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Schedae, 2007

Prépublication n° 8 Fascicule n° 1

L’Ordo urbium nobilium d’Ausone au regard des évolutions de la centralité politique dans l’Antiquité tardive Approches historique et archéologique

Jean-Pierre Reboul Université Paris I

Introduction

Pourquoi revenir sur l’Ordo urbium nobilium ou Liste des villes célèbres d’Ausone, sur lequel tout, ou presque, a été dit durant ces dernières décennies ? Ce poème de la fin du IVe siècle a en effet fait l’objet de nombreux commentaires ces dernières années. Les pré- cédents littéraires de ce texte ont été étudiés par H. Szelest 1. F. Della Corte 2 s’est intéressé à sa traduction manuscrite ; J.-M. Poinsotte 3 aux représentations des réalités urbaines qu’il mobilise. Le texte a fait l’objet d’une traduction française versifiée de B. Combeaud dans sa thèse récente 4. Surtout il a fait l’objet d’une nouvelle édition, italienne, de L. di Salvo 5. Cette édition est dotée d’un commentaire très copieux et complet de 123 pages, soit pres- que une page pour chacun des 168 vers de l’Ordo.

Tous les problèmes littéraires posés par l’Ordo ne sont pourtant pas résolus. Les avis sur la date de composition de l’Ordo urbium nobilium, en particulier, varient toujours con- sidérablement, alors que cette date importe pour estimer les intentions d’Ausone au moment de la rédaction de ce texte. Est-ce le professeur bordelais, le fonctionnaire impé- rial ou le gentilhomme retraité qui écrivit ce texte ? S’agit-il d’un texte de circonstance ou d’une œuvre plus personnelle ? Peut-être est-ce une fausse question, car Ausone fut toute sa vie un poète de cour. Dans sa retraite, c’est à la demande de l’empereur Théodose qu’il travailla à une réédition de l’ensemble de son œuvre : Theodosius Augustus Ausonio parenti

1. Szelest 1973. 2. Della Corte 1986. 3. Poinsotte 1999. 4. Combeaud 2003. 5. Salvo 2000.

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(Praefatiunculae, 1) 6 et plusieurs éléments de l’Ordo constituent un éloge, discret, de Théodose, en particulier l’inclusion de villes d’Espagne, patrie de cet empereur. Pour L. di Salvo, Ausone composa l’Ordo urbium nobilium durant cette retraite borde- laise. Elle situe l’ouvrage dans la lignée des Parentalia et des Professores burdigalenses, qu’elle date respectivement de 380-390 et 385-394 : après avoir commémoré sa famille et ses collègues, Ausone se serait attaché à célébrer les villes les plus célèbres de l’empire romain 7. Plusieurs arguments vont en ce sens. La Moselle, tout d’abord, datée de 371-372 semble bien antérieure à l’Ordo, puisque Ausone s’y proposait de louer ultérieurement les villes de Gaule (Mosella, 451-455). L’Ordo est vraisemblablement postérieur, également, à la Gratiarum actio, œuvre de 379, où Ausone remercie Gratien de son consulat et qui con- tient dans son paragraphe 34, une liste de villes (, Constantinople, Antioche, , Alexandrie, Trèves) qui annonce l’ordre de la Liste des villes célèbres. Par ailleurs, dans une lettre à Paulin (Epistulae, 23, 73 sq.), écrite entre 384 et 393, Ausone effectue un rapprochement entre Arles, Vienne et Narbonne semblable à celui des vers 74-75 de l’Ordo 8. L’idée, originale, d’une union deux à deux des villes de l’empire, qu’illustrent les nombreux parallèles de l’Ordo et qu’inspire à Ausone son attachement à Paulin, semble donc bien dater de l’époque de sa retraite. Le texte de la lettre à Paulin présente par ailleurs d’autres similitudes avec plusieurs chapitres de l’Ordo.

Le texte de l’Ordo urbium nobilium enfin semble daté par une référence interne, celle à la mort en 388 de l’usurpateur Maxime, dans les vers sur Aquilée (Ordo, 64-65). Mais les ter- mes employés par Ausone, non erat iste locus, ont amené la plupart des commentateurs de l’Ordo à penser que le chapitre sur Aquilée constituait un ajout à un premier état du texte, daté du long séjour d’Ausone à Trèves ; c’est par exemple l’hypothèse suivie par B. Combeaud 9. H. Sivan enfin date l’Ordo d’avant le long séjour à Trèves d’Ausone. L’absence de dis- tinction claire entre Trèves et Milan dans leur rôle de capitale impériale, prouve pour cet auteur la datation du texte des environs de 350, même s’il note que « l’ordre [des villes] semble le reflet de leur importance historique plutôt que contemporaine » 10. Aucun des arguments employés n’est en fait définitif dès lors que l’on suppose plusieurs états du texte. Une composition en un jet peu après 388 est pourtant possible car la formule non erat iste locus n’indique pas forcément un ajout postérieur du chapitre sur Aquilée. C’est la solution la plus simple, mais aussi la moins hypothétique. L’hypothèse de Lucia di Salvo, celle d’une rédaction en une fois de l’Ordo par Ausone, entre 388 et 393, me paraît donc la plus vraisemblable.

Je n’ai pas voulu cependant m’attarder sur les problèmes philologiques posés par ce texte, mais plutôt en proposer une nouvelle approche historique et archéologique. À la lumière de mes recherches de thèse, portant sur les capitales impériales dans l’Antiquité tardive en Occident, il m’est en effet apparu que ce texte constituait un témoignage impor- tant des évolutions de la centralité politique dans l’Antiquité tardive. À partir des crises du IIIe siècle les empereurs, accaparés par diverses crises militaires aux frontières de l’empire, commencent à fréquenter moins régulièrement Rome, au profit d’autres villes. Certaines de ces villes, Trèves, Antioche, Milan, font l’objet d’une description dans l’Ordo urbium nobilium.

6. Combeaud 2003, 498. 7. Salvo 2000, 16. 8. Salvo 2000, 18 ; Poinsotte 1999, 436. 9. Combeaud 2003, 42. 10. Sivan 1993, 159.

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Est également remarquable dans ce texte l’emploi par Ausone du vocabulaire antique de la centralité, en particulier des termes de caput (capitale) et de sedes (résidence) (voir en particulier la conclusion du texte, Ordo, 164-168 ; ainsi que Ordo, 60 et 96 pour sedes). Ces deux termes sont à l’origine des deux expressions contemporaines de « capitale impériale » et de « résidence impériale », présents dans toutes les langues dans les ouvrages historiques portant sur l’Antiquité tardive : Hauptstadt/Residenz en allemand, capital/residence en anglais, capitale/residenza en italien… et qui font l’objet de débats importants. « Résidence impériale » est en général considéré comme plus prudent pour désigner les grandes villes de l’empire qui accueillent les empereurs dans l’Antiquité tardive, mais Trèves, Milan sont parfois qua- lifiées, comme Constantinople, de nouvelles capitales impériales.

Ausone n’emploie pas sedes imperii, qu’il connaît pourtant (Mosella, 380), dans l’Ordo, mais le sens concret de sedes, celui de siège, y est suggéré par un champ lexical dérivé de sedere. La métaphore la plus intéressante en ce domaine est l’expression solium urbis, « trône de la ville », c’est-à-dire en fait capitale impériale, qu’Ausone applique à Trèves (Ordo, 29). La plupart des commentateurs de l’Ordo se sont demandé en conséquence si le classement, sans équivalent dans la littérature antique, qu’effectue Ausone des « villes célèbres » de l’empire, reflétait fidèlement les évolutions de la centralité politique à son époque. C’est sur cette question que je souhaiterais revenir dans les pages qui suivent.

J’ai suivi le texte latin établi par L. di Salvo, même si ce texte a depuis été à nouveau amendé par d’autres auteurs 11. Les traductions que je propose sont, elles, basées la traduc- tion française de M. Jasinski 12. J’ai tenu compte des modifications du texte latin effectuées par L. di Salvo et privilégié la clarté au détriment de la fidélité au caractère poétique de l’Ordo, d’où, par exemple, de nombreux transferts d’adjectifs et changements des temps employés. J’ai traduit personnellement les autres auteurs cités, sauf mention contraire.

L’Ordo urbium nobilium et les déplacements impériaux au IVe siècle de notre ère

L’interrogation sur la valeur historique de l’opuscule d’Ausone est justifiée par le désé- quilibre, dans l’Ordo, entre la description des villes d’Orient et celle des villes d’Occident. Un rapide calcul du nombre de vers accordé à chacune des villes de l’Ordo l’illustre bien. En regroupant ces villes par grandes régions, on obtient les chiffres suivants :

Espagne 5 vers Gaules et Germanies 88 vers Italie (dont Sicile) 50 vers Afrique 13 vers Egypte 8 vers Autres 28 vers

Certains vers ont été comptés deux fois et le nombre total de vers dépasse donc le nombre de vers de l’Ordo. On peut tirer de ces chiffres le graphique qui suit :

11. voir en particulier Scafoglio 2001. 12. Jasinski 1934-1935.

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Figure 1 : Importance accordée aux grandes régions de l’empire dans l’Ordo urbium nobilium.

Ausone consacre donc pas moins de 45 % de son poème aux seules villes de Gaule, dont 41 vers à Bordeaux. Les villes d’Occident occupent 81 % de l’Ordo urbium nobilium. Antioche, Constantinople, grandes villes de l’Antiquité tardive s’y voient donc accorder une place réduite. C’est bien sûr l’attachement d’Ausone à la partie occidentale, de langue latine, de l’empire, et plus encore à sa patrie gauloise, qui explique ces résultats. Faut-il pour autant considérer comme nul et non avenu le classement des principales villes de l’Empire qu’il effectue dans l’Ordo ?

Je tenterai dans cette partie d’examiner les correspondances du classement d’Ausone avec l’importance politique des grandes villes de l’Antiquité tardive. Il n’existe pas dans l’Antiquité romaine de constitution de l’empire fixant officiellement en telle ou telle ville la capitale de l’empire. Seule la volonté de Constantin de faire de la ville nouvelle de Cons- tantinople une nouvelle capitale impériale nous est bien connue. Les évolutions de la cen- tralité politique à cette époque doivent donc être examinées de manière indirecte, par l’étude des déplacements impériaux dans l’Antiquité tardive. Des séjours prolongés des empereurs dans une ville peuvent étayer sa définition comme nouvelle capitale impériale. Je me contenterai ici d’étudier les déplacements impériaux au IVe siècle, en comparant ces déplacements de 284 à 337 (tétrarchies et Constantin) et de 337 à 395 (époque d’Ausone). Le regroupement des tétrarchies et du règne de Constantin se justifie, malgré la « rupture constantinienne » 13, car il y a plutôt continuité entre Dioclétien et Constantin dans mon domaine précis d’étude. Leurs règnes marquent le réel début de la perte de centralité de Rome et, en fondant Constantinople, Constantin reprit une idée de Dioclétien, qui avait entamé des travaux similaires à Nicomédie.

Une comparaison dans le plus long temps, à partir de 235 de notre ère, aurait également son intérêt. Comme l’a noté Michel Christol 14, Rome demeure fréquentée par les empereurs à cette époque, celle des crises du IIIe siècle, mais c’est tout de même cette époque qui voit, en réaction aux nombreux périls militaires du temps, une première multiplication des déplacements impériaux. J’ai considéré cependant que le IIIe siècle était trop lointain pour avoir pu influencer le classement d’Ausone dans l’Ordo urbium nobilium et ne l’ai donc pas pris en compte.

Pour étudier les déplacements impériaux au IVe siècle, on dispose, pour la période 311-476, du monumental ouvrage d’Otto Seeck, Regesten der Kaiser und Päpste 15, qui

13. Carrié & Rousselle 1999, 217 sq. 14. Christol 1990. 15. Seeck 1919.

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111 dépouille systématiquement le Code théodosien et le Code justinien. Ces deux recueils de constitutions impériales, datant respectivement de 438 et de 529 (pour leurs seules premières parties) sont une source essentielle sur les déplacements impériaux. La plupart des décrets ou des rescrits qui y ont été conservés comportent en effet une date et un lieu d’émission, ainsi que le nom de l’empereur émetteur. On peut ainsi, à partir de Constance, reconstituer très précisément les itinéraires impériaux. Le Code théodosien comme le Code justinien résul- tent cependant chacun d’un tri parmi les leges des empereurs antérieurs ; ils ne sauraient donc nous fournir la totalité des déplacements impériaux. À cette source essentielle s’ajoute l’ensemble des sources habituelles, textes antiques, très divers et plus ou moins fiables, ins- criptions, papyri, qui fournissent des données précieuses pour la fixation des bornes chrono- logiques des différents règnes, monnaies…

J’ai essentiellement traduit en français les listes fournies par Seeck, en les vérifiant ponc- tuellement à l’aide des ouvrages de Stein, Jones ainsi que de la Prosopography of the later 16. Subsistent sans doute un certain nombre d’erreurs factuelles, corrigées par les progrès de la recherche depuis la parution de l’ouvrage de Seeck. Seeck est amélioré par deux articles de T. D. Barnes 17 qui traitent respectivement des déplacements impériaux de 337 à 350 et des déplacements des empereurs de Dioclétien à la mort de Constantin Ier (285-337). Cette période était traitée assez schématiquement dans l’ouvrage de Seeck, qui ne séparait notamment pas les trois empereurs Constantin II, Constance II et Constant. Barnes en revanche est moins précis que Seeck sur le détail des déplacements impériaux ; il ne donne pas par exemple les déplacements de Maximien après son abdication de 305.

La phase la plus fastidieuse consiste à effectuer des sommes des durées de règnes des différents empereurs pour chacune des périodes définies, puis des décomptes, ville par ville, et période par période, des durées additionnées de séjours des empereurs. J’étais obligé de faire ces calculs manuellement et non par le biais d’un tableur, car les données, même pour des empereurs dont les déplacements sont bien connus, comme Constantin, demeurent lacunaires en ce qui concerne leurs bornes chronologiques. Les données de la liste obtenue doivent donc être interprétées. Par exemple, dans le cas de Constantin Ier :

329, 29 mai-19 juin Serdica CTh, IX, 9, 15 ; XI, 30, 18

ne signifie pas que Constantin Ier est arrivé à Serdica (Sardique, actuelle Sofia) le 29 mai 329 et en est reparti le 19 juin de la même année, mais que les deux décrets que nous a conservés le Code théodosien (CTh) portent ces deux dates. Toutes les bornes chronolo- giques de présence impériale dans une ville que je donne infra n’indiquent que des durées minimales de séjour, sauf précision contraire de ma part.

Dans le cas du passage à Serdica cité supra, la mention immédiatement précédente nous apprend que Constantin était le 13 mai à Naissus (Nisˇ ); il est donc probable que le 29 mai soit à peu près sa date d’arrivée à Serdica. En revanche la mention qui fait suite indi- que que Constantin se trouvait le 29 août à Héraclée. Faut-il considérer qu’il a quitté mi- juin Serdica pour Héraclée ou qu’il est parvenu fin août à Héraclée après un long séjour à Serdica ? J’ai en conséquence, lors du dépouillement de ma liste, dû procéder à une série d’estimations.

16. Stein 1969, 1928 dans l’édition allemande ; Jones 1964 ; Jones et al. 1971 et 1980. 17. Barnes 1980 ; Barnes 1982.

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Cela m’a contraint à mettre en place un système cohérent d’approximations, permet- tant des mises en série, puisque je ne possédais pas, dans la grande majorité des cas, les dates exactes des séjours impériaux dans les villes étudiées. Mon premier travail a été de différencier les séjours des empereurs de leurs simples passages dans une ville aux cours de leurs déplacements. La plupart des estimations proposées repose ainsi sur le contexte historique. J’ai compté un mois dans le cas où l’empereur me semblait en déplacement rapide ou en l’absence de toute estimation possible de la durée d’un séjour, six mois quand il hibernait visiblement dans une ville après une campagne sur une frontière voisine, un an dans les rares cas où je ne possédais qu’une mention de déplacement d’un empereur pour une année. Quand la durée d’un mois était trop longue au regard des mentions voisines, j’ai compté deux semaines, une semaine si cette durée de deux semaines était elle aussi trop importante et ainsi de suite.

La durée par défaut d’un mois m’a semblé raisonnable, compte tenu de la relative len- teur des déplacements antiques. C’est une durée fréquente pour les séjours brefs bien rensei- gnés, par exemple le passage de Valentinien Ier à Trèves en mai-juin 374. Mais j’ai également repéré des séjours bien inférieurs à un mois, comme le montre par exemple cet extrait des déplacements de Maximien :

[…] ? 293, 18 mars Ravenne 293, 2 mai Milan (une semaine) 293, 19 mai Vérone

J’ai même des exemples de déplacements plus rapides encore, ainsi ce passage à Byzance de Dioclétien :

294, 9 novembre Melantias 294, 10 novembre BYZANCE (un jour) 294, 11 novembre Pantichium

C’est un exemple probant de surestimation des séjours impériaux par ma durée moyenne d’un mois : ici il est certain que l’empereur ne passa qu’une nuit à Byzance. Dans l’ensemble cependant, et même si cette période par défaut d’un mois a pu entraî- ner une surestimation de la durée, la déformation est homogène pour les différentes villes étudiées et ne remet donc pas en cause les comparaisons que j’en tire.

J’ai également choisi, d’abord afin d’intégrer les Césars de la période tétrarchique, puis finalement de manière systématique, car beaucoup d’empereurs de l’Antiquité tardive s’asso- cièrent leurs fils ou plus brillants généraux comme Césars ou Augustes, de compter au même titre les Augusti « légitimes », usurpateurs et Caesares. Tous ces personnages sont en effet reconnus, ou cherchent à se faire reconnaître, comme des monarques aptes à diriger l’empire et assurer sa défense. Leur séjour dans telle ou telle ville participe donc bien de sa définition comme résidence ou capitale impériale, même si une ville qui n’a connu que des usurpateurs n’est évidemment pas résidence impériale au même titre que Constantinople ou Milan.

On obtient au terme de ce décompte les cartes qui suivent. La première carte (figure 2) offre des résultats surprenants. Trèves, Rome et Sirmium y entrent en effet dans une même catégorie, avec respectivement 9 %, 6 % et presque 8 % des séjours impériaux (tous ces chiffres sont donnés, comme indiqués sur les figures 2 et 3, en pourcentage de la durée totale des règnes pour la période considérée). Le résultat le plus surprenant est le faible pourcentage de séjours impériaux obtenu par Constantinople/Byzance. En fait, Constantin, empereur très mobile, passa finalement peu de temps dans sa capitale, qui était encore en

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 113 cours de construction à sa mort. Il y résida quatre ans et quelques mois, à comparer avec ses trente et un ans de règne. Ses fils n’y effectuèrent pas non plus de longs séjours. Ce n’est que sous Théodose Ier, qui y passa onze ans de son règne, que Constantinople devint une véritable capitale impériale. C’était déjà la conclusion de Gilbert Dagron 18. De même Antio- che, Nicomédie (capitale de Dioclétien), grandes villes d’Orient, obtiennent des résultats faibles pour cette période.

Le second chiffre marquant est le pourcentage des séjours impériaux à Milan. Cette grande ville tardo-antique n’enregistre que 1 % des séjours impériaux entre 284 et 337, bien moins que Trèves. C’est une des conclusions intéressantes de cette étude, car Milan a plus souvent été qualifié de capitale impériale par les historiens de l’Antiquité tardive que Trèves. Je pense notamment au titre de la grande exposition de 1990, Milano capitale dell’impero romano 19. C’est en fait Trèves, pour cette période, la grande résidence impériale d’Occident. La première tétrarchie marque un tournant fondamental dans l’histoire de cette ville. Les autres villes majeures de Gaule enregistrent en revanche des résultats très faibles, 0,5‰ (Vienne), 1‰ (Arles) ou ne voient passer aucun empereur de toute la période, dans le cas de Bordeaux, Toulouse, Narbonne. Pour ces dernières villes, la situation demeure la même après 337 ; je ne les ai donc pas cartographiées.

Des provinces entières demeurent tout au long du IVe siècle très peu fréquentées par les empereurs. C’est le cas de la Bretagne, de l’Espagne, de l’Afrique. Carthage ne connaît qu’un séjour impérial entre 284 et 337, un passage de Maximien en 298 (Frag Vat., 41) 20, entre ses campagnes en Maurétanie et en Tripolitaine. Maximien est également le seul empereur à effectuer un séjour en Espagne entre 284 et 395 : il y combat en effet à l’été 296, avant de passer en Afrique. La Bretagne recueille un peu moins de 1 % des séjours impériaux durant cette même période, essentiellement grâce aux longues usurpations de Carausius et d’Allectus. Les pourcentages sont encore plus faibles pour la seconde moitié du IVe siècle ; aucun séjour en Afrique, aucun séjour en Espagne, 2,5‰ des séjours en Bretagne. Dans le cas de l’Espagne, la place que lui accorde Ausone dans l’Ordo (Séville y est onzième, devant Athènes) n’est donc pas justifiée, d’après le critère des séjours impériaux. C’est surtout le souci de plaire à Théodose Ier qui amène Ausone à inclure plusieurs villes espagnoles dans l’Ordo.

La seconde carte réalisée (figure 3) est la plus importante dans notre perspective, puisqu’elle correspond à l’époque de rédaction de l’Ordo. Elle confirme la montée en puis- sance de Trèves depuis la fin du IIIe siècle. Trèves est la principale capitale impériale de cette époque, avec près de 16 % du total des séjours impériaux.

Les autres résidences impériales privilégiées par les empereurs dans la seconde moitié du IVe siècle sont Constantinople (7,5 % des séjours), Milan (6,5 %) et surtout Antioche (9 %). Ce dernier chiffre, là aussi surprenant, s’explique par les nombreuses campagnes que durent mener les empereurs sur le front perse : Antioche leur servit en général de base arrière. Le pourcentage plus important obtenu par Milan s’explique pour partie par les longs séjours effectués dans cette ville par les empereurs d’Orient, Constance II puis Théodose Ier.

18. Dagron 1974, p. 45. 19. Milan 1990 et Milan 1991. 20. Sutherland 1984, VI, 422-426.

Schedae, 2006, prépublication n°8, (fascicule n°1, p.107-140). 114 Figure 2 Figure

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 115 Figure 3 Figure

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L’importance respective des séjours impériaux dans les villes de Trèves et de Milan amène à nuancer les affirmations d’Hagith Sivan, que j’ai mentionnées dans mon introduction. Il n’est pas vrai, comme l’affirme cet auteur, que l’absence de distinction claire entre l’importance politique de Trèves et de Milan tende à prouver la datation du texte des environs de 350. Certes entre 316 (départ pour l’Orient de Constantin Ier) et 367 (installation à Trèves de Valentinien Ier) Trèves ne voit passer pratiquement aucun empereur (tout en demeurant au total la principale résidence impériale d’Occident entre 284 et 395). Mais l’on ne comprend plus le terme de solium urbis appliqué à Trèves si l’on considère qu’Ausone, écrivant vers 350, prend acte du quasi abandon par les empereurs, depuis plus de trente ans, de cette ville au profit de Milan. La place respective de Trèves et de Milan dans l’Ordo correspond bien en revanche à la situation d’après 382, date d’installation de Gratien à Milan. Elle cor- respond mieux encore aux longs séjours à Milan, entre 388 et 391, de Théodose, dédica- taire principal de la dernière édition des œuvres d’Ausone. Trèves n’est plus alors capitale impériale et ne semble pas devoir le redevenir mais le souvenir de sa grandeur récente sous Valentinien Ier, sous Gratien, peut justifier l’emploi de solium urbis. Milan est la nouvelle capi- tale de l’empire en Occident, c’est l’époque du triomphe d’Ambroise ; il est donc logique qu’Ausone lui consacre une description détaillée. C’est également Théodose qui mit fin à Aquilée aux prétentions de Maxime. Une rédaction de l’Ordo en un jet, peu après 388, me semble donc bien l’hypothèse la plus vraisemblable.

Au terme de cette présentation, on peut établir un classement parallèle à celui de l’Ordo en s’appuyant sur les durées de séjour des empereurs dans les différentes villes d’Occident au IVe siècle. Dans ce classement la première des villes de l’empire serait Trèves, suivie d’Antio- che, de Constantinople, puis de Milan, puis après une première rupture (de 6,5 % à 2,1 % des séjours) de Sirmium, Aquilée et Nicomédie, qui peuvent être qualifiées de résidences impériales. Les empereurs ne font en revanche que passer à Rome (0,7 %), Vienne et Arles (0,5 %), Ravenne (2‰). Dans l’état de nos sources, ils ne fréquentent pas les autres villes citées par Ausone dans l’Ordo. Cette liste diffère assez nettement de celle de l’Ordo dans son classement de tête : ni Alexandrie ni Carthage ne sont en effet des résidences impériales dans la seconde moitié du IVe siècle.

L’Ordo néglige également la plus grande spécificité du IVe siècle, l’importance prise par Sirmium. Par comparaison l’auteur anomyme de l’Expositio totius mundi et gentium, opus- cule géographique de la seconde moitié du IVe siècle, est plus précis :

Deinde Pannonia regio, terra diues in omnibus, fructibus, quoque et iumentis et negotiis, ex parte et mancipiis. Et semper habitatio imperatorum est. Habet autem et ciuitates maximas, Sirmium quoque et Noricum, unde et uestis norica exisse dicitur.

Puis la Pannonie, terre riche en tous les biens, en récoltes aussi bien qu’en chevaux et en mar- chandises, dont des esclaves. Et cette région est sans cesse la demeure des empereurs. Elle a de très grandes villes, Sirmium aussi bien que Norique, d’où l’on dit que vient le vêtement norique (Expositio, 57).

L’auteur de l’Expositio emploie dans ce passage le même terme qu’il applique à Trèves : ubi et habitare dominus dicitur (Expositio, 58), et a donc bien conscience du caractère de résidence impériale de Sirmium. Il commet en revanche une erreur grossière en prenant pour une ville le Norique. Dans l’ensemble l’auteur anonyme de l’Expositio a une meilleure conscience qu’Ausone dans son Ordo des évolutions de la centralité politique dans l’Antiquité tardive. Il ne fait que citer Milan (Expositio, 66), mais mentionne le caractère de résidence impériale de Sirmium,

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 117 de Trèves, d’Antioche : ubi et dominus orbis terrarum sedet (Expositio, 23). Cette dernière ville est également qualifiée de ciuitas regalis, « ville royale ». Ce titre est parallèle à celui de Rome civitatem maximam et eminentissimam et regalem (Expositio, 55). Le terme de regalis renvoie peut-être aux souverains hellénistiques dans le cas d’Antioche, mais plus vraisembla- blement aux empereurs qu’aux rois de Rome dans le cas de Rome. L’emploi dans les deux cas de regalis indique peut-être qu’une traduction par l’adjectif « impérial » est également possible dans le cas d’Antioche. Rome et Antioche seraient donc pour l’auteur de l’Expositio des « villes impériales », au sens de capitales impériales. La description par cet auteur des villes majeures de l’empire est donc plus proche de leur importance politique au IVe siècle que le classement de l’Ordo urbium nobilium.

Le classement de l’Ordo respecte l’importance politique respective de Trèves et de Milan, tout en mentionnant pour ces deux villes qu’elles constituent des résidences impériales, par l’expression, déjà commentée, de solium urbis pour Trèves, par celle de palatinaeque arces (Ordo, 40), sur laquelle je reviendrai, pour Milan. L’Ordo en revanche place Antioche avant Trèves, ce qui est surprenant étant donné la tendance d’Ausone dans ce texte à surrévaluer l’importance des villes gauloises et ce qui se justifie mal en termes de séjours impériaux. Vienne et Arles sont en effet des résidences impériales très ponctuelles, mais Bordeaux, Narbonne, Toulouse n’ont, à notre connaissance, pas accueilli d’empereur durant tout le IVe siècle, au contraire de Lyon, Reims, Amiens, Paris, qu’Ausone ne mentionne pas. C’est donc surtout l’habitant de Gaule méridionale qui parle à la fin de l’Ordo urbium nobilium.

L’importance très exagérée qu’Ausone accorde à Bordeaux doit cependant être relati- visée : tout d’abord, Toulouse, Narbonne et Bordeaux, occupent dans cet ordre les derniè- res places de l’Ordo. Elles ne remettent donc pas en cause le classement, assez classique des grandes villes de l’empire, Rome, Constantinople, Carthage, Antioche, Alexandrie… Surtout la présence des empereurs n’est pas le seul facteur de centralité politique dans l’Antiquité tardive.

Rappelons que la première grande réforme de la carte administrative dans l’Antiquité tardive est due à Dioclétien. Son interprétation est compliquée par le fait que ses résultats sont connus par un document un peu postérieur, le Laterculus Veronensis ou Liste de Vérone, écrit en 313/314. Durant la seconde moitié du règne de Dioclétien, les provinces du Haut empire furent divisées pour la plupart d’entre elles en deux ou trois, passant d’une cinquan- taine à une centaine 21. La Germanie supérieure fut divisée en deux provinces, la Germanie Première (capitale Mayence) et la Séquanie (capitale Besançon), de même que la Gaule Bel- gique, divisée en Belgique Seconde (capitale Reims) et Belgique Première, dont Trèves devint capitale. Arles cessa d’appartenir à la Narbonnaise, pour intégrer la province de Viennoise (capitale Vienne), correspondant grossièrement au nord des Alpes et à la basse vallée du Rhône. Cette nouvelle province coupa en deux la Narbonnaise, partagée entre Narbonnaise première (capitale Narbonne) et Narbonnaise Seconde (capitale Aix-en-Provence). La Lyon- naise fut divisée en deux, Lyon demeurant capitale de la Lyonnaise Première. La création de la Sénonnaise (capitale Sens) et celle de la Lyonnaise Troisième (capitale Tours) sont bien postérieures. Il faut apparemment les attribuer à Maxime (383 – 388 ; CIL, XIII, 921 22). Les empereurs qui lui succédèrent conservèrent sa nouvelle organisation administrative de la

21. Carrié, Rousselle 1999, 185. 22. Commenté dans Piétri 1983.

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Gaule, bien adaptée aux évolutions politiques de l’époque, en particulier à l’organisation militaire de cette dernière en tractus.

Dioclétien enfin compensa (c’est du moins l’interprétation traditionnelle) la parcellisation des provinces par la création d’un nouvel échelon administratif, le diocèse, qui désignait à l’ori- gine la charge de responsable des finances provinciales, et son ressort territorial, en Égypte 23. La Gaule fut divisée en deux diocèses, le diocèse des Gaules proprement dit (capitale Trèves), incluant la Séquanie et la Lyonnaise première ; le diocèse des Sept Provinces (capitale Vienne), incluant les Alpes maritimes. Lyon perdit beaucoup à ces différentes réformes : elle cessa d’être la métropole des Gaules, vit sa province réduite de moitié. Surtout sa rivale, Vienne, gagna un prestige bien supérieur au sien. C’est pourquoi peut-être Lyon n’est pas même mentionnée dans l’Ordo, malgré le traditionalisme de certaines notations.

Constantin compliqua encore le système, par la création d’un nouvel échelon supérieur, puisqu’il régionalisa la préfecture du prétoire 24. Il institua trois préfectures du prétoire, la préfecture d’Orient, celle d’Illyrie, d’Italie et d’Afrique (diocèses d’Afrique, d’Italie, des Pan- nonies, de Mésie ; capitale Milan pour M. Castoldi 25), celle de Gaule (diocèse des Bretagnes, des Gaules, de Viennoise, des Espagnes, capitale Trèves). Le nombre de préfets du prétoire varia par la suite à plusieurs reprises ; leurs pouvoirs furent strictement restreints aux affaires civiles.

Mais le fait intéressant est que, d’après une démonstration convaincante d’A. Chasta- gnol 26, Vienne perdit vers le milieu du IVe siècle son rôle de capitale du diocèse de Viennoise, au profit de Bordeaux. André Chastagnol appuie d’abord sa démonstration sur le fait que le Laterculus Veronensis est le seul document à mentionner le diocèse de Viennoise, Dio- censis Biennensis [sic] 27, mais que ce diocèse n’est qualifié par la suite que de diocèse des sept provinces (ou diocèse des cinq provinces suite à de nouveaux regroupements de pro- vinces au milieu du IVe siècle) ou d’Aquitaine, Aquitania. Ce dernier terme a souvent été confondu avec le nom de la (ou des) provinces d’Aquitaine dans nos sources antiques. André Chastagnol cite neuf textes à l’appui de sa thèse, en particulier un passage d’Ammien Mar- cellin, dans son excursus sur les Gaules (Res gestae, XV, 11, 7),… mais aussi le chapitre sur Arles de l’Ordo :

per quem Romani commercia suscipi orbis nec cohibes populosque alios et moenia ditas Gallia quis fruitur gremioque Aquitanica lato.

[Rhône] par lequel tu reçois les produits du monde romain. Tu ne les retiens pas, mais enrichis les autres peuples et les villes que possèdent la Gaule et l’Aquitaine au large sein (Ordo, 78-80).

L’opposition de Gallia et d’Aquitania ne peut ici que renvoyer aux diocèses de Gaule méridionale et de Gaule du nord.

Dès lors, s’il y eut bien transfert du vicariat du diocèse de Viennoise en Aquitaine, ce vicariat s’installa soit à Bourges, soit à Bordeaux. Bourges n’est pas même mentionnée dans l’Ordo urbium nobilium, et est située fautivement par Ammien en Lyonnaise première ;

23. Carrié, Rousselle 1999, 186. 24. Carrié Rousselle 1999, 263. 25. Milan 1990, 25. 26. Chastagnol 1970. 27. Chastagnol 1970, 273-274.

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A. Chastagnol considère donc qu’il s’agit de Bordeaux 28. La date du transfert ne peut être établie avec certitude, mais il remonte au moins à 355. De cette date à 407 (date possible d’un nouveau transfert, à Arles cette fois 29), Bordeaux fut donc capitale du diocèse d’Aqui- taine. Elle occupait ainsi à l’époque d’Ausone la deuxième place dans le réseau administratif tardo-antique en Gaule, après Trèves, préfecture du prétoire des Gaules.

Cela légitime pour partie les affirmations d’Ausone, qui fait de Bordeaux une ville majeure de Gaule, alors qu’aucun empereur n’y effectua un passage de toute l’Antiquité tardive. La démonstration d’André Chastagnol nuance donc les remarques faites précédemment. Elle introduit par ailleurs une nouvelle opposition au sein de l’Ordo, entre Gaule du nord (dio- cèse de Trèves) et Gaule du sud (diocèse de Bordeaux). Si Ausone accorde une très large place aux villes de Gaule dans l’Ordo urbium nobilium, il s’agit essentiellement des villes de Gaule du sud, Arles, Vienne, Toulouse, Narbonne et Bordeaux. Seule Trèves est mentionnée parmi les villes de Gaule du nord. Le patriotisme gaulois d’Ausone est donc original. Il s’agit d’un patriotisme aquitain mais d’un patriotisme diocésain et non pas provincial. L’Ordo mon- tre donc l’appropriation par le notable bordelais qu’était Ausone des réformes administra- tives du IVe siècle.

L’Ordo urbium nobilium et l’archéologie des villes majeures de l’empire au IVe siècle de notre ère

Dans l’ensemble cependant les deux cartes des villes décrites dans l’Ordo et des séjours impériaux de 337 à 395 diffèrent assez fortement. Le critère de la centralité politique ne peut donc suffire seul à expliquer le classement des villes majeures de l’empire effectué par Ausone dans l’Ordo urbium nobilium. Cette approche historique doit donc être complétée par une approche archéologique. Je m’intéresserai tout d’abord dans cette partie à la taille des villes tardo-antiques décrites dans l’Ordo telle que la restituent les archéologues et aux monuments décrits par Ausone dans l’Ordo, afin de tenter de montrer que son classement a en ce domaine une assez grande pertinence. Je m’intéresserai principalement aux villes de Gaule, les mieux décrites par Ausone, et que j’étudie dans le cadre de ma thèse, ainsi qu’à Milan, la seconde résidence impériale en Occident au IVe siècle.

Le premier facteur archéologique de classement des grandes villes de l’empire est leur taille dans l’Antiquité tardive. Il s’agit d’une question difficile et particulièrement débattue. La taille des villes n’est pour les historiens qu’une recherche de compensation à l’absence de données sur les populations antiques puisque même dans le cas de Rome les quelques chiffres disponibles demeurent très débattus. Ce facteur est distinct de l’importance politique des villes concernées dans l’Antiquité tardive, même si la présence de l’empereur dans une ville entraîne en général sa croissance urbaine. Le cas le plus connu dans l’Antiquité tardive est celui de Constantinople, ville vraisemblablement millionnaire à la fin du IVe siècle qui grandit au détriment de Rome, car Constantin détourna à son profit le blé d’Égypte. Con- cernant les toutes premières villes de l’empire, les archéologues suivent en général le clas- sement établi par un passage du Roman d’Alexandre (Res gestae Alexandri Macedonis ex Aesopo graeco). Jules Valère, qui écrit vers 330-340, traduit un original grec, perdu, daté de 270 environ de notre ère 30. Demeurent également une version grecque et une version

28. Chastagnol 1970, 287. 29. Chastagnol 1973. 30. Callu 1997, 129.

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arménienne de ce texte, qui présentent des différences notables d’avec la version latine, différences que commente Jean-Pierre Callu dans l’article cité. Le texte de Jules Valère offre un parallèle précieux au classement de tête de l’Ordo.

Quare cum hae urbes quae in omni orbe terreno maximae celebrantur in haec spatia numeratae sint, Syriaeque sit ciuitas uel amplissima Antiocha extensa stadiis octo pedibus septuaginta duobus, Carthago uero quae principatum Africae tenet, stadiis decem porrecta uideatur stadiique parte quarta, Babylon porro stadiis duodecim longa sit et pedibus ducentis atque uiginti, ipsa quoque domina gentium Roma quattuordecim stadiis et pedibus centum atque uiginti longa primitus fuerit, nondum adiectis his partibus quae multum congeminasse maiestatis eius magnificentiam uisuntur, Alexandriam mensi sunt sedecim quidem stadiis, pedibus uero trecentis atque septuaginta quinque.

C’est pourquoi, lorsque l’on classe les villes célébrées comme les plus grandes du monde entier, selon cette mesure [?], Antioche de Syrie, est bien une ville très étendue, longue de 8 milles et 72 pieds [11,8 kilomètres], puis Carthage, capitale de l’Afrique, s’étend sur 10 milles et un quart [14,8 kilomètres], Babylone, ensuite, est longue de 12 milles et 220 pieds (17,8 kilo- mètres), la maîtresse des peuples en personne, Rome, était longue de 14 milles et 120 pieds [20,7 kilomètres] à l’origine, < avant les extensions récentes qui ont plus que doublé sa splen- deur et sa majesté >, Alexandrie mesure environ 16 milles, 375 pieds [23,7 kilomètres] (Jules Valère, Res gestae Alexandri, I, 31).

Les chiffres du texte sont ceux de la circonférence des villes. Je traduis stadiis par milles car Jean-Pierre Callu, à la suite de Mommsen, considère le premier terme comme un archaïsme linguistique, masquant des longueurs réelles en milles. On ne s’expliquerait pas sinon la divi- sion en pieds 31. Les dimensions données pour Rome, sont à peu près celle de la ville dans les murailles d’Aurélien. Contre Mommsen, Jean-Pierre Callu considère le passage placé entre crochet comme une interpolation du VIe siècle ; la « très grande Rome » mentionnée est la ville éclatée, de par la multiplication des martyria lointains du VIe siècle, à laquelle cer- tains documents d’époque donne une circonférence de 60 kilomètres 32 On s’explique mal en revanche l’absence dans ce texte de Constantinople, dotée dans les murailles de Constantin d’une superficie comparable à celle d’Antioche 33.

Jean-Pierre Callu, qui tente d’étudier la superficie d’Antioche à l’époque de Justinien, montre dans la suite de sa démonstration que les murailles très mal connues de la ville ne peuvent suffire à estimer cette superficie car Antioche connut dans l’Antiquité tardive un accroissement de sa population et une réapparition de faubourgs hors les murs. C’est là un phénomène récurrent de l’archéologie impériale. Le texte de Jules Valère permet cependant de revaloriser le début de l’Ordo où les grandes villes de l’empire sont, par ordre croissant, Antioche et Alexandrie, Carthage, Constantinople et Rome. Si le classement exact des villes par taille est erroné, la présence de Carthage, Antioche et Alexandrie dans le classement de tête est en revanche parfaitement justifiée.

La carte comparative de la taille de quatorze villes de l’Antiquité tardive, dans le tome récent de la Cambridge ancient history sur le IVe siècle après la mort de Constantin 34 aboutit aux mêmes conclusions, quoiqu’elle se fonde sur la seule superficie des murailles de ces villes

31. Callu 1997, 131-133. 32. Callu 1997, 134. 33. Mango 1985. 34. Cameron & Garnsey 1998, 374.

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 121 et qu’elle néglige Alexandrie. Malgré son caractère schématique, elle est très suggestive : on y voit que seules Antioche et Constantinople, les deux villes mises en parallèle avec Rome dans la Carte de Peutinger (datée du Ve siècle cependant pour sa partie orientale), appro- chent la taille de l’Urbs. La présence de Ravenne sur cette carte ne doit, en revanche, pas être prise en compte : cette ville quadruple sa superficie dans l’Antiquité tardive, mais cela est surtout dû à son rôle de capitale impériale de l’Occident à partir du Ve siècle, après notre période donc. Trèves et Milan, les deux candidates les plus convaincantes au statut de capi- tales impériales en Occident, disposent de superficies voisines, importantes, mais inférieures pour moitié à celles de Constantinople et d’Antioche, ce qui légitime le classement par Ausone de ces villes après leurs consœurs d’Orient, Antioche en particulier.

Qu’en est-il des grandes villes de Gaule mentionnées par l’Ordo urbium nobilium ? La plus grande et la mieux connue de ces villes est Trèves, la capitale impériale du Ive siècle. Trèves, dans son enceinte tardive, conserve une superficie importante, d’environ 285 hec- tares 35, bien supérieure aux 32 hectares intra muros de Bordeaux (voir infra). Cette superficie demeure apparemment occupée dans sa totalité, comme l’ont montré des fouilles récentes. La richesse de l’archéologie tardo-antique de Trèves justifie en tout cas la place de cette ville dans l’Ordo. Ausone note en particulier : Lata per extentum procurrunt moenia collem (Ordo, 32). Jasinsky en 1934 traduisait : « Ses remparts épais courent le long d’une colline ». Il faut sans doute plutôt comprendre « Ses vastes remparts courent le long d’une colline ». De nombreuses questions cependant en suspens. La muraille de Trèves, célèbre par sa Porta nigra (au nord de cette enceinte) demeure insuffisamment connue. La seule Porta nigra est datée, selon les auteurs, de la fin du IIe siècle ou du IVe siècle 36. L’archéologie justifie cepen- dant la place éminente conférée à Trèves dans l’Ordo.

Vienne dans l’Antiquité tardive demeure mal connue ; les progrès récents de l’archéo- logie ont remis en cause la plupart des anciennes conclusions d’A. Pelletier 37. L’existence même d’une muraille tardo-antique restreinte dans cette ville est désormais remise en cause. Il n’est donc pas possible d’affirmer, comme le faisait par exemple H. Stern en 1970, sur la seule base des productions de mosaïque dans cette ville, que Vienne perd de son impor- tance à partir des crises du IIIe siècle, ce qui expliquerait la perte de son statut de capitale du diocèse de Gaule méridionale au IVe siècle 38. La superficie de Vienne dans l’Antiquité tardive est vraisemblablement inférieure à celle de cette ville au Haut Empire (quand Vienne possédait une énorme enceinte de 7,3 kilomètres de long), les habitations de rive droite de la cité (quartier de Saint-Romain-en-Gal) semblent abandonnées à cette époque, mais l’on ne peut pas en dire beaucoup plus. Il n’est donc possible ni d’infirmer ni de confirmer la place réduite que l’Ordo accorde à Vienne, au détour du chapitre sur Arles. L’Ordo qua- lifie d’ailleurs Vienne d’opulenta (Ordo, 75), ce qui contredit l’idée d’un déclin de la ville.

Arles est mieux connue, grâce à la thèse récente de Marc Heijmans 39. C’est, de fait, une ville prospère dans l’Antiquité tardive, même si elle ne peut être qualifiée de résidence impé- riale qu’à partir du Ve siècle de notre ère, date de l’usurpation de Constantin III, qui s’y ins- talla. C’est également à cette époque, en 407 pour André Chastagnol 40, qu’elle accueillit

35. Salvo 2000, 169. 36. Kuhnen 2004, 64. 37. Pelletier 1974. 38. Stern mentionné par Chastagnol 1970, 291. 39. Heijmans 2004. 40. Chastagnol 1973.

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la préfecture du prétoire basée auparavant à Trèves, le vicaire du diocèse d’Aquitaine (ins- tallé à Bordeaux, voir supra) et qu’elle devint capitale de l’ancienne province de Viennoise. L’Ordo insiste sur l’importance de son port :

Pande duplex Arelate, tuos blanda hospita portus Gallula Roma Arelas […] Praecipitis Rhodani sic intercisa fluentis, Ut mediam facias nauali ponte plateam […]

Ouvre ton port, Arles la double, douce hôtesse, Arles petite Rome gauloise […], coupée par les flots impétueux du Rhône, où tu as constitué un pont de bateau formant une place […] [suit le passage déjà cité sur la redistribution à toute la Gaule par Arles des marchandises venues de l’empire] (Ordo, 73-77)

Cette importance est confirmée par l’archéologie, en particulier par les résultats des campagnes annuelles d’archéologie fluviale dans le cours du Rhône. Les vestiges tardo- antiques sont très nombreux parmi les découvertes subaquatiques. Arles dans l’Antiquité tardive prend à Marseille son rôle de grand port de la Gaule en Méditerranée, ce qui expli- que l’absence de cette dernière ville dans l’Ordo. L’adjectif duplex qu’il faut à mon avis appliquer à Arelate et non à portus s’explique par le maintien dans l’Antiquité tardive de la prospérité du quartier de Trinquetaille, en rive droite du Rhône, à l’inverse de ce qui se passe à Vienne (voir supra 41). Ausone ne mentionne pas les murailles de la ville, car il fait d’Arles une pure ville portuaire, accueillante et ouverte. La ville vit cependant bien la construc- tion d’une enceinte tardive, restreinte par rapport à son enceinte augustéenne et mieux connue désormais grâce aux travaux de Marc Heijmans, mais qui pose d’importants pro- blèmes de tracé et dont la datation (Ve siècle) demeure hypothétique 42.

Je n’ai pas pris le temps de consulter en détail la littérature archéologique récente sur Narbonne et n’effectuerai donc que des remarques ponctuelles sur la description de cette ville dans l’Ordo. L’archéologie tardo-antique de cette ville a connu de forts progrès ces dernières années, notamment par l’étude des premiers monuments chrétiens de la ville 43. Il faut d’abord noter que la description de Narbonne dans l’Ordo offre des parallèles inté- ressants avec les chapitres sur Arles, sur Bordeaux. Le parallèle avec Arles est signalé dans l’Ordo même par la mention de Narbo Martius dans le chapitre sur Arles (Ordo, 74). Nar- bonne est, comme Arles et Bordeaux, un port important, qui, comme Arles, reçoit des mar- chandises venues du monde entier :

Te maris Eoi merces et Hiberica ditant Aequora te classes Libyci Siculique profundi, Et quidquid uario per flumina, per freta cursu Aduehitur : toto tibi nauigat orbe cataplus

Les marchandises des mers d’Orient et d’Espagne t’enrichissent, celles d’Espagne, les flottes des eaux de Libye et de Sicile également et tout ce que portent, par des voies diverses, les fleuves et les flots : ce qui navigue dans le monde entier te parvient (Ordo, 123-127).

Le port de Narbonne a fait l’objet d’importantes études archéologiques ces dernières années, qui ont amené à revoir entièrement son tracé 44.

41. Heijmans 2004, 22. 42. Heijmans 2004, 126. 43. Guyon 2002. 44. Ambert 2000.

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La description qu’Ausone consacre à Narbonne est la plus longue de l’Ordo (22 vers), après celle de Bordeaux (41 vers). Comme dans le cas d’Arles, Ausone ne mentionne pas les murailles de la ville, ville portuaire et donc a priori ouverte. Narbonne possédait pour- tant bien une enceinte tardive, mentionnée par Sidoine Apollinaire et datée par les archéo- logues locaux de la fin du IIIe siècle 45. Ausone mentionne en revanche le célèbre Capitole de la ville :

Quodque tibi Pario quondam de marmore templum Tantae molis erat, quantam non sperneret olim Tarquinius Catulusque iterum, postremus et ille Aurea qui statuit Capitoli culmina Caesar ?

[Comment rappeler] ton ancien temple, en marbre de Paros, d’une si grande taille, que ne l’auraient pas méprisé autrefois Tarquin, et Catulus également, et enfin ce César qui fit ériger les toits dorés du Capitole ? (Ordo, 120-123)

Tarquin le Superbe était le constructeur mythique du Capitole de Rome, le consul Luta- tius Catulus, le César Domitien le reconstruisirent après des incendies, en 69 avant notre ère et en 82 de notre ère respectivement 46. Le Capitole de Narbonne pose des problèmes de datation importants, mais il est très certainement antérieur à l’époque augustéenne 47. Ausone décrit la disparition de ce temple païen comme ancienne : quondam ; il n’y a donc pas lieu d’en faire une conséquence de la christianisation de l’empire à partir de Constantin. Le passage est intéressant, car c’est une des seules mentions de construction disparue dans l’Ordo, il l’est également par le parallèle avec Rome qu’il introduit et par la reprise de l’adjectif aureus du vers 1. Ausone mentionne également l’ancienneté de la romanité de Narbonne et effectue une nouvelle référence aux réformes administratives de l’Antiquité tardive : nomine cuius/Fusa per immensum quondam Prouincia regnum (« Tu donnas ton nom autrefois à une province couvrant un immense territoire »). Ce sont en effet les réformes de Dioclétien qui entraînèrent la subdivision de la Prouincia en Narbonnaise première (capitale Narbonne) et Narbonnaise Seconde (capitale Aix-en-Provence). Ausone ne décrit en revanche précisément aucun monu- ment tardo-antique de Narbonne.

Toulouse est décrite plus rapidement dans l’Ordo. Un passage pose des problèmes de compréhension, la référence à quatre villes sorties de Toulouse :

Quae modo quadruplices ex se cum effuderit urbes, Non ulla exhaustae sentit dispendia plebis, Quos genuit cunctos gremio complexa colonos.

Quoiqu’elle vienne de voir s’enfuir loin d’elle quatre villes, elle n’est pas affaiblie par ce départ d’hommes et tient en son sein toutes les colonies qu’elle a engendrées (Ordo, 104-106).

À la suite d’E. Griffe, Lucia di Salvo considère que ces urbes sont en fait de simples uici, distincts du centre-ville de Toulouse, mais enfermés dans ses murs 48. Toulouse est en effet qualifiée de quindiplex, « quintuple », par Ausone dans la lettre à Paulin (Epistulae, 23, 73 sq.) déjà commentée supra et il mentionne le caractère dispersé de l’urbanisation de cette cité

45. Heijmans 2004, 121. 46. Salvo 2000, 238. 47. Perret 1956. 48. Griffe 1947 ; Salvo 2000, 224.

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dans sa Célébration des professeurs bordelais (Commemoratio, 20, 9) : diuisae […] urbis. Il ne s’agit donc pas d’une référence à une subdivision de la cité de Toulouse comme celle que connaît Vienne à cette même époque et qui contribua certainement à son affaiblissement. Toulouse est donc dans l’Antiquité tardive une ville au caractère plutôt dispersé, ce que l’on considère plutôt en général comme une caractéristique des villes du haut Moyen Âge.

Les remparts de Toulouse font également l’objet d’une description élogieuse d’Ausone :

Non umquam altricem nostri reticebo Tolosam, coctilibus muris quam circuit ambitus ingens perque latus pulchro praelabitur amne Garumna.

Jamais je n’omettrai Toulouse, ma nourrice, que des murailles en brique entourent d’une large enceinte et dont le côté est baigné par le cours de la belle Garonne (Ordo, 98-100).

Il s’agit du rempart tardif de Toulouse, construit dans la seconde moitié du IIIe siècle. Ce rempart complète l’enceinte « de prestige » élevée autour de la ville romaine dans les premières décennies de notre ère. Les relevés récents montrent que cette enceinte, en dépit des nombreux remplois de briques issues de monuments antérieurs, de stèles funéraires, qu’elle comporte, fut construite avec soin et non dans la précipitation, sous la menace des invasions barbares 49. C’est une conclusion désormais habituelle pour les enceintes tardives de Gaule et cela explique que l’enceinte tardive de Toulouse puisse constituer un élément essentiel de la dignité de cette ville dans l’Ordo d’Ausone. Le IVe siècle n’est cependant pas la grande époque dans l’Antiquité tardive de Toulouse, qui atteignit plus vraisemblablement son apogée au Ve siècle, au détriment de Bordeaux, en devenant capitale des rois wisigoths. C’est à cette époque que fut construit le vaste bâtiment connu depuis 1988 sous l’ancien hôpital militaire Larrey, identifié au palais de ces souverains 50.

Bordeaux, enfin, est la ville la plus longuement décrite de l’Ordo. Mais cette longue description présente en fait un nombre réduit de monuments de cette ville. Seule la fontaine Divona, elle aussi construite en marbre de Paros (Pario […] marmore, vers 148) et inconnue archéologiquement, fait l’objet d’une description précise (vers 148 à 162), qui constitue le morceau de bravoure final de l’Ordo 51. Ausone mentionne également les remparts de la ville, son urbanisme et son port (le mot portus n’est cependant pas employé) :

Quadrua murorum species, sic turribus altis ardua, ut aerias intrent fastigia nubes. Distinctas interne uias mirere, domorum dispositum et latas nomen seruare plateas, tum respondentes directa in compita portas per mediumque urbis fontani fluminis alueum ; quem pater Oceanus refluo cum impleuerit aestu, adlabi totum spectabis classibus aequor.

Ses remparts carrés sont dotés de tours si hautes que leur sommet perce les nuages dans le ciel. En leur intérieur, on admire des voies bien tracées, des maisons bien alignées, et des larges places, dignes de leur nom, puis, leur répondant, des portes, vis-à-vis des carrefours. Au milieu de la ville se trouve le lit d’un fleuve, alimenté par des sources, et quand l’Océan le remplit de sa marée, il offre le spectacle d’une mer entière s’agitant avec ses navires (Ordo, 140-147).

49. Pailler 1996, 20. 50. Filippo 1996. 51. Barraud & Maurin 1996, 40.

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Ces quelques vers sont longuement commentés par D. Barraud et L. Maurin dans un article sur Bordeaux dans l’Antiquité tardive 52. Ausone combine dans sa description de Bordeaux les qualités qu’il prête à Trèves et Toulouse d’une part, à Arles et Narbonne d’autre part. Bordeaux est en effet dotée et d’un port et de murailles ; elle combine les qualités de la ville guerrière et de la ville marchande, comme le remarque Jean-Michel Poinsotte 53. Ce point doit être commenté rapidement. Il est vrai, comme le note que Fran- cesco Della Corte dans son étude des lieux rhétoriques dans l’Ordo, que les murailles font partie des monuments les plus fréquemment décrits dans ce texte. Ausone mentionne les remparts (moenia) de Trèves, Aquilée, Milan ; la muraille (murus) de Milan à nouveau, Tou- louse, Bordeaux, ainsi que les portes (portae) et les tours (turris) de cette muraille de Bor- deaux 54. Il ne s’agit cependant que de cinq des vingt et une villes de l’Ordo. Faut-il pour autant voir dans ce souci de description des murailles urbaines un reflet de l’insécurité de l’Antiquité tardive ? Ausone est, il est vrai, si convaincu de l’importance des murailles qu’il emploie le mot comme synonyme de ville, dans le passage déjà cité sur Arles (Ordo, 78- 80) : nec cohibes populosque alios et moenia ditas/Gallia quis fruitur gremioque Aquita- nica lato (« Tu ne les retiens pas, mais enrichis les autres peuples et les villes que possèdent la Gaule et l’Aquitaine au large sein »). La traduction par « villes » de moenia n’est ici pas douteuse.

Mais l’archéologie des enceintes tardives, qui a fortement progressé ces dernières années et montré la complexité des phénomènes de fortification des villes de Gaule et d’Occident en général dans l’Antiquité tardive, qui n’interviennent pas tous durant les cri- ses du IIIe siècle, comme on l’a trop longtemps pensé, mais bien souvent au Ve siècle, nous invite à considérer ce point avec prudence. Ausone ne mentionne pas systématiquement, tout d’abord, les murailles des villes décrites, même lorsqu’elles existent, comme dans le cas de Narbonne, d’Arles. Surtout cette insistance sur les murailles urbaines n’est pas spé- cifiquement tardive. Lorsque Isidore (Etymologiarum, XV, 1) indique: urbs ipsa moenia sunt, ciuitas autem non saxa, sed habitatores uocantur (« une ville, ce sont ses murailles ; par cité en revanche on désigne non ses pierres, mais ses habitants »), il n’innove pas, mais reprend un topos qui remonte au moins à Cicéron dans la littérature antique. La muraille est, durant toute l’Antiquité, un symbole de la puissance urbaine, ce pourquoi nombre de villes gauloises réclamèrent dès le Haut Empire un privilège impérial pour se doter de murailles imposantes.

Dans le cas de Bordeaux, la description par Ausone dans l’Ordo des murailles et du port de la ville est confirmée par les progrès récents de l’archéologie. Ausone décrit en effet un port s’avançant à l’intérieur de la ville, ce qui suppose le maintien d’une ouverture dans la muraille tardive de la ville. Or un diagnostic archéologique place de la Bourse à Bordeaux en 1994 a révélé l’existence d’une interruption par une dépression d’un des decumanus de la ville, à l’emplacement supposé de la muraille tardive. Il s’agit probablement de l’empla- cement de la porta nauigera d’Ausone : les atterrissements postérieurs ont par la suite éloigné l’embouchure de la Devèze (le flumen mentionné par Ausone dans le passage cité) du port de Bordeaux 55.

52. Barraud & Maurin 1996. 53. Poinsotte 1999, 36. 54. Della Corte 1986, 83. 55. Barraud & Maurin 1996 & 47-48.

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La muraille proprement dite de Bordeaux est, comme l’indique Ausone, une muraille quasi rectangulaire, ce qui tranche avec l’irrégularité des enceintes urbaines de l’Antiquité tardive 56. Elle réduit fortement la superficie de la ville, qui passe de 170 hectares, dans l’hypothèse haute, au début du IIIe siècle, à 32 hectares… mais il s’agit d’une des plus vastes enceintes de Gaule 57. La ville débordait d’ailleurs encore de ses murailles dans l’Antiquité tardive. On sait qu’Ausone lui-même résidait dans le faubourg Saint-Seurin en rive droite de la Garonne 58. D. Barraud et L. Maurin notent en revanche qu’Ausone se contredit quant au caractère très régulier qu’il confère dans l’Ordo à l’urbanisme bordelais. Dans une lettre au rhéteur Axius Paulus, Ausone se plaint en effet, en termes symétriques, de l’étroitesse de la ville tardive. Il veut fuir : angustas feruere uias et congrege uulgo nomen plateas per- dere (« le grouillement dans les rues étroites et l’entassement de la foule sur les places qui en perdent leur nom », Epistulae, X). Il faut en fait voir dans le texte de l’Ordo, comme dans celui de cette lettre, les conséquences du grandissement poétique. La réalité archéologi- que réside dans un juste milieu entre ces deux réalités contradictoires : le maillage urbain tardif de Bordeaux est orthogonal dans ces grands axes, mais les contraintes induites par la muraille entraînèrent une densification de l’occupation urbaine 59.

Ausone, comme l’avait déjà noté Camille Jullian, ne mentionne ni l’amphithéâtre de Bordeaux, ni les piliers de Tutelle et le forum de la ville sans doute situé à proximité de ces der- niers, ni ses vastes thermes publics. C’est sans doute l’exclusion du centre-ville par l’enceinte tardive qui explique ces silences : peut-être déjà en ruine, ces monuments appartiennent désormais pour Ausone à un passé révolu 60. Ausone ne mentionne pas non plus le palais du vicaire du diocèse d’Aquitaine ce qui est plus surprenant et nous amène à la dernière question archéologique que j’examinerai.

Un type de monuments dont je n’ai pas parlé jusqu’à présent est en effet nettement sous- représenté dans l’Ordo. Il s’agit des palais impériaux, qui pour nombre des archéologues de l’Antiquité tardive sont une des grandes caractéristiques des villes majeures de l’Antiquité tardive. La définition habituelle de la capitale impériale, « ville où habite l’empereur et d’où il dirige son empire » est en effet insuffisante d’un point de vue archéologique. Ce qui caracté- rise archéologiquement une capitale impériale, c’est la présence d’un palais impérial, qui mar- que physiquement la présence de l’empereur dans la ville concernée. La plupart des auteurs, se fondant sur les sources littéraires, en ont déduit que ces palais impériaux se multipliaient dans l’Antiquité tardive, parallèlement à l’apparition de nouvelles capitales impériales.

Cette hypothèse a suscité une bibliographie abondante depuis deux siècles. Cette bibliographie a été, pour notre chance, largement mise à notre disposition et soigneuse- ment critiquée dans l’historiographie française par Noël Duval, auteur de nombreuses étu- des sur les palais impériaux 61. La recherche d’un modèle unique des palais tardo-antiques fut une des grandes tentations des études sur cette question, que dénonça N. Duval, à partir des années 1960. N. Duval a distingué six traductions de cette théorie de départ, reprises de manière variable selon les auteurs 62. Le palais impérial se trouverait à la lisière

56. Barraud & Maurin 1996, 41. 57. Barraud & Maurin 1996, ibid. 58. Étienne 1986, 26-34. 59. Barraud & Maurin 1996, 42. 60. Barraud & Maurin 1996, 50. 61. voir en particulier Duval 1979, Duval 1997. 62. Duval 1987.

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 127 de la cité, au point le plus éloigné de l’entrée principale de la ville, à proximité éventuelle- ment de la muraille. La façade idéale du palais serait ainsi celle qui se situe au fond d’une longue perspective monumentale, formant l’axe de la cité. Il existerait par ailleurs un type de façade monumentale, à colonnes et frontons, caractéristique de « l’architecture de puissance » des palais impériaux tardo-antiques. La façade arrière du palais, consacrée au contraire à l’agrément de la vie quotidienne, devrait de préférence dominer la mer, un fleuve ou un paysage et être aménagée en terrasse ou portiquée.

À l’imitation enfin de Constantinople et du palais de Maxence, les palais impériaux se seraient installés de préférence à proximité d’un cirque – symbole de la victoire impériale et des liens privilégiés de l’empereur au peuple – ou d’un mausolée impérial 63. Le lien au mausolée relève d’une inversion causale : c’est sans doute plutôt le mausolée impérial qui s’installe à proximité du palatium.

Ces différentes théories ont entraîné des querelles de localisation sans fin pour les cités où un palatium était attesté par les sources antiques, mais inconnu archéologiquement. Elles influencent encore la recherche actuelle. Dans le catalogue d’exposition Milano, capi- tale dell’impero romano, Antonio Frova a par exemple repris l’idée de localisation des palais impériaux dans une zone périphérique des cités tardo-antiques 64, alors même que le palais de Milan est localisé dans le même ouvrage à l’intérieur de la muraille tardo-antique et non loin du forum de la ville.

Une caractéristique récurrente des auteurs s’inscrivant dans la tradition de typologie des palais impériaux est qu’ils juxtaposent des exemples très divers et éloignés chronologique- ment pour alimenter leur théorie, palais impériaux véritables, très mal connus, palais de retraite des tétrarques et palais de loisirs issus des uillae impériales du Haut empire, comme la résidence de Maxence sur la via Appia, voire « palais » des gouverneurs provinciaux ou préfets du prétoire de l’Antiquité tardive (dont le palais du dux ripae d’Europos-Doura 65). Cette simple remarque a permis à Noël Duval de déconstruire la plupart des conclusions sur les palais impériaux de l’Antiquité tardive.

C’est notamment le cas de l’ouvrage fondateur du savant suédois E. Dyggve, Raven- natum Palatium sacrum 66, plus centré sur les spécificités architecturales des palais impériaux tardo-antiques. Dyggve considérait que l’Antiquité tardive avait connu un type architectural spécifique, qu’il mettait en relation avec les évolutions contemporaines du pouvoir impé- rial. Il partit de l’exemple du palais (postérieur) de Théodoric à Ravenne pour bâtir sa théo- rie. On aurait choisi au cours de l’Antiquité tardive pour les pièces de réception impériales un plan tripartite, cour à péristyle (basilica discoperta, terme propre à Dyggve, qui fut très critiqué), porche triomphal (portique à fronton de Ravenne par exemple), salle du trône (aula palatina), qui aurait par la suite influencé les basiliques chrétiennes, voire les premiè- res mosquées 67. En fait la seule salle d’audience conservée d’un palatium impérial véritable est celle de Trèves, si l’on exclut le cas, encore discuté, de la basilique d’Arles (voir infra). La théorie tripartite de Dyggve, qui était avant tout celle d’un historien de l’art, spécialiste

63. Duval 1987, 41-43. 64. Milano 1990, 199. 65. voir par exemple Milano 1990, 199. 66. Dyggve 1941. 67. Duval 1961 et 1987.

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de l’architecture, eut pourtant un écho considérable et continue à influer sur les interpré- tations des archéologues.

La plupart des caractéristiques du « palais impérial type » inventé par E. Dyggve ont été critiquées avec succès par Noël Duval. Le « complexe de représentation » n’a aucun caractère original, si l’on le réduit à la succession d’une cour, d’une porte solennelle à triple ouverture et fronton et d’une salle de réception : c’est là le plan typique des uillae et domus à péris- tyle 68. Il en va de même de la présence de portiques ou d’une terrasse à l’arrière des palais impériaux connus ou reconstitués. La théorie du complexe de puissance est surtout le reflet du despotisme supposé des empereurs de l’Antiquité tardive. Le lien supposé au cirque, au mausolée impérial des palais des grandes villes de l’empire, leur localisation en lisière de la cité, au point le plus éloigné de l’entrée principale de la ville, dans l’idéal au fond d’une longue perspective monumentale, formant l’axe de la cité, toutes hypothèses déduites de la situation du palais de Constantinople (en fait inconnu archéologiquement car situé sous la situé sous la mosquée Sultan-Ahmed d’Istanbul) sont de même des généralisations abu- sives.

Le sens de palatium dans les sources tardo-antiques est, de plus, souvent ambigu. Rap- pelons en effet que le terme de palatium possède différents sens dans l’Antiquité tardive. On dispose d’une série d’études sur les évolutions de ce terme au Haut empire 69, au Haut moyen âge 70. Le plus intéressant dans mon optique est celui de T. Zawadzki 71, qui s’intéresse aux évolutions du sens de palatium dans l’Antiquité tardive, à travers l’exemple du palais de Dioclétien à Split. Le latin républicain ne possédait pas de mot pour signifier le concept de palais. Un aristocrate romain ne pouvait vivre que dans sa domus familiale, siège des dieux de sa gens et signe de son lien avec ses ancêtres. On parlait donc simplement de domus regia 72, pour qualifier, par exemple, les palais des rois hellénistiques (basivleia) en grec.

C’est Ovide (Metamorphoses, I, 175-176) 73 qui fut le premier à employer palatium au sens de palais, par confusion de la colline avec la résidence princière officielle qu’elle por- tait. Millar met en parallèle cette citation avec un passage de Dion Cassius 74 :

La résidence royale est appelée Palatium non car quelqu’un l’a ainsi décidé un jour, mais car l’empereur vit sur le Palatin et y a ses quartiers généraux. Sa demeure gagna par ailleurs dans une certaine mesure à cette localisation, car la colline fut anciennement habitée par Romulus. Pour cette raison, si l’empereur réside à un autre endroit quel qu’il soit, son point de chute est également appelé palatium (Cassius Dio, LIII, 16, 5-6).

Dès le début du IIIe siècle, palatium possède donc le sens de palais impérial et n’est plus réservé aux seuls bâtiments du Palatin.

Le terme connaît un succès durable, et possède au IVe siècle plusieurs sens, bien dis- tingués par Tadeusz Zadawski dans un article faisant écho à une étude de Noël Duval 75. Le

68. Duval 1987, 485. 69. Viarre 1961. 70. Brühl 1974. 71. Zawadzki 1987. 72. Frézouls 1985, p. 446. 73. Cité par Viarre 1961. 74. Millar 1977, 20. 75. Zadawski 1987 ; Duval 1961.

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 129 terme désigne alors soit, dans un sens figuré, la cour impériale, les fonctionnaires auliques et le centre du pouvoir, soit, concrètement, un édifice officiel, siège de l’empereur et de son entourage 76. Mais l’Histoire Auguste l’applique aussi au pluriel aux résidences de loisir (uillae) des empereurs, palatia d’Hadrien à Tibur (HA, Hadr., 26, 5), d’Antonin le Pieux à Lorium (HA, Anton. Pius, 1, 8), d’Alexandre Sévère aux environs de Baiae (HA, Alex. Sev., 26, 10 77). Il s’agit apparemment dans ce dernier cas d’un édifice proche des uillae mariti- mes, étudiées par Xavier Lafon 78. Pour Noël Duval, il s’agit là d’un anachronisme de la part de l’auteur de l’Histoire auguste 79. C’est l’objet même de l’article de T. Zadawski : est-ce à raison que nous appliquons le terme de palatium aux vastes uillae des empereurs tardo- antiques ? La plus célèbre de ces uillae est le « palais » que se fit construire Dioclétien à Salonae/Spalatum (actuelle Split), en Dalmatie, après avoir renoncé à l’augustat, afin d’y finir ses jours 80. Au terme de sa démonstration, T. Zadawsli distingue un troisième sens de palatium au Ive siècle, celui de vaste résidence de loisir d’un empereur, ce qui s’accorde bien avec le passage de Dion Cassius cité supra.

F. G. B. Millar va plus loin en supposant que palatium, comme basivleia en grec, est employé dans l’Antiquité tardive pour tout arrêt officiel de l’empereur 81. On trouve des palatia en des endroits plutôt reculés de l’Égypte, où les empereurs venaient rarement, à Arsinoe au IIIe siècle, à Hermopolis au IVe siècle. On connaît également un palatium à Autun, lors de la visite de Constantin en 311 (Panegyrici latini, VIII (5), 4 ; I, 3), alors que l’on n’est pas certain de l’existence d’un palais dans les résidences impériales d’Arles, de Vienne. Il convient donc d’être prudent dans l’interprétation des mentions de palatium dans les sour- ces tardo-antiques. Dans le cas précis où l’on souhaite prouver l’existence d’un palais dans une cité, la mention d’un palatium en l’absence de l’empereur est plus fiable qu’en sa pré- sence. Dans ce second cas en effet le palatium peut-être un bâtiment, parfois modeste, réaménagé pour l’occasion. Les empereurs s’installent même parfois dans un temple 82, le Serapeion d’Alexandrie pour Caracalla (Cassius Dio, XXIII, 2), un petit sanctuaire égyptien dans le cas de Dioclétien (Pap. Beatty Pan., I, 259-261). Enfin à partir de Constantin environ, comitatus en vint également à désigner le palais impérial 83.

Il convient en tout cas de bien distinguer deuxième et troisième sens de palatium. « Évidemment, même dans sa résidence de plaisir, l’empereur n’arrêtait pas totalement ses occupations de gouvernement, néanmoins le palatium-villégiature se distinguait […] du palatium-haut lieu des affaires d’État » 84. En effet le palatium-villégiature n’avait pas à com- porter les pièces officielles, salles de réception, bureaux des fonctionnaires impériaux… du palatium faisant office de centre de pouvoir. C’est particulièrement le cas des palais des retraites de Dioclétien à Split et de Galère à Gamzigrad, les mieux conservés des « palais impériaux » de l’Antiquité tardive et souvent utilisés comme parallèles en conséquence. Archéologiquement, ceci se traduit, peut-on supposer, par une absence des pièces d’appa- rat (aula palatina) et surtout des bâtiments de l’administration impériale dans les palatia de villégiature. Le palatium-villégiature se rapproche du concept de résidence impériale (lieu,

76. Zadawski 1987, 226. 77. Zadawski 1987, 227. 78. Lafon 2001. 79. Duval 1997, p. 129. 80. Wilkes 1986 et 1993. 81. Millar 1977, 40-41. 82. Arce 1997, 300. 83. Millar 1977, 43. 84. Zadawski 1987, 229.

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ville où l’empereur séjourne temporairement) ; le palatium dans son second sens est un élé- ment décisif de définition d’une capitale impériale. C’est ce second type de palatium qui m’intéressera ici et qui devrait, dans l’idéal, définir archéologiquement les capitales impé- riales tardo-antiques. N. Duval va plus loin en qualifiant de uilla tout palatium-villégiature.

Or, de manière surprenante la place accordée par Ausone aux palatia dans l’Ordo urbium nobilium est relativement restreinte. Ausone, même s’il suggère le rôle de capitale impériale de Trèves par l’expression de solium urbis, n’emploie le terme de palatium (sous sa forme adjectivale) qu’à propos de Milan :

Et Mediolani mira omnia, copia rerum, innumerae cultaeque domus, facunda uirorum ingenia et mores laeti, tum duplice muro amplificata loci species populique uoluptas, circus, et inclusi moles cuneata theatri ;

templa Palatinaeque arces opulensque moneta et regio Herculei celebris sub honore lauacri ; cunctaque marmoreis ornata peristyla signis moeniaque in ualli formam circumdata limbo. Omnia quae magnis operum uelut aemula formis excellunt nec iuncta premit uicinia Romae.

À Milan, tout est remarquable, la richesse de la ville, les maisons innombrables et luxueuses, la faconde des habitants, leur culture et leur gaieté, puis le double rempart qui amplifie l’aspect de la ville, le cirque, plaisir du peuple, et les gradins étagés d’un théâtre romain, des temples, des hauteurs impériales, une Monnaie opulente et un quartier célèbre sous le nom de bains d’Hercule ; des péristyles tous ornés de marbre et des murailles la ceinturant. Toutes ces constructions, qui rivalisent par leur grande beauté, sont magnifiques et la proximité de Rome n’est pas écrasante (Ordo, 35-45).

Je suis la traduction de Lucia Di Salvo, qui a résolu les problèmes posés par le terme inclusus, au vers 39, en montrant qu’il désignait un théâtre de type romain, entièrement construit, par opposition aux théâtres grecs, en général adossés à une pente 85. Je traduis arces par « hauteurs », son sens poétique, chez Virgile notamment, car ce sens me paraît plus probable que celui de « fortifications », puisque Ausone cite déjà à deux reprises cel- les-ci dans le chapitre (vers 37 et 43).

Cette description est la plus riche archéologiquement de tout l’Ordo ; Ausone y cite de nombreux monuments tardifs de Milan. Les commentateurs ont donc supposé en général, soit qu’Ausone avait une connaissance directe de cette ville, soit, plus vraisemblablement, qu’il la connaissait par le biais de son fils Hesperius, préfet d’Italie, d’Illyrie et d’Afrique en 377 86. Ceci expliquerait l’ordre de description des monuments de Milan, qui correspond à une visite de la ville d’est en ouest, comme l’aurait découverte un visiteur venu de Trèves. Le « doublement » de la muraille de la ville décrit par Ausone constitue en fait une simple extension de la muraille républicaine au nord-est, sans destruction de la dite muraille répu- blicaine. La superficie dans ses murs de Milan passa ainsi de 9 à 15 hectares dans l’Antiquité tardive 87. Cette enceinte est attribuée à Maximien (Auguste de 286 à 306), comme un grand nombre de monuments de la ville, sans preuves archéologiques décisives. Le cirque de la

85. Salvo 2000, 177. 86. Salvo 2000, 170. 87. Mirabella Roberti 1976.

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 131 ville, également attribué à Maximien, était accolé à la partie occidentale de la muraille. Son théâtre, daté comme cette muraille et le forum de la ville (qu’Ausone ne mentionne pas) de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère 88, se situait à proximité du cirque, dans le quart nord-est de Milan. Ausone ne mentionne pas en revanche l’amphithéâtre de Milan, le seul de Lombardie, situé hors les murs, au sud-est de la ville et daté par comparaison à celui de Vérone du début de notre ère 89. Cet oubli s’explique peut-être par le démontage dès la fin du IVe siècle de cet édifice, pour fonder l’église voisine de San Lorenzo. On a vu, à travers l’exemple de Bordeaux, qu’Ausone mentionnait rarement les édifices abandon- nés (ou passés hors les murs dans l’Antiquité tardive) dans l’Ordo. Milan comptait, comme l’indique Ausone de nombreux temples païens, même si la plupart ne sont connus que par des inscriptions 90. La seconde moitié du IVe siècle est en ce domaine une époque de mutations importantes, puisque Ambroise, le célèbre évêque de Milan, christianisa rapidement la ville en y multipliant les basiliques, sans doute au détri- ment des temples païens (Ambroise est célèbre par son prosélytisme, c’est lui qui obtint de Théodose Ier la constitution de proscription du paganisme).

La moneta comitatensis, c’est-à-dire le centre de frappe monétaire de Milan est datée de 352 (sous Constance II) ; elle est destinée à financer les rétributions des armées impériales. C’est une autre caractéristique des résidences impériales, même si des Monnaies sont con- nues dans des villes que ne fréquentèrent pas les empereurs de l’Antiquité tardive. Les fameux thermes herculéens mentionnés par Ausone sont attribués à Maximien, dont Hercule était la divinité protectrice. Ausone mentionne enfin la prospérité de Milan au IVe siècle, qui transparaît notamment par la richesse de ses demeures aristocratiques.

Ausone est en revanche très bref s’agissant du bâtiment qui m’intéresse ici au premier chef, le palais impérial de Milan. Ce palais n’est désigné qu’en passant par l’expression de palatinae arces. L’existence de ce palais est pourtant mentionnée par de nombreux auteurs du IVe siècle Ammien Marcellin, Julien, Ambroise sous les noms de palatium, regia, aula 91. Le palais fut occupé par les Huns d’Attila en 452 92. Ce palais comportait sans doute une salle de réception (aula) puisque Attila fit modifier une fresque aulique, comme nous l’apprend la Souda (Suidae lexicon, Mediovlanon, II, 345). L’existence d’un palais impérial est confir- mée par la présence de diverses épitaphes de fonctionnaires palatiaux, datées de la fin du IIIe siècle 93, un tabularius palatii (archiviste), de rang perfectissime, Atilius Crescens (CIL, V, 6182) ; un protector domesticus (garde du corps de l’empereur), Flavius Aurelius (CIL, V, 6226) en particulier.

Ce palais est en revanche à peu près inconnu archéologiquement. Sa localisation demeure très discutée 94. Trois secteurs de localisation d’un palais impérial sont en lice. Le plus probable, dans la continuité de la tradition toponymique médiévale, est localisé dans la partie sud-ouest de la ville (toponyme de San Giorgio in Palazzo, de San Alessandro, d’Olmo al Palazzo), à l’intérieur des murs, à proximité du cirque. Les différentes mosaïques mises à jour et les murs imposants dans ce secteur ne constituent pas pour N. Duval une

88. Mirabella Roberti 1984, 13. 89. Mirabella Roberti 1976. 90. Mirabella Roberti 1984, 47-48. 91. Calderini 1953, 548-557. 92. Milano 1990, 99. 93. Milan 1990, 40. 94. Duval 1997, 137-138.

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preuve décisive. S. Lusardi Siena, qui a repris le dossier dans le catalogue d’exposition Milano, capitale del impero romano 95, se rallie cependant à cette localisation. Ce palais n’est connu que par bribes : des murs imposants furent trouvés sur la place Mentana ; un édifice à plan centré rue Briza. Une nouvelle hypothèse fait des structures fouillées rue San Maria in Valle les thermes du palatium. L’édifice de la rue Brisa, anciennement considéré comme thermal, est maintenant considéré comme le secteur de représentation (l’aula palatina) du palais. Les thermes de la rue San Maria comme l’édifice de la rue Brisa ne sont pas datés par S. Lusardi Siena, ce qui diminue la portée de ses remarques. Il faudrait, pour S. Lusardi Siena, vérifier par des sondages que l’édifice de la rue Brisa constitue bien l’exè- dre d’un bâtiment courant le long du cirque, sur le modèle du quartier palatial de Constan- tinople. C’est justement cette assimilation à la situation du palais de Constantinople et la localisation du palais de Milan par rapport à son cirque (déduction qui repose sur un mythe de l’historiographie des palais impériaux) qui conduit Noël Duval à rejeter énergiquement cette hypothèse. Mais malgré ses réserves, justifiées, cet emplacement demeure le plus plausible à l’heure actuelle. La mention de l’Ordo ne permet pas de trancher ce débat.

Ausone ne semble en effet pas intéressé par les palais impériaux. Il mentionne le palais de Milan, mais pas celui, très important pour l’archéologie des palais tardo-antiques, de Trèves. Trèves est en effet la seule ville d’Occident où la présence d’un palatium impérial entraîne la conviction de tous les chercheurs. La partie conservée de ce palais, à savoir sa salle de réception, dite aula palatina, est dans un remarquable état de conservation, seul exemple de sa catégorie en Occident 96. Sa datation de l’époque constantinienne est par ailleurs bien attestée. L’aula constantinienne est installée sur plusieurs niveaux de constructions antérieures 97. Un carrefour viaire tout d’abord, bordé de chaque côté d’un bloc de maisons, occupe le secteur. Ces maisons sont rasées au Ier siècle de notre ère pour y reconstruire des habitations en grès, tandis que la rue nord-sud est rétrécie de 3,50 mètres et que l’on y creuse un canal d’écoulement des eaux à l’est. Dans la phase suivante, le réseau routier est délaissé et l’on réunit les deux blocs de maisons en une salle rectangulaire à nef unique de 15 mètres sur 3,80 mètres dont chacune des extrémités nord et sud est divisée en trois par- ties. Dans un second temps une abside est bâtie dans la pièce médiane nord. Cette salle formait pour les archéologues trévires le noyau d’un vaste palais. On peut notamment y rattacher au sud de l’édifice rectangulaire une vaste tour octogonale découverte dans les années 1910. On a proposé de voir dans ce palais la résidence du procurateur de Belgique et des Germanies 98.

En 275-276, ce palais pré-constantinien fut, d’après la tradition historiographique, ravagé par les Alamans. Les chantiers de fouilles des années 1997 à 2002 et les sondages stratifiés antérieurs n’ont cependant pas mis au jour les traces de destruction et les couches d’incen- die en général attribuées au IIIe siècle et plus particulièrement à l’invasion alamane de 275 99. On ne reconstruisit par la suite à l’emplacement du palais pré-constantinien que quelques appartements provisoires 100. Constantin Ier les fit raser pour y bâtir l’aula palatina, qui suit l’axe du palais antérieur. Il s’agit d’une basilique très haute et de grandes dimensions (28 mètres sur 68 mètres environ). Cette basilique possède un système perfectionné de chauffage

95. Milan 1990, 99. 96. Milano 1990, 203. 97. Reusch 1955, 128. 98. Reusch 1955, 128. 99. Kuhnen 2004, 66. 100. Reusch 1955, 129.

Schedae, 2007, prépublication n°8, (fascicule n°1, p. 107-140). 133 et plusieurs autres détails architecturaux prouvent l’habileté de l’architecte : par exemple les fenêtres supérieures de l’abside sont percées 1,20 mètre plus bas que celles des murs latéraux et deviennent de plus en plus étroites et petites à mesure qu’elles approchent du centre, ce qui accroît l’impression d’immensité de la pièce 101.

C’est sans doute à cette basilique que songeait le panégyriste anonyme de Constantin qui s’écria en 310 :

[…] sicuti uideo hanc fortunissimam ciuitatem cuius natalis dies tua pietate celebratur, ita cunctis moenibus resurgentem ut se quodammodo gaudeat olim conruisse, auctior tuis facta beneficiis. Video circum maximum aemulum, credo, Romano, uideo basilicas et forum, opera regia sedemque iustitiae in tantam altitudinem suscitari […].

Ainsi je vois ici la plus fortunée des cités, cité dont ta piété célèbre aujourd’hui le jour anniver- saire, se relever dans ses murailles, si bien qu’elle se réjouit presque qu’elles soient autrefois tombées, puisque tes largesses les agrandissent. Je vois un grand cirque, l’égal, je crois, de celui de Rome, je vois des basiliques et un forum, des ouvrages royaux et un siège de justice s’élever à une telle hauteur […] (Panegyrici latini, VII (6), XXII, 4-5).

Ce sedes iustitiae (autre emploi de sedes, qui est aussi le trône de justice) est l’aula palatina pour Antonio Frova 102. Opera regia est plus difficile à traduire, je suis Édouard Galletier qui comprend ces termes comme une postposition renvoyant à basilicas et forum.

Les progrès récents de l’archéologie trévire ont amené de nouvelles évolutions de nos connaissances sur le palais impérial. P. H. Kuhnen indique qu’au IIIe siècle les zones péri- phériques de Trèves demeurent occupées et qu’en particulier un quartier au nord-ouest de la ville, dans un ancien bras de la Moselle, fut remblayés au IIIe siècle sur une surface d’au moins 10-12 hectares, afin de gagner du terrain à bâtir dans l’enceinte urbaine 103. Vu la masse très importante (environ 100 000 m2) qui fut nécessaire, les archéologues trévires ont mis en relation ces terrassements avec l’installation du palais constantinien de Trèves. Le fouilleur du bras mort de la Moselle recule un peu les datations traditionnelles puisqu’il considère que c’est la chute de l’empire gaulois qui entraîna ces opérations.

Trèves fut en effet la capitale de Tetricus, dernier empereur de cet empire, de nombreux notables trévires se virent donc probablement impliqués dans les sanctions qui suivirent la chute de cet imperium. Quand Aurélien, vainqueur des usurpateurs gaulois, confisqua les biens de ces notables en 274, cela dégagea vraisemblablement une surface foncière impor- tante en centre-ville, qui permit la construction des thermes impériaux comme de l’aula pala- tina. Les déblais des anciennes demeures des notables furent employés pour remblayer le bras mort de la Moselle cité supra.

De fait des vestiges d’anciennes domus aristocratiques ont été découverts sous la cathé- drale, la basilique, les horrea de la fin du IIIe siècle (fouilles du cloître Saint Irmine) aussi bien que dans la partie occidentale des thermes impériaux. La première basilique sous l’aula palatina devient dans cette hypothèse le palais des tétrarques, bâti sous Maximien ou Constance Chlore 104 ; la seconde conserve sa datation constantinienne. Ces nouvelles décou- vertes autorisent des parallèles avec Milan, où beaucoup de constructions sont attribuées

101. Reusch 1955, 130. 102. Milano 1990, 203. 103. Kuhnen 2004, 69. 104. Kuhnen 2004, 69.

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à Maximien, dont la rage bâtisseuse, pour Mario Mirabella-Roberti, ne fut pas moindre que celle de Dioclétien 105.

Enfin le passage cité du Panégyrique VII laisse entendre que Constantin reconstruisit le forum de Trèves et ses basiliques. Le forum et le palais impérial se situaient dans des quar- tiers bien distincts de la ville antique, le forum en centre ville, le palais au nord-est de Trè- ves, à proximité du cirque de la ville. Le forum de Trèves présente un plan assez connu en Gaule du Nord, il s’agit d’un forum tripartite, constitué à l’ouest d’une cour entourée de cryptoportiques (comme à Bavai, Reims, Arles) et de portiques. La partie orientale du forum est mal connue, c’est sans doute là que se trouvait la basilique mentionnée par le panégy- riste de 310, comme à Bavai 106. Les fouilles de ce forum sont anciennes et on connaît mal sa date de construction. Les archéologues trévires considèrent désormais que le forum dut être mis en place dans la seconde moitié du Ier siècle, mais datent les cryptoportiques, par leur technique de construction, du IIe siècle. De nouvelles fouilles dans la partie orientale du forum depuis les années 1970 ont par ailleurs mis au jour une petite pièce à abside, datée du IVe siècle par ses inventeurs 107. Il s’agit peut-être des basiliques reconstruites par Cons- tantin et décrites par le panégyriste anonyme de 310. Il n’y a donc pas de contradiction dans l’esprit de cet auteur entre les institutions civiques et la présence de l’empereur et de son palais dans une ville. Ceci contredit le caractère despotique et la fin des libertés civiques qu’on a trop longtemps attribués à l’Antiquité tardive. Il est en tout cas surprenant qu’Ausone ne mentionne dans l’Ordo ni ce forum monumental, ni le palais impérial de Trèves.

Ausone ne mentionne pas non plus le palais impérial d’Arles, mais c’est moins surpre- nant car, d’après les hypothèses les plus récentes des archéologues arlésiens, celui-ci pourrait ne dater que du Ve siècle de notre ère, date à laquelle Arles devint véritablement résidence impériale. Une des avancées les plus intéressantes de la thèse de Marc Heijmans est qu’il a identifié, au sud du « palais de la Trouille » (en réalité de vastes thermes), emplacement tradi- tionnel du palais impérial d’Arles, un bâtiment tardif, de plan basilical, partiellement conservé dans les murs d’un hôtel actuel, qui pourrait correspondre à une aula palatina, semblable à celle de Trèves, quoique de dimensions inférieures. Marc Heijmans attribue sa construc- tion à Constance III 108. Ausone ne mentionne pas non plus le palais impérial longtemps supposé à Vienne, mais c’est sans doute à raison, car les quelques sources littéraires qui le mentionnent sont discutables et les preuves archéologiques de sa présence inexistantes.

Dans l’ensemble, cependant, Ausone accorde une faible place aux palatia tardifs dans l’Ordo. La présence des empereurs et de leurs palais ne semble pas constituer un facteur décisif de dignité urbaine pour Ausone. Ausone n’a pas intégré en ce domaine les réalités de son temps. Ceci est d’autant plus surprenant que, comme je l’ai dit, la présence des empereurs n’est pas contradictoire avec le maintien des libertés civiques. Bien au contraire elle entraîne en général un important dynamisme économique et surtout les empereurs financent à grands frais, outre leurs palais, de nombreux bâtiments publics dans les villes où ils résident. Ausone ne mentionne que les constructions de Maximien à Milan, mais j’ai signalé le forum de Trèves, j’aurais pu citer également celui d’Arles, également reconstruit par Cons- tantin, comme nous l’apprend une inscription lacunaire restituée par Marc Heijmans 109.

105. Mirabella-Roberti 1973, 159 sq. 106. Wightman 1970, 78. 107. Trier Kaiserresidenz 1984, 87. 108. Heijmans 2004, 192-194. 109. Heijmans 2004, 214-215.

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Conclusion Ceci m’amène à ma conclusion. Quelle valeur historique accorder à l’Ordo urbium nobilium ? Quelle que soit l’approche adoptée, approche historique (par l’étude des séjours impériaux dans les villes de l’empire) ou approche archéologique, force est de constater que l’Ordo ne reflète qu’imparfaitement les réalités de son temps et que le classement qu’il établit est largement discutable. L’Ordo ne doit cependant pas être totalement négligé. Il comporte des usages rares du vocabulaire de la centralité politique, de riches descriptions de Trèves, de Milan, de Bordeaux, de Narbonne. Ausone a une bonne connaissance des évolutions administratives de son temps, une conscience relativement claire des différences de taille des principales villes de l’empire. Il faut rappeler, une fois encore, que l’Ordo est avant tout un texte poétique, et une œuvre personnelle plus que de circonstances. C’est avant tout selon son bon plaisir qu’Ausone classe et décrit les villes de l’empire et ce sont ses silen- ces plus que les longues descriptions qu’il choisit de consacrer à Bordeaux, Narbonne, Milan (et que confirment pour l’essentiel tant nos sources historiques que l’archéologie) qui sont discutables.

Comment expliquer ces silences, la faible place consacrée à Rome, aux villes d’Orient, la pauvreté de la description de Trèves ? S’agissant des villes d’Orient, on peut penser qu’Ausone, tout simplement, en avait une connaissance bien lointaine. Les chapitres qu’il leur consacre sont les plus convenus de l’Ordo, marqués par quelques lieux communs (les foules agitées d’Antioche et d’Alexandrie…) et par de nombreux développements historico- mythologiques masquant la pauvreté des descriptions. En ce qui concerne Rome, Ausone a apparemment reculé, comme cela a été mon cas, devant l’ampleur de la tâche, tant Rome, quoiqu’elle perde de sa centralité politique dans l’Antiquité tardive, demeure dotée d’une multitude de bâtiments remarquables, que continuent à entretenir les empereurs tardifs. C’est finalement la brièveté de la notice consacrée à Trèves qui surprend le plus, puisque Ausone en avait certainement une excellente connaissance, et alors qu’il annonce au début de son chapitre sur cette ville vouloir effectuer l’éloge longtemps promis de la capitale de l’Occident au IVe siècle. L’Ordo fut finalement sur ce point plutôt précurseur, puisqu’en dehors de l’usur- pateur Eugène, plus aucun empereur ne résida à Trèves après Gratien et son rival Maxime.

Les silences d’Ausone sont également révélateurs d’une mentalité commune à la plu- part des auteurs tardo-antiques. La littérature, qui se nourrit des lieux de la rhétorique, est en effet particulièrement conservatrice. Elle renchérit ainsi sur la mentalité de vieux Romain qu’adopte naturellement un aristocrate comme Ausone. Nos sources tardo-antiques mino- rent en conséquence fréquemment l’importance des mutations urbaines dans l’Antiquité tardive et l’importance politique prise par certaines résidences impériales. Il s’agit, mais pas toujours, d’un attachement à la vieille capitale de Rome, patent dans le De reditu suo de Rutilius Namatianus, mais aussi d’un certain refus de la nouveauté. L’auteur anonyme de l’Histoire Auguste par exemple ne marque que dédain pour les résidences impériales 110, Ravenne exclue, car cette ville ne devint résidence impériale qu’à partir de 404, après la rédaction de son œuvre. De même Ausone, dans le poème déjà cité, dit d’Aquilée, comme pour s’excuser : Non erat iste locus : merito tamen aucta recenti/Nona inter claras cieberis urbes (Ordo, 64-65), « Ce n’était pas ici ta place : mais puisqu’une gloire récente t’a grandie, je t’appellerai la neuvième parmi les villes illustres, Aquilée ».

110. Johne 1979.

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Ce décalage est en un sens l’apport le plus précieux d’Ausone, puisqu’il nous incite à ne pas nous reposer sur nos sources littéraires, mais à les confronter autant que possible aux résultats de l’archéologie si nous souhaitons mieux comprendre les réalités des évolutions urbaines de la fin de l’Antiquité. Réalités littéraires et réalités matérielles interagissent, comme le montrent les divers retours de l’idée romaine au cours du IVe (Népotien) puis du Ve siècle (Honorius, Attale, Valentinien III). Ausone en est un témoin important car jamais, sans doute, n’aurait-il eu l’idée étrange de classer les principales villes de l’empire si ne s’étaient pro- duites, durant son siècle, des évolutions majeures de la centralité politique.

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