Chapitre VIII. Structure Et Dynamiques Des Espaces Tauromachiques Américains
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Jean-Baptiste Maudet Terres de taureaux Les jeux taurins de l'Europe à l'Amérique Casa de Velázquez Chapitre VIII. Structure et dynamiques des espaces tauromachiques américains Éditeur : Casa de Velázquez Lieu d'édition : Casa de Velázquez Année d'édition : 2010 Date de mise en ligne : 8 juillet 2019 Collection : Bibliothèque de la Casa de Velázquez ISBN électronique : 9788490962459 http://books.openedition.org Référence électronique MAUDET, Jean-Baptiste. Chapitre VIII. Structure et dynamiques des espaces tauromachiques américains In : Terres de taureaux : Les jeux taurins de l'Europe à l'Amérique [en ligne]. Madrid : Casa de Velázquez, 2010 (généré le 02 février 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cvz/7734>. ISBN : 9788490962459. chapitre viii Structure et dynamiques des espaces tauromachiques américains La présence de la corrida est l’un des critères les plus efficaces pour diffé- rencier les pays d’Amérique possédant des traditions tauromachiques au sein d’un vaste ensemble où le rodéo, dans des versions diverses, est la marque dominante d’une culture commune. La corrida tisse de façon très évidente des liens économiques, historiques et culturels entre l’Europe et l’Amérique. Les rodéos constituent une pratique panaméricaine qui pourrait se passer de toute référence à la corrida espagnole, s’il n’était aussi question de comprendre leur filiation historique et d’analyser les relations territoriales qu’ils contribuent à façonner en raison de leur dissociation et de leur coexistence. De plus, nombre de pratiques tauromachiques populaires mettent à mal la distinction catégo- rielle entre les rodéos et la corrida qui, au niveau des spectacles professionnels, apparaît pourtant sans ambiguïté. Certaines pratiques populaires maintenues dans un état de codification élémentaire se jouent des clivages apparemment incontestables entre corrida et rodéo. Il en résulte une organisation territoriale des pratiques complexe où se côtoient des frontières franches, des frontières floues, des coexistences et des continuums allant jusqu’à rendre invisible le pas- sage d’un jeu taurin à l’autre. L’espace tauromachique américain est appréhendé à l’échelle des États- nations qui demeurent les cadres spatiaux les plus appropriés pour analyser les relations territoriales véhiculées par les pratiques tauromachiques. Une nou- velle fois, afin de pallier ce que les analyses nationales laisseraient à la marge, l’attention est portée sur la question des frontières qui apparaissent comme de véritables supports matériels et idéologiques de différenciation : les frontières des pratiques tauromachiques qui ne respectent guère les cadres territoriaux et les frontières des pays qui participent en retour aux discontinuités de l’espace tauromachique. Enfin, l’évolution récente de certaines pratiques tauroma- chiques et de leur ancrage territorial, loin de représenter de simples retouches au sein d’une géographie héritée d’un cadre ancien, manifestent au contraire un important dynamisme en phase avec les transformations géopolitiques contemporaines. Terre des taureaux.indb 319 16/09/10 08:56 320 espaces et territoires de la tauromachie I. — L’espace tauromachique mexicain : corrida, charrEada, jaripEo et rodEo Le Mexique est un pays taurin aux pratiques multiples, souvent liées les unes aux autres de façon complexe. Deux spectacles codifiés dominent les pratiques et les représentations : la corrida et la charreada. La pratique fondée sur la monte des taureaux est ramifiée entre plusieurs jeux et spectacles : jaripeo, rodéo nord-américain et charreada dans laquelle la monte n’est qu’un exercice parmi d’autres. Au cœur du plateau central mexicain où se situent les principaux foyers de peuplement, la forte densité des pratiques tauromachiques délimite le cadre de leur coexistence spatiale et le terrain principal de leur articulation. Avec l’éloignement du centre apparaissent des profils régionaux distincts où les pra- tiques tauromachiques se combinent différemment. Ces profils révèlent alors des clivages nord-sud et est-ouest, des logiques centre-périphéries et des formes d’organisation spatiale qui tiennent aux dynamiques transfrontalières et à la place des États-Unis. La corrida au Mexique ou le géant taurin de l’Amérique latine L’Institut National des Statistiques (INEGI) publie chaque année un bulletin récapitulatif des activités culturelles, sportives et récréatives qui se sont dérou- lées dans le pays1. Dans ce document, les activités qui intéressent notre sujet sont réparties entre, d’un côté, les courses de taureaux et de l’autre, les charreadas et jaripeos, sans que l’on puisse d’aucune manière les différencier. Cette source d’information officielle, en apparence inestimable, se révèle décevante en raison d’une collecte incomplète des données. Pour l’année 2003, L’INEGI déclare que se sont déroulées 301 courses de taureaux (majeures et mineures confondues), réparties dans 14 États sur les 32 entités fédératives existantes. Dans ce classe- ment, s’illustrent les États de Jalisco, Distrito Federal, Querétaro, Aguascalientes et Zacatecas qui concentreraient 65,4 % des programmations. Le bilan géné- ral fait état de 830.733 spectateurs payants dont 530.073 assistants aux corridas de toros. Tous ces chiffres sont contestables mais offrent une ébauche acceptable de la forte concentration des spectacles taurins dans la zone centrale du pays. Cepen- dant ces données doivent être revues à la hausse et l’aire d’extension de la pratique, élargie. En ne comptabilisant pourtant que les spectacles majeurs, là où les statis- tiques officielles enregistrent tous les types de courses de taureaux, les données de Mundotoro doublent les chiffres de l’INEGI (voir graphique 11, p. 322). Grâce aux informations transmises par Luis Ruiz Quiroz, considéré comme l’un des meilleurs spécialistes des questions statistiques touchant aux courses de taureaux au Mexique, nous pouvons détailler ces chiffres. En 2005, parmi les spec- 1 INEGI, Estadísticas de Cultura, Cuaderno n° 8, 2003. Terre des taureaux.indb 320 16/09/10 08:56 espaces tauromachiques américains 321 San Diego San Luis Río Colorado Tijuana Mexicali El Paso Tecate Douglas Agua Prieta Ciudad Juárez Sonora Chihuahua Ciudad Acuna Baja California Hermosillo Chihuahua Piedras Negras Laredo Nuevo Laredo Hidalgo de Parral Juárez Coahuila Sinaloa Durango Torreón Monterrey Brownsville N Saltillo Reynosa Matamoros 0 300 km Durango Zacatecas Baja California Sur Santiago Nuevo Tamaulipas León Zacatecas Cabo San Lucas Yucatán Cancún Mérida Campeche Qintana Roo Campeche Tabasco Oaxaca Chiapas Guatemala ã Zacatecas San Luis Potosí San Luis Potosí Aguascalientes Nayarit Lagos de Moreno Veracruz Guadalajara León San Miguel de Allende Jalisco Hidalgo Guanajuato Querétaro Ciudad Satélite Morelia Mexico Huamantla Sources croisées par J.-B. Maudet : Colima DF Xico L. Ruiz Quiroz (données privées) México Tlaxcala Michoacán Morelos F. Saumade, Maçatl PBR.com Puebla Enquête de terrain, 2002 Guerrero Puebla 0 300 km Réalisation : J.-B. Maudet, 2009. Légende Forte présence des jaripeos Cancún : 52 courses de taureaux en 1990 Ville étape du Pro Bull Riders 20 courses de taureaux (Mexico) Foyer de novilladas et de courses populaires (2006) Fortes dynamiques taurines 10 courses de taureaux (Aguascalientes) Pamplonada réputée transfrontalières 5 courses de taureaux (Ciudad Juárez) Foyer dense de charreada (ouest et centre) Jalisco État mexicain 3 courses de taureaux 1 course de taureaux Forte présence des charreadas Hautes terres et montagnes Carte 13. — Tauromachies au Mexique Terre des taureaux.indb 321 16/09/10 08:56 322 espaces et territoires de la tauromachie tacles majeurs se sont déroulées 355 corridas. Ce total est inférieur à la moyenne des années 1980 qui est de 415 corridas, sans que l’on puisse pour autant parler actuellement de véritable crise de la tauromachie au Mexique ainsi que l’écrivent parfois les médias. Ici les analyses des medias oscillent souvent sans nuance entre l’irrémédiable disparition de la tauromachie ou son incommensurable impor- tance, ces jugements ne s’appuyant jamais sur des données quantitatives étayées. Graphique 11. — Spectacles taurins majeurs au Mexique (2001-2005) 700 596 617 600 567 500 485 472 400 300 200 100 0 2001 2002 2003 2004 2005 L’une des particularités à souligner dans ce bilan est la place importante de la tauromachie à cheval. Le plus souvent, elle est associée à la tauromachie à pied puisque dans un tiers des spectacles un rejoneador est à l’affiche avec des matadors (117 courses sur 355). Aussi est-il moins étonnant de trouver en tête des professionnels taurins Espagnols venant toréer au Mexique un rejoneador : le navarrais Pablo Hermoso de Mendoza. En 2002, avec 65 contrats, il bat le record du nombre de courses toréées au Mexique par un Européen lors d’une même année, record jusqu’alors détenu par le torero à pied « El Cordobés » avec 50 contrats. Ce détail confirme le succès plus général des pratiques taurino- équestres au Mexique. De l’aveu du cavalier : « Il y a beaucoup de personnes qui viennent voir mes corridas et qui ne sont pas des aficionados, ils y viennent par leur passion pour le cheval, la charrería et l’équitation »2. Voici un premier témoignage qui atteste d’une certaine perméabilité entre corrida et charreada, à l’opposé d’une conception qui en ferait des passions étanches. Pour une comparaison sommaire entre les deux géants taurins européens et américains observons que le Mexique programme quatre fois moins de spec- tacles majeurs que l’Espagne et trois fois moins de corridas de toros. Le nombre annuel de spectateurs doit avoisiner les 2 millions sans compter les spectacles 2 Aplausos, n° 1281, lundi 15 avril 2002, p. 27. Terre des taureaux.indb 322 16/09/10 08:56 espaces tauromachiques américains 323 mineurs sur lesquels nous avons peu d’informations. Sur ce point, une indication d’une grande valeur nous est donnée dans l’ouvrage de Luis de Tabique de 1955 intitulé Guía de América taurina3 . L’auteur y recense pas moins de 2.701 spec- tacles taurins classés en trois catégories : 215 corridas de toros, 704 novilladas avec du bétail de caste et 1.782 avec du bétail créole et de demi-caste.