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Nuit blanche, magazine littéraire

Jean Grenier (1898-1971) Bruno Curatolo

Numéro 144, automne 2016

URI : https://id.erudit.org/iderudit/83499ac

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Éditeur(s) Nuit blanche, le magazine du livre

ISSN 0823-2490 (imprimé) 1923-3191 (numérique)

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Citer cet article Curatolo, B. (2016). Jean Grenier (1898-1971). Nuit blanche, magazine littéraire, (144), 48–51.

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Par Jean Grenier tenant un masque copte (1970) BRUNO CURATOLO*

« Il est facile de se forger une bonne conscience grâce à l’amour du lointain » (La vie quotidienne). Il ne fait pas de doute que l’auteur de cet aphorisme apparaît comme un profil singulier dans le paysage littéraire du XXe siècle et son œuvre, riche et diverse, en est l’illustration.

ean Grenier (1898-1971) est né à mais c’est contributions qu’il donna à La Nouvelle Revue française à Saint-Brieuc, en Bretagne, qu’il passa son en- au moment où prenait la succession de fance et son adolescence ; il fut reçu à l’agrégation Jacques Rivière. de philosophie en 1922, et occupa de nombreux Jpostes de professeur à l’étranger avant d’obtenir la Chaire d’esthétique et de sciences de l’art en Sorbonne où il finit Le maître d’ sa carrière en 1968, l’année même où lui fut décerné le On ne connaît sans doute pas assez le rôle que Jean Grenier Grand Prix national des lettres. Quant à son entrée en a joué auprès d’Albert Camus, son brillant disciple et grâce littérature, on peut la dater de 1927, avec les premières auquel d’ailleurs l’existence du maître perdure dans la

No 144 • NUIT BLANCHE • 48 ÉCRIVAINS MÉCONNUS DU XXe SIÈCLE

L’homme qui ne reconnaît pas de valeurs tenant à la négation opposée par l’auteur de La peste à la est parfaitement libre. Cet homme, suivant possibilité de croire à une transcendance non humaine. Lao-Tzeu, considérant le laid comme cor- rélatif du beau et le mal comme corrélatif Méditerranée et océan du bien, demeure à l’écart et laisse devenir En effet, donnant volontiers dans la polémique, s’en prenant les êtres ce qu’ils doivent devenir sans les à l’« esprit d’orthodoxie » ou à l’existentialisme sartrien, contrecarrer. Rien ne vaut à ses yeux, et Grenier a prôné, s’inspirant du taoïsme – qu’il a contribué même rien n’existe à l’état de nature dis- à introduire en France –, l’« inexistentialisme », à savoir le tincte. C’est de l’inexistentialisme, puisque retour à la nature. Et chantre de la nature comme source de les termes de l’équation du monde finale- la sagesse, il l’a été à travers ses textes narratifs qui présen- tent cette forme curieuse d’être des récits, d’enfance ou de ment s’annulent. Plus de valeurs. voyages, mais largement entrecoupés de développements C’est bien de retour à la Nature qu’il que l’on peut attribuer à une réflexion philosophique. s’agit dans cet inexistentialisme. Cette relation entretenue avec la nature est régie par le temps – ontolo