La Vie De Judith Gautier : Égérie De Victor Hugo Et De Richard Wagner
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LA VIE DE JUDITH GAUTIER Egérie de Victor Hugo et de Richard Wagner DU MEME AUTEUR : MARIE DURAND ET LES CAPTIVES D'AIGUES-MORTES, aux Editions P.M. Favre. Couronné par la Société des Gens de Lettres. NINON DE LENCLOS ET LE XVII SIECLE. Barré & Dayez Editeurs. LA VIE TRAGIQUE DE LA REINE MARGOT. Sorlot Lanore L'HORLOGER, roman (Debresse). DANS L'OMBRE, UNE POUPEE, nouvelle. Et des poèmes... Anne Danclos Clichés de Jean Pillet Editions Fernand Lanore François SORLOT 1, rue Palatine - 75006 PARIS ISBN 2-85157-152-4 © by Anne Danclos - 1990 © Editions F. Lanore - 1996 La maison de Judith Gautier Son jardin Son buste d'Etex en marbre de Carrare Photographies de Jean Pillet Au Capitaine de Vaisseau Jean Pillet. INTRODUCTION Qui est Judith Gautier ? La fille de Théophile Gautier, chef de file des poètes Parnassiens. Dès son plus jeune âge, elle a connu Baudelaire, Sully Prud'homme, Leconte de Lisle, Flaubert et Dumas fils. Elle ne pouvait devenir à son tour que femme de lettres. C'était l'époque où l'Orientalisme était à la mode. Elle apprit la langue chinoise et le Persan par plaisir et traduisit les poètes chinois et japonais. C'est la première femme qui fit connaître aux français les splendeurs de la poésie extrême- orientale par des poèmes dont la traductrice un peu fantai- siste révêlait sa propre âme poétique ! Elle écrivit aussi de nombreux romans : chinois, japonais, persans, dont les personnages, les descriptions de paysages sont si vrais d'atmosphère qu'on est étonné qu'elle ne les ait jamais connus... des romans d'aventure avec des Princesses et des sultants dans des fêtes féériques, où des mandarins chinois, une natte dans le dos, assis en lotus dans un palais merveilleux aux cloisons coulissantes, prennent le thé dans des porcelaines rares sur des tables très basses tandis que, dans le jardin, de plain pied, les cerisiers en fleurs se mirent dans de petits lacs qu'enjambent des ponts de marbre blanc comme des jouets. Elle a connu Pierre Loti, un autre conteur de merveilles... Elle dessinait, peignait... quoi de plus ? Une femme exquise qui recevait ses amis avec faste et gentillesse et fantaisie car on s'amusait chez elle à se travestir en personnages orientaux bien sûr. Très belle femme, on a d'elle un buste en marbre de carrare du sculpteur Etex. Elle fit cependant un mariage très malheureux avec Catulle Mendès homme de théâtre et critique célèbre. Mais, Victor Hugo âgé éprouva une dernière passion pour cette jeune femme belle, intelligente et artiste. Richard Wagner dont elle adorait la Musique qu'elle défendit à Paris lors de l'échec de Tannhauser eut pour elle son dernier amour, tout en composant Parsifal dont elle traduisit le texte littéraire en français. Elle fut la première femme à entrer à l'Académie Gon- court. Colette le sera plus tard... Généreuse, elle aidait ses amis et, sa porte était toujours ouverte aux êtres malheureux comme aux bêtes abandon- nées. C'est une jolie image de femme et elle méritait qu'on la tirât de l'ombre. I UNE ENFANCE MERVEILLEUSE Les jeunes poètes, qui, en 1866 sous la direction de Catulle Mendès, fondèrent le Parnasse se réclamaient de Théophile Gautier. Se trouvaient réunis : Baudelaire, Leconte de Lisle, Banville. Leur groupement ne présentait pas le caractère d'un cenacle intransigeant Leur doctrine était souple, simple- ment, ils voulaient ôter à la poésie ce lyrisme emphatique du romantisme. C'était une réaction à la grande éloquence, aux sentiments exacerbés, aux confidences éplorées des Lamar- tine dans ses Méditations et aux Musset des Nuits. Seule, comptait pour eux la perfection formelle qui était déjà le souci de Victor Hugo dans ses Orientales. Rémy Gourmont disait : « un mouvement de pudeur ». François Coppée, Sully Prud'homme, José Maria de Heredia ont préservé la littérature de la négligence et du relâchement. Théophile Gautier ( 1811-1872) était le chef de file et l'ami de Hugo. A la première de Hernani, il avait arboré le fameux gilet rouge des romantiques défendant le dramaturge nova- teur contre la meute conservatrice. Il demeurera son ami toute sa vie. Gautier est l'auteur du Capitaine Fracasse qui avait fait grand bruit et du Roman de la Momie, livres pour enfants ainsi que de Mademoiselle de Maupin mais il restera surtout le poète de Emaux et Camées. Romancier, nouvelliste, grand voyageur à l'étranger ; pour vivre il aura besoin de la Presse : critique d'art et de musique ; chroniqueur de théâtre, il deviendra ainsi l'ami de nombreux écrivains et artistes de son temps. C'était un homme doux et bienveillant Très sensible à la beauté des femmes il avait eu pour maitresse, une espagnole, Eugénie Fort qui lui donna un fils, puis il avait fréquenté les sœurs Grisi, des italiennes dont l'une, Carlotta née à Mantoue en 1819 était une danseuse célèbre qui avait créé les ballets de Gisèle et de La Péri, à l'Opéra de Paris en 1843 et il était l'auteur de ces livrets. Il l'admirait passionnément et éprouva pour elle un amour platonique qui dura toute sa vie cependant il tomba amoureux de sa sœur, Ernesta, chan- teuse au théâtre italien. Elle était séduisante et possédait une belle voix de contralto. On peut voir son portrait signé Bonnegrace au Musée Carnavalet à Paris. Elle devint sa compagne en 1844. Ménage d'artiste, pas sans heurts mais pas sans passion. Ils eurent deux filles : Louise et Estelle. Louise naquit le 25 août 1845. Son deuxième prénom était Judith. Celui qu'elle préfèrera plus tard. Sa sœur Estelle naîtra le 28 novembre 1847. Judith sera baptisée en l'Eglise Bonne Nouvelle qui a brûlé depuis. Elle eut pour parrain l'homme de lettres Maxime de Camp et pour marraine le prestigieuse Carlotta, la fée, l'adorée de tous. On mettra Judith en nourrice. Ses parents, elle les verra tous les quinze jours. La demeure de cette nourrice se trouvant dans le même quartier, elles s'y rendaient à pied, Judith portée par la jeune femme la plupart du temps. Sa famille habitait à cette époque rue Rougemont C'était au cinquième étage : l'es- calier était sombre, très ciré, et glissant Chez la nourrice l'escalier était étroit mais vite grimpé à quatre pattes, aussi la montée était pénible rue Rougemont.. Quand on entrait il y avait d'abord un vestibule sans fenêtre où il faisait très noir. La salle à manger était à gauche et le salon au fond d'un couloir... Pour Judith ces visites obligatoires n'avaient que le charme de la promenade de l'aller et du retour ! Elle était avec cette Nounou qu'elle aimait et cela suffisait à son bonheur. La voix du sang n'eut pas l'air de parler pour elle et elle se souvient de la première entrevue avec son père que dans une circonstance qui la laissa très froide : c'était dans la salle à manger, elle était sur les bras de sa nourrice et son père était là, près d'elle. On avait du l'appeler pour qu'il vienne voir sa fille, mais il s'amusait à lui faire des agaceries pour qu'elle se décide à sourire... Elle n'en avait pas envie, lui montrant un visage fermé, presque hostile. Alors le pauvre homme croyant l'amuser lui dit : « Veux-tu que je te colle au plafond avec un pain à cacheter ? » « Le plafond très proche de la place où l'on me tenait me faisait juger le projet très réalisable... mais je ressentais surtout l'offense. Je dus avoir l'air bien comiquement outra- gée car mon père éclata de rire et voulut m'embrasser, je me rejetais vivement en arrière en me cachant contre l'épaule de ma nourrice... » Ce fut une enfant des plus sensible et elle éprouva un terrible chagrin quant il lui fallu quitter cette si bonne nounou. « J'ai commencé la vie, dit-elle, par une passion. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, c'est cependant tout à fait certain, et cette passion, qui eut, comme toujours ses joies et ses peines aboutit à un chagrin dont la violence n'a jamais été pour moi, égalée. La catastrophe fut pour moi subite et cruelle, à l'entour tout est effacé, c'est un trait de foudre dans une nuit noire. Sans doute après une visite rue de Rougemont, ma nourrice ne me ramena pas. Mais je ne me souviens d'aucune circonstance ni de ceux qui m'entouraient Seul le désespoir, un désespoir sans égal a marqué son ineffaçable blessure. Je fus prise d'un sanglot unique continu, qui dura je ne sais combien de jours et de nuits. Je rejetais tout ce qu'on me mettait par force, dans la bouche, incapable d'ailleurs d'avaler même une goutte d'eau, tant ma gorge était serrée et convulsée de ce sanglot qui ne cessait jamais. Moi qui détestais l'obscurité, je restais dans le noir de l'antichambre, assise sur une banquette trop haute près de la porte de sortie, la porte fermée à clé et verrouillée, mais qui peut-être s'ouvrirait une fois pour me laisser m'enfuir. On ne pouvait m'arracher de là et on arrivait à m'y abandonner, se disant sans doute, que ce chagrin d'enfant finirait bien par passer. Il ne se passait pas, je sanglotais sans relâche et j'ai encore l'horrible sensation de cet étranglement, de cette suffocation de la brûlure sur mes joues et ma bouche des larmes que je n'essuyais pas. Cela finit par devenir un hoquet saccadé et convulsif, que rien ne pouvait arrêter.