre pour «changer l'Europe » », Le Figaro, 1er février 2015, « Il y étudie les mathématiques et les statistiques appliquées à l'économie à l'université d'Essex. Il enseigne à Cambridge notamment ». 14 Idem. 15 Idem. 16 « Varoufakis, ministre rock des finances grecques », Le Monde, 29 janvier 2015, « En 2012, il a dû quitter l'université d'Athènes pour aller vivre à Austin (Texas). Il critiquait la réduction des crédits de

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« À ce parcours atypique, s'ajoute depuis mars 2012 son expérience d'économiste... pour un géant des jeux vidéo. C'est le patron de Valve, Gabe Newell, qui l'a lui- même chassé. Yanis Varoufakis joue le jeu et se passionne pour ce nouveau poste, qui lui permet, sur la base de données massives et réelles, d'expérimenter sur le terrain la théorie des jeux, une discipline (en économie notamment) qui consiste à trouver la meilleure décision à prendre en fonction des anticipations des actions des autres »17.

Parallèlement il publie des livres économiques qui n’intéressent pas exclusivement les économistes, mais aussi et surtout le grand public. « En 2011, lorsque Yanis Varoufakis a présenté son nouveau livre à l'université Columbia, à New York, le chanteur des Talking Heads, David Byrne, était assis au premier rang. La présence d'une véritable rock star à un débat technique sur le système financier international issu de la Seconde Guerre mondiale a confirmé que cet économiste grec était en voie de devenir une célébrité - et il a lui-même été sincèrement impressionné ».18

Ses deux derniers ouvrages sont également parus en français : Le Minotaure planétaire : l'ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial aux Éditions du Cercle (2014) et Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro qu’il a rédigé avec ses collègues de l’Université de Texas James K. Galbraith et Stuart Holland (2014). La préface en français du dernier ouvrage est de Michel Rocard qui écrit que « Cette proposition affirme alors l’improbable : il pourrait bien y avoir une solution. Je laisse au lecteur la surprise et le plaisir de la découverte. Tout ce que je peux dire est que je n’ai trouvé aucune objection dirimante qui paraisse rendre la chose impossible ».

2. Ministre de finances du gouvernement d’Alexis Tsipras

Depuis 2012, Yanis Varoufakis se rapproche de plus en plus avec le parti politique Syriza. Ses interventions publiques deviennent plus denses et il commence à publier

son département d'économie, mais jugeait surtout que le climat devenait de plus en plus désagréable pour lui ». 17 Op. cit. Le Figaro, 1er février 2015 18 « Varoufakis, la rock star anti-austérité », Courriel International, 26 février 2015

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d’une manière régulière des articles au site journalistique protagon.gr. Lors des élections européennes de 2014 Syriza essaye de convaincre Yanis Varoufakis de se présenter. Pourtant lui il refuse obstinément.

Il se dit réticent, mais des rumeurs circulent qu’il n’est pas intéressé parce qu’il vise plus haut. Le gouvernement de coalition de Nouvelle Démocratie et de Pasok, au pouvoir depuis 2012 est déjà affaibli. Les résultats des élections européennes en font preuve. Syriza devient la première force politique du pays. En outre, le gouvernement a devant lui un cap institutionnel impossible à surmonter. L’élection du Président de la République dont le Parlement grec doit élire à la majorité qualifiée. Effectivement, en décembre 2014 le parlement échoue d’élire le Président et il est dissout.

Ayant séduit Syriza, Yanis Varoufakis est de nouveau approché par Alexis Tsipras. Le Président du parti veut savoir si Varoufakis accepterait d’être son Ministre de Finance dans l’hypothèse d’une victoire électorale de Syriza aux élections de janvier 2015. La réponse du future Ministre est fidèle de son style propre à lui « Il [Alexis Tsipras] m’a demandé si j’accepterais d’être ministre des Finances. Après avoir passé cinq ans à critiquer les gouvernements, la question n’était pas de savoir si je voulais ou pas devenir ministre, mais si je pourrais encore me regarder dans une glace en cas de refus».19

Mais Yanis Varoufakis avait une condition : « Je lui ai demandé de me présenter pour devenir député. Je ne voulais pas être un technocrate comme mes prédécesseurs. Il m’a souhaité bonne chance »20. Il n’en avait pas besoin. Le soir du 25 janvier 2015 Yanis Varoufakis est élu député de la plus grande circonscription du pays avec 135 638 votes, très loin du deuxième (et future Vice-premier Ministre du gouvernement d’Alexis Tsipras) Yannis Dragasakis qui reçoit 96 639 votes. Une nouvelle star de la scène politique grecque est née.

19 « Yanis Varoufakis - Le ministre star nous a reçus chez lui », Paris Match, 15 mars 2015 20 Idem.

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II. LA COMMUNICATION DE YANIS VAROUFAKIS

Yanis Varoufakis est apparu sur la scène politique grecque récemment. Pourtant, il a travaillé longtemps au Royaume-Uni, en Australie et les dernières années aux Etats- Unis, en tant que professeur d’université. Si son parcours ne lui a pas permis de se former à la communication politique, il est en revanche très à l’aise avec les nouvelles technologies, comme le montrent son utilisation familière de Twitter ou l’existence de son blog personnel. Dans une première section, les canaux de communication de Yanis Varoufakis seront examinés (Section A).

Chaque parti politique possède un discours propre. Syriza depuis quelques années et surtout après les élections législatives de 2014, où il s’est positionné pour la première fois comme un parti politique susceptible de gouverner, a durci sa position vis-à-vis de la Troïka. Il se présente comme un parti non corrompu et capable de libérer la Grèce des accords dits honteux que les gouvernements de Pasok et de la Nouvelle Démocratie ont signé depuis 2009. Dans une deuxième section les thématiques incontournables du discours de Syriza et par conséquent de Yanis Varoufakis, qui est le porte-parole d’office du gouvernement sur toutes les questions économiques, seront abordées (section B).

A. Les canaux de communication utilisés personnellement par Yanis Varoufakis

Yanis Varoufakis est un politicien du XXIe siècle. Il utilise les réseaux sociaux, notamment Twitter, pour communiquer, répondre à la presse, démentir des propos ou tout simplement exprimer son état d’âme suite aux négociations à l’Eurogroupe (1). En même temps, il n’abandonne pas son blog, la plateforme sur laquelle il peut exposer au grand public son approche économique d’une manière plus analytique (2). Il se caractérise aussi par une tendance à prononcer des phrases choc qui lui valent une grande popularité et une certaine attention médiatique (3). Enfin, dans le cadre de ses fonctions, il a participé à des conférences de presse qui surprennent par la violence des réactions de ses interlocuteurs (4).

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1. Un Twittos hyperactif

Les réseaux sociaux sont devenus un outil de communication important dans la vie politique actuelle. Tous les politiciens, même les plus technophobes, cèdent à leurs charmes. S’ils ne parviennent pas à gérer leurs comptes eux-mêmes, par manque de temps ou d’intérêt pour les nouvelles technologies, leurs équipes s’en occupent. Tel n’est pas le cas de Yanis Varoufakis, un Twittos hyperactif qui poste lui-même plusieurs fois par semaine ses 140 caractères sur @yanisvaroufakis21.

Le Ministre grec utilise le réseau pour informer ses abonnés, comme l’illustre le tweet emblématique du 27 janvier 2015. Sans attendre sa nomination officielle au poste de Ministre des Finances, Yanis Varoufakis avait fait part de sa désignation sur Twitter, d’une manière certes un peu détournée. « L'auteur du livre Le Minotaure planétaire (éditions Enquêtes et Perspectives, 2014) avait en effet signalé la parution dans une revue en ligne (Wdwreview. org) de son dernier article - « De la perte et de la récupération » -, en prévenant qu'il allait « plonger dans le labyrinthe qui a causé ces pertes »22. Son poste n’a été retweeté que 101 fois.

La donne va beaucoup changer quelques mois plus tard et à la suite de son ascension médiatique. Après l’échec de la réunion de l’Eurogroupe à Riga, où Yanis Varoufakis se retrouve totalement isolé et qui conduit Tsipras à décider de changer l’équipe de négociations, des rumeurs circulent dans la presse grecque et internationale sur sa démission prochaine. C’est par un tweet que Yanis Varoufakis riposte en écrivant : « Les rumeurs sur ma démission imminente sont (pour une énième fois) grossièrement prématurées »23. Ce tweet a été retweeté 1 160 fois et il était favorisé par 1 022 Twittos.

Outre les tweets à caractère informatif, Yanis Varoufakis n’hésite pas à partager avec ses abonnés des moments plus intimes, comme ses pensées avant et après les sessions de l’Eurogroupe, ce qui n’a pas manqué de surprendre. Le 20 février, à la veille d’un Eurogroupe très mouvementé, le Ministre partage ses états d’âme avec ses abonnés : «Je suis allé au théâtre voir Oh les beaux jours de Beckett (Théâtre

21 https://twitter.com/yanisvaroufakis 22 Op.cit. Le Monde, 29 janvier 2015 23 Traduit de l’anglais par l’auteur « Rumours of my Impending resignation are (for an umpteenth time) grossly premature… »

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national grec). Performances splendides. Un soulagement avant vous savez quoi...»24, un tweet repris 778 fois. Si le « quoi… » n’est pas directement mentionné, le 26 avril, après l’Eurogroupe de Riga son agacement ne se cache plus quand il poste: «Franklin D. Roosevelt, 1936 : Ils sont unanimes dans leur haine contre moi. Et leur haine me réjouit. C'est une citation proche de mon cœur (et de la réalité) ces jours-ci »25 avait-il écrit. 4 102 personnes ont retweeté son tweet, qui prouve que plus Yanis Varoufakis devient provocateur, plus ses interventions sur Twitter sont reprises par les Twittos.

En outre Yanis Varoufakis utilise son compte Twitter pour répondre à toutes sortes d’interpellations de la presse et du monde médiatique. Quand le fameux incident du doigt d’honneur a éclaté, Yanis Varoufakis a utilisé Twitter pour donner son propre avis. L’incident était assez compliqué et sera expliqué en détail dans un autre chapitre. Pourtant dans cette section il faut noter que les 140 caractères que le réseau social octroie à ses abonnés, ont été le moyen choisi par le Ministre grec à choisi pour répondre directement aux interpellations sans passer par le biais des journaux. « Sur son compte Twitter, Yanis Varoufakis s'était interrogé : « des excuses dans l'émission très en vue (de Günther Jauch)? Pour avoir utilisé une vidéo truquée afin de réduire au silence une voix grecque conciliante ? » »26.

Fort de sa popularité croissante Yanis Varoufakis devient un trending topic sur Twitter. Dès les premières semaines après sa nomination et en grande partie grâce à une super-exposition médiatique, « Les internautes se sont emballés, s'emparant de son image dans une avalanche de détournements humoristiques. Ces dizaines de pastiches s'inspirent des films 'Die Hard', 'Breaking Bad', 'V pour Vendetta', 'Star Trek' ou 'Terminator' pour métamorphoser le ministre grec en héros promis à sauver le pays. D'autres, sans doute moins convaincus de ses supers pouvoirs, le voient en

24 24 Traduit de l’anglais par l’auteur « Two nights ago I saw S, Beckett’s Happy Days (Greek national theatre). Splendid performance(s). Such a relief from you know what ». 25 Traduit de l’anglais par l’auteur: « FDR, 1936: “They are unanimous in their hate for me; and I welcome their hatred”. A quotation close to my heart (and reality) these days». 26 « Ca se passe en Europe : Yanis Varoufakis, objet d’une satire en Allemagne », Les Echos, Vendredi 20 mars 2015

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Voldemort, le grand méchant sorcier d'Harry Potter »27. Le Ministre grec, beau joueur, n’hésite pas à retweeter ce genre de tweets28.

Cependant, être un trending topic sur Twitter peut aussi apporter son lot de déconvenues. Yanis Varoufakis en a fait l’expérience après son interview à Paris Match, parue sous forme d’un photoreportage qui a suscité de nombreuses réactions railleuses ou hostiles : « De nombreux tweets portaient par dérision le hashtag #litosvios, soit la « vie frugale », une démarche prônée par M. Varoufakis lors de sa prise de fonctions. @lilyinfidel préférait en rire : « Vous n'êtes pas de Syriza, vous n'êtes pas gauchistes d'accord, mais êtes-vous obligés d'être aussi kitch? » @MrJohnSarlis se demandait si les Varoufakis « montrent la vue de leur terrasse pour la louer » »29.

Ainsi, s’il a su maîtriser sa propre communication sur les réseaux sociaux, on voit qu’il maîtrise moins bien celle consistant à bien savoir gérer son image sur des médias plus traditionnels, une tâche tout aussi difficile. En revanche, on voit avec cet épisode que les réseaux sociaux peuvent amplifier la mauvaise presse qui s’ensuit d’une erreur sur les médias traditionnels.

2. Un blogueur

Si Twitter est un champ de bataille, où il faut être rapide, omniprésent, prêt à rétorquer et en quête constante d’abonnés, un blog n’a pas du tout la même utilité et s’adresse à un public complètement différent. C’est un espace plus serein, qui permet au Ministre grec d’exposer ses théories économiques. Yanis Varoufakis a créé son blog30 « pour expliquer à qui voulait l'entendre que la Grèce était effectivement en faillite et que le plan de sauvetage ne fonctionnerait pas »31.

27 « Varoufakis, V comme VRP du nouveau gouvernement grec », AFP Doc, Samedi 7 février 2015 28 Par exemple le 4 février il retweete une image de lui en Voldemort. 29 « Varoufakis dans Paris-Match : Twitter ne juge pas cela très "marxiste », AFP Infos Françaises, Vendredi 13 mars 2015 30 http://yanisvaroufakis.eu/ 31 Op. cit. Courrier international, 26 février 2015

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Parallèlement, il partage également des moments plus personnels32. « Sur son blog justement, il n'esquive aucune question, même les plus intimes, confessant par exemple la déchirure qu'a représentée pour lui l'éloignement de sa fille Xenia, retournée vivre après la séparation de son couple avec sa mère à Sydney, en Australie (où lui-même avait enseigné l'économie pendant douze ans) »33. C’est grâce à son blogue que Yanis Varoufakis à été embauché en tant que conseiller chez Valve, studio américain de développement de jeux vidéo en 201234, le chef de l’entreprise étant séduit par les théories économiques du futur Ministre des Finances.

Une fois Ministre, Yanis Varoufakis refuse d’arrêter d’écrire sur son blog35. « Aux abonnés de son blog, il explique : « On m'a dit que le temps de me taire était arrivé. » Avant de préciser qu'il continuerait de « bloguer, même si c'est considéré comme irresponsable pour un ministre des finances ». « Pour faire renaître l'espoir, nous devons faire tout notre possible pour inverser le chemin d'un sombre passé. Maintenir une ligne ouverte avec le monde extérieur peut constituer un petit pas dans cette direction », assure-t-il »36.

Il a effectivement émis une dizaine de posts d’ordre plutôt financier, à l’exception d’un post du 24 mai sur les événements de l’Eurogroupe de Riga, d’un aspect plus personnel, presque un extrait de journal intime37. Lors de cet Eurogroupe Yanis Varoufakis a été accusé d’avoir enregistré la réunion et de l’avoir ensuite diffusée aux journalistes. Bien que Yanis Varoufakis « a reconnu dimanche sur son blog avoir bel et bien enregistré sa récente rencontre orageuse avec ses partenaires européens en Lituanie »38, il a souligné qu’il l’avait fait pour rédiger ensuite son

32 http://yanisvaroufakis.eu/about/from-personal-calamity-to-restored-hope/ 33 « Varoufakis, démiurge des finances grecques », Libération, 2 février 2015 34 « Un ministre grec formé à l'économie virtuelle », Le Monde, 2 février 2015. Gabe Newell, chef de l’entreprise, a lu sur le blogue de Yanis Varoufakis « les réquisitoires en règle dressés par Varoufakis contre les mesures d'austérité et les contraintes imposées à la Grèce. « En me débattant avec certains des problèmes les plus pointus posés par les balances des paiements, j'ai compris que c'était la même situation qu'entre la Grèce et l'Allemagne - une idée qui ne me serait jamais venue si je n'avais pas lu votre blog », écrit Gabe Newell ». 35 http://yanisvaroufakis.eu/2015/01/27/finance-ministry-slows-blogging-down-but-ends-it-not/ 36 Op. cit. Le Monde, 29 janvier 2015 37 http://yanisvaroufakis.eu/2015/05/24/the-truth-about-riga/ 38 « Grèce: Varoufakis a bien enregistré les discussions de l’UE à Riga », APF, 24 mai 2015

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compte rendu et que c’est une chose habituelle. Par contre, il a fermement démenti avoir diffusé le contenu de ces enregistrements aux journalistes.

3. Les phrases choc

Yanis Varoufakis n’est pas un homme politique, il est avant tout un économiste qui maitrise bien sa matière mais beaucoup moins la langue de bois. Certes décevante cette technique de s’exprimer devant les journalistes et le grand public est indispensable pour survivre dans l’arène bruxelloise. Si on ajoute à ce « handicap politique » du ministre grec le fait qu’il aime la provocation, il n’est pas difficile d’imaginer le cocktail explosif que les déclarations de Yanis Varoufakis ont pu constituer. Le magazine Le Point39 est même allé jusqu’à compiler et publier un recueil des « petites phrases » prononcées par Yanis Varoufakis dans le mois qui a suivi sa nomination, dont voici quelques extraits :

« - "Si l'Europe et Berlin pensent avoir le droit moral de nous asphyxier, de nous tuer, je pense que nous devons être prêts à les laisser faire [...], la mort est préférable [si aucun accord est possible, NDLR]." (La Tribune, le 20/01/2015). Sans que Yanis Varoufakis, alors simple économiste, ait précisé sa pensée, cette phrase semble signifier qu'il était prêt à laisser son pays sortir de l'euro en cas d'intransigeance des Européens.

- Yanis Varoufakis, qui s'exprime dans un anglais parfait, dénonce régulièrement le "fiscal waterboarding" (simulation de noyade budgétaire).

- "Jean-Claude Trichet a complètement dépassé son mandat en forçant l'Irlande à transformer la dette privée en dette publique [avec le sauvetage des banques, NDLR]. Il brûlera en enfer pour cela, ou devrait au moins être jugé par une Cour européenne." L'ancien président français de la Banque centrale européenne avait menacé dans une lettre le gouvernement irlandais de couper les financements d'urgence de la BCE si le pays n'acceptait pas le plan de sauvetage européen

39 « Grèce : les phrases-chocs du ministre des Finances », Le Point, 16 février 2015

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proposé en échange de mesures d'austérité, en novembre 2010. (La Tribune, le 20/01/2015)

- "Je suis le ministre des Finances d'un pays en faillite", déclare Varoufakis dans une interview à l'hebdomadaire allemand Die Zeit du 4 février.

- Le ministre dénonce aussi régulièrement une "dette odieuse", en s'appuyant sur une jurisprudence de droit international selon laquelle une dette contractée par un régime pour financer des actions contre l'intérêt de ses citoyens et dont les créanciers avaient connaissance est nulle et non avenue.

- "Le problème n'est pas que vous n'avez pas assez payé. Le problème, c'est que vous avez trop payé. Mais vous ne vous êtes pas rendu compte que moins de 10 % de votre argent a bénéficié à la Grèce. Le reste a été englouti par les créanciers, et dans le trou noir de la dette", explique-t-il régulièrement aux contribuables français et allemands.

- La Grèce a été shootée à l'argent pendant des années, elle est "comme un junkie qui réclame une nouvelle dose, il faut l'aider à se sevrer", a-t-il expliqué lors de sa rencontre avec Michel Sapin à Paris le 1er février, pour expliquer son intention de ne pas réclamer tout l'argent restant à verser du second plan d'aide européen de 2012.

- "Nous nous battrons contre les puissants intérêts acquis et nous ne nous laisserons pas traiter comme une colonie de la dette qui n'a que ce qu'elle mérite" (New York Times, 16/02/2015) ».

Pour combler le tout Yanis Varoufakis avait déclaré le 16 février 2015 que « Wolfgang Schäuble est probablement le seul politique européen avec de la consistance intellectuelle »40, certes flatteur pour son homologue allemand, mais nettement moins gracieux à l’égard de ses autres homologues. Bien évidemment toutes ces déclarations ont une force médiatique incontestable. Elles font les gros titres dans les journaux, elles sont idéales pour la presse et les journalistes.

40 « Varoufakis : Schäuble, seul politique « avec de la consistance intellectuelle » », Le Point, 16 février 2015

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Après avoir lu ces déclarations sans détours, on peut se demander dans quelle mesure Yanis Varoufakis a pu maîtriser sa communication dans le cadre plus formel des négociations entre la Grèce et la Troïka.

4. Les conférences de presse

Yanis Varoufakis a donné deux conférences de presse télévisées, une avec Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe le 30 janvier qui a fait le déplacement à Athènes pour rencontrer le Ministre grec ; l’autre avec Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, le 5 février à Berlin. Toutes les deux ont été fort médiatisées et nous ont permis d’examiner de près les réactions des protagonistes devant les caméras.

Dans les deux cas, les rapports étaient très tendus, ce que personne ne pouvait nier. S’agissant de la conférence Dijsselbloem – Varoufakis, le Ministre grec « a prévenu d'emblée son invité : il refuse de dialoguer avec la troïka, qui représente les trois principaux créanciers de la Grèce, à savoir les gouvernements européens, le FMI et la BCE. « La Grèce veut bien dialoguer, mais pas avec le comité branlant de la Troïka », a indiqué Varoufakis. « Ignorer les accords n'est pas le bon chemin à prendre », a rétorqué le ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem ». 41

Au-delà des déclarations, la communication non verbale de cette conférence est également… éloquente ! Devant les caméras, en se levant de table, Dijsselbloem chuchote quelques mots à Varoufakis qui paraît très surpris. Le Président de l’Eurogroupe retire sa main pour se libérer de la poignée de main du Ministre grec, une scène qui concentre en l’espace d’une seconde l’ambiance générale de la rencontre.

La conférence de presse avec Wolfgang Schäuble est un autre moment difficile puisque le désaccord est total : « Wolfgang Schäuble résume l'impasse : aucune solution à la nouvelle crise grecque n'a été évoquée. « Nous sommes d'accord pour dire que nous ne sommes pas d'accord », dit-il le visage grave. Lorsqu'il prend la

41 « Athènes refuse de discuter avec la troïka », Le Figaro, 31 janvier 2015

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parole, Yanis Varoufakis… dresse un constat mi-amer, mi-ironique. « De mon point de vue, nous ne sommes même pas tombés d'accord sur le fait de ne pas être d'accord », observe-t-il »42.

Ces deux conférences ont toutes deux été des conférences difficiles à gérer au niveau médiatique puisque l’heure était grave. Nous nous demandons si elles auraient pu être au moins conduite de manière plus civilisée si les interlocuteurs étaient différents et si Yanis Varoufakis avait plus d’expérience de l’arène politique.

B. Les thématiques incontournables :

Syriza est un parti politique qui a bâti sa victoire aux élections sur un discours anti- austérité. Sa compagne était axée sur l’idée que la troïka avait mis en place un mécanisme voué à l’échec et que le mémorandum qu’elle avait signé avec le gouvernement grec précédent n’était pas tenable. Il s’est présenté comme le seul parti capable mener un combat pour restaurer la « dignité du peuple grec », Pasok et la Nouvelle Démocratie étant jugées incapables de mettre un frein aux mesures imposés par la Troïka. Yanis Varoufakis compte parmi les ténors de ce discours.(1). Syriza soutient que le mécanisme européen de soutien n’est pas en mesure de sortir la Grèce de la crise. Son programme pré-électoral était un programme plein de promesses telles la fin de l’austérité et la stimulation de l’économie par le biais de l’investissement public. Yanis Varoufakis est parmi ceux qui estiment que le système doit changer radicalement et il se veut porteur de ce message à la Troïka (2).

1. Le discours anti-austérité

Les mesures d’austérité prises depuis cinq ans en Grèce ont appauvri la classe moyenne du pays. L’impact dans la société grecque est très visible avec la hausse du chômage, la fuite des cerveaux et même la monté d’un parti néonazi, l’Aube dorée. Pourtant, la conséquence la plus grave est la division de la société en deux camps. Un camp pro-européen qui se dit prêt à prendre encore plus de mesures

42 « Entre Berlin et Athènes, le « désaccord » est total », Le Figaro, 6 février 2015

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douloureuses pour maintenir la Grèce dans l’Europe et la zone Euro ; et un camp qui serait prêt à explorer d’autres solutions pour faire sortir la Grèce de la crise, même si ceci implique de briser les accords avec la troïka et ne pas tenir les engagements de la Grèce vis-à-vis de ses partenaires européens.

Syriza est un parti anti-austérité qui a tenu un discours très antiallemand en fustigeant la chancelière allemande et surtout son Ministre des Finances Wolfgang Schäuble. En outre, il s’est concentré sur la troïka et prôné l’effacement d’une grande partie de la dette. « Syriza veut effacer une partie de la lourde dette publique du pays, et remettre à plat les accords passés avec ceux qui la détiennent (FMI, Banque centrale européenne, Etats européens). Ces accords, en échange d'une aide globale de 240 milliards d'euros et de mesures de clémence financière prises à partir de 2010, fixent à Athènes des objectifs très contraignants, consistant à dégager chaque année un excédent budgétaire conséquent, et à faire contracter fortement sa dette, calculée en pourcentage du Produit intérieur brut, d'ici 2020»43.

Alexis Tsipras, en tête du nouveau gouvernement depuis fin janvier 2015, a beaucoup mis l’accent sur la paupérisation de la population grecque. C’est la raison pour laquelle il n’a pas perdu son temps : « Priorité sera donc donnée à «la crise humanitaire» d'un pays où un tiers de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Des mesures symboliques ont ainsi déjà été annoncées, comme le retour du Smic à 750 euros (alors qu'il avait été abaissé à 510 euros). «Plus personne ne doit avoir faim dans ce pays, plus personne ne doit être privé d'électricité suite à des factures impayées», a promis mercredi Alexis Tsipras, qui a qualifié son équipe de «gouvernement de sauvetage national»44. De belles promesses, mais impossibles à tenir lorsque les caisses de l’Etat sont vides.

Yanis Varoufakis compte parmi les ténors de ce discours anti-austérité. « Il a dénoncé ces dernières années la « dette odieuse» qui est réclamée à la Grèce, le « crime humanitaire » engendrée par les politiques d'austérité de la troïka et traité Jean-Claude Trichet de « plus mauvais banquier central de l'histoire », parce qu'il avait demandé à la Grèce d'emprunter l'argent des contribuables allemands pour rembourser la BCE. Les recettes de la troïka ? Rien d'autre qu'un « transfert cynique

43 « Grèce : Yanis Varoufakis souhaite un accord global d'ici à fin mai », Les Echos, 1er février 2015 44 « Grèce : la révolution des sans cravates », Libération, jeudi 29 janvier 2015

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des pertes bancaires sur les épaules des contribuables les plus faibles », expliquait- il récemment sur son blog »45.

La virulence de ce discours aurait pu rester circonscrite à la période pré-électorale où les différents partis se battent pour le pouvoir et montent au créneau pour se distinguer les uns des autres. Toutefois, Yanis Varoufakis a continué avec la même ferveur juste après son élection. « Dimanche, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire To Vima, Yanis Varoufakis a assuré que le programme d'austérité mené dans son pays est « très mauvais pour toute l'Europe ». « Nous contestons (le programme d'austérité mené jusqu'ici) non seulement parce qu'il n'est pas bon pour la Grèce, mais parce qu'il est très mauvais pour toute l'Europe », a-t-il déclaré. « N'oublions pas que tout ceci n'est pas qu'une crise grecque. Nous avons l'Italie dont la dette n'est pas viable, la France qui sent le souffle de la déflation sur sa nuque, même l'Allemagne est entrée en déflation », dans une phase de baisse des prix, a dit le ministre »46.Cette dernière partie de sa déclaration sera violement contestée par les autres pays de la zone euro ciblés.

Yanis Varoufakis a tenu le même discours anti-troïka concentré sur la restauration de la dignité grecque devant ses homologues européens, une fois nommé ministre. « Face à des ministres des Finances habitués à parler chiffres et droit, Yanis Varoufakis a tenu un discours de campagne, pour expliquer la « crise humanitaire », « l'humiliation du peuple grec » et « les énormes erreurs commises par les créanciers »47. Certes, cette posture valorise sa fiabilité politique mais elle va rapidement lui coûter cher.

2. Une autre solution pour la Grèce

En cinq ans, les mesures difficiles prises par les gouvernements grecs n’ont pas permis à l’économie grecque de se redresser. Progressivement, l’idée s’installe selon laquelle le médicament n’est pas adapté et qu’il rend le patient, c’est à dire l’économie grecque, de plus en plus malade. Dans son programme dit « de

45 « Yanis Varoufakis, un économiste iconoclaste pour négocier avec l'Europe », Les Echos, 28 janvier 2015 46 Op. cit. Les Echos, 1er février 2015 47 « Comme si on ne parlait pas la même langue », Les Echos, lundi 16 février 2015

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Thessalonique », qui a été annoncé en septembre 2014, Syriza a fait des promesses certes très attirantes mais difficilement réalisables. « Alexis Tsipras veut ouvrir les vannes pour ranimer une économie exsangue, en réembauchant des fonctionnaires et en soutenant le pouvoir d'achat des plus modestes »48. Toutes ces promesses sont censées être rendues possibles par un cadre économique différent.

Yanis Varoufakis, son Ministre des Finances, propose une solution où le remboursement de la dette dépend de l’évolution du PIB nominal. « Yanis Varoufakis a ouvert le feu contre la politique d'austérité de la zone euro en novembre 2010, au moyen de l'essai Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro, coécrit avec Stuart Holland, économiste et ancien député travailliste. Les auteurs y ont appelé la Banque européenne d'investissement à utiliser des obligations émises par la Banque centrale européenne pour investir dans les régions déficitaires »49.

« Ils proposent « de financer, par un outil financier commun, des travaux d'infrastructures permettant un rattrapage des pays les moins développés, et un rapprochement économique des futurs Etats membres » […]. Ils évoquent aussi une mutualisation partielle de la dette des Etats, un scénario perçu comme cauchemardesque en Allemagne et en Europe du Nord »50. En d’autres termes, pour relever l’économie grecque, Yanis Varoufakis préconise la fin de l’austérité et la stimulation de l’économie par un plan massif d’investissements.

Mais surtout et primordialement, le Ministre grec veut que la Grèce cesse d’emprunter pour rembourser ses emprunts. « « En 2010, la Grèce s'est retrouvée en faillite, expliquait-il au Monde à la veille du scrutin législatif, où il a été élu député d'Athènes. Et l'Europe a prétendu que ce n'était pas le cas et qu'il s'agissait d'un problème de liquidités. Elle a mis en place le plus grand prêt de l'histoire à un pays en faillite, en nous demandant de faire des coupes budgétaires. Cela ne pouvait pas bien se finir. » Avant les élections, il a vigoureusement dénoncé les oligarques « qui contrôlent les banques, les grandes entreprises, les médias et qui sont responsables de la crise grecque ». Il est maintenant chargé d'un pays qu'il décrit comme triplement ruiné, avec « des établissements bancaires en faillite, un secteur public en

48 Op. cit. Les Echos, 1er février 2015 49 Op. cit. Le Monde, 2 février 2015 50 Op. cit. Le Monde, 29 janvier 2015

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faillite, tout comme le secteur privé ». Adepte d'une politique économique hétérodoxe, amateur de paradoxes, M. Varoufakis sait trouver les failles dans les raisonnements économiques. Il va lui falloir trouver des solutions pour une économie en piteux état. Il ne propose pas le grand soir. « Notre Etat doit vivre par ses propres moyens. Nous sommes prêts à mener une vie austère, ce qui est différent de l'austérité. » « Quand vous êtes en faillite vous avez un devoir moral de ne pas emprunter plus d'argent, avant de vous asseoir avec vos créanciers pour restructurer la dette », ajoute-t-il ».51

Toujours très enclin à exprimer publiquement ses opinions, il avait demandé depuis 2012 à son prédécesseur d’arrêter d’emprunter. « En juin 2012, Yanis Varoufakis avait écrit une « Lettre ouverte à un bon ami et collègue (qui fut hier ministre des finances) », Ioannis Stournaras, aujourd'hui gouverneur de la Banque de Grèce. Il y imaginait les futures rencontres de cet ami à l'Eurogroupe : « Ce qu'ils sont prêts à te donner, ce sont des cordes pour te pendre (extension, rééchelonnement plus souple des paiements). Tu dois les refuser et demander à la place une échelle sur laquelle ils pourront eux aussi grimper. » »52.

Tout le raisonnement économique, exprimé avec constance, de Yanis Varoufakis découle de deux convictions. Le premier est que le problème de la Grèce n’est pas sa dette mais le manque d’investissement. Le deuxième est que « « Nos meilleurs modèles économiques - ceux de la Réserve fédérale américaine, du Fonds monétaire international ou de l'Organisation de coopération et de développement économiques ne valent pas la peine d'être construits. Parce qu'ils partent du principe qu'il existe une forme de stabilité et une tendance à converger vers l'équilibre - ce qui ne sert qu'à rendre ces modèles plus jolis. Mais cela n'existe pas dans le réel » , disait-il à Reason »53. La difficulté sera de faire partager ces convictions à ses homologues.

51 Idem. 52 Idem. 53 Op. cit. Le Monde, 2 février 2015

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CONCLUSION PARTIELLE

Syriza accède au pouvoir dans un moment critique pour la Grèce. Après cinq ans de crise profonde, qui ont transformé le paysage économique, sociétal et politique du pays, il apparaît comme la solution providentielle, le dernier recours. Il a été élu pour répondre au besoin que les deux partis politiques traditionnels, qui avaient gouverné le pays durant les derniers quarante ans, ont échoué à satisfaire : faire sortir le pays de la crise. En particulier, les partisans du Pasok, formation de la gauche socialiste historique, ont reporté leurs voix vers Syriza. Les membres de Syriza savent en outre que s’ils échouent le désespoir pourrait faire basculer le corps électoral vers des partis politiques qui se trouvent complètement en dehors du spectre démocratique, notamment l’Aube dorée, qui est devenue à la faveur des élections de janvier 2015 la troisième force politique du pays.

La difficulté, pour Syriza, à se doter d’un discours clair et modéré, trouve son origine dans le fait qu’il n’est pas un parti homogène. Ses composantes sont très différentes et leurs discours sont souvent très éloignés du discours tenu par Alexis Tsipras. Le Premier ministre n’a presque aucun contrôle du tiers de son parti, dérivant vers une rhétorique anti-européenne en demandant la sortie de la zone Euro et un rapprochement avec la Russie.

Dans ce contexte le Ministre des Finances, Yanis Varoufakis, apparaît comme l’homme providentiel en raison de son caractère atypique. Il n’est entré que récemment dans les rangs de Syriza. Formé au Royaume-Uni, cet économiste renommé a travaillé en Australie et aux Etats-Unis. Ce sont ses publications qui séduisent Alexis Tsipras qui lui offre le poste ministérielle.

Cependant, il se retrouve du jour au lendemain dans un environnement qu’il ne maitrise pas et dont il n’a aucune expérience ; celui des négociations bruxelloises. Si son parcours académique lui permet d’être à l’aise avec son portefeuille ministériel, son expérience des négociations est purement théorique. Yanis Varoufakis transforme rapidement les négociations en laboratoire pour éprouver la théorie des jeux, qu’il va mettre pour la première fois en pratique.

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Ensuite, le Ministre grec est hyper médiatisé mais ne maîtrise que partiellement le jeu médiatique. Il est très à l’aise avec les réseaux sociaux et les nouvelles technologies. Probablement un peu trop à l’aise pour un homme politique. Il lance des phrases choc qui secouent les chancelleries européennes, il rétorque par son compte Twitter, il développe ses théories sur son blog. Lors de ses conférences de presse, rien ne se passe comme dans les conférences de presse politiques traditionnelles. Certes, il est rafraichissant pour l’opinion publique de voir un politicien qui n’utilise pas la langue de bois, mais dans ce genre des circonstances la langue de bois est souvent un outil indispensable pour apaiser les tensions.

Or Yanis Varoufakis n’est pas une personne capable de modération et de tempérance. Il est convaincu que le problème de l’économie grecque n’est pas sa dette publique mais le manque d’investissements, et que le remède imposé par la Troïka n’a pas d’autre effet que de plonger davantage le pays dans la récession. Par conséquent, contre vent et marée il a cherché à obtenir l’effacement d’une partie de la dette grecque, afin de « libérer » le pays des obligations qui découlent du mémorandum signé avec la Troïka. Son inexpérience politique et le manque de compréhension des équilibres européens ne vont pas lui permettre d’avancer beaucoup dans cette voie.

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DEUXIEME PARTIE : YANIS VAROUFAKIS DANS LA PRESSE FRANÇAISE

Introduction partielle

Yanis Varoufakis est sans doute le membre du nouveau gouvernement grec qui a le plus fasciné la presse internationale. Nouveau venu dans le paysage politique, arborant un style excentrique dans un milieu bruxellois aseptisé, l’économiste rebelle et ses propositions en dehors des sentiers battus, ministre anticonformiste prêt à affronter la troïka : toutes les conditions étaient réunies pour ravir les journalistes et un lectorat attiré par les histoires à sensation. Si on ajoute à tout cela une personnalité extrovertie et explosive, on comprend comment Yanis Varoufakis a pu alimenter sans peine les titres des quotidiens européens.

A ce point-ci nous estimons nécessaire de rappeler nos trois hypothèses. Selon la première hypothèse la presse française a réservé un traitement plutôt people à Yanis Varoufakis. Selon une deuxième hypothèse le traitement journalistique du Ministre grec était fondé sur la politique qu’il a menée. Enfin, notre troisième hypothèse était que la manière de considérer Yanis Varoufakis dépendait de la ligne éditoriale des différents quotidiens français.

Au début, la presse présente Yanis Vafoufakis à ses lecteurs en équilibrant les aspects people et les aspects techniques. Cependant, progressivement, les articles centrés sur son caractère deviennent prédominants. Même les articles sur l’Eurogroupe ont progressivement adopté un traitement people de Yanis Varoufakis. Une première partie sera consacrée à la manière dont la presse écrite française représente le personnage Yanis Varoufakis (Chapitre I). Dans un deuxième temps, c’est la manière dont elle a appréhendé Yanis Varoufakis dans l’exercice de ses fonctions qui sera examinée (Chapitre II).

I. LA PERSONA YANIS VAROUFAKIS

Le « Bruce Willis » de la Grèce, « l’économiste avec la tête rasée et la mâchoire forte », « le ministre en tee-shirts et chemises déboutonnées » sont des périphrases

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récurrentes pour qualifier Yanis Varoufakis dans la presse écrite française. Le ministre grec, au vu des adjectifs et des commentaires utilisés pour le décrire, a bénéficié d’un traitement médiatique normalement réservés aux stars de la société du spectacle. L’actualité économique grecque, relativement terne jusque-là, est devenue beaucoup plus colorée grâce à la présence de ce ministre des finances « rock star » (A). Les commentaires sur son parcours sont dithyrambiques. Ses études au Royaume-Uni, son parcours professionnel en Australie et aux Etats-Unis, la vision différente que Yanis Varoufakis peut apporter sont généralement mis en avant. Outre ses compétences en économie, ses connaissances de la théorie des jeux sont souvent soulignées (B).

A. Un ministre des finances « rock star »

Yanis Varoufakis devient un phénomène médiatique dès sa nomination. Sans aucun doute, il a fait couler beaucoup d’encre dans la presse internationale et la France ne fait pas exception à la règle. En France, de nombreux articles ont commenté son style excentrique et son physique athlétique, et ce quelle que soit la ligne éditoriale des quotidiens (1). Après un premier temps cette curiosité aurait dû être apaisée. Pourtant Yanis Varoufakis continue de faire la Une des médias pour sa dimension people qu’il va d’ailleurs jusqu’à cultiver, comme il l’a fait lors de son interview pour Paris Match (2). Enfin, l’affaire du doigt d’honneur est très révélatrice de certains phénomènes médiatiques contemporains durant lesquels où le besoin d’un « buzz » continu fait le succès des « fakes » et les « fakes de fakes » sur internet, sur lesquels la presse traditionnelle tentait tant bien que mal de faire la lumière (3).

1. Un style excentrique

La presse française a clairement tiré parti de la tempête « Yanis Varoufakis » pour faire de jolis titres. Le Ministre grec a d’abord frappé par son style vestimentaire en rupture avec l’habillement plus conventionnel attendu des personnalités politiques évoluant à ce niveau de responsabilité. Son style a d’abord été commenté par tous les journaux mais sans critique particulière ; il était même parfois valorisé. Néanmoins, quelques semaines plus tard et alors que ses rapports avec ses

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homologues européens se sont dégradés, les commentaires se sont faits plus piquants et parfois même ironiques.

Au début les descriptions étaient plutôt neutres, parfois assortis d’une pointe d’humour bienveillante. Nous lisons dans Le Monde du 29 janvier : « Avec son crâne rasé, ses tee-shirts ou ses chemises déboutonnées, sa stature puissante, il a un air d'un économiste-rock, qui cite « Hotel California » pour décrire l'Eurozone, un lieu « qu'on ne peut jamais quitter »»54. Pareil, dans l’édition de Libération du 29 janvier, l’accent est mis sur le fait que nouveau gouvernement grec est un gouvernement sans cravates : « Yanis Varoufakis, économiste réputé et désormais détenteur d'un des postes les plus importants du nouveau gouvernement, s'affiche très «casual chic» : sac à dos kaki et sans cravate. « Démodée la cravate ? » Mega TV, la principale chaîne de télévision privée grecque, s'est très sérieusement penchée sur la question vendredi lors de son émission matinale d'actualité »55.

On n’observe pas de grandes différences dans la manière dont Le Figaro du 1er février traite l’entrée en fonction de Yanis Varoufakis. On peut y lire : « Le nouveau ministre des Finances grec, 53 ans, statisticien de l'économie et hyper-actif médiatique, détonne par son style et sa pensée. […] L'habit ne fait pas toujours le moine. Crâne rasé, chemises bariolées et franc-parler, la «décontractitude» de Yanis Varoufakis cache une réelle crédibilité internationale en matière d'économie»56.

La presse française est en phase d’attente. Sans vraiment savoir quoi attendre du Ministre grec, elle se concentre d’abord sur ses les apparences. Libération se demande quel rôle pourrait jouer dans le paysage économique européen ce « beau gosse » : « Mais le nouveau ministre des Finances grec marquera assurément les annales européennes. Ne serait-ce que par son style : plutôt beau gosse, le «George Clooney de la politique grecque» - comme l'a baptisé le commentateur d'une télé locale - n'a pas renoncé, une fois nommé grand argentier de son pays, à une tenue chic et décontractée »57 et n’hésite pas à verser dans un ton glamour

54 Op cit. Le Monde, 29 janvier 2015 55 Op. cit. Libération, 29 janvier 2015 56 Op. cit. Le Figaro, 1er février 2015 57 Op. cit. Libération, 2 février 2015

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assumé en évoquant ce « que lui a apporté par la suite sa liaison avec une artiste conceptuelle, par ailleurs très belle. Voilà pour la touche glamour ».58

Après cette première période de grâce et alors que les tensions montent à la suite des premières rencontres avec ses homologues européens, les commentaires sur son style vestimentaire se font plus courts, à l’image de celui paru dans Le Figaro après la rencontre du Ministre grec avec le Ministre allemand : « Yanis Varoufakis, qui pour l'occasion avait troqué sa veste en cuir pour une sobre chemise bleue et une veste noire, dresse un constat mi-amer, mi-ironique »59. Dans le même état d’esprit nous lisons dans Le Monde à l’occasion de la rencontre de Yanis Varoufakis avec Jeroen Dijsselbloem : « M. Varoufakis, qui avait adapté son " dress code " - toujours sans cravate, mais avec manteau noir et sage écharpe en cachemire -, a évoqué " une réunion fascinante " même s'il " n'a jamais été question de trouver un accord ce soir, mais de faire connaissance " »60.

Après l’Eurogroupe très tendu du février on peut sentir un changement de ton : la presse française devient plus sévère vis-à-vis de Yanis Varoufakis. Les Echos estiment que le problème principal de Yanis Varoufakis émane de son égo surdimensionné : « Chemise bleu fluo échancrée. C'est sans doute le principal problème que pose Yánis Varoufakis au reste du club de la zone euro : cet homme a toujours l'air en représentation de lui-même. Sa visite à George Osborne, le ministre de l'Economie britannique, en a fait instantanément une rock star aux yeux du « Guardian ». Le journaliste du quotidien de la gauche britannique a vu dans sa chemise bleu fluo largement échancrée, style pilier de pub, et son manteau en cuir, évoquant ceux que portaient les dealers dans les années 1990, la résurgence du Madchester, le mouvement musical mis en vogue par le groupe Happy Mondays, au début de l'ère Thatcher »61.

Sur un article étonnant de paru dans Libération, signé Luc le Valant, qui traite de la communication politique de Yanis Varoufakis, le Ministre est comparé à Hercule, et même à un symbole sexuel, mais sans aucune allusion à son œuvre politique : « On pourrait croire que Varoufákis, le ministre grec des Finances, affole son monde par

58 Idem. 59 Op. cit. Le Figaro, 6 février 2015 60 « L'Europe et la Grèce inflexibles sur leurs positions », Le Monde, 13 février 2015 61 « Varoufákis, ministre pour la beauté du geste », Les Echos, 26 février 2015

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sa frénésie idéologique d'en finir avec l'austérité égorgeuse de Bruxelles. Il est probable que le message de l'universitaire passe d'autant mieux que son analyse est bodybuildée par un physique de brute épaisse aux mâchoires carrées mordant dans le segment de l'émotivité sensible. […] Le culturiste très art contemporain a aussi conquis le code couleur. Regardez-le remonter le col de sa veste sur un parement aussi écarlate que le rouge des drapeaux de 17. Voyez comment il défouraille les pans de chemise hors du pantalon, en sans-culotte qui like la liquette libre, moquant les prudents déboutonnages des quadras sociaux-libéraux, ces Valls et Renzi premiers communiants en blanc toujours pendus à la cravate de la finance. Admirez le bleu pétrole de ses tenues de scène qui renvoie au chanteur australien des Midnight Oil, tout aussi razibus de l'occiput »62.

Le temps ne joue pas en faveur de Yanis Varoufakis, ni du gouvernement grec. Chaque tergiversation aux négociations, chaque va-et-vient du Ministre qui ne donne pas un résultat conclusif le décrédibilise dans les médias. La personne la plus médiatisée du gouvernement grec devient une cible pour la presse et son style « décontracté » source de moquerie. Dans le Monde du 3 avril, on peut lire des propos humoristiques qui frôlent l’outrage et l’on ne peut que constater avec perplexité la vitesse avec laquelle une personne encore traité il y a peu comme un Dieu médiatique peut descendre aux enfers : « Ainsi, lors d'une récente visite au Royaume-Uni, l'homme au crâne rasé et à la mâchoire carrée est apparu vêtu d'une parka en cuir noir évoquant les pires heures du proxénétisme. Ce jour-là, au 10 Downing Street, Varoufakis portait également son jean habituel et sa chemise moulante. Comme à chaque fois, cette dernière pendait négligemment. Quoi de mieux, après tout, pour matérialiser un esprit de liberté et de totale insoumission à l'autorité, que de porter sa chemise hors de son jean […] Puisque Varoufakis aime laisser pendre sa chemise, comment ne pas voir dans ce type de modèle une piste stylistique pour lui ? Comment, surtout, ne pas imaginer la dégaine de cet homme musclé, rasé, portant une chemise hawaïenne sous sa parka en cuir circulant au milieu de ses homologues costumés lors d'une réunion au sommet à Bruxelles ? Qui

62 « Le corps de Varoufákis, ou quand Hercule bouscule (l') Europe », Libération, 3 mars 2015

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oserait dire non à un homme aussi désespéré pour se vêtir de la sorte ? Franchement »63.

Seul quotidien qui prend la défense de Yanis Varoufakis c’est L’Humanité qui est outré par l’approche que les médias ont désormais du Ministre : « le traitement médiatique réservé à Yanis Varoufakis en dit long sur la diabolisation des opposants aux choix d'austérité. Certains éditorialistes ont épuisé, à son propos, le champ lexical de « l'arrogance » et de « l'agressivité ». D'autres ont scruté jusqu'à ses codes vestimentaires pour y traquer les preuves de sa forfaiture. « Guidé par l'idée simple (...) que l'on cède toujours plus vite devant un homme musclé, dangereux et si désespéré qu'il ne respecte plus la moindre règle, il soigne de près sa toilette », lit- on dans M, le magazine du Monde, qui fustige « l'homme au crâne rasé et à la mâchoire carrée » apparu lors d'une visite officielle « vêtu d'une parka en cuir noir évoquant les pires heures du proxénétisme ». Voilà jusque dans quels égouts a sombré le débat politique en Europe : le ministre grec des Finances comparé à un vulgaire maquereau. « Les ultralibéraux tirent sur lui à boulets rouges, la presse dominante le présente tour à tour comme un roquet ne comprenant rien à la politique ou comme un bolchevique au couteau entre les dents »64.

2. Un amateur du lifestyle

Yanis Varoufakis a beau être un Ministre se réclamant de gauche radicale, il a connu et continue d’apprécier la belle vie. Eduqué dans des écoles privées en Grèce, étudiant de grandes universités britanniques et ayant vécu pendant plus de vingt ans au Royaume-Uni et en Australie, il apprécie le lifestyle. Ses pratiques caractéristiques de la gauche caviar ne sont pas passées inaperçues de la presse française. Yanis Varoufakis a même été jusqu’à donner une interview et à se prêter à un photoreportage dans Paris Match. En particulier, l’observation de ce genre de paradoxes chez une personnalité politique de gauche a fait les délices de la presse de droite.

63 « Yanis Varoufakis », Le Monde, 3 avril 2015 64 « Qui veut la peau de Yanis Varoufakis ? », L’Humanité, 5 mai 2015

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Dès le 26 février, on peut lire les premiers articles qui font allusion à la vie fastueuse que mène Yanis Varoufakis : « Son arrivée sur sa moto 1.300 cc au premier Conseil des ministres présidé par Aléxis Tsípras a également fait sensation. Pour autant, si ce fils de la grande bourgeoisie athénienne - son père, un ancien communiste, a fini par devenir président d'un des plus gros producteurs d'acier grec, le groupe Halyvourgiki - soigne son image de contestataire, il ne dédaigne pas l'aisance financière. Avec Danaé, son épouse, elle-même héritière d'une dynastie industrielle du textile, ils ont pris l'habitude de passer leurs vacances dans une superbe maison d'architecte sur l'île d'Egine, tout près de la capitale »65.

Si Les Echos nous informent de l’existence de sa maison sur l’île d’Egine, c’est Le Figaro qui nous donne plus de détail sur sa piscine et la réaction de la presse féminine à son égard : « Yanis Varoufakis a l'arrogance d'une rock star, son style vestimentaire, chemise ouverte sous une veste au liseré rouge au col remonté et le tout drapé d'un blouson en cuir, déchaîne les foules. Où qu'il aille, les caméras le suivent. Les émissions « people » se déplacent sur l'île d'Égine, à quarante minutes de bateau du Pirée, où il passe les week-ends dans sa luxueuse maison avec piscine, en compagnie de sa femme, Danae Stratou, artiste peintre. Les médias ont sollicité son ex-femme jusqu'en Australie, qui le soutient. La presse féminine n'a d'yeux que pour son torse musclé et qualifie Varoufakis de ministre des Finances le plus sexy qu'ait jamais connu le pays »66.

Même Libération se permet de consacrer un article sur le lifestyle sur Yanis Varoufakis surtout après la sortie en kiosques de la Une de Paris Match qui lui est consacrée : « En Grèce, les moqueries sur son style exubérant et narcissique proviennent surtout de la classe aisée dont fait justement partie ce fils de directeur d'usine marqué à gauche (son père sera même emprisonné sous la dictature des colonels qui a dirigé le pays entre 1967 et 1974). Il est vrai que ce quinquagénaire très à l'aise étale souvent sa vie privée en public. Même dans les introductions de ses livres, on n'échappe pas toujours aux références sur sa fille Xenia, élevée en Australie (où il a lui-même vécu dix ans, obtenant la double nationalité), ou sur sa passion pour sa compagne actuelle, l'artiste conceptuelle Danae Stratou, fille d'un

65 Op. cit. Les Echos, 26 février 2015 66 « En six semaines, Varoufakis, adulé à Athènes, s'est fait détester à Bruxelles », Le Figaro, 9 mars 2015

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riche industriel du coton. C'est d'ailleurs dans le splendide appartement situé dans l'immeuble appartenant à la famille de sa femme qu'a été réalisé le reportage publié dans Paris Match en mars, qui le montre enlaçant maladroitement la blonde Danae avec l'Acropole en fond. L'intéressé a ensuite confessé qu'il regrettait «l'esthétique de ces photos». Mais c'est aussi pour des raisons «esthétiques» qu'il se serait battu dès l'enfance pour faire supprimer le «n» de trop de son prénom si banal. Ce qui reflète à minima une précoce obsession de soi-même »67.

Il est clair que Yanis Varoufakis a dépensé tout son capital médiatique dans un temps record. Il est étonnant que cette histoire de son prénom, connue en Grèce depuis longtemps, soit parvenue jusque dans la presse française et c’est Libération qui l’expose en plein jour. Le quotidien précise que Yanis Varoufakis a compris qu’il avait perdu le contrôle de son image médiatique : « Les médias raffolent de lui, autant qu'il raffole d'eux. On ne compte plus ses interviews ces derniers mois, jusqu'au tollé, à la parution mi-mars d'un reportage dans Paris Match. On l'y voit enlaçant Danae sur la terrasse de leur bel appartement avec vue imprenable sur l'Acropole, à Athènes. Des images glamour, qui font glousser à Bruxelles et tousser en Grèce où la majorité de l'électorat Syriza se compose de la classe moyenne appauvrie. « Je regrette l'esthétique de ces photos », finira par déclarer Varoufakis face aux critiques... »68. Ce n’est pas par hasard que Les Echos parlent du début de la chute d’un couple glamour69.

3. L’affaire du doigt d’honneur

Le « fingergate » est emblématique de la culture des « fakes » qui fait partie intégrante du monde médiatique contemporain. Il a préoccupé pendant une semaine la presse allemande et européenne, qui n’arrivait pas à décider s’il s’agissait d’un vrai ou faux événement. Tout a commencé lors d’une apparition de Yanis Varoufakis sur la chaîne de télévision allemande ARD le dimanche 15 mars. Le présentateur Günther Jauch a demandé au Ministre grec s’il avait fait un doigt d’honneur à

67 « Yánis Varoufákis, l'enlèvement du bel Hellène ? », Libération, 26 mars 2015 68 « L’exaspérant monsieur Yanis Varoufakis », Le Monde, 12 mai 2015 69 « Varoufakisou le début de la chute d'un couple glamour ? », Les Echos, 11 mai 2015

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l’Allemagne, lors d’une conférence sur la crise grecque, qui s’est tenue en 2013 en Croatie, quand Yanis Varoufakis n’était pas encore engagé en politique.

« «Je n'ai jamais montré ce doigt, cette vidéo est truquée», a aussitôt réagi Yanis Varoufakis dimanche soir, alors qu'il se trouvait en duplex. Beau joueur, l'animateur a promis de faire vérifier l'enregistrement même si son auteur, sur twitter, était déjà catégorique sur son authenticité. Verdict officiel livré lundi: la vidéo n'a pas été manipulée. Lundi, les médias allemands ironisaient sur l'absurde démenti de Varoufakis, déjà sévèrement étrillé pour les photos people dans Paris Match»70. Affaire classée ? Pas du tout, puisque le jeudi 19 mars un présentateur satirique, Jan Böhmermann, a démenti l’authenticité de la vidéo.

« Sa nouvelle vidéo de 9 minutes, dans laquelle le présentateur explique comment lui et son équipe ont bidouillé les images du doigt d'honneur et où il s'excuse auprès de la chaine ARD, avait déjà été vue par 1,2 million de personnes jeudi soir. Entre temps, la chaine de télévision ZDF, qui diffuse le programme satirique Neo Magazin Royale de Jan Böhmermann, avait toutefois précisé que Neo était « une émission satirique ». Autrement dit, le mystère du doigt d'honneur de Yanis Varoufakis reste entier pour l'Allemagne, tentée de voir dans le ministre le symbole d'une Grèce fière et désinvolte. L'intéressé avait réagi peu après la diffusion des aveux du Jan Böhmermann, et avant le démenti de la chaine ZDF. Sur son compte Twitter, Yanis Varoufakis s'était interrogé : « des excuses dans l'émission très en vue (de Günther Jauch)? Pour avoir utilisé une vidéo truquée afin de réduire au silence une voix grecque conciliante ? »71.

La vérité s’avère très difficile et complexe à cerner et les journalistes de Libération l’admettent franchement : « Comme on s'en voulait soudain d'avoir douté de la parole de l'innocent grec, et d'avoir aveuglément fait confiance à la sérieuse émission allemande. Sauf que quelques heures plus tard encore, mis sous pression par le quotidien Bild, lequel assurait que le doigt était bien le doigt de Varoufákis, l'animateur satirique sous-entendait finalement - mais sans l'avouer clairement - que sa dénonciation du truquage était elle-même un truquage. […] C'est la situation la plus angoissante, et la plus instructive. Ne pas savoir qui a menti, qui a truqué, qui a

70 « Ce doigt d'honneur de Varoufakis qui crée la polémique en Allemagne », Le Figaro, 16 mars 2015 71 Op. cit. Les Echos, 20 mars 2015

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manipulé. Se trouver devant une vérité totalement insaisissable, et se présentant comme insaisissable »72.

Le monde des médias contemporain est très complexe et les nouvelles technologies imposent des rythmes et des canaux nouveaux. « Confusion autour du vrai faux doigt d'honneur» pour Le Figaro, «Imbroglio sur le doigt d'honneur de Varoufakis» pour le Nouvel Obs. «C'est à ne plus rien comprendre», ajoute, dépité, le journaliste de l'Obs, semblant rendre son tablier. Pourtant, l'affaire est simple: Varoufakis a bien fait ce doigt d'honneur. Et peu importent les sketchs brillants du Vrai Journal allemand (pour ceux qui se souviennent de Karl Zero). Varoufakis a lui-même tweeté la vidéo originale de la conférence «non manipulée », où on le voit distinctement tendre ce fameux doigt à 40:31»73.

En réalité, une vedette de la télévision allemande s’est bel et bien fait piéger. La culture des fakes sur Internet s’est si bien installée qu’elle fait désormais naître le doute au sujet des images télévisées. « Cette affaire a fait dérailler le système médiatique, peu habitué à gérer un fake et le démenti de celui-ci. Si tout le monde a plongé dans le canular de la chaîne allemande, c'est que le fake est la nouvelle figure imposée de notre horizon médiatique.[…] Le fakeur est toujours le héros de l'histoire. Celui qui se joue des médias traditionnels et qui ridiculise l'ancienne génération. La mine stupéfaite de Günther Jauch, le présentateur-star de l'ARD face au démenti de Varoufakis est partie pour rester le symbole de ce fake génial. Jauch avait raison mais Böhmermann a réussi à le ridiculiser en instillant le doute »74.

B. Un économiste brillant

1. Un universitaire dans un milieu de technocrates

Lorsque Yanis Varoufakis a pris ses fonctions, l’économie grecque était souffrante depuis déjà plusieurs années. Dans ce contexte morose, la presse française a salué avec bienveillance la nomination de Yanis Varoufakis. Le Ministre grec nouvellement

72 « Faut-il croire au vrai-faux doigt d'honneur de Varoufakis? », Libération, 23 mars 2015 73 « Le doigt de Varoufakis et la culture du fake », Libération, 20 mars 2015 74 Idem.

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arrivé sur la scène économique européenne, a été positivement, voire élogieusement accueilli par les quotidiens français. Son parcours brillant et sa réputation internationale dans le monde des économistes ont notamment été soulignés.

Nous pouvions ainsi lire dans Libération : « Mais qu'on ne s'y trompe pas : Varoufakis est surtout un intellectuel de haut vol. Economiste réputé et auteur de plusieurs ouvrages sur la crise, il a déjà prouvé sa capacité à digérer et remettre en cause des modèles économiques qu'il juge contestables »75. Le haut niveau de Yanis Varoufakis est mis en avant ainsi que sa détermination à mettre le doigt sur les questions épineuses.

Le Figaro adopte une posture similaire : « Le nouveau ministre des Finances grec, 53 ans, statisticien de l'économie et hyperactif médiatique, détonne par son style et sa pensée. Il se bat contre l'austérité, mais pas contre l'euro. Il séduit par son parcours riche, et son discours iconoclaste, constant et «occasionnellement marxiste». L'habit ne fait pas toujours le moine. Crâne rasé, chemises bariolées et franc-parler, la «décontractitude» de Yanis Varoufakis cache une réelle crédibilité internationale en matière d'économie. Le nouveau ministre des Finances grec symbolise tout autant l'espoir des populations asphyxiées par l' «odieuse» austérité - et celui d'un nouvel élan de la gauche de la gauche européenne -, que l'effroi des créanciers de la dette grecque - qui n'arrête pas de se creuser -, et de la planète finance - qui déteste toujours autant se poser des questions existentielles sur l'euro »76.

Le Figaro estime pour sa part que Yanis Varoufakis est en mesure d’incarner une nouvelle gauche européenne prête à ouvrir une nouvelle voie pour la zone euro. Sa « réelle crédibilité internationale en matière d’économie » et son « approche technique du dossier » joueront en sa faveur : « Lors de son chemin de croix européen, Yanis Varoufakis adoptera, fidèle à lui-même, une ligne dure, alors que selon lui, «la Grèce n'a plus rien à perdre» et compte sur son «approche technique du dossier», et des «arguments rigoureux et chiffrés» pour obtenir des soutiens »77.

75 Op. cit. Libération, 2 février 2015 76 Op. cit. Le Figaro, 2 février 2015 77 Op. cit. Le Figaro, 1 février 2015

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Plus les mois passent, plus l’ambiance entre Yanis Varoufakis et ses homologues devient tendue. Progressivement, la presse française et plus précisément les Echos commencent à contester celui qui était auparavant mis en avant pour ses qualités d’économiste.

Cette désaffection s’explique en partie par les propos ironiques du Ministre grec lui- même: « Sa vocation même d'économiste est liée à une forme de choc esthétique. « Je suis un professeur d'économie qui n'a jamais eu la formation d'un économiste », aime-t-il rappeler, avec sa coquetterie coutumière »78. Mis à part le fait que Les Echos citent une phrase de Yanis Varoufakis pour le décrédibiliser, le remarque du quotidien sur sa « coquetterie » ne passe pas inaperçue. L’ironie du Ministre a amené la presse à mettre en cause son sérieux. Les Echos relaient ainsi une anecdote connue en Grèce mais qu’il est étonnant de retrouver dans la presse française : « Jouer les empêcheurs de tourner en rond, c'est un exercice auquel le ministre des Finances grec s'adonne sans modération depuis son enfance. A l'école, il avait décidé que son prénom s'écrirait avec un seul « n » au lieu des deux de l'état civil. Comme son professeur le lui reprocha, il s'ingénia par la suite à épeler son prénom avec un « n » chaque fois qu'on le lui demandait»79. Ce genre de commentaires démontre que Yanis Varoufakis a vite perdu son capital « moral », puisqu’ils dressent une image de quelqu’un d’égocentrique et peu sérieux. Son usage de l’ironie et sa volonté de cultiver le paradoxe a accéléré ce processus.

2. Un expert de la théorie des jeux

Au-delà de ses compétences en économie, la presse française a également souligné le fait que Yanis Varoufakis était un expert de la théorie des jeux. Il s’agit là d’un élément important au regard du contexte de sa nomination, puisque le Ministre grec est invité à jouer le rôle clé du chef de l’équipe grecque des négociations au sein de l’Eurogroupe.

C’était d’ailleurs cette même expertise qui avait conduit Gabe Newell à lui offrir un poste dans son entreprise : « Pourquoi Yanis Varoufakis? Gabe Newell ignore bien

78 Op. cit. Les Echos, 26 février 2015 79 Idem.

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sûr que l'économiste grec deviendra le ministre des finances d'un très improbable - à l'époque - gouvernement à la gauche de la gauche. Mais sur son site, dont il est un fidèle, il a lu les réquisitoires en règle dressés par Varoufakis contre les mesures d'austérité et les contraintes imposées à la Grèce. […] Yanis Varoufakis hésite. Il ne connaît rien aux jeux vidéo, mais il s'y connaît en théorie des jeux - un concept qui existe en économie comme en sociologie et en informatique, et qui consiste à prévoir aussi précisément que possible les actions et décisions d'un tiers. Il a même écrit un livre de référence sur le sujet au début des années 199080.

Un jour plus tôt, nous pouvions lire dans les pages du Figaro : « À ce parcours atypique, s'ajoute depuis mars 2012 son expérience d'économiste... pour un géant des jeux vidéo. C'est le patron de Valve, Gabe Newell, qui l'a lui-même chassé. Yanis Varoufakis joue le jeu et se passionne pour ce nouveau poste, qui lui permet, sur la base de données massives et réelles, d'expérimenter sur le terrain les théories des jeux, une discipline (en économie notamment) qui consiste à trouver la meilleure décision à prendre en fonction des anticipations des actions des autre »81.

Finalement, c’est Le Monde qui se demande si Yanis Varoufakis va mettre en œuvre toutes ces compétences lors de la négociation : « C'est à juste titre que l'on suppose que, auteur de livres savants sur la théorie mathématique des jeux, le ministre des finances grec n'ignore pas dans la pratique ce qu'il maîtrise sur le plan théorique »82.

II. YANIS VAROUFAKIS DANS LE CADRE DE SES FONCTIONS

Yanis Varoufakis est un économiste renommé et un expert de la théorie des jeux. Pourtant, tout comme le gouvernement de Syriza, il n’a aucune expérience gouvernementale et aucune maitrise des mécanismes complexes de Bruxelles. Le nouvel arrivé à Bruxelles a dû se sentir très seul au sein de l’Eurogroupe où ses collègues étaient familiarisés avec l’alternance de Ministres de Finances grecs

80 Op. cit. Le Figaro, 2 février 2015 81 Op. cit. Le Figaro, 2 février 2015 82 « La leçon américaine de Yanis Varoufakis », Le Monde, 11 février 2015

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provenant des deux grands partis traditionnels, le Pasok et la Nouvelle Démocratie. Le discours et le style de Yanis Varoufakis étaient très éloignés de ce à quoi ses homologues européens étaient habitués puisque le Pasok et la Nouvelle Démocratie, certes des partis politiques usés et corrompus, connaissaient les codes et parlaient la même langue « bruxelloise » (A).

Le fait que le Ministre des Finances a un égo démesuré n’a pas joué en sa faveur. Lors des deux grandes négociations qu’il a menées personnellement à l’Eurogroupe de Bruxelles en février et à celui d’avril à Riga, l’atmosphère était électrique. Son incompréhension des procédures l’a fait exploser en février où il en est presque venu aux mains avec le Président de l’Eurogroupe ; à Riga son isolement était tel qu’il n’a même pas assisté au dîner traditionnel de clôture avec les autres Ministres des Finances. Un comportement jugé peu professionnel car son rôle institutionnel devrait primer sur ses sentiments personnels. A la suite de cet événement, Alexis Tsipras a d’ailleurs changé l’équipe des négociations, sans toutefois remplacer Yanis Varoufakis au poste de Ministre des Finances afin d’éviter des problèmes à l’intérieur du pays (B).

A. Yanis Varoufakis en négociations

Avec son profil atypique, Yanis Varoufakis avait peu des chances de remporter des succès à Bruxelles. Dès le début, il était évident qu’il ne rentrait dans aucune des cases bruxelloises (1). Son approche de professeur, très didactique, qui fait la leçon aux 18 autres ministres, était vouée à l’échec. Les hommes politiques sont de fait des êtres humains avec des egos susceptibles qui n’apprécient pas de se faire donner la leçon (2).

1. Un corps étranger dans l’Eurogroupe

Le programme électoral de Syriza ne laissait pas beaucoup de place à l’imagination. La position de Yanis Varoufakis consisterait à renégocier la dette publique. Nous

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lisons dans Le Monde du 29 janvier : « Celui qui ne cache pas son « antipathie envers la technocratie de Bruxelles » va se retrouver au cœur de la machine : c'est lui qui parlera avec ses collègues européens de la question épineuse de la restructuration de la dette grecque. Tout le monde attend la confrontation lors des prochains Eurogroupes avec son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, qui a « pris l'habitude de toujours dire "nein "» »83. La terminologie utilisée est celle de la confrontation dans les colonnes du quotidien, et ce à peine quelques jours après la prise des fonctions de Yanis Varoufakis.

Ce dernier fait, en amont de son premier Eurogroupe en tant que Ministre des Finances grec, une campagne destinée à tester l’eau et identifier ses alliés potentiels. Sa méconnaissance des règles du jeu transparait à la lecture du numéro de Libération du 10 mars qui a interviewé Michel Sapin : « Les nouveaux dirigeants grecs entament leur tournée européenne par la France, pays sur lequel ils comptent pour amadouer l'Allemagne. «Ils cherchaient à créer un bloc contre Berlin. Nous leur avons dit : vous vous trompez, vous ne parlez pas à des Etats mais à l'Union européenne», explique-t-on dans l'entourage du gouvernement. D'ailleurs, après chaque rencontre, le téléphone entre les capitales chauffe : on se raconte le menu des discussions »84.

Même état d’esprit dans Le Monde du 30 mars : « Une semaine à peine après leur arrivée au pouvoir, Tsipras et son ministre des finances, Yanis Varoufakis, se lancent dans un mini-tour d'Europe anti-austérité qui vire à la catastrophe. « Croire qu'il y aurait deux camps en Europe, avec la France et l'Italie du côté de la Grèce contre l'Allemagne, était une illusion. Ce n'est pas comme ça que l'Europe fonctionne », explique pourtant Michel Sapin à Yanis Varoufakis lors de sa visite à Paris, le 1er février. Il lui donne un autre conseil, face à la stratégie du gouvernement grec qui tente d'obtenir des concessions de l'Europe en pensant que tout le monde a peur d'une sortie de la Grèce de la zone euro : « La dissuasion du faible au fort ne marche pas. Personne ne veut faire de vous des martyrs. Le

83 Op. cit. Le Monde, 29 janvier 2015 84 « UE et Grèce : un gros poing de contact », Libération, 10 mars 2015

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chantage sur l'Europe, ça ne marche pas. » Mais cette première leçon sur l'Europe tombe à plat... »85.

Mise à part sa mécompréhension du système d’alliances européens, le Ministre grec semble de ne pas avoir non plus compris comment il doit se préparer pour participer d’une manière fructueuse à l’Eurogroupe. Bien que Le Monde mette ce fait en avant, le quotidien souligne aussi les circonstances atténuantes dont bénéficie Yanis Varoufakis : « Derrière les reproches adressés à M. Varoufakis, il y a eu aussi une part de mauvaise foi. A Bruxelles, on a pointé son « manque de préparation », le fait qu'il arrive en réunion « presque sans dossiers ». Mais on admet qu'avec seulement quinze jours à trois semaines de préparation, il lui était logiquement très difficile de ne pas commettre des impairs. Les fonctionnaires et les politiques européens en conviennent : la « matière bruxelloise » est compliquée, les décisions se prennent à dix-neuf (en Eurogroupe), ou à vingt-huit (en Conseil européen). M. Varoufakis anticipait sans aucun doute les réticences allemandes. Mais il n'avait pas forcément mesuré que ses positions indisposaient aussi les gouvernements autrichien, letton, estonien, ou encore slovaque... »86.

A une semaine d’intervalle, cet article du 23 février contraste un autre article du même quotidien daté du 30 mars qui récapitule les événements des dernières semaines de Syriza. Cette fois-ci la mauvaise approche de Yanis Varoufakis est de nouveau évoquée mais cette fois sans un mot de compréhension pour Yanis Varoufakis : « Le deuxième Eurogroupe, le 16 février, toujours à Bruxelles, est encore plus catastrophique et va contribuer à marginaliser le ministre grec. Varoufakis arrive en retard, en plein exposé du respecté Draghi, tient des propos jugés très professoraux, alors que ses collègues attendent des propositions chiffrées »87. Plus Yanis Varoufakis acquiert de l’expérience, moins les quotidiens français seront bienveillants à son égard.

2. « Une attitude déplaisante »

85 Op.cit. Le Monde, 30 mars 2015 86 «A Bruxelles, le style Varoufakis ne passe pas », Le Monde, 23 février 2015 87 Op.cit. Le Monde, 30 mars 2015

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Yanis Varoufakis ne s’est pas fait beaucoup d’amis à l’Eurogroupe. Son style qui a fasciné instantanément les média internationaux n’est pas passé à Bruxelles. Pourtant ceci ne doit pas surprendre si on prend en compte la situation impossible dans laquelle il s’est trouvé, son inexpérience et son caractère. Par exemple, le fait qu’il ait caractérisé son homologue allemand Wolfgang Schäuble de seul politique européen avec de la consistance intellectuelle88 ne l’a certainement pas aidé à marquer des points auprès de ses autres homologues de l’Eurogroupe.

Libération donne l’ambiance de l’Eurogroupe du février en relatant la façon dont Pierre Moscovici a exécuté Yanis Varoufakis : « Deux jours plus tôt, comme l'a exigé l'Eurogroupe du 16 février, le Premier ministre grec a demandé « l'extension du programme » et non plus un « nouveau contrat ». «C'est Tsipras qui a réglé l'affaire. Varoufakis est trop narcissique, pas assez respectueux de ses partenaires. Dire que l'Eurogroupe est composé de technocrates n'a aucun sens», l'exécute Moscovici »89. C’est alors la première fois que le Premier Ministre grec intervient pour sortir la Grèce des impasses dans lesquelles l’engage son Ministre des Finances.

Même ligne dans Le Monde qui estime que l’attitude arrogante de Yanis Varoufakis n’aide pas à la résolution du confit et revient sur la conférence catastrophique de Yanis Varoufakis avec le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem : « L’attitude arrogante du nouveau ministre grec des finances a été mal ressentie par ses homologues de l'union monétaire. Pas les mêmes codes, pas les mêmes manières de se comporter... C'est peu dire qu'il y a eu un « choc Varoufakis » sur la scène très « policée » des grands argentiers européens. A Bruxelles, beaucoup considèrent que l'attitude de ce Gréco-Australien, brillant économiste, n'a pas aidé à la résolution du conflit entre son pays et le reste de l'Europe. Elle a même joué comme un repoussoir pour le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, qui n'avait manifestement plus aucune confiance dans son homologue grec, en faisant savoir brutalement, jeudi 19 février, qu'il rejetait une première demande d'Athènes de prolonger le plan d'aide des Européens. Le premier « faux pas » attribué à M. Varoufakis fut l'accueil qu'il a réservé au président de l'Eurogroupe, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, quatre jours à peine après sa nomination comme

88 « Varoufakis : Schäuble, seul politique "avec de la consistance intellectuelle" », Le Point, 16 février 2015 89 Op.cit. Libération, 10 mars 2015

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ministre à Athènes. Ce dernier avait pourtant fait le premier pas, en se « précipitant » dans la capitale grecque. L'entretien avait été « constructif », selon l'entourage de M. Dijsselbloem. Mais la conférence de presse finale fut calamiteuse. M. Varoufakis a annoncé, sans prévenir, « la fin de la troïka », l'instance qui représente les créanciers du pays (Banque centrale européenne, Commission de Bruxelles, Fonds monétaire international). Il a même pris la liberté de moquer le Néerlandais en direct90.

Le Monde dans son article du 30 mars évoque un ton de donneur de leçons et met l’accent sur l’agacement des Ministres face à un Varoufakis qui est habitué à prononcer des conférences devant des étudiants, mais pas à s’adresser au public très particulier de l’Eurogroupe : « Mais c'est surtout le ton de donneur de leçons qui horripile ses collègues. Et bien sûr, ses idées. « L'une des difficultés, c'est aussi la différence de culture politique. Moi, je connais un peu la rhétorique d'extrême gauche. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde autour de la table », constate le socialiste Pierre Moscovici »91.

Un mois et demie et à la suite du changement de l’équipe des négociations Le Monde revient sur ce sujet : « C'est surtout son attitude qui exaspère. Jugée arrogante, déplacée. « Il nous fait la leçon », « il nous parle comme un universitaire », témoignent plusieurs sources présentes lors des Eurogroupe. Une attitude d'autant plus déplaisante, « que c'est quand même Athènes qui a besoin de nous et pas le contraire », témoigne un haut fonctionnaire. « Quand il est arrivé, en 2011, l'ex-ministre des finances Evangelos Venizélos était aussi comme ça, mais il a très vite changé. Varoufakis, non », déplore une source européenne. « Nous, au moins, on parlait la même langue avec les Européens. On avait un respect des règles et des procédures », dénonce l'ex-ministre conservateur Kiriakos Mitsotakis. Quelle est la part de stratégie dans cette attitude ? Quand il est nommé, Varoufakis a une mission claire : plaider pour une rupture radicale d'avec la politique d'austérité menée depuis cinq ans en Europe. Il n'a certes aucune expérience de

90 Op.cit. Le Monde, 23 février 2015 91 Op.cit. Le Monde, 30 mars 2015

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gouvernement, mais une forte légitimité - il est le mieux élu des députés Syriza, lors du scrutin législatif du 25 janvier »92.

Pour Le Figaro, le 18 février Yanis Varoufakis a déjà franchi le Rubicon et le quotidien dresse de lui un portrait sombre : « L'intraitable Yanis Varoufakis, porte- drapeau du radicalisme hellène, a une fois de plus rejeté mardi l'idée que la seule option ouverte serait la prolongation de l' « austérité » dénoncée par son chef durant toute la campagne électorale. Resté à Bruxelles, le ministre des Finances entend continuer le débat en vue d' « une solution honorable »93. La fierté nationale est un ressort». Et le quotidien continue avec les coulisses de l’Eurogroupe : « Tout n'est pas clair non plus entre le gouvernement d'Athènes et l'équipe de Yanis Varoufakis, figure tranchante en public mais parfois presque accommodante dans le huis clos de l'Eurogroupe. « On se met d'accord sur des textes, puis ils passent un coup de fil et il n'y a plus d'accord, raconte un haut responsable européen »94.

B. Yanis Varoufakis, le provocateur

Si Yanis Varoufakis n’est pas parvenu à nouer des contacts avec ses homologues, on peut même dire qu’il est allé jusqu’à pousser les autres Ministres de Finances à bout (1). Son explosion lors de l’Eurogroupe de février (2) n’était que le prélude d’une série de difficultés qui a obligé Tsipras à le retirer des négociations après l’Eurogroupe de Riga (3).

1. Le clash avec ses homologues

Yanis Varoufakis n’a pas bien compris son rôle, ni comment travailler au sein de l’Eurogroupe à Bruxelles. Avec son ton professoral, qui présente des théories économiques mais ne donne pas de chiffres, il a fatigué ses homologues, tout particulièrement ceux des plus petits Etats membres qui doivent eux aussi soutenir

92 « Yanis Varoufakis, la « rockstar » qui agace à Bruxelles », Le Monde, 11 mai 2015 93 « Course contre la montre entre Athènes et ses bail leurs », Le Figaro, 18 février 2015 94 Idem.

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l’économie grecque : « Au premier rang desquels, l'Irlande et le Portugal. Mais les « petits » pays n'ont pas été en reste, le ministre lituanien rappelant que chez lui, le SMIC atteint à peine 400 euros, quand Yanis Varoufakis défend un SMIC grec à 750 euros : « Il y a plus pauvre que vous », lâche-t-il. Avec humour, le ministre slovaque (où le SMIC est à 352 euros) a fait remarquer qu'un gouvernement est déjà tombé dans son pays sur la question grecque et qu'il ne souhaitait pas subir le même sort. Un autre a souligné qu'il n'avait certes pas le « QI » de Wolfgang Schäuble, mais qu'il était redevable comme lui des deniers de ses contribuables. Bref, les ministres des Finances ont rappelé à leur collègue grec qu'eux aussi avaient été démocratiquement élus et avaient des opinions publiques à gérer »95. C’est ce qui conduit Les Echos à parler d’un réveil brutal du gouvernement grec.

Le changement radical d’ambiance au sein de l’Eurogroupe est souligné par Le Figaro le 9 mars: « Depuis 2010, à chaque fois que l'Europe a sauvé la Grèce de la catastrophe, les relations se sont tendues. Mais elles restaient aimables. Cette fois, la bonne volonté ne semble plus tenir qu'à un fil. Il y a d'abord les manières. Le dernier entré dans le club, qui fait la leçon aux « anciens » et les accuse d'avoir poussé la Grèce dans la misère, en dépit d'une assistance de 240 milliards d'euros. Le ministre, qui rompt les codes diplomatiques en laissant fuiter les documents caviardés qui l'arrangent, au plus chaud de la négociation. Le politique qui, face aux caméras, revendique avec défiance l'exact contraire de ce qu'il vient de signer »96.

Yanis Varoufakis est alors décrédibilisé à tel point que le Président de l’Eurogroupe le contourne et parle directement avec Tsipras : « Beaucoup le jugent décrédibilisé. Ils préfèrent traiter en direct avec le premier ministre Tsipras, à l'exemple du patron de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem. D'autres, las de perdre leur temps face à de stériles tirades, en viennent déjà à espérer son départ »97. Selon Les Echos l’Eurogroupe est devenu une guerre de nerfs : « Aussi vendredi, pour éviter que la guerre des nerfs ne tourne au pugilat, Yanis Varoufakis a été prié d'en dire le moins possible, et Jeroen Dijsselbloem a très vite appelé directement à Athènes Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, pour régler les détails de l'accord »98.

95 Op.cit. Les Echos, 16 février 2015 96 Op.cit. Le Figaro, 9 mars 2015 97 Idem. 98 « Pour que Schäuble et Varoufakis dialoguent, il a fallu des tiers », Les Echos, 23 février 2015

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Enfin, on peut lire dans Le Monde que : « Le fort ego de M. Varoufakis joue beaucoup. L'homme semble peu douter de lui et de ses qualités »99. C’est un élément de son caractère qui est catastrophique dans le cadre des négociations.

2. L’explosion à l’Eurogroupe de février

Bruxelles et explosion sont deux mots que nous pouvons difficilement imaginer ensemble dans la même phrase, et pourtant c’est bien ainsi que l’on peut caractériser l’Eurogroupe de février. Libération relate le malentendu : « C'est la mauvaise compréhension des mécanismes européens qui a fait sortir Varoufakis de ses gonds. Pierre Moscovici, le commissaire chargé des Affaires économiques et financières, a préparé un texte qu'il a soumis au ministre grec des Finances. Comme les Grecs ne voulaient pas entendre les mots «extension du programme», qui résonnaient comme une poursuite de la politique d'austérité, le commissaire a proposé que l'on parle «d'accord de prêt» sous condition de réformes structurelles (lutte contre la fraude fiscale et la corruption, réforme de l'Etat, etc.). […] C'est cette ébauche de document que les Grecs ont pris comme définitif, alors qu'il n'avait pas été discuté par l'Eurogroupe. Lorsque Dijsselbloem en a pris connaissance, avant l'ouverture de la réunion, lundi, il l'a soumis à Schäuble qui l'a trouvé trop conciliant. […] Le président de l'Eurogroupe a réécrit sur un coin de table le texte : sans en modifier la substance, il est revenu aux mots «extension du programme», plus acceptables pour Berlin. En découvrant cette nouvelle mouture, Varoufakis s'est cru trahi et a insulté Dijsselbloem [...]100.

C’est qui est très surprenant, c’est la réaction de Yanis Varoufakis, elle aussi décrite dans les pages de Libération : « «Menteur !» hurle Yanis Varoufakis, fou de rage. Jeroen Dijsselbloem, habitué à la courtoisie qui règne habituellement au sein du club des ministres des Finances de la zone euro, est livide. Le Néerlandais, président de l'Eurogroupe, paraît bien fragile face au massif ministre grec des Finances au physique à la Bruce Willis. «C'était incroyable. On a vraiment cru qu'ils allaient en venir aux mains», raconte un témoin de la scène. Elle a eu lieu lundi après-midi,

99 Op. cit. Le Monde, 11 mai 2015 100 « Grèce : le mauvais plan de Bruxelles », Libération, 19 février 2015

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avant le début de l'Eurogroupe, qui s'est achevé par un ultimatum en bonne et due forme : la Grèce a une semaine pour accepter les conditions de ses bailleurs de fonds ou elle devra se débrouiller seule avec le risque d'une faillite »101.

C’est qui s’est passé ensuite est décrit assez sèchement par Le Monde : « On a dit qu'il avait failli en venir aux mains avec son homologue néerlandais, Jeroen Dijsselbloem, également président de l'Eurogroupe »102. La description est plus éloquente dans Libération, qui dépeint un Yanis Varoufakis qui hurle fou de rage, massif ministre, au physique à la Bruce Willis. Et la Libération continue : « L'énervement contre Varoufakis a encore grandi lorsqu'il a diffusé aux médias les projets de texte, laissant entendre qu'il avait été poignardé dans le dos par Berlin. «Varoufakis a eu tort de faire ça, s'indigne un membre de l'Eurogroupe, car tout le monde, y compris l'Allemagne, est prêt à accorder des flexibilités à la Grèce » »103.

La diffusion des projets de texte par Yanis Varoufakis est considérée comme un acte de transparence par L’Humanité : « Comme ce 16 février 2015, lorsqu'il a raconté par le menu, dans une conférence de presse, les tractations qui ont abouti au retrait brutal par le président de l'Eurogroupe, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, d'un projet d'accord que les Grecs étaient prêts à signer. Peu habitués à voir étalées leurs délibérations sur la place publique, ses dix-huit homologues de la zone euro ont peu apprécié cet exercice de transparence »104. Pourtant dans les négociations la valeur ultime est la confiance entre les parties et une fois la confiance perdue, il est presque impossible de retourner en arrière.

3. La fin à Riga

C’est après l’Eurogroupe de Riga que Yanis Varoufakis s’est vu retirer la direction de l’équipe grecque des négociations. Durant cette réunion, l’isolement du Ministre grec était patent, ce qu’il a d’ailleurs lui-même commenté par un tweet : « Ce fut le tweet de trop. Dimanche, au lendemain d'une réunion des ministres des finances européens houleuse, le ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, s'est comparé

101 Idem. 102 Op. cit. Les Echos, 26 février 2015 103 Idem. 104 Op. cit. L’Humanité, 5 mai 2015

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au président américain Franklin Delano Roosevelt en 1936 : « "Ils sont unanimes à me haïr et je salue cette haine" - une citation proche de mon cœur (et de la réalité) ces jours-ci », a-t-il écrit sur Twitter »105.

Pour Le Figaro le fait que Yanis Varoufakis soit écarté n’avait rien de surprenant : « L'annonce du remaniement de l'équipe grecque chargée des négociations dans laquelle Yanis Varoufakis est écarté n'a surpris personne. Au retour de l'Eurogroupe informel de vendredi dernier, le ministre grec des Finances savait que ses heures étaient comptées. Il n'a pas hésité à parler du climat explosif avec ses partenaires européens et a laissé entendre qu'il avait été mal traité »106.

Les Echos sont plus stricts avec le Ministre grec : « Est-ce le manque de plus en plus criant de liquidités qui pousse le gouvernement grec au compromis ? Ou la prise de conscience que Yanis Varoufakis, le ministre des Finances, exaspère au plus haut point ses partenaires européens et qu'il devient urgent de l'éloigner ? Le Premier ministre Alexis Tsipras a, en tout cas, décidé lundi de remanier son équipe de négociation pour faciliter le dialogue avec ses créanciers »107. Le quotidien dénonce le comportement peu professionnel qui a débouché sur un nouvel échec des négociations : « Cette décision intervient au lendemain d'une énième désastreuse réunion des ministres des Finances de l'Eurogroupe. A Riga, Yánis Varoufakis, venu sans programme articulé, s'est retrouvé une nouvelle fois sous le feu des critiques de ses partenaires. La réunion a été qualifiée de « naufrage » par le quotidien grec « To Vima », tandis que le journal « Kathimerini », soulignait l'isolement du ministre des Finances. « En coulisses, il a été traité d'amateur, de joueur de poker », selon différentes sources, et le jeune ministre slovaque des Finances, Peter Kazimir, aurait ouvertement demandé que l'on réfléchisse à un plan B au cas où les discussions avec la Grèce échoueraient »108.

Selon Le Monde la mise à l’écart de Yanis Varoufakis est un fait, bien que le gouvernement le dénie : « Athènes réfute que ce remaniement de l'équipe de

105 « Grèce : Alexis Tsipras marginalise son ministre des finances », Le Monde, 29 avril 2015 106 « Grèce: Varoufakis écarté au profit d'un négociateur grec plus conciliant », Le Figaro, 27 avril 2015 107 « Sous la pression, Tsipras remanie son équipe de négociation », Les Echos, 28 avril 2015 108 Idem.

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négociateurs soit aussi un désaveu de M. Varoufakis. M. Tsipras a d'ailleurs renouvelé sa confiance à son ministre, à la télévision, lundi soir. Difficile pourtant de ne pas y voir une mise à l'écart de l'économiste, qui n'avait jamais eu d'expérience de gouvernement avant d'être propulsé ministre des finances »109.

Enfin, Libération estime que le sacrifice de Yanis Varoufakis sur l’autel des négociations ne devrait pas nous surprendre : « En réalité, dès la formation du gouvernement, tout le monde savait que Varoufakispouvait servir de fusible à moindre coût : il n'est pas membre de Syriza et ne représente donc aucune force au sein de cette coalition constituée de nombreux courants »110.

III. RECOMMANDATIONS

Le gouvernement d’Alexis Tsipras a accédé au pouvoir à un moment historique pour la Grèce, probablement même pour l’Union européenne. Treize ans après l’introduction de l’euro dans la vie des grecs et après cinq ans de récession, pendant lesquels le peuple a incontestablement beaucoup souffert, le parti Syriza devient en janvier 2015 le premier parti politique grec de la gauche radicale depuis la création de l’Etat grec à prendre les rênes du pays. En termes de communication politique ce changement se traduit par une rupture à différents niveaux. Le style devient plus décontracté, les cravates sont bannies et des membres du gouvernement tels que Yanis Varoufakis, Ministre des Finances, vont encore plus loin avec des tenues qui sont très controversées même pour les médias les plus modérés. La presse française ne reste pas indifférente à ce changement (1). En outre, le ton des dirigeant grecs change, il devient plus nationaliste, souverainiste avec une rhétorique contre la troïka très connotée qui reflète un changement de l’opinion publique grecque à l’égard de l’Union européenne (2).

109 « Varoufakis écarté des négociations avec l'Europe », Le Monde, 29 avril 2015 110 « Tsipras lâche le bouillonnant Varoufakis sans rien céder sur le fond », Libération, 29 avril 2015

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1. L’habit ne fait pas le moine, pourtant…

La « rupture » est probablement l’axe principal de la communication politique de l’administration Tsipras. Rupture avec le passé, rupture avec la troïka, rupture avec l’Allemagne, rupture avec les forces systémiques du capitalisme. Dans un monde médiatique ce changement de discours doit trouver sa traduction en termes d’image. C’est la raison pour laquelle, dès le début de son mandat, le gouvernement a beaucoup investi sur la rupture avec les codes vestimentaires traditionnellement attendus des hommes politiques. Aucun Ministre, le Premier Ministre y compris, ne porte de cravate. Yanis Varoufakis est allé un peu plus loin avec des apparitions médiatiques qui ont fait la Une de la presse française et européenne.

Les choix vestimentaires du Ministre des Finances grec ont fait couler beaucoup d’encre, même dans la presse politique. Ses chemises bariolées, ses chemises déboutonnées, ses chemises hors du pantalon, ses chemises bleu fluo largement échancrées, ses chemises moulantes, ses écharpes, ses manteaux… Rien n’est passé inaperçu, tout a été commenté, comme si l’Eurogroupe, ou les rencontres de Yanis Varoufakis lors de visites officielles et de conférence de presse étaient un grand tapis rouge. Au début nous constatons dans la presse française un ton d’étonnement, et de surprise bienveillante à l’égard de ce nouveau style d’homme politique qui est en contradiction avec ses homologues et les eurocrates de la BCE en costumes gris bien taillés ou avec Christine Lagarde, Directrice générale de l’FMI qui préfère les tailleurs Chanel.

Pourtant, graduellement, l’ambiance change. Plus le gouvernement perd de sa crédibilité en Europe, plus les commentaires se font critiques, voire ironiques. Le comble a été le commentaire paru dans Le Monde à la suite de la visite de Yanis Varoufakis à 10, Downing Street où selon le quotidien « il a apparu vêtu d'une parka en cuir noir évoquant les pires heures du proxénétisme ». Ce commentaire très dur pour le Ministre grec, à propos d’un sujet en apparence aussi futile que ses choix vestimentaires, reflète le fait que la presse française n’est plus ensorcelée par lui..

Néanmoins Yanis Varoufakis n’hésite pas à faire un « retour » glamour dans les pages du Paris Match au milieu du mois de mars où il se fait photographier à la terrasse de son appartement qui donne sur l’Acropole, sa femme Danae au bras. Il

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est difficile d’expliquer le choix du Ministre grec de participer à un tel photoreportage, alors qu’il incarne la pierre angulaire de l’économie politique d’un gouvernement de gauche radicale, dont le peuple souffre depuis des années. En outre, il s’agit d’une personne qui s’intéresse beaucoup à son personnage médiatique et il semble bien maîtriser les nouvelles technologies. Par conséquent, il ne devrait pas être surpris par les centaines des commentaires ironiques qu’il a reçu sur son compte Twitter. Après quelques jours et devant le tollé soulevé, il admet regretter l’ « esthétique » de ces photos.

Au mois d’avril et alors que les rumeurs sur sa sortie du gouvernement deviennent de plus en plus persistantes, les commentaires sur les choix vestimentaires du Ministre deviennent plus rares dans la presse française. L’accent est plutôt mis sur son clash avec ses homologues ainsi que sur l’incompréhension totale qui règne au sein de l’Eurogroupe entre l’équipe de négociations grecque et le reste de l’Eurogroupe.

Nous pourrions adresser une première recommandation à Yanis Varoufakis. S’il est exact que l’habit ne fait pas le moine, il serait illusoire de nier l’importance des codes. Le rang de ministre exige un respect minimum des codes vestimentaires qui découlent du rôle institutionnel qui échoit à un ministre. Une tenue dite « sérieuse » symbolise en même temps qu’elle suscite le respect entre homologues et vis-à-vis de ses interlocuteurs. A la limite, la presse pourrait accepter des écarts au niveau du code vestimentaire à condition qu’elle soit suivie par une approche très sérieuse des échanges et un comportement acceptable à la table des négociations. Yanis Varoufakis a au contraire commis l’erreur et la faute d’accompagner son audace vestimentaire d’une insolence sans précédent qui ne faisait qu’ajouter des obstacles aux négociations au lieu de les faciliter.

Une deuxième recommandation peut être formulée, cette fois à l’attention de la presse française. S’il n’y a rien d’étonnant à ce que la presse écrite change, à l’instar du monde médiatique en général, il reste étonnant que la dimension « people » du traitement de Yanis Varoufakis ait pris tant de place dans la manière dont les grands quotidiens du pays l’ont abordé. Une telle approche est courante sur les réseaux sociaux et dans une certaine presse magazine, mais nous constatons avec étonnement que la culture de l’image trouve de plus en plus sa place dans la presse

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quotidienne nationale. Il serait probablement préférable de tourner les projecteurs vers les choix politiques au lieu des choix vestimentaires des ministres.

2. Athènes doit être plus pédagogue sans être didactique

Yanis Varoufakis est un professeur renommé, pas un homme politique. Il est possible qu’au sein de l’Eurogroupe, il figure parmi les Ministres des Finances qui comprennent le mieux l’environnement complexe de l’économie internationale. L’économie de la Grèce est en état critique depuis des années. L’Union monétaire dysfonctionne depuis un moment, ce qui est généralement admis. Tout en étant composée d’économies à vitesses différentes. L’Union européenne était donc théoriquement mure pour s’ouvrir à des idées nouvelles et à en débattre.

Dans ce contexte, il est très étonnant que Yanis Varoufakis, au lieu de s’imposer comme une force novatrice et constructive du débat économique européen, se soit très vite trouvé isolé et finalement obligé de ne plus participer à l’Eurogroupe. Le ministre grec a échoué à s’imposer comme un interlocuteur fiable susceptible de faire bouger les lignes et avancer les intérêts de son pays.

Le problème est que Yanis Varoufakis a un caractère difficile qui l’a empêché de se créer un réseau d’alliés au sein de l’Eurogroupe. De fait, son égo démesuré a joué contre ses propres intérêts. La première faute de Yanis Varoufakis, et probablement la plus grave, est qu’il n’a pas compris le public auquel il s’adressait. L’Eurogroupe est composé d’autres hommes politiques et non d’étudiants. Son auditorium était composé des gens au même rang que lui, qui attendaient des propositions et des solutions de la part du Ministre grec. Pourtant, Yanis Varoufakis, au lieu de parler de chiffres et d’être en pointe sur les aspects techniques de la négociation, donnait de longues leçons qui pouvaient parfois durer plus qu’une demi-heure. Certes, il est important, lorsque c’est nécessaire, de rappeler et réinterpréter le cadre général, mais dans un exercice tel qu’un sommet de l’Eurogroupe, l’accent est mis sur les aspects techniques et la realpolitik. Pour bien se préparer pour l’Eurogroupe il faut d’abord être capable d’avancer des évaluations chiffrées et des projets précis et concrets, pas des théories économiques. C’est ce que l’Eurogroupe attendait de lui et il n’a pas su donner satisfaction sur ce point.

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En outre Yanis Varoufakis manque manifestement de tact. Lors des conférences de presse il était généralement brutal et fanfaron. Ses phrases chocs ne l’ont pas non plus aidé lors des négociations et surtout le fameux Wolfgang Schäuble est probablement le seul politique européen avec de la consistance intellectuelle était une catastrophe totale sur le plan de la communication. Cette seule phrase revenait à insulter tous les autres Ministres des Finances européens. Les hommes politiques ne pardonnent pas facilement des attaques de la sorte et il est incontestable que Yanis Varoufakis n’a pas gagné beaucoup d’amis au sein de l’Eurogroupe avec de tels propos. En tant que nouveau membre d’un club, surtout lorsqu’on n’y est pas en position de force, la dernière chose à faire est de commencer par agacer ses interlocuteurs. C’est une règle de base que Yanis Varoufakis a soit méconnu, soit choisi, à ses dépens, de pas respecter.

Un autre thème qui a particulièrement irrité ses homologues était la question du mandat. Le Ministre grec s’attachait à légitimer systématiquement ses positions en les faisant découler du mandat qu’il avait reçu du peuple grec lors des élections du mois de janvier. Ce faisant, il méconnaissait le fait que tous ses interlocuteurs autour de la table de négociation étaient eux-mêmes mandatés par leurs peuples respectifs. Et eux aussi ils avaient besoin d’un accord viable pour pouvoir le présenter ensuite à leurs assemblés nationales respectives.

Enfin, s’il fallait faire une ultime recommandation à Yanis Varoufakis c’est qu’il devrait faire l’effort d’investir dans la construction d’un climat de confiance mutuelle. La clé de voûte de toutes les négociations est l’existence d’une relation de confiance entre l’ensemble des parties prenantes. Au lieu de cela, la tergiversation et le flottement qui régnait au sein de l’équipe grecque mêlée à l’ironie et aux leçons ex cathedra de Yanis Varoufakis ont contribué à la dégradation irrémédiable de ses relations avec ses homologues.

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CONCLUSION PARTIELLE

Durant ces quelques mois, la presse française a suivi de très près la situation politique en Grèce. Yanis Varoufakis, à l’avant-garde du gouvernement d’Alexis Tsipras, a été placé sous le microscope des quotidiens français à partir du moment où il a été nommé jusqu’à celui où Alexis Tsipras l’a désavoué en se rendant compte qu’il ne parvenait pas à faire avancer les négociations.

Le Ministre grec a clairement reçu un traitement médiatique digne d’une « rock star », ce qu’il a d’ailleurs largement alimenté lui-même. Très actif sur les réseaux sociaux, avec un blog personnel qu’il n’a pas arrêté d’alimenter malgré son agenda de ministre et un style qui ne laissait personne indifférent, il s’est imposé comme la star médiatique du gouvernement grec récemment élu.

Par notre analyse, telle qu’elle a été exposée dans ce mémoire, nous arrivons à la conclusion que la presse française a, dans sa plus grande partie, traité Yanis Varoufakis avec une approche people à l’exception de L’Humanité. Aux mois de janvier et de février, de nombreux articles ont été publiés dans tous les grands quotidiens pour introduire Yanis Varoufakis au public français. Dans ces articles « introductifs », les détails fournis concernaient non seulement son parcours académique et professionnel mais aussi sa vie privée.

Avant la première « bataille » de l’Eurogroupe du mois de février, la presse française a mis l’accent sur la tournée de Yanis Varoufakis dans les capitales européennes pour trouver des alliés. En outre, ses premières escarmouches avec Jeroen Dijsselbloem et Wolfgang Schäuble lors des conférences de presse ont été relayées dans les pages des journaux français. Dans les deux cas, outre les questions vestimentaires qui relèvent du people pur et dur, de nombreux commentaires concernaient son caractère.

L’Eurogroupe de février a été très médiatisé et les réactions des Yanis Varoufakis encore plus. Quand nous lisons dans Libération : « « Menteur ! » hurle Yánis Varoufákis, fou de rage » nous nous rendons compte que Yanis Varoufakis qui se décrédibilise petit-à-petit au sein de l’Eurogroupe, perd également son capital de sérieux auprès de la presse française. Par la suite, l’affaire du « fingergate » et le grand reportage dans Paris Match ont accentué le traitement people de Yanis

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Varoufakis. Enfin, lors de l’Eurogroupe d’avril où Yanis Varoufakis, totalement isolé puisqu’il n’a même pas été admis à participer au dîner des Ministres, il a préféré dîner dans un petit restaurent Riga en oubliant son rôle institutionnel.

La presse française a eu, dans sa grande majorité, une approche très people de Yanis Varoufakis, qui est dans une grande partie due au comportement du ministre grec. Quelques quotidiens, notamment Les Echos et Le Figaro, ont rapidement adopté une posture assez critique envers lui, rejoints ensuite par le Monde, puis par Libération, plus à gauche. L’ensemble de ces quotidiens nationaux ont insisté dans leurs pages sur des questions parfois superficielles. Le seul journal qui s’est efforcé de centrer le débat sur les questions purement politiques était L’Humanité, à savoir le plus à gauche des cinq quotidiens retenus dans la présente analyse. Il doit ici être noté que le quotidien dont la ligne éditoriale était la plus proche de celle du gouvernement grec et de son Ministre des Finances était aussi celui qui a tenté d’en faire le traitement le plus objectif possible.

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CONCLUSION

[Avis au lecteur. Ces dernières lignes sont écrites le 4 juillet 2015, quelques heures avant que le rédacteur du mémoire se précipite en Grèce pour participer au référendum du 5 juillet provoqué par le gouvernement d’Alexis Tsipras.]

Yanis Varoufakis a fait son apparition sur la scène politique de la Grèce il y a seulement quelques années. Avec son parcours académique brillant, il s’impose petit-à-petit dans le monde médiatique grec comme une voix qui fustige les torts de la monnaie unique et cherche à démontrer des solutions qui pourraient contourner les mesures imposés par la troïka. A partir de 2012, il s’approche de Syriza, ce qui lui permet, en janvier 2015, d’être nommé Ministre des Finances du gouvernement d’Alexis Tsipras.

Omniprésent dans les médias traditionnels et modernes, il s’impose comme la « rock star » incontournable du gouvernement. Il est très intéressant de noter que depuis l’apparition des médias sociaux, toute personne peut désormais « prendre la parole » et s’exprimer sans nécessairement passer par la presse traditionnelle. Yanis Varoufakis a exploité pleinement cette possibilité par le biais de son compte Twitter qui lui a servi pour diffuser ses opinions, répondre aux commentaires des Twittos et démentir son départ du gouvernement.

Il est assez fascinant d’observer avec quelle rapidité le phénomène Varoufakis a gonflé, puis dégonflé dans un intervalle de temps de seulement trois mois. Dans le monde des médias contemporains, une personnalité emblématique peut être « sacrée » et « détrônée » en un clin d’œil et c’est plus au moins ce que nous constatons dans le cas de Yanis Varoufakis.

Le ministre grec avait tout le potentiel d’être un héros médiatique. Considéré comme un bel homme, avec une attitude « rock » il est apparu comme un courant d’air frais dans l’environnement aseptisé de Bruxelles. En outre, il était porteur d’un message d’espoir pour le peuple grec après sept ans de récession. Tous les ingrédients d’un « succès story » étaient réunis ou presque. Pourtant trois mois plus tard, il a perdu sa place de négociateur en chef et la presse française dénonçait un Yanis Varoufakis caractériel, jugé inadapté à son environnement, inapte au point de se faire détester à Bruxelles.

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L’enjeu de ce mémoire était de mettre en avant et analyser la couverture médiatique de Yanis Varoufakis par la presse française pendant la période où il était le négociateur en chef de la Grèce au sein de l’Eurogroupe. Les conclusions que nous en tirons sont les suivantes :

La 1e hypothèse s’est avérée vérifiée. L’image que la presse française a proposée de Yanis Varoufakis était dans une très large mesure une image people. Une place prépondérante a été faite, dans les colonnes de la presse quotidienne nationale, à ses choix vestimentaires, ses phrases chocs, l’affaire du doigt d’honneur, ses Tweets ou encore au reportage dans Paris Match. Nous pouvons légitiment soutenir que Yanis Varoufakis a eu un traitement digne d’une star de la téléréalité. Il est apparu d’un seul coup dans la presse française en janvier et au bout des trois mois, il a ployé sous le poids de sa propre surexposition.

La 2e hypothèse n’a pas été démontrée. L’image technique d’un Yanis Varoufakis qui aurait visé à la sortie de la Grèce de la crise financière par des canaux non traditionnels, à l’encontre des deux plans de sauvetage, n’a été que très peu mise sous les projecteurs. Même lors des différentes sessions de l’Eurogroupe, les descriptions de la presse française étaient principalement axées autour des réactions spectaculaires de Yanis Varoufakis, qui étaient loin des réactions attendues par un Ministre des Finances.

La 3e hypothèse s’est avérée partiellement vérifiée. La ligne éditoriale des journaux français a joué un rôle dans la manière dont Yanis Varoufakis y était représenté. Les Échos et le Figaro étaient, dès le début, assez négatifs à l’égard de Yanis Varoufakis et les aspects people y étaient mis en avant. Le Monde et Libération, qui ont d’abord essayé d’être plus neutres, ont aussi très vite, et surtout à partir de l’Eurogroupe de février, basculé dans un traitement people de Yanis Varoufakis. Seule L’Humanité est restée fidèle à une vision plus technique du Ministre grec.

Enfin, outre le prisme que la presse française a choisi pour couvrir le phénomène Varoufakis, nous identifions trois raisons qui ont contribué à cette chute médiatique et qui sont cette fois à chercher du côté de Yanis Varoufakis lui-même :

1. Une très grande exposition médiatique, insuffisamment contrôlée. D’un jour à l’autre Yanis Varoufakis était partout. Il donne des interviews à tous les

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grands quotidiens européens politiques. En outre, il paraît dans les pages de magazines people. Sa présence médiatique est accrue à cause de sa présence sur Twitter ; le ministre grec écrit des tweets presque quotidiennement. Il alimente son blog personnel. Pour résumer en une seule phrase : il est surexposé. Pourtant cette exposition excessive n’est pas suivie de résultats au sein de l’Eurogroupe. Tout au contraire les négociations sont lentes et les résultats inexistants. La presse s’est demandé légitiment quand il prenait le temps de travailler sur ses dossiers, alors qu’abondaient les images et déclarations de Yanis Varoufakis. Finalement, cette exposition médiatique s’est retournée contre le Ministre qui n’a pas réussi à contrôler son image.

2. Absence totale de compréhension de la règle du jeu. Yanis Varoufakis n’a pas ou n’a pas voulu comprendre la règle du jeu bruxellois. En fin janvier – début février, il commence une croisade européenne pour trouver des alliés dans les capitales européennes qui seraient prêts à former une coalition antiallemande. Les ministres qu’il rencontre lui expliquent que l’Union européenne ne fonctionne pas avec une telle logique. Déçu, il se présente au premier Eurogroupe de février et encore une fois, il semble loin de la réalité bruxelloise. Il donne des discours théoriques longs qui n’intéressent guère dans cette enceinte largement technique. En outre, il a cru que l’accord obtenu avec Jeroen Dijsselbloem était définitif, alors qu’il s’agissait d’un document de travail sur lequel Wolfgang Schäuble a pu porter des modifications. Sa réaction sanguine lorsqu’il l’a compris a été peu appréciée par ses homologues qui étaient manifestement frappés par la violence de sa réaction. Ces erreurs et coups de sang ont été largement relayés par les quotidiens français, pour qui ils constituaient des événements sensationnels et vendeurs.

3. Un égocentrique à la langue trop déliée. L’un des problèmes principaux de Yanis Varoufakis est comportemental. Dès le début il s’est fait détester par ses interlocuteurs principaux, notamment Jeroen Dijsselbloem et Wolfgang Schäuble. Lors de la conférence de presse avec le président de l’Eurogroupe, qui est venu expressément à Athènes pour le rencontrer, son comportement a créé une atmosphère glaciale qui est devenue très visible au moment où les

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deux hommes se sont serrés la main. Ses petites ironies pendant la conférence de presse avec son homologue allemand n’étaient pas du tout appréciées. Ensuite, il n’a pas non plus fait des amis quand il a déclaré que Schäuble est le seul Ministre des finances qu’il apprécie intellectuellement. D’autres Ministres européens se sont moqués de lui et Schäuble n’a pas été non plus touché par cette « signe de respect ». Lors de l’Eurogroupe de Riga, Schäuble refusait même de voir Yanis Varoufakis directement et Jeroen Dijsselbloem était obligé de faire la navette entre les deux hommes. Dans un milieu politique au verbe prudent, les petites phrases de Yanis Varoufakis ont fait sensation,

Si la presse française a eu une approche people de Yanis Varoufakis, c’est donc aussi parce que Yanis Varoufakis a donné aux médias, par son attitude déplacée et une surexposition mal maîtrisée, les faits sensationnels dont ils ont pu se nourrir.

Yanis Varoufakis a été un Icare médiatique. Il a été attiré par le soleil brillant de la sphère médiatique et il a voulu l’approcher le plus possible. Finalement, il s’est fait brûler les ailes.

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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES :

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GALBRAITH J.K.; HOLLAND S.; VAROUFAKIS Y., « Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro » Institut Veblen pour les réformes économiques, 2014.

ARTICLES :

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« Grèce : Athènes multiplie les concessions », Le Monde, 29 avril 2015

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« L'idée d'un référendum sur les réformes en Grèce fait son chemin à Bruxelles », Le Monde, 18 mai 2015

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« Grèce : Varoufakis écarté au profit d'un négociateur grec plus conciliant», Le Figaro, 27 avril 2015

« Varoufakis écarté au profit d'un négociateur grec plus conciliant», Le Figaro, 28 avril 2015

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« Yanis Varoufakis «Si la zone euro ne change pas, elle va mourir » », Le Figaro, 2 mai 2015

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« Grèce : Yanis Varoufakis souhaite un accord global d'ici à fin mai », Les Echos, 1er février 2015

« « Comme si on ne parlait pas la même langue » », Les Echos, 16 février 2015

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« Grèce : Yanis Varoufakis semble prêt à lâcher du lest face à l'Eurogroupe», Les Echos, 27 avril 2015

« Sous la pression, Tsipras remanie son équipe de négociation», Les Echos, 28 avril 2015

« Varoufakis à deux doigts d'être tabassé dans un restaurant », Les Echos, 29 avril 2015

« Varoufakis ou le début de la chute d'un couple glamour ? », Les Echos, 11 mai 2015

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« Varoufakis, démiurge des finances grecques », Libération, 2 février 2015

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« UE et Grèce : un gros poing de contact », Libération, 10 mars 2015

« Grèce vs Eurozone : histoire secrète d'un bras de fer », Libération, 13 mars 2015

« Le doigt de Varoufakis et la culture du fake », Les Echos, 20 mars 2015

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« Tsipras lâche le bouillonnant Varoufakis sans rien céder sur le fond », Libération, 29 avril 2015

« Varoufakis malmené dans le quartier anar d'Athènes», Libération, 30 avril 2015

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« Varoufakis, V comme VRP du nouveau gouvernement grec », APF, 7 février 2015

« Grèce Varoufakis rappelé à l'ordre par son propre camp », APF, 8 mars 2015

« Varoufakis dans Paris-Match : Twitter ne juge pas cela très marxiste », APF, 13 mars 2015

« Vraie vidéo ou montage « Le Varoufake » plonge l'Allemagne dans la perplexité », APF, 19 mars 2015

« Grèce : après l'épouse, le père de Varoufakis à sa rescousse», APF, 3 mai 2015

« Grèce : Varoufakis a bien enregistré les discussions de l’UE à Riga», APF, 24 mai 2015

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« La vidéo de Varoufakis a bien été truquée par un présentateur allemand», La Tribune, 20 mars 2015

« La Tribune Athènes sort Varoufakis de l'équipe de négociations avec les créanciers », La Tribune, 28 avril 2015

« Grèce : Yanis Varoufakis sur le départ ? », La Tribune, 27 mars 2015

« Athènes sort Varoufakis de l'équipe de négociations avec les créanciers », La Tribune, 28 avril 2015

« Grèce : Comment Alexis Tsipras tente de contourner les blocages des créanciers», La Tribune, 30 avril 2015

« Grèce : pourquoi Yanis Varoufakis est-il insupportable aux Européens ? », La Tribune, 13 mai 2015

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« Varoufakis : Schaulble seul politique avec de la « consistance intellectuelle » », Le Point, 16 février 2015

« Grèce : le « marxiste » Varoufakis pose pour « Paris Match » », Le Point, 13 mars 2015

« Grèce : Varoufakis mis sur la touche ? », Le Point, 28 avril 2015

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« Courrier international « Varoufakis au ban », Courrier international, 30 avril 2015

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« Négociations Grèce-Eurogroupe un joyeux bordel ! », Marianne, 24 février 2015

Sud Ouest

« Grèce : le ministre de l'économie regrette d'avoir posé dans Paris-Match », Sud Ouest , 15 mars 2015

Paris Match

« Yanis Varoufakis, Le Ministre star nous a reçu chez lui », Paris Match, 15 mars 2015

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ANNEXES

Fin de la conférence de presse de Yanis Varoufakis et de Jeroen Dijsselbloem à Athènes le 30 janvier 2015

Conférence de presse de Yanis Varoufakis et de Wolfgang Schäuble le 5 février 2015 à Berlin

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Yanis Varoufakis et sa femme Danaé photographiés dans Paris Match paru 15 mars 2015

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Le vrai doigt d’honneur de Yanis Varoufakis à l’Allemagne

Le fake doigt d’honneur de Jan Böhmermann

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RESUME

Après que les élections anticipées du 25 janvier 2015 ont porté le jeune Alexis Tsipras, président du parti radical Syriza, à la tête de l’exécutif, nomme Yanis Varoufakis Ministre des Finances. Trois mois plus tard, Yanis Varoufakis, qui est devenu le ministre le plus médiatisé de l’Eurogroupe, se voit retirer la responsabilité de conduire les négociations pour la Grèce au sein de l’Union européenne.

Dans la première partie nous analysons le contexte des élections du janvier 2015 ainsi que le chemin de Yanis Varoufakis vers sa nomination. En outre, nous examinons la politique de communication du Ministre grec. Yanis Varoufakis est un Twittos hyperactif, un blogueur passionné qui n’hésite à lancer des phrases choc dans toutes les directions. Ses points de vue sur la politique d’austérité menée par la Troïka et les solutions qu’il propose ne laissent personne indifférent.

Dans la deuxième partie, le traitement médiatique de Yanis Varoufakis par la presse française est mis à l’épreuve. Le Ministre est présenté comme une véritable « rock star », qui aime le lifestyle mais qui reste en même temps très apprécié par le milieu universitaire. Néanmoins, Yanis Varoufakis reste un corps étranger dans l’Eurogroupe qui n’évite pas le clash avec des homologues qui le mettent très vite à l’écart. Cette partie est clôturée par une série de recommandations adressées tant au Ministre qu’à la presse française.

Le présent mémoire montre que la presse française a réservé un traitement à Yanis Varoufakis qui a fait la part belle aux aspects people du personnage, au détriment de sa dimension professionnelle ou technique. Cette approche était celle de presque toute la presse, quelle que soit la ligne éditoriale des quotidiens étudiés, à l’exception du quotidien à la ligne éditoriale la plus proche du positionnement de Yanis Varoufakis sur le spectre politique. Nous expliquons largement cette posture par le caractère de Yanis Varoufakis, sa méconnaissance des règles bruxelloises et son style atypique.

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MOTS-CLES

Yanis Varoufakis

Syriza

Jeroen Dijsselbloem

Wolfgang Schäuble

Crise grecque

Eurogroupe

Euro

Communication

Twitter

Blog

Presse française

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