Médiacritiques N°35
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№35 AVR.-SEPT. 2020 4€ REVUE TRIMESTRIELLE D’ACRIMED ans le petit monde des grands médias, le Les injonctions médiatiques au maintien de « monde d’après » ressemble furieusement à l’ordre social n’ont, quant à elles, pas manqué pen- D celui d’avant. Pendant la crise sanitaire, les pires dant la période du confinement. Certains journalistes, travers médiatiques ont eu la peau dure, et le rythme comme ceux du Parisien, se sont faits auxiliaires de des télés en continu a partout dicté ses lois : qu’im- police, accompagnant la répression redoublée dans porte l’information, pourvu qu’on ait le remplissage. les quartiers populaires (p. 30). Des quartiers dont Ainsi ont défilé, sur les chaînes d’information les habitants ont pourtant été « en première ligne » et dans les JT, les « experts » médiatiques affirmant de l’épidémie… Autant de travailleurs « invisibles », tout et son contraire sur l’épidémie, le temps média- soudainement devenus « essentiels », et pourtant tique court-circuitant celui de la connaissance scien- cantonnés dans « le fond de panneau de paysage » des tifique (p. 36). À l’instar de Michel Cymès qui, après grands médias – pour reprendre les termes du regretté en avoir minimisé les dangers, s’est permis de brocar- Michel Naudy. En particulier dans les magazines der « les Français indisciplinés » vis-à-vis des mesures de féminins, pour lesquels seules les femmes des classes confinement (p. 4). moyennes et supérieures, en télétravail, ont semblé Éditocrates et commentateurs patentés ont éga- exister… mais dont le sort fut aussitôt scellé sur l’au- lement été fidèles au poste. Toujours sûrs de leur fait, tel des injonctions traditionnelles : soyez belles à tout jamais à une contradiction près… et le doigt sur la cou- instant, pour vos conjoints comme pour vos collè- ture lorsqu’il s’agit de défendre l’autorité. Face aux gues et patrons… et ne faiblissez pas sur les tâches accusations d’impréparation, notamment formulées domestiques ! (p. 25) par les personnels soignants, pas de critique qui vaille : Bref, rien n’a changé. La crise du Covid aurait les tenanciers des plateaux ont serré les rangs derrière pourtant pu être l’occasion d’une vaste remise à plat. Emmanuel Macron, autoproclamé « chef de guerre », Dans la presse écrite, l’écroulement des revenus publi- et intronisé comme tel par l’éditocratie (p. 8). citaires devrait appeler à une remise en cause d’un La crise économique et sociale s’ajoutant au modèle économique en faillite. Alors que certaines désastre sanitaire, le ballet des économistes à gages voix s’élèvent pour maintenir à tout prix la domina- a repris. Tous se targuant de penser « l’après », alors tion des grands annonceurs sur la presse, il est urgent même que leurs imprécations libérales, inchangées, de dessiner d’autres modèles, affranchis de la publi- étaient battues en brèche par la crise. Pendant le confi- cité (p. 38). Plus généralement, la spectaculaire déroute nement, une poignée d’économistes conseillant le de la doxa médiatique libérale aurait dû conduire les pouvoir a saturé l’espace médiatique, reléguant une thuriféraires du marché… à se taire ! (p. 22) Et, au nom nouvelle fois toute pensée alternative ou critique aux de la décence et du respect du pluralisme les plus marges des débats (p. 12). L’Institut Montaigne, offi- élémentaires, à laisser la parole à d’autres voix, des- cine financée par les entreprises du CAC40, affirme- sinant d’autres projets de société. Cela ne se fera pas t-il que les salariés doivent « travailler plus » pour payer sans une mobilisation d’ampleur pour bouleverser les pots cassés de la crise ? Ses préconisations font le le système médiatique et promouvoir un modèle tour des médias (p. 16). d’information libre et indépendante ! Médiacritiques Ont collaboré à ce numéro Conception graphique et mise en page Revue trimestrielle d’Acrimed Alain Geneste, Antonin Padovani, Blaise Magnin, Adrien Labbe Acrimed Bruno Dastillung, Denis Pérais, Elsa Tremel, Frédéric Typographies Lemaire, Jean Pérès, Jean Tortrat, Kahina Seghir, 39, rue du Faubourg-Saint-Martin Audimat 3000, Bely, Giorgio, Minimum 5 75010 Paris Lucile Girard, Mathias Reymond, Maxime Friot, Olivier Moreau, Pauline Perrenot, Philippe Merlant, Achevé d’imprimer en 07/2020 par Corlet Imprimeur Directeur de la publication Thibault Roques, Yohann Garcia 14110 Condé-en-Normandie №3 Mathias Reymond n° d’imprimeur : 19090500 Illustration de Une Imprimé en France Secrétaires de rédaction Aurel Frédéric Lemaire et Pauline Perrenot Dépôt légal : juillet 2020 Dessins Commission paritaire : 1223 G 91177 Tous les articles publiés sont le produit Colloghan d’un travail collectif et engagent collectivement ISSN : 2256-8271 l’association Acrimed. C’est pourquoi, sauf exception, ils ne sont pas signés. MÉDIACRITIQUES 01 MÉDIA(BOU)TIQUE Née du mouvement social de 1995, dans la foulée de l’Appel à la solidarité avec les grévistes, notre association, pour remplir les fonctions d’un observatoire des médias, s’est constituée comme une association- carrefour. Elle réunit des journalistes et salariés des médias, des chercheurs et universitaires, des acteurs du mouvement social et des « usagers » des médias. Elle cherche à mettre en commun savoirs professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants au service d’une critique indépendante, radicale et intransigeante. Acrimed est présente sur de nombreux fronts. Pour contester, mobiliser, porter des alternatives. Et dans ce combat inégal face aux tenants de l’ordre médiatique, S’ABONNER nous avons besoin de vous ! ADHÉRER EN LIGNE boutique.acrimed.org ▸ Je fais un don de soutien à Acrimed d’un montant de € ▸ J’adhère ou je renouvelle mon adhésion à Acrimed ☐ Cotisation de base : 40 € ☐ Revenus > 2000 € mensuels : 70 € ☐ Chômeurs indemnisés, précaires, étudiants : 10 € ☐ Chômeurs non indemnisés, bénéficiaires du RSA : 5 € ▸ Je m’abonne pour un an (soit quatre numéros) à Médiacritiques à partir du no € ☐ Tarif adhérent : 10 € ☐ Union européenne et Suisse : 25 € ☐ Tarif normal : 20 € ☐ Reste du monde : 32 € ▸ Je commande ☐ Le DVD des « Nouveaux Chiens de garde » : 18,40 € ☐ Le livre L’Opinion, ça se travaille..., aux éditions Agone : 12,50 € ☐ Le livre « Au nom de la démocratie votez bien ! », aux éditions Agone : 15 € Nom : Prénom : Adresse : Code postal : Ville : №35 Courriel : Signature : Bulletin à découper, photocopier ou recopier sur papier libre, et à renvoyer, accompagné d’un chèque à l’ordre d’« Action-Critique-Médias », à l’adresse suivante : Acrimed – 39, rue du Faubourg-Saint-Martin – 75010 Paris MÉDIACRITIQUES Tél. : 09 52 86 52 91 — Courriel : [email protected] 02 vite par pertes et profits. La plus puissante chaîne française finit TF1 ET LA CULTURE : par afficher ouvertement le but poursuivi dès le départ, via une fameuse déclaration de son DES PAROLES ET DES ACTES désormais PDG : « Il y a beau- coup de façons de parler de la télé- rémices du confinement vision. Mais dans une perspective P oblige, la disparition en “business”, soyons réaliste : à la base, mars dernier de Patrick Le le métier de TF1, c’est d’aider Coca- Lay, emblématique PDG de Cola, par exemple, à vendre son pro- TF1 pendant 20 ans, n’a pas duit (...). Or pour qu’un message suscité le bilan qu’il méritait. publicitaire soit perçu, il faut que le Si ses successeurs ont incon- cerveau du téléspectateur soit dispo- testablement su perpétuer l’hé- nible. Nos émissions ont pour voca- ritage, personne n’a incarné tion de le rendre disponible : c’est-à- mieux que lui les valeurs de dire de le divertir, de le détendre pour la première chaîne à une le préparer entre deux messages. Ce époque où elle dominait le que nous vendons à Coca-Cola, c’est paysage audiovisuel français Francis Bouygues et Patrick Le Lay lors de la conférence de presse du 6 mai 1987 présentant du temps de cerveau humain dispo- voire européen. Rapidement le nouvel organigramme de TF1 (INA). nible. » (Patrick Le Lay, interrogé propulsé à la tête de la chaîne de la Communication et des chérir, souhaitant que la pre- parmi d’autres patrons dans un par Francis Bouygues, il fut en Libertés qui décida qui, du mière chaîne célèbre « l’année livre intitulé Les dirigeants face première ligne dès sa privati- marchand de canon (Jean- Ravel » ou « l’anniversaire d’Olivier au changement, Éditions du sation en 1987. Or on a trop Luc Lagardère, alors à la tête Messiaen » dans le souci d’asso- Huitième jour). vite oublié combien il avait du groupe Hachette) ou du cier « la noblesse du son et de l’image Aussi le mieux disant promis en matière de culture. marchand de béton (Francis sur TF1 »… culturel céda-t-il promptement Et surtout, combien il a déçu. Bouygues, leader du BTP) pré- À l’époque, le ministre la place au plus offrant écono- Retour, donc, sur un mirage et siderait aux destinées de TF1, de la Culture François Léotard mique(ment). La promotion en une méprise. il déroulait son programme : attend également de la priva- trompe-l’œil de la culture sur S’il n’y a plus personne ou « informer, divertir, cultiver ». tisation de TF1 qu’elle incarne TF1 s’apparenta à une immense presque pour s’émouvoir de la Bernard Tapie, alors le « mieux disant culturel ». Il n’en tromperie sur la marchandise. concession en forme d’offrande étoile montante du manage- sera évidemment rien et les pro- Et le public, à qui l’on a promis faite à Bouygues au mitan des ment triomphant, fut appelé à messes joufflues passeront bien monts et merveilles culturels, années 1980 (voir tout de même la rescousse. En bon spin doctor, il s’est trouvé assailli et abruti de le film de Pierre Carles « Fin de affirma vouloir « relever la produc- « Le métier de TF1, publicités entrelardées de pro- concession »), la transformation tion française », refusant « d’ache- c’est d’aider Coca-Cola, grammes sans contenu éduca- de la première chaîne publique ter les feuilletons à l’étranger » et de tif ni saveur culturelle.