LA TÉLÉRÉALITÉ A 20 ANS ÉVOLUTION ET INFLUENCE

Janvier 2021

Les collections CSA

© Conseil supérieur de l’audiovisuel

La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Sommaire

I. La téléréalité d’enfermement et la téléréalité de « vie collective » ...... 9 1. Volume global de diffusion par année 10 A. Sur l’ensemble de la diffusion ...... 10 B. En journée ...... 12 C. En fin d’après-midi et en première partie de soirée ...... 12 2. Volume de diffusion par année et par chaîne 13 3. Répartition de la diffusion selon les chaînes 14 A. Sur l’ensemble de la décennie ...... 14 B. En 2019 ...... 15 4. Les titres les plus diffusés 15 A. Sur l’ensemble de la décennie ...... 15 B. En 2019 ...... 16

II. La téléréalité comme mode narratif ...... 17 1. Volume global de diffusion par année 18 2. Volume de diffusion par année et par chaîne 20 3. Répartition de la diffusion selon les groupes 21

III. La place de la téléréalité (au sens large) dans la programmation globale des chaînes gratuites en 2019 ...... 22

IV. Les raisons de ces programmations ...... 23 1. Des programmes qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger 23 2. Des programmes rentables grâce à des coûts de production modérés 24 3. Des marques fortes qui permettent aux chaînes de se différencier 25 4. Des audiences au rendez-vous sur tous les supports 26 A. Des audiences refuges pour les chaînes ...... 26 B. Une affinité particulière avec les cibles commerciales ...... 27 C. Un public jeune, adepte des nouvelles pratiques de visionnage en ligne ...... 28 5. Des programmes qui permettent la réalisation des quotas de diffusion et des obligations d’investissement dans la production audiovisuelle 30

Conclusion ...... 31

Annexe - L’encadrement juridique des programmes de téléréalité ...... 32

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

À l’occasion du 20e anniversaire de l’apparition de la téléréalité sur les écrans français (début 2001), le Conseil supérieur de l’audiovisuel a souhaité analyser l’évolution de ce format de programme, notamment au cours de la dernière décennie (2010 – 2019). En effet, si son émergence a suscité de nombreuses réactions, articles et études, son évolution est tout aussi frappante, tant par sa persistance - sous des formes renouvelées - dans la programmation des services de télévision que dans l’influence qu’il exerce sur des genres de programmes qui vont bien au-delà des divertissements d’origine.

À cette fin, le Conseil a établi un état des lieux de la téléréalité - au sens large - sur les chaînes françaises depuis dix ans1, en termes de volume horaire, de répartition selon les chaînes, d’identification des programmes-phares et de leurs déclinaisons.

Un cycle d’auditions de producteurs et de responsables de la programmation a été ouvert à l’automne 2020, pour préciser et compléter les constats relevés.

1 Les chaînes intégrées au périmètre de l’étude sont les suivantes : , , , , TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films, C8, CStar, M6, W9, , NRJ 12, Chérie 25, RMC Découverte, RMC Story.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

La téléréalité est un format télévisuel apparu en France au début des années 2000 (avec notamment le programme Loft Story, diffusé à partir d’avril 2001 sur M6). À l’origine, son principe reposait sur le suivi de la vie quotidienne d’anonymes sélectionnés et placés dans une situation artificielle.

Vingt ans plus tard, on peut affirmer que la diffusion de Loft Story a provoqué une rupture importante dans la conception des programmes de divertissement – même si des signes avant- coureurs étaient apparus dans plusieurs reality shows des années 19902 - et qu’elle a favorisé un nouveau mode d’écriture qui traverse aujourd’hui de multiples genres télévisuels. Pour les professionnels du secteur, la notion de téléréalité devrait être circonscrite à un certain type de programmes. Qui plus est, l’aspect sulfureux des premières émissions lui a donné une connotation péjorative qui fait hésiter à l’employer de façon plus large. Cependant, la plupart s’accordent pour reconnaître qu’elle apparaît comme un format hybride et qu’elle a conditionné le mode narratif de nombreux programmes, bien au-delà du divertissement.

Car il faut reconnaître que de nombreuses chaînes françaises, à des degrés divers, ont emboîté le pas des premiers éditeurs qui ont parié sur la téléréalité : le tout d’abord, avec Aventures sur le net en janvier 2001 (sur TF6), puis Loft Story en avril de la même année. Le groupe TF1 ensuite, avec des programmes qui s’inspiraient des premières émissions de téléréalité, tout en en modifiant le concept : la première saison de Koh-Lanta en août 2001, puis Star Academy en octobre. Entre temps, M6 avait lancé Popstars, en septembre.

Jusqu’en 2008, les deux principales chaînes privées sont restées les principales actrices de la téléréalité – entendue au sens large - en France. Mais à partir de 2008, des chaînes arrivées plus récemment dans le paysage audiovisuel se sont emparées du créneau : NRJ 12, W9, et W9 (lancées en 2005), avec des programmes tels que Génération Mannequin, Cinq Frenchies, La Folle Route ou L’École des stars.

Aujourd’hui, dix des quinze chaînes nationales privées gratuites (hors chaînes d’information) diffusent des programmes que l’on peut qualifier, au moins partiellement, de téléréalité. Certaines en ont même fait un axe majeur de leur programmation. C’est le cas aujourd’hui de trois chaînes qui visent un public jeune : TFX, W9, NRJ 12.

Même sur le secteur public, l’influence de la téléréalité se fait sentir. Certes, France Télévisions a fait le choix dès l’origine de ne pas diffuser de programmes reposant sur l’enfermement de participants. Certaines de ses émissions adoptent cependant les codes de la téléréalité (les interviews narratives notamment), tout en les adaptant à l’exigence de sa ligne éditoriale : le concours de jeunes artistes Prodiges en est un exemple, à la grande satisfaction du public (près de 3 millions de téléspectateurs pour la finale de 2020).

2 Tels que Perdu de vue, Témoin numéro 1 (TF1) ou La Nuit des héros (Antenne 2 puis France 2).

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

« À France Télévisions, nous n’avons jamais diffusé des programmes d’enfermement ou de dating. Mais nous avons le souci de parler de la vraie vie. La tonalité des programmes en général, la manière dont le monde évolue, les attentes d’un public jeune, nous ne pouvons pas nous en désintéresser. » Stéphanie Brémond, France Télévisions

Dès son apparition sur les antennes françaises, la téléréalité a fait l’objet, de la part du Conseil, d’un encadrement juridique et d’un suivi régulier3. Les atteintes au respect de la dignité de la personne humaine, à la protection des mineurs, à la santé publique et aux droits des femmes qu’il a notamment repérées à plusieurs reprises, l’ont conduit à exercer une vigilance continue à son égard, rendue d’autant plus nécessaire que ces programmes occupent un volume horaire important sur certaines chaînes, qu’ils visent notamment un public jeune et que leur résonnance sur les réseaux sociaux ne fait qu’augmenter leur notoriété et celle de leurs « vedettes ». Les producteurs, pour leur part, ont adopté des chartes et des règlements qui définissent les règles déontologiques de leurs programmes, et n’hésitent pas à se séparer des candidats qui les enfreignent.

« Les programmes de téléréalité sont de bons divertissements, ce sont des émissions qui montrent les gens tels qu’ils sont, ce qui nous permet d’être au plus près de notre public. Ce sont aussi des programmes identifiants pour nos chaînes. (…) La téléréalité est aujourd’hui très « apaisée », les excès qu’on a pu constater au démarrage ont disparu, les participants ne sont pas naïfs, ce sont des professionnels, et le public non plus n’est pas naïf. » (Un éditeur)

Si les programmes qui se rattachent au moins en partie au concept de la téléréalité constituent aujourd’hui un ensemble difficile à appréhender, il reste possible de les différencier selon la distinction que le CSA avait faite en 2011, dans un document publié à la suite d’un cycle d’auditions de professionnels et d’acteurs du secteur audiovisuel4. Le Conseil en avait alors donné deux définitions : une restreinte, qualifiant le « noyau dur » de la téléréalité, et une plus large, qui permet de cerner l’éventail des émissions qui s’en inspirent.

3 Cf. annexe : L’encadrement juridique des programmes de téléréalité. 4 Conseil supérieur de l’audiovisuel, Réflexion sur les émissions dites « de téléréalité » - Synthèse des auditions et bilan de la réflexion, octobre 2011. Cf. page https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Thema-Toutes-les-etudes-realisees-ou-co- realisees-par-le-CSA-sur-des-themes-specifiques/Les-etudes-du-CSA/Reflexion-sur-les-emissions-dites-de-telerealite- Auditions-du-CSA-bilan-et-preconisations.

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La définition restreinte, issue de la recommandation du Conseil adoptée en 20015, visait les émissions dites « d’enfermement » selon plusieurs critères :

- l’enfermement des participants ; - leur élimination progressive ; - la prise d’images quasiment en continu.

Les émissions n’étaient pas scénarisées (d’où le nom de « téléréalité »). Elles reposaient, à l’origine, sur des stimuli : les participants, sélectionnés selon des profils définis, « jouaient » des scènes qui n’auraient pas existé en dehors du contexte créé par et pour l’émission. La pratique de l’enfermement des participants a cependant rapidement disparu, pour faire place à une vie collective assouplie, plus ouverte sur le monde extérieur, mais où les relations qui se nouent entre les protagonistes restent le cœur du programme.

Une définition plus large de la téléréalité intègre les émissions qui placent des participants, anonymes ou pas, dans des situations artificiellement créées pour le programme, dans le but d’observer leurs réactions et de susciter l’émotion ainsi que la participation des téléspectateurs. Une telle approche inclut les émissions de tutorat, les concours de talents (culinaires, musicaux, de beauté, etc.), certains jeux d’aventure ou de séduction, certains « docu-réalités », ainsi que les fictions de « réalité scénarisée », ces fictions dont la scénarisation n’est pas totale et laisse place à l’improvisation.

Cette étude dresse un état des lieux de la téléréalité sur les chaînes françaises dans sa double acception sur une période allant de 2010 à 2019, soit 10 années.

5 Cf. https://www.csa.fr/Arbitrer/Espace-juridique/Les-textes-reglementaires-du-CSA/Les-deliberations-et-recommandations- du-CSA/Recommandations-et-deliberations-du-CSA-relatives-a-d-autres-sujets/Recommandation-du-14-mai-2001-sur-les- programmes-de-telerealite

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I. La téléréalité d’enfermement et la téléréalité de « vie collective »

Le concept originel de la téléréalité a évolué depuis 2001. Après avoir suscité un véritable engouement – au point de voir se créer des chaînes dédiées à un seul programme diffusé presque en continu - , la téléréalité d’enfermement au sens strict a disparu, sans doute autant en raison de l’ennui que pouvaient susciter de longs épisodes parfois monotones que de l’évolution des relations entre « la production » et des candidats de plus en plus conscients des ressorts internes du programme. Elle a fait place à une téléréalité que l’on peut qualifier de « vie collective », en ce sens qu’elle repose sur la réunion, pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, de participants, souvent dans un décor de rêve, dans un objectif présenté de façon positive : remporter une série d’épreuves, percer dans le domaine professionnel, réussir des rencontres amoureuses, etc. Dans certains programmes, une scénarisation plus ou moins appuyée permet de densifier l’action et de maintenir l’intérêt du public. Cette vie en commun, aujourd’hui, se veut souple : les candidats peuvent aller et venir, engager des conversations avec la population locale, conserver leur téléphone, rester en contact avec leurs proches. Par ailleurs, le dispositif de captation s’est considérablement allégé : les caméras et les micros fixes, visibles ou cachés, des premières émissions ont cédé la place à des équipes qui suivent les candidats caméra à l’épaule, sur un mode plus proche du reportage que de l’observation continue.

« Aujourd’hui, les candidats qui se présentent, quelle que soit la téléréalité, sont parfaitement conscients des choses et entièrement libres de leurs mouvements, de leurs pensées, de leurs paroles et de leurs actions. À aucun moment – j’insiste vraiment – ils ne sont dans la contrainte ou dans le scénario : on ne leur donne pas de scénario.» Florence Fayard (Banijay Productions)

Le suivi des programmes effectué par le CSA a permis d’identifier, de 2010 à fin 2019, une cinquantaine d’émissions qui relèvent, avec leurs différentes saisons et/ou déclinaisons, de cette définition. Toutes ont été qualifiées de divertissements (« jeux » ou « autres divertissements »). Il s’agit, pour ne citer que les programmes les plus emblématiques, de Star Academy et Koh-Lanta (TF1), The Island et The Bridge (M6), Les Marseillais et Les Princes de l’amour (W9), Bachelor et La Villa des cœurs brisés (TFX), Cinq Frenchies et Les Anges de la téléréalité (NRJ 12), etc.

Certaines de ces émissions ont suscité la mise à l’antenne de nombreux programmes que l’on peut qualifier de « satellites » : des magazines, variétés, documentaires ou vidéomusiques destinés à susciter l’intérêt, promouvoir ou commenter les scènes « cultes » du programme principal. Ce sont Les Anges de la téléréalité – Le mag (NRJ 12), Secret Story – Les secrets du phénomène (TF1), La Villa – Le debrief (TFX), etc. Sur 10 ans, 36 émissions de ce type peuvent être dénombrées.

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Ces programmes, principaux et satellites, ont été diffusés sur sept chaînes françaises, toutes privées : TF1 et TFX (groupe TF1), M6 et W9 (groupe M6), C8 et CStar (groupe Canal Plus), NRJ 12 (groupe NRJ).

L’ensemble de ces programmes (principaux et « satellites »), sur cette période de 10 ans et sur ces sept chaînes, totalise 17 113 heures.

« Pour Koh-Lanta, nous faisons des castings équilibrés et divers dans tous les domaines. On essaie d’avoir la représentation la plus fidèle possible de la diversité de la société française. En matière de déontologie, on a des règlements de jeu, des contrats de travail - puisque tout le monde est sous contrat de travail aujourd’hui - et que ce soit dans le règlement de jeu ou dans le contrat de travail, il y a des règles déontologiques strictes, de comportement, de non- discrimination entre candidats. Le non-respect de ces règles peut entraîner des conséquences allant jusqu’à l’exclusion du jeu. » Frédéric Lussato (Adventure Line Productions)

1. Volume global de diffusion par année

A. Sur l’ensemble de la diffusion

a. En cumulé (programmes principaux + satellites)

Les programmes de téléréalité de "vie collective" de 2010 à 2019 (programmes principaux + programmes satellites) sur l'ensemble de la diffusion - En heures. 4000 2991 2751 3000 2017 2057 1653 2000 1339 1526 1106 784 910 1000

0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Source : CSA.

En dix ans, la diffusion de programmes de téléréalité de « vie collective » sur les chaînes nationales gratuites est passée de 784 à 2 057 heures, ce qui représente un volume presque trois fois supérieur à ce qu’il était en 2010 (+ 262 %)6. L’année 2017 constitue un pic notable, à 2 991 heures.

6 Cette augmentation de volume horaire ne peut pas être attribuée à la création de six nouvelles chaînes en 2012 : aucune de ces nouvelles chaînes ne diffuse de programmes de téléréalité de « vie collective ».

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En 2019, la téléréalité de « vie collective » totalise 2 057 heures. Sur l’ensemble des chaînes considérées, le volume de la fiction s’élève à 35 408 heures, celui de l’information à 7 581 heures, celui du sport à 1 161 heures (voir page 22, partie III).

Une hausse importante est apparue en 2017 et 2018, essentiellement en raison du choix de NRJ 12 de programmer successivement, entre 17 heures et 20 heures, la rediffusion d’une saison des Anges et la diffusion d’une nouvelle saison. En 2019, la chaîne a cessé ces rediffusions de saisons précédentes pour donner plus de place aux fictions audiovisuelles et à l’animation, qui font également partie des programmes que la chaîne, aux termes de sa convention, doit privilégier.

Il serait donc imprudent de voir dans la baisse observée en 2019 un essoufflement, pourtant souvent prédit dès le début des années 2000 (voir page 12, le volume global de diffusion en journée). Car le concept originel de la téléréalité est encore porteur. Son adéquation avec les goûts du public jeune et son coût de production modéré, au regard d’autres genres tels que la fiction, en font un programme majeur sur certaines chaînes.

« Quand on compare les programmes diffusés en France avec ceux d’autres pays, je trouve que nous ne nous en sortons pas si mal : nos programmes sont, dans l’ensemble, dignes. (…) Avec l’évolution des techniques, des attentes de la société, de la concurrence, les écritures télévisuelles ont changé pour tous les genres de programmes. La téléréalité a fait évoluer elle aussi ses écritures, et plutôt dans le bon sens. Elle participe d’une télévision plus moderne, plus dynamique, plus ludique, qui vise à mieux refléter les aspirations des téléspectateurs, notamment des moins de 50 ans. » (Un éditeur)

b. En distinguant les deux catégories de programmes

Les programmes de téléréalité de "vie collective" de 2010 à 2019 (programmes principaux + programmes satellites) sur l'ensemble de la diffusion - En heures. 3000 2729 2736

2500 2030 1827 2000 1532 1520 1333 1500 784 903 1000 706 202 190 242 500 0 204 120 5 6 15 27 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Programmes principaux Programmes "satellites"

Source : CSA.

Les programmes satellites sont présents dans des volumes horaires variés (de 0 heure en 2010 à 242 heures en 2017). Ils sont devenus marginaux en 2019 (27 heures).

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B. En journée

Les programmes de téléréalité de "vie collective" de 2010 à 2019 (programmes principaux + programmes satellites) en journée (6h - 23 h)- En heures.

3000 2268 1732 1922 2000 1462 1443 1069 1195 841 1000 464 586

0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Source : CSA.

Les programmes de téléréalité sont principalement diffusés en journée, mais le volume de rediffusions nocturnes n’est pas négligeable, surtout vers la fin de la décennie : il totalisait entre 200 et 300 heures de 2010 à 2016, mais est monté à 723 heures en 2017, 829 heures en 2018, avant de redescendre à 614 heures en 2019.

C. En fin d’après-midi et en première partie de soirée

Les programmes de téléréalité de "vie collective" de 2010 à 2019 (programmes principaux + programmes satellites) en fin d'après-midi et en première partie de soirée - En heures. 1200 1067 1000 924 800 802 803 828

600 584 541 400 437

179 243 200 131 66 117 87 68 36 50 37 61 114 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Tranche 20h30 - 22h30 Tranche 17h-20h

Source : CSA.

Les programmes de téléréalité de « vie collective » (programmes principaux et satellites) sont principalement programmés dans la tranche 17 heures – 20 heures et peu dans la tranche horaire suivante : sur les dix années considérées individuellement, ils occupent au plus 131 heures de diffusion en première partie de soirée.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Plusieurs raisons peuvent justifier ce choix d’une programmation en avant-soirée :

- en dehors de quelques émissions-phares, telle que Secret Story, Star Academy ou Koh-Lanta par exemple, la téléréalité ne fait pour le moment pas partie des « programmes de prestige » (fictions, séries, cinéma, sport, magazine, etc.) auxquels les chaînes réservent leurs premières parties de soirées, gages d’une audience maximale, - il s’agit de programmes dont la durée peut être flexible, plus compliqués à programmer dans une tranche horaire habituellement très structurée, - ces programmes permettent aux chaînes de la TNT de se démarquer des chaînes historiques sur le créneau stratégique de l’avant-soirée, - les chaînes ciblent, avec la téléréalité, un public adolescent et jeune adulte, disponible à ce moment de la journée.

2. Volume de diffusion par année et par chaîne

Les programmes de téléréalité de "vie collective" de 2010 à 2019 (programmes principaux + programmes satellites) selon les chaînes - En heures. 2000

1500

1000

500

0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

C8 Cstar M6 NRJ 12 TF1 TFX W9

Source : CSA.

La programmation des émissions de téléréalité de « vie collective » est très variable selon les sept chaînes : sur ces dix années, elle va de 19 heures sur C8 (avec principalement les programmes Adam cherche Ève en 2015 et Cash Island seul contre tous en 2017) à 8 868 heures sur NRJ 12 (dont le programme-vedette, Les Anges de la téléréalité, est diffusé à partir de 2011 et multiplie les déclinaisons).

À partir de 2015, ces programmes migrent principalement sur trois chaînes : NRJ 12, TFX et W9. La convention de la chaîne NRJ 12 prévoit que celle-ci consacre la majorité de son temps d’antenne au divertissement. La convention de TFX définit la programmation de celle-ci comme généraliste et diversifiée, mais souligne la place qu’elle doit accorder aux émissions pour la jeunesse et aux divertissements familiaux. W9, chaîne principalement musicale, doit s’adresser particulièrement aux jeunes adultes.

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3. Répartition de la diffusion selon les chaînes

A. Sur l’ensemble de la décennie

Répartition des programmes de téléréalité de "vie collective" de 2010 à 2019 (programmes principaux + programmes satellites) selon les chaînes 0,1 % 16 % C8, Cstar, M6 NRJ 12 22 % TF1 52 % TFX W9 9 %

Source : CSA.

Sur l’ensemble de la période, les trois chaînes qui diffusent le plus de programmes de téléréalité sont : o NRJ 12 – 8 868 heures, soit 52 % du volume total. o TFX – 3 784 heures, soit 22 % du volume total. o W9 – 2 744 heures, soit 16 % du volume total.

Ces trois chaînes ont diffusé 86 % des programmes de téléréalité de « vie collective » entre 2010 et 2019.

« Le fondement de ces programmes est moins la vie sous le même toit que les relations qui s’établissent entre les candidats, qu’elles soient amoureuses ou amicales. C’est ce qui en fait des programmes générationnels et permet de capter un public jeune adepte d’autres modes de consommation de programmes, souvent sur les supports non-régulés que sont les plateformes. Pour nous, le terme « téléréalité » est un peu désuet, car il fait référence à des émissions qui n’existent plus. Les programmes que nous diffusons, nous les distinguons par leur genre : jeu, docu-réalité, etc. » (Un éditeur)

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B. En 2019

Répartition des programmes de téléréalité de "vie collective" en 2019 (programmes principaux + programmes satellites) selon les chaînes 0,5 % 16,5 % M6 44 % NRJ 12 TF1

35 % TFX W9 4 %

Source : CSA.

En 2019, les trois chaînes qui diffusent le plus ce type de programmes sont : o NRJ 12 – 905 heures, soit 44 % du volume en 2019 o TFX – 723 heures, soit 35 % du volume en 2019 o W9 – 343 heures, soit 16,5 % du volume en 2019.

Ces trois chaînes ont diffusé 96 % des programmes de téléréalité de « vie collective » en 2019.

4. Les titres les plus diffusés

A. Sur l’ensemble de la décennie

 Sur l’ensemble de la programmation

Volume horaire Rang Titre Chaîne (en heures) 1 Les Anges de la téléréalité (et ses déclinaisons) 4 8207 NRJ 12 2 Secret Story 2 013 TF1 - TFX 3 La Villa des cœurs brisés 1 314 TFX 4 Les Marseillais (et ses déclinaisons) 1 007 W9 5 La Maison du bluff 970 NRJ 12 6 Les Ch’tis (et ses déclinaisons) 733 W9 7 Friends Trip (et ses déclinaisons) 643 NRJ 12 8 Les Princes de l’amour (et ses déclinaisons) 546 W9 9 10 couples parfaits 480 TFX 10 L’Île des vérités (et ses déclinaisons) 409 NRJ 12 Source : CSA.

7 Ce chiffre ne prend pas en compte l’ensemble des séquences diffusées dans le magazine Le Mad Mag qui ont porté sur le programme Les Anges de la téléréalité. En effet, ce magazine, diffusé de janvier 2011 à 2018 sur NRJ 12, proposait différents sujets relatifs aux programmes de téléréalité diffusés sur NRJ 12 ainsi que sur d’autres chaînes. De nombreuses séquences ont introduit les épisodes des Anges diffusés après le magazine, sans qu’il soit possible de les décompter avec précision.

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 En première partie de soirée (20 h 30 – 22 h 30)

Volume horaire Rang Titre Chaîne (en heures) 1 Les Aventuriers de Koh-Lanta 203 TF1 2 Les Marseillais (et ses déclinaisons) 97 W9 3 Secret Story 83 TF1 - TFX 4 Les Anges de la téléréalité (et ses déclinaisons) 39 NRJ 12 5 Bachelor, le gentleman célibataire 38 TFX 6 Les Princes et les Princesses de l’amour 38 W9 7 The Island 32 M6 8 Moundir et les apprentis aventuriers 29 W9 9 L’Île de la tentation 29 W9 10 Star Academy 26 TF1 Source : CSA.

B. En 2019

Volume horaire Rang Titre Chaîne (en heures) 1 Les Anges de la téléréalité (et ses déclinaisons) 880 NRJ 12 2 La Villa des cœurs brisés 405 TFX 3 La Bataille des couples 198 TFX 4 Les Marseillais (et ses déclinaisons) 184 W9 5 10 couples parfaits 97 TFX 6 Les Princes et les Princesses de l’amour 82 W9 7 Moundir (et ses déclinaisons) 63 W9 8 Les Aventuriers de Koh-Lanta 52 TF1 9 Game of clones au-delà des apparences 25 NRJ 12 10 L’Île de la tentation 13 W9 Source : CSA.

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II. La téléréalité comme mode narratif

À côté des programmes de « vie collective » nés du concept originel de la téléréalité, est apparue au fil des années une myriade de programmes qui leur ont emprunté certaines de leurs caractéristiques devenues des « codes » de fabrication : l’aspect récurrent ou « feuilletonnant » du programme, des situations forgées par la production, la participation d’anonymes et les retours « face caméra » - que les professionnels préfèrent appeler « interviews narratives » - et qui n’ont pas pour objet d’apporter l’éclairage d’experts mais de recueillir à chaud les émotions des participants, sur le modèle du « confessionnal » introduit par Loft Story. Ce mode narratif particulier est en passe de s’imposer à de nombreux genres de programmes qui avaient, jusqu’au début des années 2000, couramment recours à la voix hors champ pour commenter une information ou une action.

« Il y a une caractéristique qu’on a vu naître avec la téléréalité, et qui aujourd’hui est utilisée dans beaucoup de genres de programmes, notamment le documentaire : les interviews narratives. Et je trouve cela très positif : une nouvelle écriture a irrigué d’autres genres et apporte une plus-value. Elle a remplacé les voix off qu’on utilisait partout auparavant. On évite ainsi de prendre le téléspectateur par la main en lui expliquant ce qu’il est en train de regarder, on précise juste un propos, notamment en exprimant des émotions. On apporte un nouvel éclairage. » Bruno Fallot (Fremantle)

La plupart des chaînes nationales gratuites – y compris celles de France Télévisions – ont adopté un ou plusieurs de ces codes pour certains de leurs programmes, que ceux-ci relèvent du genre du divertissement, du magazine, du documentaire ou de la fiction.

Un classement thématique peut être fait des quelque 140 programmes diffusés de 2010 à 2019 et identifiés comme relevant d’un mode d’écriture favorisé par la téléréalité8, selon les catégories suivantes :

- les concours (talent shows), qu’ils soient artistiques tels que les télé-crochets, ou portent sur la cuisine, la mode, le sport, etc. On peut citer ainsi : o pour les concours artistiques : Prodiges (France 2), Danse avec les stars ou The Voice (TF1), La Nouvelle Star ou La France a un incroyable talent (M6), Chante si tu peux (CStar), L’École des stars (C8), Mon voisin est un chanteur (W9), You can dance (TFX), etc. o pour les concours de cuisine : Qui sera le prochain grand pâtissier ? (France 2), Top Chef (M6), Masterchef (TFX), Les Rois du barbecue (C8), etc.

8 Il est cependant impossible, à moins d’effectuer un visionnage de tous les programmes diffusés depuis 10 ans, d’établir une liste exhaustive des programmes diffusés sur les chaînes françaises qui entrent dans le périmètre de la définition large de la téléréalité.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

o pour les concours de mode ou de relooking : Cousu main, Les Reines du shopping ou Incroyables transformations (M6), Les plus belles mariées (TF1), Qui sera le plus sexy ? (CStar), Beauty Match : le choc des influenceuses (TFX), etc. o pour les concours de sport : Ninja Warrior : le parcours des héros (TF1), Ice Show (M6), etc.

- les différentes émissions de coaching : Cauchemar en cuisine (M6), Duels en cuisine (CStar), Super Nanny (TF1 et TFX), Une maman formidable (C8), On a échangé nos mamans (TFX), etc.

- les programmes de rénovation de maison ou de voiture : Les Chantiers de l’impro, Americars ou Cars Restoration (RMC Découverte), Les Rois de la réno (6ter), Total rénovation (TFX), etc.

- les programmes de rencontre amoureuse : L’Amour est dans le pré, Mariés au premier regard (M6), Amour au menu (C8), Undressed (NRJ 12), etc.

- les jeux d’aventure : Pékin Express (M6), Rendez-vous en terre inconnue (France 2), Retour à l’instinct primaire (RMC Découverte), Amazing Race (C8), etc.

- les programmes d’enchères : Enchères Made in France (RMC Découverte), Pawn stars – les rois des enchères (CStar), Storage Wars (C8 et 6Ter), etc.

- les programmes de vacances, avec la série des Bienvenue (à l’hôtel, à la montagne, aux mariés, etc.) sur TF1 ;

- les « dynasty shows » : L’Incroyable Famille Kardashian ou Les Incroyables Aventures de Nabilla et Thomas en Australie (NRJ 12), la série des Manon et Julien (W9), la série JLC Family - Jazz et Laurent (TFX), etc.

- les magazines de société : Tellement vrai (NRJ 12), etc.

- les « fictions du réel » (scripted realities) : Le Jour où tout a basculé (France 2), Si près de chez vous (France 3), Petits Secrets en famille et Petits Secrets entre voisins (TF1), Face au doute (M6), Hollywood Girls (NRJ 12), Yolo, on ne vit qu’une fois (W9), etc.

1. Volume global de diffusion par année

Ces 140 programmes et leurs déclinaisons représentent, sur les dix années considérées et sur l’ensemble des chaînes nationales, un volume horaire de 67 523 heures, soit près de quatre fois plus que les seuls programmes de téléréalité de « vie collective ». Et leur progression est presque continue d’année en année.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Les programmes relevant d'une définition large de la téléréalité (hors émissions de "vie collective") de 2010 à 2019 sur l'ensemble de la diffusion - En heures.

12000 10567 10873 10838 9645 10000 8503

8000

5504 6000 4499

4000 3289

1988 1817 2000

0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Source : CSA.

La progression est régulière de 2011 à 2014, puis augmente sensiblement en 2015 et 2016, pour se stabiliser et même légèrement décroître en 2019.

Dans cette progression, doit être prise en compte, à compter de fin 2012, l’arrivée de six nouvelles chaînes dont cinq diffusent ce type de programmes : Chérie 25, RMC Découverte, Numéro 23 qui deviendra, en 2018, RMC Story, HD1 qui deviendra, en 2017, TF1 Séries Films, 6ter (la sixième chaîne autorisée, L’Équipe, a une autre programmation).

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

2. Volume de diffusion par année et par chaîne

Les programmes relevant d'une définition large de la téléréalité (hors émissions de "vie collective") de 2010 à 2019 selon les chaînes - En heures. 2500

2000

1500

1000

500

0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Canal+ Chérie 25 Cstar C8 France 2 France 3 France 4 France 5 M6 NRJ 12 RMCD RMC Story TFX TF1 TF1 SF TMC W9 6ter

Source : CSA.

Les trois chaînes qui diffusent le plus grand volume de ce type de programmes sont 6Ter (10 267 heures sur la décennie), NRJ 12 (9 863 heures) et TF1 Séries Films (7 836 heures), suivies par M6 (7 372 heures) et TF1 (7 303 heures).

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

3. Répartition de la diffusion selon les groupes

Si on considère la répartition par groupe audiovisuel (sachant que tous ne disposent pas du même nombre de chaînes et que certaines d’entre elles n’ont commencé leur diffusion que fin 2012), on obtient une répartition qui manifeste le poids des groupes privés M6 et TF1 dans cette programmation9.

Répartition des programmes relevant d'une définition large de la téléréalité (hors programmes de "vie collective") de 2010 à 2019 selon les groupes

3 % 2 % 1 % 9 % France Télévisions (F2, F3, F4, F5) 22 % Canal Plus (C+, C8, Cstar)

TF1 (TF1, TMC, TFX, TF1 SF)

M6 (M6, W9, 6ter)

NRJ Group (NRJ 12, Chérie 25) 31 % Lagardère (Gulli)

Nextradio (RMCD, RMC Story)

32 %

Source : CSA.

9 La chaîne Gulli a été intégrée, à la fin de l’année 2019, au groupe M6.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

III. La place de la téléréalité (au sens large) dans la programmation globale des chaînes gratuites en 2019

Si la téléréalité ne peut être considérée comme un genre de programme proprement dit, puisqu’elle se décline aussi bien dans le genre des magazines, des jeux, d’autres types de divertissements, etc., il est cependant intéressant de comparer son volume horaire aux grands genres de programmes diffusés sur les chaînes gratuites.

Une étude structurale de dix-sept chaînes gratuites (chaînes d’information continue non comprises, de même que Gulli, L’Équipe, France Ô et La Chaîne parlementaire), fait apparaître les résultats globaux de chaque genre de programme en 2019.

Volume horaire en 2019 sur 17 chaînes gratuites Principaux genres (France 2, France 3, France 4, France 5, TF1, TMC, TFX, de programme TF1 Séries Films, C8, CStar, M6, W9, 6ter, NRJ 12, Chérie 25, RMC Découverte, RMC Story)

35 408 heures Fiction audiovisuelle (dont environ 3 200 heures de « fictions du réel » qui relèvent du format de la téléréalité)

Documentaire 15 541 heures

Information 7 581 heures

Cinéma 4 410 heures

Sport 1 161 heures

Téléréalité (au sens large) 11 702 heures

Il apparaît que la téléréalité (au sens large) représente, en 2019, un volume horaire équivalent au tiers de celui de la fiction (celui-ci comprenant environ 3 200 heures de programmes inclus dans le format « téléréalité », avec les fictions du réel du type Petits secrets en famille, Au nom de la vérité ou Si près de chez vous, etc.), et près de 4 000 heures de moins que le documentaire. Mais elle dépasse de 4 000 heures le volume de l’information, de 7 000 heures celui du cinéma et de 10 000 heures celui du sport.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

IV. Les raisons de ces programmations

Plusieurs facteurs expliquent l’engouement des chaînes pour ce type de programmes. Les chaînes de la TNT subissent depuis une dizaine d’années les effets cumulés de la crise de 2008, l’augmentation du nombre de chaînes gratuites, l’érosion des audiences linéaires et le renforcement de la concurrence des acteurs sur internet.

Entre 2011 et 2018, le chiffre d’affaires de l’ensemble des chaînes gratuites nationales n’a progressé que de 2 % et les recettes publicitaires (captées à 60 % par les chaînes TF1 et M6) ont diminué de 1 %. Les chaînes de la TNT lancées en 2005 et en 2012 sont déficitaires sur l’ensemble de cette période (à l’exception de l’année 2011)10.

Dans ce contexte économique difficile, les chaînes de la TNT, et en particulier celles lancées en 2005, cherchent à limiter les risques en termes de programmation et conserver des marques fortes pour maintenir leurs audiences et valoriser leur inventaire publicitaire. Les caractéristiques des programmes qui relèvent au moins en partie de la téléréalité contribuent à desserrer les contraintes économiques qui pèsent sur les chaînes.

1. Des programmes qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger

Si la téléréalité est présente sur les écrans, force est de reconnaître que la France n’a pas été pionnière dans son lancement. Les premiers programmes diffusés sont issus de formats étrangers qui, pour certains, perdurent sur les chaînes. Loft Story et Secret Story, notamment, sont des adaptations du programme néerlandais Big Brother ; Je suis une célébrité, sortez-moi de là est la version française du format d’origine britannique I’m A Celebrity, Get Me Out Of There ; L’Amour est dans le pré est inspiré du programme anglais Farmer Wants A Wife ; L’Île de la tentation reprend le thème du programme américain Temptation Island ; Bachelor, le gentleman célibataire a conservé le titre de son format originel d’outre-Atlantique, Bachelor.

On peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit les producteurs français à reprendre des formats étrangers, ou à s’en inspirer quand ils se sont lancés dans la création. La question avait été posée en 2011 par le Conseil lors des auditions organisées sur le sujet de la téléréalité11. Plusieurs raisons avaient alors été avancées par les producteurs et les éditeurs pour expliquer l’absence de la France sur le marché international des formats, notamment dans le domaine des divertissements qui couvrent les émissions de téléréalité : - une difficulté des producteurs français à industrialiser les concepts créatifs ; - le risque que représente la création d’un concept, quand l’adaptation de formats déjà testés à l’international permet de réduire les aléas d’audience ; - le refus du secteur public français de diffuser des émissions de téléréalité, qui aurait pénalisé certains formats de divertissements alors que dans d’autres pays d’Europe, comme au Royaume-Uni, le secteur public a joué un rôle moteur sur le développement de l’industrie de formats ;

10 Extraits du rapport annuel du CSA pour 2019. Toutefois, il convient de noter que la situation financière des chaînes de la TNT lancées en 2005 et en 2012 s’améliore depuis deux ans. 11 Cf. page 1.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

- le peu de moyens dont disposaient les sociétés de production françaises, en raison notamment de la séparation que le droit établit entre le métier de producteur et celui de diffuseur, ce qui ne permet pas aux producteurs d’être des interlocuteurs de taille suffisante sur les marchés internationaux.

Il faut cependant remarquer qu’au fur et à mesure des années, les producteurs se sont dégagés au moins en partie des formats étrangers pour créer leurs propres concepts. De nombreux programmes diffusés en 2019 (Les Anges de la téléréalité, La Villa des cœurs brisés, La Bataille des couples, Les Marseillais, etc.) sont des créations de formats qui se révèlent exportables. D’autres sont moins des adaptations de formats étrangers que des « re-créations », certes inspirées d’émissions antérieures, mais avec une marge de manœuvre qui manifeste le souci des producteurs français de s’adapter à une culture télévisuelle particulière.

« On a la chance d’avoir une chaîne comme TFX qui joue vraiment la carte « création française ». Nous avons cinq personnes au quotidien qui travaillent sur le développement des émissions. 90 % des créations chez Ah ! Production et La Grosse Équipe sont des créations françaises qu’on a réussi à exporter : nous avons quatre ou cinq pays intéressés par La Villa des cœurs brisés et La Bataille des couples. C’est plutôt plaisant quand ça se passe dans ce sens-là. » Antoine Henriquet (Ah ! Production)

Il reste que la programmation de ces formats en première partie de soirée reste peu fréquente. Les chaînes estiment encore sans doute le risque trop important sur cette case stratégique.

2. Des programmes rentables grâce à des coûts de production modérés

Si la production de plusieurs de ces programmes engage des frais importants (transport dans un pays étranger, importantes équipes de préparation et de suivi des candidats, de tournage et de post-production, etc.), les coûts restent inférieurs à ceux de la fiction, et plus encore du cinéma, par exemple (les participants sont généralement inconnus et donc moins rémunérés que des célébrités12, script et mise en scène sont réduits, etc.). En outre, les émissions de téléréalité sont également plus facilement monétisables et les sources de revenus diverses, grâce à leur capacité de fédérer une audience large sur les chaînes linéaires mais aussi sur les canaux non linéaires et les supports autres que le téléviseur.

12 Un article du Monde de 2017 soulignait cependant combien la situation a évolué sur ce point. Aujourd’hui, un candidat est payé en moyenne 300 € la journée de tournage, en tant qu’intermittent du spectacle (un tournage peut durer entre 6 et 9 semaines). Les têtes d’affiche, elles, peuvent toucher le double. Et pour fidéliser les « bons » candidats de saison en saison, les producteurs n’hésitent pas à leur faire signer des contrats d’exclusivité en proposant des salaires mensuels « hors tournage » importants. D’autant plus que certaines vedettes, portées par les réseaux sociaux, ont appris à monnayer leur notoriété (cf.https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/06/10/star-de-la-tele-realite-un-metier-en- or_5141947_1655027.html).

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

En télévision linéaire, elles peuvent être déclinées en multiples épisodes, saisons et programmes satellites, et la vente d’espaces publicitaires est moins contraignante que pour d’autres genres : moins de limitation du nombre de coupures publicitaires pour les jeux que pour les programmes qualifiés d’œuvres audiovisuelles, thématiques appréciées des annonceurs (mode, beauté, loisirs, etc.). À ceci s’ajoutent les revenus générés par les SMS envoyés par les téléspectateurs pour sélectionner ou éliminer les candidats.

Ces contenus présentent par ailleurs un fort potentiel à la fois en télévision de rattrapage et pour les supports autres que le téléviseur (ils sont généralement déclinés et repris sur les sites des chaînes et les réseaux sociaux) qui leur apportent une audience non négligeable et des revenus publicitaires supplémentaires (voir page suivante).

3. Des marques fortes qui permettent aux chaînes de se différencier

À l’heure où les chaînes linéaires subissent la concurrence des plateformes en ligne payantes et gratuites, il est impératif pour elles de développer des marques fortes, durables, qui leur permettent de se différencier à la fois de leurs concurrentes sur la TNT et des plateformes en ligne. Une étude sur le comportement des consommateurs, menée en 2019 par le CSA en partenariat avec l’Université Rennes 2, a mis en évidence l’importance des marques dans le choix des consommateurs. Les entretiens réalisés par les chercheurs ont fait ressortir cet attachement à la « marque » chez les consommateurs interrogés, qu’il s’agisse de contenus disponibles en télévision ou sur internet, et une fidélité portant davantage sur le programme que sur la chaîne ou la plateforme13.

La téléréalité a permis aux chaînes de la TNT lancées en 2005 de se démarquer des chaînes historiques qui misent sur d’autres genres de programmes en avant-soirée (fiction, jeux, variétés, etc.) et des services de vidéo à la demande par abonnement qui se sont initialement concentrés sur des programmes de stock correspondant davantage à leur besoin de constituer les catalogues les plus larges possibles.

« C’est sans doute faire un peu trop d’honneur à la téléréalité que dire qu’elle a inspiré une pléiade des programmes télévisés parce qu’elle aurait popularisé le genre de l’interview narrative auprès d’un public qui regardait peu les documentaires. (…) Par ailleurs, les programmes emblématiques de TFX, de W9 et de NRJ 12 sont des programmes chers, quasiment dans les prix de production de ceux des chaînes hertziennes. Ils ne sont pas forcément rentables, en revanche, ils sont importants dans la constitution d’une audience significative auprès d’un public jeune. » (Un éditeur)

13 CSA, Compréhension des comportements de consommation audiovisuelle en ligne, Travaux de recherche en partenariat avec le LiRIS de l'Université Rennes 2, octobre 2019.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Toutefois, ces équilibres pourraient évoluer dans les prochaines années. Il convient de souligner que les services de VàDA se sont récemment mis à développer des programmes de téléréalité en reprenant les codes de la télévision, voire les formats diffusés en télévision. À titre d’exemple, Amazon Prime Video a lancé début mars 2020 la version française de Love Island, un programme de dating présenté par Nabilla pour lequel les téléspectateurs disposent d’une application dédiée14. La version anglaise de ce programme était initialement diffusée sur la chaîne britannique ITV. Et début avril 2020, Netflix a proposé la première saison française de The Circle Game, initialement diffusée sur la chaîne Channel 4, un jeu dans lequel les participants, tous installés dans un immeuble de Manchester, rivalisaient de stratagèmes pour gagner en popularité.

4. Des audiences au rendez-vous sur tous les supports

A. Des audiences refuges pour les chaînes

La téléréalité s’est d’emblée caractérisée par des succès d’audience. En 2001, lors de la diffusion de la première saison de Loft Story, la chaîne M6 a obtenu une part d’audience de 34,6 % sur ce programme. Deux mois plus tard, Koh-Lanta apportait 39,8 % de part d’audience à TF1.

De telles performances ont précipité l’arrivée de la téléréalité sur les chaînes françaises. Actuellement, les scores de ces programmes sont plus modestes (en 2020, Koh-Lanta, diffusé pendant le premier confinement de 2020, a tout de même dépassé les 25 % de part d’audience15), mais leur contribution à l’audience des chaînes qui les diffusent en font des valeurs sûres.

Ainsi, alors que W9 et NRJ 12 ont perdu près d’un point de part d’audience entre 2012 et 2019, Les Marseillais et Les Anges de la téléréalité continuent à réaliser de très bonnes audiences après près de 10 ans à l’antenne. Les audiences des Anges commencent toutefois à s’essouffler, après avoir atteint entre 2012 et 2014 des valeurs record pour NRJ 12.

14 Le tournage a été interrompu le 16 mars 2020 en raison de la crise du coronavirus. 15 Notamment, le vendredi 22 mai 2020. Cette donnée, comme celles du paragraphe suivant, vient de l’institut Médiamétrie.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Évolution de l’audience des Marseillais et des Anges de la téléréalité depuis leur mise à l’antenne

1000 7,3% 8% 900

800 6% 700

600

500 4%

400

300 2% 200 2,3% 2,4% 2,2% 1,9% 1,8% 1,7% 1,6% 100 1,5% 1,5%

0 0% 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Audiences Les Anges PdA Les Anges PdA NRJ 12

1200 5% 4,4% 4,4%

1000 4%

800 3% 3,2% 600 2,9% 2,6% 2,6% 2,6% 2,5% 2,5% 2,6% 2% 400

1% 200

0 0% 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Audience Les Marseillais PdA Les Marseillais PdA W9

Source : Médiamétrie – Audience auprès des individus de 4 ans et plus – PdA annuelle moyenne pour W9 et NRJ 12.

Ces chiffres montrent l’intérêt des chaînes pour la téléréalité, voire leur dépendance vis-à-vis de programmes qui, saison après saison, leur assurent des résultats d’audience solides et durables.

B. Une affinité particulière avec les cibles commerciales

Les programmes de téléréalité permettent aux chaînes de réaliser des performances particulièrement élevées auprès de la cible commerciale des femmes responsables des achats (FRDA) de moins de 50 ans, privilégiée par les annonceurs.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Par exemple, chaque épisode des Marseillais Asian Tour, diffusé entre février et mai 2019, réalisait en moyenne à lui seul 20 % de l’audience quotidienne totale de W9 auprès des FRDA (contre 14 % auprès des individus de 4 ans et plus). Cette contribution élevée peut être observée auprès de l’ensemble des programmes étudiés.

C. Un public jeune, adepte des nouvelles pratiques de visionnage en ligne

Selon Agnès Chauveau, maître de conférences des universités et productrice à Radio France, la téléréalité est l’un des rares programmes qui parvient encore à « scotcher » les 15-24 ans devant le petit écran16. Et ce d’autant plus qu’elle suscite une intense conversation numérique sur les réseaux sociaux, suscitant un « cercle vertueux » qui ramène le public devant la télévision. Face au défi que représentent les plateformes, la téléréalité présente l’avantage de garder les jeunes devant la télévision linéaire et de rattrapage.

Dans son étude Programmes jeunesse, offre et consommation publiée en octobre 201817, le Conseil avait remarqué que, si la tranche 15-18 ans ne représentait que 4 % de l’ensemble des téléspectateurs en 2016, elle s’élevait à 11 % du public de Secret Story, à 19 % de celui des Anges 8 : les retrouvailles et à 20 % de celui des Anges 8 : Pacific Dream, ces trois émissions figurant parmi la liste des 100 programmes les plus regardés en 2016.

Ce constat est encore valable en 2019 : la moitié des téléspectateurs des Marseillais, des Anges de la téléréalité et de La Bataille des Couples a moins de 35 ans, alors que ceux-ci ne représentent que 18 % de l’audience globale du média TV.

« Il y a toujours eu un psychologue en amont pour discuter avec les participants de Retour à l’instinct primaire, mais la prise de conscience de l’impact des réseaux sociaux, de l’importance de réagir quand une déferlante arrive, est assez nouvelle. On continue à les accompagner après le tournage et parfois longtemps après le tournage. On est aussi là pour accompagner nos participants, pour les protéger, et pour faire qu’à l’issue de leur aventure, quel que soit le programme, ils en ressortent avec un souvenir positif. » Frédéric Joly (909 Productions)

16 La téléréalité, l’opium des jeunes ? par Agnès Chauveau, Le Huffington Post, 05/10/2016. 17 Conseil supérieur de l’audiovisuel : Programmes jeunesse : offre et consommation, octobre 2018. Cf. page https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Thema-Toutes-les-etudes-realisees-ou-co-realisees-par-le-CSA-sur-des- themes-specifiques/Les-etudes-du-CSA/Programmes-jeunesse-Offre-et-consommation, p. 34.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Structure d’auditoire de La Bataille des couples en 2019

100%

80%

60%

40% 22 %

20% 8 % 29 % 0% 10 % Média TV LA BATAILLE DES COUPLES (TFX)

4-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus

Source : Médiamétrie.

La part de jeunes dans l’audience des programmes de téléréalité explique certainement le fort succès de ces programmes sur les écrans internet (ordinateur, tablette, smartphone)18. Ainsi, le bilan de l’année 2019 de Médiamétrie fait apparaître que, sur les 100 programmes les plus regardés en 2019 sur les écrans internet, 95 sont des émissions de téléréalité, avec une contribution à l’audience globale du programme pouvant atteindre jusqu’à 26 % pour les Anges de la téléréalité (NRJ 12), 34 % pour les Marseillais (W9) et 41 % pour La Villa des cœurs brisés (TFX)19.

La forte consommation des programmes de téléréalité sur les écrans autres que le téléviseur a amené certaines groupes, notamment le groupe M6, à développer le genre au sein de son offre de programmes disponibles uniquement en ligne. Des programmes américains tels que Les Real Housewives ou Les Sœurs Kardashian, ainsi que des créations originales telles que Dîner avec mon ex ou Carla + Kevin = Bébé Ruby sont ainsi disponibles en exclusivité sur 6play.

« Le digital est important quand on parle de téléréalité, parce que ce sont des programmes qui non seulement sont efficaces sur le public de moins de 50 ans en télévision linéaire, mais qui participent au développement des plateformes de télévision de rattrapage, y compris Salto où nos programmes sont en avant-première. La télévision de rattrapage apporte, en consolidé d’audience, jusqu’à 200 000 téléspectateurs en plus à J+7, soit un cinquième d’audience supplémentaire pour un programme d’un million de téléspectateurs au quotidien. » (Un éditeur)

18 Cette hypothèse ne peut être vérifiée car la mesure 4 écrans de Médiamétrie ne dispose d’aucune granularité par cible pour les données sur ordinateur, tablette et smartphone. 19 Source : Médiamétrie – L’Année TV 2019.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

5. Des programmes qui permettent la réalisation des quotas de diffusion et des obligations d’investissement dans la production audiovisuelle

Si tous les programmes de téléréalité n’entrent pas dans la définition juridique de l’œuvre audiovisuelle (les jeux notamment), une part importante d’entre eux, parce qu’ils sont d’origine européenne et d’expression originale française, sont pris en compte dans les quotas que les chaînes doivent réaliser au titre du droit français20.

Si on considère les trois chaînes qui diffusent le plus de programmes de téléréalité – que ce soit dans leur définition restreinte ou large - on constate que ces programmes entrent pour une part variable dans les volumes horaires d’œuvres européennes et d’expression originale française mis à l’antenne, et donc dans la réalisation de ces quotas.

Part des programmes de téléréalité dans les œuvres audiovisuelles européennes (EUR) et d’expression originale française (EOF) diffusées en 2019 sur TFX, W9 et NRJ 12

TFX W9 NRJ 12 Œuvres audiovisuelles diffusées en 2019 EUR EOF EUR EOF EUR EOF Volume (en heures) 3 651 3 350 4 047 3 617 3 607 2 769 Quota réalisé 62,1 % 57 % 69,7 % 62,3 % 66,9 % 51,3 % Dont téléréalité (en heures) 902 808 105 105 1 598 1 598 Part dans le volume d’œuvres audiovisuelles diffusé 24,7 % 24,1 % 2,6 % 2,9 % 44,3 % 57,7 % Quota réalisé 55,2 % 48,1 % 69,2 % 61,6 % 52,9 % 30,8 % sans la téléréalité Source : CSA.

Sur W9, les œuvres audiovisuelles relevant du format de la téléréalité ne représentent que 2,6 % des œuvres audiovisuelles européennes et 2,9 % des œuvres audiovisuelles EOF, mais sur TFX, elles atteignent 24,7 % des œuvres audiovisuelles européennes et 24,1 % des œuvres audiovisuelles EOF, et sur NRJ 12, 44,3 % des œuvres audiovisuelles européennes et 57,7 % des œuvres audiovisuelles EOF.

Sur TFX et NRJ 12, les programmes de téléréalité entrent pour une part importante dans la réalisation, par ces deux chaînes, de leurs quotas de diffusion d’œuvres audiovisuelles. Leur absence occasionnerait, sur TFX, un déficit de 4,8 points de son quota européen et, sur NRJ 12, un déficit de 7,1 points sur son quota européen et de 9,2 points sur son quota EOF.

Plusieurs de ces programmes sont également déclarés par les chaînes françaises au titre de leur obligation annuelle de contribution au développement de la production audiovisuelle. Le groupe M6, par exemple, a valorisé en 2018 ses dépenses de production pour la saison 7 des Marseillais à près de 4 millions d’euros au titre de son obligation globale, ce qui représente 3,3 % de cette dernière.

20 Aux termes de l’article 13 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision : « I. - Pour chacun de leurs programmes, les éditeurs de services de télévision réservent, dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d'œuvres audiovisuelles, au moins : 1° 60 % à la diffusion d'œuvres européennes ; 2° 40 % à la diffusion d'œuvres d'expression originale française.

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La téléréalité a 20 ans : évolution et influence

Conclusion

La téléréalité est aujourd’hui un format de programme aussi évolutif qu’installé dans le paysage audiovisuel français. Son concept a largement évolué, mais le mode d’écriture qu’elle a popularisé irrigue de nombreux genres de programmes, au-delà du divertissement.

Le volume horaire de la téléréalité de « vie collective » sur les chaînes françaises a été presque multiplié par trois depuis 2010, tout en se concentrant de plus en plus sur trois chaînes dont la cible principale est un public jeune. Plusieurs de ces titres sont devenus emblématiques et accumulent plus de mille heures d’antenne sur la décennie, le premier d’entre eux, Les Anges de la téléréalité, frisant les 5 000 heures. Les programmes, tous genres confondus, qui s’inspirent d’un mode narratif mis en valeur par la téléréalité se sont multipliés : le Conseil en a recensé 140 depuis dix ans, sans que la liste en soit exhaustive.

La téléréalité – au sens large - a bien sûr été aidée par des évolutions techniques dans la prise d’images et de sons. Mais elle représente aussi un format de programme qui, en dépit de certains échecs, attire et fidélise le public – notamment le public jeune – et dont le modèle économique devient plus rentable à mesure qu’il se décline sur plusieurs médias, multipliant ainsi les possibilités d’insertions publicitaires.

Il reste qu’en dépit de l’encadrement juridique qui lui a été imposé par les pouvoirs publics, les producteurs et les diffuseurs eux-mêmes, et du suivi de ses programmes par le Conseil21, elle peut poser certains problèmes, que ce soit chez les participants confrontés à une notoriété aussi subite qu’éphémère ainsi qu’aux accidents qui surviennent lors des tournages22, ou pour les téléspectateurs que certains programmes exposent à la tentation du voyeurisme et de la réussite facile. Si les écueils ont été réduits au fil du temps, la vigilance reste nécessaire, tant du côté du régulateur que des producteurs, diffuseurs et même téléspectateurs.

21 Cf. annexe : L’encadrement juridique des programmes de téléréalité. 22 En 2012, le documentaire de Canal+ Histoires secrètes de la télé-réalité affirmait que, de par le monde, 18 anciens candidats d’émissions de téléréalité s’étaient suicidés depuis 1997. En 2013, le médecin présent sur le tournage de Koh-Lanta s’est aussi donné la mort, à la suite du décès de l’un des candidats. Plusieurs autres accidents mortels ont été relevés, dont celui de huit personnes en 2015, dans un accident d’hélicoptère lors du tournage de l’émission Dropped. Il convient aussi de souligner les phénomènes d’acharnement ou de harcèlement qui émergent sur les réseaux sociaux à l’encontre de certains candidats. Début mai 2020, l’élimination d’un candidat de Koh-Lanta a soulevé un tel déchainement que la société de production a décidé de saisir la justice : deux participants recevaient des menaces de mort et de viol.

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Annexe - L’encadrement juridique des programmes de téléréalité

Les programmes de téléréalité font aujourd’hui l’objet d’un cadre juridique qui concerne le droit de l’audiovisuel et le droit social. Une autorégulation par les producteurs d’émission a aussi vu le jour.

1. La régulation par le CSA

L’encadrement juridique spécifique des programmes de téléréalité par le Conseil supérieur de l’audiovisuel a commencé dès 2001. Une semaine après le début de la diffusion de Loft Story sur M6, le Conseil publiait un communiqué de presse rappelant à l’éditeur que ce programme ne devait pas comporter d’atteinte à la dignité de la personne humaine, ni de propagande pour le tabac et l’alcool (2 mai 2001). Le 14 mai 2001, il adoptait une recommandation instaurant l’obligation de prévoir des phases de répit et un lieu hors caméra pour les candidats.

À partir du mois de juillet 2001, le Conseil a intégré, dans les conventions des chaînes privées, un article relatif aux droits des participants, interdisant notamment la valorisation excessive de l’esprit d’exclusion ainsi que les propos diffamatoires ou injurieux à l’encontre des participants. Cet article a ensuite été complété pour exiger que soit évitée la mise en situation dégradante et humiliante des participants, notamment dans les relations hommes-femmes (article 2-3-5 des conventions des chaînes privées).

En parallèle, le Conseil a obtenu un droit de regard sur les contrats des participants et des règlements de jeux, et en a fait usage à plusieurs reprises (pour les programmes Koh-Lanta et Secret Story notamment).

Plusieurs délibérations ont ensuite été adoptées sur des sujets précis, notamment celle du 17 avril 2007 relative à l’intervention de mineurs dans les émissions télévisées, celle du 17 juin 2008 relative à l’exposition des produits du tabac, des boissons alcooliques et des drogues illicites, celle du 14 décembre 2010 relative aux médias audiovisuels à la demande, et celle du 4 février 2015 relative aux droits des femmes. En 2017, dans le cadre de la renégociation des conventions des chaînes TF1 et M6, le Conseil a inséré l’article 2-3-12 sur la représentation des femmes précisant notamment que les chaînes s’engagent à respecter cette délibération.

Dans son travail de suivi des programmes, le Conseil est intervenu à de nombreuses reprises en raison de la diffusion de programmes en infraction avec le cadre juridique de l’audiovisuel. Lettres, mises en garde, mises en demeure et même sanctions ont été adressées à plusieurs chaînes pour des infractions concernant : - le respect de la signalétique et des horaires de diffusion ; - la protection des jeunes participants ; - les comportements dangereux, délinquants et inciviques ; - la santé publique ; - les injures, la diffamation et la vie privée ; - la dignité humaine ; - la discrimination, les stéréotypes et les droits des femmes - la publicité clandestine ; - les règles relatives aux nouveaux services.

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Conscient de l’impact que certaines émissions de téléréalité - et notamment celles d’enfermement ou de « vie collective » - peuvent avoir sur le jeune public, le Conseil a toujours été particulièrement vigilant vis-à-vis de la signalétique apposée lors de la diffusion de ces émissions. Il est intervenu à plusieurs reprises auprès des éditeurs pour leur demander de relever la signalétique et d’adapter les horaires de diffusion en conséquence. En outre, avant même que cela devienne une obligation pour tous les éditeurs avec la modification ultérieure de la recommandation de 2005, le Conseil a formulé dès 2011 une préconisation spécifique concernant les programmes de téléréalité de catégorie II (déconseillés aux moins de 10 ans), en souhaitant que le pictogramme apparaisse pendant toute la durée de la diffusion du programme.

Par ailleurs, depuis que la loi du 4 août 2014 lui a conféré de nouvelles compétences en matière de droits des femmes, le Conseil a porté une attention spéciale aux émissions de téléréalité de « vie collective », et notamment celles dont le ressort repose principalement sur des jeux de séduction entre les participants23.

En 2014, dans le cadre d’une étude sur les stéréotypes féminins pouvant être véhiculés dans les émissions de divertissements, il a relevé que ces programmes étaient particulièrement vecteurs de stéréotypes, que ce soit par les profils mis en scène ou par les rapports hommes-femmes qui y sont présentés. Les hommes y sont aussi stéréotypés que les femmes : le plus souvent, l’homme y est viril et dominant et la femme hypersexuée.

En 2016, ayant reçu de nombreuses plaintes de téléspectateurs, le CSA a mis en garde NRJ 12 au sujet de séquences diffusées dans Les Anges de la téléréalité et le Mad Mag. En outre, il est intervenu auprès de TFX au sujet de l’émission Le Bachelor, et de W9 au sujet du programme Les Marseillais, pour appeler l’attention des responsables de ces chaînes, particulièrement sur l’accumulation des stéréotypes dévalorisants qui y étaient véhiculés. Enfin, il a demandé aux responsables de NRJ 12, à la suite de la diffusion des Anges de la téléréalité 8 – Pacific Dream, la plus grande vigilance quant à la mise en avant de l’esprit d’exclusion et des conflits violents entre les candidats, ainsi que sur l’image des femmes véhiculée dans ce programme.

En 2018, le Conseil a auditionné les responsables des chaînes TFX, W9 et NRJ 12 au sujet de l’image des femmes dans les programmes de téléréalité. Ceux-ci ont assuré qu’ils avaient formé leurs équipes de production au respect des droits des femmes, sensibilisé les participants sur ce point, mis en place un code de bonne conduite et décidé de faire visionné les épisodes, avant diffusion, par un comité ad hoc.

À la suite de ces auditions, le Conseil a engagé des discussions avec les chaînes afin qu’elles prennent des engagements supplémentaires sur le rapport d’infériorisation entre les sexes, la réduction des participants au rang d’objet sexuel, ainsi que les rapports excluants ou conflictuels.

En 2019, le CSA a procédé à un nouveau visionnage de plusieurs de ces émissions. D’une manière générale, il a relevé que les propos stéréotypés ou les situations dévalorisantes à l’égard des femmes étaient moins systématiques et insuffisamment caractérisés pour justifier une intervention.

23 Cf. notamment https://www.csa.fr/Informer/Toutes-les-actualites/Actualites/Presence-des-femmes-dans-les-medias- audiovisuels-Le-CSA-releve-des-progres-dans-son-rapport-2019-notamment-a-la-radio

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Ce constat a été corroboré par le faible nombre de saisines portant sur l’image des femmes dans les émissions de téléréalité en 2019. Toutefois, son attention a été appelée à de nombreuses reprises sur une séquence de l’émission Les Marseillais vs le reste du monde diffusée le 18 septembre 2019. Les plaignants déploraient les propos humiliants, considérés comme racistes, tenus par une candidate à l’encontre d’une autre candidate métisse concernant sa coupe de cheveux. Réuni en collège plénier le 22 janvier 2020, le CSA a estimé que les excès de langage à l’encontre d’une candidate tout juste éliminée, conjugués à l’absence de réaction de l’animatrice, caractérisaient un manquement aux stipulations des articles 2-3-5 et 2-2-1 de la convention de W9 ; un courrier de rappel a donc été adressé à la chaîne.

Par ailleurs, le CSA a relevé dans certaines émissions que, dès qu’un candidat ou une candidate avait un comportement inapproprié, il était immédiatement recadré par la figure incarnant une autorité dans l’émission, voire éliminé.

Ainsi, il semble que le dialogue initié avec les chaînes en 2018 ait porté ses fruits puisque celles-ci ont procédé à des ajustements visant à limiter les représentations dégradantes et stéréotypées des femmes dans leurs émissions.

Malgré ces évolutions, des archétypes de sexe ou comportements sexistes persistent. Aussi, les quelques évolutions qui semblent se dessiner peuvent être encouragées :

- porter une attention particulière au casting des participants en évitant les choix de personnalités aux comportements violents ; - ne plus construire exclusivement ce type d’émissions autour, d’une part, de relations de séduction dans une logique de compétition entre les participants et, d’autre part, de longues phases d’oisiveté. Privilégier davantage une logique de solidarité, les phases de compétitions sportives, les phases d’accompagnement personnel (dites de coaching), etc. ; Le CSA compte réunir les chaînes et les producteurs afin de partager les nouveaux constats dressés à partir de ces visionnages et envisager des axes d’améliorations.

2. La jurisprudence en matière de droit social

Dans le domaine du droit social, une jurisprudence s’est progressivement constituée avec notamment la décision de la Cour de cassation de juin 2009 qui a requalifié en contrat de travail la prestation des candidats au programme L’Île de la tentation (W9). Actuellement, les participants disposent de contrats de travail en bonne et due forme.

3. Les chartes de déontologie et les règlements de jeu des producteurs

En outre, des chartes de déontologie ont été adoptées par les professionnels du secteur :

- la charte du Syndicat des producteurs et créateurs d’émissions de télévision (SPECT), destinée à encadrer la participation des candidats aux émissions de télévision et à leur garantir un certain nombre de droits (liberté d’expression, consentement éclairé, droits du travail, assistance pendant et après la réalisation du programme, etc.) ;

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- des chartes déontologiques dans lesquelles les producteurs s’engagent vis-à-vis des téléspectateurs et des participants ; - des chartes de bonne conduite que les participants s’engagent à respecter lors de la signature de leur contrat.

Par ailleurs, les jeux sont régis par des règlements soumis aux candidats, qui comportent explicitement des règles de bonne conduite et des principes éthiques tels que le respect de la dignité de la personne, de l’ordre public et des bonnes mœurs. Certaines sociétés les ont intégrés dans un paragraphe intitulé « Code d’honneur », qui engage les participants.

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