ÁLVAREZ-MON, Javier ; Mark B. GARRISON ; (eds), and Persia, Winona Lake : Eisenbraus, 2011, 493 p., nombreuses ill. noir et blanc, pas d’index. ISBN 978-1-57506-166-5. L’origine de ce livre, qui accorde à l’Élam la première place dans l’émergence de l’empire achéménide, mérite quelques explications. Les deux éditeurs sont de ceux qui s’interrogent depuis longtemps sur les origines de la Perse achéménide et qui plus particulièrement enquêtent sur l’héritage probable reçu de la culture néo- élamite précédente ; cette dernière recouvrait plusieurs royaumes de l’ancien Élam, la plaine du Khuzistan avec Suse et les montagnes du Fars avec Tall-i Malyan, près de Persépolis, l’ancienne capitale d’Élam alors curieusement désertée au Ier millénaire. Le sud-ouest de l’, la zone des montagnes en parti- culier, est le territoire d’origine des Perses, mais de leur histoire au VIIe et dans la première moitié du VIe siècle, avant Cyrus vers 560, nous ne savons presque rien par l’archéologie, et les sources textuelles, toutes extérieures aux Perses alors sans écriture, sont apparemment contradictoires. Puis est venu la découverte fortuite d’une tombe à Arjan, près de Behbahhan, en 1982, dans la zone intermédiaire entre plaines et montagnes. Dans cette tombe en fosse contenant un sarcophage « baignoire » en bronze, le riche mobilier comprenait en particulier une coupe en bronze entièrement décorée, au début comparée aux « bols phéniciens », un gros anneau ou bracelet en or décoré de deux griffons dressés affrontés, d’autres objets en bronze et des bijoux, et des restes de textiles. Cette tombe a démontré l’exis- tence d’une élite locale en contact avec les pays voisins, la Babylonie, l’Assyrie et au-delà. Des traits néo-élamites étaient évidents ainsi que des éléments annonçant l’art achéménide. Parmi l’abondante bibliographie à laquelle le contenu de cette tombe a donné lieu, on retient plusieurs articles de J. Álvarez-Mon, l’un des éditeurs du volume et une monographie de celui-ci, The Arjan Tomb (Louvain : Peeters, 2010. Acta Iranica, 49). Historiens d’art avant tout, les deux éditeurs ont organisé deux sessions spéciales de l’American School of Oriental Research à Philadelphie en 2003 avec des archéologues et un historien. Pour compléter la présentation du thème dans un livre, ils ont invité ensuite six autres chercheurs, archéologues et surtout épigra- phistes à donner une contribution. Ce livre en est le résultat, publié tardivement certes, mais dont plusieurs contributions ont été partiellement actualisées. On notera l’absence de trois des Français (un quatrième F. Vallat donne une contri- bution dans ce volume) qui s’étaient interrogés sur l’ « ethnogenèse des Perses » quelques années auparavant. L’expression est de P. de Miroschedji (« La fin du royaume d’Anšan et de Suse et la naissance de l’empire perse », Zeitschrift für Assyriologie 75, 1985) ; à la même époque, P. Briant publiait « La Perse avant l’empire (un état des questions) » (Iranica Antiqua 19, 1984). Auparavant, P. Amiet, « La glyptique de la fin de l’Élam » (Arts Asiatiques 28, 1973) avait le premier constaté la renaissance de l’Élam après le sac de Suse par l’Assyrien Assurbanipal en 646 qui n’avait rien de définitif, sinon dans sa déclaration, et avait finement observé « qu’on peut aussi bien la considérer [la glyptique de Suse dans le dernier siècle néo-élamite] comme l’ultime manifestation de la civilisation élamite que comme la première manifestation de l’art perse ». Comme le reconnaissent les éditeurs, par cet article, dès 1973, les ingrédients étaient donnés pour lancer le débat.

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Enfin, le retour de l’Élam comme origine majeure de l’émergence des Perses a été favorisé par la réévaluation fondamentale du prétendu empire mède, concept hérité d’Hérodote. Un livre collectif marquant publié en 2003 – ce n’est pas une coïncidence – a montré que l’entité politique unique d’un empire mède n’avait guère de fondement (G. B. Lanfranchi, R. Rollinger, M. Roaf (eds.), Continuity of Empire(?), Assyria, , Persia, Padova, 2003 ; voir Topoi 15/2, 2007, p. 531- 539). « Persia is the heir of Elam, not of Media », écrit catégoriquement G. Liverani dans ce volume (p. 10). Ce constat, maintenant très largement accepté, explique le titre sobre du présent livre qui résume parfaitement son objectif : « Elam and Persia ». Ce retour de l’Élam récent comme l’origine majeure de la Perse donnait lieu par ailleurs à un petit ouvrage collectif Birth of the Persian Empire, édité par V. Sarkhosh Curtis et S. Stewart (Londres, 2005). Tel était l’état de la recherche au moment de la réunion de 2003. Les données sont clairement exposées dans l’excellente « Introduction » des éditeurs que cosigne également D. Stronach qui s’est intéressé à ces questions depuis ses travaux à Pasargades, centre du pouvoir créé de toutes pièces par Cyrus. Cette introduction, qui rend hommage aux prédécesseurs français mentionnés, et surtout à P. Amiet, est à lire impérativement avant tout autre contribution. En 32 pages, avec la bibliographie nécessaire, cette introduction est peut-être la plus importante contribution de ce volume pour comprendre son objet et son but. Sont clairement exposées en paragraphes successifs avec sous-titres, toutes les séries de données disponibles, les documents de Suse, découverts dans des conditions archéolo- giques déplorables – les auteurs le disent mais sont assez indulgents à l’égard des premiers fouilleurs français –, la série de tablettes néo-élamites dites de l’Acropole à Suse, datées maintenant de la première moitié du 6e siècle, voire aussi tard que 560-520 selon une hypothèse de Garrison, et celles dites de l’Apadana, de la même époque ; toutes deux comportent de nombreux anthropo- nymes iraniens ; les textes assyro-babyloniens ; les bas-reliefs assyriens du VIIe siècle ; le fameux sceau de « Kuraš l’Anzanite (ou d’Anšan) fils de Šešpeš » (est-il le même que le Kuraš de Parsumaš qui envoie un tribut et son fils à Assurbanipal en signe de soumission et/ou un ancêtre de Cyrus, mais lequel et à quelle époque ?) trouvé sur plusieurs empreintes des tablettes des Fortifications de Persépolis ; la question de la disparition d’Anšan ; les derniers bas-reliefs rupestres néo-élamites ; les rares inscriptions qui apparaissent sur certains d’entre eux ; la tombe d’Arjan, et, en regard, les bas-reliefs et les inscriptions royales achéménides, les textes des tablettes des Fortifications de Persépolis, de l’époque de Darius ; les empreintes de sceaux sur des centaines de ces tablettes et sur d’autres qui sont anépigraphes. Au total, un magnifique « état de l’art », rassem- blant un matériel considérable, mais d’origines et de natures très diverses, que les auteurs de l’introduction connaissent bien, mais dont l’exploitation demandait le concours d’autres spécialistes. La répartition des articles en trois parties : « Archaeology » – deux articles, « Texts » – six articles, « Images » – six articles, reflète sans doute un choix des éditeurs, mais aussi l’état des connaissances, dans lesquelles l’archéologie reste très en retrait. À noter cependant que la découverte en 2007 d’une nouvelle tombe d’un membre de l’élite près de Ram Hormuz à 100 km à l’ouest d’Arjan (inédite C O M P T E S R E N D U S 307 en Occident), datée entre 585 et 539 avant J.-C . selon une brochure publiée en persan, avec un mobilier incroyablement riche en bijoux d’or, renforce l’impor- tance des zones intermédiaires entre plaines et montagnes au cours de cette période cruciale des VIIe et début VIe siècle. L’article, très bref, de D. T. Potts (p. 35-43), « A Note on the Limits of Anšan » plaide pour un Anšan achéménide qui ne serait pas le pays mais la ville, ancienne capitale élamite, celle dont aurait été originaire Cyrus, mais délaissée par Darius, issue d’une autre lignée. Dans cette hypothèse, on s’explique encore plus difficilement l’absence sur le site de témoins archéologiques de l’époque néo-élamite et de celle de Cyrus. E. Carter, « Landscapes of Death in Susiana During the Last Half of the 2nd Millennium B.C. » (p. 45-58), est un panorama des pratiques funéraires élamites de cette époque, avec un architecture monumentale variée et l’attestation de temples hypogées royaux, qui se veulent fédératifs entre les deux zones géogra- phiques. On ne voit pas clairement le rapport de cet article avec le thème de l’ouvrage. L’article de G. P. Basello, « Elamite as Administrative Language : From Susa to Persepolis » (p. 61-88), un condensé de sa thèse, compare les formules admini- stratives de la fin de l’époque néo-élamite qu’illustrent les tablettes de l’Acropole avec celle de la chancellerie de Persépolis. Les parallèles sont évidents, et d’abord l’emploi de la langue élamite, transformée en élamite-achéménide, même si les secondes montrent de nouvelles formulations et une nouvelle terminologie adaptées au contexte politique et économique de l’empire. W. M. F. Henkelman (« Parnakka’s Feast šip in Pārsa and Elam », p. 89-167) est l’un des acteurs majeurs de la publication des milliers de tablettes inédites de Persépolis conservées à Chicago. Il avait consacré sa thèse à partir de celles-ci (The Other Gods Who Are. Studies in Elamite-Iranian Acculturation, Leiden, 2008, Achaemenid History XIV) aux religions (pluriel) autour de Persépolis ; les rites élamites et d’autres, iraniens et perses, ou indéterminés, sont attestés à l’époque achéménide et souvent soutenus par le pouvoir royal. Les pratiques peuvent être déjà communes aux populations, élamite, iranienne, perse. Henkelman souligne ici, dans un article très fouillé, l’importance du šip, un terme élamite, festivité donnée en l’honneur d’un dieu, attestée par plusieurs tablettes de Persépolis, dont six sont inédites, pointant ainsi le potentiel de ces textes difficiles dont des milliers restent à éditer et à étudier. E .Quintana (« Elamitas Frente a Persas : el reino Independiente de Anšan », p. 167-190) cherche à définir Anšan par rapport à Élam dans la première moitié du Ier millénaire, en faisant appel à la documentation mésopotamienne contempo- raine mais aussi plus ancienne (IIe millénaire principalement). Peut-on extrapoler la situation à l’époque pré-achémenide à partir de celle des siècles antérieurs ? À propos du fameux sceau de Kuraš, il adopte une position très originale qui ne paraît pas partagée par ses collègues : ce sceau ne serait pas une antiquité à l’époque de Darius, mais une création contemporaine de celui-ci par un particulier. 308 C O M P T E S R E N D U S StIr 43, 2014

L’article très savant de J. Tavernier, « Iranians in Neo-Elamite Texts » (p. 191- 261), est une petite monographie qui fait suite à son livre, Iranica in the Achaemenid Period (ca. 530-330 B.C.). Linguistic Study of Old Iranian Proper Names and Loanwords in Non-Iranian Texts (Louvain, 2007). Dans celui-ci, il avait minutieusement repéré les anthroponymes iraniens dans les textes en néo- élamite des deux corpus de Suse, les tablettes dites de l’Acropole, qui sont des documents économiques, des transactions entre individus, fourniture de marchandises, textiles, outils, métaux, armes, etc. (vers 590-555 avant J.-C.) et celles de l’Apadana, qui sont des documents légaux, sans doute contemporains des premiers ou un peu plus récents. Il donne ici l’ensemble des Iranica dans ces textes, et dans d’autres dont les inscriptions sur des vases en métal de Kalmakareh, grotte des montagnes du Luristan ou furent trouvés — et largement pillés — des dizaines de vases rassemblés par une dynastie de princes locaux au VIe siècle. Sont recensés et analysés anthroponymes iraniens directement transcrits en élamite, ceux qui sont élamitisés, toponymes, oronymes, etc., et emprunts. Les Iraniens mentionnés appartiennent à différents échelons de la société, ils sont indépendants ou subordonnés à des personnages non-Iraniens ; il en est de même des personnages locaux de la Suse élamite. L’intensité des contacts, ici économiques, illustre bien l’acculturation élamite-iranienne, parfaite- ment dans la thématique du livre. F. Vallat (« Darius, l’héritier légitime et les premiers Achéménides », p. 263- 284) s’est fait depuis une quinzaine d’années le défenseur acharné de la légitimité de Darius, dont Hérodote narre la prise de pouvoir en 522 contre le frère de Cambyse ou un usurpateur se faisant passer pour celui-ci. Le fondement de son argumentation est l’interprétation d’un paragraphe de la grande inscription de Bisutun, ainsi que du bas-relief lui-même. Il précise ici des arguments déjà exposés dans Topoi Supplément 1, 1999, p. 423-434. M. Waters (« Parsumaš, Anšan, and Cyrus », p. 285-296) est dans une ligne plus commune, celle de deux dynasties perses régnant sur des territoires différents dans le sud-ouest de l’Iran, réunis au cours du VIIe siècle, peut être par Cyrus, grand-père de Cyrus II, le fondateur de l’empire. J. Álvarez-Mon (« The Golden Griffin from Arjan », p. 299-373) propose une étude très fouillée de l’un des plus importants objets de la tombe d’Arjan, l’anneau ou bracelet ou pendentif, portant à chacune des extrémités très aplaties deux griffons affrontés. J. A-M. a repéré au Louvre quelques rares objets de cette forme trouvés à Suse élamite. Par son étude iconographique très minutieuse, il renvoie à ce même milieu élamite mais aussi à celui de l’Assyrie et montre que cette iconographie annonce la représentation de monstres combattus par le roi sur les jambages de portes de Persépolis. On trouvera par ailleurs dans son livre The Arjān Tomb les arguments pour dater la tombe et les inscriptions qu’elles contenaient du milieu VIe siècle mais pour dater la tombe elle-même de la collection d’objets d’un demi siècle antérieur. M. Garrison (« The Seal of “Kuraš the Anzanite, Son of Šešpeš” (Teispes), PF. 93* : Susa – Anšan –Persepolis », p. 375-405) offre des conclusions neuves pour ce sceau exceptionnel, connu par plusieurs empreintes sur des tablettes de Persépolis, montrant un cavalier armé d’une lance vainquant des ennemis. C O M P T E S R E N D U S 309

Laissant de côté la question de l’inscription qui a fait couler beaucoup d’encre, Garrison démontre finement que le style s’inscrit dans un contexte, non pas néo- élamite, mais assyrien (époque d’Assourbanipal), de même que quelques autres sceaux, dont l’un illustrant un cavalier chassant des animaux avec une lance. L’autre conclusion de M. G. est que ce style, n’est pas une production de la plaine de Suse, mais, antérieure à la glyptique de la fin de l’Élam (VIe siècle), celle d’un état renaissant d’Anšan (montagnes du Fars) de la dynastie des Teispides, ce que confirme l’inscription, dans la seconde moitié du VIIe siècle. Y. Hassanzadeh et H. Mollahsalehi (« New Evidence for Mannean Art : An Assessment on Three Glazed Tiles from Qalaichi (Izirtu) », p. 407-417) reconnaissent l’influence assyrienne dans ces grosses briques cuites à une face décorée de monstres, provenant d’un site d’Azerbaijan, proche de l’Assyrie ; Qalaichi a été gravement pillé dans les années soixante-dix et quatre-vingts, puis fouillé peu après jusqu’à ces dernières années. Cet art du royaume de Manna à la fin du VIIIe et au VIIe siècle est, comme d’autres au bord de la Mésopotamie, un produit de traditions locales qu’influence l’art assyrien. Mais on s’éloigne ici de la question des Perses du sud-ouest de l’Iran. M. C. Root (« Elam in the Imperial Imagination : From Nineveh to Perse- polis », p. 419-474) prend des exemples dans les bas-reliefs de Persépolis pour montrer comment Darius a voulu donner une image reconstruite des Élamites, et non pas les représenter comme le faisaient les Assyriens. Les deux termes perse et élamite ne peuvent être réduits à deux entités distinctes, mais elles se recouvrent partiellement, comme l’ont montré plusieurs des études de ce livre. D. Stronach (« Court Dress and Riding Dress at Persepolis : New Approaches to Old Questions », p. 475-487) distingue les deux costumes des « Mèdes » et des « Perses » sur les reliefs de Persépolis comme des tenues différentes, mais non comme la marque de deux peuples. La tenue de cour, robe longue et aux manches longues, est la tradition élamite et se porte probablement encore au moment où Darius conçoit Persépolis ; la seconde tenue, courte, est celle des cavaliers. Rien n’empêche alors de reconnaître des Perses (la garde royale ?), et non des Elamites, dans les archers aux longues robes au décor multicolore, des frises de briques à glaçure de Suse. Le « Postscript » des éditeurs, p. 489-493, ne se satisfait d’avoir redonné la première place à l’Élam dans l’héritage perse ; il reconnaît que ce livre vient compliquer encore les choses, en prenant deux exemples, Anšan et Cyrus. Anšan capitale mystérieusement disparue d’un territoire d’Anšan où vivaient des Perses, résultat de l’acculturation élamo-iranienne, acculturation linguistique (voir les tablettes et les inscriptions royales), Persépolis le démontre, sociale et écono- mique, et sans doute politique si l’on veut bien accepter l’idée d’un royaume « perse » déjà solidement établi avant Cyrus. Mais on ne peut réduire le phéno- mène à un mélange ethnique à deux composantes (par ex. des Babyloniens étaient présents à Suse et probablement dans les montagnes). Cyrus, sa famille et le pouvoir de celle-ci, est également un problème : est-il mède (par sa mère), perse, achéménide, anšanite depuis des générations (« roi d’Anšan » dans le cylindre de Babylone) et/ou élamite ? Après Cyrus, Darius, descendant d’une lignée de rois depuis Achemenès, ne fait aucune allusion à Cyrus et ne s’intitule plus « roi 310 C O M P T E S R E N D U S StIr 43, 2014 d’Anšan ». Cet héritage est passé sous silence, comme semblent l’être les Élamites sur les reliefs de Persépolis, tandis que la langue de ceux-ci est l’une de celle de l’inscription de Bisutun et la langue des archives de Persépolis, même si beaucoup de textes étaient sur parchemin et devaient être en araméen. Des pistes nouvelles sont ouvertes, des hypothèses sont renouvelées par les travaux récents et avant tout par ce livre, qui, avant même d’être publié, a donné lieu à beaucoup d’articles, la plupart de ceux-ci par des contributeurs à Elam and Persia, certainement à marquer d’une pierre blanche.

Rémy BOUCHARLAT (CNRS, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon)

PIEMONTESE, Angelo Michele, La Persia istoriata in Roma, (Studi e Testi, 480), Città del Vaticano : Biblioteca Apostolica Vaticana, 2014, 466 p. ISBN 978- 88-210-0910-5. Cette nouvelle et magistrale publication du Professeur Angelo Michele Piemontese constitue comme la synthèse d’une carrière scientifique consacrée en partie à l’exploration des matériaux de la Perse antique dans l’héritage culturel romain antique, médiéval et moderne. L’A. effectue une sorte d’inventaire extrêmement précis et très documenté de la mémoire romaine sur la Perse à travers sites archéologiques, églises, pierres tombales, peintures, manuscrits illustrés, palais, mais aussi les pièces de théâtre et les drames musicaux profanes ou sacrés au cours des siècles. Le livre est subdivisé chronologiquement en trois sections : une première est dévolue aux traces laissées par les Perses dans la Rome antique (3 chapitres, p. 9-56), une seconde à la présence de saints perses à Rome (4 chapitres, p. 57-140) à partir du IIIe siècle, une troisième enfin, de loin la plus conséquente, aux indices relatifs à des souverains de Perse dans le paysage urbain (9 chapitres de longueur inégale avec une brève conclusion, p. 141-323). La première partie comporte plusieurs pages sur la tradition des mages évangé- liques (p. 41-56) où l’A. rappelle les traditions qui se développèrent autour de l’évangile matthéen, rédigé quelques années après l’ambassade des mages accom- pagnant Tiridate d’Arménie lors de son investiture par Néron à Rome vers 66 de notre ère (Dion Cassius, Histoire romaine LIII, 1-7 ; Suétone, Néron 13, et Pline, Histoire naturelle XXX, 16). La première représentation de l’adoration des mages fut gravée sur un sarcophage de la chapelle des Grecs du cimetière de Priscille vers le milieu du IIIe siècle ; plusieurs motifs d’épiphanies sont répertoriés pour le IVe siècle, essentiellement sur des sarcophages ou des stucs. Les déploiements littéraires relatant une rencontre de l’apôtre Thomas avec les mages évangéliques ne sont abordés que dans le prisme d’un commentaire de Pirimalo, une tragédie de Gino Angelo Capponi (1623) : c’est pourquoi les références à La Révélation des mages insérée dans la Chronique de Zuqnin ou à l’Opus imperfectum in C O M P T E S R E N D U S 311

Matthaeum (Homélie II, 2, 2) ne font pas l’objet de développements. On pourrait mentionner l’étude d’A. Panaino, I Magi evangelici. Storia e simbologia tra Oriente e Occidente, publié à Ravenna en 2004. Dans la seconde partie l’A. s’intéresse aux saints exécutés à Rome après un périple depuis la Perse, tels les satrapes Abdon et Sennen ensevelis au cimentière de Pontien (p. 57-77). J’ajoute que leur biographie circulait au IXe siècle et que l’abbé Arnulf de l’abbaye d’Arles-sur-Tech au sud-ouest de Perpignan obtint du Pape leurs reliques en 960, ce qui contribua à la diffusion de leur culte dans le sud de la France. La mémoire de la petite famille de Mari, Martha et leurs enfants Audifax et Habacuq (p. 77-101), mis à morts lors d’un pèlerinage à Rome en 270 sous Claude II le Goth, est consignée dans les martyrologes de Jérôme, d’Adon, d’Usuard, et dans le martyrologe romain (ASS Jan. II, Paris-Rome, 1866, p. 578- 582). Les Actes de leur Passion disent explicitement leur origine perse ; l’A. s’intéresse à l’étymologie des anthroponymes et recense les plus anciennes traces de ce culte paléochrétien, non loin de la via Cornelia, mais aussi les figurations de la passion de ces martyrs comme par exemple sur une fresque d’une église du Trastévère. Corriger p. 78 : le martyre de Martha fille de Phusic [Pusiy] ne se situe pas sous Khusro Ier mais sous Šābuhr II au IVe siècle ; Pusiy n’est pas évêque mais laïc, chef des artisans du roi à Karkā d-Ledān (BHO 993 et 698 pour Martha). Il faut souligner le rôle des moines et des clercs orientaux dans la diffusion des passions de ces martyrs perses en monde latin : des Ciliciens par exemple furent à l’origine de l’expansion du culte d’Anastase le Perse (p. 102- 115), martyrisé en 628 à Séleucie-Ctésiphon (la capitale de l’empire sassanide) et dont la relique du crâne arrive à Rome vers 650 dans leur monastère romain des Aquae salviae (Tre-Fontane), après avoir été vénérée en Perse, puis en Palestine. Son culte devait se répandre en Europe puisque le saint était honoré à Aix-la- Chapelle à l’époque de Charlemagne. C’est durant cette même période qu’est traduite en latin la vie de saint Anastase, sur base d’un manuscrit grec apporté depuis Jérusalem. La dernière section répertorie avec beaucoup de rigueur les motifs des souve- rains et grands personnages orientaux représentés à Rome – à partir de sources classiques ou de textes bibliques. L’A. rappelle la présence de la Sybille perse dans le paysage romain ; la plus ancienne représentation est peut-être l’une des trois statues que fit ériger sur le forum le cinquième roi légendaire de Rome Tarquin l’Ancien (616-579 av. J.-C.), et que Pline dans son Histoire Naturelle assimile aux sybilles (HN 34, 22). Maints autres exemples sont finement détaillés jusqu’au XVIIe siècle où dans l’église S. Silvestro in Capite le sculpteur G. Gramignoli (1663) la représenta, avec trois autres sybilles, comme une évoca- tion de saint Jean le baptiste annonciateur de la venue du Christ (p. 144-161). Le conflit séculaire entre la Rome impériale et la Parthie arsacide, et par la suite avec la Perse sassanide, devait inspirer le thème du baptême du roi de Perse que l’on retrouve aussi bien dans l’art figuratif de la Renaissance que dans les œuvres dramaturgiques de la littérature italienne. L’implication des apôtres Simon le zélote et Jude de Jacques, donnés comme évangélisateurs et martyrs en Perside d’après les synaxaires et martyrologes latins comme celui de Baronius, et le 312 C O M P T E S R E N D U S StIr 43, 2014 succès de leur prédication auprès des Perses lors de controverses (notamment dans le texte du Pseudo-Abdias du VIe s.) expliquent la représentation du baptême d’un souverain perse par ces apôtres (p. 246-266). Le motif hagiographique de la conversion d’un prince perse est particulièrement présent dans l’hagiographie syro-orientale sous la dynastie sassanide. Cette littérature a inspiré par la suite certains récits légendaires comme celui de la conversion au christianisme du roi sassanide Ardašīr fils de Sāsān, fondateur de la dynastie éponyme, dans une chronique anonyme du IXe siècle de notre ère (Nihāyat al-irab fī aḫbār al-Furs wa’l-‘Arab). L’A. montre par ailleurs ce que l’on pourrait désigner comme la postérité artistique de l’épisode de la guerre romano-perse entre Héraclius et Khusro II, qui se conclut par la victoire des Byzantins et la restitution de la relique de la Croix du Christ enlevée par les Perses en 614 : il livre avec beaucoup de détails les interprétations pictographiques et théâtrales de cet événement, spécialement l’intervention de l’empereur à Jérusalem venu restituer la relique au Saint Sépulcre (p. 266-285). Le rapprochement diplomatique entre Rome et la Perse face à la menace turco- ottomane vers 1458 explique largement le nouvel engouement pour la Perse antique dans la capitale, qui s’exprime particulièrement par la reprise de thèmes littéraires bibliques et hagiographiques chrétiens d’abord (Tobie, Judith, Daniel et Cyrus, Esther et Assuérus, les mages évangéliques, les apôtres Simon et Jude, le recouvrement de la Sainte Croix), mais aussi profanes (Zoroastre, la Sybille, Alexandre). Une bibliographie fort développée vient clore cet ouvrage, suivie d’un ensemble de Tables en couleur sur papier glacé (p. 379-426). Ce cahier constitue un très précieux auxiliaire de lecture en même temps qu’il permet au lecteur de mesurer l’ampleur des échanges et de l’influence de la Perse dans la capitale romaine : fresques des catacombes, illustrations provenant de manuscrits médié- vaux latins, fresques murales sur les parois de cloîtres ou d’églises, peintures, stucs… Plusieurs indices viennent clore l’ensemble : l’un répertorie commodé- ment les manuscrits consultés à la Bibliothèque apostolique du Vatican et aux Archives secrètes du Vatican, mais aussi à Florence et à Rome (p. 427) ; un autre est consacré aux noms propres (p. 428-459) et un troisième aux toponymes incluant les églises et bâtiments culturels (p. 460-466). On ne peut que saluer cette magnifique synthèse, ce travail d’érudition et la grande richesse des données livrées au lecteur. Cette recherche originale apporte une contribution importante sur les relations entre Orient et Occident en même temps qu’elle concourt à la préservation de la mémoire d’un patrimoine historique unique.

Christelle JULLIEN (CNRS, Mondes iranien et indien) C O M P T E S R E N D U S 313

DE SILVA Y FIGUEROA, Don García, Comentarios de la Embaxada al Rey Xa Abbas de Persia (1614-1624), volumes 1 et 2 (texte), éd. Rui Manuel Loureiro, Ana Cristina Costa Gomes et Vasco Resende, Lisbonne : Centro de História de Além-Mar, Estudos & Documentos, 2011 ; vol. 1, p. 1-380, 14 planches hors texte, ISBN 978-989-8492-08-01; vol. 2, p. 385-701. ISBN 978-989-8492-09-08 ; vol. 4 : LOUREIRO, Rui Manuel ; Vasco RESENDE, (éds.), Estudos sobre Don García de Silva y Figueroa e os «Comentarios» da embaixada à Pérsia (1614- 1624), Lisbonne : Centro de História de Além-Mar, Estudos & Documentos, 2011, 496 p., 30 planches hors texte. ISBN 978-989-8492-03-06. Cette imposante édition critique (vol. 1 et 2) est accompagnée de deux volumes d’études. Il nous a été impossible de prendre en considération ici le volume 3 qui contient les notes sur les Comentarios mais nous nous réservons d’en donner un compte-rendu ultérieurement. Le quatrième volume est consacré à Don García de Silva y Figueroa. La figure de ce voyageur espagnol, né en 1550 et mort en 1624, et qui avait été envoyé par le roi d’Espagne Philippe III à la cour de Šāh ‘Abbās Ier, méritait depuis longtemps d’être reconsidérée à partir d’une nouvelle édition critique de son témoignage. Les chercheurs qui se sont attachés à cette tâche l’ont fait d’une façon admirable en ajoutant des recherches sur divers points particuliers qui apportent nombre de données inédites. De ce point de vue, ce volume marque un progrès dans notre connaissance d’une source que l’on pouvait étudier jusqu’à présent seulement au travers d’éditions et de traductions anciennes ; on pourra mentionner ici la traduction française d’Abraham de Wicquefort (Paris 1667) qui se basait sur une copie manuscrite incomplète. Une portion restreinte du texte fut publiée en espagnol par Don Eugenio Llaguno y Amírola (1782), en supplément d’un volume consacré à la Historia del Gran Tamorlan par Ruy González de Clavijo. Enfin, des années 1903-1905 date une autre édition, intégrale, du texte, due à Manuel Serrano y Sanz, basée sur un seul manuscrit (A dans cette édition) qui eut une diffusion très réduite à cause de son tirage limité à 300 exemplaires. La présente édition se base sur deux manuscrits, le Ms. 18217 de la Bibliothèque nationale d’Espagne (ms. A) de 585 feuillets, autographe dont la date se situe entre 1614 et 1624, et le ms. 17629 (ms. B), un apographe de la même bibliothèque (exemplaire de luxe de 448 feuillets) qui est une copie postérieure où sont corrigées les nombreuses erreurs du ms. A et qui renferme aussi les livres III et IV. Le deuxième volume de la présente édition contient une note par Joan-Paul Rubiés qui nous signale l’existence d’un troisième manuscrit (C) conservé à la British Library (Ms. Sloane 2846) qui, bien que n’incluant pas la reproduction des dessins présents dans A, se révèle pratiquement identique au ms. B. Rubiés suppose de toute façon l’existence d’une copie intermédiaire (P) aujourd’hui disparue, et affirme que le manuscrit C a eu une valeur secondaire pour l’édition (« Nota sobre un Tercer Manuscrito de los Comentarios », dans II, p. XI-XIII). Pour avoir une idée de la biographie de Don García de Silva y Figueroa, on pourra se référer à un savant article en espagnol de Luis Gil qui figure dans le quatrième volume (IV, p. 3-83). On y apprend que Don García était issu d’une famille de diplomates espagnols actifs en Europe et en Asie, et que le futur ambassadeur en Iran avait commencé sa carrière comme corregidor y justicia 314 C O M P T E S R E N D U S StIr 43, 2014

(officier de justice) à Jaen où il avait mis en place sur ordre de Philippe II cinq compagnies d’infanterie et une de cavalerie destinées à combattre les Anglais. Après avoir exercé cette charge dans d’autres villes, il était arrivé à Madrid où, en 1610, il fut chargé d’accompagner Robert Sherley pour son voyage de retour de Perse. Il ne repartit qu’en 1614 quand, de Lisbonne, il leva l’ancre pour Goa qu’il rejoignit avec Cocha Sefer (Khāja Safar) le 6 novembre 1614 avec une flottille de cinq bateaux. Là, il fut mis en prison à cause d’un litige lié aux frais de l’ambassade, et resta trois ans en cette condition avant de reprendre son chemin pour Hormuz qu’il rejoignit en mai 1617. Enfin il arriva à Qazvin le 15 juin 1618. Du point de vue politique, son ambassade n’eut aucun résultat extraordinaire, ceci principalement à cause de différends assez vifs avec le Shah. Figueroa se rendit ensuite à Ispahan et à Hormuz d’où il reprit sa route vers Goa le 19 novembre 1619. Une série de mésaventures l’atteignirent durant son voyage de retour ; en outre la dramatique situation politique d’Hormuz, ainsi que d’autres désastres, précédèrent sa mort en 1624. Luis Gil ajoute à ce riche chapitre biogra- phique un addendum sur ce que Don García « n’a pas raconté» (IV, p. 48-56). L’importance du témoignage de Don García de Silva y Figueroa ne réside donc qu’en partie dans les buts politiques de sa mission et c’est plutôt la sensi- bilité culturelle « humaniste » de l’auteur, plusieurs fois évoquée, et l’attention qu’il a porté à la Perse, qui lui confèrent tout son intérêt. On notera dans les Comentarios la description des différentes villes visitées, comme Hormuz avec sa forteresse, son port, et les peuples qui l’habitent, y compris ceux des îles et des régions qui l’entourent (I, p. 183-196). Dans son itinéraire en direction de Qazvin, Don García traversa différentes villes, comme Lar (I, p. 200-221) et Shiraz (I, p. 221-270). De là l’ambassadeur rejoignit Chilminara (Čehel-minār ; Persepolis), sur laquelle il a laissé un très important témoignage (I, p. 270-286) qui nous est parvenu aussi avec des dessins dans le Ms. 18217 de la Bibliothèque d’Espagne (vol. I, où ils sont reproduits, voir les planches 7-14). Le séjour à Ispahan (Spahan) est surtout remarquable surtout pour la description des monuments que Šāh ‘Abbās Ier était en train d’y construire : à savoir le Meydān-i Šāh (Maidan) où allait surgir une nouvelle « somptuosissima mezquita », qui n’était pas encore terminée et qui apparaissait sur un côté de la grande place (I, p. 298-315). Le premier volume se termine avec le récit du retour à Qazvin où est insérée une notice importante sur les conflits lié à la défense de Hormuz (I, p. 315-380). Le deuxième volume commence avec le Ve livre des Comentarios, où est insérée la notice sur Tamerlan (Vida de Tamorlan, II, p. 394-417) qui est tirée de différentes sources comme Ḫwāndamir, et Mirḫwānd (Condamir et Mirhon), ainsi que Califa (Ḥājji Ḫalifa) et « Emir Alixir » (Mir ‘Ališir ?). Ici l’auteur reprend le débat infini sur la question de la cage où Timur aurait renfermé Beyazid Ier, en contestant cette légende suivant les sources « persanes », mais il fait aussi référence aux sources classiques pour compléter la description suivant une méthode déjà souvent adoptée dans le passé (voir par ex. Giovio en Italie ou, pour l’Espagne, Pero Mexia). C’est seulement après cette digression sur Timur que continue la description des Noticias de Persia. On y trouvera un itinéraire fascinant passant par la Médie, la mer Caspienne, le Gilān, Tabriz, Sulṭāniyya, C O M P T E S R E N D U S 315 l’Arménie, la Géorgie, Darband, Bakou et enfin Erzinjān, Amasya, et allant vers l’Euphrate (II, p. 417-444). La Mésopotamie est l’objet d’une description parti- culière qui inclut l’Anatolie orientale et la Syrie. On y trouve Caramit (Qara Amid), Urfa, Palmira et enfin Bagdad, où l’auteur s’attarde dans une longue digression sur Babylone et Séleucie-Ctésiphon. Enfin, Figueroa rejoint Bassora d’où il gagne Baḥrayn et où il peut observer une forteresse tenue par les Persans après que Šāh ‘Abbās Ier en eut expulsé les Portugais (II, p. 444-486). Le VIe livre est consacré au voyage de Qazvin à Goa et décrit encore l’itinéraire de Qazvin à Ispahan, ainsi que les échanges diplomatiques qui se déroulent dans cette ville (II, p. 489-554) ; enfin, c’est le récit du voyage d’Ispahan à Shiraz et, de là, à Hormuz (II, p. 554-596) d’où Figueroa s’embarque pour Goa (II, p. 596-613). Le VIIe livre est consacré au retour de Goa à Lisbonne (II, p. 616-701). Parmi les articles non encore cités du quatrième volume, on signalera les suivants : Luis Gil, « La Epistola de rebus Persarum de don García de Silva y Figueroa », IV, p. 62-83), où Gil mentionne un traité en latin sur la Perse de 16 pages, que Figueroa composa à l’époque de son séjour à Goa. Joan-Paul Rubiés « A Dysfunctional Empire ? The European context to Don García de Silva y Figueroa’s embassy of Shah Abbas », p. 85-133), une étude consacrée au contexte politique et militaire d’une possible alliance antiturque entre le royaume d’Espagne, uni au Portugal depuis 1580, et les Safavides. Le même Rubiés est l’auteur de la « Relación de la Embaxada que hiço en Persia Don García de Silva y Figueroa (1620) by his secretary Saulisante », IV, p. 135-172) où, d’après deux manuscrits de la British Library – anonymes mais identifiés par Rubiés comme étant du secrétaire personnel de Figueroa, Saulisante –, sont décrites les difficultés de l’ambassadeur pendant son séjour. José Manuel Garcia dans son « García de Silva y Figueroa e o contexto de sua passagem por Lisboa » (IV, p. 173-181) décrit la réaction de forte antipathie des Portugais envers Figueroa et son ambassade, tandis que José Manuel Malhão Pereira dans son « Aspectos náuticos das viagens por mar de D. García de Silva y Figueroa entre 1614 e 1624 » (IV, p. 183-205), nous informe sur les difficultés qui pouvaient surgir dans l’itinéraire suivi par le pilote qui conduisit notre ambassadeur. Ângela Barreto Xavier « Entre a curiosidade e a melancolia. Deambulações pela Goa de Don García » (IV, p. 207-243) compare les Comentarios à d’autres textes contemporains à propos de la description de Goa et se lance dans une digression plus générale sur le concept de mélancolie à l’époque de l’auteur. Carla Alferes Pinto dans son « Presentes ibéricos e “goesesˮ para Abbas I : A produção e consume de arte e os presentes oferecidos ao Xá de Pérsia por D. García de Silva y Figueroa e D. frei Aleixo de Meneses » (p. 243-278), nous éclaire sur un aspect important de l’ambassade de Figueroa : les cadeaux. C’est un épisode qui met en jeu l’entremise des augustins auprès de la cour du Chah et leur observation attentive des goûts du souverain. Les témoignages du frère Antonio de Gouveia et du frère Aleixo de Meneses qui précédèrent l’ambassade de Figueroa, apparaissent particulièrement intéressants. Willem Floor « At Royal Court of Shah ‘Abbas I (1589-1629) » (IV, p. 279-298) décrit, en faisant appel aux sources persanes, la grande mobilité de la cour de Šāh ‘Abbās Ier qui se déplaçait très fréquemment. Vasco Resende dans ses « Itinéraires 316 C O M P T E S R E N D U S StIr 43, 2014 et voyageurs portugais en Perse safavide » (IV, p. 299-312) montre la différence entre le récit de Figueroa et celui de ses contemporains portugais. On signalera aussi les articles de Caroline Mawer « Travelling in Safavid Persia : Following in the footsteps of Don García de Silva y Figueroa » (IV, p. 313-343) ; Francesco Caramelo « Visões da antiguidade nos Comentarios de Don García de Silva y Figueroa » (IV, p. 345-366) ; Zoltán Biedermann, « Um viajante sem mapas ? Figueroa e a cartografia da Pérsia » (IV, p. 366-393). Dans son « The Encounter between Pietro della Valle and García de Silva y Figueroa at the Safavid court of Shah ‘Abbas I » (IV, p. 395-409), Elio Brancaforte s’intéresse à la rencontre entre Della Valle et Figueroa qui eut lieu en 1618. De nouveau Juan Gil aborde une autre question concernant la personnalité de Figueroa et son rapport avec la famille portugaise des Nogueira, dans son « D. García de Silva y D. Vicente Nogueira » (IV, p. 411-450). Maria João Pacheco Ferreira traite du commerce de la soie persane par les Portugais dans son « Os portugueses e o negócio da seda persa : A participação lusitana no comércio da seda no início do século XVII » (IV, p. 451-484). Les trois volumes dont on vient ici de faire le compte-rendu, sont le résultat d’un grand effort d’édition et vont bien au-delà. Nous trouvons très heureux le choix d’avoir fait accompagner cette édition de riches commentaires (l’absence du 3e volume nous a malheureusement empêché d’avoir une idée encore plus complète des matériaux) et d’un corpus d’articles de recherches faits autour du témoignage de Figueroa. Il faut souligner la qualité éditoriale indiscutable des volumes. Cette entreprise fait progresser considérablement nos connaissances, sans compter que les éditeurs nous livrent ici un outil de travail très important pour les recherches historiques.

Michele BERNARDINI (Università di Napoli « l’Orientale »)