Livret Album Complet
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es chansons d’Édith Piaf ont tant voyagé qu’on peut licitement imaginer qu’elle-même aurait pu traverser quelque océan à un moment ou un autre de sa romanesque existence. Cette uchronie pourrait être le point de départ Lnon d’un livre mais d’un album : Édith Giovanna Gassion, née en décembre 1915 à Paris, baptisée la Môme Piaf en 1935, quand une rencontre bénie des dieux met fin à sa carrière de chanteuse des rues pour lui faire intégrer le bataillon des artistes « réalistes » que se partagent les esthètes des beaux quartiers et le vaste peuple des beuglants parisiens. On dirait que c’est alors qu’elle prend le bateau et débarque à Rio de Janeiro. Que serait-il arrivé alors si son talent, son flair, son plaisir de chanter ne s’étaient plus exprimés au pays de l’accordéon des javas ? Il est certain que ses chansons n’auraient pas eu de couleurs si françaises… Peu importe, d’ailleurs, qu’elle ait incarné pour le monde entier une francité aussi éclatante : il est un monde parallèle dans lequel Édith Piaf est brésilienne. Nicola Són raconte cette artiste-là et son répertoire dans les valeurs du Brésil. Pas d’exotisme, ni au départ, ni à l’arrivée. On dith Piaf’s song have travelled so far, one might legitimately imagine that she herself may have crossed oceans at one time or another in her Romanesque existence. This alternate history, or uchronia, could well mark the starting Époint, not of a book, but an album: Édith Giovanna Gassion, born in December 1915 in Paris, dubbed La Môme Piaf (Baby Sparrow) in 1935, when a chance meeting put an end to her street performer career and miraculously introduced her into the brigade of artistes known as “realists” whose performances were appreciated by both aesthetes from smart neighbourhoods and the strident Parisian populace. Let’s pretend she took a boat to Rio de Janeiro. What would have happened if she hadn’t expressed her talent, flair, and pleasure of singing in the land of the accordion and java? Her songs would not have retained their distinctive French flavour. Does it really matter that, for the rest of the world, this frail figure embodied dazzling stardom à la française? For there is a parallel world in which Édith Piaf is Brazilian. n’entend ni les grands gestes accordéonés de l’expressionnisme faubourien, ni les envols de plumes jaunes et vertes dont certains Européens croient qu’ils résument le Brésil. Il est vrai que Nicola Són a déjà la double nationalité musicale. Français ? Certes, mais si bien enraciné de l’autre côté de l’Atlantique qu’il en a épousé les musiques avec une précision troublante, débarbouillée des candeurs du converti et des fadaises touristiques. Il est parisien, évidemment. Un enfant du IXe arrondissement, fils d’une Arménienne et d’un Lorrain, qui reçoit le choc d’une compilation jazz brésilienne à quinze ou seize ans. Quand sa grande école de commerce lui enjoint de faire un stage à l’étranger, il atterrit à Rio de Janeiro. Il abandonne tout naturellement sa musique d’amateur qui navigue alors entre reggae, funk et afro- beat. Sa vie sera donc Brésil. Il rencontre, voyage, étudie. Il apprend que la samba et la bossa nova ne sont que les plus célèbres des rythmes, formes et pratiques d’un pays à la richesse culturelle inépuisable. Il découvre les albums brésiliens de Pierre Barouh, Serge Gainsbourg ou Claude Nougaro qui, longtemps plus tôt, ont confirmé le lien instinctif de deux cultures dans lesquelles la musique populaire a la même double mission de divertissement et de prise de parole. Nicola Són recounts her story and repertory, channelling Brazilian values. Exotica is absent, from beginning to end. There are no grandiose accordionic arpeggios of faubourg expressionism, nor fluttering feathers of yellow and green that sums Brazil up for some Europeans. Nicola Són already has dual nationality in musical terms. So he’s French, but his firm transatlantic roots are such that he embraces Brazilian music with beguiling accuracy, stripped of touristic twaddle and the fresh eagerness of the converted. He’s clearly a true Parisian, the child of an Armenian mother and father from Lorraine in eastern France. Growing up in the 11th arrondissement, he was knocked head over heels by a compilation of Brazilian jazz at the age of 15 or 16. The business school he enrolled in required an internship abroad, so he set out for Rio de Janeiro. At this point he forsook his amateur music tapping variously into reggae, funk and afro-beat. Brazil was to be his life. He embraced encounters, travel and studying. He learned that samba and bossa nova were but the most famous of rhythms, forms and fervour in a country boasting infinite cultural riches. He listened to the Brazilian albums by Pierre Barouh, Serge Gainsbourg and Claude Nougaro who, years earlier, had consolidated the instinctive ties of the two cultures in which popular music had a dual mission of entertainment and statement. À partir de 2010, il enregistre au Brésil trois albums gourmands qui traversent la palette infinie des rythmes de l’immense pays. Musiciens brésiliens, paroles franco-lusophones... On remarque aussi sa version des Cœurs tendres de Jacques Brel enregistrée avec Zeca Baleiro. Et ce dernier lui suggère d’oser ce qui nourrit continument la musique au Brésil : les visites aux grands aînés. Car même les stars rechantent les stars dans un perpétuel recommencement savoureux, ce que confirment ses amis du groupe Casuarina, qui enregistrent le répertoire de Dorival Caymmi. L’idée d’imaginer Édith Piaf devenue brésilienne s’impose alors, à condition d’accomplir une relecture élégante. Il a fait appel à ses amis et complices de Casuarina, et notamment Daniel Montes, guitariste et arrangeur du groupe. D’emblée, une révolution copernicienne s’impose : les Brésiliens chantant plus grave que les Français, il convient de baisser toutes les tonalités. Une suavité s’impose naturellement, calmant l’emphase qui tente souvent les interprètes de Piaf, entraînés vers les majuscules aiguës de son théâtre émotionnel. Starting in 2010, he recorded three sensuous albums in Brazil, channelling the multifarious mix of rhythms from this immense country. Brazilian musicians, lyrics blending French with Portuguese: his version of Jacques Brel’s Cœurs tendres recorded with Zeca Baleiro attracted much attention. Zeca then suggested reprising the oldies-but-goldies, which constantly nourish the Brazilian music scene, where even stars cover each other, like an ever-replenishing feast, as confirmed by his friends from the group Casuarina, who recorded Dorival Caymmi’s repertory. A Brazilianised Édith Piaf gained ground, on the condition of accomplishing elegance. He called on his Casuarina cronies and friends, especially Daniel Montes, the group guitarist and arranger. From the outset, a Copernican revolution would be necessary in that Brazilians sing lower than the French, so everything had to be transposed down. Suave notes came naturally, soothing the emphasis often adopted by those who take on Piaf, drawn into the acute drama of her emotional range. Nicola adapte des chansons en compagnie du journaliste et écrivain Igor Ribeiro, déjà auteur notamment d’Amanhã já era, chanson diffusée par les radios françaises au printemps 2018. Sous la direction de Daniel Montes, les classiques de Piaf se glissent ensuite dans des formes très brésiliennes – un jongo avec des couleurs de funk carioca pour Padam, padam, un chorinho pour Non, je ne regrette rien, une rythmique nordestine pour La Foule… Le pays étant aussi ouvert que la France aux emprunts extérieurs, on découvre aussi un boléro dans Sous le ciel de Paris, une danse à la Fred Astaire sous Milord… Tout s’est passé comme si les enregistrements célébrissimes de Piaf étaient des maquettes pour lesquelles Nicola Són laissait la liberté à Daniel Montes de les traiter comme des chansons neuves. Ce ne seront donc pas neuf standards français tropicalisés, mais neuf titres mis en scène avec majesté par un des arrangeurs les plus lettrés du Brésil. Et l’on se prend à rêver d’une Piaf qui ne se serait passionnée que pour la finesse de la sensation plutôt que pour les grands flots d’émotion, pour la netteté du dessin harmonique plutôt que pour la charpente du pathos. Peut-être est-ce là l’apport le plus singulier de cet album uchronique : il faut ce détour par le Brésil pour découvrir une Édith Piaf à l’impeccable élégance. Bertrand Dicale Nicola adapted songs in the company of journalist and writer Igor Ribeiro, who had already authored Amanhã já era, a song heard on French radio in spring 2018. Directed by Daniel Montes, Piaf’s classics somehow morphed into very Brazilian sounds – a jongo with funky carioca colours for Padam, Padam, a chorinho for Non, je ne regrette rien, a north eastern pace for La Foule… the country is as open as France to outer influences, so there’s also a bolero in Sous le ciel de Paris and a dance worthy of Fred Astaire for Milord. It all fell in place, as if Piaf’s famous recordings were mere mock- ups for Daniel Montes, who had carte blanche from Nicola Són to use them as if freshly penned. So this is not just a collection of French standards with a tropical twist: the nine tracks have been majestically arranged by one of the most literate arrangers in Brazil. Suppose we were to dream of a Piaf with a passion for finely- depicted sensation rather than a dramatic flux of emotion, or for a clear harmonic design rather than the frame of pathos. This is perhaps the most singular contribution of this uchronic album: you need to take in Brazil to embrace this impeccably elegant Édith Piaf.