Le temple d’Arou. Falaises de , Pays Dogon. Thierry Joffroy, Lassana Cissé, Pierre Guindo

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Thierry Joffroy, Lassana Cissé, Pierre Guindo. Le temple d’Arou. Falaises de Bandiagara, Pays Dogon.. CRAterre-ENSAG, 36 p., 2010, 978-2-906901-63-6. ￿hal-02512258￿

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Falaises de Bandiagara inscrites sur la Liste du patrimoine mondial en 1989

Le temple Falaisesd’Arou de Bandiagara pays dogon

Photographie de couverture Lassana Cissé, Ce livret et le projet de restauration du temple d'Arou et Cérémonie du Bulo, juin 2004 de ses éléments annexes ont été rendus possibles grâce au Quatrième de couverture soutien de Thierry Joffroy Jessica E. Smith & Kevin R. Brine Charitable Trust Village de Koundou-Kikini dans le cadre du programme du World Monuments Fund.

Falaises de Bandiagara DNPC inscrites sur la Liste du patrimoine mondial en 1989 Le temple d'Arou 2 préface

epuis son accession à l’indépendance d’un véritable challenge car le bien com- en 1960, le a pris conscience de la prend 289 villages et s’étend sur 4 000 km2. valeur et de l’intérêt de la sauvegarde Dde son patrimoine culturel. Il fut non seu- Relevant le défi avec persévérance, lement un des premiers pays africains à la Mission Culturelle de Bandiagara est instaurer un ministère chargé de la culture, aujourd’hui devenue un des services mais il figure également parmi ceux qui déconcentrés de l’État les plus actifs de la s’engagèrent dans la ratification puis la mise zone. Au-delà, en développant un Plan de en œuvre de la convention internationale conservation et de gestion élaboré en par- Mohamed el Moctar de 1972 de l’UNESCO concernant la pro- tenariat avec les autres acteurs opérant sur Ministre de la culture tection du patrimoine mondial, culturel et le site, elle a su créer un cadre synergique naturel. et fédérateur indispensable pour la pré- servation des valeurs exceptionnelles du Dans ce cadre, le Mali demanda et site et l’établissement de priorités pour sa obtint l’inscription sur la Liste du patri- bonne conservation dans une perspective moine mondial de Djenné et de Tombouc- de développement durable. tou en 1988, puis celle de la « Falaise de Bandiagara – Pays dogon » en 1989. Le temple d’Arou est un élément majeur de la culture dogon. En péril, ce patrimoine En inscrivant ce dernier site suivant méritait une action d’envergure. Celle-ci des critères à la fois culturels et naturels, le a été possible grâce à l’appui du World Mali se positionait comme un pays moteur Monument Watch qui avait déjà soutenu dans la préfiguration de ce qui est devenu l’élaboration du Plan de conservation et de aujourd’hui un des plus grands enjeux de gestion du site en 2004. Il m’est agréable de notre planète : la conservation et la valori- profiter de l’occasion qui m’est donnée ici sation de la diversité, qu’elle soit biologique de remercier cette institution, ses respon- ou culturelle. sables et ses donateurs. Qu’ils reçoivent toute notre gratitude ! Enfin, je souhaite Dans un souci de respecter ces engage- à chacun de pouvoir se rendre à Arou. La ments, en 1983, le gouvernement du Mali visite du temple et des autres sites culturels créa des Missions Culturelles chargées de et naturels qui se trouvent aux alentours est la gestion de ces sites classés. Pour le site une expérience unique et particulièrement des Falaises de Bandiagara, il s’agissait enrichissante. Vue de Kani Bonzon (localité historique des Dogons) depuis les hauteurs de Bégnématou Le temple d'Arou 3 préface Le temple d'Arou 4 Introduction Ci-dessous et page de gauche : cérémonies de funérailles à Arou

ès les premières recherches formelles Toutefois, malgré l’abandon du village, le sur le Pays dogon, le temple d’Arou fut temple est resté un lieu bien vivant. Les repéré comme étant un des sites cultu- sacrifices et bénédictions y sont quasiment Drels les plus importants sur les plans de la quotidiens. Mais l’isolement et les difficul- cosmogonie et de l’expression du pouvoir tra- tés d’accès rendent difficile la vie sur place ditionnel, et donc un des mieux protégés. De et donc le maintien du système traditionnel ce fait, il est cité dans de nombreux ouvrages, de succession du , et l’installation notamment ceux des célèbres anthropolo- de sa famille sur place, conditions sine qua gues français Marcel Griaule et Germaine non pour la conservation de la vie spiri- Dieterlen. Il a également fait l’objet d’études tuelle et temporelle des lieux. architecturales et figure dans les deux prin- cipaux livres de référence sur l’architecture À la demande des responsables du temple, dogon, publiés respectivement par Wolfgang la Mission Culturelle s’est engagée dans un Lauber (1998) et Wolf Schinjs (2003). processus d’amélioration des conditions de vie, comprenant un meilleur accès à l’eau Ainsi, peu après sa création, la Mission Cultu- (barrage – puits), l'aménagement des pistes, relle de Bandiagara fut amenée à s’y intéresser la facilitation de la remise en état du temple plus particulièrement, mais pour constater et de quelques éléments annexes, et enfin qu’il figurait parmi les monuments les plus la mise en place de conditions permettant menacés du Pays dogon. En effet, ce temple d’assurer leur entretien régulier. où se déroulent de grandes cérémonies rituelles visant à assurer une bonne pluvio- Ce document fait partie de la stratégie de métrie et donc de bonnes récoltes, a perdu revitalisation du patrimoine d’Arou et de une partie de la confiance placée en lui lors ses environs. Une bonne partie du produit de la période de sécheresse que le Sahel a de la vente de ce livret sera utilisée pour traversé dans les années 1970. De plus, dans poursuivre les efforts et garantir leur dura- ces conditions de déficit, le dépeuplement bilité. Nous espérons aussi qu’il permettra du village lié au temple s’accéléra jusqu’à son d’attirer un plus grand nombre de visiteurs quasi-abandon après un événement malheu- dans cette zone des falaises de Bandiagara reux : le braconnage des crocodiles sacrés qui qui, outre le temple d’Arou, posséde beau- protégeaient la principale source d’eau et qui coup d’autres sites d’attraction de grand entraîna son tarissement. intérêt, culturel et paysager. Le temple d'Arou 5 Introduction Le temple d'Arou 6

Origine(s) des Dogons

a région connue aujourd’hui sous le nom Au regard de l’abondance et la diversité de Pays dogon a été occupée depuis le des récits racontés par les traditions orales, Néolithique (vers 3000 ans avant J.-C.). il est probable que les populations qui, LSon environnement spécifique (vallée, aujourd’hui, se reconnaissent volontiers falaise, plateau) représentait probablement comme étant des Dogons, soient d’origines un cadre de vie offrant nombre d’avantages. diverses. Ceci est conforté par la présence Les grottes de la falaise sont en effet en Pays dogon d’au moins quatre langues autant d’abris naturels faciles à exploiter, différentes et par la pratique de traditions et difficilement accessibles par d'éventuels religieuses diversifiées. agresseurs. Par ailleurs, le relief très marqué engendre la création de mini-écosystèmes Pour les populations qui reconnaissent d'une grande variété biologique. Le Pays l’importance vitale du temple d’Arou et qui dogon a aussi bénéficié de sa richesse en s’y identifient, la tradition orale soutient que minerai, et fut largement exploité pour la leur origine est le Mandé, royaume médiéval production de fer et de bronze. dont le centre se situe dans la région sud- ouest du Mali, à cheval sur la Haute Guinée Diverses populations s’y sont succédé, les et l’ouest de Bamako. Leurs ancêtres auraient plus connues étant bien entendu les plus fait une longue et difficile migration, en Funérailles du Hogon de Arou récentes. Parmi celles-ci, il faut citer les partant de la région de Kankan en Guinée. en 2007 (ou population pré-) qui y De là, ils seraient arrivés à Kan-Nah, localisé vécurent entre les iiie et iie siècles av. J.-C., dans la partie sud-ouest de la falaise, juste les Tellem dont la présence est attestée au-dessus du village actuel de Kani Bonzon. dans les falaises entre les xie et xive siècles C’est là qu’ils se seraient séparés pour après J.-C., et ce jusqu’à l’arrivée des essaimer dans les trois régions naturelles du Dogons, située vers la fin du xive – début Pays dogon : le plateau, la falaise et la plaine du xve siècle. du Séno-Gondo. Le village d’Irely

Le temple d'Arou 7

Origine(s) des Dogons Le temple d'Arou 8

La légende* à l’origine

de la puissance du Hogon d’Arou * Récit raconté par Ogonindiou Din et Ogogènè, actuels responsables de culte à Arou Village d’Iréli Chute de Banami Village de Tely

jon, Ono, Domno et Arou sont les quatre que lui n’a qu’un mouton alors que les autres ancêtres connus des Dogons. Lors de ont des vaches et des chevaux. leur migration depuis le Mandé, l’aîné, DDjon, porte sur ses épaules son plus jeune Convaincue, la femme retire ses pieds et il conti- frère, Arou. Arrivés à l’orée d’une forêt de nue son chemin. Mais à peine l’a-t-il dépassée bambou, Arou peut donc apercevoir avant les qu’elle l’interpelle. C’est pour lui donner sept autres une grande plaine et s’exclame immé- semis de céréales différentes qu’elle extrait de diatement qu’il en est le propriétaire. Énerve, ses cheveux, ainsi qu’un petit serpent vert et l’aîné le laisse tomber par terre et continue son un couteau en bronze, et pour compléter, les chemin avec les deux autres frères. instructions quant à l’utilisation qu’il devra en faire plus tard. En route, ils trouvent des chevaux et des vaches qu’ils utilisent comme moyen de transport, Le jeune continue son chemin pour trouver ses tandis qu’Arou ne trouve qu’un mouton frères sous un arbre, en train de se reposer. (bélier) et a donc bien du mal à suivre. Ne trouvant pas de place à l’ombre, il s’as- Un peu plus loin, ils rencontrent une vieille soit du côté Est pour attendre que le soleil femme assise, les jambes en travers du chemin. tourne, et après quelques minutes, bénéficier Ils passent au-dessus, comme si de rien n’était. de l’ombre rafraîchissante. Arrivé à elle, le benjamin lui demande de reti- rer ses pieds pour lui permettre de passer. Elle Un peu plus tard, des personnes rencontrées sur lui répond de procéder de la même manière place leur apportent de la nourriture. Ses que ses prédécesseurs. Mais Arou insiste, frères se précipitent sur le « Oronia » (pâte disant qu’il est différent d’eux, preuve en est de mil cuisinée avec une sauce aux feuilles Le temple d'Arou 9

La légende* à l’origine

de la puissance du Hogon d’Arou * Récit raconté par Ogonindiou Din et Ogogènè, actuels responsables de culte à Arou La colline aux 4 sommets qui symboliserait les 4 ancêtres des Dogons, village de Ibi

de baobab) et la « crème » (farine de petit Loin de penser à féliciter Arou pour son exploit, signe confirmateur. Dès lors, les forgerons et mil diluée d’eau) tandis qu’Arou se saisit de ses frères ne pensent qu’à compléter leur les griots se mettent à chanter les louanges la sauce et d’une louche. Chacun est donc repas. À nouveau, Arou est mis à contri- d’Arou, et le proclament Hogon. contraint d’échanger une partie de ce qu’il a bution puisque c’est lui qui a le couteau de contre la sauce et la louche, sans lesquelles il bronze. Alors qu’il dépèce l’animal, les aînés C’est ainsi qu’Arou devint célèbre et ses pou- est difficile de manger et de boire. Bon négo- se partagent les meilleurs morceaux, laissant voirs magico-religieux reconnus de tous, ciateur, il finit par avoir beaucoup de nour- Arou avec seulement la panse. Mais Arou les notamment ses facultés à provoquer la pluie, riture, ce qui lui permet de partager avec laisse faire car il sait ce qu’il cherche. En effet, et donc à assurer l’abondance des récoltes, la ceux qui n’avaient rien eu : les forgerons, les c’est dans la panse que se trouve « Anran- préservation de l’environnement naturel et cordonniers et les griots. dugô », l’amulette magique susceptible de la prospérité. provoquer la pluie. Ses trois frères ne reconnurent pas vérita- Après avoir mangé et bu, leurs hôtes leur indi- Après avoir mangé la viande, tout le monde blement le pouvoir et la puissance de leur quent une vache, en soutenant que celui qui a soif, mais il n’y a plus d’eau. C’est alors benjamin. Il existe d’ailleurs des traditions serait capable de la terrasser puis de l’égorger qu’Arou sort « Anrandugô » et provoque une orales bien moins élogieuses relatives à deviendrait le Hogon (chef) de tous. Tour à pluie qui permet à chacun de boire. Arou et à l’exercice de son pouvoir. tour chacun tente sa chance, en vain. C’est le tour d’Arou. Suivant les conseils de la vieille La pluie cessant, les quatre frères aperçoivent un D’ailleurs, après avoir terminé leur migra- dame, il fait semblant de menacer la vache bonnet rouge qui virevolte au-dessus de leurs tion ensemble à Kan-Nah, ils se séparèrent, et discrètement lui jette le serpent vert qui têtes. Tous tentent de l’attraper. Certains chacun allant fonder son propre groupe la mord au bout de la langue. Sous l’effet tirent le cou, d’autres sautent. Mais c’est sur clanique. Cette séparation reste théorique du venin, la vache vacille et Arou en profite Arou, resté assis, que brusquement le bonnet puisque ces clans cohabitent dans un même pour la terrasser. Enfin, à l’aide de son cou- vient se fixer. Après exploits et prouesses, ce village, se marient entre eux et partagent teau de bronze, il l’égorge. dernier événement est compris comme un des valeurs culturelles cardinales. Le temple d'Arou La migration1 0 du clan Arou en Pays dogon

rou, aussi appelé Ogolagara, serait mort sédentarisation du grand Hogon à Arou, immédiat de l’actuel site délimité par les à Kan (Kan Nah). Le clan migre alors chaque nouveau Hogon vient y faire une crêtes visibles depuis la plaine. Il s’étendait vers le nord-est en suivant la falaise, retraite, juste avant son investiture. jusqu’aux abords du quartier d'Ibi situé dans Aconduit par Ogosandiri, un de ses héritiers, la plaine, en bas du sentier qui mène à Arou. qui va fonder de nouveaux villages : Doun- Le temple d’Arou fut d’abord construit sur Comme la plupart des villages de la falaise, diourou, Nombori, Peguè et Téréli. un grand rocher très haut perché. Celui-ci, Arou avait des villages frères dans la plaine. probablement trop exposé aux vents vio- Ceux-ci se trouvaient au milieu de terres Poursuivant son expansion, le clan va lents, fut abandonné au profit de l’actuel, un plus facilement cultivables, mais ils devaient encore fonder d’autres villages, notamment autre grand rocher, situé juste au-dessous être abandonnés en cas d’attaque, la popula- Ban-Pènè (face à Sangha Gogoly, au-des- du premier. Un peu plus bas fut construite tion se réfugiant alors dans les villages des sus de Banani) qui fut abandonné. Après la gin’na (maison familiale) devant être falaises, plus faciles à défendre. Ils étaient consultation d’un devin du nom d’Atéguéré occupée par le frère du Hogon. C’est là que aussi les lieux privilégiés pour stocker les à Awa (autre localité disparue), le groupe l’on vient s’annoncer avant toute visite ou récoltes. part à Sédjé où il est accueilli par Karouwa, consultation au temple. le chef coutumier du village bâti dans une Considéré à juste titre comme étant un des série d’abris-sous-roche impressionnante. Le village lui-même fut édifié en contrebas, lieux de pouvoirs les plus importants du Après un bref séjour à Sédjé, le chef suggère sur un plateau rocheux, juste au-dessus des Pays dogon, l’administration française ins- au groupe d’aller s’installer dans la vallée zones cultivables situées de part et d’autre du talla un poste de commandement à Ibi, fai- située un peu plus au sud, où sera fondé le marigot qui alimentait le village en eau de sant de cette localité un chef-lieu de canton. village nommé Arou. façon permanente. Le village Arou va pros- Ceci permettait d’installer un contrôle pérer jusqu’à faire partie des plus grandes permanent qui fut à l’origine du premier En commémoration du séjour du clan dans agglomérations dogon précoloniales. Son ce village et de son rôle essentiel dans la extension ira au-delà de l’environnement

La falaise, guide naturel du clan Arou Village de Sibi-Sibi Village de Tiogou Village de Teli Le temple d'Arou La migration du clan Arou en Pays dogon Village de Bongo 1 1

déclin d’Arou. Paradoxalement, la sécu- rité était désormais mieux assurée ce qui engagea la population à migrer progressi- vement dans les villages frères de la plaine. La grande sécheresse qui s’est installée dans les années 1970 en région sahélienne ren- força cet exode. Le coup de grâce vint avec le braconnage systématique des crocodiles sacrés, gardiens de la source qui alimentait tout le village en eau.

Toutefois, le temple lui-même n’a jamais été abandonné, de même que les édifices annexes utilisés par la famille du Hogon, les chefs temporels et les assistants chargés d’officier les cérémonies cultuelles.

Villages liés au clan Arou Plateau : Sangha (les 2 quartiers de Barou et de Diamini (Nah et Goura), Sangui, Bongo, Gogoly), Kama, Dandoli, Kolountanga, Djombolo, Sibi-Sibi, Sokolo, Boromon, Amalè, Mory, Sadégué, Tin, Pourolou. Falaises : Doundiourou, Nombori, Téréli, Pèguè, Youga Piri, Youga Dogourou, Tiogou, Yendouma-Ato, Damassongo. Plaine : Garou, Solou, Madougou, Pèdaga, Gonron, Ibèlou, Guimè, Bono, Pouroukambé, Pomorododiou, Bénébouro, Kouroussogou, Sono. Le temple d'Arou 1 2

Le temple d’Arou, un haut lieu pour les Dogons

e temple d’Arou est un des hauts lieux de la religion ancestrale des Dogons, un endroit où il est possible d’en- trer en contact avec les forces surnaturelles et solliciter leur bienveillance. Au-delà de considérations person- nelles ou familiales, de nombreuses cérémonies qui concernent l’ensemble du clan s’y déroulent et restent bien Lvivantes, malgré le développement des « nouvelles religions ».

Le Bulo-na ou Arou-bulo Le Jègétaï-Gèru droit où il est entassé lors de la récolte. Ce C’est la fête des semailles. Le Hogon et les C’est la cérémonie du transport de la mil est mis en réserve séparément, et sera sages responsables des waguem (autels et récolte du champ de Hogon jusqu’au utilisé pour faire une libation de bouillie lieux dédiés au culte des ancêtres) font des temple. Elle est organisée dès que les agri- (mil écrasé mélangé à l’eau) ou de bière bénédictions en direction d'Ama (Dieu) culteurs ont fini de récolter et de transpor- sur des autels individuels. Cette cérémo- pour que la saison agricole soit bonne. La fête ter leur production. Elle dure trois jours, nie a lieu au cours du mois de mars. du bulo a lieu fin mai — début juin. Elle est au mois de janvier. La population trans- l’occasion de renouveler l’enduit du temple et porte le mil le premier jour, le met dans Le Birin-bulo d’appliquer des peintures symboliques sur sa le grenier le second jour, puis retourne Il a lieu en avril ou mai. C’est un culte rendu façade principale. chez elle le troisième jour. À la fin de la au totem d’Arou (birin = interdit ou totem deuxième journée, la population partage et bulo = culte). Il est organisé sous la res- Le Goru la bière de mil avec le Hogon qui clôture la ponsabilité du chef de gin’na, gardien du Cette cérémonie cultuelle symbolique soirée en faisant des bénédictions. Hogon, avec les responsables des waguem. annonce le début des récoltes, au cours du Ce culte ne concerne pas a priori le Hogon, mois d’octobre. Le Hogon goûte le premier Le Urobugoro néanmoins au lendemain de la cérémonie, au nouveau mil et donne l’autorisation aux Il s’agit d’un culte familial (uro = maison les responsables reçoivent ses bénédictions agriculteurs de récolter et de manger les et bugoro vient de bulo = culte) dédié aux avant qu’ils ne regagnent leurs domiciles. céréales à terme. C’est le moment de rendre ancêtres. Il est célébré par la famille du grâce à Ama pour avoir accordé une bonne Hogon et celles des huit responsables des saison des pluies et des bonnes récoltes. waguem avec le reste du mil ramassé à l’en- Le temple d'Arou 1 3

Le Hogon Le grand Hogon Arou est choisi tour à tour dans une des trois familles lignagères du clan et à partir d’un système divinatoire. Quand les personnes chargées des consultations ont des indices, une grande rencontre est organisée à Arou (sur un faux ordre de jour : « Réunion concernant la vie de l’ensemble du clan Arou ») au cours de laquelle, l’homme indiqué est « attrapé » sans autre forme de procès. Dès lors il est dépouillé de ses vêtements ordinaires et est revêtu d’habits en cotonnade (tout blanc) : un cache-sexe en une bande, un boubou de quatre bandes d’étoffe et un bonnet en une longue bande autour de la tête. Il est amené ensuite dans la gin’na (première maison ou maison mère) où il va passer une nuit près de Ogo-Ama (un autel dédié au Hogon ou Dieu du Hogon). Le lendemain il est porté à l’épaule jusqu’à Sédjé où il va rester pendant trois semaines dogon (soit 15 jours). Durant cette période, ses funérailles sont organisées car il est considéré comme mort dès lors qu’il a été choisi. C’est donc pour lui le commencement d’une nouvelle vie, préparée avec nombre de cérémonies rituelles. Au terme des 15 jours, il est ramené à Arou, toujours paré de cotonnade, cette fois teinte à l’indigo (uni), pour être définitivement investi. Il le restera jusqu’à la fin de sa vie. À sa mort, une grande cérémonie est célébrée. C’est l'Ogo Barou (ramassage du Hogon). Pendant ce temps, un proche de la famille assure l’intérim. Après la cérémonie d'Ogo Bara, le temple est inoccupé jusqu’à l’élection d’un nouveau Hogon. Le temple d'Arou 1 4 Le temple et ses espaces annexes

l’instar de la plupart des lieux On accède enfin à la cour qui est un espace cultuels importants du Pays dogon, fermé des deux côtés, à gauche par une le temple Arou se situe dans la partie masse rocheuse, verticale – sur laquelle Àla plus haute du village. On y accède par avait été bâti le premier temple, abandonné, un sentier qui passe au travers du site de mais toujours symboliquement représenté l’ancien village puis devant la gin’na de par un autel en forme d’obus – et de l’autre son gardien. Après avoir gravi les der- par le temple lui-même, rehaussé du fait de niers mètres, on se retrouve au dos de son implantation sur un rocher. l’énorme rocher sur lequel le temple a été édifié. Il existe un chemin qui mène Dès l’entrée dans la cour, on tombe sur directement dans la cour, mais celui-ci une dépression, à la fois mare après les est réservé au Hogon, et le visiteur sera pluies, lieu où est préparé le mélange de invité à contourner le rocher du côté terre (mortier) lors du Bulo, et « piste de nord. Ceci l’oblige à passer devant la case danse » lors des cérémonies. Cette mare puis la cuisine réservées aux membres de artificielle est considérée comme étant le la famille du Hogon. repaire du (le génie d’eau).

1. Temple 7. Famille du Hogon 2. Chambre annexe du Hogon 8. Sièges de réception 3. sièges du Hogon 9. Toguna 4. Greniers 10 Sièges des visiteurs 5. Enclos 11. Entrée "réservée" 1 4 6. Mare 12. Entrée visiteurs

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10 Le temple d'Arou 1 5

Plus au sud, se trouve d’un côté le siège du Encore un peu plus loin se trouve un Du côté nord du sentier d’accès, se trouvent Hogon (une simple pierre) avec en face, Togouna (abri couvert de tiges de mil), d’autres éléments importants : une série de devant la paroi rocheuse un bloc de pierre réservé au Hogon et aux gardiens des cases individuelles utilisées par les visi- et un tronc d’arbre sur lesquels les visi- waguem. De cet endroit démarre un sentier teurs et les responsables des waguem, et un teurs peuvent s’asseoir et s’entretenir avec le qui permet d’accéder à d’autres lieux sacrés immense abri-sous-roche, climatisé natu- Hogon. Derrière le siège du Hogon, un sen- situés plus au sud, et notamment à l'abri- rellement, où se déroulent de nombreuses tier permet d’accéder à un deuxième grand sous-roche où est pratiquée la divination activités : cuisine, tissage… rocher sur lequel se trouvent deux greniers pour désigner le nouveau Hogon. et une petite dépression où sont réalisés un certain nombre de sacrifices. Le temple d'Arou 1 6

Le temple

e temple est construit sur un énorme bois. Le petit élément de plan rectangu- Devant l’entrée, à gauche, se trouve le rocher. Il est composé de plusieurs laire situé à droite de cette entrée est uti- siège du Hogon sur lequel est représenté petites constructions contiguës, de plan lisé comme chambre par le Hogon quand un serpent, le Lébé (serpent mythique Là la fois rectangulaire et circulaire et ayant celui-ci se sent faible et pourrait donc être incarnant le premier ancêtre des Dogons chacune une fonction propre. proche de son décès. En effet, le Hogon ne et qui les aurait suivi lors de leur migra- doit pas mourir à l’intérieur du temple. tion). Il est sensé lécher le Hogon qui, de L’élément principal se situe en façade. Il com- ce fait, n’a plus besoin de se laver le corps prend un vestibule et, à l’étage, la chambre du La façade principale du temple est traitée de quotidiennement. Hogon et celle de sa femme. Ces chambres façon symbolique. Elle est couronnée de neuf sont accessibles depuis la terrasse princi- pinacles surmontés d’œufs d’autruche qui Toute la façade principale est peinte lors pale située au-dessus du grand espace qui représenteraient les sept graines de céréales, de la cérémonie du bulo. Il est à remarquer se trouve derrière le vestibule et qui dessert le serpent et le couteau, soit les neuf objets qu’elle est orientée à l’est, ce qui est rare en la cuisine, la salle de bain, une pièce où sont donnés au jeune Arou par la vieille dame. Pays dogon car c’est de cette direction que conservés amulettes et fétiches, un lieu de Sur la façade, se dessinent deux séries de viennent les pluies battantes, destructrices. stockage et une salle à manger. niches de forme élancée, dont une est en fait Mais ne s’agit-il pas en fait d’une disposi- la porte d’entrée principale. Ces niches sont le tion volontaire ? En effet, une des fonctions Les éléments situés côté nord sont séparés « logement » des ancêtres (les grands Hogon principales du temple est d’appeler des de l’édifice principal. Ce sont principale- successifs du clan Arou), et les colonnes entre pluies abondantes. Les peintures seraient ment des greniers. On peut y accéder direc- elles, des autels qui leur sont dédiés. donc comme offertes aux dieux protec- tement par une entrée non couverte qui L’ensemble de la façade est la représen- teurs. Si celles-ci sont entièrement délavées, mène à une petite cour étroite. L’accès à la tation symbolique de la couverture des tout le monde sera prospère... et ne man- terrasse, et donc aux chambres, se fait aussi morts, elle-même conçue à l’image des quera pas de revenir l’année suivante pour depuis cette petite cour, par une échelle en terres défrichées et délimitées. les repeindre ! Le temple d'Arou 1 7 Le temple d'Arou 1 8

e bulo se déroule en principe à la sixième lune de l’année. Les rites débutent par un sacrifice au Nommo de la mare et une séance de divination permettra de déterminer les La cérémonie Ldates de la cérémonie principale qui dure trois jours. Premier jour Troisième jour Le premier jour du bulo est marqué par C’est le jour de la reprise des peintures des cérémonies, rites et sacrifices qui se de la façade principale du temple ! Après du Bulo déroulent à l’intérieur du temple, au niveau le nouveau traçage effectué à l’aide de des sanctuaires importants. Le même jour, couteaux, les jeunes appliquent les couleurs des jeunes ressortissants du clan Arou, en utilisant des épis de mil comme venus de plusieurs localités (certains pinceaux. Le charbon pour le noir, la pierre venants de plus de 40 km), transportent la latéritique pour le rouge et la farine de riz terre destinée au crépissage depuis la vallée local pour le blanc sont écrasés sur des située en contrebas et commencent à la meules dormantes disposées dans la cour pétrir avec de l’eau. du Hogon. La couleur blanche est préparée par des femmes alors que le rouge et le noir Deuxième jour sont écrasés par des hommes. Le matin, la terre est à nouveau pétrie et mélangée à de la paille et à du crottin d’âne. L’après midi, les sous groupes claniques Dès que la pâte est homogène, on rajoute effectuent tour à tour chants et danses de la poudre préparée en pilant des grains autour de la mare avant de s’introduire dans de raisins sauvages dont le jus a été extrait. le temple pour boire la bière communielle C’est ensuite que les jeunes commencent avec le Hogon. La cérémonie se termine le travail de crépissage sous l’œil vigilant au petit soir par le lancement d’épis de mil des adultes experts en la matière et des que le Hogon effectue à partir de la terrasse responsables de culte. L’enduit concerne de sa demeure. Ces épis prélevés dans son tout le bâtiment mais la façade principale grenier sont destinés aux membres du clan reçoit un traitement de faveur, avec une massés dans la cour, afin qu’ils les mêlent à quantité plus importante de poudre de leurs semences. raisin. À la fin du travail de crépissage, les ouvriers ayant touché le temple sont Ceci fait, le Hogon remercie l’assistance. purifiés par les assistants du Hogon qui leur Un des participants lui demande ce qu’il Ci-dessus et page de droite : font croquer du charbon. L’après-midi, de en est de la pluie. Le Hogon lui répond que à chaque cérémonie du Bulo, nouveaux rites et sacrifices sont accomplis « le nécessaire sera fait pour qu’il y ait de les motifs symboliques sont par les responsables des huit grandes la pluie pour tout le monde et pour tous repeints sur le nouvel enduit. La disposition des éléments familles indivises du clan Arou ou leurs les champs », et il clôt définitivement la représentés varie chaque année. représentants. cérémonie avec des bénédictions. Le temple d'Arou 1 9

Symbolisme des peintures Les trois couleurs utilisées, noir, blanc et rouge, symbolisent trois des éléments fondamentaux, respectivement l’eau, l’air et le feu. Le quatrième élément, la terre, est présent. C’est tout simplement l’enduit de la façade. Les figures reproduites illustrent le système du monde comme les Dogons le perçoivent. C’est le cas d’éléments cosmiques tels le soleil, la lune ou de certains astres comme les Pléiades ou Venus. D’autres figures évoquent l’agriculture et les semailles ou encore le Hogon et ses prédécesseurs : serpent Lèbè, bonnet. Il est à noter que la disposition des éléments représentés varie chaque année. Le temple d'Arou 2 0

La conservation du site, problèmes et enjeux

ictime d’un blocus de la part de l’administra- tion coloniale, de la pacification de la zone, puis d’une évolution du climat, le village d’Arou L’entretien Vs’est progressivement dépeuplé au profit des villages traditionnel frères, la plupart situés dans la plaine du Séno. des lieux Les récentes périodes de sécheresse successives Il existe un responsable général eurent aussi un impact négatif sur la perception de des lieux. À l’intronisation, la puissance réelle du temple et de son Hogon. Lors il est désigné parmi les plus d’une de ces mauvaises années, des populations, proches collaborateurs du mécontentes du comportement des responsables Hogon sortant, ce qui permet de bénéficier de sa bonne du temple, décidèrent d’une « action punitive » connaissance des lieux, et des et vinrent saccager quelques-unes de ses maisons rites et pratiques associés. associées. Les responsables des lieux, ayant du mal à restaurer les édifices détruits, alertèrent la Mission Pour les travaux sur le bâti Culturelle de Bandiagara qui aida à la mise en œuvre (réparations, adaptations…), on fait appel à des experts du de premiers travaux. clan, mais ceux-ci sont toujours réalisés avec une participation Quelques années plus tard, le décès du Hogon rendit communautaire, à l’instar de la situation encore plus préoccupante. Malgré l’at- ce qui est réalisé sur la façade trait de la fonction et un certain nombre d’avan- principale lors du bulo. tages, il devient difficile de trouver un candidat qui accepte des conditions de vie somme toute assez rudimentaires. Des efforts complémentaires étaient alors menés pour remettre le temple et ses struc- tures annexes en état. Toutefois, par manque de moyens, ces travaux ne purent être réalisés, ni en totalité, ni avec des matériaux de qualité suffisante, notamment pour ce qui est du bois d’œuvre qui, aujourd’hui, doit être apporté de zones proches de la frontière avec le Burkina Faso.

Avec le soutien du World Monument Fund, la Mis- sion Culturelle a pu lancer un projet plus ambitieux prenant en compte le temple lui-même, la gin’na située en contrebas, ainsi que les petites structures qui permettent à la famille du Hogon et à ses visi- teurs de vivre confortablement. Ce projet visait aussi une amélioration sur le long terme, en prenant en compte l’amélioration de l’approvisionnement en eau et des sentiers, le renforcement de la fréquen- tation touristique dans la zone (d’Ibi à Koundou) et en prévoyant des possibilités d’aide pérennes. La mise en place d’un comité de gestion, rassem- blant les différentes parties prenantes autour de cet objectif, ainsi que la publication du présent ouvrage vendu au profit de l’entretien régulier du temple font partie de cette stratégie. Le temple d'Arou 2 2

Le projet de restauration

ans un souci de bonne intégration du Par ailleurs, la Mission Culturelle a entre- projet de restauration dans la struc- pris des actions de sensibilisation dans ture de décision existante au niveau du plusieurs villages où sont localisés des res- Dtemple, la Mission Culturelle s’est position- sortissants du clan Arou, aussi bien sur le née comme facilitateur. Son rôle fut donc plateau, dans les falaises que dans la plaine. de bien identifier les ressources nécessaires, L’objectif de ces missions était d’assurer une tant matérielles qu’humaines, et de veiller à forte participation locale aux travaux de ce qu’elles soient effectivement mises à dis- restauration et d’aménagement du site dans position afin de garantir une qualité maxi- une perspective de conservation durable male de l’exécution. des identités culturelles, de revivification des traditions sociales et de mise en valeur Un autre aspect important a consister à du patrimoine bâti du site. respecter les obligations, les interdits et les rites. La plupart étant secret, ils ont Le chantier de restauration a englobé le été respectés ou mis en œuvre par les res- temple lui-même, les greniers associés, la ponsables traditionnels. Suivant ce même cuisine et la chambre de passage associée. principe, les principaux acteurs de la res- Dans un deuxième temps, la gin’na située en tauration furent sélectionnés ou désignés contrebas du temple, passage obligé avant par les responsables des villages ou quar- d’accéder au temple, a également été res- tiers de villages du clan Arou, ou issus taurée. Les travaux ont été prévus sur une des migrations à partir d’Arou. Deux durée de 4 mois, démarrant tout juste après maçons traditionnels originaires du vil- la saison des récoltes (novembre) pour éviter lage de Néni furent chargés de l’exécu- des difficultés réelles d’approvisionnement tion, la Mission Culturelle de Bandiagara en eau entre les mois de mars et juin. Fina- veillant régulièrement à la bonne avancée lement, quelques dernières petites interven- des travaux et à leur qualité. tions ont été réalisées l’année suivante. Le temple d'Arou 2 3

Les bois utilisés pour les piliers et les poutres qui devaient être remplacés, ont été commandés dans un village de la plaine, où se trouvent les espèces de bonne qualité (Kiré, Bébélé, Sigyuiri, Kuyo).

La plupart des pierres devant être utilisées pour la réparation des murs ont été récupé- rées des parties effondrées ou démontées. Une partie de la terre a aussi été récupé- rée sur place. Le complément a été extrait d’une carrière située en contrebas, à côté du lit du marigot. Il s’agit d’une terre argilo limoneuse de très bonne qualité, utilisable pour toutes les applications.

Pour les enduits, la recette locale, répu- tée pour son efficacité, a été retenue. Elle consiste à mêler la terre de bas-fond avec de la paille sauvage, du crottin d’âne et des restes pilés du pressage de raisins sauvages. Ce dernier élément comprend des matières grasses, ce qui rend l’enduit plus résistant aux pluies violentes. Il est ajouté en quan- tité plus importante pour la deuxième et dernière couche. Le temple d'Arou 2 4

Koundou Ando Sédjé Peintures rupestres pré-dogon Autel à Sédjé Tellem à Pekomo

L’arche de Koundou Da Le temple d'Arou 2 5 Autour d'Arou

Aller à Arou… à partir de Koundou Da et un peu plus loin ! Depuis Koundou Da, où il est possible de Pour se rendre à Arou, l’accès le plus facile se restaurer et de dormir, on peut se rendre est de partir du village d'Ibi situé au bas de directement à Koundou Guina (retour la falaise. Il faudra environ 45 min. pour au bas de la falaise) en passant par le très Acridocarpus Monodii atteindre le temple. Si la visite du temple pittoresque village de Koundou Kikini et sa promet d’être intéressante, il serait dommage célèbre source d’eau. Mais Koundou Da est de ne pas mettre à profit cette ascension aussi le point de départ de deux excursions pour continuer plus loin vers les villages de réalisables en seulement quelques heures. Koundou. Le tunnel de Bogon Pé En effet, à partir d’Arou on peut emprunter la Il s’agit d’un lieu naturel unique. Le tunnel vallée dite « vallée des lianes » pour atteindre débouche sur une ouverture en pleine falaise le beau village de Koundou Da. Deux d’où l’on peut admirer un paysage étonnant : chemins différents permettent d’accéder à vue surplombante sur les quartiers de deux lieux dignes d’intérêt : Koundou-Dogomo et Koundou-Ando et panorama sur le piton rocheux des Youga L’arche de Koundou Da (voir photo page 28). Ce tunnel est un des Il s’agit d’une arche naturelle, façonnée par endroits les plus frais du Pays dogon, un l’érosion dans la roche gréseuse. C’est la plus lieu idéal pour se reposer. Au niveau de la grande du Pays dogon, avec une ouverture dépression qui marque l’entrée du tunnel, on de près de 50 m. Face à cette arche, il y a un peut découvrir l’« Acridocarpus Monodii », gros rocher sous lequel se trouvent une série une plante dont l’aire de distribution se limite de peintures rupestres de l’époque pré-dogon. à quelques endroits précis des Falaises de Bandiagara. Sédjé L’ancien village de Sédjé se situe du côté Le site Tellem de Pekomo ouest de la vallée, installé dans une série Ce site est accessible en passant par un tunnel d'abris-sous-roche. Ce village a une origine d’une trentaine de mètres de long et qui très ancienne. Il était déjà occupé à l’arrivée débouche sur une dépression dans la roche, du clan Arou dans la zone. Les habitants de une sorte de patio naturel avec, à quelques Sédjé les accueillirent très bien avant qu’ils mètres au-dessus du sol, un très grand ne partent occuper le site actuel d’Arou. abri-sous-roche, habité à l’époque Tellem En commémoration de cet épisode, il est (xi e-xive siècle). Le calme extraordinaire d’usage que le nouveau Hogon réside au ainsi que les nombreux éléments et signes moins une semaine à Sédjé avant de prendre de la vie passée de ce site permettent un ses quartiers à Arou. véritable voyage dans le temps. Le temple d'Arou 2 6

Les quartiers de Koundou

oundou est un village composé de sept Koundou Guina quartiers dispersés entre le haut et le bas Sous cette appellation, se cachent deux de la falaise, dont une majorité est située quartiers : Koundou Guina du haut et Kau niveau du balcon intermédiaire. En effet, Koundou Guina du bas. C’est en fait le hormis le nouveau quartier situé au bas de la quartier central qui a été partiellement falaise, ceux-ci ont historiquement servi de déplacé du milieu au bas de la falaise, il y a lieux de refuge pour les populations de vil- maintenant une trentaine d’années. Koun- lages situés dans la plaine, et plus particuliè- dou Guina du bas est devenu un centre tou- rement du grand et ancien village de Douna ristique avec des campements confortables. Pen. Les habitants se disent originaires de cette grande agglomération du Séno quand Koundou Goumo bien même les patronymes diffèrent : ils sont Koundou Goumo est facilement accessible Ongoïba à Douna Pen et Dara à Koundou. depuis la piste qui part de Koudou Guina, Outre Koundou Da situé en haut du plateau vers le nord. Il s’agit d’un tout petit village et déjà vu en page précédente, les quartiers situé dans un abri-sous-roche et habité par de Koundou, situés dans des lieux assez pit- trois frères chasseurs. Du fait de cette spécifi- toresques, ne manquent pas d’intérêt. cité, la gin’na du quartier possède une façade entièrement ornée de trophées de chasse. Juste au-dessus, se trouve un site sépulcral datant de l’époque Tellem, accessible uni- quement avec du matériel d’escalade.

Toguna à Koundou Ando Koundou Ando vu depuis le tunnel de Bogon Pé Le temple d'Arou 2 7

Koundou Dogomo et Koundou Ando Koundou Kikini À partir de Koundou Goumo, il existe un Blotti entre deux parois rocheuses, le quar- parcours pédestre assez sportif qui permet tier de Koundou Kikini est également d’accéder aux quartiers Dogomo puis authentique. Plusieurs des grottes surplom- Ando, lieux particulièrement typique du bant les habitations sont des cimetières uti- mode de vie traditionnel dogon (places lisés par l’ensemble des quartiers de Koun- publiques, cases de femmes fonctionnelles, dou comme site sépulcral et bien gardés aires de battage du mil réalisées à l’aide par les habitants des lieux. C’est à Koundou d’impressionnants blocs de pierres, etc.). Kikini que l’on peut boire une eau de source De Koundou Ando, on peut facilement célèbre pour ses vertus curatives et qui est redescendre vers Koundou Guina ou proposée filtrée pour les visiteurs prudents. monter vers Koundou Kikini. La morpho- logie de ces deux quartiers est bien visible depuis le tunnel de Bogon Pé.

La montée vers Koundou Kikini Koundou Goumo Le temple d'Arou 2 8 Les trois villages de Youga

ur le plan culturel, les trois villages de Le tunnel de Bogon Pé Youga sont étroitement liés à la grande fête rituelle du Sigui, le plus grand événement cultuel du Pays dogon. Il Ss’agit d’une cérémonie organisée tous les soixante ans. Devant passer par plusieurs villages des falaises et du plateau, elle s’étale sur une durée de 7 ans. Son point de départ est la localité de Youga Dogourou qui se trouve être le village d’origine des célèbres masques dogons. Architectures traditionnelles Le temple d'Arou remarquables des villages 2 9 de Youga

Les trois villages de Youga sont aussi carac- par les formations sableuses de la plaine sens, soit en partant du nord-ouest par la térisés par des architectures traditionnelles du Séno. Il s’agit donc d’un paysage natu- montée à Youga Piri, soit en commençant remarquables de différentes époques (du rel exceptionnel combinant roches et par le sud par la montée à Youga Na ou à iiie siècle avant j.-c., à l’occupation dogon failles, dominé par un grand plateau dont Youga Dogourou. du xve siècle) avec des formes architectu- le parcours est marqué par des stigmates de rales et des proportions étonnantes, si bien poussées tectoniques apparemment liées à adaptées à toutes les anfractuosités natu- des secousses remontant au Quaternaire. Il relles que forme la falaise. en résulte un parcours sportif, voire éprou- vant si on le fait en milieu de journée, mais Séparé du plateau principal, le massif de qui apporte de vives émotions. La visite Youga est un large piton rocheux entouré des trois Youga peut se faire dans les deux le massif de Youga entouré par les formations sableuses de la plaine du Séno Le temple d'Arou 3 0 Le temple d'Arou 3 1 Arou et la tradition des masques dogon

es villages de Youga (Youga Dogourou Le lendemain matin, en plus des « Olu- et Youga Piri) sont peuplés essentielle- baru », tous les hommes du village se ment de descendants du clan Arou, d’où font des ‘sigui-baga’et vont à Arou pour se L’origine des masques dogon Lune relation forte entre les masques dogon confier au Hogon. Ce dernier leur accorde Selon la tradition orale, la femme est à l’origine et le temple Arou, même si celle-ci ne s’ex- des bénédictions, gestes qui marquent de la découverte des masques ; elle en fut par la prime que très épisodiquement, tous les solennellement l’ouverture des festivités du suite dépossédée par l’homme. Il est dit que c’est soixante ans, lors de la fête rituelle du Sigui. « Sigui ». une jeune fille du village de Youga Dogourou qui a surpris les andunbulu (génies de brousse) en train de danser avec des fibres. Après avoir En préparation de cette cérémonie, chaque Sur le chemin de retour, ils s’arrêtent raconté la scène, ses parents lui auraient conseillé quartier de Youga-Dogourou ainsi que la sur un rocher pour faire des prières, de ramasser ces fibres et les ramener au village. Le famille responsable des masques (la famille puis dans les villages de Koundou- masque a la vertu d’éloigner les âmes des défunts de la jeune fille qui les a découverts) envoient Da, Koundou-Kikini et Koundou- lorsque celles-ci tentent de déranger le monde un homme (quatre au total) en brousse pour Andô pour recevoir les bénédic- des vivants. apprendre la langue sécrète des masques, le tions des sages. Ainsi commence Différentes figures (anthropomorphes ou « Siguisô ». Au terme de trois mois de for- la fête de Sigui qui, partant des zoomorphes) de masques furent ensuite créées, mation, les initiés au « Siguisô » commu- trois Youga, migrera de village adaptées à des situations ou circonstances nément appelés « Olubaru » retournent en village en progressant (sociales et environnementales) ou dédiées à des au village. Ils sont habillés en costume toujours vers l’ouest, jusqu’à personnalités défuntes, d’où le panthéon que traditionnel appelé « Sigui ponu », pan- la localité de Songho, vil- l’on retrouve quasiment partout des différents talon de coton teint à l’indigo. Ils tien- lage du plateau situé à masques dogon. En effet, cette pratique née nent dans leurs mains un « Sigui environ 14 km de Ban- à Youga-Dogourou se retrouve dans plusieurs villages dogons, et de façon quasi systématique baga » (bâton rituel) et une diagara (non loin de dans ceux du clan Arou. calebasse utilisée pour boire l’axe routier qui mène Les masques jouent toujours ce rôle rituel lié aux la bière de mil. à Mopti). décès, et à la commémoration des défunts, qui s’exprime régulièrement au cours des funérailles et des cérémonies de levée de deuil (dama) et lors de la fête du Sigui. Le temple d'Arou 3 2

Une zone riche en productions artisanales

a sculpture est l’élément le plus connu du tionneurs de chaises et de lits tradition- patrimoine mobilier dogon. Elle a lar- nels, des potières, etc. Ces artisans souvent gement été exposée dans la plupart des très talentueux tentent de s’organiser pour Lgrands musées du monde s’intéressant aux l’écoulement de leurs productions, mais arts premiers. Elle comprend des statuettes, aussi pour envisager une meilleure gestion voire des statues imposantes (Quai des ressources de base (notamment le bois). Branly), des masques de formes et dimensions Suite aux études menées dans diverses, des portes de mai- le cadre du projet « Conser- sons et celles plus petites des vation et gestion durable du greniers, des échelles… Hier patrimoine mobilier menacé activité fondamentalement liée du site de la Falaise de Bandia- aux pratiques religieuses, elle gara (Pays dogon) » financé par reste aujourd’hui une activité l’UNESCO, la Mission Culturelle de très vivante, ressource importante Bandiagara tente de mieux organi- pour nombre de familles. La ten- ser ces artisans par la création d’une dance est d’ailleurs au développe- association qui les regroupe, et la ment en réponse à la demande du construction d’un centre artisanal à tourisme culturel. Koundou Guina du bas. Ce centre, dont les premiers bâtiments sont La région de Koundou, située dans déjà construits, grâce à l’appui finan- la falaise dans la commune rurale de cier du World Monument Fund Sangha, est une des zones du Pays et de l’Union européenne, va être dogon où la production artisanale un espace de création de produits et artistique est dense. En plus des artisanaux, d’exposition-vente et de nombreux sculpteurs, on y rencontre développement d’activités promo- aussi des vanniers, des tisserands, des tionnelles en matière de valorisation couturiers (broderie), des confec- du secteur de l’artisanat d’art. Le temple d'Arou 3 3

Une zone riche en productions artisanales Le temple d'Arou 3 4 infos pratiques

Comment se rendre à Arou ? Où se loger ?

 Possibilité 1  Dans la plupart des villages, il existe des campements villageois À Youga Dogourou De Bandiagara, vous vous rendez à Sangha (situé à 45 km au nord- qui proposent hébergement et restauration. À Arou même, il 2 campements est) par transport en commun, les jours de marché (chaque cinq n’existe aucune infrastructure d’hébergement ni de restauration. • Aguèm Doumbo jours : se renseigner à Bandiagara) ou en louant un taxi-brousse les Les plus proches sont : • Atiguem Doumbo jours ordinaires. Ensuite vous marcherez, puis descendrez par une faille aménagée pour rejoindre Banani au bas de la falaise. De ce  À Ibi  À Youga Piri village, il suffit de suivre la falaise, en direction de l’est, jusqu’à Ibi, 2 campements 1 campement d’où un sentier monte à Arou. • Méni Kodio • Diougone Doumbo • Banguelame Kodio  Possibilité 2 Toujours en partant de Bandiagara, vous pouvez aller à Dourou  À Koundou Guina du bas (situé à 25 km à l’est), par transport commun les jours de marché 3 campements Les campements offrent des (là aussi tous les 5 jours), ou en louant un taxi-brousse. À partir de • Kénéko Dara « Campement Amitié Dogon » conforts relativement diversifiés, Dourou, continuer à pied, descendre à Nombori. De Nombori, il faut • Assama Dara (chambre avec douche, matelas et marcher 25 km (plat) pour atteindre Ibi. • Akougnon Dara moustiquaire sur les toits – et pour certains la possibilité de camper)  Possibilité 3  À Koundou Guina du haut mais tous proposent des cuisines En voiture 4X4 vous pouvez directement arriver de Bandiagara à Ibi 1 campement africaines et européennes. Outre les en passant soit par Sangha ou par Dourou (location à Bandiagara). • Adiouro Dara bouteilles d’eau minérale classique,  Possibilité 4  À Koundou Da il est possible d’acheter de l’eau Ceux qui rentrent au Mali par le Burkina Faso peuvent, à partir de 3 campements (les plus proches d’Arou) de source de Koundou-Kikini Koro, se rendre à Néni ou même directement à Ibi en passant par • Domo Dara « Campement Hogon » mise en bouteille sur place après Madougou (en voiture 4X4) • Ousmane Dara filtrage par une pompe (système • Ampiri Dara utilisé par les expéditions en  Possibilité 5 milieu difficile). L’achat de Enfin, pour ceux qui arrivent du Nord (Tombouctou et Gao), de  À Youga Na cette eau contribue au Douentza, suivez la falaise dans le sens sud-ouest jusqu’à Ibi, 2 campements développement socio- en passant par Fombori, Bamba, Yendouma, Youga et Koundou • Akougnon Doumbo économique de la localité et (en voiture 4X4) • Atonrinwon Doumbo de ses environs. Vue depuis Arou sur le village de Koundou Guina, la plaine Le temple d'Arou du Séno et le Massif de Youga 3 5 Le temple d'Arou 3 6

Auteurs et contributions

équipe de rédaction conception graphique Lassana Cissé, Arnaud Misse, CRAterre-ENSAG Chef de la Mission Culturelle de Bandiagara Thierry Joffroy, Remerciements à CRAterre-ENSAG Jessica E. Smith & Kevin R. Brine Charitable Trust World Monument Fund : M. Gaetano Palumbo et Pierre Guindo, Mission Culturelle de Bandiagara M. Stephen Battle Contributions directes UNESCO — Centre du Patrimoine Mondial Adama Dembélé, Mission Culturelle de (CPM) : M. Francesco Bandarin, M. Lazare Bandiagara Eloundou Assomo Ogonidiou Din, fils d’un des trois derniers DNPC, M. Klessigué Sanogo Hogon d’Arou CRAterre-ENSAG, Marina Trappeniers, Nathalie Kénéko Dara, notable à Koundou Guina Chapuis Mairie de la commune rurale de Sangha : M. Ali Relevés et plans architecturaux Inogo Dolo, Maire Mamadou Koné, Architecte, Bureau AUDEX Kénéko Dara : Campement « Amitié dogon » à SARL, Bamako Koundou Guina du bas Issa Sangho, Technicien du bâtiment, AUDEX Ogoguènè, Hogon par intérim à Arou SARL Les responsables des waguem du temple d’Arou La population d’Arou Dr Wolf Schinjs, Architecte, Breda (Royaume Les populations des villages de Koundou Guina, des Pays-Bas) Yann Damiani, Koundou Da, Koundou Kikini, Koundou Ando, Architecte, CRAterre Koundou Dogomo, Koundou Goumo, Néni et Ibi. Photographies Thierry Joffroy, CRAterre-ENSAG Lassana Cissé, MCB Pierre Guindo, MCB ISBN 978-2-906901-63-6 Adama Dembele, MCB Dépôt légal : avril 2010 Keneko Dara ©2010 CRAterre-ENSAG

DNPC

ISBN 978-2-906901-63-6