Les Beaux Jours Du Tabac Dunkerquois
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loisirs les informations de l’art de vivre Patrimoine Les beaux jours © Musée portuaire du tabac dunkerquois © Direction des Musées de Dunkerque, MBA - Hugo Maertens ▲ Étiquette de tabac dunkerquois datant du XVIIIe siècle. 1- Pot à tabac en faïence de Delft estampillé « Duinkerker » (XVIIIe siècle). ▲ Situé en Citadelle, l’entrepôt des tabacs a été exploité durant un siècle de 1871 à 1972. © Musée portuaire Apparues au milieu du XVIIe siècle, les fabriques bac exotique sont inversées. Désormais, les 1 feuilles séchées de Virginie ne représentent de tabac ont assuré à Dunkerque prospérité et ▲ Les balles de tabac débarquées à Dunkerque sont destinées à alimenter la manufacture des tabacs de Lille. plus qu’un tiers du produit fini. Si cette as- tuce permet de réduire le coût de revient, la richesse durant près d’un siècle et demi. À son Un régime fiscal très cès. Aucun tabac étranger ne peut supporter Suisse, en Angleterre, en Italie et au qualité de la marchandise s’en trouve sensi- apogée, cette activité mobilisait le quart de la avantageux la concurrence de la production locale, Danemark. Sa réputation est alors telle blement affectée. Les faillites se poursui- Soucieux de se concilier les exempte de taxes. Les manufactures de ta- qu’on commence à l’exporter en Amérique vent. En 1768, on ne dénombre plus qu’une population locale. Un record jamais égalé. faveurs de ses nouveaux su- bac se multiplient. Au milieu du XVIIIe siè- où certains négociants ne jurent que par les trentaine d’établissements pour moins de jets, Louis XIV accorde en ef- cle, une soixantaine de fabriques occupent carottes* estampillées « Dunkerque ». 2000 ouvriers. Le destin de cette industrie écouvert sur l’île de Cuba par dans les villes et les ports des fet aux Dunkerquois le droit environ 4000 personnes, soit le quart de la Malheureusement, l’âge d’or touche déjà à repose alors sur les seules épaules des 26 Christophe Colomb et ses com- Pays-Bas espagnols. Bientôt, de conserver leurs privilèges population. En seulement quelques décen- sa fin. En 1749, Louis XV instaure une lour- smogglers anglais, des trafiquants côtiers 27 pagnons en 1492, le pétun quelques exploitants agricoles et ainsi que les franchises sur le nies, Dunkerque devient l’un des principaux de taxe sur les tabacs importés. Les prix qui, en dépit des lois et des conflits, vien- (nom indigène désignant le ta- entrepreneurs éclairés se mettent à trafic portuaire. Réputée ville centres de production et de diffusion du ta- s’envolent et les ventes s’effondrent. nent s’approvisionner en tabac à Dunkerque D bac) est ramené en Europe sept cultiver cette plante et à produire étrangère, Dunkerque bénéficie bac en Europe. pour ensuite le revendre dans leur pays. ans plus tard pour être étudié par les leur propre tabac qu’ils mélangent à alors d’un régime fiscal très avan- Un déclin annoncé meilleurs botanistes et médecins de l’époque. celui récolté dans les colonies d’Amérique. tageux qui permet aux marchands, négo- Un tabac de première qualité Des dizaines d’ateliers ferment leurs portes Une solution provisoire: D’abord utilisé comme plante d’ornement D’importantes cargaisons de feuilles séchées ciants et autres fabricants de commercer li- Par un savant mélange de tabac blond pro- ou émigrent de l’autre côté de la frontière, le smogglage puis comme herbe médicinale, le tabac de- sont alors importées et débarquées à Dun- brement et d’être exonérés d’impôts. Attirés venant de Virginie ou de Saint-Vincent (île notamment à Nieuport. En 1750, 600 fa- Du 1er janvier 1765 au 1er janvier 1785, près vient dès la fin du XVIe siècle un produit que kerque pour alimenter les manufactures in- par cette perspective et ses retombées poten- des Antilles anglaises) et de tabac « noir » milles employées dans cette industrie quit- de 19000 bateaux smogglers seraient ainsi l’on consomme par pur plaisir. Les premiers stallées à Saint-Omer. Notre cité n’est alors tielles, quelques maîtres tabaquiers audoma- cultivé dans la région, les fabricants locaux tent Dunkerque. Pour survivre et rester com- entrés à Dunkerque. Et on estime que pour tabacos (cigares) font ainsi leur apparition en qu’un simple port de transit. Un statut qui va rois quittent leur région d’origine pour venir sont en effet parvenus à créer un produit au pétitifs, les fabricants sont contraints de la seule année 1778, 1356000 livres de ta- Flandre vers 1590, probablement introduits rapidement évoluer après le rachat de la ville s’installer dans la cité corsaire. Leur entre- goût incomparable qui se vend dans toute modifier la composition de leurs carottes. bac auraient traversé la Manche. Si les ma- par les marins et soldats installés en garnison par le roi de France en 1662. prise est immédiatement couronnée de suc- l’Europe, particulièrement en Allemagne, en Les proportions de tabac indigène et de ta- nufacturiers dunkerquois profitent de la Dunkerque Magazine - N°180 - Novembre 2007 Dunkerque Magazine - N°180 - Novembre 2007 loisirs Le saviez-vous ? Dunkerque Flandre afin de prêcher la bonne à l’origine de parole, il s’arrêta un jour dans une petite bourgade bordant la la légende de mer du Nord (la future ville de Dunkerque). Tandis qu’il tentait saint Martin d’évangéliser les familles de pê- cheurs, son âne, attiré par les l est de tradition dans nos ré- nombreux chardons du voisina- gions qu’au soir du 10 no- ge, s’éloigna et disparut. À la I vembre les enfants défilent nuit tombée, les enfants du pays dans les rues en chantant et en se mirent à sa recherche et le brandissant des lanternes en for- retrouvèrent dans les dunes en me de tête, sculptées dans des train de manger des chardons et betteraves à sucre. Cette ancien- des oyats. Pour les récompenser, ne coutume, tombée en désuétu- le célèbre missionnaire transfor- de durant la Grande Guerre et ma les petites crottes de sa mon- réhabilitée peu avant la Seconde Martin, devenu évêque de Tours ture en brioches à la forme ca- Guerre mondiale, connaît depuis en 371, joua un rôle déterminant ractéristique que l’on appelle un grand succès auprès des plus dans la christianisation de la folards (voolaeren en flamand) petits. Selon la légende, saint Gaule. Alors qu’il sillonnait la ou craquandoules. ◆ Dunkerque ou la «Dune libre» u lendemain de la Révolution, au moment où la France Le Dunkerque ou le Clemenceau ? sombre dans la Terreur, Dunkerque change de nom. La Acheté par la Communauté urbaine en 1978, l’entrepôt des tabacs abrite aujourd’hui le Musée portuaire. A Société populaire, un club très influent de la cité corsaire Sur un timbre émis à un naviguer. Il ne prit qui s’est notamment illustré sur le terrain de la déchristianisation, a contrebande pour écouler leur marchandise, L’entrepôt des tabacs peu plus de 3,5 millions d’ailleurs jamais la obtenu à la fin de l’année 1793 que la ville soit rebaptisée « Dune celle-ci devient dans le même temps la cible Pour stocker les balles de tabac importées et d’exemplaires entre mer puisque sa libre ». L’appellation de Dunkerque qui signifie en flamand « égli- des faussaires. En août 1768, les commis les caisses de produits manufacturés desti- avril 1939 et juin 1940, coque fut en partie se dans les dunes » était en effet considérée par les révolutionnaires d’Armentières saisissent ainsi du tabac fa- nées à l’exportation, la régie des tabacs a Albert Decaris, détruite lors d’un les plus virulents comme trop emblématique de l’ordre ancien. briqué dans l’Audomarois revêtu d’étiquet- besoin de vastes hangars. En 1871, la direc- dessinateur graveur de raid aérien mené C’est au cours d’une réunion organisée le 24 novembre 1793 que tes portant l’inscription: « Tabac de Saint- tion générale des manufactures d’État rachè- grand talent, a représenté par la Luftwaffe sur sont décidés la disparition du nom de Dunkerque, l’abolition de Vincent, fabrique de Morel Frères à te les entrepôts Bourdon implantés en Cita- le futur cuirassé les chantiers navals tous les cultes, l’affectation de l’église Saint-Éloi puis de l’église Dunkerque ». Pire, les Anglais se mettent à delle pour y installer un magasin de transit. « Clemenceau » en pleine brestois en 1940. Notre-Dame au culte de la Raison, et enfin le changement du nom exporter vers l’Allemagne du tabac étiqueté Partiellement détruit pendant la Seconde mer. Or ce navire dont la Pour réaliser cette des rues symbolisant l’Ancien Régime. Les Dunkerquois ne sem- « Tabac de Dunkerque ». Guerre mondiale, cet entrepôt est cédé à la construction venait gravure, Albert Decaris considéré comme l’un blent pas avoir adhéré à ce principe puisque le 10 octobre 1794, Seita (Société d’exploitation industrielle des seulement de débuter se serait donc fortement des fleurons de la marine ceux-là même qui avaient réclamé ce changement de dénomination Un monopole d’État tabacs et allumettes) qui cesse de l'exploiter (janvier 1939) n’était pas inspiré du cuirassé française. ont émis le vœu que soit redonné à la ville son nom séculaire. ◆ En 1782, on ne trouve plus qu’une vingtaine en 1972. Mis en vente deux ans plus tard, il encore en mesure de « Dunkerque » alors d’ateliers que la Chambre de commerce ten- est racheté par la Communauté urbaine qui te de sauver en réclamant en vain la suppres- entreprend de le restaurer et de le réaména- sion des taxes sur les importations. Cinq ans ger afin d’y installer en 1992 le Musée por- plus tard, les membres du tiers état réitèrent tuaire. Une institution qui concourt aujour- Dunkerque, ville natale d’un illustre poète cette demande dans le cadre des fameux ca- d’hui à préserver la mémoire de cette 28 hiers de doléances.